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LE « CARNAVAL LEXICAL » DE RABELAIS<br />

357<br />

dionysiaque de ses images? En partie, oui, répond Spitzer. Il y a<br />

une force chez Rabelais qui fait peur aux Français, une force présente<br />

éga<strong>le</strong>ment dans l’art al<strong>le</strong>mand, chez Wagner, par exemp<strong>le</strong>.<br />

Comme il l’écrit, <strong>le</strong>s Français éprouvent une « peur presque hystérique<br />

[…] devant la force et <strong>le</strong> pouvoir en tant que tels 29 », devant<br />

l’élément chtonien et dionysiaque ; <strong>le</strong>s Français ne voient pas un<br />

enfant dans un enfant, mais un petit adulte ; ils ne comprennent<br />

pas la force enfantine, primitive et vita<strong>le</strong> 30.<br />

Pourtant, il existe probab<strong>le</strong>ment une autre raison. Le pire ma<strong>le</strong>ntendu<br />

est arrivé à Rabelais à l’époque de l’analyse littéraire<br />

positiviste, et cela malgré <strong>le</strong> fait que c’est alors que la société fondée<br />

par Lefranc préparait une nouvel<strong>le</strong> édition critique de son roman et<br />

la meil<strong>le</strong>ure de toutes ses biographies, malgré <strong>le</strong> fait qu’el<strong>le</strong> étudiait<br />

<strong>le</strong>s sources de l’œuvre de Rabelais, <strong>le</strong>s bases de sa langue et de sa<br />

stylistique, en montrant des exemp<strong>le</strong>s brillants d’érudition, de<br />

« philologie au sens suprême du mot ». Tout cela ne nous a pas<br />

rapprochés de la compréhension du « génie grotesque » de<br />

Rabelais, cet Homère bouffon, ni de la compréhension de son<br />

« carnaval <strong>le</strong>xical ».<br />

D’ail<strong>le</strong>urs il serait trop imprudent de prendre l’acuité polémique<br />

de l’artic<strong>le</strong> de Spitzer pour une non-acceptation catégorique de<br />

l’éco<strong>le</strong> philologique française. Bien sûr, la philologie romane en<br />

Al<strong>le</strong>magne, fondée par Uhland et Diez sur l’historisme des romantiques<br />

se trouvait, d’après E. Auerbach, dans une situation particulière<br />

31 ; tandis que l’éco<strong>le</strong> de Voss<strong>le</strong>r, formée dans <strong>le</strong> domaine de la<br />

linguistique romane, se rendait tout à fait compte de sa<br />

« généalogie » scientifique. Bien sûr,<br />

en reconnaissant, comme Croce, <strong>le</strong> fait que la langue est plutôt une<br />

expression (Ausdruck), qu’une communication (Mitteilung), et en la<br />

29. Ibidem, p. 29.<br />

30. Spitzer analyse la réception de Rabelais par <strong>le</strong>s romantiques : Hugo,<br />

Chateaubriand, Nodier. Dans la version de 1940, Bakhtine semb<strong>le</strong> suivre <strong>le</strong><br />

plan de Spitzer, en développant <strong>le</strong>s thèses que ce dernier avait formulées en<br />

<strong>le</strong>s appuyant avec des citations prolixes : il s’agit de la thèse sur Hugo qui<br />

aurait apprécié l’origine corporel<strong>le</strong> des images de Rabelais ; du concept des<br />

« génies-mères » proposé par Chateaubriand (« un de ces génies-mères qui<br />

semb<strong>le</strong>nt avoir enfanté et allaité tous <strong>le</strong>s autres ») ; de la définition de Rabelais<br />

comme un « Homère bouffon » chez Nodier (p. 30-31. Voir M.M. Baxtin,<br />

Fransua Rab<strong>le</strong> v istorii realizma, op. cit., p. 129-146).<br />

31. Voir E. Auerbach, Literatursprache und Publikum in der lateinisсhen<br />

Spätantike und im Mittelalter, Berne, 1958, p. 9.

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