Notice historique sur le domaine et le chateau de Rambouillet

NOTICE HISTORIQUE
SUR
LE DOMAINE ET LE CHÂTEAU
DE
RAMBOUILLET
Par AUGUSTE MOUflE,
ConEs por(a,nT nI] MINISTItE DE L'IESTRUCTION PUBLIQUE,
DE LA SOCItd DES ANTIQUAIRES DE FRASCE,
ET DE LA sOcITg DKS SCIENCES MOELLES, LETTRES ET ARTS DE VERSAILLES
3IEMRRE D1 LA SOCIÊTe ARCIIOLOGIQUE DE RAIIIIOUIL1,Et, ETC.
NI! sibi 'cr46,, q"idn., pci!, ip. prtiancrn.
RAMBOUILLET,
RAYNAL, IMPRIMEUR-LIBRAtRE, RUE NATIONALE.
1850.

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LE llOIllA!E,
Topographie. - Etymotogie. - Forêt Yvoline. —Temps féodaux.
- Donalido de l'église d Rambouillet. - Seigneurie. —
Marquisat. - Duché-pairie. - Domaine privé de Louis XVL
- Domaine national. - Liste civile. - Retour â t'Etat.
't
768. —1850.
Rambouillet, chef-lieu de sous-préfecture du
sixième arrondissement du département de Seineet-Oise,
est situé à 48 kilomètres au sud-ouest de
Paris, à 32 au sud-ouest de Versailles et à 40 au
nord-est de Chartres. Primitivement, il faisait partie-de
l'ancien Pays ou comté de Madrie; ruais
il est assez diffidie de déterminer quelle fut plus
tard son exacte position. La plupart des géographes
le placent dans le Hurepoix, fraction du
comté de Madrie, et dans ta prot'ince.de l'ue-de-
Document
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France; d'autres prétendent qu'il était en Beauce;
Louis XVI, qui passait pour avoir des connaissances
Fort étendues en géographie, disait toujours
Rambouillet en Beauce. » La cause de cette dif-
lt
férence d'opinions est qu'il était sur les confins
extrêmes de ces deux provinces. Avant la division
de la ['rance en départements, il appartenait au
diocèse de Cliartres•St:à la généralité d'Orléans,
que la Crois_du.PerraYséParit de celte de Paris.
Un petit cours d'eau, qui s'échappe des étangs
supérieurs de la forêt, coule dans la prairie de
Groussay et va se jetér,'par un conduit souterrain,
dans les canal." du parc. De la il s'echappe encore
ûUI' former: la petite rivière qui, g'0s-0 plusieurs
affluents, va rejoindre l'Eure après avoir
arrosé les vallées (le Gazeran, de Saint-Hilari*n et
..d'Epernon.
Ce ruisseau était autrefois nommé le Rambe ou
1Iaitïbo; irne: petite fontaine, qui lui; versait ses
--eaÙî,I dans la prairM de Groussa,. était appèhe
Pohiainé Lde Ramheiiil'ct'aviit fait donner ee.:nofll
A pUusieûrs dMisons siiuées'dans son'toisiiiag'e.
Ces 'deux dénominations ont formé Teolle tIc Ramrbôuillet,
de la ihême .rnanière:q'uC Nnteuil, 1Vei'-.
iuiuil nét jÇilteuit ont!faitNantoiiillei; Vernotjill&t
C1A'utÛ1I.ilICt ii Y
:Lorigiiie dù Rambouillet est fort •andieiïnc,
inaisl"liLsmire . de ;ssrprêflhiers .tdnip !cst entou-

LE DOMAINE. S
rée tic la plus profonde obscurité,. Le plus ancien
document historique qui fasse ihention da ce
pay, est un diplôme du 23 septembre 768, par
lequel Pépin Je-Bref donna à l'abbaye dc Saint-
Denis etù plusieurs autres églises ou monastères,
d'immenses quantités de terrains dans la forêt
Yveline. Il y est nommé Rwnbelisurn, et figure avec
un grand nombre d'autres villages qui, comme
lui, faisaieiit tes diverses délimitations de cette
vaste forêt. L'Yveline était alors une grande contrée
presqu'entièrement couverte de bois, mais
percée de ,nombreuses clairières, dans lesquelles
s'élevaient des villages, les maisons des gardes e
des forestiers; et entrecoupée de cours d'eau, de
lacs, d'éLangs, de Prairies et de terres cultivées.
Elle s'étendait sur le Parisis, le Pincerais, le pays
(le rfadrie, JEtampois et. le pays Chartrain , et
comprenait, dans sa vaste circonscription, â peu
près tous les bois situés, d'un côté, entreVersailles
et Nogent-le-Roi, et de l'autre, entrelloudan
et Etampes. De nombreux défrichements yont
été effectués, et ses différentes fractions sont connues
aujourd'hui sous diverses dénomination s
on sait que dès l'origine de la monarchie mérovingienne,
les rois Francs, comme chefs des guerriers
reçurent ou plutôt s'attribuèrent une large
part dans la distribution des propriétés conquies.
Les immenses forêts qui douvraient alors Je sol

4
LE. t)OMAi?E-
tic la Gaule paraissent leur avoir été plus particulièrement
dévolues. C'est ainsi que dès l'origine
lis possédèrent la forêt Yveline, dans laquelle,
vers 555 ou 557, Childebert avait déjà donné une
grande portion (le terres û saint Germain, évêque
de Paris. C'est en cet endroit (lue le saint prélat
construisit la cellule ôù il venait se retirer, et où
s'éleva plus tard la paroisse de la Celle-Saint-
Germain ou Celle-en-Yveline, aujourd'hui la commune
de la Celle-les-Bordes. Sous les rois de la
première race, Rambouillet faisait donc partie du
domaine royal avec la vaste forêt dans laquelle
il était situé; ce sont les débri de cette forêt,
disséminés autour tIc son vieux château, qui for
itous
allons essayer d'esquisser l'histoire.
Quand le puissant empire de Charlemagne se
fut écroulé clans les mains débiles de ses succes -
seurs, quand liugues-Capet monta sur le trône, et
quand le gouvernement Féodal eut étendu son
vaste réseau sur toute la France, Rambouillet pa-
rait avoir ft.it partie du domaine primitif des premiers
seigneurs de Montfort. Amaury il, fils et
successeur de ce Guillaume de :Hainault qui avait
épousé l'héritière de Montfort et d'Epernon,
donna, en 103, l'église de Rambouillet, casant
ecclesie /e 7?aimboleto, à la riche abbaye- de
Marmoutier, avec plusieurs autres ëglises des en-
-ment aujourd'hui le beau et riche domaine dont

LE DOMAINE.
vivons. Pour gouvernerles possessions cjue le sei•
gneur de Monifort. lui avait\données, l'abbé (le
Marmoutier institua le prieuré de Saint-Thomas
d'Epernon, à la collation duquel fin dès-lors l'église
de Rambouillet, sous le vocable de Saint-
Lubin. En 1214, Regnault, évêque de Chartres,
donna au prieur d'Fpernon la dîme de toutes les
novales des paroisses de Gazeran et de Rambouillet,
decunas un weisas OH1JZIUTfl no "aiiU/n In parradius
de Gâseran et de Rambolleto; preuve évidente
des défrichements qui se faisaient encore
(tans l'intérieur de l'Yvcline. Selon le plus ancien
pouillé connu du diocèse de Chartres, rédigé dans
le courant du xIlI e siècle, l'église de Rambouillet,
li auj boilletum, appartenait au doyenné d' Epernon,
comptait cent cinquante paroissiens et avait cm-
c 1uante livres de revenu.
Dans une charte donnée à l'abbaye de Sainf-
Pôre, par Geoffroy de Lèves, qui occupa le fauteuil
épiscopal de Chartres depuis 1440 jusqu'en
1149, on voit figurer, au nombre des témoins, un
Gaultier de I?umioiI/rt. Le même personna ge, ou
du moins son homonyme, est nommé arini les
donateurs de l'abbaye des Vaux-de-Cernay, Cou-
Icuas (le Rom ballet, dans des chartes confirinatives
données, en 1442, par Thibault, évêque (le
Paris, et Louis VII, roi de France. Enfin, Hadrien
de Valois cite une charte de l'an 1210 , (lui
5

O LE DOMAINE.
nonime un André de Rambouillet chevalier, Andream
de Rambolieto, iniliiem. Nous ignorons que.l
rapport ces personnages pouvaient avoir avec Rambouillet,
mais il est certain qu'à l'époque où ils vi-
vaient, la seigneurie 'de ce lieu n'était pas encore
•sorjie des mains de la maison de Montfort. Nous
trouvons en effet que, suivant un titré de1239 P,éronefle
.dé Montfort, dame, de Rambouillet, épousa
ftaou!, seigneur de la Roche-Tesson, en Normandie.
Cette dame de Rambouillet était la seconde
fille de Gày de Montfort, comte de Bigorre, du
chef de sa femme, Pernelle de Cominges, fille de
Bernard IV, comte de Cominges, et de Stéphanie
de •Bigorre, sa première femme.. Guy était luimême
le second 'fils de l'illustre Simon • 1V de
Montfort et d'Alix de Montmorency , et par conséquent
le frère cadet du comte Afflaury VII, connétabte.
de I'rance. Il fut pris et tué, en 1220,
par Raymond le Jeune, fils du comte de Toulouse
selon d'autres, il périt en 1218, au siège
de Castelnaudary. -
De ces faits, il résulte bien clairement, selon
nous, u'nprèsla monde Simon IV,tué'au siège de
Toulouse, le 27juin 4248, la terre de Rambouillet
fit'partie de l'héritage de Guy , son second fils,
après la mort duquel elle échut à Péronelie, sa secon
dd fille qui la .porta dans la maison de la
'ltochdLTesso'n.

LE LOM#INK.ç 7
Les documcntsnous u:Ian q ucnt abso1utent pour
dive comment elle-sortit, des mains de ses précédents
propriétaires quels furent les successeurs
immédiats de , ceux-ci,, à quel., titre et , depuis
quelle. 'époquc elle appartint ,à , la !hmillede Brencourt.
Quoi qu'il en soit, nops avons, au-archives
du domaine, un acte authentique qui nous
apprend que Jeanne de' Brencourt la . tenait de k
succession de ses père et mère, et que, je samedi
7 mai 1368,,Girart.,deTournehu, chevalier, du
consentement de Jeanne de Brencourt, sa femme,
parcontrat passé par-devant deuxnotairçs du chAtelet
de Paris; vendit u à noble homme, monsieur
» Jehan Bernier, i chevalier, conseillereL maistre
des requestes,Øc. l'ostel du roy nostre sire ,. à
» Paris... tout ce qu'A .possédaii yen ia.viUect
o terrouer de Ramboiliet , ès.:cornLé,,deMwt-
» fort......, le manoir et hébergement de Ramboil-
• let » avec, toutes ses dépendances , pour, sept
• cens,liyres, tournois, bonne et forte monnoye
• courante... » qqel'acbecur paya. « en sept cens.
» .francs d'or,.du coing du roy ui'ostreseignepi. ?
 Jean Dernier succéda son fils Guillau ,:pe Ber -
nier,.qyi, conjointement avec Jeanne d'Espineuse,
sa femme, céda et transporta « le chastel 011 for-
• teresse de Ramboillet.....avecques tous ses cens.
• rentes, prés, bois, garennes, cslangs, moulins,
justice et autres choses à lui appartenans.....
U

S LE DOMAINE.
• tenus et mouvant en fief, ù une foy et Iionmiaige
• denoble homme, m'essire Jehan de Craon,' à
causé de •sa terre des Essors....; »• à Regnault
d'A ngennes, écuyer',' premier valet 'trandhanVdu
roi. Celui-ci donna en échange un liost&,-'jat
din et - pourprins'..... que iceluy escuycr'avoit
» de .ôn conq'uest, par lui faiètavaht sn mariage,
»appelé 1'oseI' dè Bouzenval, assis en la paoisse
de Rueil-eà-Pirisis Ç avec six arpens et demy
• de vignes....., ensemble un moulin àeaue,p-
» pelé iemoulin'de la Croyère,t assis au bout de
» la ville de 13uivâl ...:,'étpour cc que ledit hos'-
» ici et appartenances de Bouzenval et ledit mou-
» lin ne valent pas tant comme ledit chastel et ftppartenances
de Ramlniliet, ledit 'escuver a paié
et 'baiHé, de soulte ausdits chevalliér et- darne'.;.
la somme de troys mille ft'anes d'or du coing,
s pois et alloy du roy nostre sire.....Etaprès ce,
» vint' ....damoiselle Jehanne d'A ngelliécs, femme
• dudit Regnault....., laquelle damoiselle. --après
• qu'elle dut o-v lire toutes les choses -dessus . dites,
• les gréa , ratifia et appt-ovo I toutes et dia-
• cune.....(4). o
La terre de Rambouillet, telle que l'acquérait
(I) Extrait des deux actes de vente autiienliquS et originaux,
conservés aux archives du domaine de Tintabonillet.

- LE DOMAINE. fi
*
Regnaillt d'Angennes , avait la niême consistance
que lors&elle fut tendue, seize ans plus tôt, par
Girart de Tojirnebu mais le chascl OujbrleJR$Se,
avait rernplacéle manoir ou hébergement du preinier
seigneur c'est sans doute ù cette circonstance
qu'il faut attribuer l'énorme différence qui
existe entre les deùx prix de vente.
Rambouillet n'ôtait alors qu'un domaine fort
restreint, comparativement à cequ'il fut plus tard
età ce qu'il est encore aujourd'hui. Il consistait
en droits féodaux , en quelques terres et
prés, et en onze ou douze cents arpents de bois,
situés vers l'est et le sud-est de la ville actuelle.
Au sud il ôtait borné par les fiefs dépendants de la
terre tic Gazerun ; à l'ouest par le fief de Montorgueil;
qui relevait directement dé lui ; au nord
par la seigneurie de Groussay, ci an nord-est par
celle de Grenonvilliers,- qui maintenant, pour , la
plupart, font partie de sa commune. Dès l'origine,
il avait relevé . directement de Montfort-lAmaury;
niais lorsqu'n -4347 le comté de ce nom fut partagé
entre Yolande de Dréux, duchesse de Bretagne,
et Jeanne de Roucy, filles de Béatrix, dernière
comtesse de la maison de Hainult ; il fut
incorporé à la cliastellenie des Essarts-le-Roi, qui,
de Fancienne mouvance de Saint-Léger, passa
dans celle de Roclielbrt, qui fut le lot de la cota-
(esse de Roucy. -

10
LE' DONAINE.
*
Regnault d'Augennes était un chevalier dc haut
renom, issu d'une illustre famille qu'il illustra encore.
Par ses ancètres;il était originaire du village
*JAngennes, dans la paroisse de Brézolles en
Thimerais (Eure-et-Loir), et possédait un graûd
hombre de terres au Perche, en Beauce et en Gûti-
nais. Il prenait plus particulièrment le Jure de
seigneur de la Loupe, avant de prendre celui (le
seigneur de Rambouillet, qui devint sa qualificition
habituelle. Il rendit de longs et loyaux services
à Charles VI, qui .le comblai (le faveurs
de présents, lui 'confia d'importantes missions
etie revêtit cleïliauts.eniplois auprès (le sa
sonne. iD'abord écuyer tranchant du roi; il l'ut,
û la sollicitation du duc de Berry, nommé maitre
des portes de la sénéchaussée de Carcassonne; par
lettres du 3.juin 1383, le roi , lui avit ordonné
4,000 livres en accroisementdeson mariage ;ce
fut Peut-être cette somme (fui le mit à. même d'acquérir
Rambouillet. En 1386 et,1388, le même
prince lui ordonna deux autres mille livres pour
deux voyages faits pour son service, l'un en Flandre
et l'antre en Ailemagne plus Lard j un voyage
à Lyon iui.aluL 300 livres? Dès l'an .1392, Reghàult'
d'Angennes était capitaine-châtelain h'
'Louvre; il fut ensuite chambellan du roi qui,
1111r lettres du 3juin! 1398, lui donna 4,000 livres
pour son entretien. En 1404, il recevait 1,000 [r.

LE DOMAINE. n
de pension comme premier chambellan et capitaine
des gardes du duc de Guyenne, dauphin, fils de
Charles VI, dont il avait été gouverneur dés l'Age
de cinq ù six ans; en 1413, ce jeune prince lui fit
présent d'un gros diamant, enchâssé dans un anneau
d'or, sur lequel étaient -gravées une (leur et
cette touchante légende Ne m'oubliez mie. Ce
fut la même année que le seigneur de Rambouillet,
dans le palais même du duc de Guyenne, fut,
avec le duc de Bar, le chancelier d'Aquitaine, le
sire Jacques de la Rivière, et plusieurs autres seigneurs,
l'ait prisonnier'par les factieux de Paris,
qui s'emparèrent ensuite du château du Louvre.
Lorsqu'il eut recouvré la liberté, il fut rétabli dans
sa charge de capitaine de ce château. Le duc d'Orléans
lui donna, n 14u, la seigneurie de la
Forte-Maison, près de Chartres ; enfin, le 4 .0 mai
4445, il remit sa charge de châtelain du Louvre
au duc Øe Guyenne, -qui, le .34 août suivant, lui
ordonna 2,000 livres; en considération de.ses bons
et loyaux services, et de ce qu'il l'ai'oit enseigné
aufaict de la jouxte, cl estoit le premier cont,"
lequel il s'estoitT essayé et avoit jouxté. Mater
de l'année 4416, onne trouve plus aucune mention
de ce seigneur. . ,.
Regnault d'A-ngennes ne fut pas plus tôt propriélaire
de Rambouillet, qu'il s'attacha à acquérir,
à prix d'argent ou . par échpge, toutes les

L
n
-i'2 LE 13031AIN}2.
terres qui avoisinaient sa.nouvelle seigneurie. :11 lui
réunit ijientôtles fiefs (le Montorgueil, qu'iléchangea
avec Jchan.de Cintray, conhitses terMsde Houx;
la terre de Ci-oussay, qù'ii acheta de Pierre de
Grousay; le fief de Grenonvilliers, un grand
nombre de fiefs mouvants de la châtelknie de Cazeran,
tels que Cutesson, Betoiwart, ilerbouille,
le Verger, etc., et la terre de la Bruyère, qu'il
acquit de Jean dé Creschy, en lui donnant en
échange la seigneurie de Massonvillier, dn Cûtinais.
Il acquit. enfin , les terres plus importantes
d'Aufl'argis; la diàteilenie de Poigny et celle des
Essarts-le-Roi, qui était la seigneurie doiil. il était
vassal à Cause de Bambouillet; pal' ce' rnoyen,'il
devint lui-même le-seigneur immédiat de sa: terre
de prédilection,: qui devint le centre d'un riche
domaine.
Aujourd'hui lé nom de Regnault d'Angtnnes
est oublié, pour, ne pas dire tout à fait inconnu à
Rambouillet, dont il devrait être regardé :comIyli
le véritable fondateur. C'est en efiètau riche domaine
qui l'entoure,- que cette ville doit son 'importance
actuelle et son érection en chef-lieu de
sous-préfecture; et ce :fut Regnault d'Angénnes
qui réunit les premiers éléments de ce domaine.
Les traditions historiques s'oublient généralement
trop vite. Un moyen efficace de les perpétuer dans
un pays, serait dc donner aux rues, aux places.
J

IF. DOMAINE.
klx correSours, (les noms qui rappelleraient ceux
des bienfaiteurs. A Rambouillet, on a créé des
rues, ona, quelquefois ù tort, changé d'anciennes
dénomintions qu'on aretnplacées par des noms
insignifiants, et l'on a toujours oublié la famille
d'A ngen n'es.
De son mariage avec Jeanne d 1 Angelliées, Regnault
d'Angennes eut deux fils: Jean, qui, lui
succéda , et Louis, écuyer du duc de Guyenne,
dont l'histoire est peu connue et qui parait être
mort sans postérité.
Jean d'Angennes, premier du nom, fut seigneur
de Rambouillet et de toutes les terres acquises par
son pète. Il fut aussi seignur de Poncé,'clans le..
Vendôinois,'du chef de sa femme Jeanne de Courtreniblay.
On lui donna, le surnom de Sapin, qui
fut aussi celui de l'un de ses oncles et de son fil.
Ce surnom-fut particulier à la famille d.'Angennes,
dont les membres étaient généralement grands et
minces;--les sept 'fils de Jacques l e t, dont nous
parlerons plus tard, étaient appelés les Sapips de
Rambouillet; Dès 4402, Jean r était pannetier di
roi; en 1404, il touchait une pension de 300 livres
sur les, coffres de Charles VI; i! était ,1en
4410, chambellan (lu roi et du duc dé Guyenre;
tette année même , il touchait une sdinnie 'de
4,500 livres en accroissement de son mariage, et
était nominé gouvrndur du Dauphiné Le duc de
13

'14 LE DOMAINE.
Guyenne l'envoya; en 1414, au concile de Conslance,
vers le pape Jean XXII et l'empereur Sigismond
; le 4 novembre 441 g, il fit nommé capilaine
du château de Touque ou. •Bonneville-sur-
Touque, en Basse-Normandie. En 147, le roi.
d'Angleterre vint mettre le siége devant ce diA-
[eau, qui iènait pour le roi de France; Jean d'Angennes
était absent, cl la forteresse n'était pas en
état de. iésisler, .ans secours, aux engim' et habillernentç
de gne're dressés devant elle; elle capitula
le 3 août. Guillaume le Comte, lieutenant
du capitàihe, et Jean Boeffant, écuyer, signèrent
l'engagement « '- Que senoy n'est que ledit
• chasteil soit recussez ou succurrez . dediens
• lundy le no&isme jour du susdit mois prosclicin
• venant devant heure de midy par puissance du'
• cpilain accouipainez de .gentz d'armes qu'à
• icelle hiuré le: lieutenaiit rendra ledit liastell
• en la mains du trèsexièllent Roi ' de France et
• Dengl&erre... 'Et sur c& traitée et appoiiitemenl
a leRoi de sa bonigne grace ottroié a tous ceux
• soiftz 1&leiis ledit chasteil leui vies ovesques
o toutili&uu biens hainois monlurez arinurez et
:autr , phses . qudlcohques horm,ys vitaillez et
» artillarie a pp'a'r'te'n. antz audit cbatell h
(1) )i
(I) Capitulation du ehMeaude Touque, conservée à la
I .
Tour 6 tendres.

