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HISTOIRE DU "HAN" OU LA CHANSON POPULAIREDANS "WEME"

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UNIVERSITE DE PARIS XII<br />

Présentée par:<br />

Ascension BOGNIAHO<br />

THESE<br />

CRETEIL VAL - DE . MARNE<br />

EN VUE DE L'OBTENTION <strong>DU</strong> DOCTORAT' DE }e CYCLE<br />

SUJET:<br />

<strong>HISTOIRE</strong> <strong>DU</strong> "HAN" <strong>OU</strong> <strong>LA</strong> <strong>CHANSON</strong><br />

POP U<strong>LA</strong>IRED ANS "WEME"<br />

CR. P. BENIN)<br />

Sous la Direction de:<br />

M. le Professeur Robert J<strong>OU</strong>ANNY


évélé.<br />

- 5 -<br />

- Certaines paroles nous ont apparu tronquées comme la suite l'a<br />

b) Deuxième étape ou la vraie collecte<br />

Après ce premier contact indispensable, la deuxième phase n'a po­<br />

sé aucun problème particulier. Nous nous sommes fait indiquer des personnes<br />

susceptibles de pouvoir nous exécuter les chansons portées sur notre réper­<br />

toire, et nous les avons rencontrées. Elles ont chanté seules, pas accompa­<br />

gnées d'instruments ni de tams-tams. Elles ont même accepté de répondre à<br />

des questions de compréhension à propos de certaines chansons. Nous nous<br />

sommes fait chanter les mêmes chansons par plusieurs personnes dans des<br />

villages différents afin d'en déceler les variantes. Elles sont presqu'<br />

inexistantes. On peut remarquer tout simplement que l'expression"les en­<br />

fants de X" souvent rencontrée dans les chansons varie selon la famille,<br />

le clan.<br />

Il reste à r.ésoudre le problème complexe des chants sacrés féti­<br />

chistes. Qui nous les chantera? Personne; tout le monde se dérobait.<br />

Alors, on nous conseilla d'aller trouver les informateurs, de nuit,<br />

et de les enregistrer. Cela fut fait. Et c'est ainsi que nous avons pu<br />

réunir une douzaine de cassettes chargées de chansons de toutes provenan­<br />

ces.<br />

2. Le traitement du matériau, le codage<br />

Le tri s'est fait rapidement, du moins tout le temps qu'il nous<br />

a fallu pour transcrire à l'aide de l'alphabet fon des missionnaires<br />

tout le répertoire ainsi réuni. Cet ensemble peut se diviser en trois<br />

parties : les chansons profanes, les chansons sacrées fétichistes, les<br />

chansons funèbres. Un examen attentif révèle que, si les deux dernières


- 6 -<br />

parties semblent être nettement définies, la première apparaît comme un<br />

"fourre-tout" qu'il convient d'organiser. Cette organisation nous donne<br />

trois sous-parties : les chansons récréatives, les chansons ludiques,<br />

les chansons de fêtes. C'est donc, à partir de ces distinctions que<br />

J<br />

nous avons classé les chansons de notre repertoire en deux grandes ca-<br />

tégories : les chansons récréatives et les chansons occasionnelles.<br />

Nous avons évité de les classifier par thèmes; ces derniers étant nom-<br />

breux et parfois les chansons s'y rapportant en nombre infime.<br />

Une fois terminés ce tri et ce classement,nous avons entre-<br />

pris de soustraire du répertoire les pièces qui ne renferment aucun<br />

lien logique, ni apparent ni profond; pour vous donner un exemple,<br />

nous en avions gardé une: l'orphelin se plaint de son sort; il chan-<br />

te et regrette ses parents défunts; car à la mort de nos parents,nous<br />

sommes prompts à prendre nos oncles et tantes pour les remplacer,<br />

mais ceux-là nous désoivent :<br />

La perle déserre l'éléphant<br />

Quelle ceinture de perles qui déserre l'éléphant peut<br />

remplacer la mère ?<br />

et cela se poursuit. Cette chanson est en contradiction avec les au-<br />

tres chansons funèbres. Ici, deux images, deux métaphores la perle<br />

est le substitut de tante, l'éléphant est mis pour le géniteur<br />

défunt. La perle n'a que des qualités et la tante non solidaire<br />

est une figure négative. Et lorsque nous examinons toute la phrase,<br />

elle n'a aucun sens. Ces sortes de chansons, nous les avons laissées<br />

de côté; il n'yen a pas eue beaucoup.


- 8 -<br />

lire ceux de Wémè qui ont été quelque peu à l'école. La seu-<br />

le et unique raison qui nous ait imposé un tel compromis est<br />

que notre travail n'est pas celui d'un linguiste et qu'il vise a sau-<br />

vegarder les chansons en collant de très pres a leur vocation populaireJnous<br />

n'ignorons pas que ce travail sera jugé par un milieu averti sou-<br />

cieux de l'aspect scientifique de l'étude; mais peut-on nous repro-<br />

cher d'avoir rendu au peuple ce qui lui appartient? Ainsi donc, le<br />

Wémènu alphabétisé peut lire ces chansons aussi bien que l'intellec-<br />

tuel pour peu que l'un ou l'autre fasse attention aux règles élémen-<br />

taires et simples dont nous nous sommes servi.<br />

En effet, tous les sons du Wémègbé peuvent se rendre à<br />

l'aide d'un alphabet composé de huit voyelles simples, de cinq voyel-<br />

les nasales, de vingt-trois consonnes.<br />

Les voyelles simples<br />

Ce son t : l, "' e,e, , a, 0, " 0, 0, U,. En f"t al, l es accent s que<br />

nous avons mis sur certaines de ces voyelles représentent des tons<br />

simples indiquant qu'elles sont plus ou moins fermées ou ouvertes.<br />

Tout cela bien entendu vaut ce qu'il vaut, nous ne sommes pas un<br />

linguiste.<br />

i, se prononce i comme en français "ami, pire"<br />

e = E comme dans père, mere, fête, tête<br />

e = e comme dans "épée, purée"<br />

o 0 français, en combinaison avec une consomme"pont" ou<br />

léton 1 =le sien


- 11 -<br />

et d'exclamation seront signalés par les signes correspondants en fran­<br />

çais et placés entre parenthèses (?), (!). Les mots de référence au<br />

texte en langue wémègbé seront encadrés par deux barres obliques<br />

exemple /Ajinaku/ = l'éléphant. Ces mots placés entre tlarres ne subis­<br />

sent pas la règle de l'accord selon le nombre: les /vodun/.<br />

Ce travail de transcription s'est inspiré de l'ouvrage de Delafosse<br />

M., Manuel dahoméen, Paris:' E. Leroux 1894, de l'alphabet Fon en usa­<br />

ge actuellement au Bénin.


- 12 -<br />

Tableau synoptique de l'alphabet, des signes de la thèse et leurs cor-<br />

respondants en français.<br />

a, an<br />

Alphabet<br />

é,è, en<br />

signes<br />

0, 0, on<br />

i, in<br />

u, un<br />

b<br />

c<br />

d, d<br />

f<br />

g, gb<br />

h<br />

j<br />

k, kp<br />

l<br />

m<br />

n, ny<br />

r ( = 1)<br />

s<br />

t<br />

Ü<br />

v<br />

w<br />

x<br />

y<br />

z<br />

/<br />

&<br />

/<br />

+<br />

+<br />

( ? ) ( ! )<br />

/<br />

Correspondants en français<br />

a, an<br />

e, è., in<br />

0, 0, on<br />

i, in, in (in latin)<br />

ou, oun<br />

b<br />

tch<br />

d, th<br />

f<br />

g, (dur) , gb<br />

h(dur)<br />

dj<br />

k, kp<br />

l<br />

ID<br />

n, gn<br />

r<br />

s<br />

t<br />

u<br />

v<br />

w<br />

h (aspiration légère)<br />

y<br />

z<br />

virgule<br />

point virgule<br />

point<br />

? !<br />

le mot cité


- 14 -<br />

HAPITRE l<br />

LE PAYS - LES HOMMES ET UN DE LEURS MODES D'EXPRESSION /HAN/<br />

1. Le pays - 2. Le peuplement - 3. L'organisation sociale<br />

A - L'habitat-les villages du plateau et les villages la-<br />

custres - B - Les groupes sociaux: les /glési /, les /akwè-<br />

non /, les /hunsi /, les /Bokonon /, le corps des métiers.<br />

4. /Han/, un des modes d'expression du Wémènu : brèves dé-<br />

finitions de la chanson et du terme populaire. Conclusion<br />

partielle.<br />

Qu'il nous soit permis de présenter très brièvement la région<br />

dont nous allons parler, au cours de cette étude, et ses habitants. Il<br />

convient d'entrée de distinguer deux régions :<br />

- une région administrative ou politique dont le chef-lieu<br />

fut Porto-Novo: l'ex-préfecture, aujourd'hui province de Wémè, couvre<br />

une bonne partie du Bénin méridional; elle s'étend du plateau de Zan-<br />

gnanado jusqu'à la lagune de Porto-Novo et la rive septentrionale<br />

du lac Nokoué, et de tout le plateau de Sakété jusqu'à la rivière<br />

Sô, aux confins d'Abomey-Calavi;<br />

- une région naturelle, celle que parcourt longtemps,<br />

avant de se jeter dans la lagune de Porto-Novo et le lac Nokoué,<br />

/wémè/, un des plus grands fleuves du Bénin.<br />

C'est a celle-ci que s'intéressent nos études.


- 16 -<br />

délimitent l'aire géographique wémènu, le village limitrophe s'appelle<br />

Damè-Wogon. Au sud, le pays wémènu s'arrête à la rive septentrionale<br />

(1) de la lagune de Porto-Nova et du lac Nokoué. Là, vivent des popu­<br />

lations Toffinou et Aguégué qui en réalité ne forment pas un tout<br />

unifié avec les habitants de la vallée(surtout les Aguégué). Au Sud_<br />

Est, aux confins de la banlieu de Porto-Nova, un peu avant Djigbé,<br />

au marché Zèglè, les limites du pays Wémènu ne sont pas sensibles<br />

dans le paysage. Malgré quelques influences de la ville de Porto-Nova<br />

les habitants de Djigbé et de Hazin se sentent entièrement /Wémènu/.<br />

Cette délimitation de la zone naturelle fait apparatre<br />

trois éléments constitutifs du pays : le plateau de Sakété, la vallée<br />

ou la plaine d'inondation du fleuve, la lagune. Ils sont déterminants<br />

dans la vie économique des habitants. Le plateau porte des palmeraies<br />

aussi bien sauvages qu'aménagées par les programmes gouvernementaux<br />

de développement rural,des forêts qui fournissent du bois et des cul­<br />

tures vivrières telles que le maïs, le manioc, le haricot. La val­<br />

lée et la lagune offrent une pêcherie abondante qui fournit du pois­<br />

son à la région et même a l'exportationn. Ce sont les domaines d'une<br />

végétation luxuriante.<br />

(1) A part certaines précisions apportées par nos recherches, les li­<br />

mites de la zone étudiée sont tirées du remarquable travail de P.<br />

PELISSIER, Les pays du Bas-Ouémé, une région témoin du Dahomey méri­<br />

dional, Faculté des Lettres et Sciences humaines, Dakar 1963,pages 8-9


- 18 -<br />

à d'autres, une économie autarcique n'étant plus de saison, tout cela<br />

Qet nous en avons sûrement oublié-a contribué à chasser les jeunes hors<br />

des campagnes. Il s'ensuit des hectares et des hectares de terre incul­<br />

tes; et la terre, qui naguère montrait ses surfaces tressées de sillons<br />

où bourgeonnaient de jeunes pousses de cultures diverses, ,se terre sous<br />

les pieds fourchus d'une forêt envahissante.<br />

2. le peuplement<br />

Le second aspect de la personnalité du pays tient aux facteurs<br />

de son peuplement. C'est en réalité l'une des rares régions où l'on ne<br />

rencontre pas une multiplicité d'ethnies. Et P. PELISSIER disait à ce<br />

propos: "Sans doute les particularismes ethniques sont-ils beaucoup<br />

moins affinés dans tout le Bas-Dahomey que dans la plupart des autres<br />

régions de l'Afrique de l'Ouest..."(l). En effet, on ne rencontre pas<br />

dans la région des ethnies très différenciées les unes des autres, peut­<br />

être que la vie dans une même aire géographique a-t-elle contribué a<br />

unifier ce qui, au départ, pouvait paraître diversifié. Cette popu­<br />

lation compte entre autres deux grands groupes ethniques : les IWémènu/et<br />

les/Jigbénu{,faits d'une pléiade de clans et de familles. Les autres<br />

minorités ne se différencient pas tellement de ces groupes, du point<br />

de vue des coutumes. Ils se sont tous refugiés dans la vallée pour<br />

fuir la menace d'autres groupes sociaux numériquement et techniquement<br />

plus forts qu'eux.<br />

En fait, le peuplement a été le fait de migrations succes­<br />

sives c'est d'après Edouard <strong>DU</strong>NG<strong>LA</strong>S qui a beaucoup travaillé sur<br />

l'histoire des IWémènul et cité par P. Pélissier, de l'Est que sont<br />

(1) P. PELISSIER, Op. cit. page 43.


- 24 -<br />

parfois, les jeunes hommes se séparent très tôt de leurs parents; ce qui<br />

donne des villages qui s'étirent sur deux ou trois kms le long du fleu­<br />

ve. Cette situation pourrait entraîner la rupture d'une cohésion fami­<br />

liale; mais en réalité, il n'en est rien.<br />

Ces villages lacustres vivent au rythme de la montée des eaux<br />

et de leur retrait. En période de crue, les riverains arrêtent toutes<br />

les activités de labour; seule la pêche bat son plein et nourrit les<br />

pratiquants. Dès le retrait des eaux, on cultive maïs, manioc,haricot.<br />

Ceux du plateau qui possèdent des terres dans cette plaine d'inonda­<br />

tion ensemencent eux-aussi leurs champs. A ces activités agricoles<br />

des riverains, on doit ajouter l'élevage encouragé par de riches pâtu­<br />

rages. AgonIin, Dannou, Hêtin se sont spécialisés en élevage des bovins<br />

et des caprins.<br />

Si ces éleveurs n'ont pas encore connu un problème d'épidémie<br />

qui décime le bétail, les agriculteurs se sont trouvés confrontés a<br />

des problèmes dangeureux pour leurs cultures. En 1952 est apparue pour<br />

la première fois dans la région "la rouille" du maïs (puccinia polysora),<br />

que les paysans ont appelée: IMè un Kpé/. Le fléau a fait tant et tant<br />

que le grain a manqué à la région et que la disette s'est installée en<br />

1953-1954. Inhérente par ailleurs a la crue du fleuve, l'invasion du<br />

Itingbol, herbe dure qui tue toutes les semences là où le paysan a réussi<br />

par sa tenacité a en déposer, car pour arriver à arracher cette herbe<br />

afin de trouver la terre argileuse qu'elle recouvre, il faut une trempe<br />

et la psychologie d'un homme résolu a se préserver malgré l'acharnement<br />

de certains éléments de la nature à l'en dissuader.


- 25 -<br />

B - Les groupes sociaux<br />

Les immigrés qui ont formé le peuplement du pays ont gardé entre<br />

autres coutumes et moeurs leur propre notion du chef et de la hiérarchie<br />

sociale. En effet, deux trônes gouvernaient le pays : le roi des IWémènul<br />

dont la capitale est Dangbo, et celui des IIfénu/, qui siégeait à Fanvi.<br />

Certes, ces petites cours ne menaient pas un train de vie aussi somptueux<br />

que celle d'Abomey. L'organisation sociale et politique dans Wémè était<br />

loin d'approcher celle qui avait cours à Abomey. Par ailleurs, que les<br />

rois de Wémè aient"dépendu" un court moment des princes de Porto-Novo,<br />

nous en convenons; mais nous ne sommes pas du meme avis que Hagen( et<br />

nos sources sont formelles là-dessus) lorsqu'il écrivait :f'A la suite<br />

d'actes arbitraires commis par Toffa, ces peuplades se séparèrent du<br />

reste du royaume. Un fugitif du Dahomè, nommé Haydé, parvint à s'y<br />

faire proclamer roi "(1) A aucun moment, Wémè n'a fait partie du royau­<br />

me de Porto-Novo. Les Wémènus étaient venus dans la région avec tout ce<br />

qu'ils avaient pu sauver du sinistre qui les chassa de leur plateau de<br />

Zangnanado. Chaque lignage avait tout mis en oeuvre pour sauver ce qui<br />

lui appartenait; c'est ainsi qu'ont été transportés dans la vallée tous<br />

les fétiches qu'honoraient les Wémènus sur leur plateau.<br />

Des institutions politiques, celle qui est restée la plus viva.<br />

ce jusqu'à ces derniers temps est la royauté. Ce régime n'a pas donné<br />

naissance aux séries de ministres que l'on connaissait à Abomey(signe<br />

d'ailleurs évident dans le cas d'Abomey, d'un certain sens des affai­<br />

res publiques et de l'organisation sociale) et à Porto-Novo; encore<br />

moins à une noblesse entièrement détachée du peuple et se consacrent<br />

(1) Dr HAGEN, Op.cit. page 2.


- 26 -<br />

à la chose publique. La royauté est cependant héréditaire, mais lors­<br />

qu'on monte sur le trône à Dangbo, on n'atteint la plénitude du pou-<br />

voir que lorsqu'on a "mis les chaussures" : /yi afokpa/, cérémonie au<br />

cours de laquelle tous les Wémènus viennent reconnaître publiquement<br />

leur souverain. En fait, ce sont les /Axovi/ qui donnent la chassure.<br />

/Axovi/ = fils de roi, prince; mais ces présupposés/Axovi/ ne sont pas<br />

plus princes que n'importe qui dans Wémè. Les savates qu'on lui donne<br />

à chausser sont le symbole de sa mâturité politique et du plein pou­<br />

voir, comme toute sa personne est un symbole. Car en fait, la direc­<br />

tion des villages était confiée à des chefs de villages qui, ou choi­<br />

sis par le roi parmi le peuple ou choisis par les habitants eux-mêmes<br />

ne forment pas une classe sociale : la chefferie, sauf cas rare, n'est<br />

pas héréditaire. C'est donc un pays où il n'y a pas de noblesse diri­<br />

geante; cependant, il existe des groupes sociaux plus ou moins distincts.<br />

Les /glési /<br />

L'agriculture est la principale activité économique du pays;<br />

tous les Wémènus sont donc des /glési/. /glési/, c'est un homme ou une<br />

femme (comme on en rencontre dans le Nord du pays>, c'est le cultiva­<br />

teur qui travaille la terre et qui en vit; c'est dans les villages<br />

lacustres/le paysan-pêcheur qui ne saurait vivre décemment sans culti­<br />

ver la terre. Tout le monde étant propriétaire terrien ou presque,nous<br />

pouvons analyser le statut du /glési/. Il exerce les travaux des champs<br />

comme profession; il travaille pour lui-même et peut exploiter et gérer<br />

d'immenses palmeraies. Il peut aussi se louer de champ en champ pour<br />

s'amasser un pécule après que lui-même a fini de défricher son champ.


