Au coeur du luxe les mots / dossier / 2012 - Comité Colbert
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Le <strong>Comité</strong> <strong>Colbert</strong> :<br />
<strong>les</strong> valeurs <strong>du</strong> <strong>luxe</strong> au Moyen-Orient<br />
Le <strong>Comité</strong> <strong>Colbert</strong> est une entité unique au monde, elle regroupe 75 maisons françaises <strong>du</strong> <strong>luxe</strong> et 13<br />
institutions culturel<strong>les</strong> qui œuvrent ensemble au rayonnement international de l’art de vivre français.<br />
Le <strong>Comité</strong> <strong>Colbert</strong> met en avant la dimension culturelle <strong>du</strong> <strong>luxe</strong> français à travers le monde. Depuis le<br />
début des années 2000, il concentre son action vers <strong>les</strong> marchés émergents. Après la Chine, la Russie<br />
et l’Inde, le <strong>Comité</strong> <strong>Colbert</strong> se manifeste depuis 2010 au Moyen-Orient.<br />
Le <strong>Comité</strong> <strong>Colbert</strong> a ainsi élaboré un programme varié d’événements, saluant <strong>les</strong> liens qui unissent la<br />
France et cette région.<br />
• le 7 juin 2010, le Prix <strong>Colbert</strong> Création et Patrimoine a été attribué à Sheikha Mai Al<br />
Khalifa, ministre de la Culture et de l’Information <strong>du</strong> Royaume de Bahrein ;<br />
• en octobre 2010, le Festival <strong>Colbert</strong>, « Icônes <strong>du</strong> style français » a été organisé à Dubaï<br />
mettant en scène des objets de rêve des maisons <strong>du</strong> <strong>Comité</strong> <strong>Colbert</strong>.<br />
En 2011, le <strong>Comité</strong> <strong>Colbert</strong> qui s’attache à dialoguer avec <strong>les</strong> cultures <strong>du</strong> monde a demandé au poète<br />
syrien Adonis de décrire en langue arabe, <strong>les</strong> concepts qui racontent le <strong>luxe</strong>, son essence et ses<br />
spécificités. Cette aventure sur <strong>les</strong> <strong>mots</strong> <strong>du</strong> <strong>luxe</strong> poursuit au delà des frontières françaises le travail<br />
d’analyse sémantique déjà engagé à la demande <strong>du</strong> <strong>Comité</strong> <strong>Colbert</strong> par le linguiste Alain Rey.<br />
Grâce à ces précieuses collaborations, l’analyse des <strong>mots</strong> <strong>du</strong> <strong>luxe</strong> a donné naissance à un ouvrage<br />
intitulé <strong>Au</strong> cœur <strong>du</strong> <strong>luxe</strong>, <strong>les</strong> <strong>mots</strong>. Il comprend le texte d’Adonis en arabe et le texte en français<br />
d‘Alain Rey préfacé par Régis Debray.<br />
Publié aux éditions Dar an-Nahar, <strong>Au</strong> cœur <strong>du</strong> <strong>luxe</strong>, <strong>les</strong> <strong>mots</strong> est présenté le<br />
auteurs Adonis et Alain Rey à l’université Sorbonne-Abu Dhabi.<br />
avril <strong>2012</strong> par <strong>les</strong>
<strong>Au</strong> cœur <strong>du</strong> <strong>luxe</strong>, <strong>les</strong> <strong>mots</strong><br />
Imaginé par le <strong>Comité</strong> <strong>Colbert</strong> et publié aux éditions Dar an-Nahar, <strong>Au</strong> cœur <strong>du</strong> <strong>luxe</strong>, <strong>les</strong> <strong>mots</strong><br />
présente en français et en arabe, <strong>les</strong> <strong>mots</strong> et <strong>les</strong> concepts qui décrivent le <strong>luxe</strong>, son essence et ses<br />
spécificités.<br />
Il ne s’agit pas de tra<strong>du</strong>ctions mais bien de deux textes d’auteurs, fins connaisseurs de leur langue et<br />
réunis dans une même démarche : se plonger au cœur des <strong>mots</strong> pour raconter le <strong>luxe</strong> et sa personnalité<br />
en arabe et en français.<br />
Le texte <strong>du</strong> poète syrien Adonis comporte deux volets. Le premier est un essai intitulé « Le <strong>luxe</strong> fait<br />
chanter la matière » dans lequel le poète met en exergue la dimension spirituelle <strong>du</strong> <strong>luxe</strong> qui<br />
singularise la culture arabe. Son essai est suivi d’un lexique <strong>du</strong> <strong>luxe</strong> où il relate l’odyssée des <strong>mots</strong> à<br />
travers l’histoire et souligne l’importance de leur musicalité.<br />