LE noM¼1Nr: 15
Le capitaine ne vint: pas secourir son chaste] de
Touque; il était allé s' enfermer dans la ville et
château de- Cherbourg, la plus Forte place (le
toute la Normandie devant laquelle le duc (le
Glocester aviit mis le siège, par ordre, du roi, son
frère; Jean d'Angennes défendit cette place pendant
dix mois', avec le plus grand courage niais
n en la fin il la rendii, au duc de Glocestre ,pour
» èt au? foui, du roy d'Angleterre,, moyennant
» qu'il en aur'oit certainé sonimêdargentet,sauf7
D conduit pôur: alleroù. lioniuy sernbJât, eL's'Cil
alla depuis en la ville de Reilen après ce qu'elle
» fut conquise du. F037: d'An gleterre. Là séjourna
» tant que son dit sauf-conduit fut, passé, sur -la
» fiancé 'd'aucuns seigneurs Anglois qui lui don-
»hiôient à 'èntendre qu'ils Jù1 feraient, rallonger,
» niais iIfut trompé etilui fit le toy4'Ang!eterre
• ' trànchcr Iatcste, pour cequ'il avoit pris argent
de la renditioridet laplace, .laquelleestoit encore
asez.Tbien garnie jde' vivres et d'artillerie,
- » dont au c^Uns fra . ilciloi g furent bieni 'joyeux, pour
» ce qu'il' avoit rendu la place par composition
d'argetxt, au préjudice du roy de France
Selon le chroniqùeur •Enguerrant de Monstrekt
2); lesire 4e Rambouillet aurait eu une, mort
(i) Mémoires di siS dé Saint_RSy.& —'Collect. Bu-
Ctibn,tôrne 33, page 104, chap. 00.
(2)MoNst•RELE'r ii'v»1I,idliap.'XX. .....

16
LE DOMAINE.
plus honorable, car il aurait été tué les aimes à
la main, le 16 août 1424, à la bataille de Verneuil,
si malheureusement perdue par l'opiniâtreté
du connétable Charles de Lori-aine, et . la valcureuse.impatieiicedu
'iconiIe de Narbonne. Nous
pensons que- Monstrelet a voulu nommer Louis
dAngcnnûs, second fils de Regnault...
éan Il, aussi surnommé Sapin sucéda à son
père, sous la tutelle de sa mère; dans les actes
publics, il prend les titres de chevalier, seigneur
de Rambouillet, de Montlouet et de la Forte-
MaioÎL Le 26 août 1456, il avait épousé Philippe
du Bellay, fille de Jean .111, seigneur du Bellay,
de Gizeux et de Langéy, tante de Jean, cardinM
du Bellay, évêque de Paris, puis archevêque
de Bordeaux, de Guillaume et de Martin du Bellay-Langey,
capitaines illustres .
et auteurs de Mémoires
estimés- De ce mariage naquirent deux •
fils, Charles, seigi1eur de! Rambouillet,, et Regnault,
seigneur de la Loupe, qui.mourut sans
Sapin d'Angennes (les chroni-
postérité légiti mé.
queurs le nomment ainsi:) se distingua au service
de Charles Vil, dont il était écuyer-d'honneur en
4440. On raconte de lui un fait d'armes quicôn-.
tribua beaucoup au succès de l'armée française.
En 4435,- les Anglais avaient mis le siège devant
Saint-Denis, Danois s'était vainement efforcé d'en
secourir les assié gés qui se défendaient avec vi-
I

LE DOMAINE. 47
gueur contre des forces supérieures • e quand
Pierre Faillet et messire Sapin dAngennes, avec-
'pies leur compaignie, -prindrent d'esdiielle le
D Pont de Meullent par la rivière (4). » La prise
de Meulan fut une grande perte.pour les Anglais,
parce qu'elle leur ôtâit toute communication avec
la Normandie par la Seine. Elle donna û Dunois
la facilité (l'y rassembler des troupes, qu'il conduisit
û Saint-Denis.
Dans la suite, le seigneur de Rambouillet fut,
conjointement avec Pierre Boisseau, nommé gouverneur
d'Angoulème et du pays d'Angoumois.
En 1456, 11 réunit û son domaine le fief du Coudray
(2), qu'il acheta 4.0 écus d'or û Pierre Rousseau
; ce fief était contigu aux terres de son cliàteau,
etù celles que son aïeul avait acquises dans
la châtellenie de Gazeran. Enfin, le 14 noventbit
1489, par conirat passé par-devant un notaire
de Chartres, il voulut, consenlit et ordonna « à
• daine Philippe du Bellay, sa femme, que en
• cas qu'il décède et va de vie ii trespas premier
• avant ladite dame......que icelle.....la vie du-
• rant d'elle, tant seulement après le décès et tres-
• pas de Juy Iiengne entièrement tout son chastel
Ilef.
(1) ALÀINCH4flTj ER p. 95,.
(2) L'ermitage du jardin anglais est sur les terres de ce

18
119 DOMAINE.
»d'icOluY, dL en jouisse.
b'possèdeeLusepar elle. .l.. et en ic'éluy ait plairÇt3rnnt'tt
paisiblement sa résidance et demou-
» raneè; sans ce que de te on ne l'en saiehe:ne
.»puissc . mestre dehors ne départir d1ceiu .....ne
que aultre qu'elle, sadite vieduraht, né-le puisse
tenir et occuper sans l'exprès vouloir et côns'en-
• teindnt de ladite daine. Gestz consentement, or-
• donnance et accord faiz pour lahoniie et singu-
» hère amour, affinité et dillection que ledit mes-
• sire khan Dangennes .avoit et a k ladite (InITIO...
et pour les bons et agréables plaisirs et services
o qu'elle luy avoit et faiz, fait et continue en
hascun jour et espère que eucores persévère et
• Iny face ou temps avenir ..... Ensemble aussi des
• deniers qui estoient communs entre ledit clic-
valier et ladite .dame.Phulippe.....LesueIs d-
• niers ils et chascuir d'eulx durant et constant
• leur mariage avoient 'et ont mys, convertiz ét
• employez à rcddZeïrepparer, Lsoustenir et
» mectre en • son estat et valleur tant .lôditchastcl
•j , de.flamboillet que aussi les maisons' et édifices
» dudit lieu dé r4outlouet, 'le tout audit messire
» Jehan Dangennes, chevaIier, appartenant de son
propre héritage (I).»
Le seigneur de Rambouillet ne surveut pas
(I) Pièce originale, CLIX archives de Rambouillet.

LE DOMAINE. 19
longtemps à cette expression de ses volontés dernières;
il-mourut en 1490, et fut enterré dans l'église
paroissiale de Rambouillet, en lin caveau où
fut aussi inhuméeiadite, dame Philippe dullellay,
sa femme.
Charles l d'Angenncs, seigneur de Rambouillet,
épousa le 40 juillet 4594, Marguerite de
Coèsmes, fille de Nicolas de Coèsmes, seigneur de
Lucé, et de Magdeleinc de Cliourse-Malicorne,
(]Ont il eut trois fils et quatre filles. L'aîné des fils
fut Jacques d'Angennes, qui suit; le second, Denis,
seigneur de la Loupe, fut la lige de la famille de ce
nom ; le troisième, François, seigneur du Coudray,
m o u rut sans postérité. Deux des filles furent
iariée Antoinette, la première , à Charles de
Broulart,seigneur de Mintjay et de Lizy-sur-Our.
que ; Louise, la seconde, épousa Nicolas, seigneur
tic Tkouars j le 24 niai 4525; Magdeleine, la (roisièine,
fut religieuse à Poissy; Françoise, la dci'n
: ièré, n'est connue que pour être nommée au
coitrat de mariage de S'a Louise.
CIiar1es fur môurutle 10 ftSvrier45l4, ctfutenterré
dans l'églisè de BmbouWlet, dans le.caveau de sa
Camille, où sa femme fut aussi déposée. Par contrat
du ("juin 41,92, il avait acquis d'Aubert de Saint-
Germain , baron d'Asnebecq et de Miillay-sous-
Meulan, les terres, fiers et seigneuries des Bréviaires,
de Vieille-Eglise cule Biennou\idnne, contigus

U
LE DOMAINE.
ù son domaine patrimonial de Rambouillet, moyennant
la somme de 2,500 livres tournois « payée
en espèces d'or qui s'ensuyent, c'est assavoir
S trois cent quarante CSCUS au soleil; nul soixantequatre
escusà la couronne et ung postulat de
o (juin10 seuil,tournois..... et avecqueS ce la
somme de quarante escus au poix de trente-Cinq
soulz tournois.....(4).»
A la mort de son père, Jacqiies d'Angenflcs,
premier du nom, était encore mineur et sous la tutelle
de Marguerite dcCoémes, sa mèr
e. Il hérita du
domaifie de Rambouillet dans toute son intégrité,
et l'augmenta encore de quelques [erres, entre
autres de celles d'Orcemont et tIcs Chûteliers,
acquises (le CC môme Aubert de Saint-Germain
dont osvenOflS (lé parler. Sous ce seigneur, le
dômaine de Rambouillet- rigenfles par
vint i l'a-
pogée de son accroissement; Jacques fut le plus
richede toute sa race, et ses richesses furent encore
augmentées par le mariage qu'il contracta, le 43
février 4526, avec Isabeau Cotereau, tille et unique
héritière de Jean Cotercu, trésorier et surintendant
des finances, sous les rois. Louis xi; Charles
VIII, Louis XII et Français
elle lui apporta
T ;
en dot les terres de Maintenon, de Meslay ét plu-
sieurs autres seigneuries.
(1)
Acte original, aux archives de Itambouiltet.

LE DOMÀLtE. 21
Jacques d'Angennes , chevalier, seigneur de
Rambouillet, des Essarts, de la Villeneuve, de Polgny,
d'Autlhrgis, du Coudray, de Cutesson, de la
Bruyère, de Montlôuct de la Forte-Maison,. do
Maintenon,,, de Neslay, du, tiers d'Angeville, de
Pouzin de:ia Moutonnière; du Moutier, de Dampierre,
de. la Boissière, etc , etc., fut chevalier de
l'ordre du roi, favori de François l ee et capitaine
de ses gardes-du-corps. li dut faire un . voyage à
Home, nous ignorons dans quel but, . après le
4 jitillét 4535 (4); il conserva soit de apilaine
des gardes dii roi sous fleuri il, François fieL
Charles IX, et fut lieutenant-général de leurs armées.
Dès 4553, il était échanson et gentilhomme
ordinaire de la chambre de Ilenri Il et de Françoislt;
gouverneur de Metz, guidon de la compagnie
de cent lances tics ordonnances du roi, sous
le connétable de Montmorency ; en cette dernière
qualité, il prit une part active dans les négocia-
tions entreprises dans le but d'apai,ser les troubles
causés pai les écoliers de l'Université de
Paris, en 1554 (2); enfin le. roi l'envoya vers
les princes d'Allemagne, en 4561 , et il mourut
en 1562.
(I) Archives de Rambouillet, pièce orignnie du 4 jeu-
1€t 1535.
(2) Dom. FiLIurEN, FIisL de Paris.

22
LE DOMAINE•
On raconte de ce seigneur une anecdote.foi't
plaisante, et qui peut faire juger de son caractère.
« C'étoit un homme grave. Un jonc il dit à sa
» -femme: « Madame, prenez -moi par la barbe. » On
» portoit la barbe longuette en ce temps-là, et les
cheveux courts. Elle l'y prend .Tirez, lui dit-il',
- Je vous ferois mût ; - Non, non, - tirez 'de
• toute votre force. ,ï Elle fut contrainte de faire
• ce qu'il vouloit. Vous ne m'avez point fait de
o mal, »lui dit-il. Après il lui Lire quelques-uns
doses cheveux; elle crie: «Vous voyez, madame,»
• lui (lit-ii d'un ton sérieux, « que je suis plus fort
• quo vous :je vous euprie, ne nous battons pas:
n - Du temps des paraboles, cette borbortri crie au-
» mit été admirable (1).'.
Sacques d'Angennes eut douze enfants, nùuf fils
et [rois filles : huit de ses fils et deux de ses filles
lui survécurent, et partagèrent sa riche succession.,
Isabeau Cottereau était morte le3l octobre 1554.
le beau domaine de Rambouillet, formé avec tant
de soins par les d'Angennes, était arrivé à l'époque
où il devait être démembré, car il ne 1odvait
plus être, dans son intégrité comme il l'avîdt été
jusqu'alors, le lot privilégié de l'aîné de la famille.
Jacques Il, comme aîné, eut la seigneurie et le
(I) TALLEMArcr DES REAUX, tome 3, page 204, en
noie.

LE DOMAINE. 23
chûteau de Rambouillet, et les dépendances dc
cette terre. Charles, évêque du Manset cardinal de
Ram bouillet, du titre de Sain te-Eu pli émie, eut la
châtellenie des Essarts-le-Roi; pous ne pouvons
dire quel fut précisément le lot de Nicolas; la chûtellenie
de Poigny échut A Claude d' Angennes évêque
de Noyon , qui plus tard la vendit A son frère
Jean; Louis eut la terre de Maintenon, et fut la
tige despremiers marquis de ce nom; Montlouet
fut le lot de François; Jean, qui fut seigneur de
Poigny, obtint des portions de bois dans les envi-
ions de Rambouillet; et la terre d'AuWargis fut le
partage de Philippe, le plus jeune de tous, qui fut
la tige des comtes du Façgis. Nous ignorons eu
quoi consistaient la dot et l'héritage de Françoise
et d'Antoinette d'Angeoues mariées toutes deux
du vivant de leur père.
Jacques dAngennes, deuxième du nom, fùt te
môins riche de tons les seigneurs de Rambouillet.
Il était écuyer tranchant ordinaire du roi, chevalier
de 'ordre royal de Saint-Miche!, et capitaine d'une
compagnie de trente lances fournie des ordonnances
du roi. En 4566, Charles IX l'envoya en Languedoc
pour y faire exécuter l'édit de pacification
entre les catholiques et les protestants, à la tête de
trois compagnies ; il apaisa la sédition ae Pamiers,
remplit sa. Inissionavec zèle, et en rendit par éèrit

24
LE DOMAINE.
un dompte détaillé'au roi (4); il mourut sans al-
liance, en 4568
Nicolas d'Anenns, seigneur de la Villeneuve
et de li Moutonnière, quatziétne fils de Jacques Id',
succéda à son frère aîné dans la seigneurie de
itambouillet. Ce gentilhomme fut ['ii des mèm
bre.s les plus distingués (le SŒ famille, par sa grande
connaissance des affaires, son talent et son mérite,
qui lui valurent l'estime particulière de Charles IX,
de fleuri Il1 et de Catherine de Médicis; qui lui
conférèrent de hauts emplois, et le chargèrent
d'honorables et importantes missions. Il était savant
dans les belles-lettres; lé président de 'fliou
et Davila 1iarlent demi avec de grands éloges. Ne
pouvant rapporter ici toutes les circonstances de sa
longue carrière, nous nous bornerons à en Liter
rapidement quelques faits principaux. A la bataille
de Jarnac , il avait fait merveille avec ses gendarines
; licori III, alors duc (l'Anjou, écrivait à
Charles IX que c'était à Ni. de Rambouillet qu'on
devait le gain de cette bataille; le roi écrivit pour en
complimenter et en remercier ce seigneur, une lettre
qui fut longtemps conservée dans la famille (2).
Au commencement de l'année 4566, Charles IX
• (1) On peut voir les lettres adressées à Charles IX par
le sire de Rambouillet, dans les pièces justificatives de
l'Histoire générale du Languedoc, par dom. Vaisselle.
(2) TALI.ErI&NT DES RÊAUX.