-29-<br />

ambulant, l'élu du fétiche se doit d'aller torse nu ou de porter un pagne<br />

en forme de toge attaché au-dessus de l'épaule gauche selon les convenan­<br />

ces personnelles(surtout les Isol dont les épaules ne doivent pas être<br />

couvertes afin d'être toujours disponibles au fétiche). Enfin, parmi les<br />

signes distinctifs "ostentatoires", nous mettons le port d'un chapeau de<br />

forme conique, ou d'une calotte. Ce sont les Idahl qui seuls portent ces<br />

calottes dans leur vie quotidienne.<br />

Certains prêtres, dès qu'ils sont consacres ne doivent plus<br />

travailler; ils vivent au milieu d'une cour nombreuse ou seuls et les<br />

adeptes se chargent de les nourrir avec des produits rapportés par l'ex­<br />

ploitation de la part du patrimoine de l'indivision, part qui leur est<br />

échueà leur élection. D'autres doivent travailler (la terre)pour se nour­<br />

rir mais personne de cette catégorie sociale n'a le droit de porter une<br />

charge sur la tête. Au cours des mois ou des annees passées au couvent,<br />

ils apprennent une langue archaïque: IAja/, qu'eux seuls comprennent.<br />

Ainsi, ils peuvent parfois converser entre eux des choses du Ivodunl<br />

sans s'inquiéter d'une oreille indiscrète. Beaucoup de paroles et de<br />

chants rituels sont en cette langue; et nous nous demandons si ces chants<br />

accESsibles aux seuls "happy few" sont vraiment une production populaire.<br />

ILes IBokononl<br />

Nous n'avons aucunement l'intention d'écrire une étude exhaus­<br />

tive sur cette catégorie sociale très importante dans la région. Nous<br />

estimons que ce travail revient de droit aux sociologues. Nous ne<br />

nous embarrasserons pas non plus de vaines spéculations d'Africanistes


- 30 -<br />

tentant de découvrir le sens précis de /bokonon/. R<strong>OU</strong>GET<br />

Gi l ber t a fa i t lep0 in t de ces s péculation s (1); on pen-<br />

se que /bo/ signifiant : amulette, le terme désignerait le fabricant<br />

d'amuléttes. Les !,l-imulettes désignent des objets que l'on porte<br />

sur soi dans l'idée"superstitieuse"(2) qu'ils préservent des mala-<br />

dies, des dangers etc.•. (talisman, porte-bonheur, gri-gri etc.. ).<br />

Limiter le personnage à ce rôle équivaut à restreindre son<br />

champ d'action dans la vie wéméenne, à minimiser son importance et<br />

a ignorer son essence. Par ailleurs,cette définition est très sub-<br />

jective et surtout se référant à l'esprit de la civilisation qui<br />

la propose; elle ne rend pas compte d'une façon "scientifique"de la<br />

conception universelle de "amulette". Ce qui parait superstitieux<br />

ici peut ne pas l'être là-bas. Dans son entreprise, Rouget ne pro­<br />

\.<br />

pose pas une définition de /bokonon/ : "il n'a pas d'opinion person-<br />

nelle là-dessus "(]). Pourtant, il rejette catégoriquement le sens<br />

d'amulette qu'on attribue à /bo/ a cause d'une question de ton;<br />

dans /bokonon/, la voyelle 0 est de ton moyen-ascendant alors que<br />

/bo/ est bas. Il oublie peut-être que beaucoup de substantifs/Fon/<br />

ou /Wémègbé/ se composent d'autres substantifs et que leur combi-<br />

naison peut modifier les tons primitifs de chaque constitutants<br />

(ex: /ganu/ =/ga/ = le fer, /nu/= la chose; /ganu/= l'assiette).<br />

Nous pouvons décomposer d'une première façon le mot /bokonon/ :<br />

/bo/ = amulette,/ko/ = le cou, /non/ = la mère, le propriétaire.<br />

(1) R<strong>OU</strong>GET Gilbert,"Une chantefable d'un signe divinatoire au Daho-<br />

mey", in Journal of African languages,1-3, 1962, page 273-2930;<br />

(2) Nous avons pris cette définition dans le Petit Robert \<br />

(3) R<strong>OU</strong>GET Gilbert, Op. cit. page 276


- 31 -<br />

Dans cette première tentative le terme désignerait celui qui porte beau-<br />

coup d'amulettes au cou. Celui-là peut en être le fabricant comme aussi<br />

le simple utilisateur. Mais nous avons déplacé beaucoup de tons dans cet-<br />

te première démarche. Et si nous gardions les tons : Ibol= amulette,/kol=<br />

terre, sable; nous désignerons par le terme celui qui fabrique des statuts<br />

de sable et les anime par l'entremise des gris-gris: amulettes. Pratique<br />

magique ! Cela est plus près de la réalité et traduit bien la fonction du<br />

personnage. Nos deux démarches se complètent agréablement. Ce personnage<br />

est le plus souvent couvert d'amulettes. Le Ibokononl fabrique des amulet-<br />

tes, guérit des maladies, sauve le Wémènu des griffes de ses "ennemis".<br />

Deux rubriques se trouvent à l'actif du personnage: guérisseur, fabricant<br />

d'amulettes.<br />

Le bokonon au prime abord est un guérisseur traditionnel; ini-<br />

tié aux vertus des plantes et des herbes par son père, un de ses parents<br />

ou par un maître quelconque, il connaît le langage des plantes, leur<br />

génèse et leur nom secret que le profane n'utilise jamais, et enfin quels<br />

maux elles peuvent guérir. Personnage"scientifique", il donne des consul-<br />

tations et prescrit des médicaments qu'il compose lui-même. Il surveil-<br />

le personnellement ses malades jusqu'à leur rétablissement. Mais on ne peut<br />

pas soigner un mal sans un dépistage préalable; c'est ainsi qu'on ajoute<br />

au diagnostic la source naturelle ou supposée provoquée du mal. Aussi, le<br />

personnage s'est-il très tôt spécialisé en l'art divinatoire. Il interroge<br />

le Ifal (1) et peut alors dire d'où vient le mal , prescrire les sacrifices<br />

à accomplir, les gris-gris à utiliser (qu'il fabrique lui-même) pour éloi-<br />

gner le malheur conjointement avec l'utilisation des remèdes médicamen-<br />

teux. S'il peut entrer en contact avec les esprits, converser avec eux,<br />

(1) On se reportera à l'étude qu'a faite du Ifal et du Ibokononl DE S<strong>OU</strong>ZA<br />

{Germain),dans :Conception de vie chez les Ifonl,publié avec le concours<br />

du C.N.R.S. aux Editions du Bénin, Cotonou, chapitre III .


- 32 -<br />

il peut donc apprivoiser l'esprit d'un vivant. De ce volet découlent les<br />

forces du mal : les gris-gris de malfaisance. Un esprit "scientifique"<br />

comme les médecins, il n'ordonne pas une seule potion, mais plusieurs<br />

sachant que si l'une ne réussit pas, l'autre fera l'affaire(/yé da man/).<br />

De plus, il se tient au courant; il n'a pas de revue médicale mais<br />

chaque fois que les vertus médicinales d'une nouvelle plante viennent a<br />

être prouvées dans quelque contrée(même hors du Bénin) ,il se déplace, va<br />

se renseigner et se tient donc à la pointe du progrès. Cette culture tou­<br />

jours en évolution ne s'arrête pas au seul domaine des remèdes, mais el­<br />

le déborde largement dans celui des gris-gris; a-t-on découvert le<br />

gri-gri le plus malfaisant du monde ? Il court en chercher la composition<br />

et le remède: "il en a acheté la main "dit-il. Là où il n'y a plus dans<br />

ses démarches d'esprit scientifique, c'est qu'il se fait assister d'un<br />

/kinninsi/(1), un vodun de prédilection, il lui fait souvent référence.<br />

Bokonon vit entièrement de ses connaissances.Il fait vivre aus­<br />

si une multitude de gens. D'abord, ses acolytes, des assistants ou des<br />

/bokonon/ de moindre importance, puis les apprentis-bokonons ou ceux qui<br />

viennent pour faire un stage chez lui enfin la troupe nombreuse des "igno­<br />

ranti" qui accompagnent le grand dans ses déplacements,cultivent ses ter­<br />

res, étouffent les victimes de sacrifices et les prépar'ent(les marmi­<br />

tons) .<br />

Le corps des métiers<br />

Les immigrés wémènus n'avaient pas introduit beaucoup de métiers<br />

dans la vallée soit parce que dans l'ancien royaume, iln'y en avait pas<br />

beaucoup, soit parce que les représentants de tous les métiers n'avaient<br />

(1) de S<strong>OU</strong>ZA (Germain) Op. cit. Chapitre III


- 33 -<br />

pas pu immigrer. Deux métiers se pratiquent dans la région<br />

coordonnerie<br />

la forge, la<br />

Au terme de cette étude, il convient de signaler qu'aucun groupe<br />

social n',est tè rIDé à l'autre. On peut du jour au lendemain passer d'une ca­<br />

tégorie sociale à une autre; ce qui est important, c'est que le "bourgeois",<br />

les prêtres et prêtresses, les bokonons, les forgerons et les cordonniers<br />

ajoutent à leur activité principale le travail de la terre. Tous les Wémè­<br />

nus sont donc des paysans auxquels la terre est chère. Il n'y a pas de cas­<br />

tes dans la région.<br />

Si tout le monde est paysan, tout le monde possède plus ou moins<br />

un lopin de terre à cultiver. Le régime foncier répond au vieil adage de<br />

"la terre aux premiers occupants". En effet, dans certains villages, une<br />

famille ou un lignage peut passer pour propriétaire de la majeure partie<br />

des terres du simple fait qu'ils ont été les premiers à occuper ces domaines.<br />

Ils acceptent cependant de céder une partie de leurs prérogatives à des voi­<br />

sins venus après eux. Il subsiste de nos jours très peu de domaines d'indivi­<br />

sions non morcelés. Les droits successoraux, le partage systématique entre<br />

les "mâles" d'une famille rendent visible l'acuité de la propriété privée;<br />

meme si certains membres d'une famille peuvent mettre en bail leur part<br />

d'héritage pour des raisons diverses, le patrimoine reste entier qu'aucune<br />

borne ne peut définitivement aliéner,car il est symbole de la cohésion fami­<br />

liale. Le morcellement des parcelles est beaucoup plus remarquable dans<br />

les villages lacustres où la terre est hérissée d'arbres-bornes. Et com-<br />

me le remarque Si justement P. Pélissier:


"<br />

- 34 -<br />

dans ces vieux villages, la solidarité des familles<br />

et l'autorité de leurs chefs sont une tradition encore<br />

vivante.(1)<br />

Voilà la brève présentation que nous voulions faire des wé­<br />

mènus; nous ne doutons pas un instant d'avoir fait des omissions que,<br />

nous esperons bien, la chanson populaire rétablira.Car, dans la ré­<br />

gion, elle est comme un livre dont chacun en écrit une page. C'est<br />

ici le lieu de nous poser la question de savoir ce qu'est la chanson.<br />

4. IRan/, un des modes d'expression du Wémènu<br />

La chanson, c'est une alliance plus ou moins judicieuse d'un<br />

texte et d'une mélodie, c'est la symbiose de la parole et de la mélo­<br />

die. Elle n'est le propre d'aucune époque ni d'aucun groupe social<br />

Art universel, elle se compose sous certains cieux de genres bien va­<br />

riés, et sous d'autres, elle est apparemment moins riche : nous citons<br />

le genre folklorique, les genres littéraires, le genre politique ou<br />

idéologique. C'est à notre avis l'art le plus populaire. Nous attribons<br />

a ce terme son sens plein, non pas celui que proposent les dictionnai­<br />

res. Un genre créé et utilisé par le peuple, il émane de lui, lui<br />

appartient; il s'adresse au peuple, lui plaît ou suscite en lui des<br />

réactions diverses. Et le peuple dans Wémè rassemble tout le monde :<br />

du/glésil au bokonon/,d'/akwènonl au forgeron, au savetier en passant<br />

par les prêtres. Et aujourd'hui, même les intellectuels produits par<br />

le contact avec d'autres cultures chantent et se sentent concernes;<br />

ils font partie du peuple. Et Claude TARDITS écrivait en 1958 :


- 40 -<br />

comme sa propre fille: elle lui fit les honneurs de la maison, l'initia<br />

aux secrets qui charment Bokossa, leur commun maitre. Elle lui fit la<br />

cuisine huit jours durant. Bokossa, lui, était plus heureux qu'aupara­<br />

vant, mais Gozinmè, elle, avait pris sa décision. Au bout du huitième<br />

jour, la jeune épouse fut invitée à sortir, à se rendre à la source avec<br />

sa coepouse. Elle la suivit, docile. Gozinmè prit la première de l'eau,<br />

une eau limpide, fraiche,telle qu'aime Bokossa. Au tour de la petite<br />

femme, elle ne savait où puiser. Elle voulut puiser à côté, Gozinmè<br />

protesta; elle avança, la femme-mère l'envoya encore plus loin, tant et<br />

tant qu'elle se noya. Gozinmè revint discrètement au logis, ravie d'a­<br />

voir supprimé sa rivale. Le mari vint s'enquérir des nouvelles de sa<br />

femme; on lui fit entendre qu'elle était allée faire un tour. Le mari<br />

se rendit très vite compte qu'il ne retrouverait plus sa femme; on<br />

entreprit des recherches, on battit forêts et marais. On fouilla par­<br />

tout comme s'il s'était agi d'une épingle. Même le /Fa/ resta muet.<br />

Vaines recherches. Des lunes passèrent.On oublia la disparue.<br />

Un jour que Gantin, l'ami de Bokossa, coupait du bois pres<br />

de la source, il entendit chanter comme un oiseau. Il n'y prit garde<br />

qu'au moment ou il entendit clairement son nom. Et la chanson disait;<br />

Gantin, cher ami de mon mari,<br />

Toi qui coupes du bois près d'ici, je désire te confier un<br />

message,<br />

Que tu transmettras a Bokossa de ma part.<br />

Ma coépouse rongée de jalousie m'a accompagnée à la source.<br />

J'ai voulu puiser à côté, elle me suggéra d'aller plus avant.


- 42 -<br />

Il est certain que le récit comporte une beauté intérieure à<br />

laquelle s'ajoute l'art du conteur et qu'il véhicule structure sociale<br />

et mentalité. Mais cette expressivité serait tronquée en l'absence de<br />

la chanson. Et la chanson, elle énonce à mi-mo:t toute l 'histoire. Ex­<br />

traite du texte, elle est parfaitement compréhensible : elle est auto­<br />

nome. Une autre esthétique préside à son existence. Mais avant de pro­<br />

céder à l'examen des questions générales d'esthétique et de créativité<br />

soulevées par notre propros, il convient d'abord de décrire/han/ dans<br />

le contexte socio-culturel.<br />

a) Origine de /han/<br />

2. /Han/ et le contexte socio-culturel<br />

Les récits cosmogoniques regorgent de mythes de créations et<br />

d'intitutions de toutes sortes. Cependant, on n'y rencontre même pas des<br />

allusions à la création de /han/. Toujours est-il que les Wémènus ont<br />

fait de la chanson et de l'Art lui-même un don d'un génie (1). En effet,<br />

et cette vision est unique dans la République Populaire du Bénin, la lé­<br />

gende attribue l'origine de la chanson à "Aziza". A en croire les infor­<br />

mateurs, Aziza serait une créature de petite taille, d'un aspect physi­<br />

que très proche de celui de la race blanche et se révélant aux hommes<br />

toujours assis sur une ancienne termitière délabrée, sa demeure. Elle<br />

apparait avant tout comme la respecta'üe détentrice de toutes les scien­<br />

ces, de toutes les perfections et de toutes les puissances du monde. Elle<br />

a choisi parmi toutes les professions humaines, les chasseurs, des aven-<br />

(1) Clément DA CRUZ,"Inventaire des instruments de musique dans le Bas­<br />

Dahomey" ,in Etudes dahoméennes, N° XII, 1954 ..


- 45 -<br />

Il chante des chansons qu'il a composées. Et c'est pour nous une ambition<br />

que de chercher à suivre l'histoire de cet art autonome et multiforme,<br />

tant la matière est surabondante. Mais cette variété, signe évident d'une<br />

richesse culturelle de pensée et d'expression, de préoccupations (thèmes)<br />

à fixer dans un moule, est tantôt création personnelle du peuple, tantôt<br />

arrangement et affinage de productions adoptées. Aussi, rencontre-t-on<br />

dans la région plusieurs possibilités d'existence de /han/.<br />

c) / Han / dans Wémè - Existence<br />

Seules les caractéristiques du genre nous permettent de faire<br />

l'analyse suivante; en effet, la chanson populaire est quasi-spontanéité<br />

et avant tout fille de la réalité. Quasi-spontanéité à cause de la force<br />

de l'improvisation, de la force de créativité qui l'engendre en jets purs<br />

et limpides. Si elle était entièrement spontanée, on spéculerait inélucta­<br />

blement sur son caractère primitif, c'est-à-dire sans aucune préoccupa­<br />

tion esthétique. Mais elle est semi-spontanée. Sa sociologie apparaît<br />

complexe de ce point de vue. Un attentif examen révèle plusieurs possi­<br />

bilités d'existence du chant populaire.<br />

On dénombre les chansons anciennes qu'ont transmises au Wémè­<br />

nu les voix inconnues de ses ancêtres; ce sont d'abord les chansons de<br />

cérémonies, à savoir: les cérémonie.sinitiatiques, les cérémonies mor­<br />

tuaires(enterrement, troisième jour, huitième jour, funérailles),puis<br />

les cérémonies fétichistes. Ces chansons ont un caractère opaque et sont<br />

entourées d'un certain sens religieux, sacré. Certaines d'entre elles


- 49 -<br />

- le deuxième sous-groupe de chansons nouvelles provient des<br />

tams-tams adoptés. En effet, la proximité d'autres régions, la ressem-<br />

blance entre les langues, permettent aux tams-tams de passer d'une ré-<br />

gion à l'autre. Dans ce cas, on adopte le tam-tam et un certain nombre<br />

de chants de son répertoire. Soit on garde ces chansons dans leur lan-<br />

gue d'origine,soit;ctlm ::hange les paroles. Par exemple,/Djèkè/(1) a été<br />

adopté; aussi le chant Ajasin vodun xwensé (ch 88) est-il populaire<br />

dans Wémè bien que le fétiche dont il est question n'appartienne à<br />

aucune famille de Wémè. Il a suffit que le contenu culturel de ce chant<br />

ait son pendant dans la région pourqu'il soit accepté. En effet, une<br />

multitude de fétiches recrutent des serviteurs chaque année dans Wémè<br />

comme le fait le fétiche /Xwensé/ d'Ajasin.<br />

- le troisième sous-groupe de chansons nouvelles constitue le<br />

répertoire de /Hanhun/. Tam-tam de société à l'origine, on y chante beau-<br />

coup plus qu'on ne danse. Son répertoire s'est spécialisé dans les chan-<br />

sons apologétiques ou laudatives, les chansons d'adversité ou des chan-<br />

sons historiques. Il se compose d'un certain nombre de mélodies modèles<br />

sur lesquelles on crée d'autres chansons. Ce qui change, c'est le thème,<br />

la gestuelle dans l'exécution. Le groupe de /hanhun/ le plus célèbre dans<br />

la région fut celui du nommé Chitou de Hozin. Aujourd'hui, ces chan-<br />

sons ont été récupérées par d'autres associations de tam-tam. C'est plus<br />

que jamais à ce niveau que nous avons la certitude de la quasi-sponta-<br />

néïté de la chanson populaire. Car, ici, le préchantre développe le thè-<br />

me dans la mélodie au fur et à mesure que le souffleur le lui souffle.<br />

(1 ) /Djèkè/ = tam-tam adopté des régions de Porto-Novo et surtout àes<br />

populations Aguégué.<br />

g-mT- . 'n....WP'2""!I


- 50 -<br />

Le souffleur dans le cadre de /hanhun/, c'est soit l'homme dont on chante<br />

l'histoire, soit un membre de l'association qui connait l'histoire en<br />

question. Le tout est si bien synchronisé que le spectateur n'entend<br />

que la chanson.<br />

La chanson populaire est aussi fille de la réalité à cause des<br />

thèmes socio-culturels qu'elle charrie, tel un vigoureux torrent empor-<br />

tant sur son passage cailloux et grès, débris et déchets de toute origi­<br />

ne et de toute taille. Elle plonge ses racines dans la nature-même. Et la<br />

nature dans Wémè n'est-elle pas, elle, tout entière poésie, gravée en<br />

plume d'or sur des pages tantôt roses, tantôt grises, tantôt couleur jar­<br />

re centenaire d'huile de palme. Echappant radicalement aux données de la<br />

poésie conventionnelle que nous connaissons dans les civilisations de<br />

l'écrit, elle surgit belle,esseulée, mais autonome et authentique. Car<br />

en fait, qu'est-ce que la poésie dans ces pays? Elle n'est pas autre cho­<br />

se que la vie clairement et vigoureusement exprimée; c'est l'expression<br />

belle et harmonieuse des sentiments que nous éprouvons,vous et nous. Elle<br />

saisit l'origine des sentiments, des passions.Cependant, la réalité est<br />

fragmentaire, souvent obscure. La poésie "la vraie poésie débrouille,é­<br />

claire, achève."(1) Mais si tout le monde éprouve des sensations, il<br />

n'est malheureusement pas donné à tout le monde de les exprimer. Seul le<br />

poète peut le faire. Le poète, pour nous, est celui dont l'étonnante sen­<br />

sibilité s'allie fortement avec la culture afin de redonner jour au beau que<br />

recèle discrètement la nature. Les poètes forment dans la société une<br />

(1) Edouard SCHURE, Histoire du lied ou la chanson populaire en Allema­<br />

gne, Paris:'Sandoz et Fischesacher, 1878, page 235.