Pour le texte français, Alain Rey a exploré un corpus recueilli auprès de ceux qui font le style<br />
français : <strong>les</strong> maisons <strong>du</strong> <strong>Comité</strong> <strong>Colbert</strong>. Il en a dégagé <strong>les</strong> grands champs sémantiques et a choisi 22<br />
concepts qui <strong>les</strong> illustrent. Ce corpus rassemble <strong>les</strong> valeurs <strong>du</strong> <strong>luxe</strong> français.<br />
En contre-champ, la préface de Régis Debray interroge <strong>les</strong> paradoxes <strong>du</strong> <strong>luxe</strong> et met en évidence la<br />
place qu’y occupe le sacré.<br />
Les calligraphies de Ghani Alani et <strong>les</strong> images de Quentin Bertoux complètent la poésie des <strong>mots</strong>.<br />
AU CŒUR DU LUXE, LES MOTS. [2011]<br />
138 pages sous couv. Ill., 205 x 305 mm<br />
ISBN : 978-9953-74-326-4<br />
Publié aux Editions Dar an-Nahar, Beyrouth, Liban.<br />
Parution : 02-11-2011<br />
Prix : 15€/$20<br />
En vente en France à la Librairie La Hune (170 Boulevard Saint-<br />
Germain, 75006 Paris) et dans le réseau de librairies distribuant <strong>les</strong><br />
éditions Dar an-Nahar dans <strong>les</strong> pays <strong>du</strong> Moyen-Orient.
Les <strong>mots</strong> <strong>du</strong> <strong>luxe</strong> d’Adonis<br />
Le texte d’Adonis comporte deux volets. Le premier est un essai intitulé « Le <strong>luxe</strong> fait chanter la<br />
matière » dans lequel le poète met en exergue la dimension spirituelle <strong>du</strong> <strong>luxe</strong> qui singularise la<br />
culture arabe ainsi que la qualité sensorielle des choses de la vie quotidienne. Il montre comment <strong>les</strong><br />
manifestations <strong>du</strong> <strong>luxe</strong> s’inscrivent dans l’immatériel et l’inachevé. Son essai est suivi d’un lexique <strong>du</strong><br />
<strong>luxe</strong> où il relate l’odyssée des <strong>mots</strong> à travers l’histoire et souligne l’importance de leur musicalité.<br />
ENTRETIEN<br />
Qu’est-ce que le <strong>luxe</strong> pour la culture arabe ?<br />
Adonis : Le <strong>luxe</strong> est une notion complexe,<br />
associée à la sphère spirituelle. Il ne désigne<br />
pas l’afflux <strong>du</strong> matériel, la consommation<br />
démesurée ou l’exaltation <strong>du</strong> pouvoir d’achat.<br />
En cela, il diffère de la pompe et <strong>du</strong> faste<br />
badhkh. On peut le déceler dans une humble<br />
demeure lorsque <strong>les</strong> personnes vont au-delà de<br />
l’utilisation pragmatique des objets en donnant<br />
aux choses, un sens, une image, une beauté et<br />
une singularité. Les manifestations <strong>du</strong> <strong>luxe</strong> ne<br />
prennent source dans le matériel que pour<br />
l’élever vers un idéal.<br />
De quoi est fait cet idéal ?<br />
Adonis : Tout <strong>luxe</strong> exige l’acmé de la justesse,<br />
de la dextérité et de la finesse. Etre dans le <strong>luxe</strong><br />
ou être sur la voie qui y mène signifie que la vie<br />
telle qu’on la désire devient exceptionnelle et<br />
unique. Le sujet qui aspire au <strong>luxe</strong> est celui qui<br />
est animé par la quête de la perfection.<br />
Vous dites que le <strong>luxe</strong> est la perfection<br />
inachevée. Pouvez-vous préciser ce concept ?<br />
Adonis : Le <strong>luxe</strong> sous-tend que l’homme est<br />
habité par le désir de dépasser <strong>les</strong> limites de<br />
l’ordinaire vers ce qui est extraordinaire. Le<br />
<strong>luxe</strong> transcende toute relation à la matérialité<br />
de la consommation au profit de la puissance<br />
créatrice de l’humain. Le mouvement créatif<br />
n’est jamais arrêté, toujours en marche, dans<br />
un éternel dépassement. Le changement<br />
permanent est la condition première <strong>du</strong> <strong>luxe</strong>. Si<br />
cette marche s’arrêtait, ce dernier deviendrait<br />
répétition de ce qui est déjà connu, c’est-à-dire<br />
le banal familier.<br />
Quel rôle l’imagination joue-t-elle ?<br />
Adonis : Le chemin <strong>du</strong> <strong>luxe</strong> est celui de la<br />
création perpétuelle et de l’innovation comme<br />
manière de vivre, chemin d’indivi<strong>du</strong>alité, de<br />