LE nOMÂItE. 25
l'envoya, en qualité d'ambassadeur extraordinaire,
pOUI porter le collier de ses ordres à deux seigneurs
anglais, au choix de la reine Elisabetli. Le duc de
Norforlk et le coin Le de Leicester ayant été choisis,
il fit la cérémonie de leur donner le collier dans le
palais de Westminster, et reçut lui-même le collier
de Saint-Georges, dans la chapelle du palais de
'Windsor.
Le 13 septembre 4573, il assistait, comme capitaine
des gardes du ni, dans la grand' salle du
palais, à la réception des ambassadeurs qui venaient
offi-ir la couronne de Pologne au duc d'Anjou; il
fut nommé vice-roi de ce royaume en attendant
que Henri III y pt aller. Et quand le roi y arriva,
il lui dit « Sire, j'ai une somme considérable
à vous remettre entre lesniains, D C'é -
» toient cent mille écus et davantage. « Vous vous
• moquez, monsieur de Rambouillet, lui dit le roi,
• c'est votre épargne. - Sire, il faut que vous la
preniez , vous en aurez bon besoin (1). b Le
4 mai de l'année suivante « furent dépechez de la
o part de la reine, de Monsieur et du roide Navarre,
trois signalés seigneurs, sçavoir Rambouillet
pour la reine, le jeune d'Estrées pour le
duc, et Miossant pour le roy de Navarre, pour
D aller en Pologne, annoncer au roy la mort du roy
(I) TALLENANT DES Jtiaux.
s

26 LE DOMAINE.
» son frère, lui congratuler sur l'adoption de la
» couronne de Franco, et le prier, d'accélérerson
» , retour en soir royaume
lien ri l!1 le chargea, en 1 580, d'une mission non
moins importante: ce fut d'aller, cri Angleterre
pour négocier le > , mari' age- J'ÉlisabeLli avec -le d!JC
d'Alcnçpn (2). 'o Cependant Fleuri iII ne fit point
• faire de fortune à un homme qu'il esti moit tant.
• On dit qu'il reconnoissoit qu'il avoîL tort et que
• s'il n'eût point étéS tué, il lui eût fait beaucoup
• dc bien (3).» -
Le jeudi 9février 4589; mesdames de Montpensier
et du Maine, vinrentji Paris sur les quatre lieu-
vos du- soir -o et amenèrent avec elles un pÏ]sozrnier
nommé monsieur deiiambouillet, qui étoit- (lu
» parti de te maudit et excommunié tyran (4).»
Nicolas d'Angennes était en effet àBlois- pendant
la: tenu des États, e1 avait été chargé d'une mission
avec le maréchal ïl'Aumont, la veille môme
(le l'assassinat du duc de Guise. A mois, il avait
aussi été employé avec Rosny à opérer la réconciliation
du roi de -Fran ge et du roi de Navarre.
En 1592, les frères d'Angenues, alors réduits à
(1) fouinai de /IZtoi/e, tom CI
(Q) DANIEL, Histoiréde Frwwe.
(3) TALLEMANT DES RÉAUX.
(4) Mdmoirc g de tEteilc, jourual de Paris, 1559

LE DOMAINE. 27
cinq, et les enfants mineurs de Philippe, seigneur.
d'Auffargis,•réunisau château de Rambouillet: partagèrent
les successions du cardinal de Rainhouil-
let, mort•à Corneto, en 1587, leur frère, CL d'An-
LOiuCtte d'A fige nnes, leur sœur, veuveen troisièmes
noces de Louis Colas, sénéchal de Montelituart.
Le sort fit éCIIOiI' Ia'cliûtelleuje (les Essarts au sieur
de Rambouillet (1). En 4608, furentdonnées par
Henri 1V, des lettres-patentes, ordonnant la réutiionet
l'iflcO#poràiion de la justice dès Essarts A
celle de Ilanibouillet, attendu que avec beaucoup
d'autres, raisons, dans ledit lieu de Ramboujilet
y a.chasteau-fortetprisonoù les délinquan.tspcu_
s'eut estre retenuz en scure garde, et prétoire
accommodé d'halle et marché ordinairè. La jus-.
o lice y peut estre exercée et administrée avec plus
• de sévérité, dignité et seureté que ès lieux cham-
• jfl3SlFtS de ladite chastellenie des Essars, trèsprochajue
et circonvoisine dudit lieu de Rambouji -
' IcI (2).»
Nicolas d'Angennes mourut après le 5 février
4514, figé de quatre-vingt-un ans; il fui enterré
dans l'église de Ranibouillet, avec sa femme, Julienne
d'Arcjnenay, de Chalnpfleury, (le Bi-non et
tic Maisoncel le, tille unique et héritière de Claude
(I) Acte de parLage aux archives de Rarflbouil lei.
(2) Lettres origi fia les, aux archives (le' Ba fil bo Ili llci.

àk
M LE DOMAINE.
il' Arquenay, vidame du Mans. Leurs enfants furent
Charles, marquis de Rambouillet, et !dagdeleine,
qui épousa en .premières noces Pierre du Bellay-
Langey, marquis de Thouarce, gouverneur d'Anjou,
et en secondes, Louis de Barbançon, seigneur
de Can; et (le Varennes elle mourut sans en-
fants. -
La seigneurie de. Rambouillet fui érigée eu marquisat,
par 'lettres-patentes de l'année 4612, -en
Faveur de Charles d'Angennes deuxième du nom,
marquis (le Pisani, baron de Talmon, seigneur
d'Arquenay, vidame et sénéchal du Mans. Ceseineur
avait épousé, le '26 janvier 1600, Catherine
de Vivonne, fille unique de Jean de Vivonne, marquis
de Pisani ambassadeur à Rome, et de Julie
Savelli, issue de l'une des phis illustres familles
romaines; il fuicapitaine de la seconde compagnie
des cent gentilshommes de la maison du roi, en
survivance de son père, et tous deux se démirent
4e cette charge en 1614. 11 fut fait chevalier des
ordres du roi le 31 décembre '1610, conseiller d'llai
et colonel-général de I' infanterie italienne, et
grand-maître (le la garde-robe du roi (4). Le car-
(i) Le marqùis de Rambouillet avait une très mauvaise
vue il s'amusait à remplir lui-nième sa charge auprès de
Louis XIII, plutôt que de laisser faire le premier valet de
chambre. Le roi qui n'avait pas toute la considration

LE DOMAINE.
dinal de Richelieu le fit nommer ambassadeur extraordinaire
auprès duroi d'Espagne et auprès du
duc de Savoie, pour négocier de la paix entre ces
deux princes. li mourut à Paris, en 1652, âgé de
soixante-quinze ans. -
Catherine de Vivonne, si célèbre sous le titre de
marquise de Rambouillet, et chantée par les poètes
de son temps sous l'anagramme d'Artliénice
fonda, à Paris, ce fameux hôtel de Rambouillet,
qui fut le rendez-vous des plus beaux esprits de la
première moitié du xvite siècle, et le berceau de
l'Académie française. Nous parlerons plus au long,
dans le chapitre suivant, de cette Lemme qui occupa
une place si importante dans les salons de la
courèt de la ville, et nous chercherons à remettre
eu lumière quelques faits partictiliers aux lieux
dont nous nous occupons. Elle mourut le 27 décembre
1665, et fut enterrée au grand couvent
des Carmélites de la rue Saint-Jacques, à Paris.
Charles d'Angennes eut sept enfants, cinq filles
et deux fils, dont l'un mourut de la peste! en 1631,
ii l'âgede sept ans- L'aînée de tous fut la célèbre
nécessaire, lui donnoit quelquefois ses moins au lieu de
» ses pieds, et on m'a dit qu'une fois il lui avait tendu
e le ... au lieu de la tête; peut-être cela servit-il à le faire
e retirer; et puis il avait besoin d'argent. IF vendit sa
u charge au feu comte de Nancy-la-Châtre. u
(TALL.EMtNT ])ES RItAUX.)
29
t

M LE DOMAINE.
Julie-.Lucirie d'AngennEs, inarquisé d&Rambouil-
let cl duchesse de Montausier; la seconde fut
Claire-Diane, abbcssed'Yêres, si connue de sou
temps par ion hutieur tracassière et la perturbation
qu'elle jeta dans ce monastère: après sa
mort, iu'rivée cii IÔOO, sa soeur, Catherine-Cliarlotte,
qu'on appelait rnadduie de Pisani, lui succéda;
Isabdle-Louise, fut abbesse de Saint-Etiennede-Reims;
Ell&sut se gouverner elle-même et son
monastère, de telle façon qu'elle devint l'objet de la
vénération non seulement de ses religieuses, niais
encore de toute la ville de Reims. Un jour qu'elle
Parlait pour Paris,' elle sar.rêta à Sint-lteii-de-
Reims, pour visiter la SainteAmpoule ; elle y
trouva une affluence xtraordinafre: « Jésus! dit-
» elle, quelle foule! -- Ne l'avez-vous jamais vue?
- Cs n'est point pour la Sainte-Ampoule, dirent
ils, jiiè nous venons,' c'est pour madame
de Saint Etienne (1). » -
Angéli que-CI arice, la cinquième fille; -mademoiselle
de Rambouillet, ne voulut point être religieuse.
Après le mariage de sa soeur Julie, on la
retira d'Yères, et elle fut la première femme de
François-Adhmar deMonteil,corntedeGrignan.
.Léon Pompée d'Angennes, M. de, Pisani, avait
eu l'épine dorsale deinise en nourrice, sans qu'on
(I) TkLLIWANT DES RIÀux.

8
LE I'OtÂINI-, 21
s'en aperçÙt, et en était ddvenu si difforme, qu'il
était impossible de lui fabriquer une cuirasse.
Dans la crainte' raint qu'on ne lui fit embrasser l'état
ecclésiastique, -il ne' voulut jamais étudier.' Mal-
gré sa difformité « .11 avoiùl'espr'it adroit, et chez
n les dames il étoit quelquefois mieux reçu que
» les mieux bâtis, Un eu -déba!lché et pour les
» femmes et pour le jeu ..... 1:1 vouiut'suivu'e le duc
d'Enghien en toutes ses campagnes, quoique ce
»-fût une terrible figure à cheval que le marquis
» de Pisani. On disoit que c'étoit -le chameau du
bagage de M. le Prince. Il y fut tuéenfln;ce fut
û la bat-aille de •Nortlingue. Il était à l'aile du
» maréchal de Grammont, qui fut rompue. Le
» chevalier de Grammont lui cria Viens 1iat' 'ici,
» Pisani !'-» il ne voulut pas apparemment se sauver
» eu-Si mauvaise compagnie, car le chevalier était
forL--décrié poùr la bravoure. Il alla par ailleurs,
» et rencontra (les Cravates qui le massacre.
» rent(4).-o -
Après la mort du maquis de liarhboùilldt, oit
plutùt après celle de la' matquise sa femme, car
M. et Mile de Montausier ne voulùrent pas entendre
i)arler'd'liéritage . tant que leur mère viScut
(1)TALLEMÀNT DES REAUX. ta bataille de Nôrtliugen
fut gagnée par le duc d'Enghien, le 3 août l645 Le
marquis de Pisani étai[ 11gê de trente ans. '

32
LE DOMAINE.
le domaine.de Rambouillet échut au duc de Mpntausier,
du chef de sa femme. - -
Tout le inonde a su quelle était h probité du
duc de Montausier; les savants ont admirésa profonde
érudition, qualité si rare dé son temps dans
une personne de sa condition ; les gens de guerre
aussi, ont été plus dune fois ù même d'admirer
sa grandeur d'âme et son intrépidité: Pendant les
guerres civiles de la minorité de Louis XIV, il
maintint avec fermeté dans l'obéissance (lu roi
la Saintonge et l'Angoumois, dont il avait le gouvernement,
et repoussa avec une fidélité inébranlable,
toutes les propositions qui-lui furent faites
pour passer dans le parti des rebelles. Entre autres
brillants faits d'armes, nous nous bornerons à citer
la bataille de Carné, où il prit de sa main trois
étendarts de cavalerie. Tout le monde connaît aussi
cette admirable constance qu'il mit, pendant treize
ans, à obtenir enfin la main de .Julie d'Angenne. .
Le duc de Montausier fut gouverneur du dauphin
et fait ensuite gouverneur de Normandie. il mourut
à Paris, le il , mai 1690, âgé de quatre-vingts
ans, et fui enterré aux Carmélites de la rue Saint-
Jacques; Fléchierprononça son- oraison funèbre.
Julie cl'Angennes l'avait épousé le 13 juillet
4645; elle fut dame d'honneur de la reine Marie-
Tbérèse,,et gouvernante du dauphin. La vie-'.de
cette femme illustre, si renommée par son esprit,

LE DOMAITiE. 33
appartient plutôt à . l'histoire de lailittéroture et
de la soéiét&du.xviie siècle qu'à celle du domaine
(le Rambouillet, ou elle ne-fit jamais de longs étahlisernents.
Dons le chapitre suivant nous rapporterons
quelques faits qui lui sont relatifs. Voici
comment- 's'exprime sur. elle Tallemant des Réaux,
l'un 'des fiimiliers les plus assidus et les plus intimes
de l'hôtel de Rambouillet (1).
Q Après Hélène, il n'y a guère eu de personnes
D dônt la beaué ait été plus généralement chan-
» 16e. Cependant ce n'ajawais été une beauté; à
'o la vérité elle o toujours la taille très avantageuse.
On dit qu'en sa jeùnesse ellé n'étoit point trop
maigre,-et u'eIle avôit le teint beau Je veux
croire, 'cela étant ainsi, que dansant admirablemehi,
comme elle faisoit, qu'avec l'esprit et la
» grâce qu'elle a toujours, eus, «toit une fort
agréable personne.'....n -
Li duchesse de Montausier, mourut à Paris,
le 15 novembre -1674; à l'âge de soixante-quatre
ans, et fut enterrée auprès de sa mère 1 dans l'église
de's Carmélites. Elle n'eut que deux tilles,, dont
l'aînée mourut en bas tige; la seconde fut. Marie-
Julie de-- Sain te-Ma ure-de-Montaûsjer, dont les sait'
lies vives et spirituelles firent, pendant son enfance,
. les délices de la maison paternelle. -Elle fut -mariée,
(I) Tome 3.. -.
3

.34
LE DOMAINE.
lie 40 août46U&i .
ù EnflnaiiC1 UeiCrtIsSOl, dtlG
;dU?s ètjreiilier.$ir de France, auquel -elle afr
porta t OmuS ICi)iCliS desesêrè Ctmère IOnt elle
fut l?uniiuC héritière.' Le nouvea'u: marquis de
1la'iboùïltt ntour.ut lb 4r.juill'et 1692, eIsa femme
neWi survécu t

LET IloMAlisE: 35
mois de février"1706; il les vÀ'dit' riioyen riant la.
somme de :450,000 livres ; âLooisl Aleiûfre' de
Bourbon, côzhWde Touîouse eL gra'd-aniral dé
Fiance»de,njerhJ iékiliiné ; de Loui& XiV et' de'
madame de Montespaih
Ce prince, camrne avait fait Regnault d'AngennoS
51a findu ' ,uvc siècle, réunit toutes les ter-.
res et seigneuries environnantes son marquisat
(le ,nambouillet, qui devint dès-lors Plus riche et
plus vaste qu'il n'avait jamais été sous les. d'Angcniies.
I 'acquit ..successi .veih du comte d'A•hgennes,
la
de Poign; ! sdigncurie,
rerre t :parojsse d'Orsenjont avec t e : ' leurs dépendances;
des ayant-cause de la famillé d'Angeniies,
là châtllenie etpnroisse d'Autîargis; du duc
(le Chevreuse, 'la ehâtdllenie, paroisse, terre et seigneurie
de &dflt-Léger-en_ yveliney avec la forât
de Montfort, contenant près de tréize .mille arpents
de bois et bruyères. Cètte dernièreàcuisition
comprenait la plus grande pau'fle du comté de Mont
fortl'kmaury, tel pie Louis XLV l'aviit en 4692;
donné au due 4e Luynçs en échangé de son duché
de Chevreuse. Il acheta encore du marquisd'A ntin
une portipn notabIe du ducbcd Epernon, con
siAant en .p , res de six. fliille.arpen.ts.de [lois et en
ungrandnombr.c de fiefs et seigneuries; do même
Fle.uriau d'Aroienonvilfe, IcÉ te rres et fiefs deGimy-

36
LE DOMAINE.
perreux,;du BoisrDieu et de la Feuillée ; de ma-!
dame de .FUte; lascigneurie de Poyer, et du: lfltlN
quis .de,Bét une la châtellenie, paroisse, , terre et
scigflCUri .EYderGaZCran.Eflfifl beaucoup jd'autrcs.
-r
terres dont le détail serait trop long..
TOUteS, ces acqpisitiOlis étant contignôS CL1 se
joignant tes unes et les aotres, constituèrent Un
domaine très considérable, cornposid'unmarqui- -
sat, de cinq anciennes chûietleniçs, de onze paroi
ses(-t), de soixante-quinze terres fiefs et seigneuries,
et de plus de vingt-huit mille arpents de bois
et bruyôres;enoutre, de plusieurs beaux -droits,
cens, rentes, travers, fours et moulins banaux,
greflès, tabellionnages, étangs, canaux, rivières,
haute, moyenne et basse justice, droit de-ressbrt,
de maîtrise et degruerie, te tout ;relevant, à l'exception
(le quelques petites ! portions, tant en.
fiefs qu'en justice, du roi à cause de sa couronne
ou de son .Chûtelet de Paris. Toutes ces terres et
seigneuries furent réunies en un seul corps de
fief, ci érigées cri duché-pairie, relevant directeilient
de la couronne, en Faveur du comte de Tou-:
buse, par lettres-patente dui roi,' données à
ti) Ces cinqanciennes châtellenies sont les Essarts-le-!
Roi, Sonchamp, Saint-Léger, Gazeran et Poigny; les onze
paroisses: Rambouillet, le Perray, les Bréviaires, Auftargis,
lesEssarts-l&lkoi, Saint-Léger, Poigny Gazeran, Or-
Leulont, Soncliainp et la Celle-les-Bordes.

LE,I)OMA lfj, 37
•Mai-ly -; -au iùbis' de mai 1741,. cL cnregisLnSes!au
parlement de Paris ;.le .29 'juillet. de -la. même
année., . --:
Le comte de Toulouse.fit:encore son-duehé;d
augmentations considérables,'ilâns le détail: dès.
quelles nous ne pouvons entrer. Nous citerons ,.seu-
Jemenv,:une partie -de la baronnie d& Lévis, !c,ficf
des Enclaves et, lé chteau, terre et seigneurie- dbs.
Bréviaires, qu'il acheta de Louis-,Charles Gilbert,
Fé5i qetità la- tour des comptes de Paris.. .11 mourut
û Rainhouillet, le 4 0' décembre 1737,- Ct,LÇUt
enterré dans l'église paroissiale. . .
Son fils; Louis-Jean-Marie de Bourbon, due de
Penthièvre, hérita de ce vastedomaine auqul il
lit aussi d'importantes augmentations.f Le .titre de
duc de Rambouillet fin donné au-fils aîné de ce
prince, né le
.21 janvier. ! t7 4Q, deson mariage
avec Marie-Thérèse_Féhcité d'Est, fille du.Juc1dc
Modène; mais le jeune duc mourut le 17 novembre
1749.
Le duc de Penthièvre affectionnait beaucoup-.
Rambouillet, que son père avait choisi pour le
lieu de sa sépulture, et qui devint celui. de toute'
sa famille; mais ne pouvant résister plus longtemps
aux instances réitérées de Louis X-VI, il- lui:
vendit enfin, non sans de vifs regrets, ce iluchépairie
qui, à dire d'experts, fut évalué à la somme
de seize millions de livres. Le contrat de ven.Le à

38
LE'nOMtINE.
'titre privé, fut passé eh. Rétude de M Mon n et, ' no-
taire à .. Pai4is:-.io -29 décembre 4783. s.r
Louis XVI posséda Rambouillet comme dtaine
privé-jiisqu'kce que;lkconstitutiOrdC..1794l'eût
réonià là liste civile; Maii tïorsque la ito.yaut kfut
abolie;. ceioinaihefit petour:à'I'État et fut compris
danè l'administration' ileé doixiaines h-nationaux.
.11 fut alors démembré: on -whdif toutes des dépe'ndances,
rniSi,3zTt3 et ton èè'qui n'étii 1iàs
forêt ;on conserva seulement-lechMeaûTl&liarcet
toute la fozAt.:. 1 ' f- jtJ4.JflM ILc
Rambouillet, tcVq tIe u i'aV?itiai$Sé la r*Woiuiibn,
fut doippris rdlnnsIalistc -civile iinpérialet costituécen
.48ø5; il fit ensuite phrtie .désJ,isté&'civilés
donnes à Louis XVIIPefl 1815, etùChriesX'dn
4824; eh 1830 1 il fit encore reidur ù1'Étaiete4t,
dejuice temps, régi'par i'ûdiniâist,atiOfl dés do-
iiiaiii es; '
;l,. ]11t!,F .]P ...
ir: èr1è
jfttt:i-H •
4 . ,,,' p' n F
! -d'' •. t
t. J ï )b. ...-t . )!!L !hl!bi;J
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tc.f .,Çfn.! ) ujQ ..,l 'i-'u Vur !1,,jtL,l.j!.,
t:1U;j e)! tlHt
V. A ..ji r - h'T -i! •j'.J
LE, C11ATEAU, LE PARC I LES JARDINS;-i l
e:t . l:ibi,.!f tor,rt
:1
AI dt-.
'-'I • ••fj. - IN,!, t Ç;
'•'1•-•
C'est au< grands événements qui s'y SOnLaCCŒIiplis
depuis plusieurs siècles, c'est au beau.do ,maino
dont -il est -environné,.c' est -à 'son adinirablesituation.cOEnmé'
rendez r'vous de chasse, bis-plus
qu'à .!son .ardl,itecture, que. Ie'jhàtUau :4q':R.Qip
I?g uiIIet dôit'J'irnn;ense
core4 Ç'est'en: èflètjin 4difiecÉjui.ri'oJfr- rie n1jIe
rcinarqÙa!Aeso qs le-rappor.t de IarL,--n.pp3ni à
diverses reprises, et surtout mutilé et défiguré qu'il
u 'étéptir' MM. 1es..architecte1de1!,ernpj,e-.e. 4e hi
testa u ra I ion .
•
J