- 5'2-<br />

"Il semblerait que le domaine où la fantaisie et la création<br />

personnelles peuvent davanatge se donner libre cours soit<br />

le chant "(1)<br />

Cette affirmation se vérifie bien aussi à propos des chansons<br />

nouvelles. En effet,l'existence des chansons nouvelles, leur création se<br />

lient étroitement à un caractère essentiel de la vie communautaire: "le'<br />

communalisme sentimental" (2). Car, en dépit des murs physiques, la vie du<br />

villageois n'a de secret pour personne dans le village.On a ainsi vu des<br />

joies, des scandales étalés sur la place du marché ou sous l'arbre à pa­<br />

labre. Et comme pour fixer ces élémets de la vie quotidienne paysanne,<br />

comme pour les rendre éternels, la chanson populaire nouvelle s'en est<br />

emparee. Née sous cet arbre à palabre d'on ne sait qui, elle vole sur les<br />

ailes de la musique de bouche en bouche, de village en village, pour<br />

finir par atteindre toute la région.<br />

Une lavandière au travail près d'un marigot se croit seule; elle<br />

module d'une voix limpide une complainte que lui inspirent d'une part la<br />

rudesse de son labeur, d'autre part ce bosquet environnant, touffu et<br />

sombre, peuplé de mille bruits d'insectes et de gazouillis d'oiseaux in­<br />

souciants, de cris rauques et effroyables de macaques apeurés. Un chas­<br />

seur poursuivant discrètement un gibier l'a entendue; il repète cette<br />

complainte le soir en rentrant chez lui, le coeur gonflé par l'abondant<br />

(1)CA<strong>LA</strong>ME-GRIAULE (G.),Op. cit,page 76·<br />

(2) Le fait de partager avec d'autres les memes sentiments.<br />

Expression empruntée à K. NKRUMAH dans le consciencisme, Paris:Pré­<br />

sence africaine,1976.


- 5§ -<br />

qui pouvaient le faire. On leur prend leur terre et on n'embauche pas leurs<br />

fils pour les bonnes places de l'exploitation.<br />

Pendant que notre glaneuse la fredonne,un vaillant laboureur,<br />

jouissant d'une pause tranquille à l'ombre d'un palmier et à cette heure de<br />

soleil meurtrier, l'entend. Il colporte cette mélopée au village; elle aussi<br />

entre dans le répertoire de Wémè. Combien de chansons sont nées ainsi ! Le<br />

peuple<br />

les chante tout en ignorant de qui elles sont; car, l'agent propaga­<br />

geur n'en a pas indiqué la source, et le village qui l'exécute maintenant<br />

ne se soucie guère de cette source.<br />

Cependant, il n'est pas rare derencontrer de nos jours des chan-<br />

sons avec étiquette d'auteur. Dans ce cas, la langue désigne au travers du<br />

nom du préchantre l'association de tam-tam dont on tient le morceau; on di-<br />

ra que telle chanson appartient aux Chitou ou aux "Y" /Chitoulè han wè/.<br />

Nous nous permettons d'affirmer après toutes ces considérations que la chan-<br />

son populaire est, dans Wémè, une oeuvre à la fois anonyme et signée d'un<br />

nom d'auteur collectif: le peuple. Cette force de création provient fon-<br />

damentalement de la psychologie du Wémènu. En effet,il est fortement at-<br />

taché à sa terre)à sa case, à son clan, à sa famille et à son village. On<br />

observe chez lui à cet égard une vie affective secrète ou profane. Aussi,<br />

chante-t-il aisément son village, les esprits de son village, organisateurs<br />

providentiels. Fin observateur, il remarque et craint tout. Les animaux de<br />

la brousse, les plus familiers surtout, qu'il surprend régulièrement au dé-<br />

tour de la piste, ont leur histoire et partant leur chanson. Certains plus<br />

mystérieux, l'inspirent encore plus. Imaginatif, il a donné un nom parti-<br />

culier aux génies de la brousse et des eaux, aux héros des temps jadis;


- 59 -<br />

-enfin le cycle /Xwé/. On y distingue deux séries de fêtes:<br />

les fêtes des religions adoptées (le cas du christianisme), les fêtes tra­<br />

ditionnelles qui comprennent les réjouissances marquant les cérémonies fé­<br />

tichistes, celles qui caractérisent les grandes funérailles et les fêtes<br />

-dites civiles introduites par la colonisation :le Nouvel an, la fête de<br />

l'indépendance, les différentes fêtes célébrant les différentes"libérations<br />

nationales" .<br />

Les chansons occasionnelles<br />

Elles sont aussi importantes soit par leur nombre, soit par les<br />

occasions et leurs caractères. En effet, la plupart des occasions du groupe<br />

revêtent un caractère sacré; cousues de croyances populaires et souvent de<br />

superstitions, ces occasions confèrent aux chansons qu'elles nécessitent<br />

leurs propres caractères. Nous divisons donc les chants occasionnels en<br />

deux sous-groupes : les chansons sacrées ou considérées en tant que telles<br />

et les chants profanes.<br />

a) - Les chansons sacrées<br />

Elles groupent d'une part les chansons rituelles fétichistes :<br />

recrutement et sortie des serviteurs de fétiches, cérémonies initiatiques,<br />

cérémonies expiratoires/Savo/, et d'autre part les chansons funèbres:<br />

chansons d'enterrement, le piétinement de la tombe (/yozin han/ - 7 chants<br />

pour la femme, 9 pour l'homme), la huitaine ou /doyizan/, les petites fu­<br />

nérailles /Yèsu/.<br />

b) - Les chansons profanes<br />

Elles -mêmes comportent deux groupes<br />

- les chansons profanes appartenant à tous; ce sont le cycle<br />

de chants de la naissance à la mort, les chansons phobiques ou d'adversité


- 60<br />

et les chansons apologétiques ou laudatives;<br />

- les chansons profanes de sous-groupes socio-profession-<br />

nels regroupant les chansons de laboureurs, de piroguiers, de voleurs<br />

et les chansons de jeux d'enfants. Cette classification m?ntre claire-<br />

ment que la chanson se trouve au commencement et à la fin d'une vie.<br />

e) - la chanson dans la nature<br />

La nature dans Wémè apporte une quantité de preuves qui vien-<br />

nent corroborer cette affirmation. Le jour ne commence-t-il pas par le<br />

chant du coq, audible par tous et servant de réveil-matin ?<br />

Koklo ho 0 ko = koklo ho 0 ko<br />

Dagbé ma xwégbé = le bien n'est, pas à la maison.<br />

le bonheur n'est pas au lit<br />

le coq prone et démontre que le bonheur n'est pas au lit. Le volatile<br />

. se lève en effet a quatre heures du matin tous les jours et part à la<br />

recherche du grain dès que les tout premiers rayons pâles du soleil<br />

levant dissipent les ombres de la nuit. Ce jour ne se poursuit-il<br />

pas dans le gazouillis allègre des oiseaux dont les plus proches de<br />

l'homme sont IAgonl avec son chant mélodieux et grave<br />

Un do sin mion + yé so èl<br />

Un do azincé + ye bè èl<br />

Dada kuku + huhu<br />

Un jè gboto + huhu 1<br />

Il dit<br />

J'ai chauffé de l'eau, on me l'a vidée<br />

J'ai pondu mes oeufs; ils les ont ramassés.


- 63-<br />

harmonie invitant à la réflexion et au reve, et non/comme on pourrait<br />

le penser/une cacophonie rugueuse mettant les sens à la torture. Une<br />

fois de plus, la nature toute entière est poésie; elle est chanson.<br />

Et la journée finit sur une note d'espérance, espoir de refaire par la<br />

nourriture l'énergie dépensée dans la journée et de pouvoir être dispos<br />

pour le lendemain.C'est le lieu de dire que la vie est un éternel recom­<br />

mencement.Cet espoir sort du bec de la perdrix, un bel oiseau au pluma­<br />

ge uni et alléchant, gris moucheté de rose pâle, à l'allure princière,<br />

aux gestes furtifs,un des symboles de la femme. Son caquètement: /kaka<br />

kraaa + kakaa kraaa/ est assimilé au raclament par la femme des fonds<br />

de la marmite afin de les débarrasser des restes de la veille et de<br />

préparer le repas du jour. Le laboureur au champ, entendant la perdrix,<br />

sent comme un appel de son épouse; il arrête son travail, va ramasser<br />

du bois pour la cuisine, et se dirige aussitôt vers sa chaumière. Tous<br />

ces oiseaux sont à l'image de l'espoir du Wémènu : pouvoir vivre tran­<br />

quillement en harmonie avec la nature, fournisseur providentiel. L'im­<br />

portant pour lui réside dans la vie tranquille de son village. Bien<br />

qu'il aspire aujourd'hui à faire de sa progéniture des hommes de leur<br />

temps (un quelconque échelon de la nouvelle élite), il s'efforce cepen­<br />

dant de préserver son village de l'intellectualisme envahissant des<br />

villes et de lui faire garder ce qui est pur des sentiments premiers<br />

les sensations. Car, dans les villages de la région,on sent, on croit<br />

et on vit; on n'explique ni ne cherche à comprendre les choses qui<br />

ne fournissent pas par elles-mêmes des indications sur leur propre,·


- 7J -<br />

les airs d'un quelconque groupe fétichiste ! Que disons-nous? Cela ne<br />

viendrait même pas à l'idée de la femme qui fait la lessive dans sa cour<br />

et qui pourtant ponctue son travail de force chansons;on peut penser que<br />

l'envolée de son inspiration l'égarerait dans cette voie, mais non;une<br />

sorte de barrage subconscient se dresse en censeur et trie systématique­<br />

ment tous les éléments de son répertoire. Cependant, il arrive que des<br />

gens passent outre ce qui est considéré comme un tabou :à ce niveau se<br />

pose le problème de la transgression du tabou . La seconde acception<br />

contenue dans le coeur concerne ses vertus physiologiques. Il est,dit-on<br />

couramment, le siège des sentiments. C'est le moteur du lyrisme. Lorsque<br />

le coeur est ému, il s'épanche dans un verbe éloquent et conséquent.<br />

Ce coeur-là, le Wémènu l'assimile au ventre. Aussi, dit-on que l'ivrogne<br />

ne raconte que ce qu'il avait dans le ventre, dans ses entrailles avant<br />

d'être soûl(in vino veritas). On peut en conclure que la parole chez le<br />

Wémènu est poésie, qu'elle confère une force expressive et une vierge<br />

beauté à la chanson qui elle-même exprime les moeurs.Le chant populaire<br />

est donc poésie.<br />

3. pe la dynamique sociale de /han/<br />

.. Les habitants des rives du grand fleuve chantent indifférem­<br />

ment leur tristesse et leur joie, leurs craintes et leurs espérances,<br />

leurs conceptions de l'homme et de la vie, leurs divinités et leurs an­<br />

cêtres, leurs morts, leurs génies, enfin leur Dieu. C'est en cela que<br />

l'analyse à propos de la dynamique de l'art, analyse faite par DIa BA­<br />

LOGUN, se justifie. Il écrivait notamment :


- 72 -<br />

"A toutes les ét)'oques, dans toutes les sociétés, le contenu<br />

et la forme de l'oeuvre d'art sont à la fois la conséquence<br />

et le reflet parfois sous la forme d'une contradiction dia-<br />

lectique d'un certain nombre de croyances, d'espoirs, de préoc-<br />

cupations et d'aspirations d'une société et dune époque, puisque<br />

l'art est pour cette société, en même temps qu'un véhicule de<br />

communication, un facteur de cohésion."(1)<br />

Stephen CHAUVET avait déjà fait la même analyse à propos de la chanson.<br />

"La chanson joue, disait-il, a joué un rôle social considéra-<br />

ble. La symbiose (musique danse) sert a exprimer, à objec-<br />

tiver le sentiment collectif ou individuel à l'occasion de<br />

de quelque évènement et ou de quelque comportement." (2)<br />

Nous avons montré en quelles occasions le Wémènu chante.Et ces chansons<br />

Ces chansons renferment, comme la noix de coco couve jalousement son lait<br />

qui est aussi sa sève, des trésors cachés. On y trouve tout un monde vi-<br />

vant et connu, des traditions locales ayant toujours cours, de mâles ver-<br />

tus, des puissances secrètes. Une partie d'elles vient du fond des ages<br />

par l'intermédiaire de voix déjà oubliées, et l'autre est à mettre à l'ac-<br />

tif des générations du moment. Et, à notre avis, c'est une grande force<br />

pour la région comme pour son habitant, de ne rien oublier de son passe,<br />

de porter en eux-mêmes le meilleur et le pire de ce passé, la sève-même<br />

(1) Ola BALOGUN, Forme et expression dans les arts africains, in"Introduc­<br />

tion à la Culture africaine" Union générale d'édition, 1977,Paris1 pageSO •<br />

(2) Stephen CHAUVET, Musique Nègre, Société d'éditions géographiques,mari­<br />

times et coloniales, 1929,Paris, page 14.


-%-<br />

de meme pour la femme mariée. Et la mauvaise cuisine (Iwo munI = une<br />

pâte pas bien cuite) amène souvent la discorde dans le foyer. Une é­<br />

pouse ne doit pas chanter à la cuisine; elle tuerait son. mari. Chacun<br />

dans Wémè respecte tout cela comme il le peut.<br />

Pour comprendre davantage le rôle que joue le chant populaire<br />

dans la vie,pour appréhender la splendeur que peut atteindre la chanson<br />

qui est aussi un roman de moeurs, il faut aller à wémè.Parcourez cette<br />

région, vous y rencontrerez partout Ihanldans sa force première et ses<br />

imbattables notes et parfums du terroir. Ce qui est curieux, c'est que<br />

dans un groupe où les différences d'âge sont sensibles, oùaujourd'hui<br />

les différences d'éthLque sont fort perceptibles, la chanson apparaît<br />

comme un facteur priviligié de communauté. Entendre une chanson, c'est<br />

entendre un appel; l'écouter, c'est aller franchement à la rencontre<br />

d'une communauté ou d'un homme; c'est aussi prêter attention pour mieux<br />

connaître. Et c'est cette attention que nous demandons à nos. lecteurs.<br />

Cependant, nous ne nions pas que le difficile est.de trouver dans la lan­<br />

gue que nous allons utiliser pour traduire, dans le monde qui nous entou­<br />

re, les images,les formes nécessaires pour donner réellement corps à ce<br />

monde vivant et riche de Wémè. Il y a lieu d'avoir peur que le lecteur<br />

ne l'entrevoie au lieu de le vivre et de le comprendre.Nous essaierons


-82-<br />

Parfois, toute une association s'annonce depuis des kilomètres du village.<br />

En effet, ils ont été invités à une fête, à des funérailles; ils viennent<br />

souvent de très loin. Dans ce cas, ils partent de chez eux par petits grou-<br />

pes unis par des affinités. En chemin, les femmes, leurs tabourets ou les<br />

tams-tams sur la tête, devisent gaîment, caquettent un peu ou se livrent<br />

volontiers aux cancans; ou alors, elles répètent une chanson récente. Les<br />

hommes, eux, parlent de "choses sérieuses", se chahutent. Mais voilà que<br />

les premiers s'arrêtent, les retardataires les rejoignent; tout le monde<br />

est là, au point de rassemblement convenu. De là, ils se dirigent vers le<br />

village en chantant, en clamant haut leur fierté de venir; car, une invi-<br />

tation expressè J:lotiveleur venue.<br />

(CH 07) Un message nous est parvenu.'<br />

C'est le message de (X) que nous avons reçu avant de nous<br />

présenter ici;<br />

Nous ne nous sommes pas faits récemment lali 0<br />

, ,<br />

Pour quemander a travers quartier ..<br />

Nous ne travaillons pas d'habitude<br />

o Lali : personne consacrée a un serpent déifié. Dès sa sortie du ou-<br />

vent, elle se promène de quartier en quartier pour quemander sa<br />

nourriture. Geste suprême d'humilité.


- 83-<br />

Nous vivons, Agbajumon 0&<br />

Nous ne nous sommes pas fait récemment lali pour mendier<br />

à travers quartier.<br />

o Agbajumon est un mot d'emprunt Yoruba. Il s'emploie dans plusieurs<br />

sens dans la région.<br />

1. Le terme désigne un homme, une femme riche, entouré d'amis, influent<br />

a tous les égards. Tous les facteurs<br />

nécessaires et obligatoires.<br />

richesses, amis, influences sont<br />

2. Il désigne, et c'est le plus courant, une femme, un homme moyennement<br />

nanti (ni très riche ni très pauvre), pourvu d'une pléiade d'amis et<br />

encore plus influent que le véritable riche.<br />

3. Le dernier sens que nous proposons ici connaît un emploi péjoratif.<br />

Le terme désigne quelqu'un ou qui a été riche, ruiné et qui garde les<br />

précieuses habitudes des riches: la course à la distinction, l'étala­<br />

ge vaniteux d'une riche inexistante; ou qui n'a pas du tout. d'argent<br />

(parfois miséreux), comptant dans ses quelques amis deux ou trois ri­<br />

ches qu'il s'évertue à copier surtout dans les relations publiques(il<br />

passe sa vie à échaffauder des projets grandioses aux oreilles de qui<br />

veut l'entendre: des châteaux en Espagne. Il s'endette le plus sou-<br />

vent pour s'habiller afin de paraître; il connait très souvent des<br />

nuits sans dîner); il n'est pas influent du tout ou du moins il pen­<br />

se, a tort d'ailleurs, que les amis de ses amis riches sont ses amis.<br />

Une telle femme, un tel homme s'appelle /Agbajumon kuku/ : faux pre­<br />

cieux.


- 91 -<br />

A en croire le chant récréatif, l'orphelin ne serait pas la<br />

seule victime de cet individualisme execerbant. Chacun de nous en est<br />

victime lorsqu'une difficulté le pousse vers la famille. (CH 50). La<br />

propriété serait à l'origine de cet individualisme. Les biens qui na­<br />

guère faisaient partie du patrimoine collectif de l'indivision, du clan<br />

ou de la famille, ont été partagés sous la pression de certains cupides.<br />

Un lopin de terre échoit en partage à un individu qui veillera à ce que<br />

son droit de propriété soit strictement respecté. Dès cet instant, des<br />

heurts violents, des joutes verbales futiles aliènent l'esprit familial.<br />

La cohésion est rompue. Chacun doit demeurer dans ses frontières. Té­<br />

moin de toutes ces tribulations, le chant populaire en rit; car il sait<br />

que rien n'est plus unificateur que la mort et la case.des morts où les<br />

mânes de toute la famille se rassembleront inévitablement. Divisée de<br />

son vivant. par la cupidité, la famille ne pourra jamais éviter de s'unir<br />

après la mort dans la commune demeure ancestrale. Là, il n'y aura plus<br />

de frontières, pas de biens privés; tout le monde sera au même régime.<br />

Le chant récréatif lance alors une exhortation à l'union, à la concorde<br />

et procède à un farouche dénigrement des vanités individuelles. C'est à<br />

cette seule condition que survivra l'unique voix familiale, et que les<br />

faibles seront pris en charge par l'ensemble.<br />

(CH 12) L'on dit que vous avez coutume de vous rassembler<br />

Et de fixer des limites aux.uns et aux autres;<br />

Vous vous divisez<br />

Mais pouvez-vous séparer la commune demeure mortuaiPe ?