singularité et l’art de susciter l’étonnement. Le<br />
<strong>luxe</strong> est ce qui interpelle l’imagination et<br />
con<strong>du</strong>it <strong>les</strong> désirs vers le rêve.<br />
Quelle place l’aspect sensoriel <strong>du</strong> <strong>luxe</strong><br />
occupe-t-il dans la langue arabe ?<br />
Adonis : Souvenons-nous des parfums et des<br />
épices charroyés, autrefois, par <strong>les</strong> caravanes<br />
sillonnant le désert d’Arabie. Souvenons-nous<br />
<strong>du</strong> khôl et des étoffes tissées importées <strong>du</strong><br />
Yémen ou de Damas, des épées ornées et <strong>les</strong><br />
jeux de course très célèbres et fort répan<strong>du</strong>s,<br />
sans oublier la femme indolente choyée na’ûma<br />
ad-<strong>du</strong>ha immortalisée par le poème d’Imru’u<br />
al-Qyas. Est-il besoin de revenir sur <strong>les</strong><br />
civilisations antiques comme <strong>les</strong> civilisations<br />
pharaonique, babylonienne, phénicienne,<br />
yéménite… lorsque la vie était une pratique<br />
artistique de l’existence ? Le <strong>luxe</strong> y était art de<br />
vivre, plaisir de l’esprit, félicité de l’âme et<br />
volupté des sens.<br />
<strong>Au</strong>-delà de la matérialité <strong>du</strong> visible, le <strong>luxe</strong><br />
possède selon vous dans la culture arabe une<br />
dimension morale et spirituelle….<br />
Adonis : En effet, le cavalier qui cède son<br />
cheval à une personne démunie ou exténuée par<br />
la marche révèle le visage moral <strong>du</strong> <strong>luxe</strong>, de
même que celui qui partage son repas avec un<br />
voyageur sans victuail<strong>les</strong>, ou encore celui qui<br />
consent à enlever sa veste pour couvrir une<br />
personne transie par le froid. La générosité,<br />
chez <strong>les</strong> Arabes, s’inscrit amplement dans le<br />
registre <strong>du</strong> <strong>luxe</strong> spirituel dont un autre aspect<br />
est le pardon : être magnanime en réprimant le<br />
désir de vengeance lorsqu’on est en mesure<br />
d’infliger le châtiment, ou offrir sa vie<br />
d’assaillant vaincu. Les contes, la poésie, et<br />
l’histoire arabe dressent le tableau de<br />
personnages dont l’être montre cette dimension<br />
<strong>du</strong> don et de la générosité et qui sont devenus<br />
des figures légendaires. Leur présence<br />
singulière dans le domaine de la vaillance, <strong>du</strong><br />
pardon, <strong>du</strong> don, <strong>du</strong> secours de l’opprimé,<br />
confère au <strong>luxe</strong> une dimension hautement<br />
spirituelle.<br />
Peut-on discourir sur le <strong>luxe</strong> chez <strong>les</strong> Arabes,<br />
sans mentionner la tradition <strong>du</strong> livre, surtout<br />
lorsqu’il était, avant l’imprimerie, encore<br />
sous forme de manuscrit ?<br />
Adonis : Qu’ils fussent scientifiques, littéraires<br />
ou d’histoire, <strong>les</strong> livres bénéficiaient de la<br />
même considération. Les dessins figuraient un<br />
livre dans le livre. Le choix <strong>du</strong> papier, sa<br />
qualité, le cuir de la couverture et <strong>les</strong> dessins<br />
qui l’ornaient transformaient le livre en un<br />
superbe objet d’art. Et <strong>les</strong> histoires sur la<br />
passion <strong>du</strong> livre chez <strong>les</strong> Arabes sont<br />
intarissab<strong>les</strong>. Si le <strong>luxe</strong> est par définition ce qui<br />
transcende le besoin et ce à quoi l’âme aspire,<br />
la plupart des livres sont considérés à juste titre<br />
comme une émanation esthétique et spirituelle.<br />
EXTRAIT<br />
[…] Se dégagent des harmonies musica<strong>les</strong> qui<br />
créent une famille à partir des <strong>mots</strong> qui se<br />
rencontrent dans <strong>les</strong> lettres et dans le sens et qui<br />
se distinguent néanmoins dans des subtilités<br />
parfois imperceptib<strong>les</strong>, comme cette racine : RHF.<br />
Les lettres R,F,H forment dans la langue arabe, la<br />
racine d’une famille qui se compose de sons à<br />
peine audib<strong>les</strong>, qui palpitent avec douceur ou se<br />
disent dans un murmure qui échappe à des lèvres<br />
à peine entrouvertes. Et ces lèvres sont captées<br />
