LA QUESTION DES RACES DANS LE POSITIVISME COMTIEN* I ...

Annie Petit - La question des races dans le positivisme comtien
II - Echos et prolongements chez les disciples
Les conceptions des "races", et des traitements théoriques et pratiques qu'on leur
doit réserver, restent des sujets brûlants dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Il faut
donc au moins évoquer rapidement la manière dont les porte-parole du positivisme
relaient Comte sur ces questions.
1 - Littré contre Renan
Souvent, Littré profite de compte-rendu critique pour exprimer ses opinions. Sur
la question des races, c'est la publication par Renan de l'Histoire générale et système
comparé des langues sémitiques 47, qui lui en fournit l'occasion. Littré en débat dans un
article de la Revue des Deux-Mondes en juillet 1857 48.
Dans le gros ouvrage de Renan, Littré apprécie l'audace de l'auteur et les qualités
complémentaires dont il fait preuve 49 ; quant au fond des problèmes abordés, Littré
comme Renan souligne l'intrication étroite des questions sur les langues et sur les races :
"Là s'est présentée sur un autre terrain la difficulté que de son côté la biologie a rencontré. Les hommes
blancs, noirs, jaunes, rouges, et tant de races intermédiaires, proviennent-ils d'un seul tronc ?" 50
1 - On soulignera d'abord que la manière même dont Littré situe le débat marque
quelque distance par rapport aux propos de son maître. Littré ne s'en tient aux trois races
colorées seules admises par Comte ; d'emblée, il les multiplie. De plus, il pose le
problème non seulement dans la dimension historique, ce que Comte faisait aussi, mais
dans la perspective d'une interrogation sur les origines et les filiations possibles des
"races", problèmes écartés par Comte au nom de la réserve positiviste. Certes, Littré
prend aussitôt acte de notre "impuissance à répondre", et aussi d'ailleurs des prudences
de Renan. Cependant, il s'engage dans l'examen et la discussion des hypothèses.
47 Voir ce texte — cité ici H.L.S — dans les Oeuvres complètes de Renan, éd.
H.Psichari, Calmann-Lévy, tome VIII. C'est la reprise d'un ouvrage que Renan avait
présenté en 1847 au concours du prix Volney.
48- Le texte a été repris dans La Science au point de vue philosophique, 1873, p. 437 et
sv.
49 Cf. Littré, La Science..., p. 438 : "Il sait les détails [...] mais il aime les généralités ;
[...] il a le goût de l'histoire ; [...] il a la patience de l'érudit, mais il met de l'ordre et de la
suite partout [...] ; il traite un sujet grammatical, mais par ce sujet grammatical, il peut et
sait toucher à des problèmes délicats de psychologie et d'origine".
50 La Science ..., p. 451.
14