40 LE CUATEAU , LE PARC
Comme on l'a déjà vu par les documents originaux
que nous avons cités dans le chapitre précèdent,
le chastel ou forteresse de Ramboillet,
a%ait été bâti parles Bernier, entre les années 1368
et 4384, et avait remplacé le manoir ci hébergement
des anciens seigneurs. Regnault d'Angennes
décrit ainsi sa nouvelle demeure dans l'aveu et
dénombrement qu'il rendit, le 12 novembre 4399,
à Jean dc Craon, seigneur châtelain des Essarts
e Un hostel fort, clos de ('assez, contenant un
• aq&tJl / ,.•:'9 j U U$
» Une cohue où se tiennent les plaids et assi-
i' ses,
» Un jardin de deux quartiers; - un réservoir
à poisson, d'un quartier; au dessous un quartier
de pré qui doit être fauché ù corvée par les
• habitants (le Rambouillet; de l'antre costé dudit
• bostelun jardin d'un arpent. .l.
Audessoùs dudit hostèl; un éstaugdeeRaih-
«'bouilkt, contenant cent ai'pcnts et arennepour
» tut iediï esl.ang. Et si ta cliauàsée vient à -rnan'
» 'qnèr;les-habitdnts sont tenus'devtiiii'au.secoui's;
»oiispined'amendo.'—Audsstus dudit es4ng:
un moulin bannier à ; ioiisles habitants (1).vc
Mais vers le riIoi's de septenibre 3428le comte
tf1i:
(I) 1nventuirêds titres' aci! archivés .d 1Ranibouillct,
tome I". - I
4

Il
e
LFS JABflINS. 41
de Salisbury, à la tête d'une armée de plus- de-dix
mille -hommes, occupait le pays•chartraih 1etse
disposait à aller mettre le siège devant Orléans. Il
avait réduit sous l'obéissance du roi d'Angleterre
toutes les forteresses du- pays environnant, Chartres,
.Janville, Nogent-le-Roi, Rochefort.en-Yveliuc,
RambouilIet;et beaucoup d'autres encore (1)LCe
furent sans douteles dégâts occasionnéspar l'arniée
anglaise, pendant cette campagne fou celles
qui la suivirent, qui obligèrent Jean d'.Angennes.à
• .reddiffler, repparer;oustenjr . et mcctre en leur
• estait et valleur (2) o Je château de Rambouillet et
le manoir seigneurial de Montlouet. La grosse tour
du château, avec ses créneaux enencorbellement,
ses machicoulis et son escalier en hélice pris dans
l'épaisseur de la muraille.; quelques salles. , basses
et voûtées , qui lui sont attenantes, remontent
bien certainement à l'une et .à l'autre de ces: deux
époques de . eonstruction.Le.quatrièinc étage de la
lotit est'econvert ..Œunê voûte à la clé de laquelle
est sculpté, sur 1un écusson,.ic
sautoir -des 'd'Angeniies;
ireuveincontéstable.que:cette voûte aété
refaite par l'unde& membres de cette fmiile.De.cet
écusson, partent des nervures multipliées et prisriaflques,
pli viennent mourir su l&'plLin des
(i) Chroniques de MonstreIet. q1 ,:..,;: . . -
(2) Acte de 1489, cité dans le chapiire l"..J

Il 2
*
LE I:JIATEAÛ, 1, l e, 1 PARC,
murs et aduosent iexv.sièèIe .; .11 ^st probable tjue
histroisitoui'eIIesr qui flanquent lesitroi faies.exté'rieues,
empritetitàia;inême date;n)ais
etIesdnt.ieit.ièrement perdu!sldur.caractdre tjwi
uïiLifisdustles . diversesL restaurations qui leur' oiit
Ôté infligées!. t . l.t1 ,JtI,l
).}Jusqu au ...prenner rtierjdui.xvieisièclé;'IeS sel
gneùrs le : Rautibouinet eMbleht &être nontenté
dsijardin exigtdécriL dahs ;l'aveu,dei !4399; OU
de 1enc1otLii dont l'usufruit i a'aiJété i1iiss6Paf
son! mari; . ùijiadimePhilippedçBe!lagCe'fut
iaqïies dAngne!! e ïjuifit re • •la dôtnrè d'un
paré fortéteiïdu :1);.cohtena7nt plus de ihil!ear_
ponts; iànten 1niis qocii terres labourables, rd&ns
icqùet furent cdinprises toute la.scigneuriedeMOfltorguèil
ét une.paitie de 4ièi:le de iIadbouiIItflL
inôme:seigneurflt au ssi faire,'vérs 4556, des cons
tru&ions»ou aù:tiioins dcstpiationsù son chà
tèau , raiflsi uiqu'il Je
20 août 1571, dbiislaquelle :olnhistre Olivier Ym
»bert;• architecte pour.rnonseigfleur !e d'ucfrêre
-) du IOy.: deruourantkùSainetLégertenrY%eline;
aagédesoixanteans;r:..v déclar e r! .'^ ... qu'îl'y .a
10
)I j .'ilifl. I :j lii'l 1k,)
(flOu lit dans terrier leseigneuries
des sei de Gu ville et
de Mont orgucil, fairen 1541 ..tSéphration 'd' s-
» gueurie de Cuesvitle et de iViontorgueil , qui se com-
» nience au coing du pare 'ïioùvelIémehtIAict'éri6r par
o monseigneur. ........- L

LES. JARDINS. j 43
»environ vingt-pDg ans.... e,qqil a bQsoingné1au
» 1chasteau deRainhoillet, de son esttde maçoneL
» tailIeur,de jpierrei.. ( 4 )! »' il
Est-ce cet OIivierYmbert qu'il faut censid&jer
comme le principal:architecte du château acjpèUde
Rambouillet, q'iI aurait ajusté . i latour, crénelée
et aux toueItes gothiques dela foz'ter qsscdes Bernier
et.dc iean• d'Angennes, mais . qui, depuis; att-
rait été restauré, agrandi ou;jputjé par . kmoçle,
les besoins- et r J'irrv .éreflCe monumentale desTsiè_
ctessujvauts.,, . ,l iIL I
Pùisqu nous, avois . parlé deIaseigrieurie..cIe
Montorgueil; enc1.avéepar Jacques ÉrAngeniesdans
tes ,murs de son ,pare, il est . propos d'enLIer! ICI
dans quelques détails sur; le bizarre hornmag auquel
était 'obligéle gros décimateur desrterres 'de
cette sejgnurie et de ses, dépendarices.-tVers . Je
m e OU le xli e siècle, les seigneurs de Mdntorgueil,
dont Ienrn nous estincoiînu, avaient donné et
aumôné â perp1uité,.ap priei:réd e Sain NiiiojïnidÉpernon,,
les: dimes ..de leurs terre et seigneurie;
afin :d'êtr.e participants et associés, com•tpefondaleurs
en jarije,, aux. prières et avtrqt . ienfijts
qui a , jamais se feraient en Çp PUC VE9 . « tjWI)
que d'icelle donaci.on il feust mémoire PJ'P!r
• luche audit prioré, et aussy diceuix donateurs
() Archives de Rairiijouillet 3 fief des MouIkdehtL.

44 LE CHÂTEAU, LE PARC,
b et de leurs sutkssiursà 1ousioiiriiiùis, ful'iièt!e
donaeionïakteù%esie éhhrgà: qhe eliascunan,
n le lendemain de Pasquè, ledit prieti?SSÔ1L tenu
d'apport& au cliaSteaù dudit lieu - de Montorguèil,
dû hehrtdedix lieunis di1iatii «tin gatdiu d'uffi
:,hoiseaû de:heiir de fohhSt,asecqÙsung pâi
L:de 4Vin ilicsiné, que ei31ùy friiur s l)Oi t bOIi et
'sou(listtdt. EL hicuix porter sui lit ntcheal ùii
»cliapedu de irvnctie sûÈ sa testê Ufle espée
èeintcsèr1ùssté,tunc blahehe touaille (1) due tablier
â tenir ledit gasteau avecquesi des gains
u : neuçs dans ses 'mains; son cheval bien foiré us
ce quilluy IuIle'ne fer ne eloud: ELsilyhvoi
.faulte.e'n auQune des choses dessus {I1tÔ, ledit
seigneUr de Môiitoî'gueit auroit et trendroit, pour
ledit ah, toutes iesdisiues de ladite eighèurie de
Montbrgueil, Guesville et la Bretùnnière;et seproii:
ledit: éliejij} couflsqui3 audit seigneur de
s:rblontôrgueil. n Mais il advint que le lundide
Pques 'dé l'aiinée4544; un flôlfiLilé JeanMancelet;
prêtre, receveur etprôeureuidcinonsgneur
kprieur, vintapporteret présenter Iesdik gâteau,
vin et chapeau de pervèndîeaû châteiu de Mont6rgueii.-
Tout cela fui présenté à Jacques Boutih,
procureur et receveur Ue nadanic MargueritOEde
tjp ,
(1) Toile, nappe.

LrS JARDINS, 45
Cosmes, VCUVO (le Charles d 1 Angcnnes et tutrice
de. ses en fa nts mineurs.
Quelques persohnes:.étaientdnues là pour: .voirla
cérémonie, ' comme par cliascun an audit jour
» sen trouvent plusieurs. E1 en les présentant fut
visité et regardé si audit Maicelet et cheval il
défailloit quelque chose des choses dessusdites.
» Et fut trouvé que audit cheval défailloit un cloud
au pied de devant hors le montouer, qui feust
» renionstré audit-Mancelet et autres Hgens, plu-
» sieurs ad ce présens. Et à céstè cause ûiust ledit
o cheval; prins, saisy par jutiée CL mys eii la main
de ladite damoiselle (Mirguei ne), comme estant
o acquis et confisqué; pareillement les dismes
d'icelle seigneurie pour iodle année et depuis
• feust ledit cheval tuys en criée et subliastacion
• ci, parla jusice dudit Rambouillet, vendu et dé-
• livré à Guillaume MaillaM, comme plus offrauL
o etdernier enchérisseur, pour la somme de , huit
olivres dix sols tournois, .paiée. audit procureur
• e,ii la présence dudit Mancelet......» Les dîmes
furent aussi mises à l'enchère, et adjugées, moyennant
une certaine quantité de'grains, à Philibert
logis, qui les devait lever quand lé temps en.serait
venu. Mais entre-temps, sur les observations et
prières dû prieur, thadati cde Rambduillet, u nom
de ses enfants, consentit à se dessaisir (les dîmes
confisquées, et à les laisser lever ' comme àl'ordi-
D

A 6 i.E eii.t'rE,tu , LE IÀI1C,
nafre. Moyennant,' toutefoi, « te qid'ledit prieur
» sera tenu cc a promis faire dire, chànter et céliShrerpar
les religieux dudit prioréet convent.ung
:D.tt;entin de messespotïP lês .asniys (1 :et 'les pré-
»tdécesseurs desdits tumeurs, et à cd seront :t!nuz
! appelcr ladite damoiselle aller audit•seivice et y
. ' sister èe lion luy semble (2):.h '''I
Proches parents.
:)Archives de Rambouillet,eUe original de I transaction
faite le O février 15l5. -,- Les foi et hommage de
Montorgueit, tels que nous venons-de ]es décrire, se rendirent
jusqu en 1790, mais se quelques varmation q dans
ÏlajuskmiïL dti 'thM et de l'hôiùine. ' Ydicicornment la
cérémoniese-fit en1745!-Le proctirdur fistl dû pie.iirû,
fdndéde li!ltres de préeùralidn,! venait devant' le lieù û
• éthitta porte principale du ch5leau de Montorguil, « monté
• sur un cheval ayant les quatre pieds et le chanfrein blancs;
• sellé d'une selle A piquier; luy botté et éperoné, ayant
• une épééau côté eLUnë nappe blanche en -écharpe, tin
• nastùu devôntlbVde la fleur d'un rnhrot de bled, orné et
atotirédeervendhb dvec une écharpè et une couronne
» de pervenche ,sur la télé, des ganIsbla&. neufs én ses
» mains, une bônteille ronde de verre en forme deflaéon,
• t couverte .d'psir,1Weipe db yin et attachée à;l'arçùn do
» ]aselle dudit chevil. En cetéquipage il. criait par tipis
Fois a liante et intelligible oix ciMonseigneur de Montor-
",, uêil estes-vous icy, bu gens pour vous P» A quoi on lui
rép6tdait: c'1%1onseigneur n'y &t 'cas niais s officiers
».ysont pour iuy; ); , alors je Chargé de podvoirdisaiÏà ces
offlciers, à haute et intelligible voix cc qu'il vendit rendre

1.
LES- JARDINS. 41
/.Pe v dant . lesiivetxvi e. siécles,.ainsiqù'ii. ré
siItç:d'û.n,:grancl nombre d'actes conservés aux
archives . -dé so1idOErnine;laIfaInhIlekI'Angenne
•faisait sa'rôsjdentjc habituelle nu chAteau de Ram-
•beuillet ; maiscomme elleïfut toujours ihcsiie
de hbuts empioi A la courqeIIe îhahui.ait aussi, à
.Paris-;un --hosteI• assis ;rue Saiflet-Honoré, ap-
• «pIé l'Hôstel -deRaInhouitIet (1);, ' Au ivie sié-
cle, le cardinal, du' Bellay.; venait:tfréquijmnient
.passer le temps au chMeau?de Rambouillet, avec
les MM.: d'Angennes quiétaient ses , proches pa-
"efllS;:nous avons déjà dit que wadawePliilippe
(lu Bellay, femme de Jean d'.Angcnnes -II. était la
tante de ce prélat. A la suite du. cardinal., -venait
......_, - •1,r -
» la foy et hommage comme procureur du prieur, et offrir
monseigneur le gasteati, bouteille de vin et ginds, ainsi
ii bi-iné par devoit.qu'il doitô monseignt,urde Moôtorguejl
'n â:pareil Jour.» Après ce , - les officier du seiguéùr pre-
•nicni le gâteau, la boukille-et les gants , puis.liPdcédaienl
à Ihivisitedu cheval. Le châLStj, ou plutôt le . mhanir de
Mbmitdriieil; étanttoutà faitenruinés;àpatfrio 2i-avril
1753, 1 ! homrnngese rendit à la porte du chMeiitideJtam_
bdtiillet, tôinrnie ptiôcipale ithiènce duseitneut tic Møn-
LorgmiêiI. On -%Oit'enCOYCleS FtSés'dèMontdrueil dans le
bois «ûi lônge l'étang de Iafeme, t à.gauche. (4rdhii'eq,flc
Ranbotiittet.) ...y
y
ti) CèLLé fflènhitsnde l'hMel db 1h m'nlomiijlet se
dbI,is ! iin cemiitdiWis »fiiil le 4 juillet 1535, entrè-JdtuPs
d'Ahgenns-et Jean de Serre, abh(m de Clairefôyitaint;

i8 LE CIISTEAU, LE- PARC,
aussi Rabelais, -attaché ù.sonEminence en qualité
(le médecin-. Depuis longtemps le souvenir de l'illustrecardinal
est oublié.- à Rambouillet; mais le
drôlatique auteur de Paiitôgruel et . de Gargantiva
y n laissé des' tradition et son nom' :est même encore
attaché à l'un des rochérs dùparc. « - ' II y a,
dit Tallemant, des Réaiix; au pièd du château
'une fort grande prairie,' au . milieu dc laquelle,
par une bizarrerie 'de" la- nature, se trouve
o commé un cercle de grosses --roches, entre les-
•» q-uellès' s'élèvent de grands arbres qui font un
ombrage très agréable. C'est lé lieu où 'Rabèlais
se divertissait, ù-'cd qu'on dit dans le pûys..'.'.
et encore aujourd'hui on apeIle une certaine
roche creuse et enfumée, la i1'tarrni'te de Rabe-
» lais (1). A cette époque ., le grand étang'de
--(I) Tallemant des Réaux écrivait ces lignes vers i658.
- Le lieu qu'il désigne est aujourd'hui entouré d'eau et
appelé l'île des Roches. On y voit encore la grotte de Rabelais,
dans une roche naturellement , creuse, où l'art a
considérablement aidé la nature, comme on peut s'en convaincre
au premier.coup-d'.œil. Nous aurons l'occasion de
parler encore des autres roches, qui ont acquis aussi une
certaine célébrité. En .1388, comme-nous le trouvons dans
l'acte d'acquisition du fief de i la Bruyère , par Regnault
d'Angennes, au lieu de cette tic, c'était un bois de quatre
arpents, appelé le bois de la Roche-Boulmer. Dans l'aveu
du.méme lief, fait en 1461, on lit it Quatre arpents de
• terre, appelés la Roche, ou soulloitavoir buis... jouxte
• (prés) le grand estang de Raunhoillet, »

s
LE ZAjIDINS.
Hamboitillet était déjà converti en prairie, et les
canaux n'étaiént pas encore creusés (1).
De lotis les événements( f ui, pendant te cours dd
nie siècle, se sont accomplis au châtead de Ram-
bouillet, la mort de François 1er est celui qui n
donné sa plus grande illustration au vieux ma.
noir féodal des d'Angennes.
Aigri depuis sept à huit ans par les souffrances
d'une maladie cruelle et cachée, contre laquelle
toutes tes ressources (le la médecine avaient
été impuissantes, François r avait été ait coin-
Inencement de l'année 1547, vivement impressionné
par la nouvelle de la mort prématurée de
Benri VIII, roi d'Angleterre. Il fut frappé de l'idée
qu'il ne survivrait pas longtempsà ce prince, qui
était à peu près de son âge et de sa complexion.
En effet, dès les premiers jours du mois de février,
il fut atteint d'une fièvre lente qui devait faire dé
rapides progrès. Le roi essaya v ainement de la dissiper
par l'exercice de la chasse qu'il avait tant ainiée
autrefois; vainement il courut de SMnt-Gér-
main à sa belle maison de la Muette, à Villepreux, à
Dampierre, et de là â Liinours où il espéraitpasscr
le carnaval! L'ennui le poursuivait partout et dia-
(I) On lit dans l'aveu de Ranibouillet, rendu en 1562
« Le grand estang de Rambouillet, Contenant cent arpents,
û présent en prairie. »
4

51)
LE CITÀ'l'EAU , LE PÂItC
(lue soic i ù soli- retour, il avait (les redoublements
de lièvre. Il ne resta •que cieux ou trois jours à
Li.mours ail il était arrivé le 22 février. u Il s'en
• alla à. ltochelorl (en Xveline), où il séjourna,
• allant de jour en •autre à la chasse ; mais tous
• les soirs, à son retout il, avoit quelqu'acçés.cie
, fièvre.; par quoy il voulut prendre son chemin
» pour se retirer k. Saint-Germain-en-Laye ,-. et
n pour avoir son .passe-te m p s tic la chasse par son
• chemin. Partant de Rochefort, il vint coucher
.Ramboiliet, espérant n ' y .estre qu ' une nuit;
n mais le plaisir qu'il eust, approchant dudit. Rani-
n .bouillet, tant en la chasse qu'en la volerie, luy
i fin changer d'opinion. il délibéra d'y (aire .st
jour cinq à six jours, Enfin la lièvre, qui de
Iqng!eqpS ne Vavoit saisi se renforça tellement
» par; interyalles qu'elle se convertit en continue,
»aveçladouleur d'une aposthume ,qii5l. avoit
• elle peu (le temps au précédent qu'il allat au
»devant de.l'ctnpereuc,, quand il , :passa par !a
»Fr.ancC..... (1). p r. .
Le ,voi 1 sentait, son mal .crnpirerjd'heurejep
heure; tput , espoir de guérison était perdv 7 Il son'
gea alors à mourir en bon chrétien. Pedan qu'il
était sur son lit de douleur, on lui lisait les Pseau-
-U L H •
(1)
genfleS, au dernier chapitre dc ses Mémoires.
Martin du Bellay, proche parent Ae, JacqI!d'AP