- 93 -<br />

Le plus curieux s'observe au niveau des relations entre mem-<br />

bres directs d'une même famille. Cela est encore pire lorsque le père<br />

est polygame. Les enfants le plus souvent manquent de franchise entre<br />

eux. Pendant que le frère utérin vous dit qu'il fait nuit et vous dé-<br />

conseille de sortir, le frère consanguin minimise les dangers de la nuit.<br />

Si vous l'écoutez, vous vous livrez à des mésaventures dont vous serez le<br />

seul à en supporter les conséquences (CH 47). Cependant, il est une occa-<br />

sion où les frères ne se trompent point, où ils sont solidaires c'est<br />

quand l'un deux décède. Les congénères du clan, ceux de la grande famille<br />

vaquent sans inquiétude à leurs occupations habituelles. Pour camoufler<br />

leurs comportements,les uns prétextent qu'ils vont faire des commissions<br />

pour leur femme, d'autres affirment qu'ils vont chercher des médicaments<br />

aux champs. Les premiers vont à leur commerce, les seconds vont labourer<br />

leur champ, pendant qu'un corps est allongé sans vie. Seuls les frères,<br />

les soeurs s'affairent autour de lui, lui donnent les derniers soins et<br />

le mettent dans sa dernière demeure (CH 85). Mais le mort n'est pas dupe;<br />

il sait que certains sont allés à lui avec de vrais sentiments fraternels,<br />

et que la sollicitude des autres à son égard est dictée par la mortelle<br />

honte qu'ils éprouvaient pour n'avoir pas enterré leur mort. Il ne doute<br />

pas des négligences qu'on pourrait mettre à creuser son tombeau, des omis-<br />

sions qui pourraient se glisser dans l'accomplissement des cérémonies funè-<br />

bres. Mais la présence de son enfant, de ses enfants efface toutes ses<br />

appréhensions.<br />

H<br />

Dé é a ji è + wi nyi towé/ = n'est vraiment ton enfant que celui que tu<br />

•<br />

,u<br />

as engendre. Cette autre vision de la famille soulève en nous


- 94-<br />

des questions. L'homme est-il donc seul sur la terre? N'a-t-il personne<br />

à qui faire confiance? Le chant populaire nous rassure. L'enfant est le<br />

compagnon de l'homme. Comme la liane d'igname repose sur son tuteur, ainsi<br />

le fils et le père reposent l'un sur l'autre. L'importance de l'enfant pour<br />

les parents est remarquable lorsque ces derniers vivent leurs vieux ans.<br />

Elle est telle que celui qui n'a pas d'enfant doit tout mettre en oeuvre<br />

pour en avoir. La quête d'enfant chez certaines personnes, lorsqu'elle<br />

aboutit, se traduit dans le nom que l'on donne à l'enfant: /Babodji/ =<br />

" désiré. ' " Mais d'un désir ardent qui implique souvent des sacrifices aux<br />

dieux, aux ancêtres, parfois, une conversion a une société fétichiste.<br />

Que ne peut-on donc pas faire pour avoir un enfant ?<br />

La tentation serait de faire confiance aux enfants de son frère,<br />

de ses frères et soeurs si on n'en avait pas soi-même. Mais un enfant<br />

d'autrui ne peut jamais prendre soin de vous comme le vôtre propre. Le<br />

riche sans enfant mène une vie tronquée. Ses richesses, ses habits, ses<br />

parures ne valent pas le petit doigt d'un enfant. S'il y avait un marché<br />

aux enfants, le riche s'en achetèràit sûrement, mais il n'yen a pas. Aus-<br />

si,passe-t-il de tristes vieux jours. L'enfant apparaît doncCJmme la seule<br />

et unique richesse du pauvre. Il est, comme écrit Honorat AGUESSY : "la<br />

suprême récompense de la vie."(1)<br />

(1) Honorat AGUESSY,"Tradition orale et structures de pensee Essai<br />

méthodologique",in Cahiers d'histoire mondiale,Vol.XIV N° 2, 1972,<br />

Page 270.


_100 _<br />

Au meme moment, la touterelle son amie, triste elle aussi par<br />

ce temps morne, développe sa philosophie. Le paysan sourit et sa solitu-<br />

de s'estompe car, se dit-il, en voilà un qui comme moi attend un tout<br />

petit rayon de soleil.<br />

/sè / dans la région représente le destin responsable de la des-<br />

tinée. Chaque homme possèderait son /Sè/ ou /Joto/ que nous assimilons à<br />

l'ange gardien (c'est l'équivalent du "CHI" des Ibo dans le monde s'effon-<br />

dre de Chinua A.) ./sè/serait le quasi-double de l'homme qu'il protège;<br />

tout ce qui lui arrive échoit en contre-partie à son protégé; et chacun<br />

de nous assiste impuissant à son bonheur comme a son malheur. L'associa-<br />

tion/sè/ - /Gbè/ donnerait la Providence chrétienne ou plutôt le hasard<br />

en terme païen. Existe au-dessus de tout cet engrenage un programmateur<br />

universel : /Mawu / = le dieu suprême, créateur de toutes choses; par-<br />

fois, on l'appelle /Dada Sègbo/ = le plus grand parmi les /sè/.<br />

Au terme de cette étude, le Wémènu paraitrait bloqué par la<br />

destinée. La psychologie d'homme déterminé(CH 80) l'empêcherait d'envisa-<br />

sager l'avenir avec optimisme; de ce point de vue, on pourrait être tenté<br />

de le prendre pour un esprit improgressif entièrement rivé au présent. Le<br />

chant populaire nous donne l'assurance du contraire.<br />

Certes, il a conseillé à l'homme de s'armer de résignation dans<br />

les adversités, mais une résignation doublée de patience qui fait espérer<br />

des lendemains charmants. " Patience, patience, ayez tous de la patience;<br />

11<br />

tant que la terre tourne, la roue tournera toujours, et il n'y a pas de<br />

raison qu'elle ne s'arrête a chaque homme (CH 69 & CH.70). La perspecti-<br />

ve d'un bonheur inévitable apparait comme un facteur de galvanisation


- 101 -<br />

des esprits, faisant du Wémènu un homme résolument tourné vers l'avenir.<br />

Il prend en charge sa vie, lui inflige une direction. Pourquoi l'expérien­<br />

ce ne partirait-elle pas de lui pour aboutir à ISè 1 ?Il s'insurge alors<br />

contre cette destinée dirigée de là-haut. Mais les arguments du hasard<br />

s'abattent sur lui comme des massues (la pluie qui ne tombe pas entraîne<br />

la sécheresse qui, a son tour, détruit les semences) et finissent par dé­<br />

courager ses velleïtés d'une libération immédiate. Il ne se résigne pas,<br />

il espère plutôt que son tour arrivera.<br />

Dans une autre rubrique, le destin se sert le plus souvent d'a­<br />

djuvant humain pour atteindre les hommes. La femme paraît l'adjuvant par<br />

excellence du destin. Dès qu'elle aime un homme, sa chance ou sa malchance<br />

se porte sur lui. La vision de la femme dans le chant populaire passe par<br />

deux images opposées l'une à l'autre.La première image, celle qui est con­<br />

sidérée comme positive par le Wémènu, tracée tout en filigane, fait l'apo­<br />

logie de la femme-épouse et mère. La femme tout court n'est pas encore la<br />

femme dont l'exemplarité serait parfaite; il faut qu'elle soit épouse et<br />

mère.De ce point de vue, elle a droit au respect de toute l'humanité dont<br />

elle est la génitrice. Prendre soin du ménage (/za xomèl = balayer la mai-<br />

son, Izé zin bo yi toi = prendre la jarre et se rendre à la source) est<br />

l'une de ses tâches essentielles. La société la dispense de travaux rudes;<br />

car, elle ne possède que sept paires de côtes alors que l'homme en compte<br />

neuf. La faiblesse, la fragilité et la finesse de la femme proviendrait de<br />

cette différence quelque peu sentie comme une imperfection. Cependant, la<br />

ruse, un des atouts .du sexe,vient effacer cette tare. Le chant populaire


- 1()2 -<br />

ne propose pas un portrait exhaustif de la femme; il s'est intéressé aux<br />

aspects saillants qui ont caractère de défaut et que la femme pourrait.<br />

corriger. Le mariage devrait être une entreprise bénéfique aux conjoints;<br />

il devrait être porteur d'épanouissement et de rayonnement. Mais ce n'est<br />

pas souvent le cas. Certains traits de caractère de la femme y font sou­<br />

vent obstacle : un désir effrené de libération du joug du mari, le goût<br />

de l'aventure manquant ainsi aux règles traditionnelles de l'épouse do­<br />

cile et fidèle, la coquetterie qui fait d'elle un réceptacle de toutes<br />

les influences. A ce niveau, le chant populaire distingue dans Wémè<br />

deux catégories de femmes: les mères comme à l'ancienne, dépendantes<br />

à tous points de vue du mari. Elles n'ont pas de sources de revenus. Les<br />

femmes en voie d'émancipation (une minorité dans la gent féminine), dé­<br />

tiennent un commerce, se suffisent à elles-mêmes financièrement et, par<br />

conséquent, se passent de la présence écrasante du mari. Cependant, sub­<br />

siste en elles un arrière petit goût de dominées; cette attitude expli­<br />

que parfois des heurts violents motivés par la suspension par le mari<br />

de la pension alimentaire due aux enfants. La femme estime souvent dans<br />

ces cas-là que chacun porte le nom de son père, et doit être nourri en<br />

priorité par lui; la mère apporte des agréments supplémentaires. Alors<br />

de dispute en dispute, on en vient au divorce.<br />

La région a connu une vague de divorces dans les annees cinquan­<br />

te. Ce fut l'une des fois où la femme fut perçue comme un objet. En effet,<br />

pour tous les divorces, on se rapportait au tribunal de concialiation qui<br />

siégeait tous les jeudis à Adjohon.Jeudi en wémègbé se dit/nyonnunzangbé/=


- 103 -<br />

le jour de la femme. Ce jour-là donc, la société a décidé de ne parler que<br />

de la femme. Lorsque les futurs divorcés se présentaient au tribunal - la<br />

femme accompagnée de son nouvel-époux, l'ex-époux entouré de ses amis et<br />

parents - le président du tribunal donnait la parole à l'ex-époux. Celui­<br />

ci énumérait souvent avec parcimonie tout ce qu'il avait dépensé pour son<br />

ex-femme; le tribunal décidait du dédommagement que devait lui apporter le<br />

nouvel époux; c'était souvent des sommes lourdes pour l'époque. Pourtant,<br />

l'on faisait la queue pour divorcer ou pour prendre femme. Car, les hommes,<br />

au lieu d'être découragés de l'entreprise de suborner les femmes d'autrui,<br />

s'imposaient parfois d'immenses sacrifices pour parvenir à leur fin: mise<br />

en bail du patrimoine, ou même vente définitive des biens. Le chant popu­<br />

laire relatant le divorce, chant célèbre dans Wémè, parut vers les années<br />

1955-1956. Il dénonce l'instabilité des femmes, la perversité des hommes.<br />

Il fustige ces défauts avec humour; on y sent une intention délibérée de<br />

corriger la nouvelle habitude en la ridiculisant.<br />

(CH 15) La vie doit-elle continuer sur ce train?<br />

Oh ! que l'on vienne nous en délivrer.<br />

Les choses doivent-elles toujours aller ainsi ?<br />

Moi, Ladé, je souhaiterais qu'on nous en délivre.<br />

Car, si la vie doit toujours continuer sur ce train,<br />

Il faudrait que quelqu'un nous en délivre.<br />

Réunissons- nous et parlons-en.<br />

Peut-on estimer une dot à Quarante mille francs ?<br />

On devrait s'asseoir et en discuter.


- 104 -<br />

Jusqu'à Adjohon, ma muse s'est efferte une promenade.<br />

Afin d'assister au verdict d'une conciliationmanquee.<br />

Un génie, Aziza,s'en est allé à Adjohon<br />

Afin d'assister à un verdict de divorce.<br />

Là, je vis un natif et originaire de Saoro;<br />

Cet homme était venu de Saoro, il avait pris<br />

Lorsqu'il parut à la barre,<br />

femme.<br />

Laminou, le chef de canton, supputa la somme de sa dot ,<br />

Lui et ses notables statuèrent une importante somme d'argent.<br />

Le marié paiera à peu près Quarante mille .francs.<br />

Dès qu'il fut hors du tribunal,<br />

Il se mit à courir_)<br />

Et pendant qu'il s'enfuyait, le pénis lui cria d'entre ses<br />

jambes :<br />

"Je m'en lave les mains<br />

Mon ami, tu est allé chercher noise, supportes-en les consé-<br />

quences.<br />

Moi, ce n'est pas pour la femme que le grand artiste m'a<br />

placé où je suis, sous les vêtements.<br />

Et ce n'est sûrement pas pour une epouse que j'ai daigné<br />

t'accompagner à Adjohon."<br />

En vérité, le pénis, ce jour-làJn'était pas plus gros qu'un<br />

index;<br />

Il s'était retracté par frayeur.<br />

L'épouse scruta autour d'elle et ne vit aucun des siens.<br />

La mariée tourna la tête et ne vit aucun des siens.


- 105 -<br />

Car toutes les tantes avaient déjà pris le large,abandon­<br />

nant leur belle-soeur.<br />

Le presume beau-père lui-même voulut prendre la fuite;<br />

Il s'avisa dansSOn entreprise de passer entre deux cases.<br />

Son pagne de percale se prit malencontreusement dans une pou­<br />

trelle;<br />

La besace elle-même s'erwola de ses côtés.<br />

"Ce mariage nous fera brader notre maison !<br />

Allons nous prendre femme en vendant nos terres ?<br />

Mon lopin de terre que j'ai vendu!<br />

Mon immense palmeraie sise à abidomè<br />

Allons-nous vendre une palmeraie afin de nous marier ?<br />

Et si la femme vient s'installer a la maison, il faut bien<br />

qu'elle mange.<br />

Allez donc vous faire voir ailleurs avec vos histoires de<br />

1)<br />

mariage.<br />

Les raisons primordiales qui motivent la recherche de femme<br />

chez l'homme,<br />

L'homme ira aux champs;<br />

De retour au logis, il fera la cuisine,<br />

Puis il prendra un balai _pour balayer sa case '",­<br />

Enfin, jarre sur la tête, il ira à la source.<br />

Voilà les raisons primordiales qui motivent la quête de la<br />

femme chez l'homme.<br />

Vous les hommes, vous êtes turbulents et pervers.


- 101-<br />

Uma we nyanlo do tonlon hwèxwègbé +<br />

Nyanlo tonson hwèxomè bo jè koxo +<br />

Dé é na nyannè ka bè wézun +<br />

0<br />

Onè éton non samè bo do ce ma démè 1<br />

co<br />

Ovi a ba mèdé xo hun bo kpon é go +<br />

0<br />

Mi ma ton assigbé bo dé avomè 1<br />

0<br />

Omi ma ton yaogbé bo wa Ajohon +<br />

Ogbennègbé nékuin ma so alovi +<br />

Oxèsi wè nèkuin ka wa di do gbennègbé 1<br />

.. 0<br />

Yao lè ko + bo yao dié ma mon mèton dékpédkpé +<br />

0<br />

Yao lè ko bo + yao dié .. ma mon méton dékpékpéé<br />

CI<br />

E lè ko bo yao lè ma mon mèton +<br />

Otannyilè bi ko hon<br />

bo jo yao<br />

Omèé nyi asuto losu to na hon +<br />

1<br />

dol<br />

Dé .. e ka to na hon bo gbon xovlanmè +<br />

Bo dida ala éton jan do kpogènu 1<br />

.. '"<br />

Agolokan losu ma,so non akpa +<br />

Mi na da ahwannyonnu bo na sa xwe +<br />

Omi na da ahwannyonnu bo m sa ayi a (?)<br />

Ogélécé kpèvi é na nyen ze sa +<br />

Dékan daxo é do Abidomè +<br />

•<br />

Mi na sa dékan bo do da nyonnu (!)<br />

Onyonnu wa xwézin bé nu e na du +<br />

Q<br />

..<br />

Mi yi mon ridé mi 10 gbon kpo asuxo kpo 1<br />

..


- 114 -<br />

Tu as tué une jeune fille, dis-tu ?<br />

Occupe-toi de cela donc;<br />

Ne le susure même pas à mes oreilles.<br />

Ah ! elles sont allées manger nabobo",<br />

Je poursuivis ma course, essoufflé.<br />

J'accostai ma mère, je lui narrai mon forfait;<br />

Le coup de feu que je viens de tirer,<br />

A étendu raide mort un homme dans les hautes herbes.<br />

"Quoi donc !, s'écria ma mere;<br />

Qu'es-tu allé faire dans cette clairière?<br />

Si tu as vraiment assassiné quelqu'un,<br />

Va t'en occuper;<br />

Ton honorable père a vécu dans ce pays<br />

Il n'a tué personne que je sache.<br />

Tu as abattu un homme, fais-en ce que tu veux."<br />

Je repris ma course, je me ruai chez mon pere.<br />

"Papa, as-tu entendu un coup de feu, il y a un instant?<br />

C'était moi, et j'ai abattu un homme."<br />

"Comment donc? Quelle guêpe t'a piqué?<br />

Moi ton père, j'ai vécu dans ce pays<br />

Je ne me suis point souillé de sang humain;<br />

Qui t'a conseillé ce coup-là<br />

Assasin, va démêler tout seul ton forfait.<br />

Ne le raconte plus à mes oreilles, je suis sourd".<br />

Je me remis aux trots pour aller raconter ma mésaventure a mon<br />

ami


- 118 -<br />

Les faux amis eux aussi se recrutent parmi les Camarades. Ils<br />

gravitent autour de nous, font les empresses tant que la porte qui mène<br />

a nos richesses leur est ouverte. Que notre fortune vienne à se volati­<br />

liser, les voilà partis, dispersés. Ils nous méconnaissent et nous aban­<br />

donnent à notre nouveau sort. D'autres Camarades, au lieu de jouer aux<br />

empressés, d'en vouloir à notre fortune, en veulent à notre personne<br />

(CH 98). Ils cherchent notre "mort", et par conséquent, font des pieds et<br />

des mains (sacrifices aux voduns, gris-gris, sortilèges etc••• ) pour que<br />

nous conaissions toujours l'insuccès dans nos entreprises. C'est le thè­<br />

me de "la persécution sociale" communément désigné dans la langue par<br />

les "ennemis" /kintolè/. Nous pensons tous avoir nos ennemis, des gens<br />

qui nous en veulent parce que nous avons réussi, ou que nous sommes en<br />

passe de réussir notre vie. Ce thème a été exploité par des auteurs afri­<br />

cains dans leurs oeuvres: nous citons ici pour mémoire l'oeuvre d'ABD<strong>OU</strong>­<br />

<strong>LA</strong>YE Sadji, Maïmouna (1); le personnage thématique, Maïmouna, est partie<br />

de sa brousse de Louga rejoindre sa soeur-aînée, Rihana, mariée avec un<br />

haut fonctionnaire des cadres à Dakar. Mais la bonne de sa soeur, jalou­<br />

se de sa nouvelle situation, concourra a sa perte. Et Mai retournera à<br />

Louga, non seulement victime de la ville, mais surtout victime de son<br />

"ennemie", la bonne de sa soeur.<br />

Le chant populaire préconise un remède efficace pour déjouer<br />

la rouerie, le jeu malfaisant des envieux, des ennemis la méfiance .<br />

Chacun, semble-t-il, devrait s'enfermer dans sa bulle, y démeurer avec.un<br />

(1) ABD<strong>OU</strong><strong>LA</strong>YE Sadji, Maïmouna , Paris :·Présence africaine, 1958.


- 119 -<br />

ou deux amis, ses enfants et sa femme, (CH 50). Cette éthique de vie<br />

s'oppose radicalement à la conception wemeenne de la famille, de la<br />

grande famille où les oncles, les tantes, les neveux, aussi nombreux<br />

que divers, aussi éloignés que proches, doivent équitablement bénéfi­<br />

cier de notre attention. Pourtant, dit le chant récréatif, ce sont<br />

ceux-là qui nous jalousent et cherchent le plus souvent notre "mort",<br />

(CH 86). La psychose des "ennemis" ! Une attitude qui alimente toute<br />

la vénération que le Wémènu porte aux "Bokonons", un groupe social qui<br />

propose des remèdes contre les assauts des ennemis. Dans MaÏIDouna(1),<br />

le marabout Thierno, un homologue du bokonon dans une sociétéislami­<br />

sée, annonce au personnage qu'elle est le jouet de la jalousie et lui<br />

envoie des talismans pour la protéger contre toute attaque.<br />

Montrant cette faiblesse du peuple, la peur des ennemis, le<br />

chant populaire tend à l'exorciser, l'exclure du sentiment collectif<br />

ou à l'y maintenir en l'épurant. C'est une action. Et c'est le lieu de<br />

dire que le chant populaire" est lui aussi un comportement, une action,<br />

c'est-à-dire qu'il vise à l'efficacité"(2). Cela se comprend aisément<br />

dans la mesure où le fondement du genre se trouve dans la parole,et<br />

la parole est parfois synonyme d'action, d'entreprise. En guise de con­<br />

clusion à létude de l'esprit humain, le chant raconte une histoire;<br />

celle d'un jeune homme atteint comme tous ses congènères de cette psy­<br />

chose de l'ennemi. Il s'en rapporte à un devin qui lui indique la<br />

vraie source de ses maux, de ses insuccès: le Destin = /Sègbo/.<br />

(1) Op. Cit.<br />

(2) J. JAHN, Muntu : L'homme africain et la Culture néo-africaine,<br />

traduit de l'allemand par Mr Brian, PariS' ':Seuil, 1971" page 262 ..


