LA QUESTION DES RACES DANS LE POSITIVISME COMTIEN* I ...
LA QUESTION DES RACES DANS LE POSITIVISME COMTIEN* I ...
LA QUESTION DES RACES DANS LE POSITIVISME COMTIEN* I ...
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
Annie Petit - La question des races dans le positivisme comtien<br />
2 - La lutte contre les racismes, qui ont selon Laffitte parti lié avec les<br />
nationalismes, est si importante qu'il en fait en 1878 une des thèses directrices du<br />
programme de la Revue Occidentale. Dans le premier article du premier numéro, où<br />
Pierre Laffitte défend la "Nécessité de l'intervention du positivisme dans l'ensemble des<br />
affaires humaines", il le fait surtout en s'élevant "contre les théories des nationalités et<br />
des races, au nom desquelles le monde est désormais troublé et menacé d'une anarchique<br />
rétrogradation" ; la théorie des races surtout est "un exemple frappant du danger que<br />
présente le matérialisme physiologique lorsqu'il envahit le domaine de la science<br />
sociale" :<br />
"Le matérialisme physiologique a jugé superflu d'apprécier l'influence des générations successives, et,<br />
donnant, sous le nom de race, un caractère absolu à certains résultats acquis, il a institué une politique<br />
qui ne serait, à l'intérieur comme à l'extérieur, que l'extermination ou l'exploitation des faibles par les<br />
forts" 70.<br />
Plus tard, lorsque Laffitte développe ce que Comte avait programmé pour la<br />
"Philosophie troisième" 71, on retrouve dans la "Théorie de l'Humanité" la même virulence<br />
contre la théorie des races et la même attention portée aux formes non-occidentales de<br />
l'humanité. A celles-ci, Laffitte consacre de longues et importantes leçons - 2 pour<br />
l'Islamisme, 2 pour la Chine, 1 pour l'Inde et 1 pour le Japon. L'examen de la "Théorie<br />
des races" (en 3 leçons) occupe toute la seconde partie du cours, avec dénonciation des<br />
"erreurs actuelles", et substitution d'une "théorie positive" liée à l'affirmation réitérée de<br />
"l'unité du genre humain" et l'explication des différences par les conditions<br />
cosmologiques et sociologiques.<br />
*<br />
Des discours et théories du maître à ceux et celles des disciples, on a donc repéré<br />
bien des constances dans les positions des positivistes sur les races. Ne serait-ce que<br />
dans les ambivalences et les paradoxes que les uns et les autres illustrent chacun à leur<br />
manière. Faut-il voir les races comme des distinctions naturelles ou culturelles, et<br />
comment évaluer les seuils de distinction ? Si l'on s'en réfère à des différences naturelles,<br />
faut-il les établir d'après les corps — formes, couleurs, mensurations, facultés cérébrales,<br />
bref en renvoyant aux déterminations physiologiques ? ou bien faut-il renvoyer aux<br />
70 R.O., n°1, Mai 1878.<br />
71 - Comte avait programmé sous cette expression ce qui relevait de l'"Encyclopédie<br />
concrète" : voir S., IV, p. 246-247. Laffitte s'applique à réaliser ce programme dans une<br />
suite de cours de 1886 à 1889 : Théorie de la Terre (1886-1887) ; Théorie de l'Humanité<br />
(1887-1888), Théorie de l'Industrie (188-1889). Ces cours ont été professés en<br />
Sorbonne, salle Gerson ; les plans détaillés des Affiches ont été reproduits dans R.O.,<br />
1886, VI, p. 406 et sv, 1887 VI, p. 370-388, 1888, VI, p. 328 et sv.<br />
21