par le charme et la magie de ces lettres<br />
susurrées : RFH, RHF, FRH. Dans leurs variations,<br />
Selon vous, la musique illustre une autre<br />
facette essentielle <strong>du</strong> <strong>luxe</strong>….<br />
Adonis : Oui, car elle a su lier le <strong>luxe</strong> avec la<br />
religion en donnant au chant une dimension<br />
hautement spirituelle. Dans le domaine<br />
musical, lorsque le désir de perfection étreint le<br />
sentiment religieux et que le chant se mêle à<br />
l’accomplissement spirituel, le <strong>luxe</strong> parvient à<br />
un état d’extase. Quiconque assiste à une soirée<br />
musicale de certains groupes mystiques<br />
marocains, savoure un <strong>luxe</strong> qui se présente<br />
comme ravissement et allégresse.<br />
Que notez-vous de singulier concernant <strong>les</strong><br />
<strong>mots</strong> <strong>du</strong> <strong>luxe</strong> dans la langue arabe ?<br />
Adonis : Nous trouvons des <strong>mots</strong> qui existaient<br />
déjà dans <strong>les</strong> temps préislamiques ou qui<br />
étaient contemporains de la Révélation<br />
coranique. Ces vocab<strong>les</strong> nommaient au début<br />
<strong>les</strong> manifestations de la vie liée à la nature. Le<br />
meilleur exemple peut être murhaf (fin,<br />
sensible) qui désignait au début l’épée<br />
tranchante, le glaive à la lame fine. Le mot a<br />
ensuite évolué pour nommer des sentiments<br />
sensib<strong>les</strong> et la vision <strong>du</strong> sublime. Ces <strong>mots</strong> qui<br />
dans l’univers <strong>du</strong> désert arabe préislamique<br />
expriment un besoin, trouvèrent avec la<br />
naissance de la ville et le début de la vie<br />
citadine arabe, une autre fonction et un autre<br />
dessein : dire ce qui excède le besoin pour le<br />
renouvellement <strong>du</strong> désir et <strong>du</strong> rêve.<br />
ces lettres convoquent des significations<br />
appartenant au domaine <strong>du</strong> <strong>luxe</strong> et <strong>du</strong> luxueux,<br />
dont rafâh (aisance, douceur de vivre) et<br />
rafâhiyya (aisance, prospérité). Comme el<strong>les</strong> font<br />
allusion à murhaf (sensible, svelte, fin) et<br />
convoquent al-fârih (habile).<br />
Si l’on prend ces trois lettres dans le deuxième<br />
ordre (RHF), el<strong>les</strong> se trouvent dans des vocab<strong>les</strong><br />
tels que : rahaf (affiler le sabre, l’aiguiser,<br />
l’amincir), murhaf (sensible), rahîf (mince, svelte,<br />
élancé), irhâf (amincissement, affinement). Tous<br />
ces termes désignent la finesse, la sensibilité, la
subtilité, la légèreté. Le rahaf est une<br />
caractéristique <strong>du</strong> <strong>luxe</strong>.<br />
Les significations <strong>du</strong> mot ont évolué au fil <strong>du</strong><br />
temps, au gré des évolutions socia<strong>les</strong> et<br />
culturel<strong>les</strong> des sociétés arabes. Ces formes ont<br />
également acquis des significations nouvel<strong>les</strong> qui<br />
appartiennent au domaine <strong>du</strong> <strong>luxe</strong>.<br />
Ainsi la racine rahufa désigne également une<br />
ouïe extrêmement fine, le don de capter <strong>les</strong> sons<br />
et de distinguer <strong>les</strong> notes musica<strong>les</strong>. Le sens de<br />
rahuga désignait au début la finesse, le<br />
perfectionnement dans la fabrication, la rareté<br />
de ce qui est fabriqué, plus particulièrement,<br />
l’épée à la lame fine et tranchante. Murhaf<br />
désigne la qualité de l’épée tranchante ou la<br />
qualité d’une épée dont la lame est extrêmement<br />
fine. Ensuite, ce sens s’est élargi pour désigner<br />
tout ce qui dé<strong>les</strong>te la lourdeur, la rudesse, et la<br />
<strong>du</strong>reté. Al-muhaf (murhif) est le pur et l’épuré de<br />
la matière première, brute ou naturelle. Le sens<br />
de irhâf (et murhaf) engendre la sensibilité de par<br />
l’absence <strong>du</strong> sensible. Ici, le style devient maître<br />
et la perfection son principe.<br />
Ensuite, <strong>les</strong> adjectifs ont puisé dans la racine RHF<br />
(rahufa) dans un voyage loin de la rudesse et de<br />
la matière, vers des significations et des attributs<br />
incorporels et immatériels, afin de décrire <strong>les</strong><br />