- 123 -<br />

correspondent un conte et sa chanson, un mythe et sa chanson. Ces élé-<br />

ments sont didactiques. Leur usage dénote d'un certain intellectualis-<br />

me, d'une certaine culture, d'une sagesse admirable. On se réfère à<br />

cette sagesse antique lorsqu'on est plongé dans des situations où<br />

l'on recherche une issue. Cependant, la part du récit est importan-<br />

te dans cette actualisation. A supposer un instant que l'interlocuteur<br />

ne connaisse pas le récit servant de support à la chanson qu'on lui li-<br />

vre, il faudrait bien qu'il comprenne, et souvent, il ne le peut qu'à<br />

la lueur du récit.<br />

(CH 18) Cauris, ma fille Cauris.<br />

Je serai bien fortunée.<br />

Oh ! Perle, ma fille Perle;<br />

Ma fortune sera grande.<br />

Oh ! ma bien-aimée Fer,<br />

Je serai bien heureuse.<br />

Cauris décide d'épouser un blanc,<br />

Je serai bien fortunée.<br />

Perle choisit un homme de Nago,<br />

Quel bonheur pour moi<br />

Fer choisit un Toso<br />

J'en serai ravie.(l)<br />

(1) Akwè é 10 + adimèvicé Akwè +<br />

()'<br />

E na nyon na mi jan /<br />

Ojè é 10 + adimèvicé Jè +<br />

#<br />

E na nyon na mi jan /


126<br />

Qui connait la génèse ?<br />

Quel homme connait la génèse de Jésus?<br />

Celui qui la connait vraiment,<br />

Qu'il approche et nous la raconte.<br />

Le Christ a créé Maria.<br />

Le Christ a créé Maria et l'a envoyée sur terre:<br />

Pure d'esprit et de corps.<br />

Elle portait déjà en elle le germe de son enfant.<br />

Nombreux sont les miracles de Jésus;<br />

Innocente vivait Maria,<br />

Aucune pensée mauvaise ne l'a hantée,<br />

Et elle est tombée enceinte.<br />

Lorsque vint le jour de la délivrance,<br />

Lorsqu'arriva le jour de la naissance du Christ,<br />

Le jour venu, dans une étable, on lui donna la vie.<br />

Quel vodun peut agir ainsi ?<br />

Quel vodun peut jamais se comporter ainsi?<br />

Fabricants et adorateurs d'esprits,<br />

Changez de voie.<br />

Vous qui avez entendu parler du christianisme,<br />

Et qui vous ententez à adorer les vodun,<br />

Tôt ou tard, vous tous, vous vous convertirez au christianisme(1)<br />

(1) Mèdé mon klétien dé ayi +<br />

o 0<br />

Bo wa fon bo


- 128, -<br />

Viennent enfin dans cette catégorie des fêtes adoptées les<br />

fêtes dites civiles: le nouvel an, la fête de l'indépendance, et<br />

toutes les autres fêtes de toutes les "libérations nationales". Seules<br />

les chansons de nouvel an sont dignes d'intérêt et particularisent la fête.<br />

En effet, le nouvel an est perçu comme un renouvellement de<br />

la personne; elle acquiert au cours de ce renouvellement des droits nou­<br />

veaux, plus de liberté ; ces acquis font d'elle un être épanoui qui,<br />

tout au long de l'année nouvelle, ira de réalisation en réalisation.<br />

Oh à cette occasion où chacun formule des voeux immenses, le Wémènu<br />

ne demande pas grand chose : la santé et la prospérité. Le chant de nou-<br />

vel an le plus célèbre que l'on connaisse dans la région a paru en<br />

1972. Il traduit les libertés de l'homme et ses réalisations: l'un se<br />

propose d'aller voter en trois endroits différents pour trois personnes<br />

différentes; l'autre se propose d'acheter une bicyclette. Libération<br />

de la politique politicienne et du régionalisme, vie tranquille et<br />

heureuse, voilà des aspirations simplement exprimées et qui rendent vrai­<br />

ment compte du tempérament des habitants de la région.<br />

(CH 97) L'année nouvelle<br />

Qui saura qui nous sommes ?<br />

Quel homme pourra découvrir notre vraie identité ?<br />

Nous sommes dans l'année nouvelle, nous vivons en 1972;<br />

Et, moi, je souhaite vivre pleinement ma vie avant de mourir.<br />

Comme tu sais te faire beau Tu as l'art de te faire belle?


- 133 -<br />

porter sur la tête jusqu'à la mort. Mais voilà que la vie a ses lois.<br />

Il faut travailler pour vivre. Paysan, le ISol ne peut plus rien ramener<br />

de ses champs; il lui faut payer des portefaix, alors que déjà les<br />

récoltes ne sont pas abondantes. Il est souvent menacé par la pauvre­<br />

té. Ici le ISol manifeste ses velleïtés de se défaire de sa charge,<br />

de quitter son-fétiche et d'aller se faire portefaix lui-même afin de<br />

manger a sa faim. Vastes métaphore et allusion que ses confrères com­<br />

prennent immédiatement; alors, ils lui donnent la réplique en chantant<br />

les conséquences de son projet insensé. Ils prétendent que IAkplogan/,<br />

le Ministre du culte/demande que l'on décapite tous ceux qui s'éloigne­<br />

raient des voduns. Alors, le contestataire rapplique aussitôt (CH 98).<br />

Mais IWa nul : faire la chose, célébrer, ne s'applique pas seu­<br />

lement aux cérémonies fétichistes: la périphrase désigne aussi les re-<br />

jouissances qui marquent les grandes funérailles. En effet, depuis des<br />

mois, l'âme du défunt erre attendant l'occasion de se présenter à ses<br />

ancêtres. Mais pour être reçue, il lui faut leur donner à manger. Et<br />

son rang parmi eux sera d'autant plus prestigieux que ses fils lui au­<br />

ront organisé de pompeuses funérailles. Ce jour d'intégration du défunt<br />

au groupe de ses' ancêtres est perçu comme un jour de joie,un jour de ré­<br />

jouissances par excellence. On y entend toutes sortes de chansons excep­<br />

té les chants sacrés. Nous proposons ici un exemple afin de donner au<br />

lecteur une idée de la diversité des chansons qu'on peut entendre :<br />

(CH 21) Le piment ne fait pas bon menage avec'le vagin.<br />

L'eau du) rinçage des mains est incompatible avec ce vagin<br />

venu d'Aja.


- 138 -<br />

que se rencontre le totémisme. Les /hinnu vodun/ ou totems revêtent une<br />

importance particulière, influençant l'organisation sociale et politique<br />

des clans, du pays. Ils introduisent une hiérarchisation sociale rigou­<br />

reuse et déterminent les calendriers des jours fastes et néfastes, par­<br />

fois des jours de marchés de villages. C'est dans et par les fétiches<br />

que se justifie l'existence des prêtres et prêtresses :/vodunsi, hunyo<br />

et dah/ et celle d'une certaine catégorie de /bokonon/.<br />

Les prêtresses et les prêtres, comme nous l'avions rappelé<br />

au chapitre l, pour être sacrés aux divinités, forcent le respect pu­<br />

blic, et ils y ont droit. Nous connaissons les méthodes d'exclusion<br />

dans nos sociétés africaines. La plus familière dans la société qui<br />

nous concerne est l'interdit. On n'a pas le droit de parler de tout<br />

dans n'importe quelle circonstance, ou d'appeler les noms de certains<br />

objets à certaines heures de la journée: : ce sont des tabous de la pa­<br />

role ou des objets .. Déroger aux tabous déclenche une réaction sociale<br />

immédiate. Et, en ce qui concerne la personne sacrée des prêtres, leur<br />

manquer du respect met en "rage" toutes les congrégations : c'est pren­<br />

dre la "rage" ou / so man/, /jè man/. On classe les interdits sous deux<br />

rubriques selon qu'ils sont rigoureusement observables par le peuple, le<br />

commun des mortels ou par les préposés au culte eux-memes. Le code du res­<br />

pect dû aux prêtres s'ordonne comme suit :<br />

- ne pas appler l'ancien nom du prêtre.<br />

- Eviter de l'injurier, surtout de le traiter de fou;<br />

ne pas le frapper à la tête : la tête étant habitée par la<br />

divinité.


- 143-<br />

prêtre de ce moment-là décida qu'on lui ferait honte en divulgant<br />

son forfait. Cela fut fait. On cria partout que les deux sacrilèges<br />

ont fait l'amour selon la mode d'Aja, /Ajayo wèyé wa/ et un bâtard<br />

en sera le fruit. Aussi, tout profanateur, tout sacrilège est-il<br />

assimilé à un bâtard.<br />

(2) ADANDE (A.), "Un rite expiratoire<br />

N° 58 Avril 1953, page 43.<br />

orna ", in Notes Africaines,


A l'aide<br />

- 150 -<br />

de ces exemples, nous pouvons dégager les images wemeen-<br />

nes de la vie et de la mort. La vie est un "quelque chose" qui fait que<br />

l'homme est ce qu'il est, c'est-à-dire jouissant pleinement de ces capa-<br />

cités et accomplissant sans grand obstacle sa destinée. La mort, c'est<br />

aussi un "quelque chose" qui anéantit l'homme matériellement et le fait<br />

surgir dans le regne de l'esprit. Ce quelque chose dans le sens de la<br />

vie représente une force bénéfique, une vertu et dans celui de la mort,<br />

une force maléfique, destructrice/aveugle. On est vivant lorsqu'on jouit<br />

de toutes les capacités humaines ou lorsqu'on exerce toutes les fonc-<br />

tions humaines. Si l'une ou l'autre capacité vient à défaillir, on mene<br />

une vie tronquée a mi-chemin entre la vie et la mort. Aussi, entend-on<br />

souvent a propos d'un homme : lé dé gbé a 1= il n'est pas vivant, il<br />

Q<br />

est mort(entendez qu'il est impuissant). Incapable de participer, a<br />

cause de son infirmité, à l'oeuvre de la procréation, une fonction hu-<br />

maine, l'impuissant ne vivrait pas .pleinement sa vie. Et le chant po-<br />

pulaire exprime cette réalité cuisante avec humour :<br />

(CH 25) On conduit une femme chez un impuissant)<br />

Il s'enferme dans sa case et hurle.<br />

On amene une jeune épousée à un impuissant,<br />

Il s'enferme dans sa case et s'écrit:<br />

Mais que puis-je donc faire à ce vagin?<br />

y plonger la main et m'enduire la tête?<br />

Mais que puis-je faire à ce vagin d'aja ?<br />

y plonger la main et lécher. (1 )<br />

(1) Yé kpalan nyonnu yi na ahwankunon + é bio xomèbo dax I.;a e 1<br />

Ani un na yi wa na ajayo é 10 (?) Dalomè bo sa do tal<br />

Etè un na yi wa na ajayoélo (?) Dalomè bo didol<br />

• •


- 151 -<br />

Cette pièce 'traduit toutes les craintes et tous les états d'âme<br />

de l'impuissant devant le sexe opposé. Et lorsque des tracaseries vien-<br />

nent troubler la vie, on dit qu'on vit mal. L'impuissant vit mal, il<br />

est mort.<br />

La mort dans le chant populaire.<br />

Des sentiments divers composent le thème de la mort. Et la lan­<br />

gue et le chant populaire s'accordent sur ce plan.<br />

a) La mort comme un voyage<br />

Le Wémènu perçoit la mort comme un voyage. Une première vie s'ar­<br />

rête sur terre tandis qu'une autre commence dans le royaume des esprits.<br />

Ce voyage conduit à IKutomèl ou INugbo1otin/, séjour présumé des morts,<br />

des ancêtres. Le défunt n'y entre que lorsque toutes les cérémonies ont<br />

été convenablement accomplies par les vivants. Seul le type de mort dé­<br />

termine les cérémonies. Une première mort, celle que souhaite tout le<br />

monde, est un aboutissement naturel de la vie: la mort par la vieil­<br />

lesse ou par décrépitude. On dit de celui qui cannait une telle mort<br />

qu'il est allé à la maison/ e yi xwé/. Le second type de mort est acci­<br />

dentelle parle fer, l'eau, le feu, les accidents du travail, de circu­<br />

lation, une mort brutale, foudroyante et "chaude", qui vient faucher un<br />

homme, une femme, un enfant, un jeune homme. On dit alors que la vic­<br />

time est morte de la mort du dieu/GU/, patron de la forge; lé ku gukul<br />

mais aussi lézin alo do afinmèl = il a plongé la main dans de la cendre<br />

(la braise ardente de la forge de Igul = Vulcain). Enfin, on peut mou­<br />

rir par la méchanceté des sorciers. Aucune des chansons du répertoire<br />

ne parle du personnage tant il est craint.


- 155 -<br />

C'est bien fini a présent.(1)<br />

L'un des temps forts du voyage se situe au début, au moment du<br />

départ. 'Ceux qui restent disent leurs adieux au partant et vice-versa.<br />

Les vivants, eux, expriment divers sentiments au moment de cette sépa-<br />

ration 'douleureuse, mais le mort non. Aussi, les vivants prennent-ils<br />

le rôle du mort, l'animent et lui prêtent la parole. Le chant d'adieu,<br />

supposé chanté par le mort lui-même, est chargé de significations ,et<br />

met en relief les caractères de l'état. Se comparant.à un fluide, un<br />

fleuve en l'occurrence, il s'observe en train de couler dans un sens.<br />

A-t-on jamais vu un fleuve couler vers un point quelconque en amont?<br />

Ainsi partIe défunt et ne revient point le même. Une certitude sou-<br />

lage le mort, la mort n'est pas une honte, entendu que tout le monde<br />

y passera. Et la mort elle-même, qu'est-elle? Un caïman qui ne boit<br />

jamais l'eau de la rivière de refuge mais la rosée. La mé taphore est<br />

forte qui explique les rôles respectifs : la mort entre en comparai-<br />

son avec le caïman; ce dernier sort du fleuve pour boire la rosée.<br />

La mort ne tue plus ceux qui sont déjà morts et qui font partie de<br />

son milieu naturel, mais elle remonte des enfers chercher les vivants<br />

qui jouent pour elle exactement le même rôle que la rosée joue pour<br />

le caïman.<br />

(CHA 29) Adieu<br />

Le fleuve s'en va, coulant.<br />

(1) Hansaé +yokpo noncinu + éko vo nè /Ho 0 ka + dahun .. adogbanu +<br />

E ko vo nè/Anhan ahan+ ahan + e ko vo nè/<br />

Ya é na vinèlè ji do gbè é mè +<br />

•<br />

E ko vo nè /


- 160 -<br />

Hormis cet état de siège que le Wémènu observe à l'encontre de la mort,<br />

qu'aurait-il fait si la mort avait été une réalité palpable? Si elle<br />

àvait été une guerre périodique, le roi IHwézé/, le protecteur des Wémè­<br />

nus, serait allé à sa rencontre et l'aurait vaincue définitivement, sup­<br />

primant ainsi la source des maux de ses protégés; si elle avait été une<br />

fauve, le grand chasseur ILuvè/l'aurait traquée et tuée(CH 79). A sup­<br />

poser un instant que l'assistance du roi et du chasseur défaille, le wé­<br />

mènu étant courageux, il irait lui-même combattre cette guerre, cet hom­<br />

me, affronter cette bête sauvage avec des esclaves qu'il achèterait pour<br />

la circonstance. Mais la mort n'est rien de tout cela. Mais alors, c'est<br />

un marché! dans ce cas-là, le cauris (l'argent) peut se faire le plus<br />

rare possible, l'homme irait tout de même le quérir et s'en servirait<br />

pour racheter les dépouilles de son défunt. Mais la mort n'est pas un<br />

marché.<br />

(CH 32) La mort aurait été une guerre, un homme,<br />

L'enfant de (X) achèterait des hommes,<br />

Les enverrait les combattre.<br />

Elle aurait été une guerre,<br />

Voyons, c'est le tour de ma maison,<br />

Mais veiller sur une tombe n'est pas deviser sous une cabane.<br />

L'enfant de (X) aurait acheté un homme<br />

Et l'y aurait envoyé.<br />

La mort aurait été un marché,<br />

Tenez! qu'un cauris se transforme en haricot et qu'il bourgeonne<br />

A ce moment-là, l'enfant de (X) achèterait les dépouilles d'un<br />

homme.


- 164 -<br />

a) Les chansons phobiques ou d'adversité.<br />

la psychose de l'ennemi, un trait psychologique du Wémènu<br />

et peut-être une très grande susceptibilité sont certainement à l'ori­<br />

gine de ces chansons. Exarninée de près, la phobie n'est pas un thème<br />

étranger et développé par le chant populaire pour lui-même. Elle re­<br />

présente une cause et engendre des effets. Elle-même a une cause. Les<br />

chants populaires sont ses effets. A cet égard, nous pouvons distin­<br />

guer deux sortes de phobies profanes(nous disons bien profane dans<br />

la mesure ou IOmanl représente une phobie sacree ): IAtèl ou phobie<br />

suscitée par l'émulation entre deux ou plusieurs groupes sociaux; on<br />

la rencontre souvent entre les associations de tarn-tarn. Deux quar­<br />

tiers ,d'un même village ou deux villages ont-ils inventé ou adopté<br />

chacun de son côté un même tarn-tarn, ils s,'cpposent aussitôt l'un à<br />

l'autre. C'est à qui exercera le mieux son art, c'est à qui rassem­<br />

blera le plus de "fans" afin d'évincer 'l'autre. Ce genre de phobie<br />

a pris naissance au cours des luttes qui opposaient autrefois les<br />

villages, ces luttes qui étaient des "jeux olympiques " en miniature.<br />

"Les villages rivaux s'excitaient en se dénigrant d'abord par la<br />

parole puis par la chanson. Chacun s'échauffe de son côté et lorsque<br />

le choc se produit, c'est tout comme si la lutte faisait rage depuis<br />

des heures. IAtèl au niveau des tarns-tarns a récupéré la pratique, les<br />

luttes entre villages n'étant plus pratiquées. On se dénigre et cela<br />

dure "tant et tant que l'une des associations capitule.On dit alors que<br />

IAtè/l'a fait sombrer. Ces chansons foisonnent dans la région,/Atèl<br />

étant une coutume populaire.


- 165-<br />

(CH 34) Auriez-vous tous envie de pratiquer Kpoji ?<br />

Lorsque j'appris votre intention, j'en ai ri.<br />

Dès que sonneront douze heures, rendez-vous a Oussa.<br />

Auriez-vous tous envie de pratiquer kpoji ?<br />

Oreilles de chauve-souris, joues démesurément gonflées.<br />

Auriez-vous envie de pratiquer kpoji ?<br />

Soyez présents et nombreuxQ(1 )<br />

Le second cas de phobie s'observe dans les foyers. Le théâtre<br />

de prédilection de ce comportement est le foyer du polygame. Les femmes<br />

souvent opposées les unes aux autres, ne manquent pas d'extérioriser<br />

leurs sentiments. Ce sont des bagarres, des joutes verbales et même des<br />

rixes. C'est à qui couvrira l'autre de plus d'injures. C'est la jalou-<br />

sie, une grande inquiétude qu'inspire la crainte de partager l'époux<br />

(avantage) ou de le perdre définitivement au profit de la coépouse .<br />

• Tam-tam dont le danseur principal est le plus souvent un homme coif-<br />

fé de masque en général d'importation européenne. Le danseur monte<br />

sur des échasses dont la hauteur dépend de lui. /Kpoji/ = Kpo = bâton-<br />

échasse; /ji/ = sur.<br />

(1) Mimèbi wè do kpoji na xo ga ya (?)<br />

C><br />

Sé un sé bo ko ayé +<br />

E jè ganwémè yé ni kpé mi do Usa /<br />

"<br />

Omimèbi wè do kpoji na xo ga a (?)<br />

o<br />

To di awawaè + alaka gédéjé dékon<br />

•<br />

Mimèkpo wè ja kpojinè xo gbé a (?)<br />

Afo miton ni kpé 1


- 169 -<br />

Veux-tu préparer et vendre abodo ?<br />

La mijorée, assembleur de foule, dit<br />

Dois-je te monter un commerce ?<br />

"je refuse"<br />

La fainéante, assembleur de foule, me répond oui".<br />

Le commerce qu'autrefois ton père a monté à ta mère<br />

C'est sûrement ce commerce que ton père a monté àta mere<br />

Echassier au bec crochu,<br />

Si ton mari ne te donne pas de l'argent pour faire le marché,<br />

Point de fumée sur ton toit.<br />

Tu m'injuries, je te donne la réplique aussitôt.-<br />

Si tuvn'insultes, je te donne la réplique aussitôt,<br />

Ma chère épouse de salon, si' tu m' insultes,<br />

. .<br />

Je te donne la réplique aussitôt . .<br />

Echassier au bec crochu)<br />

Si ton mari ne pourvoit pas a l'argent du poisson,<br />

Point du feu dans ton foyer.<br />

Veux-tu préparer et vendre abodo ?<br />

La fainéante, assembleur de foule dit<br />

Veux-tu préparer et vendre l'akassa ?<br />

Elle dit : "je refuse"<br />

"je refuse."<br />

Alors , tu iras chercher et vendre du bois mort ?<br />

Elle répond: "jamais."<br />

Dois-je alors te monter un commerce?<br />

L'éhontée, assembleur de foule répond "oui voilà."<br />

Le commerce qu'autrefois ton pere a monté à ta mère!