LA
LES JARDINS. 51
ris de David hoûvelIerent tradùitjxfr Clénient
Màr& Il reçut lei sacrementsde l'Eglide àe6 uin6
piété et tille fervùi 4éd hi ses débuche ni sou'
ambition démesurée jamijig éteiiiiesdans
son coeur (1).
Puis il manda ldapV Hentile seul fils qui
lui fût resté; celui-ci s'approcha, écouta avec un
douloujux respect- lés belles r Mon trancés et les
sages instructions que lui donnait son pèrè éxj_'
rant, et qu'il eut le malheur de ne pas suivre. Le
roi lui recommandait de diminuer autant que possi
bic les impôts qui posaient tant sur le peuple; il
l'en4ageait à se servir, dans ses conseils et dansla
guerre, s'il était jamais obligé de la faire, des avis
de l'amiral d'Annebajjt et du cardinal de Tour-'
non, qui lui avaient été si utiles â lui-même. II
l'engageait à se prémunir contre la dangereuse politique
du connétabté Anne de iJ ontmôrençèL A
mettre tous let obstacles possibles à I'ardèine atnbition
des Guises, qu'il devait tô ujou éloigÇierdtj
pouvoir (2). Ehsijite il lui donha sa héné1jctiàà
ri • • lt-
(1) JEAN DE.SERflI, Jfist; de France.'
(2) . Cest à ce point des-remontrances de Français ltr.
qtie fait allusion Jelh're quatrain de. Charles IX:
Le roy Françoys ne faillit point,
Quand il prédit que ceux de Guise
Mettro jeit ses enfants en pouipoinu,
Et Lou's ses sujets en àh1n5& ' ' -

52
I.E CII ATEAC , I.E
w
puis, se rappelant ses anciens serviteurs, il les lui
recommanda, tous a%ec .un%if intérêt, et parjicli-
Iièremeiit le sire cie .Vieilleville, qui fut depuis maréchal
deFrauce. Les forces du roi étaient épuisecs;
les médecins firent sortir le dauphin et la
dauphine, et tous • ceux qui.étaient dans sa ehainbre
(1).
Pierre , Castellan, grand-aumônier de France,
l'engagea alors à détourner son esprit des choses
de e inonde, et à le porter tout entier à Dieu, de-
'ant qui il allait comparaître" le roi le fit a'ec
zèle. Comme le souffle allait lui échapper, il
murmurait encore le nom de Dieu, et quand il ne
lui fut plus possible de parler, il faisait de ses doigts
le signe. de la croix sur son lit (2).
p endant qu'il agonisait, « Le dauphin travaillé
• de regret et de déplaisir de Pestat où il xoyoit
• son père languissant, s'estoit jeté sur le lit (le la
• dauphinç, laquelle estoit à terre et faisoit de
• l'esplorée et dolente. Au contraire, la grande-sé-
• néchale Diane de Poitiers:et le duc de Guise,
• qui n'estoit encore que comte cl'Aumale, y esn
toient, celle-là toute gâyeet toute joyeuse voyant
n le temps dé: ses triomphes appi'ocher, celui-ci se
» promenant' pa' la c.hanhre de ladaupliine, et,'
(I) Mémoires du sirede Vieillevifle'.
(2) Ferro,z Annales, hvk' IX, pagé 239.

LES JÂJLI,tNS.
n de temps .à autre allant à la porté sçavoir des
nouvelles; et qand il revehoit - II s'en •va,
» disoit-il le galant..... (1). »
François l e t mourut le 34 mars 4547, A l'âge
de cinquante-trois ans. Son corps, précicusémnt
embaumé, avant l'être conduit à Saint-Denis oc
lui devaient être faites de splendides obsèques, fut
d'abord déposé au prieuré des darnes de Hautebru
yère, où furent laissés le coeur et Ièà'
trilles.
Brantôme raconte que lejour de la mort duroi,
mademoiselle de Travers , jeune et gentille fille
d'honneur de la reine, s'en fut au plus tite au
château de Rambouillet. Elle portait un habit à
l'espagnole, et était coiffée d'un élégant bonnet. En
traversant le pont-levis du château, le veut enleva
cette coiffure, qui tomba,à l'eau et fut perdue û tout
jamais. Dont jamais plus n'en ouit-on nouvelles,
d'autant, disoit-on, qu'il yavoit une fort belle et
n riche enseigne (2), » ajoute le chroniqueur,' en
rapportant l'épigramme si connue folié à ce
L'an nul cinq cent quarante-sept,
Françoys mourut à Rambouillet
De la y . ....qu'il avoit,
'\t Travers perdit son bonnet.
de Lorraine.
Re de diamant.

54
cnuAu , LE PARC,
-----'w-
JU ne t radi tion locale, fortemcnt accréditée, sinon
inventée par les jortiers .qui . mofltret!L Rambouillet
fi ses nombreux visiteurs, veut que François
soktmortdans.l,a chambre .du troisième étage de
la grosse tour du château. Avons-nous besoin de révoqueren
douta une telle tradition? et lerécit.stccinct
que nous, venons de faire ne s uffi t-il Pas Pour
la, 4éru ire ? ..Peutofl p pn SCrqVe leprince le plus
tastueix de l'Europ9, et qui avait couvert laFrance
des plus somptueuses maisons de plaisane, se
P!Pø9" J'hospiiiitéà Uun de ses olliciprs,
celui-ci ait été si inal appriquedeJe loger dans k
plus bapvgaletas.de son manoir? Nous e retIou -
,vonspas, du reste, quelles furent les chambres du
roi, pas plus que celles des .j rinces, des prélats et
des grands seigneurs qui l'accompagnaient- Nous
veno . ns,,de dire que .10 château avait-été refait
ent556,. neuf- ans après.l'év? I)eIT4eflt; c'est sans
doute cette restauration qui a .effacé Lotit souvenir.
Dans un inventaire,fait en 4706, nous voyons. ne
toutes les chambres de la grossç tour éta!entafrectées
à des gens de service, et depuis, elles,
Point eu d'autre destination. Seulement, pendant
la Restauration, on avait mis, dans la chambre en
question, une petite gravure d'ap r ès le beau portrait
de François r peint parte Titien;
Seize ans plus tard, sepassaj 4:ans1epiêp 9 li
une scène bien dilîérente, et dn laquelf

hS s
tES JÀiuIN.- ' ' 55
raient pour la plupaitÇ -l; •iimeS personhes pie
nous venons de voir'autour t- Iii: deiffori dii
roi:'
C'était -à la fin de-l'iniéeiS62 Catherite de
Médicis attendait; claris la plus grande perplexité;
lé résultat (le la bataiBedé Preux; qui devait trancher
laquestion ehure-les* catholiques et les protestants»
Elleava-it quitté Vincennes ec le ioi
Chartes IX, alors âgé dedoute ans, et,- suivie-de'
toute la coui elle était venue s'établir an château'
de Rambouillet, plus rapproché du 'lieu de la -bataille.
Elle y apprit bientôt pie la victoire s'était
déclaréeen faveur des caIJioliqies si position 'se
dessinait alors pins nettement, ce n'était ilsen,fraizçai
qu'elle devait prier Dieu, c'était le duc
de Guise, -et non le prince de Condé dont elle devait
subir la loi. - -- - -
-Le (111e dc Guise fut alors mandé : il arriva
à Rathboitillet, suivi de la plupart des seigneurs,
genti!slio:nmes -et capitaines de son armée, au moment
où le -roi et la• reine- terminaient- leur dîner.
Il Pénétra avec toute sa suite dans la salie où se
tenait la cour,- s'inclina respectueusement devant
Leurs /F/ajestês; et demanda si elles -voulaint bien
lui accorder un moment d'audience.-» Jésus, mon
cousin, dit la reine, que parlez-vous d'audience
« Doutez-vous du plaisir que iç roi -et moi noiis
n ayons à vous- en-tendre?- » - François- de- Lot-

s
Mid
50 LE CHÂTEAU, L-E PARC,
raine, qui connaissait bien le caractère de l'artificieuse»
Italienne et savait aussi bien qu'elle la force
(le sa position, raconta, du ton le plus respectueux
et le plus modeste, les circonstances de la bataille.!!
commença par déplorer amèrement la perte de tant
tic bons Français qui avaient péri victimes de leur.
amour et de leur dévouement au roi ;s'étendit très
longuement sur la prise du connétable, général en
chef de l'armée, et exprima tout le regret qu'il avait
de ce malheur.. - Il peignit avec les plus vives couleurs
les belles charges exécutées par le prince de
Condé, dont la fortune avait si mal secondé la brillance
valeur; il n'oublia pas non plus Coligny,
obligé de quitter le lieu de l'action; mais quand
il en fut au récit général de la bataille, « il en discourut
et la représenta si bien et si au vif, dit
» Brantôme, que vous eussiez dit qu'on y escoit
» encore.» Après ce rapport, quifut écouté de tous
avec la plus grande attention et un religieux silence,
il présenta au roi et à la reine tous les capitaines
qui l'avaient accompagné et si bien se-
condé (4).
Le roi le remercia de tous les services qu'il venait
de loi rendre, lui ordonna, plutôt qu'il ne le
pria, de prendre le commandement général de
(1) Mémoires de Castel nau—lfonimes illustres, de Brarulôme.
t

LES JARDINS 5
l'armée en l'absence du connétable, CL le noiLjina
lieutenant-général du royaume. Le duc de Guise
partit deux jours après, s'en alla prendre Etampes,.
et, le 23 février 4563, fut assassiné la porte dOrléans.
Le roi, la reine et toute ].a quittèrent
aussi Rambouillet pour aller à Chartres et dé là.
A Blois (1).
Le vejidredi 13 mai 4588, le lendemain de la
fumeuse journée (les Barricades, Henri III fut
averti que le peuple criait de tous côtés qu'il fallait
aller prendre « frère Henri de Valois (Jans son Loti-
), vre; » (lue sept û huit cents écoliers et trois
Cents fflOflCS armés marchaient en ce dessein,
sous la conduite du conne de Brissac et d'ardents
prédicateurs; on l'avertit d'un autre côté que le
duc de Guise s'avançait dans le même but à la
(ôte de douze cents hommes d'armes. Le pauvre
roi, tout effrayé, court aux Tuileries où étaient ses
écuries, ayant à la main une simple baguette qu'il
portait ordinairement à la promenade, monte à
cheval avec tous ceux de sa suile qui trouvent
moyen d'y monter, se dirige vers Saint-Cloud, et
de là vient à Rambouillet, où il couche tout botté;
puis le lendemain va dîner à Chartres, où il reste
jusqu'à la fin du mois (2).
(I) Mémoires de Castel nau.—Jlornmes illustres, de Bran-
tôrne.
(2) Journal de I'ELoiLe.

58 LE CHÂTEAU, LE l'ARC,
Tels soin les Principaux événements dont. Ibis-
Loire nous a conservé, le souvenir; nous allons,
maintenant entrer.. dans quelques détails qui. se
rattachent plus particulièrement aux différents
Propriétaires du château, et aux différentes modifications
qu'a subies cet édifice.
Dans les premières années du xvii- 1 siècle
M. et .»Mpe deJ Rùjmbouillet ( Nicôlas •d'A'ngnnes
et, Julienne ... d'Arquenay ). voulant passer le.
cirême ?i Ranbouitlet, prièrent quelqu'un de leur
chercher un prédicateur. On leurprésenta M. de
Cospéan, qui voulou bien accepter , cette mission,
à CODdiLiOt qu'il ne ferait pas plus 'le trois sermons.
par semaine. M. et M"° dc ,Bam.bouilIet
turent si contents de ses sermons et se prirent
d'une telle amitié 'pou r lui, qu'ils lui chinnèrent
sa vie durant, la jiuissance d'une terre qui valait
1,500 livres de revenu (4)...
Philippe de Gospéan était né au Mans, en 4568
il fut évèque'd'Aire en 4607, de Nantes en 4621,
et (le Lisieux eh 1632, mourut le 8 mai 4646;
il eutde la célébrité comme prédicateur, eUi3oss.uet
lui dédia sa première thèse de philosophie(2).Cêfot
sous lui que M. du Fargis, neveu de Nicolas d'Angennes
, fit sa philosoplué. L'estime et l'amitié
(t) TA LLEM A NI' DES R EAUX.
(2) Fie de Bossuet, par Ic cardinal de Ilausset.

-.
LES JARD1S. 1'
que NI. et M" e (le Rambouillet avaient pour lui
le firent connaitre'; il fut fort goûté du dub d'lpernon
, et lié d'amitié avec le cardinal de Bichelieu,quisouffrit
même qu'il s'attachât â Iayeine,
auprès de laquelle cet attachement lui servit beaucoup
au commencement de la régence; car il était
là comme une espèce de ministre; mais Id-cardinal
Mazarin le fit éloigner quand il arriva au pouvoir:
L'évêque de Lisieux était un homme d'esprit fin et
délicat, que. la -marquise de Rambouillet (Catherine
de Viyonne) ait'ectionnait beaucoup; - d'étau un
des principaux lainiliers de l'hôtel, et qui continua
venir au clià tea u de Ha ni houillet, lin j 01] r qu'il 3
était, la marquise qui aimait â faire des surprises
aux gens, lui en fit une des plus agréables et des
plus galantes elle luiproposa une promenade dans
le par,' et 'e conduisit; à travers la prairie 4 vers
ces roches dont nous avons déjà parlé.c.Quand il
• futassez, près de ces roches pour entrevoir à
• Iravers les feuilles des arbres, il aperçut en'dio
vers endroits, je ne sais quoi (le -brillant; étant
') plus prdche, il lui 'sembla qu'il discernait des
n.femmes, et qu'elles étoient vêtues en nymphes.
La -marquise, au commencement, ne faisoi-t- pas
n semblant de rien voir de ce- qu'il vo yoit. En-
)1 fin, étant parvenus jusqu'aux roches, ils trouvè-
» rezit mademoiselle de Rambouillet et toutes les
(lcmnJselles de la maison , vêtues - effectivement.

(Y) Li cntiï;ijj , LIC l'ABC
• en ny in pli es, qui, assises sur ces roches, Pl isolent,
• le spectacle le plus agréable du inonde. Le bon-
• homme en fut si charmé, que depuis il ne voyoit
n jamais la marquise sans lui parler des roches de
Rambouillet (r).
Ce genre de fêtes inthologiques était fort cri vogue
au xvur. siècle, et Julie d'Angennes paraissait
l'aimer beaucoup. Voilure, dans sa X' lettre, décrit
une fête de ce genre, donnée i la Barre, par madame
du Vigean, à. la princesse de Condé, (Jans
laquelle figuraient mademoiselle de Bourbon, en
costume de Diane, .Julie d'A ngenries, mademoiselle
Paulet, et o, à son grand regret, manquaient la
Marquise de Rambouillet et le cardinal de La
Valette. Dans sa IP lettre, du 8mars Ï627, adressée
ait marquis de Rambouillet, alors ambassadeur
en Espagne, il décrit une fête donnée au Louvre,
et s'exprime ainsi en parlant de la future duchesse
deMontausier u .....On vit ..... paroistreen môme
temps, entre une infinité de lumières, une troupe
• de dames [otites couvertes d'or et de pierreries,
• et qui sembloient ne faire que descendre du ciel.
• Mais particulièrement l'une d'elles étoit aussi ai-
• séeà remarquer entre les autres que si elle eût
• été toute seule, et je crois certainement que les
(t) 'ttILE\iA\ .DES REïux, tomes 3 et 4. Historiettes
de la marquise de B ambouillet et de, M. de ii4ieux,

LES JARDINS. 61
• yeux des lioniines n'ont jamais rien vu de si
• beau. C'étoit celle-là même, Monseigneur, qui,
• en une autre rencontre, avoit. été tant admirée
• sous le nom et les habits de Pyrame, et qui, une
• autre fois, apparut dans les roches de Rainhouil-
• let avec l'arc et le visage de Diane. » Du reste,
ces roches avaient une grande renommée parmi le
beaux esprits qui venaient les visiter; Tallemant
des fléaux nous apprend (lue le cheval griffon,
dont patte Voiture dans sa CLe Jettre, est l'une des
grandes roches du pare de Rambouillet.
L'ancien hôtel de la famille d'Angeunes, rue
Saint-Honoré, avait été, en 1606 , vendu pour
3,500 livres tournois, à Pierre Forget du Fresne;
te cardinal de Richelieu l'avait, en 1624, acheté
30,000 écus et avait, sur son emplacement, fait
construire le Palais-Cardinal, qui fut appelé depuis
Palais-Royal (4). La marquise de Rarnbouillet s'était
alors retirée dans la maison de son père, l'hôtel
de Pisani, rue Sain t-Thornas-du-Louvre. Elle voulait
faire reconstruire celte maison; 'nais mat sa -
tisihite de tous les dessins qu 'on lui présentait,.ellc
lit elle-même le plan d'un nouvel hàtel. La place
était fort irrégulière et peu étendue ce qui ne
l'empêcha d'en tirer un bon parti, et de concevoir
un monument si parfait, que Marie de Médicis,
(i) SAUVa, Antiquités de Paris, tome 2, page 200.

LE ciuînu , LI PARC
lorsqu'elle fit construire le 'i1nxèmhoirg, cnvûya
ses architectes vi s
iter I'htèlcleRhhboiii1Iet, u leur
commanda de s'eâ inspirr p6ur le palais qu'ils
allaient élever. Juscju'alôrs on ne srivaiii que faire
uhe salle à un côté, un chambre à l'autre et 1'cs
calier au milieu c'est de madame de Rambouille t
« qu'on a appris û mettre les escaliers à côté pour
n avoir une.grande suite de chambres, à exhausser
les planchers, cl à faire des portes et des Fenêtres
Il hautes et brges et vis-à-vis les unes' des au-
» Ires; .....è'est la première qui s'est avisée de
Il faire peindre une chambre d'autre couleur que
de rouge et de tanné, et c'ést ce qui a donné â
» sa grand' chiaiïibre le nom de la Cluimbien
bleue (1).
n La chambre bleue, si célèbre dans les oeuvres
» de Voituré, étôit pârée.....d'un n [lieu bicipent
n devhui's bhSu rehiussé d'or et d'agnt .....
n &étoit le lieu où Ariliéhice reeeoit ses visites.
Il Les
appui, qui êègr^cnt de lia ut éii
Il bas, depuis soif plafond jûsifù son paterre,'1
' rendnF très gié,'et bissent-joui? san obstéle
n de l'ii, delavuet des .p1aiiis. (les jardins .(). »-
• Aùflhilieo Ae ce séjour qu'elle-s'était fait ell&
mÛwe et dont elle-étoit eii.qÙelqïie- sorte la divinité,"
I' .ts fl j fr J Ïtj'.) •k
(I) TALLEMANT DES JtEAux.
(2)SAI)'AL, >Inliqkilés dc'Pdritdine .

