LA QUESTION DES RACES DANS LE POSITIVISME COMTIEN* I ...
LA QUESTION DES RACES DANS LE POSITIVISME COMTIEN* I ...
LA QUESTION DES RACES DANS LE POSITIVISME COMTIEN* I ...
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
Annie Petit - La question des races dans le positivisme comtien<br />
nous ne reconnaissons que des différences d'intensité. Toutes les supériorités individuelles ou collectives<br />
ne représentent que la culture plus spéciale et plus prolongée d'une aptitude qui dans le principe a existé<br />
à peu près également chez tous" 65 .<br />
On rappellera d'ailleurs que Laffitte a manifesté expressément l'intérêt porté aux<br />
civilisations non occidentales. Il a étudié d'assez près l'extrême Orient, lui consacrant en<br />
1861 un ouvrage : Considérations générales sur la civilisation chinoise et sur les<br />
relations de l'Occident avec la Chine. De plus sa sélection des "grands types de<br />
l'humanité" le traduit : par rapport aux choix du Calendrier positiviste de Comte, il<br />
innove en réservant son premier cours tout entier aux théocraties orientales et en<br />
promouvant Manou 66 ; et dans le troisième cours, consacré au Moyen-âge, la place<br />
importante faite au monachisme oriental et à l'islamisme est remarquable 67.<br />
Par-delà ces preuves d'ouverture d'esprit et les propos généreux qu'elle<br />
inspire, on remarquera cependant que Laffitte n'hésite pas vis-à-vis des racistes à utiliser<br />
des arguments quelque peu racistes. Ainsi s'en prend-il aux Allemands :<br />
"Faut-il rappeler que cette théorie des races est d'origine allemande, et qu'il a fallu toute la sagacité de<br />
nos modernes académiciens pour l'acclimater chez nous ? » ; "C'est à la vertueuse Allemagne que nous<br />
devons cette dégradante théorie des races. En cette circonstance, comme toujours, les gobe-mouches de<br />
notre littérature n'ont pas manqué l'occasion de se faire à peu de frais une réputation d'érudits et de<br />
savants. Ils n'avaient qu'à suivre des savants illustres : les Fréret, les Volney, les Letronne et les Burnouf<br />
; ils ont couru droit aux faux savants de Germanie" 68.<br />
Au premier rang de ces convoyeurs du racisme allemand Laffitte désigne Renan et son<br />
interprétation simpliste des Juifs et du mosaïsme 69. Disons que cet antigermanisme de<br />
Laffitte traduit les conditions "sociologiques" de la classe intellectuelle française après la<br />
cuisante défaite de la guerre de 1870, et donc que ses tentations de racisme anti-allemand<br />
confirme ses propres théories sur le rôle dominant de l'histoire dans la manière dont se<br />
déterminent les races !<br />
65 Ibid., p. 100-101. Voir aussi p. 61-65, et p. 82-87.<br />
66 Pour les célébrations du premier mois du Calendrier, Comte avait, sous le patronage<br />
de Moïse,sélectionné comme héros dominicaux Numa, Bouddha, Confucius, Mahomet.<br />
Dans le sous-titre du premier cours qui mentionne Moïse, Manou, Bouddha, Mahomet,<br />
la sélection de Laffitte efface le romain au bénéfice de l'hindou.<br />
67 Voir l'Affiche des 20 séances de ce cours professé en 1880-1881, reproduite dans la<br />
Revue Occidentale, octobre 1880<br />
68 Les Grands types..., I, p. 97, puis 101 ; voir aussi la critique des arguments élitistes<br />
dont, selon Laffitte, s'entourent ces Français suiveurs de mauvais Allemands : "mais aussi<br />
comme la discussion devenait facile ! Vous osez contester une proposition avancée par<br />
Gesenius Hauptmann ou Buxtorf ! mais d'abord savez-vous l'allemand ? Vous ne savez<br />
pas l'allemand et vous avez la prétention de raisonner sur ces choses ?".<br />
69 Ibid., p. 101.<br />
20