Mimèkpo ni tonson yovotomè +<br />

- 113-<br />

Bo zon Kpo bo wa jala Adjohon do /<br />

o<br />

Awonlin : Lagos, la capitale de l'état du Nigéria, est connue<br />

sous ce nom dans la région. Le rayonnement de Lagos fut tel que<br />

toute ville du Dahomey qui connait l'électrification lui est<br />

comparee.<br />

Wadon le sobriquet d'Adjohon.


- 189 -<br />

nion ou du stéréotype. L'opinion et le stéréotype portent double aspect<br />

ils peuvent être soit à priori (on peut avoir une opinion de quelque<br />

chose sans l'avoir vu vraiment et en se fondant sur ce que les autres<br />

en ont dit.), soit à postériori (un contact avec l'objet motive l'opide<br />

nion ou le stéréotype.) Cependant, nous nous devons/dire que le stéréo-<br />

type a pour base les préjugés. C'est à ces niveaux que prend naissance<br />

la phobie ou l'apologie qui représentent des intentions d'auteurs. Le<br />

stéréotype reste figé(l) appartenant au domaine des idées reçues: l'i-<br />

mage et l'opinion évoluent sans cesse.<br />

Les étapes successives de la formation de l'image, de l'opi-<br />

nion et du stéréotype telles que nous les avons laissées entrevoir dans<br />

notre définition ci-dessus se trouvent télescopées dans l'image que<br />

nous avons de la région de Wémè. L'objet, c'est bien sûr la région,<br />

ses habitants et leurs coutumes; le créateur d'image, c'est le peuple<br />

de la région. Il y a auto-portrait, une connaissance immédiate, sans in-<br />

termédiaire. Nous assistons dans ce cas précis et particulier à la sup-<br />

pression du préjugé, de l'opinion pour atteindre à une image non appro-<br />

ximative, mais véridique et exacte : c'est une peinture sociale que ne<br />

motive aucune idéologie sinon une expression de soi-même à travers un<br />

genre: le chant. Ni la phobie ni l'apologie n'en sont la source. Peut-<br />

être que les idéaux exprimés à propos d'écarts de comportement consta-<br />

tés l'ont été sous le coup d'un certain ressentiment. A ce moment-là,<br />

(1) Marandon Sylvaine, L'image de la France dans la conscience anglaise,<br />

PARIS: Armand Colin, 1967-


- 196 -<br />

parfaitement ces visions de la femme : la femme-mère, aboutissement<br />

auquel toute famille prépare ses filles. Elle est digne de considé­<br />

ration et de respect; la femme-objet, objet de mépris que décrivent<br />

les chansons 36 & 63.


- 2


- 215-<br />

ou qui est allée vivre en ville et en a acquis les usages; l'une ou"l'au-'<br />

tre, une fois' accrochée à un homme, se refuse: ' absolument' à se livrer<br />

à des travaux"avilissants" à moins que ce soit quelque commerce digne<br />

d'elle. La Ch 36 en rend très bien compte. La femme visée dans cette' piè­<br />

ce reJette toutes les occupations susceptibles d'apporter quelques sous<br />

à son foyer, occupations auxquelles s'adonnent les épouses traditionnel'­<br />

les. La femme en voie d'émancipation qu'elle est,' restera toujours dé­<br />

pendante de son mari si elle ne se résoud' pas à prendre une occupation<br />

rentable. Comme quoi des questions économiques se posent dans presqtle<br />

tous les foyers de la région. Nous pouvons multiplier les'exemples in"'­<br />

définiment, mais tout montre que'le mot indice apporte plus'de rensei­<br />

gnements sur les grands sentiments que le discours lui-même.<br />

B) Les informants ou indices de civilisation ou indices<br />

d'intentions d'auteur.<br />

Ils permettent de décrire la culture et ses constituants. 'Ce<br />

sont des critères pertinents d'identification de la société wéméenne à<br />

l'intérieur de l'Afrique.<br />

Cette culture renferme des traits communs avec d'autres d'A­<br />

frique; ces traits communs,' nous les' appelons des indices·.d' Africanité<br />

les fétiches forments des panthéons locaux et,se rencontrent dans toute<br />

l'Afrique - /yoxo/ = la case des morts. Les morts vivent parmi les'vi­<br />

vants; aussi, chaque famille a-t-elle une case où les restes symbo}'iques<br />

des ancêtres sont déposés. /Tovi/ = le frère consanguin, /Nonvi/ =le<br />

frère utérin; ces deux substantifs portent les empreintes de la poly­<br />

gamie, mais le fait peut se rencontrer dans le monde entier sans qu'il<br />

y ait polygamie. Des frères peuvent être consanguins ou utérins par suite


- 217 -<br />

en proie à la panique; sa besace d'habitude portée en bandoulière change<br />

de place. C'est un.spectacle délirant de comportement. C'est de plus un<br />

comique de situation. Parfois, les auteurs animent certains objets et<br />

cela d'une manière insolite. Dans CH 15, le "pénis" a pris la parole<br />

et s'est désolidarisé de l'épouseur, "je m'en lave les mains" dit-il.'<br />

Enfin, contribuent à créer ce comique' certains mots faits d''Onomatopées.<br />

visualisant la qualité ou le défaut qu'ilScritiquent chez le sujet. 'CH<br />

72 /kuncankuncanl; ridée, cela nous fait voir la coépouse comme une<br />

vieille femme ridée clopinant comme un cheval boiteux. L'adjectif /koca-<br />

koca/ = efflanquée, achève la coépouse : efflanquée et ridée, pourvue<br />

d'une démarche de vieille : c'est un phénomène. Il importe de relever<br />

un autre comique que nous' avons rencontré dans nos chansons : le comi-<br />

que humoristique.<br />

Il est fait d'un humour rose qui invite à ne pas prendre 'au<br />

sérieux certains'aspects tragiques de la condition humaine. CH 25: l'im-<br />

puissant prend femme; d'abord, il court' s'enfermer dans sa 'chambre 'et<br />

s'écriè. Se pose à lui le problème des relations sexuelles av§c son'<br />

de<br />

epouse. Il ne trouve pas autre solution que/faire du vagin de son 'epouse<br />

un vase à lotion dont il pense se parfumer. On en rit pourtant on devait<br />

en pleurer. Vient enfin le ,comique de fantaisie. Il nous plonge 'dans<br />

une atmosphère à la fois réelle et irréelle. La surprise est telle ,qu'on<br />

ne rit pas d'abord; on réfléchit puis on éclate de rire. CH 46 : une per-<br />

sonne sacrée, un prêtre/avosè/ se permet d'aller tout nu'déroberduma-<br />

nioc à Wémèdangbo. Situation cocasse : le voleur est maltraité; mais "<br />

voilà que /avosè/ est une personne sacrée; et il se permet d'aller tout


- 227-<br />

C'est une relation d'exclusion au niveau des prédicats, une incompatibilité.<br />

CH 38 IGèdè wolo mon non non kpo e<br />

Hizi wè non hizil<br />

a<br />

b<br />

C +<br />

'1 Des chaines jetées pêle-mêle s'entremêlent." (remarquer l 'utilisa-<br />

tion de l'adverbe de négation/mon nonl dans l'expression d'une norme).<br />

Un troisième type de raisonnement a une valeur explicative et procède par<br />

juxtaposition.<br />

CH 41 1 A ko mi + a ko mi + a ko déwél<br />

II/<br />

" 'i<br />

Si tu ris de moi, tu ris de toi.<br />

La cause et l'effet s'expriment de plusieurs façons<br />

CH 03 IYé yi zon misi bodo lilè<br />

•<br />

Bo finliengboma do géléta 1<br />

..<br />

" Ils nous les ont arrachés et les cultivent, et partant, point<br />

de champs de manioc dans les campagnes,:i 'ICi, l'effet est introduit par<br />

Ibol = et, partant, par conséquent. La formule Ihwénul peut aider à ex-<br />

primer la cause et l'effet; nous l'avons traduite par "du moment que",elle<br />

est suivie d'une construction négative, l'effet est a l'affirmatif.<br />

CH 60 IHwénu a ma yi ahangbémè<br />

... - ......<br />

Ogo dé awadamè ni cocodocol<br />

. 0 0<br />

+<br />

+


- 229 -<br />

avec le second membre du raisonnement, équivaut à une affirmation. Nous<br />

ne saurions terminer l'étude de l'énoncé sans parler d'un autre élément<br />

qui le détermine : le rythme<br />

5. Le rythme<br />

Nous ne saurions étudier le rythme en général dans notre tra-<br />

vail, chaque chanson montrant un rythme ou un complexe, voulu par lethè-<br />

me, l"occasion, et l'intention de l'auteur. Nous nous contenterons d'ap-<br />

porter des indications(résultats de nos observations) sur des procédés<br />

rythmiques qu'on pourra rencontrer d'une chanson à l'autre. Il convient<br />

dès l'abord de distinguer deux niveaux possibles d'étude rythmique:<br />

le niveau mélodique de l'air intéresse au premier chef le,musicologue;<br />

l'autre, fondé sur les paroles verbales peut intéresser le littéraire<br />

ou un quelconque chercheur en sciences humaines: 'c'est' le débit verbal.<br />

Ce débit peut imposer son rythme à l'air.<br />

Dans nos énoncés, il, y a lieu de distinguer plusieurs procédés<br />

rythmiques tous liés à la langue et ses schèmes tonaux. En effet, les<br />

tons déterminent les pauses brèves ou longues. Leur combinaison corres-<br />

pond à l'intention de l'auteur. On peut rencontrer:<br />

- le formulisme : nous dénommons ainsi les chansons que commencent les<br />

formules: IYé dol = on dit (deux tons), lun dol: je dis (deux tons),<br />

o 0<br />

lehansaél = et la chanson dit. Elles'influencent 'l'ensemble du texte<br />

oral qu'elles introduisent. Après les deux syllabes accentuées de la<br />

formule, on peut rencontrer deux autres types de constructions: NV.qui<br />

se décompose en N + GV.Le nom (N) comporte le plus souvent qUatre syl­<br />

labes accentuées. CH 26 IYé10 + kugékuto/le GV compte deux syllabes,<br />

et la fin du vers se perd en une syllabe. Le (N) apparait le seul


.'<br />

- 235 -<br />

les êtres ou les situations qui sont à l'origine des représentations<br />

mentales sont prélevés dans le concret. Il n' y a pas de place pour l'i-<br />

maginaire ni pour la fiction. Comment en serait-il autrement étant donné<br />

que l'homme est le plus souvent dans ce contexte, à peu près incapable<br />

de fixer une image mentale' de l'imaginaire, à moins d'en faire une al-<br />

légorie. Dans ce cas extrême, l'allégorie a besoin d'un support concret.<br />

La démarche de compréhension de l' image n'est pas intellectuêlle • elle<br />

;)<br />

est mentale, c'est-à-dire que l'auditeur, par des associations venues<br />

de l'expérience, visualise mentalement le bambou que l'on rapporte du<br />

marigot; il saisit tout de suite sans avoir besoin de décortiquer la<br />

carapace de la pensée. Les qualités du bambou ne sont donc pas perçes<br />

comme des réalités intellectuelles; elles sont liées à l'image du bam-<br />

bou en situation.<br />

On peut rencontrer aussi un groupe adverbial introduisant la<br />

comparaison: 1 di..•.•.unkol = comme<br />

CH 38 IAdjohon konmun di Awonlinunkol = Et adjohoun est rayonnant com-<br />

me Awonlin.<br />

Ici, la similitude est partielle, mais elle existe. Le chan-<br />

teur connait Lagos, sa'beauté, son rayonnement, sa grandeur. La beauté<br />

le. fascine et, est symbolisée par l'électricité. Il faut être réaliste<br />

et se faire crédible: 1 unkol. Ainsi, nous pouvons conclure que le<br />

. concret et d'autre part la qualité mentale du dénoté forment les carac-<br />

téristiques d'une image. Cependant, il convient de remarquer que l'ima-<br />

ge que nous venons d'étudier est une image simple : il y en a beau-<br />

coup dans notre corpus. Mais l'image peut devenir complexe et même<br />

se spécifier : déjà métaphore, elle peut devenir dans nos textes mé-<br />

tonymie, symbole•


- 241 -<br />

Ch 38 /Gèdè wolo mon non kpo e<br />

Hizi wè non hizi/<br />

En apparence, un seul substantif est imagé ;il fait partie<br />

des images complexes et action : /gèdè/ est suivi d'un qualificatif<br />

•<br />

/wolo/ = en quantité - pêle-mêle = image complexe. La deuxième portion<br />

de l'énoncé porte toute l'intention de l'auteur et est imagée: /hizi<br />

we non hizi/ = elles se mélangent, s'entremêlent, inextricables; c'est<br />

une image désignative complexe. C'est en même temps le prédicat, alors<br />

que toute la première portion est sujet. Le prédicat est imagé, ce que<br />

nous n'avons pas rencontré lors de l'étude des images simples ou com-<br />

plexes. Les deux ensembles /gèdè wolof et /hizi wè non hizi/ s'oppo-<br />

sent comme il y a déjà dans la première portion une opposition expri-<br />

mée par la forme négative : '/mon non / (expression d'une exclusion):<br />

/gèdè/ = A. /mon non kpo é/ = négation = b, c = /hizi wè non hizi/<br />

( b )<br />

A(-------------------------------) c<br />

Les correspondances de l'énoncé dans la réalité sont les suivantes<br />

A<br />

b<br />

c<br />

Symbole<br />

gèdè wolo<br />

mon non non kpo<br />

hizi we non hizi<br />

R@alité<br />

A' les jeunes hommes<br />

b' influences néfastes des uns sur<br />

les autres du fait de la vie col-<br />

lective.<br />

c' identité. Les bons sont noyes<br />

parmi les mauvais; confusion.<br />

La femme amoureuse qui chante ainsi veut tout simplement dire<br />

que ce sont les camarades, les amis qui transforment le caractère


du mari, lui apprenant la méchanceté. En clair, la société corrompt<br />

les moeurs, fait des bons/des méchants. Mais l'amour apporte du dis-<br />

If<br />

cernement a ceux qu'il possède; la chanteuse peut alors dire : je suis<br />

bête mais j'ai su choisir? D'ailleurs , son mari est un cas particulier,<br />

il était déjà isolé : la source qui riait sous le cocotier et que per-<br />

sonne n'a daigné visiter. Le symbole 'confère à la pensée son caractè-<br />

re imagé. Mais chaque fois, l'auditeur doit faire référence à l'occa-<br />

sion ou plus exactement à la situation. Une telle façon de s'exprimer<br />

parait nonchalente, mais elle l'est volontairement afin que ceux qui<br />

possèdent layixA/, l'idée, la marque de l'intelligence, saisissent-<br />

C'est une tradition de la parole; et tous ceux qui ont de l'expérience<br />

doivent comprendre la tradition. Avec ces symboles littéraires, il est<br />

possible d'étudier la symbolique de tel ou tel élément social, car,la<br />

recension des termes imagés formant des symboles à propros d'un élé­<br />

ment quelconque constitue déjà(gos yeux une étude de la symbolique tel-<br />

le que nous en avions parlé au paragraphe des informants.<br />

Un énoncé peut avoir une allure anodine et pourtant véhicu-<br />

1er le maximum d'informations: c'est le cas des énoncés elliptiques<br />

qui ont valeur de "litote". Nous mettons litote entre guillemets par-<br />

ce que nos énoncés ne répondent pas dans leurs schèmes grammqticaux<br />

aux constructions syntaxiques de la litote. Nos énoncés affirment un<br />

peu pour laisser imaginer le reste par l'auditeur:<br />

Il<br />

Ch 56 IBo na ci dèkpèlè . xomè + asa xwiyèl = et s'affale chez les jeunes<br />

"<br />

hommes, jambes maigrelettes; ou'alors<br />

tf<br />

Ch 54 IBo non do acagbé acagbél = et soupire,<br />

8/<br />

soupire.


- 244 -<br />

Nous voici à la fin de notre entreprise, celle de montrer que<br />

la chanson wéméenne est une littérature et rassemble le beau et l'utili­<br />

té. Certes, nous n'avons pas tout dit dans ce chapitre V qui se veut gé-<br />

néral, très général. Il a eu l'avantage de montrer que le genre peut<br />

se classifier en trois grandes inspirations; l'inspiration poétique qui<br />

peut être lyrique, satrique et comique, enfin tragique; l'inspiration<br />

didactique enseigne, éduque, l'inspiration mixte unit,le réel à la fictirn et<br />

est romanesque, lyrique. Le chant populaire est fait d'énoncés; l'énon-<br />

cé est coUsu de mots dont tous ont un rôle important, les constructions<br />

ne sont nullement indifférentes. Et le tout concourt à exprimer des réa­<br />

lités quotidiennes, des "réalités" inventées, des réalités supranatu­<br />

relIes, dans un langage imagé, poétique et surtout doté de cette carac­<br />

téristique : le "mi-dit". Il est donc clair que /han/ est une littéra-<br />

ture à part entière qui n'a rien à envier à aucune autre; il exprime<br />

une norme, un, idéal(le bonheur, les relations humaines); à cet égard"<br />

il fonctionne comme un miroir fidèle dans le cas de la dénonciation des<br />

moeurs sociales, un miroir déformant lorsqu'il sert de cheval de batail­<br />

le. Il est aussi un élément visant à la conservation, la pérennité de<br />

la tradition et de ses différents codes, ou une effusion lyrique, en-<br />

fin une catharsis. Ce sont-là les attributs d'un roman: roman de Quête,<br />

roman de moeurs ou roman initiatique.


- 247-<br />

Mais le propre des constituants de l'ensemble des arts tradi­<br />

tionnels, c'est de n'attirer l'attention qu'au moment où ils déclinent,<br />

se meurent pour être définitivement remplacés.C'est le cas de/Hante Sa<br />

forme originelle se meurt, du moins les chansons profanes; car, tant<br />

qu'il y.aura des décès, tant que le sentiment de dépendance à l'égard<br />

des fétiches sera toujours vivace, les chansons sacrées vivront et sous<br />

leur forme pure; les autres qui nous ont permis de décrire le peuple<br />

disparaitront à moins que la modernité n'aille à leur secours.<br />

Nous appelons modernité un ensemble de moyens modernes qui ai­<br />

dent à sauvegarder une partie des arts traditionnels. Ici, elle est for­<br />

mee par les orchestres modernes, les moyens d'impression de disques,<br />

les adaptations modernes du /Han/, la diffusion parla radio. Nous pré­<br />

férons le travail des chanteurs traditionnels aidés des moyens d'impres­<br />

sion à celui des orchestres dits modernes affublés de leurs arrangements.<br />

L'arrangement moderne c'est la fixation des paroles exactes d'un air<br />

dynamisé par l'apport des instruments de musique modernes. Il est inté­<br />

ressant dans cette mesure ou il respecte les paroles de l'air. Pendant<br />

ce temps, d'autres airs' sont dépouillés de leurs paroles pour servir<br />

de supports à des paroles en relation avec un contexte quelconque. Ce<br />

procédé ne sert pas vraiment le chant traditionnel. Mais on peut être<br />

optimiste en pensant que nos différents'chercheurs mettront leur point<br />

d'honneur à essayer"de consigner par l'écriture les grandes productions<br />

menacées de disparition: Et c'est alors que nous pourrons fredonner une<br />

parodie de la CH 76 à l'adresse de l'oubli, véritable ennemi du chant


populaire<br />

- 248 -<br />

La chanson a jeté ses racines,<br />

Iyé, iyé, iyé, iyé.<br />

Han a sûrement jeté 'ses racines;<br />

Que peux-tu faire à présent? .f.