LES JAflDIS . 63
où elle recevait incessamment les hommages (les
plus éminents de la cour, où se réunissaient journelleinent
les plus beaux esprit.sdu siècle, Catherine
de Vivonne négligeait singulièrementsa belle terre
de Itambouil!et. Lé marquis et elle y dnoientsi ra
renient, que dans l'espace de vingtli oit ans, dit
Tallemant des Réaux , ils n'y couchèrent qu'une
seulefois. Un jour cette négligence leur coûta cher.
Le marquis de Pisani, leur fils, leur dit qu'il y
avait beaucoup de bois mort clans lé parc, et qu'il
était urgent de le faire ôter; il en obtint la permission
et vint aussitôt ; mais au lieu tIn bois mort,
il (It couper six cents cordes du plus beau et du
meilleur.
Madamè de Rambouillet avait eu, de sa Lnaisén,
10,000 écus de tente, qui, joints è ce que pouvait
posséder le marquis; ne constituaient point, è ce
qu'il paràit une grande richesse pont le temps où
clic vivait. Voici ce qu'à ce sujet dit Tallemant
des Réaux, après 'avoir raconté l'anecdote dcWrocEiersu;Si
elle eût été eu état de faire derandS
• dépenses, elle eût bien fait de plus chères ga"
• lanteries: Je lui ai entendu diré quele plus grand
• plaisir qu'elle eût: pu avoir, eût été de fâire.bâtir:
, une belle maison au bout du parc (le •Rmb'ouil-.
• let, si secrètement que personne de ses ainisifen
• sût rien, (Avec un peu de oin'la chose n'toit
»'pas imposible, parce que le' lieu est. fin.peü-

64 u CIIAFEAU, I.E PARC,
écarté, et que ce porc est l'un (les plus grands
de Frahcc, et- mêire éloigné d'une portée de
• mousquet du château, qui n'est qu'un bâtiment
• ù l'antique); qu'elle eût voulu ensuite mener à
• Rit bôuillet-ses meilleurs amis; et le lendemain,
»- 'en se promenant dans le parc, leur proposer
d'aller voir une belle maison qu'un de ses voi-
» sins a\'oiL fait faire depuis quelques temps ; et
• après bien desdétours --Je les auro-is amenés,
• disoit-elle, dans ma nouvelle maison, que je leur
• aurois fait voir sans qu'il parût un seul de mes
• gens, mais seulement des personnes qu'ils n'eussent
jamais vues et enfin je les aurais priés (le
demeurer quelques jouis en ce beau lieu, dont
M le maître était assez mon ami pour le trouver
» lion. Je vous laisse à penser, ajoutoit-elle, quel
• aurait été leur étonnement quand ils auroient su
• que tout ce secret n'aurait- été que pour les surprendre
agréablement.
On concevra facilement qu'il aurait fallu être
bien riche polir satisfaire de tels caprices; tuais ce
que cette anecdote o de plus précieux pour -nous,
c'est qu'elle nous démontre clairement (lue le château
de -Rambouillet ne reçut aucune modification
sous le règne de Louis XIII, et qu'il était alors tel
que Nicolas d'Angennes l'avait -laissé à son fils.
Li la marquise de Rambouillet -aimait afaire
d'agréables surprises (t : ses hôtes, - elle se plaisait

LES JARDINS. 65
aussi à leur laisser faire des plaisanteries qui
égayaient fort la compagnie aux dépens du patient.
Le comte de Guiche, qui fut depuis le maréchal
de Grammont, l'était venu voir à Rambouillet. Un
soir qu'il avait mangé beaucoup de champignons,
on gagna son valet de chambre, qui alla chercher
tous les habits que son maître avait apportés ; on
les étrécit au plus vite et ils furent remis en place.
Le lendemain matin, M. de Chaudebonne, l'un des
amis les plus intimes de la marquise, le fut voir
comme il se levait. Le comte commençait à s'habiller;
quand il voulut mettre son pourpoint, il le
trouva trop étroit de quatre grands doigts. « -. Cc
pourpoint-là est bien étroit, dit-il à son valet
» de chambre;. donnez-moi celui de l'habit que je
n mis hier. li ne le trouva pas plus large que l'au-
» tre. - Essayons-les tous, dit-il. Mais tous lui
» éoient également étroits. - Qu'est-ce ceci?
ajouta-t-il; suis-je enflé? seroit-ce d'avoir trop
mangé de champignons? Cela pourroit bien
être, dit Chaudebonne, vous en mangeâtes hier
» au soir à crever. n Tous ceux qui le virent lui en
n dirent autant. Il noh, comme vous pouvez p eu-
» sel', le teint tout aussi bon que la veille; cependant
il y découvroit, ce lui sembloit, je ne sais
quoi de livide. La messe sonne, c'étoit un din
manche; il fut contraint d'y aller en robe (le
chambre. La messe dite, il commence â s'inquié.

- tt cmtvu, LE PARC,
ter de cette prétendue enflure, et il disoit en
riant du 1)0111 des dents u Ce seroit pourtant une
belle fin que de mourir à vingt-un ans (1) pour
avoir mangé des champignons.)) Comme on vit
• que cela alloit trop avant, Chaudebonne dit qu'en
• attendant qu'on p01 avoir du-contre-poison, il
» étoit d'avis qu'on fit une recette dont il se sou-
• venoit. II se mit aussitôt à l'écrire et la donna au
• comte. Il y avait: Recipe de bons ciseaux et dé-
• cous ton pourpoint (2). »
On nous pardonnera ces longues et fréquentes
citations de Tallemant des fléaux, que nous avons
mieux aimé ne point dénaturer. Nous feons encoré
un emprunt à cet inépuisable conteur, tant
à cause du piquant et de la variété de ses anecdotes,
que des renseignements topographiques
qu'elles nous offrent. On doit avoir d'autant pins
de confiance dans cet écrivain, qu'il a vu ce qu'il
raconte, ou que, comme il le dit lui-même, il tient
la plus grande et la meilleure partie de cc qu'il
écrit de la célèbre marquise dont il a fait une •
historiette du plus haut intérêt. C'est lui-même
qui figure dans ce qu'il va nous raconter.
(t) Antoine de Grammont, comte de Guiche, naquit en
1604. L'aventure dont il est ici question, se passait donc
en 1625.
(2) TALLEMANT DES Rnvx.

LES JARDINS. 67
« Au dernier voyage qu'elle fit à Rambouillet,
• avant les Barricades (1) , elle y fit des prières
• pour son usage particulier, qui sont fort bien
• écrites. Ce fut à M. Conrart (2) qu'elle les donna
• pour les faire copier par Jarry, cet homme qui
• imite l'impression et qui a le plus beau carac
• Lère du monde. Il les lit copier sur du vélin, et
• après les avoir fait relier le plus galamment qu'il
• pût, il en fit un présent àcelle qui en étoit
• l'auteur, s'il est permis de parler;du masculin
• quand on parle d'une darne: Ce Jarry d isoftnaïn
vement u Monsieur, laissez-moi prendre queh
-» que-unes de ces prières -là, car dans les Heures
• qu'on me fait copier quelquefois, -il y en a de si
• sottes quo j'ai honte de les transcrire. »
u Dans ce voyage de Rambouillet, elle fit dans
• le pare une belle chose, mais e lle se garda de le
n dire â ceux qui la furent voir. J'y fus attrapé
• comme les autres. Chavaroclie, intendant de la
• maison, autrefois gouverneur du marquis ' dé
(1) Ce sont les barricades de 1648. 11 est évident que
l'auteur se trompe quand il dit que la marquise, en- vingthuit
ans, ne coucha qu'une fois û Rambouillet. Mariée
en 1600, nous venons de voir qu'elle y était en 1625; de
là .à 1648, il n'y a que vingt-trois ans; comme elle mou
rut en 1665, nous no pouvons trouver un autre espace de
vingt-huit ans.
(2) Conrart fut le fondateur de l'Académie française.

68
'LE CRATEAU, tt PARC,
• Pisani, eut charge de me faire tout voir. Il me fit
• faire mille tours; enfin il me mena en un endroit
• où j'entendis un grand bruit, comme d'une
• grande chute d'eau. Moi qui avois toujours ouï
• dire qu'il n'y avoit que des eaux basses à Ram-
;, bouil let, imaginez-vous à quel point je fus sur-
» pris quand je sis une cascade, un jet et une
»nappe d'eau dans le bassin où la cascade
« tomboit; un autre bassin ensuite avec un gros
.n :boui110 d'eau, et au bout de tout cela, un grand
ncarre où il y a un jet d'eau d'une hauteur et d'une
» ,grosseur extraordinaires, avec une nappe d'eau
,, encore, qui conduit toute cette eau dans la prain
rie où elle se perd. Ajoutez que tout ce que je
• viens de vous représenter est ombragé des plus
n beaux arbres du monde. Toute cette eau venoit
• d'un grand étang qui est dans le parc en un en-
• droit plus élevé que tout le reste (4). Elle l'a-
• voit fait conduire par un tuyau hors de terre, si
• ù propos, que la cascade sortoit d'entre les bran-
• ches d'un gros chêne, et on avoit si bien entre-
• lacé les arbres qui étoient derrière celui-là,
n qu'il étoit imposible de découvrir ce tuyau. La
(I) Cet étang était celui de Monlorgueil, aujourd'hui de
la Ferme. Les traces de ces bassins ont entièrement disparu;
mais il est facile de se rendre compte de leur position.

LES JARDINS. 60
marquise, podr surprendre M. de Montausibr,,
q'p y .devoit [filer, fit travailler avec toute la di-
• ligence imaginable. La veille de son arrivée, on
• fut obligé, la nuil étant survenue, de mettre plu-
• sieurs lanternes sur les arbres et d'éclairer aux
• environs avec des flambeaux ; mais sans camp-
• ter pour rien le plaisir que lui donna le bel.
• effet que faisoient toutes ces lumières, entre
• les feuilles des arbres et dans l'eau des bassins
• et du grand carré, elle eut une joie étrange de
» l'é&onnement où se trouva k lendemain le. marquis
(4), quand on lui montra tant de belles cho--
5C5.
En ce temps-là, le château de Rambouillet avait
pour concierge un certain maître Claude, qui, de
ferreur d'aiguillettes était devenu argentier de
la maison. Quand il fut devenu vieux, le marquis
lui donna pour retraite la place de concierge au.
château. Maître Claude était un homme fort iii-
génu, dont les naïvetés amusaient bèaucoup ses.
maîtres, qui l'envoyaient toujours en commission
pour faire partager à leurs amis le plaisir qu'ils
avaient à entendre les drôleries de cet homme;
car. tout sages qu'étaient Ni. et MDC de Rambouillet,
ils eurent toujours des fous à leur service. Vers
1651, la marquise écrivit à maître Claude « qu'il.
(I) M. de Montausier n'était pas encore duc..

70 LE CHÂTEAU, LE PAIIC,
• fit tout préparer et qu'il auroit bientôt compa-
• gnie. II crut que toute la cour y iroit, et quand
• il ne vit (lue M. et W O de Montausier et made-
• moiselle de Rambouillet u Quoi, leur dit-il, il
• n'y a que vous et j'avois pris tant de peine! Îrne
• autre fois je né croirai pas si de 1er (1). n
• Ici s'arrêtent les intéressantes causeries deTalleinnt
des fléaux, et nous ne savons plus rien sur
les visites faites à la terre de Rambouillet. Cinquante
ans s'écoulent pendant lesquels ce beau
domaine continue d'être possédé par la veuve de
Charles d'Angennes, par le duc de Montausier CL
par le duc d'Uzès. Quand M. Fleuriau d'Armenonville
en prit possession, en 4799, le château
était en fort bon état à l'intérieur ; à l'extérieur il
n'y avait à refaire que ix toises de l'entablement
de briques, deux ou trois frontons de briques des
lucarnes de l'étage supérieur, et à relever cinq cheniinées,
renversées par les vents et les foudres de
l'année 4698. Le château consistait alors en un
grand corps d'hôtel triangulaire, muni à chacun
de ses angles d'une élégante tourelle surmontée
d'un toit conique, orné d'un vase de plomb fleuri.
Deux ailes se reliaient aux extrémités de la base
de ce principal corps de logis, de manière à former
à l'intérieur une cour carrée, et à présenter
(1) TÂLLEMÂNT DES littAux.

LES JARDINS. 71
quatre façades à l'extérieur, dont le contour offrait
quatre côtés d'un hexagone au sommet rectangulaire.
L'aile de droite se reliait à la grosse tour,
entièrement construite et couverte de grès, dans
laquelle on avait percé de larges fenêtres et pratir
qué plusieurs chambres. C'était dans cette aile,
alors simple, qu'était l'appartement de M. de Montausier.
L'aile de gauche, moins régulière que l'autre,
était, à ses angles inférieurs, munie de deux
tourelles armées de machicoulis comme la grosse
tour, mais leurs créneaux étaient couverts d'un
loiLconique d'ardoises (4). Le tout était entouré
(le fossés d'eau vive, revêtus de pierr'es et munis
d'un mur d'appui avec tablettes de grès; un pont-
levis donnait accès dans la cour d'honneur (2).
A l'extérieur il y avait « une base-cour atte-
• nant ledit cliasteau, composée d'un collombier,
• écuries, greniers et remises de carrosses;; d'un
• logement pour le portier, d'un grand portail du
• costé d'icelle (basse-cour), au dessus duquel
• portait est un pavillon; le tout couvert de tuiles.
Un grand parc, dans lequel sont plusieurs ai-
(1) Voir les gravures du château de Rambouillet, par
Rigault.
(2) Archives de Rambouillet, procès-verbal de l'état des
bâtiments, lors de la prise de possession par M. d'Armenonville.

?
'72 LE CILAÏEAU, LE PAI1%
lées d'arbres non fruietiers, boys de haute-tu-
» taie, jeunes plants de chesues, ehàlaigniers et
pépinières; un grand canal, une gratide pièce
• d'eau, canaux, cstangs; un grand parterre, prés,
• terres labourables , pastures; plusieurs loge-
• ments pour une ménagerie (1) et pour les gardes;
glacières, un jardin dans lequel sont plusieurs
» arbres fruictiers et espaliers, séparé dudit parc
par une palissade de boys, le tout entouré de
• murs tant d'anciennes que de nouvelles closture5.
» .....Hors dudit parc, du costé de Paris, en
• face de l'entrée dudit chasteau, est une grande
avenue à quatre rangs d'arbres, cliastaigniers et
• autres, au milieu de laquelle est une estoile (2)
• à six grandes allées; aussy de quatre rangs d'arbres.....(3).
»
Tels étaient le diâteau, les jardins et le pare de
Rambouillet à la fin du xviie,siècle. Si nous pouvions
mettre sous les yeux de nos lecteurs un plan
fait à cette époque, ils acquerraient la conviction
que le dessin général du pac et des jardins n'a
encore subi que.de légères modifications, mais que
seulement il a pris une grande extension. Selon la
(i) C'est la faisanderie actuelle.
(2) Actuellement nommée la Chasseuse.
(3) Extrait du déeretde Rambouillet, 1690.

LES JARDINS. 73
tradition, ce dessin aurait été fait par Le Nostre;
nous ne le nions pas, mais nous ne pouvons en
donner la preuve. Disons pourtant 4ue cet habile
artiste mourut en 4700, à l'âge de quatre-vingt
sept ans, et que s'il a dessiné Rambouillet, ce fut
sous le duc de Montausier et non sous le comte de
Toulouse, comme on l'a écrit, imprimé et trop
souvent publié.
M. d'Armenonvilie fit de' grandes améliorations
et de nombreux embellissements dans sa nouvelle
propriété. Dans le château, il compléta de la ma-
nière la plus somptueuse les meubles laissés par
ses prédécessèurs, en faisant garnir les appartements
de fauteuils de tapisseries de Perse, de la
Savonnerie, de petit point ou de maroquin; de tables
de marbre à pieds sculptés, d'élégants guéridons,
de riches consoles ornées de magnifiques
porcelaines. Dans la grand' salle, il fit mettre
quatorze tableaux encadrés dans la boiserie, et le
portrait de François 1 1, dans une bordure dorée.
Dix-sept portraits, au milieu desquels était celui
de Monseigneur, ornaient legrand salon. C'était la
même disposition d'appartement que l'on voit aujourd'hui
au premier étage, presque toutes les pièces
étaient ornées de tableaux et de dessus de portes.
Dans le cabinet étaient deux grands plans
du domaine , qui avaient coûté 800 livres. Dans
la nomenclature, bien insignifiante d'ailleurs, de

LE CHÂTEAU, LE PARC,
divers appartements, tels que la chambre à deux
lits, la chambre à l'italienne, la chambre de Monsieur,,
nous remarquons l'appartement de monseigneur
l'évêque cl'A'ire, qui fut, à n'en point
douter, celui occupé autrefois par Philippe de Cospéan.
Mais ce fut pour la décoration des jardins et
du parc que les plus grandes dépenses firent faites
en statues et en termes de marbre et de pierre. Il
y avait huit figures de, marbre, d'après 1'nti-
que, de cinq pieds de hauteur, valant chacune
800 livres -, neuf termes de marbre, de six pieds
de-hauteur , sur des dés de pierre, valant 230 livres
la pièce; deux grandes figures couchées,
représentant Alphée et Aréthuse, avec leurs piédestaux
de pierre (le liais; payées 1,587 livres au
sculpteur Frenin ces deux groupes étaient placés
de chaque côté de l'embarcadère. A l'extrémité
de la grande piéce furent placés les deux sphinx
qu'on y voit encore, en pierre de Saint-Leu,
payés 500 livres au sculpteur Maiières. Le même-
artiste avait aussi, pour - la somme de 1,000 livres
,•sculpté un groupe de Latone avec ses enfants,
placé au rond-point de la même pièce d'eau.
Le célèbre Le Gros, sculpteur du roi, avait fourni
trois figures de pierre, qui , montées sur leurs
piédestaux, lui furent payées 4,460 livres. La Cérès
toute mutilée qu'on voit encore en dehors des
jardins, au coin de la futaie, était alors accompa-

D
LES JARDINS. '15
gnée d'un Bacchus, et tous deux avaient coûté
600 livres. Des vases de pierre et de fonte, des
bancs de pierre furent aussi disséminés dans le
parterre, tandis que des statues de plâtre,'moulées
sur l'antique par Mazières, furent placées dans
les vestibules et dans l'orangerie. Le prix de ces
meubles et de ces objets d'art s'éleva à la somme
de 36,166 livres, qui fut remboursée par le comte
de Toulouse, en dehors du prix d'acquisition du
domaine (1).
Le comte de Toulouse fit faire au château, aux
jardins et au parc de bien autres embellissements
et agrandissements, dignes du vaste domaine qu'il
venait de créer. Aù parc, qui était déjà de 1,015 arpents,
il ajouta, en 1742 eÇ 4743, les 462 arpents
du Parc-aux-Lapins (le Petit-Parc), qu'il
fit clore de murs. Dabs une seconde addition, furent
compris 893 arpents de terres et bois, distraits
des seigneuries de la Pornmeraye et de Gazeran,
ce qui forma un total de plus de 2,400 arpents,
dont 4,036 sont en bois, entièrement clos
de murs, offrant un circuit de 8,348 toises
(16,270 mètres 555 millimètres) (2).
Il fit creuser, ou pour être plus exact, acheva
(I) Archives de Rambouillet. - Inventaire des gros
meubles laissés par M. d'Armenonvillc.
(2) Plan manuscrit, levé eu 1713, par le sieur Camus.