sentiments sensib<strong>les</strong>, nob<strong>les</strong> et <strong>les</strong> attitudes<br />
raffinées, polies par la culture de la cité qui<br />
accroit la sensibilité. Ceci nous incite à dire que la<br />
culture est source <strong>du</strong> irhâf (affinement). <strong>Au</strong>ssi<br />
fait-elle partie <strong>du</strong> <strong>luxe</strong> […]<br />
Tra<strong>du</strong>ction de Houria Abdelouahed
Les <strong>mots</strong> <strong>du</strong> <strong>luxe</strong> d’Alain Rey<br />
Parmi <strong>les</strong> nombreuses spécificités <strong>du</strong> <strong>luxe</strong> français, l’attention portée aux <strong>mots</strong> est sans doute l’une des<br />
plus significatives. Il était donc tout naturel que le Comite <strong>Colbert</strong> s’appuie sur la richesse et la<br />
diversité des dix métiers différents qu’il représente pour mettre en évidence ce qui rassemble nos<br />
maisons : une même culture, nourrie par l’Histoire de notre pays, son génie propre, sa capacité<br />
créatrice, son goût de l’exigence…<br />
La <strong>Comité</strong> <strong>Colbert</strong> s’est livré à un travail de collecte auprès de ses maisons dont chacune a proposé <strong>les</strong><br />
<strong>mots</strong> qui pour el<strong>les</strong> définissaient le <strong>luxe</strong>. Le « Corpus <strong>Colbert</strong> » était né. Nous avons confié ce corpus<br />
de 375 <strong>mots</strong> à Alain Rey qui a dégagé <strong>les</strong> grands champs sémantiques et <strong>les</strong> a illustrés par 22 notices<br />
dont la première porte sur le mot « beauté » et la dernière sur le mot « temps », illustrant ainsi la<br />
pertinence de ce corpus qui tra<strong>du</strong>it <strong>les</strong> valeurs <strong>du</strong> <strong>luxe</strong> français depuis l’esthétique jusqu’à la pérennité.<br />
Enfin dans sa préface Régis Debray interroge <strong>les</strong> paradoxes <strong>du</strong> <strong>luxe</strong> et analyse la place qu’y occupe le<br />
sacré.<br />
EXTRAITS<br />
Dans chacune des notices apparaissent en italique <strong>les</strong> <strong>mots</strong> <strong>du</strong> corpus appartenant à l’un ou à l’autre<br />
des champs sémantiques.<br />
[…]Elégance<br />
[…] L’histoire de l’élégance, des élégants – des<br />
Incroyab<strong>les</strong> aux Muscadins, aux Lions, aux Dandys…<br />
– et, bien sûr, des élégantes, témoigne <strong>du</strong> besoin<br />
de recherche, de distinction, d’exception<br />
qu’apporte aujourd’hui comme hier le <strong>luxe</strong><br />
vestimentaire. L’élégance est plus largement l’une<br />
des dimensions <strong>du</strong> plaisir de raffinement, ce qui<br />
nous rappelle que tout <strong>luxe</strong> est un choix.<br />
Emotion<br />
[…] Parmi tous <strong>les</strong> <strong>mots</strong>-clés <strong>du</strong> <strong>luxe</strong>, qu’on essaie<br />
d’évoquer ici, émotion est au cœur de l’unique, de<br />
l’indivi<strong>du</strong> distinct de tout autre, avec ses<br />
sentiments particuliers que le <strong>luxe</strong> tourne vers le<br />
plaisir de vivre, à la fois dans l’égotisme et dans la<br />
convivialité – encore un paradoxe.<br />
Une intention luxueuse qui ne pro<strong>du</strong>irait pas de<br />
réaction émotive et qui ne tra<strong>du</strong>irait pas une<br />
émotion sincère, ne serait pas <strong>du</strong> <strong>luxe</strong> véritable.<br />
Excellence<br />
[…] Mais comme tous <strong>les</strong> <strong>mots</strong> de ce genre,<br />
excellence tend à s’user. Un excellent homme ne<br />
sera plus qu’un « brave type » et un excellent<br />
repas, une restauration correcte. On ira même<br />
jusqu’à dire « excellentissime » comme<br />
« sublimissime », montrant par là que l’excellence<br />
et le sublime se sont banalisés.<br />
Réagissant contre l’usure des <strong>mots</strong>, le <strong>luxe</strong> tend à<br />
restaurer l’excellence dans son prestige : toujours<br />
plus haut, nous dit son étymologie.<br />
Exception et exclusivité<br />
[…] Les deux notions, exception et exclusivité, ont<br />
beau être très différentes, el<strong>les</strong> sont faites pour<br />
s’articuler. Le <strong>luxe</strong> est le lieu privilégié de leur<br />
rencontre.