- 250-<br />

Ch 48 1 Kpovi ma nyi vodun(l)1<br />

Ton autre se demande ce qu'il peut y avoir<br />

dans la nuit.<br />

Utin é na mi non kplé do +<br />

yé 0 gbo é 1<br />

Utin é na mi non lè do<br />

Un do yé 0 gbo é 1<br />

•<br />

Zosè majanuè ko ko<br />

Do kpovilè ma nyi hundé 1<br />

o •<br />

Zosè majanuè' ko gbè<br />

Kpovilè ma nyi vodunl<br />

Azosè majanuè ko ko<br />

Do kpovilè manyi vodun él<br />

o<br />

Utin é na mi non kplé do<br />

yé 0 gbo él<br />

Tous ceux qui te souhaitent le bonjour<br />

Ne sont pas à mettre au compte de tes amis.<br />

Kpovi n'est pas un fétiche 1<br />

Utin autour duquel vous aviez coutume de vous rassembler,<br />

Ils l'ont coupe.<br />

Utin, qui d'habitude vous servait de forum,<br />

Ils l'ont saccage.<br />

Les habitants d'Azossè maja ont affirmé<br />

Kpovi n'est pas un fétiche véritable.<br />

Les habitants d'Azossè maja ont maintenu


- 252-<br />

Et les femmes mariées se font confectionner des caleçons.<br />

Que puis-je faire pour vous, jeunes filles ?<br />

Moi Jimini Gooungo, vous conseille de ne pas suivre.<br />

Il Y a un mieux-aller chez toi, et toi, tu en es blasé;<br />

Tu en récolteras de très précieux résultats.<br />

Un nouvel usage est arrivé<br />

Le sais-tu? Une nouvelle mode a débarqué dans votre pays,<br />

Et les femmes mariées se font coudre des cache-sexes.<br />

Fuyez l'homme<br />

Ch 50 /Mi hon na gbèto/<br />

Xo e do .. gbètolè xome +<br />

Mi nyon en aji (? )<br />

Do we ye na do xe we dagbé dagbé +<br />

0 0 0 ..<br />

Bo jè zo don bo do kiko we /<br />

•<br />

yé na ko we bo +<br />

Hi ma nyi médé .. /<br />

Gumulè na kowé bo do +<br />

o<br />

Ho ma nyi gbèto'/<br />

Toyi mèdé do fi a (?)<br />

..<br />

Agoo 10 0 + hinnumè dé do fi a (?)<br />

•<br />

Mi hpa'yi do gbéto /<br />

Ce que pensent intérieurement les gens,<br />

Le savez-vous ?<br />

Ils composent parfaitement en votre présence;<br />

Et lorsqu'ils s'éloignent, ils rient de vous.


- 254 -<br />

Do -non hu nonvicé so yi 1<br />

Mè e ci anonwé noun +<br />

Ala mon non gan domè<br />

Ku non wa nu badabada +<br />

0 ••<br />

Do non hu unnoncé lè yi +<br />

Anonwé ci anonwé nonun 1<br />

Ala mon non gan domèl<br />

Otolixo dié cédécédé e+<br />

o<br />

Ahlivo + Ahlivo +<br />

A wa so nu bo yi ahlivo kèdè +<br />

c><br />

A na yi mon nae towé'wè a (? )<br />

Mè e ci anonwe' noun +<br />

Ala mon non gan domè 1<br />

La mort est déplaisante.<br />

Mort fait habituellement des choses" déplaisantes,<br />

La tombe m'a arraché mon frère et l'a emporté.<br />

Cette personne ressemble à ta mère,<br />

Mélis la percale ne prend pas la place du fer.<br />

Mort fait habituellement des choses déplaisantes,<br />

Le trou m'a arraché ma mère et l'a emportée;<br />

Ma mere- ressemble à ta mere,<br />

Et pourtant, la percale ne remplace point le fer.<br />

Voici que le chemin du marigot est vide;<br />

Ahlivo, Ahlivo<br />

Et puis, si tu t'habillais et te rendais a Ahlivo,<br />

Penses-tu y trouver ta mère ?


- 255-<br />

Cette personne ressemble à ta mere<br />

Mais la percale ne remplace pas le fer.<br />

Oda sin huèhuè "+<br />

..<br />

Ch 53 IXo non dé mèxomèl<br />

fi<br />

A ze zan bo yi do dé loko ji aga 1<br />

0 0<br />

Nyonnu é hu assisiè +<br />

Bo zé zan bo yi do dé kpokpo dé ji 1<br />

o 0 •<br />

Xo non dé mèxomè cobo<br />

/1<br />

yé non dé vudé ., son égol<br />

9'<br />

Hun non dé mèxomè cobo +<br />

w<br />

yé non tun atan'wéwé dé 1<br />

•<br />

Xolo non dé mèxomè cobo +<br />

o<br />

Yé non dé vudé son ego +<br />

o 0<br />

Ohun non tomèxomè cobo<br />

Yé non tun atan wéwé dé 1 ..<br />

Modère-toi!<br />

Et pourtant,<br />

Toi qui es allée étendre ta natte au faïte de l'iroko;<br />

Toi la femme qui a tué ta coépouse,<br />

Et es allée étendre ta natte sur une monticule.<br />

Nous avons tous en nous, une profusion de choses à dire<br />

Et pourtant, nous n'en exprimons que quelques-unes.<br />

Nous avons tous du sang dans le corps<br />

Et pourtant, la salive que nous crachons est blanche.<br />

Nous portons tous dans nos entrailles une profusion de choses à dire,


- 256 -<br />

Et pourtant, nous n'en exprimons que quelques-unes.<br />

Nous avons du sang dans le corps,<br />

Et pourtant, la salive que nous crachons est candide.<br />

Hwédanmè ja +<br />

Ch 541 Hwédanmèl<br />

Hun é do tonune bo non gbon kenken<br />

'"<br />

Kpon hwédanmèja +<br />

Hun é do tonu ne bo nongbon akpa akpal<br />

d<br />

hwédanmè so to'nu +<br />

E na yi ci dèkpèlè , xomè +<br />

Bo non do acagbé acagbé 1<br />

Hwédanmè ci dékpèlè xomè +<br />

, Cl<br />

Bo non do acagbé acagbé 1<br />

Houédanmè vient<br />

Houédanmè vient<br />

Que la barque qui vogue sur le fleuve<br />

Gagne le large.<br />

Vois, houédanmè vient,<br />

La barque qui vogue sur le fleuve<br />

Devrait gagner le large.<br />

Houédanmè sort pour se' rendre à la source,<br />

Elle va s'affaler chez les jeunes hommes<br />

Et soupire, et soupire encore.<br />

Houédanmè est couchée chez les jeunes hommes<br />

Et soupire.


- 251 -<br />

Ch 55 IYé gbè wé 1<br />

\.<br />

Ahuili mon xoboye gbe we 10 +<br />

Gbé wè ye gbè we' bo gbè xo towé +<br />

Ekpo fi a na jiayovilo do 1<br />

o<br />

Olowé tomè awa yi jè +<br />

Dékpè e do lowé lè fo kpo<br />

• •<br />

Bo nyan wél<br />

E kpo fié a na ji ayovilodol<br />

•<br />

Ogangban tomè' ho so yi jè +<br />

Dèkpè é do Gangban fo kpo<br />

o<br />

Bo nyan we 1<br />

E kpo fi é na ji ayovilo dol<br />

•<br />

L'indésirable<br />

Une jeune fille est tombée enceinte et fut rejetée.<br />

Elle et sa grossesse'furent rejetées, reniées.<br />

Reste où elle ira accoucher de son bâtard.<br />

Elle alla s'établir à'Lowé,<br />

Mais les jeunes hommes de Lowé prirent le gourdin<br />

Et l'en éjectèrent.<br />

Reste où elle ira accoucher de son bâtard.<br />

A Gangban où elle tenta sa 'chance,<br />

Les jeunes hommes prirent les fouets,<br />

Et la chassèrent.<br />

Reste où tu iras accoucher de ton indésirable.


Ch 56 /Akélégbé/<br />

- 258 -<br />

Un ka non xo aja manlanAkélégbé +<br />

Akélégbé + Akélégbé + wa do to + Akélégbé +<br />

•<br />

Waxala towé jè jojo/<br />

Un non.xo nu manlanAkélégbé +<br />

Akélégbé + Akélégbé+ wa do to + Akélégbé +<br />

•<br />

Go yiyi towé,jè jojo/<br />

E na gbè nudé ba wa +<br />

o<br />

Bo ka na ci dékpèlèxomè +<br />

•<br />

Asa wüiyè + Akélégbé +<br />

Go yiyi towé jè. ganglan<br />

A fon a gbè nudé din wa +<br />

o ..<br />

Lobo na ci dékpèlè xomè<br />

o<br />

Asa kpaca + Akélégbé +<br />

Waxala towé jè jojo/<br />

Akélégbé<br />

Mon art fait vibrer'le monde et parle d'Akélégbé<br />

Akélégbé, Akélégbé, viens prêter oreille, Akélégbé<br />

Tes comportements importuns se font fréquents.<br />

Mon art fait vibrer le monde et en veut à Akélégbé;<br />

Akélégbé, Akélégbé, viens écouter, Akélégbé<br />

Tes vantardises se font fréquentes·<br />

Tu ne cherches rien à faire)<br />

Sinon te planter chez les hommes;<br />

Pieds de poulet, Akélégbé,<br />

Tes vantardises se font fréquentes.


Tu ne cherches rien à faire,<br />

- 259 -<br />

Sinon t'affaler chez les hommes<br />

Cuisses maigriottes, Akélégbé<br />

Tes comportements éhontés agacent.<br />

Sakabo<br />

Ch 57 /Sakabo/<br />

E du akwècé bi vo +<br />

G<br />

Sakabo wè du akwècé bivo + Sakabo/<br />

..<br />

Etè we a zé bo do don mi (?) Sakabo/<br />

Lii we ho zé bo do don mi + Sakabo/<br />

A ko ze alinkanjè do don mi + Sakabo /<br />

Kèlè.wè hosa bo do don mi + Sakabo /<br />

E du akwècé bi vo<br />

Cl<br />

Sakabo wè du akwècé bi vo + Sakabo/<br />

Elle a dissipé toute ma fortune,<br />

Sakabo a dissipé ma fortune toute entière, Sakabo.<br />

Quels appâts as-tu utilisés pour m'attirer dans tes nasses, Sakabo ?<br />

Ton lit moelleux m'a attiré, Sakabo.<br />

La ceinture de perle de tes fesses m'a fait pâmer d'admiration, Sakabo.<br />

Ton visage joliment maquillé de craie m'a ébloui,<br />

Elle a mangé tout mon argent<br />

C'est Sakaboqui m'a rongé jusqu'au dernier sou, Sakabo.<br />

Ch 58 /Awadamè /<br />

Yé do anonwé dié ku é é e +<br />

,. 0<br />

Anonwé dié ku e<br />

o<br />

Hwénu a ma yi ahangbèmè


Voici morte ta mère<br />

Voici morte ta mère<br />

- 260 -<br />

Kpon anonwédié ku é<br />

o<br />

Ogo d'awadamè'ni cocJcodo/<br />

o '<br />

Awadamè + awadamè ni cococodo +<br />

Ago d'awadamè ni codocodo/<br />

4<br />

Sous les aisselles<br />

Tu n'es membre d'aucune association de boisson,<br />

Et ta mère vient à mourir<br />

Le litron vide t'accompagne impunément raide sous les aisselles.<br />

Sous les aisselles, et encore sous les aisselles,<br />

Tu portes le litron vide honteusement raide sous les aisselles.<br />

CH 59 / Un do ago na xwéto/<br />

Un do ago'na xwéto<br />

Bo kan xwé sé /<br />

Didoto ma ja alo so mi gbé +<br />

• •<br />

Jonon ma fon +<br />

Zanxato non xa zan we ja (?)<br />

Mi doagoo na xwéto bokan xwe sè /<br />

Ahen en + agoo na xwétobo kan xwe se a e +<br />

Iyégé / Agoo na xwé to bo kanxwé sé +<br />

Nyen to yé mè bo ayi kpé mi +<br />

Jonon ma fon zanxato na xazan we ja (? )<br />

Mi do ago 0 na xwéto bo kan xwé se /


.',,,,.,.<br />

- 263 -<br />

Zanvodunnyan mon ahwé dé<br />

"<br />

Mon non mon ahwéxomèlala +<br />

..<br />

Dékpè nyinyi basi mèton mèton +<br />

..<br />

Dèkpè mon ahwé dé mon non mon ahwéxomè lala +<br />

Ahüili nyinyi basi mèton mètonl<br />

Ho ma gala bodo do xoce ma +<br />

•<br />

1<br />

Omèyolè y:e nyon gbigbocé 1<br />

Ils me craignent<br />

Tu n'es pas homme à médire de moi,<br />

Tu n'as pas le toupet de broncher.<br />

Et tu n'es pas homme à proférer des menaces;<br />

Nous, nous savions "déjà qui nous sommes;<br />

Avant d'arriver ici.<br />

Tant qu'on n'a pas "fréquenté quelqu'un,<br />

Comment peut-on juger de sa qualité ?<br />

Le chanteur Agoungnon a déjà énoncé cette vérité dans une chanson.<br />

Ceux-là savent qui je suis.<br />

J'en appelle à Zanvodun; qui voit la craie,<br />

N'en voit pas l'intérieur.<br />

La célébrité d'un homme dépend de ses moyens;<br />

La renommee d'une jeune fille repose sur elle-même<br />

Tu n'es pas tel que tu puisses parler de moi.<br />

Ils me craignent.


- 266 -<br />

Viens m'embrasser, diffiCUlté!<br />

Fais-moi mon lit, histoirel<br />

Donne-moi ,à boire" dispute!<br />

Fais-moi mon lit, ai-je dit, et les tracas n'en finissent point.<br />

Chère belle-mère, viens récupérer" ta fille,<br />

Ta mal polie de fille, la voici.<br />

Ai-je pris femme pour ne pas avoir la paix ?<br />

Ch 64 INè yi 1<br />

Onyonnu na '. gbè mi' kpon yi jan e na yi +<br />

Avomènu Zunlè ma jolo tagbaxo gè 1<br />

Nyonnu dé gbèmi'bé yi jan é na yi +<br />

Avomènu Zunlè ma jolo tagbaxo kpali 1<br />

Gbèto wè tonson lagosu bo wa tocémè<br />

Asié ka gbè gbédo 1<br />

Gbéto tonson Lagosu bowa tocémè<br />

Asié ma ba sin' na/<br />

Xonè tonyi hanlèloZunlè wa+<br />

Mibo kan bio (X)<br />

Xo énè do wè zunlè dé to xomè t<br />

•<br />

Asiéton so hun avi /<br />

Nyonnu na gbèmi kponyi jan é na yi<br />

Avomènu zunlè ma jolo hwègbé xo dé 1<br />

•<br />

Je n'insiste pas.<br />

Si ma femme veut me quitter, je n'insiste pas.<br />

Car', moi, fils d'Avomè, ne veux pas de casse-tête.


Le voilà perdu pour kponmènu.<br />

- 268 -<br />

Le seul grand arbre à l'ombre protectrice,<br />

Est perdu pour kponmènou.<br />

Que j'aille au marché, que je revienne, m'a dit yao;<br />

Je vais a Dangbo et je reviens, a dit ma maman.<br />

Je vais a Azossè, puis a Dangbo et je reviens,<br />

C'est cela que Yao a dit à Avomènou.<br />

Le dernier grand arbre à l'ombre<br />

Est perdu pour Avomènou.<br />

Ch 66 IXodo ayi towél<br />

Ma zon glagla gbon yé mèo +<br />

Ma di wézun gbon yémèo+<br />

Ma kpa 9abo yi ye me 0+<br />

Ma do afokpa do yi ye mec +<br />

Ma do avo dagbé yi ye mèo +<br />

"<br />

Ovié na (X) jilè +<br />

Ma zon glagla-gbon fami'mè 0+<br />

Bo xodo ayi towé + e e e e e ayi towé 1<br />

e e e e ayi towé +<br />

Ma hon wézun gbon ye mè 0 +<br />

Ovi e na (X) jilè +<br />

Ma zon glagla gbon ajobimè 0<br />

Bo xo do ayitowél<br />

Ecoute ta conscience<br />

Ne marche pas pressé devant eux,<br />

Ne cours pas parmi eux,<br />

bénéfique et mobile


Ch 68 / Suulu /<br />

- 270 -<br />

Suulu mi mèkpo ni do suulu e + .<br />

Ogbèmè ma jé yi fidé é é ayé e e /<br />

b<br />

Suulu mi mèbi ni dO'suulu +<br />

Ayihon gbèmèma jè yi fidé +<br />

E jolo Ajalonnon + é na so nyon /<br />

Patience<br />

Patience, vous tous, ayez de la patience)<br />

Le monde ne va nulle part, certainement.<br />

Patience, vous tous, armez-vous de patience,<br />

Le monde ne va nulle part;<br />

Et s'il plait à Dieu, la vie s'améliorera.<br />

Ch 69 / Jezudo 10 /<br />

Jézu wè do 10 ?é + agbawè mi zon a e +<br />

Klisu wè do 10 dé + agba wè mi zon<br />

Tata we gbèto zon wa gbè fié<br />

lyé iyé é + tata wè gbèto zon wa gbè fié +<br />

Tata mon jan ma wè a na so zon do yi +<br />

A ma œn nudé wa gbèmè +<br />

0<br />

Mon jan a ma hen nudé jéyi /<br />

Akwètowé kpo asitowélè kpo +<br />

Hennumè ajobi ton wè bi sésé +<br />

A ma hen nudé wa gbèmè +<br />

..<br />

Hwèkpo ama hen nudé jéyi /<br />

•<br />

vitowé kpo gan towé lè kpo<br />

Hennumè akotonon ,ton wè kpo sésé +<br />

..<br />

.


1<br />

Hi ma hen<br />

1<br />

1<br />

- 271 -<br />

nudé wa gbèmè +<br />

•<br />

Hwèkpo a ma hen nudé .. jé yi /<br />

La parabole de Jésus.<br />

Jésus a dit une parabole, nous sommes arrivés les mains vides.<br />

Le christ a dit une parabole, nus nous sommes venus.<br />

Eh oui! l'homme est venu au monde bras balants.<br />

C'est ainsi qu'il s'en retournera;<br />

Tu n'as rien apporté dans ce monde,<br />

Ainsi tu t'en retourneras.<br />

Ta fortune,. tes femmes, toutes iront aux membres de ta famille.<br />

Tu n'as rien apporté ici bas,<br />

Tu n'en emporteras rien au dernier jour.<br />

Tes enfants, tes biens divers tomberont aux mains de la famille ..<br />

Tu n'as rien apporté ici bas,<br />

Tu n'en emporteras rien.<br />

Ch 10 /Ogbè ace /<br />

Ogbè ace + osègbo munundé (?)<br />

•<br />

Osè é da toké + bo é lè aji ma du 10 +<br />

Ajoto moun dé .. na do .. mi a ma /<br />

Ogbè acé + sègbo monun dé /<br />

•<br />

Un tel destin<br />

La vie, n'est-ce pas? un dieu d'un tel comportement!<br />

..<br />

Ce dieu qui a fait la,chauve-souris, et elle travaille sans pouvoir<br />

récolter le fruit de son labeur.


- 272 -<br />

Un tel dieu ne peut être le mien •<br />

Eh!,cui la vie, je me refuse à être la créature d'un tel dieu.<br />

Ch 71 /Mi ma do gon na gon /<br />

•<br />

Omi ja + omi' ma do gon na gon +<br />

0<br />

" " " " " " " " " +<br />

Omi dogbanu vilè + omi 'wa e +<br />

" " " " " " "+<br />

Ayihon' bo gbélé agangan nadu'folo wè ja (?)<br />

o<br />

Gbè bo gbélé + toké ma na non vo ma dé /<br />

Nous venons<br />

Nous venons, nous n'y manquerons pas;<br />

Nous, fils d'adogba, nous' voici.<br />

Et si le monde tournait mal, pensez-vous que l'épervier mangerait des<br />

pelures ?<br />

Même si le monde tournait très mal, la chaure- -souris ne manquera pas<br />

de se suspendre à un arbre.<br />

Ch 72 / Ku wa zon /<br />

A mon nudé okuwa a (? )<br />

0<br />

Asoè yi so 'monkan do Ko +<br />

Gbèmè nu ma gbè mèdé ma wa /<br />

0<br />

..<br />

..<br />

Mi wa kpon nudé ogbè non wa /<br />

Mi wa kpon nudé ogbè non wa e /<br />

L'oeuvre<br />

Vois-tu l'oeuvre de la mort?<br />

Le perdrix s'est laissée prendre au piège.<br />

..