-
r
76 LE CHATEAU, LE PAItC
de faire creuser les canaux; car lorsqu'il prit possession,
la grande pièce qui est devant les fenêtres
du grand salon existait déjà ainsi que le canal qui
rêgnedepuis la gare aux bateaux jusqu'à l'extrémité
du quinconce, qu'il bordait sur trois de ses côtés.
Les trois îles qui s'étendent sur la gauche existaient
aussi niais entourées de maigres filets d'eau qu'il
lit dargir, A droite, il établit la symétrie qui règne
aujourd'hui, en Faisant faire cette seconde île
ronde qu'on nomme l'île des Festins ) et en faisant
creuser et rectifier la rivière qui occupait I'cmplacement
du canal qui va de l'abreuvoir actuel
aux pavillons de la Laiterie. Il fit encore creuser
une autre grande pièce d'eau de 90 toises de long
sur 45 de large, nommée le Rondcau qui séparait
le parterre de la grande route (4).
Le même prince fit aussi combler les fossés du
cMteu, et comme cet édifice était devenu trop
exigu pour les hôtes qui devaient l'habiter, il fit
doubler les appartements en ajoutant dans l'intérieur
de la cour deux nouveaux corps de logis aux
ailes anciennnes, et en harmonisant la façade du
fond avec ces constructions nouvelles. Les deux
ailes furent alors réunies par un mur d'appui en
hémicycle, surmonté d'une grille fleurdelisée, dans
(i) Plan manuscrit, levé en 1713, par le sieur Camus.
r
r

LES JARDINS. 77
laquelle s'ouvrait une grande grille armoriée don-
narit entrée dans cette cour d'honneur.
Devant le château, s'étendaient deux vastes
avant-cours, l'une bordée à droite par une grille,
A gauche par une terrasse sur laquelle fut construit
un commun spacieux, de 420 toises de longueur,
de l'extrémité duquel partait une autre
grille qui servait de clôture et d'entrée; l'autre
était telle qu'on la voit aujourd'hui.
Voici d'ailleurs, en résumé et d'après des au-
teurs contemporains, quel était l'aspect général de
cette somp'tueuse résidence, pendant les dernières
années du comte de Toulouse et les premières du
duc de Penthièvre, c'est-à-dire entre 1730 et 1750.
Le château de Rambouillet est situé au fond
d'une vallée, au 'Milieu des eaux et des bois. On y
arrive par une magnifique avenue d'arbres qui s'arrête
à la première avant-cour; à gauche de la seconde,
règne uiiheau bâtiment décoré de trois avant.
corps, dans lequel sont la capitainerie, les cuisines,
les offices et les écuries. La principale écurie peut
contenir cent deux chevaux, et est ornée de deux
cent quatre tètes de cerfs bien sculptées, coloriées
par Desportes, avec des bois naturels audessus,
sont cinquante-quatre appartements de
maîtres, commodes et bien meublés.
Le château est un bâtiment à l'antique, flanqué
d'une grosse tour et de cinq tourelles en poi-

78 LE CHÂTEAU, LE PARC,
vrière, entièrement construit degrés et de briques.
11 a l'aspect généralement triste et sévère.
La cour d'honneur en est petite et fermée par une
superbe grille de fer; l'appartement du roi y est
surtout remarquable, tant par sa grandeuret sa
commodité, que par la magnificence et la somptuosité
de ses meubles. La première pièce dent il
est composé, est une grande salle de 50 pieds de
longueur sur 30 environ de largeur (4); elle est
entièrement lambrissée et ornée des portraits de
Louis XIV, du dauphin son fils, du dauphin
son petit-fils, de la dauphine, morte en 1712, de
Philippe V, roi d'Espagne, et de la reine, sa première
femme, enfin du portrait de Louis XV. On
remarque aussi, dans cette salle, une carte peinte
sur toilé du duché de Rambouillet, qui occupe un
espace de 27 pieds de longueur sur 12 de hauteur
ce morceau, magnifique cri son genre, a coûté
dix nulle écus. Les autres appartements, au nombre
de vingt-deux, sont tous différemment décorés
et ne se ressemblent que par le bon goût, le luxe
et la richesse de l'ornementation ou de l'ameublement.
Le rez-de-chaussée, qui s'ouvre sur les
jardins, est tout aussi bien éclairé que les étages
supérieurs; on y remarque une grande salle à
(t) Cette salle était aussi appelée la Salle des gardes.
C'est le grand salon d'aujourd'hui, -

LES JARDINS. 79
manger, incrustée de marbres, et qui serait une
pièce parfaite, si elle avait un peu plus de hauteur.
Du côté des jardins, une superbe pièce d'eau de
180 toises (350 mètres 827 millimètres) de longueur,
fait face au château ; elle communique
avec un beau canal, qui règne le long des jardins,
large de 17 toises (34 mètres), sur une longueur de
près de 380 toises (740 mètres 637 millimètres),
sans compter le retour qu'il fait du côté de la futaie
et du côté de l'abreuvoir, formé d'un grand bassin
circulaire. Aux angles de cette magnifique pièce
d'eau, les canaux se ramifient et forment, de chà-
(lue côté, quatre îles couvertes de fraîches prairies,
à l'exception des deux îles circulaires, des Roches
et des Festins, qui sont couronnées de hautes-futaies
(1).
Le château divise les jardins en deux parties.
A droite, c'est un immense quinconce de tilleuls,
planté par le comte de Toulouse Sur l'emplacement
d'un autre 'quinconce moins spacieux; à
gauche, c'est un vaste parterre bordé des deux-côtés
(1) Aujourcïhui il n'y a que trois Îles de chaque côté;
mais.ù l'époque dont nous parlons, une quatrième lie,
présentant une longue plate-bande, occupait le milieu de
chacun des deux canaux qui mènent aux deux 11es circulaires.
-

80 ix CHATEAU, LE PARC,
de magnifiques avenues de tilleuls régulièrement
palissées. Au milieu de ce parterre, une pièce
d'eau carrée, échancrée aux angles et entourée de
six statues de marbre. Dans les CoIflp3rtifl)nt5 du
parterre, sont disséminés d'autres statues et des
vases élégants, qui se détachent sur des gazons
fleuris. Au bout de tout cela, la nouvelle pièce
d'eau, terminée en hémicycle, environnée de pelouses
et d'une multiple avenue d'arbres. Enfin,
entre le parterre et les maisons qui bordent la
grande rue du bourg (le Rambouillet, un grand
jardin potager admirablement planté et séparé
seulement par une grillé de fer qui règne tout au
long de la belle avenue de tilleuls (1).
Le comte de Toulôuse fit replanter en entier
les avenues du grand parc, auxquelles .onraccôrda
les parties de terre et de bois qu'il venait d'y ajouter.
Le duc de Penthièvre entretint avec un soin
religieux ces plantations faites par son père. Dans
le courant du siècle dernier, un violent ouragan
avait renversé , ou fait incliner vers le nord-est
la plus grande partie de ces arbres, jeunes encore;
le prince les fit redresser un à un, et main-
(1) Nous avons refait cette description d'après le Dictionnaire
de la 1%Iartinière, te Voyage pittoresque aux environs
de Paris, par le sieur D., en 1755, les trois gravures
de Rigault et plusieurs anciens plans manuscrits.

LES JARDINS.
tenir à grands frais par de forts tuteurs. Dans ce
temps-là, le beau était un but auquel ladépense
n'était point un obstacle. Aussi, rien n'était beau
comme ces longues avenues d'ypréaux, d'ormes
et de tilleuls; rien n'était sombre comme ces
larges quinconces de marronniers qui déco-
raient le grand parc de Rambouillet. Aujourd'hui
nous ne voyons plus que les ruines de ces splendides
voûtes de verdure, mutilées qu'elleb ont été
par le temps et la violence des ouragans, et dont
les derniers arceaux, condamnés sans retour, sont
en train de s'écrouler sous la hache inexorable de
l'administration forestière.
Pou ren rendre la chasse plus facile et plus agréable,
le comte de Toulouse avait encore fait percer
plus de 300 lieues d'avenues dans les 28,000 arpents
de forêt qui couvraient son duché; ces avent!esétaient
bordées dé magnifiques cordons qui les
ombrageaient, et qui, depuis 4830, sont aussi: foin
bés-pour-ahler grossir le chiffre du prix des ventes
de bois, faites annuellement au profit de lÉtat,
Quelques Mémoires du temps nous apprennent
que Louis X1V, venait de Versailles pour visiter Son
fils ù Rambouillet. En 1713, entre autres, ilyviht
avec madame de Mainten6n, dont le comte de Toubuse
avait été l'élève. C'est pendant ce voyage 4
que se serait passée, en présence du roi, de la marquise.et
du prince, une scène fort vive et des Plus
G
81
f4.
CH
tL»

82 - LE CHATGAU, LE PARC,
scandaleuses, racontée par Saint-Simon, entre
le duc de Berry et la duchesse sa femme (1).
Sans entrer dans (les détails particuliers, qui
nous mèneraient beaucoup trop loin, nous nous
bornerons Û (lire que Kanibbuillet, dès qu'il fut
possédé par les princes, était souvent visité par le
roi et la famille royale, attirés par la beauté et la
commodité de la chasse chez le duc de Penthièvre,
qui avait été nommé grand-veneur après la
mort de son père.
Le duc de Penthièvre était né au château de
£ Rambouillet, le 46 novembre 175. Son édilcntioh
fut confiée au maiquis de Pardaillan, officier-général
de la marine; il eut pour sous-gouverneurs
MM. de Lizardet et de La Clue. Pour instruire-le
jeune enfant, futur grand-amiral, on avait fait
faire une petite flottille qui voguait à pleines voiles
sur la grande pièce d'eau. Il n'avait que douze ans
lorsque son père mourut, en 1737; et il se maria
Je 29 décejiibre 4744, à Marie-ThérèseFéljcité
d'Est, fille du duc de Modène et tic Cliarlotte-4bé
d'Orléans (mademoiselle de Valois). La duchesse,
enlevé6 à la fleur de son âge, mourut le 30 avril
1754, en donnant le jour à un enfant qui, ne put
lui survivre. Son convoi, suivi des pauvres qui la -
0 pleurèrent comme une-mère, partit pour Rani
(L) SAINT-SinoN, SuppI. aux Mmoires.

LES JARDINS.
bouillet, où cite fut déposée dans le caveau de sa
famille. Le prince, inconsolable, partit pour l'Italie
accablé de douleur, visita Rome, Naples et Mo'
déne,mais il revint S France sans que le voyage
ait, pu amortir ses regrets; il rie voulut jamai& se
remarier, tant par amour pour ses enfants que par
le souvenir de celle qu'il avait si tendrement
aimée.
Le duc de Penthièvre passait habituellement
quelques mois de l'hiver à Paris et û Versailles;
mais préférant le séjour de ses terres, il partageait
entre elles tout le reste de l'année. Sceaux, Anet,
CMteauneuf, Châteauvillain, Armainvilliers, Vernon,
Rambouillet le possédaient tour à tour. De
cette manière, une partie de ses immenses revenus
se trouvait dépensée dans chacun de ses domaines,
où chaque année il venait renouveler ses bienfaits
et recevoir les bénédictions des malheureux
qu'il soulageait.
Ce prince ne fit point d'importantes modifications
à Rambouillet, que son père avait si ,sorùptueusement
augmenté et embelli; il se borna à
l'entretenir avec le zème luxe et la même magnificence.
C'est lui qui, le premier, fit dessiner le
jardin anglais et couper la rivière en une infinité
de ruisseaux serpentant dans la prairie, qu'ils divisent
en une multitud e d'îles ombragées d'épais
massifs de verdure. Il fit construire ce roder arti-
b3

84
LE CHAI EAU , LE PARC,
ficiel qu'on voi t encore A l'endroit où la rivière
s'échappe (les canaux, et qui était alors surmonté
d'un élégant kiosque chinois, que depuis la
foudre a' renversé. Plus loin, il-fit élever cette
rustique chaumière, , à l'intérieur de laquelle on
voit ce beau salon dont toute la décoration est
faitede coquilles et de morceaux de verres incrustés.
Auprès du salon, est un petit .boudoir revêtu
- de boiùries élégamment peintes dans k goût du
temps. C'est encore lui qui fit bâtir, sur l'emplacement
du manoir seigneurial du Coudray, ce
champêtre hermitage que dérobent à la vue d' é
-paisses futaies de noisetiers, de chênes et d'arbres
vert&. 'Hâtonsnous de dire, cii faveur du goût du
prince, que les peintures pseudo-gothiques appliquées
à I'intérieurde la petite chapelle, ont été l'ai-
tes sous l'empire.
• Le dernier séjour que le duc de Penthièvre fit à
Rambouillet, avec toute sa maison, fut du 24juin au
46 juillet 4'783. Ce prince avait enfin cédé aux instantes
et persévôrntes sollicitations de Louis XVI,
et avait été contraint, plutôtqu'iI . n'avait consenti,
de lui vendre ce beau donÇaine, qu'il préférait à
toits les autres et qui était le lieu de sépulture de
toute sa famille. Cependant, avant d'achever ce
doulôureux sacrifice, avant de signer le contrat de
vente, il s'occupa à recueillir les cendrçs de son
père, de sa mère, de ses frères, de sa femme et de

LES JARDINS, 83
sesenants, et à leur préparer un nouvel asile. Au
mois de novembre suivant, loin fui prêt pour la
translation ; le funèbre convoi partit à six heures
et demie du matin de l'église de Rambouillet, accompagné
de tous les officiers de la maison, suivi
d'un long cortège de pauvrS portant des cierges
allutné, et de toute la population •en habits de
deuil et versant des larmes. Ce n'était plus les
morts qu'on pleurait, c'était ce prince vertueux
dont l'inépuisable charité soulageait toutes les misères;
c'était un protecteur qui s'en allait péur ne
plus revenir. Le cortège, grossi sur sa route de
toute la population des pays qu'il traversait, arriva
fi Dreux. Tous les cercueils furent déposés dans tin
nouveau caveau de l'église collégiale dé Saint-
.Etienne.
Une fois propriétaire de lUmbouillet, le roi ne
fit point oublier le duc de Penthièvre', mais il consola
bientôt de la perte qu'on en avait faite. Il semblait
affectionner ce domaine privé en raison des
difficultés qu'il avait eues à l'acquérir: aussi il ne
négligea rien pour l'augmenter et pour l'embellir
encore, dans le hutd'eu faire une résidence selon,
son goût et ses penchants.
Il commença par dépenser une somme de
350,000 livres en achats de terrains, et de maisons
qu'il fit démolir pour agràndir et dégager l'avant-.
cour du côté de la ville. 11 fit restaurer ) tel qu'on

LE CHATEAU, LE l'ARC,
le vit aujourd'hui, le commun sur toute sa longueur,
et fit construire la façade du midi. li téduisit.en
une seule les deux grandes avant-cours du
château, CL) SOUS le nom de Petites- écu ries, fit
construire tous ces bâtiments qui devinrent lavénone
et sont aujourd'hui le quartier de cavalerie.
Mansi'inténieur du potager qui bordait les jardins,
il fit élever un somptueux hôtel, destiné à loger le
comte d'Ahgiviller, qu'il avait .nommé gouverneur
de Rambouillet. L'entrée principale de cet hôtel
était dans la grande rue de la ville. Sur le bord de
la grande route, au-delà et en face de la pièce du
Rondeau, s'éleva un autre grand bâtiment destiné
à la vénerie, auprès de l'ancien chenil qui existait
déjà du temps.: du-comte de Toulouse. Ces divers
édifices étaient exclusivement réservés au service
du'roi et de sa vénerie. Ses frères, le comte, de
Proveïice et le comte d'Artois, avaient leurs écuries
dans diff&ents quartiers de la ville, désignées
sous les noms dEcurics de Monsieur et d'Ecu' ies
d'Artbis.
D'autres constructions, ou plus utiles ou plus
soiiptueuses, furent aussi faites dans l'intérieur
du grand parc nous voulons parler de la célèbre
Ferme expérimentale de Rambouillet, et de la jolie
Laiterie de la reine.
La Ferme fut construite sur le point culminant
du pare, sur le bord de l'étang et non loin de l'em-

LES JARDINS. 87
placement où s'élevait jadis le manoir seigneurial
de Montorgueil. Les bâtiments, tels qu'on les voit
encore, sont beaux et spacieux, et dans une situation
saine et aérée. Le but du roi, agissant sous
l'inspiration deM. d'Angiviller,adniinistrateur-général
du dornaine, était d'abord de fonder un établissement
purement agricole, pour l'exploitation
des terres du pare. On garnit la ferme naissante dé
chevaux et de bestiaux tic choix, et on la meubla
de magnifiques instruments aratoires. La direction
administrative et la comptabilité en furent
données un M. Bourgeois, alors fermier-général
(lu domaine; la culture fut confiée à un autre
M. Bourgeois, riche et habile cultivateur de b
Beauce,- qui, pour n'être pas confondu avec son
homonyme, prit le surnom de la Brelonnière, de
l'une de ses propriétés. -Ce ne fut que l'année suivante,
en 1786, que l'idée vint d'établir une bergerie
pour la prtpagation des bêtes à laine fine
en France. Ou obtint du roi d'Espagne, par l'entremise
de M. de la, Vauguyon, alors ambassadeur,
l'autorisation deîaire acheter un troupeau
de mérinos. Ce troupeau, composé de quarantedeux
béliers, trois cent trente-quatre brebis et
sept moutons conducteurs, conduit par cinq bergers
espagnols, quitta les campagnes de Ségovie
le 15 juin 4786 et arriva à Rambouillet le 12 oc
tobre suivant, réduit au nombre de trois cent
s
I-

88 LE CHÂTEAU, LE l'ARC,
trente-six individus; Il fut logé provisoirement
dans les bûtirnents de Mocquesouris et de l'ancienne
ménagerie, car la bergerie principale n'é-
tait pas encore bâtie et ne le fut qué dans les premières
années de l'empire. Telle l'origine de cc
magnifique troupeau mérinos de Rambouillet,
dont la célébrité est devenue universelle, et qui,
jusqu'au 22 juin 1848, n'a fàit que prospérer
sous la direction éclairée de MM. Bourgeois, père
etfils. -
Ce fut aussi dans cet établissement que, pdndant
plusieurs années, de savants a&'onomcs firènt
de nombreuses expériences qui excitèreiit
plus d'une fois le doute et le rire des laboureurs.
pratiques, qui avaient peine à comprendre que la
science, agricole eût une théorie et qu'on pût faire
de l'agriculture si on n'avait pas tenu soi-même
le manche de la charrue. On fit aussi de nombreux
semis d'arbres utiles, d'arbustS et d'arbrisseaux
exotiques qu'on essayait d'implanter
sur le sol de la France. Ces expériences et
ces plantations se faisaient principalement sous
la direction de M. Tessier, qui fut membre de
l'Académie des Sciences (agriculture), et de l'abbé
Noltet. C'est à leurs essais que l'on doit celte
belle futaie de chênes rouges d'Amérique qui fait
le plus bel ornement du jardin anglais. Dans le
môme jardin fut formée une vaste pépinière, dont

t'Es JARDINS. 89
oh retrouve encore des vestiges, de cyprès chauves
de la Louisiane ( cupressus dislicha), dont -les
graines, expédiées du pats même, n'arrivèrent en
France qu'après ta mort du roi et furent presque
miraculeusement conservées. C'est de cette pépinière
que sortirent tous !es cyprès chauves qui
furent plantés dans 1s jardins impériaux ou offerts
en présent à différents souverains de l'Europe.
Elle produisit aussi cette belle avenue, unique
au monde, qui traverse les jardins entre les
canaux et le Rondeau. Ces arbres -furent plantés
vers 1805 et n'ont pas encore soixante ans de
semis. Quel parti n'en pourraiton pas tirer si l'on
en introduisait la culture dans les prairies humides?
D'autres plantations (le toutes les variétés
d'arbres verts furent faites et réussirent compléjement
dans l'enclos de la Ferme expérimentale.
Marie-Antoinette, (lui n'aimait pasflarnbouillet,
disait toujours à Louis XVI, lorsqull faisait des
efforts pour la déterminer à y venir « Qu'irai-je
» faire dans cette crapaudière? » aussi le roi ne
négligea-t'il rien pour lui en rendre le séjour
plus agréable. A l'entrée de cet enclos de la Ferme-,
que devait bientôt ombrager une épaisse futaie
d'arbres verts, où le cirier de la Caroline (nynca
cerjfera) croissait déjà, ombragé par le chêne
pyramidal et le liquidambar aux feuilles balsami-
ques, il fit construire deux pavillons circulaires â
n