[…]<br />
Paradoxes<br />
[…] Porter en soi l’amour <strong>du</strong> <strong>luxe</strong>, c’est réaliser <strong>les</strong><br />
contrastes de l’esprit et de l’âme, résolus dans ces<br />
valeurs jamais contredites : qualité, beauté, plaisir.<br />
L’unité de la notion de <strong>luxe</strong> enclot une grande<br />
diversité.<br />
[…]<br />
Raffinement<br />
[…] Le raffinement s’applique aux dimensions<br />
diverses <strong>du</strong> <strong>luxe</strong> : qualité, élégance, plaisir et même<br />
savoir-faire. Il s’oppose absolument à la<br />
grossièreté, qu’on ne recherche jamais. Fin pro<strong>du</strong>it<br />
raffiner, gros n’a pas de dérive comparable : ce qui<br />
veut dire que la grossièreté est donnée, la finesse<br />
sans cesse à chercher et à trouver. Mission <strong>du</strong> <strong>luxe</strong>.<br />
Rareté<br />
[…] <strong>Au</strong>jourd’hui, en associant la rareté au <strong>luxe</strong>,<br />
nous posons une exigence et révélons un paradoxe,<br />
car le vrai <strong>luxe</strong> peut et doit être pour tous ; mais il<br />
faut qu’il demeure rare pour chacun.<br />
[…]<br />
Temps<br />
[…] Appuyé sur la tradition (le passé), visant une<br />
satisfaction sensuelle et affective (le présent) et<br />
inscrit dans l’avenir, le <strong>luxe</strong> est un marqueur de<br />
l’époque et <strong>du</strong> changement des sensibilités<br />
collectives. On a parlé pendant quelques années de<br />
« nouvelle vague » ; l’expression a vieilli, car il y a<br />
aussi une mode pour <strong>les</strong> <strong>mots</strong>.<br />
Inscrire dans la <strong>du</strong>rée, parmi tout ce qui est<br />
ressenti comme nouveau, et ainsi valorisé, des<br />
objets, des plaisirs, des sty<strong>les</strong> momentanés, des<br />
modes, c’est l’un des paradoxes <strong>du</strong> <strong>luxe</strong>. Un autre<br />
est de révéler la modernité des traditions.