Me voici donc.<br />

Orphelin de père,<br />

Orphelin de père et de mère,<br />

Il Y en a toujours quelque part;<br />

Me voici.<br />

Ch 75 / Mèmonso /<br />

Egbé wè mi sa mon e<br />

Mè e mon égbé ma sa mon sa e ja +<br />

Ayi é mi dé din + e nyon gbau /<br />

0<br />

Egbé wè mi sa mon +<br />

Omè e mon égbé ma sa mon sa e ja +<br />

Ayi e mi dé din + e sa nyon /<br />

II'<br />

yé kpli bo ba donu mi kaka +<br />

Mèdé .. ma mon donu mi cenun /<br />

Hagbèlè ba donu mi kaka +<br />

yédé ma mon donu mi kpali /<br />

0<br />

Egbé we mi sa mon +<br />

Omè e mon égbé ma sa mon sa e sa ja<br />

Ayi e mi té din + e sa nyon /<br />

Qui sait l'avenir?<br />

Nous vivons ce jour.<br />

Qui vit cet instant ignore de quoi demain sera fait;<br />

L'existence que l'on mène de nos jours,<br />

Est certainement charmante.<br />

C'est l'instant présent que nous vivions;


1<br />

- 277-<br />

Nous ne mourrons pas tous.<br />

Que tonne le canon,<br />

Nous ne mourrons pas tous.<br />

Et que crépite le tam-tam de la guerre,<br />

Nous autres, nous ne finirons jamais tous.<br />

Voyez ! nous ne sommes que les mêmes,<br />

Assemblés dans la maison familiale,<br />

Faisons vibrer l'échos de nos chants.<br />

Que tonne le canon de la guerre,<br />

Nous autres, nous ne finirons jamais tous.<br />

Un na so monen dé a +<br />

..<br />

Omonvo dié 10 0 /<br />

Un na so monen dé (? )<br />

..<br />

Omonvo dié 10 0/<br />

Ch 79 /Mon vo dié 10 0 /<br />

..<br />

..<br />

..<br />

Un na so monen dé + monen dé + monen dé wè ya (?)<br />

Q D ..<br />

Un na so monen dé (?)<br />

0<br />

Omonvo dié 10 0/<br />

0<br />

E 10 nyi ahwan wè kuo 10 nyi +<br />

Axolu hwézé na baè na mi +<br />

Hwézé na baè mon dodo /<br />

Omonvo dié 10 0/<br />

..<br />

E 10 nyi ahwan wè kuo 10 nyi +<br />

Gbènyanto luvè na baè na mi +<br />

Luvè na baè mon dodo +<br />

Omonvo dié 10 0 /<br />

..


- 279 -<br />

Frapper les mains l'une contre l'autre,<br />

N'abîme point les traits<br />

Que Dieu y a tracés;<br />

Ces traits, nul ne peut les effacer.<br />

Ch 81 / Kahun /<br />

Ayonu anagonou dé + na yi ayotomè<br />

•<br />

Kahun é na do /<br />

.<br />

Ayonu dé na yi ayotomè +<br />

Kahun é na do /<br />

La barque fatale.<br />

Qu'un ressortissant d'Oyo veuille se rendre a Oyo)<br />

Il empruntera une barque en calebasse.<br />

Qu'il décide de rentrer chez lui à Oyo,<br />

Il empruntera une barque en calebasse.<br />

Ch 82 / Biligédé /<br />

Obiligédé xo do mi té +<br />

..<br />

Un ma yolo gbéto nyi +<br />

Obiligédé xo do .. mi dé ..<br />

Un ma yolo gbéto nyi /<br />

Obiligédé xo do mité +<br />

..<br />

Mè é non hen gan koko +<br />

Non gbon wolomè xo do mi dé +<br />

..<br />

Un ma yolo gbéto nyi/<br />

Biligédé<br />

C'est de biligédé que je parle,<br />

Je ne parle pas de Gbéto.<br />

C'est bien sûr de biligédé que je parle,<br />

Je n'ai pas nommé un gbéto;<br />

Je parle de biligédé,


o sodabi do 0 nu wé +<br />

..<br />

- 280 -<br />

Celui-là qui court le village muni d'un gon,<br />

Je ne parle point de gbéto '"<br />

Ch 83 / Ba nu /<br />

A ko so ja mi hwlen gbé a (?)<br />

Miu ahannuntolè hwlen gbé a (?)<br />

A bolo gbon mon bé é na nyon /<br />

Ahan da non fi bo xo we +<br />

Kaka bo yé ma mon we +<br />

S02abi ahan da non fi bo kpon ho +<br />

Kaka bo yé ma mon wé /<br />

Na do con hvè dO'wé<br />

Ba nu bo ba nu /<br />

+J (bis)<br />

Ennivrons-nous.<br />

Bienvenu , sodabi<br />

(bis)<br />

Tu es encore venu nous sauver ?<br />

Nous tes adeptes !<br />

Un tel geste venant de toi,<br />

Est un acte louable.<br />

Un demi litron est resté ici à t'attendre,<br />

Et personne ne t'a entrevu, .<br />

(bis)<br />

Oui ! un demi litron de sodabi a trainé en ces lieux,<br />

Mais tu n'es point venu.<br />

l<br />

Pour passer le temps ensemble,<br />

Ennivrons-nous.<br />

(bis)


- 284 -<br />

E nyi médè ma sen ajalonon +<br />

•<br />

océton ma dé mè 10 0 +<br />

•<br />

_Dagbé é na Jézu wa ma so nyi nu na bu dé 0 /<br />

Ils sont éternels.<br />

Les bienfaits de Jésus ne se perdront jamais•.<br />

Le christ est venu ici bas,<br />

Il n'a jamais accompli de méfaits;<br />

Il n'en a jamais accomplis que je sache.<br />

S'il en avait accomplis,<br />

Tu sais que je ne l'adorerais pas.<br />

Sache que l'oiseau qui traverse le ciel,<br />

Il ne fait rien de productif.<br />

La fournl;dans son trou, ne travaille point.<br />

Le seigneur seul pourvoit à tout pour eux.<br />

Si quelqu'un n'adore pas dieu,<br />

Je m'en lave les mains.<br />

Car, les bienfaits de Jésus sont éternels.


- 2a;) -<br />

CH 89 1 Nyinyanto han 1<br />

xè jè kpanué +<br />

Kowé jè kpanu ma so mon nyinyanto dé<br />

Onué do non wa dié do wa é 1<br />

•<br />

Personne pour l'en chasser.<br />

L'oiseau s'est posé sur l'enclos;<br />

L'oiseau de la mort, kowé, s'est posé sur l'enclos;<br />

Et, il n'y a personne pour l'en chasser.<br />

Voici que la mort a accompli son oeuvre habituelle.<br />

Ch 90 1 Adan ma hun do 1<br />

Un do adanto gala ma hun do nugbo +<br />

"<br />

Adan ma hun yo a e +<br />

Adan hun yo +<br />

(X) cé na ko hun yol<br />

Vaine, la bravoure.<br />

L'homme ne peut échapper à la tombe.<br />

Fut-il vaillant,<br />

Un homme brave ne peut pas ouvrir sa tombe.<br />

Le courage et la force n'ouvrent point la tombe.<br />

lJ<br />

bis<br />

C'aurait été possible que mon (X) aurait défoncé sa tombe.<br />

Ch 91 1 Maolè 1<br />

A do ta dagbé di agba nonun e +<br />

0 0 ..<br />

Adogbanu yokpocé a do tagbé +<br />

Amaolè jan wè milè na yi é 1<br />

1bis<br />

bis


- 291 -<br />

A·ka mon l zaki bé agban wè a na jo /<br />

Xo dé tin dé agban godo bo e do dicto bo zan ku +<br />

0 .. 0<br />

'" •<br />

Xo dé tin dé agban godo bo e do dido bo zan ku e +<br />

.. 0 •<br />

Xo dé tin dé agban godo bo e do dido bo zan ku +<br />

• CP .. ..<br />

Bo mèdè jan ma mon do éton /<br />

..<br />

, , )<br />

Xo ne mawe. Monpè se bo na xome eton gbélé +<br />

Bo Monpèlè ka wa kan wéman /<br />

Ojan bo zé weman sè do Izaki +<br />

Bo do .. na Izaki. do .. gigo éton ni ya /<br />

Gigo dié + Izaki gigo dié +<br />

D 0-<br />

Nyonnu mèsi mon non do ahanjo e +<br />

. ..<br />

Gigo mi sé bo dado /<br />

Ado wè'na.gbo + xovèsin ado wèna gbo +<br />

, ....<br />

Mi ma mon.xo dé bo na do do din gba +<br />

o • ..<br />

Ado wè nagbo bo mi na kpé /<br />

Xovè wè si ahwanmènyonnu bè hon dosé a e +<br />

Xovè we si ahwanmènyonnu bè hon dosé +<br />

. ...<br />

, v<br />

Mi ma mon nudé bona do do din gba +<br />

Gbo jan é nagbo bomi na kpé /<br />

La Famine<br />

La famine qui a sévi à cette époque-Ià-,<br />

Je l'ai immortalisée dans une chanson .'.<br />

Cette famine! moi Ladé, je l'ai chantée.<br />

Cette chanson !Tousles méfaits de la famine,<br />

Je vais les chanter.


- 292 -<br />

......................................................<br />

Il y 'avait un travail à Accra,<br />

On y était engagé à force de "couloir!'<br />

Et Isack servait d'intermédiaire.<br />

Si vous cherchez du, travail et que vous allez trouver Isack,<br />

Il vous faut lui payer des pourboires.<br />

Mais, parfois,après les "pots dl vin",<br />

encore;<br />

1<br />

les pourparlers traînent, traînent<br />

Au point où tout le monde se laisse gagner par le découragement.<br />

Monpè fut mis au courant d'une de ces interminables transactions.<br />

Il fut fâché et envoya une missive à Isack,<br />

Il lui intima de revenir illico.<br />

Voici ton retour, Isack, voici ton retour !<br />

La femme d'autrui ne, pratique point le commerce d'alcool,<br />

Ton retour mit fin à toutes les escroqueries.<br />

A la fin de la famine; c'est quand elle aura pris fin<br />

Nous ne trouvons rien à dire à présent,<br />

C'est à la fin de -la famine que nous ouvrirons la bouche.<br />

La faim a traqué une femme au point où elle a déterré et vendu son foyer.<br />

Nous n'avons rien à dire à présent.<br />

Rendez-vous à la fin de la famine.<br />

Monpè = mon père: ce terme désigne le curé d'Azossè qui semble-t-il<br />

aurait aidé beaucoup de gens durant cette famine; c'est le R.P. Adéyèmi.


- 293 -<br />

Ch 91 / Gbè badabada /<br />

• •<br />

Ogbè badabada + mon wè gbè non bolo do +<br />

..<br />

•<br />

Ogbè na nudé wè hun jUon en me /<br />

E na vi we hun jijonen mè +<br />

E so na kwè wé hun jijonenmè + bo non du /<br />

co<br />

Ogbè badabada + mon gbè non bolo do +<br />

• "<br />

Ogbè na nudé we hun jijonenmè /<br />

Vie changeante.<br />

Vie changeante,. vie traîtresse; c'est ainsi qufelle agit<br />

Si elle t'apporte quelque chose, prends-le.<br />

Si elle te donne des enfants, réjouis-toi,<br />

Si elle t'apporte la fortune, jouis-en et vis.<br />

Car, vie changeante,. vie traîtresse; c'est ainsi qu'elle agit ..<br />

Si elle t'apporte quelque chose<br />

CH 98 / Hagbè dindin /<br />

, prends-le.<br />

Hagbè dindin e· nè lè + dé kun non mon mè gbo 0 +<br />

"<br />

Ohabgbè dindin é nè lè + yé kun non mon dio gbo wé +<br />

0<br />

Ohagbé dindin + ho non jè ahan nèlè bo mi non nun +<br />

Ohagbè dindin + dio non xo gi nèlè bo mi non du +<br />

.. C><br />

Ohagbè dindin é nèlè + yé kun non mon mè gbo 0 /<br />

Les Camarades !<br />

Ces amis qui foisonnent ne vous acceptent pas •<br />

Ces camarades qui satellisent autour de moi ne me souffrent pas.<br />

Ces amis auxquels tu offres la boisson, et avec qui tu bois,<br />

Ces amis ne t'acceptent pas.<br />

..


né, Hé, Hé,<br />

- 296 -<br />

Ch 100 / Nyemba<br />

né + Hé + Hé fofo nyen ba /<br />

né + Hé + Hé jètè (? ) nyen ba /<br />

Dio ma ja nu da gbé + nyen ba +<br />

0 ..<br />

Dio ma dé afokpa na sunsun +·nyen ba +<br />

..<br />

Dio ma dé ayi na za gba /<br />

Q<br />

•<br />

Asu ma dé gbé· do mi 10 +<br />

•<br />

Xomèsu ma dé gbé do mi ·0+<br />

..<br />

Etè a wa na mi è (? )<br />

Avo a xo na mi an (? )<br />

Avo e na asunon xo na asi bè non gba +<br />

Ho mon non xo dé na mi bo non dé gbé do mi. an (?)<br />

• ..<br />

. Nyen ba /<br />

Moi, pas<br />

lIé, ilé, toi qui? moi, pas !<br />

Moi, je ne ferai pas la cuisine, pas moi;<br />

Je ne cire pas tes chaussures, moi pas;<br />

Moi,je ne vais pas balayer;<br />

Ou' un mari ne me donne point des ordres !<br />

Oue l'homme avec lequel je vis ne me nargue point.<br />

Oue m'as-tu fait?<br />

M'as-tu offert un pagne?<br />

Le simple pagne que l'époux offre d'ordinaire a sa campagne<br />

Afin qu'elle se. fasse belle


- 297 -<br />

Achète-m'en un avant de vouloir me commander;<br />

Moi, pas !<br />

Ch 101 / Tata /<br />

Na un na non tata bo jè kpen do (? )<br />

"'<br />

Na un na non' tata bo jè kpenwé do (? )<br />

•<br />

Hwénu un ma yi gbaunjadu mèdé si +<br />

o "'<br />

Na un na non tata bo jè kpen do (? )<br />

0<br />

Inopinément?<br />

Comment puis-je contracter inopinément la toux ?<br />

Comment le -puis-je ?<br />

Du moment que ,je n'ai pas'pris et mangé de-la noix chez quelqu'un,<br />

Comment puis-je contracter inopinément la tuberculose ?<br />

Ch 102 / Agbajumon to ku /<br />

Ohansaé +yokpo avomenu +<br />

Agbajumon to ku /<br />

Bo yé do dido +<br />

o •<br />

Mè é ma mon ,do na lè ja doton din gbé +<br />

01310 wè +<br />

Gbètomamon do na lè ja doton din gbé /<br />

Ohansaé + iyégégé + agbajumonto ku /<br />

Le décès du père d'agbajomon.<br />

Et la chanson dit, enfants d'avomè,<br />

Le pere d'agbajumon est décédé.<br />

Tout le monde le proclame,<br />

Pourtant, ceux qui n'y croient pas,


Sont venus s'en assurer.<br />

Mensonge<br />

Ceux qui n'y croient pas,<br />

Sont venus s'en assurer.<br />

- 298 -:-<br />

Et la chanson dit, oh ! là ! là<br />

Le père d'agbajumon est décédé.<br />

-:-:-:-:-:-0::000:-:-:-:-:-


ADANDE (Alexandre)<br />

- 302 -<br />

1. "Une association d'entr'aide<br />

23 JUILLET 1943..<br />

Ajonu", in Notes africaines nO<br />

2. "Un rite expiratoire"Oma", in Notes africaines, N° 58 AVRIL 1953 .<br />

BETENE (Abbé Pierre)<br />

BRAND (R.Bernard)<br />

Bastide (R)<br />

Barthes (Roland)<br />

BENEVENISTE (E.)<br />

" Le Béti vu à travers ses chants traditionnels" dans Abbia,<br />

nO 26 FEVRIER 1973.<br />

" Les hommes et les plantes " dans Genève -Afrique Vol XV<br />

N° 1 19760<br />

CA<strong>LA</strong>ME-GRIAULE (G.)<br />

"L'homme africain à travers sa religion traditionnelle "in<br />

Présence africaine nO 40, trimestre 1 1962.·<br />

"<br />

"Introduction à l'analyse structurale du récit dans<br />

Communication nO 8,1966.<br />

"Remarques sur la fonction du langage dans la découverte freu-<br />

dienne "in La psychanalyse t. 1 sur la Parole et le langage<br />

1. "L'art de la parole dans les Cultures africaines "in<br />

Présence africaine nO 47, 3° trimestre 1963.,<br />

2. "Introduction à la musique africaine "in La revue musicale,<br />

cahier spécial N° 238, Richard Masset,1957.


- 304 -<br />

1. "Uri chromatisme africain "in L'homme, 1,3 Sept"-Décembre 1961.<br />

2. " Une chantefable d'un signe divinatoire au Dahomey" in Journal<br />

of Africam languages, 1,31962.<br />

---------00000------------


- 306 -<br />

2. IHanl et lé contexte sotie-culturel . . · · · · · ·<br />

a) Origine . . . . . . . . · · · · · · · · · 42<br />

b) Signification de IHan/pour le Wémènu · · · · · ·<br />

c) IHanl dans Wémè : Existence · · · · · · · · · · · · · 45<br />

d) Classification . . . . . . . . . . . · · · · · · . . 51<br />

c) La chanson dans la nature . · · · · · · · · · · · · ·<br />

f) L'Esthétique de la chanson populaire dans Wémè · . . 65<br />

3. De la dynamique sociale du IHan/ · · · · · · · · · · · · 11<br />

CHAPITRE III. Les chansons récréatives • • . 11<br />

1. Le cycle IAyèsil<br />

dénigrement .•<br />

départ - arrivée - joie - remerciement<br />

2. Le cycle IAko ou hinnul - les géniteurs - l'enfant - la<br />

grande famille .<br />

3. Le cycle/Gbèl - la femme - le divorce - l'homme - le<br />

destin ISèl - l'homme philosophico-moral : l'amitié ­<br />

les refrains des, chantefables didactiques .....<br />

4.-Le cycle IXwé 1<br />

- le cas du christianisme<br />

- les fêtes civiles<br />

- IWa nul.'.<br />

Conclusion partielle<br />

CHAPITRE IV . Les chansons occasionnelles<br />

1. Les chansons sacrées - les fétiches IVodunl<br />

- La transgression d'un interdit' fétichiste : un rite<br />

expiratoire IOmanl •.<br />

42 - 11<br />

43<br />

60<br />

19<br />

88<br />

91<br />

123<br />

124<br />

128<br />

131<br />

134<br />

135 - 196<br />

135<br />

138


- <strong>LA</strong> MORT.<br />

- La mort comme un voyage •<br />

- 307 -<br />

- La mort comme une délivrance • • .<br />

- Les autres caractères de la mort . •<br />

2. Les chansons profanes . . • • • • .<br />

A. Les chansons profanes appartenant à tous • .<br />

- Les chansons phobiques /Atè/ - /Auhwan/.<br />

- les chansons apologétiques<br />

- les chansons d'amour •...<br />

B. Les chansons de sous-groupes socio-professionnels . • • .<br />

- les laboureurs • . . • • •<br />

- les voleurs • • • • . • • • . . . • • • • • •<br />

- l'ivrogne<br />

- les jeux •<br />

- le cache-cache .<br />

- /Kpaklèkpaklè/<br />

- / Ahan/ . . . • . . . . .<br />

- / Agwé / . . . . . • . • • . • • •<br />

Conclusion parteielle . . . • • • • . • • • •<br />

3. Image de Wémè à travers la chanson populaire . . .<br />

CHAPITRE V<br />

la littérarité de la chanson populaire de Wémè<br />

1. Les intentions des créateurs: les inspirations .••.••<br />

1. L'inspiration poétique.<br />

2. L'inspiration didactique<br />

3. L'inspiration mixte ••<br />

II. Les valeurs expressives . • • • • • • • • •<br />

1. Le mot comme la clef de voûte de l'ensemble.<br />

148<br />

151<br />

154<br />

156<br />

163<br />

163<br />

164<br />

111<br />

114<br />

115<br />

116<br />

111<br />

119<br />

180<br />

180<br />

182<br />

184<br />

186<br />

181<br />

188<br />

191<br />

199<br />

200<br />

204<br />

201<br />

209<br />

209


2. Le mot indice . . . . . . .<br />

- 398 -<br />

a) Les indices proprement dits . . . . . . .<br />

b) les informants ou indices de civilisation .<br />

3. Le mot poétisé ....<br />

- le mot dépouillé d'adjectif .....<br />

- le mot accompagné d'un déterminatif<br />

- l'adjectif ou l'adverbe .<br />

4. L'énoncé . . .<br />

5 . Le rythme . . • • • . . . . . . . . . . . . . . . . . . 229<br />

III. Le "mi-dit", ou la pensée imagée<br />

A. Les différents· types d'images .....•.•...<br />

a) Les caractéristiques de l'image.<br />

b) Complexification et spécification<br />

c) Les symboles ..<br />

B. La norme<br />

CONCLUSION GENERALE .<br />

Conclusion partielle . .<br />

REPERTOIRE DE REFERENCES<br />

BIBLIOGRAPHIE<br />

TABLE DES MATIERES . . . . . . . . . .<br />

Deux cartes sont incluses dans la<br />

et une carte ethnique.<br />

211<br />

du Bénin<br />

212<br />

215<br />

218<br />

219<br />

219<br />

221<br />

221<br />

233<br />

233<br />

234<br />

236<br />

239<br />

243<br />

244<br />

245 _ 248<br />

249 - 298<br />

299 _ 304<br />

305 _ 308

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