Naturaliser l'intentionnalité et la conscience - Pacherie
Naturaliser l'intentionnalité et la conscience - Pacherie
Naturaliser l'intentionnalité et la conscience - Pacherie
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
La philosophie cognitive<br />
autres. Les états mentaux sont alors susceptibles d’être définis fonctionnellement,<br />
par leurs causes <strong>et</strong> les eff<strong>et</strong>s qu’ils produisent. De<br />
telles analyses sont loin d’être triviales, mais si l’on adm<strong>et</strong> que les<br />
états mentaux peuvent être caractérisés par le rôle causal qu’ils jouent,<br />
les expliquer revient à expliquer comment ce rôle causal peut<br />
s’exercer. En principe, on peut donner c<strong>et</strong>te explication en montrant<br />
comment des mécanismes neurophysiologiques réalisent ces fonctions<br />
causales. Il ne s’agit pas simplement de m<strong>et</strong>tre en évidence de simples<br />
corré<strong>la</strong>tions entre processus mentaux <strong>et</strong> processus neurobiologiques.<br />
Ces corré<strong>la</strong>tions ont, en outre, une valeur explicative dans <strong>la</strong> mesure<br />
où l’organisation causale caractéristique des processus mentaux en<br />
question se trouve reflétée au niveau neurobiologique.<br />
L’enjeu est, on le voit, considérable, puisque le proj<strong>et</strong> d’une naturalisation<br />
du mental impose de repenser en profondeur les vieilles<br />
divisions ontologiques <strong>et</strong> les formu<strong>la</strong>tions traditionnelles des problèmes<br />
touchant à l’esprit. Ce n’est pas dire toutefois que les interrogations<br />
que suscitent les sciences cognitives soient radicalement<br />
nouvelles. Comme le montre notamment Engel (1996), un certain<br />
nombre de tensions <strong>et</strong> conflits, c<strong>la</strong>ssiques entre courants naturalistes<br />
<strong>et</strong> courants antinaturalistes en philosophie témoignent d’un<br />
enracinement préa<strong>la</strong>ble de ces questions. L’actualité que prend<br />
aujourd’hui ce débat tient à ce que les grands progrès que les sciences<br />
cognitives ont permis dans <strong>la</strong> compréhension de multiples domaines<br />
de <strong>la</strong> cognition, les méthodologies qu’elles ont développées <strong>et</strong> les<br />
nouveaux modèles <strong>et</strong> outils théoriques qu’elles proposent, paraissent<br />
témoigner de <strong>la</strong> fécondité d’une approche naturaliste.<br />
Ce<strong>la</strong> ne signifie pas toutefois que les sciences cognitives puissent<br />
aujourd’hui proposer une théorie naturaliste de l’esprit parfaitement<br />
aboutie. Le programme de naturalisation du mental doit affronter<br />
trois défis majeurs. L’esprit présente en eff<strong>et</strong> trois caractéristiques<br />
centrales, dont il n’est pas de prime abord évident qu’elles puissent<br />
recevoir un traitement naturaliste. En premier lieu, selon <strong>la</strong><br />
thèse célèbre de Brentano, l’intentionnalité ou capacité de représenter<br />
– <strong>la</strong> propriété de pouvoir renvoyer à quelque chose, d’être<br />
dirigé ou orienté vers un obj<strong>et</strong> – est <strong>la</strong> marque du mental. C<strong>et</strong>te<br />
thèse a été interprétée comme une thèse d’irréductibilité: le mental,<br />
18