Biographies des auteurs et des<br />
illustrateurs<br />
Adonis<br />
Adonis est un poète et essayiste dont la liberté de ton caractérise l’ensemble de l’œuvre. Il est l’auteur<br />
de nombreux ouvrages dont Les Chants de Mihyar le Damascène, Singuliers, Le livre, La Prière et<br />
l’Epée. Il est également tra<strong>du</strong>cteur en arabe de Pierre Jean Jouve, Yves Bonnefoy ou encore Saint-John<br />
Perse.<br />
Alain Rey<br />
Linguiste, Alain Rey est conseiller éditorial des éditions Le Robert. Il est le coéditeur de<br />
l’Encyclopaedic Dictionary of Semiotics. Alain Rey est membre <strong>du</strong> Conseil international de la langue<br />
française et de la Commission générale de terminologie pour le ministère de la Culture et de la<br />
Communication. Il est commandeur dans l’Ordre <strong>du</strong> Mérite et dans celui des Arts et Lettres, et docteur<br />
honoris causa de l’Université de Montréal (Québec, Canada). En 2011, il publie Le Dictionnaire<br />
amoureux des dictionnaires.<br />
Régis Debray<br />
Régis Debray est Président d’honneur de l’Institut européen en sciences des religions de l’Ecole<br />
pratique des Hautes Etudes à Paris. Agrégé de philosophie, politiquement engagé en Amérique latine<br />
dans <strong>les</strong> années 60, il a été Professeur à l’Université Jean Moulin à Lyon. <strong>Au</strong>teur de nombreux<br />
ouvrages de littérature, d’art et de philosophie, il a créé en 2005 la revue Médium, transmettre pour<br />
innover. Il vient d’être élu à l’Académie Goncourt.<br />
Ghani Alani<br />
Ghani Alani est l’héritier de l’Ecole de Bagdad en calligraphie. Son style est considéré comme<br />
emblématique de la calligraphie arabe actuelle issue de la tradition comme l’exige l’ijazé. Il a<br />
beaucoup œuvré pour que cet art qui représente la forme d’expression la plus noble en Orient devienne<br />
un art internationalement reconnu. Venu à Paris en 1967 pour obtenir un doctorat en droit, il n’a cessé<br />
de pro<strong>du</strong>ire de nombreux tableaux à partir de ses poésies, de publier des livres, de transmettre son art<br />
et d’exposer dans le monde. En 2009, il a reçu de l’UNESCO le Prix Sharjah pour la culture arabe et<br />
en 2010, celui de Doha (Qatar).<br />
Quentin Bertoux<br />
Depuis bientôt trente ans Quentin Bertoux photographie la danse, l’architecture, la cuisine, la mode,<br />
<strong>les</strong> êtres, <strong>les</strong> objets... Dans la lumière douce de ses compositions espièg<strong>les</strong>, la vie, immobile et<br />
silencieuse, ne s’est figée que pour mieux se métamorphoser en récit, toute une histoire pour l’œil qui<br />
sait écouter. « Ce n’est pas la similitude entre la photographie et la peinture qui me surprend mais sa<br />
proximité avec l’écriture. C’est le récit contenu dans une image qui m’attire, à l’instar des images qui<br />
prennent naissance dans un texte ».
image01<br />
Légendes en français Captions in English ©<br />
Couvertures<br />
Photo : Q. Bertoux<br />
Calligraphie : G. Alani<br />
Maquette : S. Kiwan<br />
Création<br />
Photographie de Quentin<br />
Bertoux<br />
Lumière<br />
Photographie de Quentin<br />
Bertoux<br />
Elégance<br />
Photographie de Quentin<br />
Bertoux<br />
Rêve,<br />
photographie de Quentin<br />
Bertoux<br />
Esprit français<br />
Photographie de Quentin<br />
Bertoux<br />
Al Taraf, signifiant <strong>luxe</strong>,<br />
calligraphie de Ghani Alani<br />
en style thuluth<br />
Covers <strong>Au</strong> cœur <strong>du</strong> <strong>luxe</strong> <strong>les</strong> <strong>mots</strong>.<br />
Photo by Q. Bertoux<br />
Calligraphy by G. Alani<br />
Lay-out by S. Kiwan<br />
Création (Creation)<br />
Photo by Quentin Bertoux<br />
Lumière (Light)<br />
Photo by Quentin Bertoux<br />
Elégance (Elegance)<br />
Photo by Quentin Bertoux<br />
Rêve (Dream)<br />
Photo by Quentin Bertoux<br />
Esprit français (French spirit)<br />
Photo by Quentin Bertoux<br />
Al Taraf, meaning luxury.<br />
Calligraphy by Ghani Alani in<br />
the thuluth style<br />
© <strong>Comité</strong> <strong>Colbert</strong><br />
© <strong>Comité</strong> <strong>Colbert</strong><br />
© <strong>Comité</strong><br />
<strong>Colbert</strong><br />
© <strong>Comité</strong><br />
<strong>Colbert</strong><br />
© <strong>Comité</strong><br />
<strong>Colbert</strong><br />
© <strong>Comité</strong><br />
<strong>Colbert</strong><br />
© <strong>Comité</strong><br />
<strong>Colbert</strong>
image03<br />
image04<br />
image05<br />
image06<br />
image07<br />
image02<br />
Al Jamal, signifiant beauté,<br />
calligraphie de Ghani Alani<br />
en style diwani<br />
Al Anaqa, signifiant<br />
élégance, calligraphie de<br />
Ghani Alani en style<br />
nastaliq<br />
Al Rahafa, signifiant<br />
raffinement, calligraphie de<br />
Ghani Alani en style naskhi<br />
Al Farada, signifiant<br />
singularité, calligraphie de<br />
Ghani Alani en style<br />
koufique<br />
Al Dahcha, signifiant<br />
étonnement, calligraphie de<br />
Ghani Alani en style<br />
maghrébi<br />
Al Kheyal, signifiant<br />
imagination, calligraphie de<br />
Ghani Alani en style riqaa<br />
Al Jamal, meaning beauty.<br />
Calligraphy by Ghani Alani in<br />
the deewani style<br />
Al Anaqa, meaning elegance.<br />
Calligraphy by Ghani Alani in<br />
the nastaliq style<br />
Al Rahafa, meaning refinement.<br />
Calligraphy by Ghani Alani in<br />
the naskhi style<br />
Al Farada, meaning uniqueness.<br />
Calligraphy by Ghani Alani in the<br />
kufic style<br />
Al Dahcha, meaning surprise.<br />
Calligraphy by Ghani Alani in<br />
the maghrebi style<br />
Al Kheyal, meaning imagination.<br />
Calligraphy by Ghani Alani in<br />
the riqaa style<br />
© <strong>Comité</strong><br />
<strong>Colbert</strong><br />
© <strong>Comité</strong><br />
<strong>Colbert</strong><br />
© <strong>Comité</strong><br />
<strong>Colbert</strong><br />
© <strong>Comité</strong><br />
<strong>Colbert</strong><br />
© <strong>Comité</strong><br />
<strong>Colbert</strong><br />
© <strong>Comité</strong><br />
<strong>Colbert</strong>
LES EDITIONS DAR AN-NAHAR<br />
Fondée en 1967 par M. Ghassan Tuéni, PDG <strong>du</strong> premier quotidien de Beyrouth, An-Nahar, la<br />
maison d’édition Dar An-Nahar qui s’est illustrée dans <strong>les</strong> deux domaines arabe et<br />
francophone, tout en publiant des ouvrages en anglais ou trilingues, est connue pour son<br />
avant-gardisme littéraire, le sérieux de ses études historiques et socia<strong>les</strong>, son intérêt pour <strong>les</strong><br />
questions d'actualité ainsi que pour <strong>les</strong> soins apportés à la présentation des livres qu’elle<br />
publie.<br />
Dans le domaine arabe, Dar An-Nahar publie:<br />
1- Des études sur l’histoire, la sociologie et l'économie <strong>du</strong> Liban <strong>du</strong> Proche et<br />
Moyen-Orient. Quelques unes de ses publications sont devenues des classiques<br />
incontournab<strong>les</strong>.<br />
2- Des biographies et des mémoires des personnalités <strong>les</strong> plus en vue dans le Monde<br />
arabe et occidental.<br />
3- Des recueils de poésie, des romans et diverses oeuvres littéraires, classiques ou<br />
d’avant-garde.<br />
4- Des ouvrages philosophiques.<br />
5- Des études sur la conjoncture internationale et régionale.<br />
Dans le champ proprement francophone, la Maison s’est illustrée dans de nombreux domaines:<br />
1- La collection PATRIMOINE qui réunit dans des volumes élégants <strong>les</strong> oeuvres<br />
complètes d’auteurs libanais francophones: de Fouad Abi Zeyd à Nadia Tuéni en<br />
passant par Eveline Bustros, Chékri Ghanem, Fouad Naffah et <strong>les</strong> deux Schehadé<br />
(Georges et Laurice)…<br />
2- La publication en fac-similé de périodiques rarissimes ayant marqué une étape<br />
importante dans l’histoire politique et sociale <strong>du</strong> Liban: La Revue Phénicienne (1919),<br />
Phénicia (1938-1939) ….<br />
3- Les ouvrages d’art, des livres d’étrennes, et autres éditions de <strong>luxe</strong> qui, tout en<br />
illustrant le patrimoine libanais, sont une fête pour <strong>les</strong> yeux et <strong>les</strong> mains:<br />
Liban: Le siècle en images; El Bourj, Place de la Liberté et porte <strong>du</strong> Levant; Musée<br />
Nicolas Sursock: Le Livre; Staging the Orient etc….<br />
4- Des éditions origina<strong>les</strong> qui font la joie des lecteurs et des bibliophi<strong>les</strong> (Georges<br />
Schehadé: Poésies VII….).<br />
5- Des études politiques et historiques sur le Liban et la conjoncture régionale et<br />
internationale.<br />
6- Enfin et surtout, la maison Dar An-Nahar se propose d’accueillir <strong>les</strong> jeunes talents<br />
francophones qu’ils soient poètes, critiques, publicistes, dramaturges ou romanciers….