UO LE CHÂTEAU , LE PARC,
droite et à gauche de la grille d'entrée. Le pavillon
dé droite et les bâtiments y attenant, destinés
aux logements des gardiens; celui de gauche offrant
un élégant salon orné de quatre tableaux en
grisailles, représentant les Quatre Saisons, dus
au pinceau de Sauvage. D'épais massifs dérobaient
à la vue des étables destinées à abriter des vaeues
du plus beau choix. Au fond de celte suite
de bâtiments, s'élevait un temple de grès, dont le
fronton semi-circulaire, supporté sur deux colonnes
annelées, offrait un médaillon représentant
une vache allaitant son seau; au-dessous on lisait
cette inscription
LAITERIE DE LA REINE.
• Lorsque Marie-An Loi nette revint û Rambouillet,
on lui fit d'abord visiter.le salon, puis on la conduisit
au temple , qui jusque-là avait été masqué
par une haute palissade qu'on fit disparaître
subitement. La porte ouverte à deux battants,
permit alors de voir une grande salle ronde, surmontée
d'une coupole décorée de rosaces, dallée
-' en marbres de diverses couleurs ; tout autour une
haute console de marbre blanc, chargée de- vases
de porcelaine remplis d'in frais laitage. Dans le -
mur, des bas-reliefs représentant différents tableaux
de la sic champêtre, et des niches remplies
par de beaux vases de Sévres. Au milie(i, une

LES JARDINS-
belle table d'acajou massif, au-pied sculpté, entourée
de fauteuils, de chaises et de pliants dans
e genre étrusque, exécutés sous la direction et
d'après lès dessins de Robert,.peintre du roi. Ce
premier salon s'ouvrait sur une autre grande salle
rectangulaire, au fond de laquelle s'élevait un rocher
artificiel de pierre de vergelé, d'où s'échappaient
deux nappes d'èau tombant d'abord dans
une vasque rustique d'où elles retombaient cri
cascade dans un autre bassin, peuplé de poissons
aux vives couleurs. A droite et gauche, dans les
dalles du marbre le plus varié, quatre petits bassins
recevaient l'eau d'autant de jets d'eau; dans
le creux du rocher, une nymphe en marbre blanc
tenant Se chèvre en laisse; sur les parois de la
muraille, deux bas-reliefs, l'un représentant l'éducation
de Jupiter par les Corybantes, l'autre
Apollon chez Admète. Ces sculptures étaient dues
au ciseau de Julien ; Thévenin, architecte du roi,
avait conçu le plan du temple, dont le devis mon-
tait 5 143,900 livres.
Malheureusement, ce gracieux monument de
la galanterie de Louis XVI, na pu nous parvenir
dans touteson intégrité. Quand la révolution fut
venue, ou réserva, comme objets d'art, le mobilier,
les bas-reliefs et la statue qui décoraient ce
petit temple. Une partie des bas-reliefs fut enlevée,
très illégalement, pour aller orner la laiterie
/
UI

w
LE CHÂTEAU, LE PARC,
que madame Bonaparte avait fait faire à la Malmaison.
Après la mort de l'impératrice Joséphine,
ces objets d'art furent "endos et emportés en An
gleterre. La tnnipbe de Julien, après avoir fait l'ornement
du palais du Luxenibourg, fut transférée
aumusée du Louvre, où elle figure encore dans
les salies de la Renaissance. Le reste fat enlevé
plus tard, et l'on ignore ce qu'il est devemnL
L'empereur fit bien restaurer la Laiterie, mais
il n'eut point l'idée d'y faire rentrer ce qui en -
avait été transporté à la Malmaison. Il fit rétablir
le dallage de marbres de rapport qu'oit y voit aujourd'hui,
et placer une magnifique table de niar
bre blanc clatis le salon circulaire. La restauralion
fit effacer le chiffre de l'empereur et de Finipératrice
qui figurait au milieu de cette table, et
y substitua ces étoiles blanches qui se détachent
sur un fond rouge. Pour remplacer la Nymphe à
la chèvre, on mit dans le rocher une fort mauvaise
statue d'Androniède à laquelle fut, depuis,
substituée la Nymphe surprise au bain , oeuvre
gracieuse do sculpteur Bauvallet.
Le château, tropexigu pour la courde LouisXvl'
devait être abattu et reconstruit sur le même emplacement,
à peu près sur le même plan, mais.
dans des proportions plus développées. La façade
du côté de l'eau, flanquée de deux tourelles, devait
offrir une série de treize fenêtres à chacun de

LES JARDINS.
ses éloges, et se trônser tout à fait en face de la
grande pièce d'eau. L'architecte Thévenin avait
dressé les plans de cette nouvelle con struction qui
n'aurait pas été dépourvue d'un certain mérite,
mais qui aurait fait disparaître le modeste château
des d'Angenries. Le grand orage politique qui
ommençait à gronder sur la Fra ncevintinterrompre
ce - projet et tous, ceux que le , roi avait
conçus pour l'embellissemnt de son domaine.
Louis XVI quitta Rainhouillet, pour n'y plus
revenir, le 43 juillet 4788, le- jour, même de ce
violent ouragan qui ravagea la pluS , grande partie
de la France. - - •
1793 arriva: Bainhouillet fut, compris dans
l'administration des , 4Qornaines nationaux. On
vendit à l'encan le mobilier du-château, sauf
quelques parties, qui furent considééesçoirme
objets d'art et réservées à ce titre- ,On enleva les
grilles qui sépraient'1'avant-cour et le potager des
jardins; ces grilles furent emportées à: et
placées provisoirement. cntre la , cour1 des
ries et la place du Carr ,9usel. On vendit toutes les
dépendances détachées;:l'ôt l du gouverqeur , fut
démoli,,à l'exception des deu xailes
qui Øonnaieo
sur la rue et servaient dé communs; le potagerfut
morcelé; l'hôtel de la . ne fut pas plus
épargné. On vendit à,'s'iI- prix les-.belles avenues
de tilleuls; le parterre, bouleversé, , fut converti
93

94 LE CRATEAU, LE PARC,
en potagers privés; un large fossé sépara des jardins
la partie du Rondeau. Cette pièce d'eau devint
un abreuvoir public, et la pelouse une pMure communale,
au haut de laquelle on dressa l'intel de la
Patrie. Les canaux, négligés, se couvrirent de ro'
seaux et se convertIrent en marécages, etec fut partout
un affligeant spectacle d'abandon et de dévastation.
Chaque année on faisait une burlesque et
sauvage parodie de hi prise de la Bastille, et clincunedè
ces singeries cotaitù la grosse tour quelques
créneaux qui, depuis, furent assez adroitenient
restaurés.
Il n'y eut que le troupeau mérinos qui n'eut
point ù souffrir de ce déplorable état de choses,
pendant lequel les expériences continuaient à la
Ferme nationale, sous la surveillance de MM. Tessier,
Huzard et Gilbert, membres de la commission
d'agriculture.
Le rétablissement de l'ordre dans le gouvernement,
mit enfin un ternie à cet état de dégradation.
Napoléon 'vint pour la première fois à
Rambouillet, le 12 brumaire an xtu (dimanche
4 novembre 4804); il 'visita le chàteau, Tes jardins,
le parc, et les bergeries qui fixèrent particulièrement
son attention. Dès lors, le Palais impérial
de Rambouillet devint une de sès résidenes do
prédilection ; il donna des ordres pour réparer les
dévastations des plus mauvais jours de la iévolu-

LES JARDINS. 95
don, et il fit racheter la plus grande partie des
hAtiments et des terrains qui avaient été aliénés
en 1793.
Le jour que la machine infernale, dirigée con-
Ire la vie du Premier Consul, éclata au coin de la
rue Saint-INicaise, un monsieur passait, qui eut
une jambe emportée par l'un des projectiles. Par
malheur c'était un architecte; pour le dédommager
autant que possible, on le nomma û la résidence
de Rambouillet. L'aile gauche du château,
dans laquelle quelques lézardes s'étaient manifestées,
était étayée depuis quelques années. Le nouvel
architecte arrive , trouve que cette aile est
menacée d'une ruine imminente, et au lieu de
chercher à la réparer, sans •en référer à des ordres
supérieurs, fait immédiatement' procéder à sa démolition.
!l ne fallut rien moins que la poudre û
canon pour disjoindre les assises retenues par un
ciment séculaire. L'émpereur, justement irrité de
cet acte, d'ignorance et .de vandalisme, pourvut
immédiatement au remplacement de ce malencontreux
démolisseur.
On replanta les deux grandes avenues du parterre,
qui fut remplacé par deux épais massifs d'arbres
dagrément, divisés par d'autrés avenues secondaires
et offraiit, ù • leur centre,-deux belles
salleè de verdure, l'une de tilleuls et Fautre de
magnifiques tulipiers. Le maître n'aimait pas les

s
96 LE CIIATEÂU, LE PARC,
lieux : 110 1) découverts et craignait lest regards indiscrets.
On planta d'autres massifs sur la terasse
qui longe la grille du côté de la ville, et cette grille
fut-elle-même masquée par d'épais rideaux de peupliers.On
établit l'cfflbarcadèi'e de la grandepiéce
d'eau et ceux des iks, qui jusqu'alors avaient été
en praities découvertes, et furent plantées; d'ar-
bres et de massifs. Cette modification changea fort
heureusement l'aspect des canaux. On replanta
aussi la plupart des avenues dujardin français-dont
onrétablit les pelouses; les allées du jardinanglais
furent tracées de nouveau; on établit çà et là des
bosquets d'arbres d'agrément et «arbres verts du
plus hurenx effet, et on jelades ponts rustiques
sur les brfl nombreux de la riièr. Cette restaura-
Lion presque générale valtit une création nouvelle.
'L'empeteur avait .conçù le projet, qu'il ne put
exécuter,,tout en conservant l'ancien château, de
•faii'e construire un palais plus spacieux, sur tin
emplacement plus élevé et moins humide. Les Iravaux
qu'il fit effectuer dans le château, se bornérent
à la salle de bains qu'on voi(encore auprès
de ses appartements, qui avaient été ceux de
Louis-XVI ; à la restaurationde la petité chapelle,
qui est dans la tourelle du côté du quinconce, et
dans laquelle Dejuinne peignit une Présentation
llUb Temple. Il. fit encore, approprier et décorer
une bibliothèque et un cabinet dé travail -qui fai

LES- JARDINS. 97
salent suite aux iparteméntsde l'ihqiératrice, qui,
avant de devenir ceuk de Marie-Antoinetié, avaient
été occupés par la duchesse dé Penthièvrè et. Par
la comtesse de Toulouse (Sbphie -Marié de Noailles),
dont on voit- encore le chiffre S. M. .stiri -les
magnifiques boiseries qui -les décorent.
Dans le pare, il fit relever le petit Pavillon octogone,
autrefois élevé par le due de' Penthièvre,
dans l'île des Roches. On voyait .à I'intérieurquatre
peintures murales de Vasserot, représentant
des vues de Scboenbrunn, du Prado, de Saint-
Cloud et des Pyramides. Oejuinne avait, peint la
scène mythologique et les arabesques du plafond.
A cette époque, on eut le tort de percer une avenue
au milieu de l'île, en faisant sauter par la
mine les rochers consacrés par Rabelais et par
Julie d'Angennes. li est vrai que parçe moyen S
créd un fort joli point de vue ; mais lés roches
Perdirent
.
beaucoup de leur naturel. C'est toujours
une profanation que d'altérer d'illustres souvefiirs.
Le principal corps de l'ancien hôtel. du gouverneur
fut relevé de ses ruinas; •c( quand Marie-
Louise eut donné un . fils à l'empereur, le nouvel
édifice fut destiné au jeune enfant et reçut dés-lors
le nom de Pavillon et non pas- de Palais jia, roi
LIC Borne.
- - -
La vénerie, dont les bâtiments avaient été veludus
et démolis en 1793, fut installée dans les
- 7

98
LE CHAI EAU, , LE PARC,
écuries construites jjar Louis XVI. Elle passait â
Ilarhhouillet, suivant l'anciep usage, les mois de
mai, Juin, juillet et août. Enfin; i" l'embellisgent
èt la commodité des rendez-vous, on constrùisit
sur le bord des beaux étangs de la Tour et
de Pourras,, des' pavillôns ornés à l'intérieur de
peinturès de...cbasse.
'Pendant les plus heureuses années de l'empire,
Napoléon venait souvent à Rambouillet. Dans celte
résidence sans 'luxe, .n dont la nature était la plus
belle déèoration, il déposait souvent le pompeux
.a'ppzrCil de la majesté impériale, et s'y livrait soit
à l'entraînement d'une douce familiarité, soit au
mouvement d'une Nive gaîté. il y courait le cerf
ou chassait à tir. On lui avait dressé une fauconnerie.;
mais la chasse au vol ne lui fit pas autant
de plaisir qu'elle en a\ait procuré à François 1".:
a Mon niu; que c'est bête! (1)» s'écriat-il , la
'première fois que les , veneurs déchaperonn&'.ent
et: lancèrent lestaucops devant lui. Depuis ce
..temps onne lui en patta plus...
impérùtrice Joséphine , la reine Ilortense et
ses enfants l'y accotiipagnaient souvent; souvent
-aussi les membres .dela famille impériale ,-des
souveraitis et des princes étrangers . étaient invités
à ses brillants xendez-vous de chasse.
. .. ..
(I) Tradition tocak.

LES JARDINS. 99
Après son divorce avec Joséphine, et quand il
eut épousé Marie-Louise, le plus long séjour que
Napoléon ait fait 5 •Rambouillet avec la nouvelle
impératrice, fut du G au 17 juillet 4810. Ce fut au
palais de Rambouillet que, pendant ce séjour, fut
signé le décret qui réunissait la Hollande l'empire
(1). Après la naissance du roi de Rome, l'empereur
et l'impératrice y revinrent passer une semaine
entière, du 46 au 22 mai 4844 , pendant
laquelle Joseph, roi d'Espagne, vihtjes compli-
•mcîiter sur la naissaiice de leur fils. Le 15 de ce
mois il y eut une grandechasse au cerf; dont !e
rendez-vous rut A l'étang de la Tour, où un splendide
déjeuner fut servi sur l'herbe. C'est pendant
ce voyage, qui fut le dernier que l'pmpereur et
l'impératrice firent â Rambouillet, que fudécidée
la création de l'arrondissement. Les désastreuses
années 4812 et 4843 bannirent toutes les parties
de plaisir de la cour impériale.
Le 27 mars 1844, Marie-Louise, régente de
l'empire depuis le 25 janvier, quitta précipitamment
Paris qui.allait tomber au pouvoir des puissances
coaliséescontre la France, et vint, accompagnée
du roi de Rome, se réfugier au château de
Rambouillet. Elle y arriva suivie de toutes, les
voitures de la cour, d'une quantité innombrable
(I) 9juillet IBID.

100
LE CIIAÎEAU, LE PARC,
de fiacres et dè voitures de toutes sortes,chargées
de Parisiens qui fuyaient la capitale. !e 30,
elle en repartit avec le roi de Rouie, pour alter à
Blois; le jour même,
Y, fut remplacée-pal' le
elle
roi d'Espagne, lieutenant-général de l'empi re, qui
en repartit le lendemain pour ta suivre à Blois.
Quelque temps après, les rues de la ville, les
avenues du parc, les cours du château furent
-remplies de canons, de caissons, de bagages et
de b'estiaux de toutes espèces, de soldats de différents
corps, couvèrts de poussière, harassés do
fatigue et gisant à . terre. C'étaient les débris de
la Grande-Armée I...
• Le 11 avril suivant, Napéléon avait signé à Fon.tainébleau
l'acte d'abdication par lequel il renon-
çait, pour lui et pour-ses héritiers, aux trônes de
. France e t OEltalie. Dés le lendemain, Marié-Louise,
qui n'étiL plus que simple archiducliesC d'Au-
triche, revint à Rambouillet, accompagnée de son
jeune fils et escortée d'une bande de Cosaques.--
-Le 45 l'empereur d'Autriche arriva à Paris, ,et
le 46 il vint à Rambouillet, où saillie et son petitfils,
accompagnés de madame de Montesquiou,
descendirent le recevoir sur le perron du chÛteaÙ.
Le lendemain 47,. l'empereur entendit, la
rnesseù l'église paroissiale, visita les jardins et repartit
pour Paris. Pendant ce séjour, l'ex-impératrice
reçut les visites de l'empereur de Russie et

LES JARDINS. 101
du roi de Prusse. Le 23, elle partit pourtAutriche,
avec une escorte de deux mille Autrichiens, qui
étaient arrivés A ]Rambouillet depuis le 18, et y
avaient été logés et nourris aux frais et charge des
liA bit a n s.
Quant à Napoléon, il ne revint à Rambouillet
que dans l'après-midi du 29 juin 1845.. Cette fois,
il n'y arrivait plus suivi de ce brillant cortège de
princes et de têtes couronnées; il n'avait qu'une
suite peu nombreuse de fidèles serviteurs plus particulièrement
attachés à sa personne. Il entra pour
la dernière fois dans ce même château d'où. sa
femme et son fils étaient partis pour quitter âjaniais
la France. li choisit quelques livres dans la
bibliothèque,. et dans te château quelques objets
qu'il voulait emporter avec lui. Le lendemain 30, -
de très grand matin , il monta en voiture, au
milieu des larmes de tous ceux qu'il ne pouvait
emmener, et prit la route de Itochefort.;...
Nous ne nous arrêterons pas aux détails de l'occupation
de Rambouillet par les troupes étrangères,
ni sur le séjour de Blücher au château. Tous
ces faits sont amplement consignés ailleurs, et
nous n'avons rien de nouveau â leur ajouter.
Dès les premiers mois de la première restauration,
le duc d'Angoulême et le duc de Berry vin..
vent plusieurs fois chasser dans la forêt et cou,
cher au château de Rambouillet ;-mais les chasses
/

402
LE CtIÂIEAU, LE PARC,
ne repriPent toute leur activité qu'après les Cent-
Jours» -
Pendant toute la durée de son règne, Louis XVIII
ne vint qu'une seule fois à Rambouillet; ce fut le
27 juillet 4818. Le roi se rendit directement à.la
bergerie, fondée par soit frère, et examina avec
soin lé troupeau de mérinos. Pendant ce temps-là
la famille royale était montée sur une brillante
estrade, dressée à la Chasseuse, et la duchesse
d'Aigoulême attachait des cravates au drapeau de
la garde nationale de-Rambouillet. Après cette cérémonie,
le comte d'Artois, colonel- général de toutes
les gardes nationales, accompagné du maréchal
duc dé Reggio, -du duc de Mailléèt du duc de Polignac,
passa en revue les gardes nationales réunies
tic • Rambouillet, de Dourdan ,,' de Limours et d
Montfort.l'Aniaury; Le priube 'parut fort satisfait
de Mut' béile tenue, du mus il lesen compltmenta.Bientôt
un roulement de tambour annonça
l'arrivée du roi, qui fut reçu par le duc de Sérant,
gouverneur du château. Le "'aire et le sous-préfet
furent admis à lui présenter leurs -hommages; il
se présenta ensuite sur le balcon du grand salon,
où il fut salué par les acclamations « de la f6ule. Le
roi ne se mit à tablé qu'à sept heûres ;il ivait invité
à son couvert le maréchal de Reggio;les ducs
dAumont, de la Clttre, cIHavré, de Grariimont,
d'Avaray et plusieurs autres grands-officiers de sa-

LES JAUDLNS. £ 403
maison, qui s'y rendirent en grand unirorne de
chasse. Le roi élaitentourédu comte d'Artois, du
duc et de la duèliesse d'Migoulême, du (lue et de
la duchesse dé Berry.
Jamais la ville de Rambouillet n'avait vu une
telle affluence de population, accourue de Paris,
de Chavires et de tous les environs ; le soir, il y
eut illumination générale et grand feu d'artifice.
Le lendemain 28, il y eut une grande chasse;
dont le rendez-vous fut à l'étang de la Tour. Le
roi et les princes quittèrent Rambouillet le 29, dès
le matin. •. -
Ce fut soue le règne de Louis XVII! que le éhàteau
subit une dernière mutilation qui acheva de
k défigurer. L'architecte avait obtenu pour des
réparatiois, un crédit qu'il employa à commencer
la façade qu'on voit du côté de l'eau. Le roi
fut tellement irrité, qu'il fit suspendre les travaux
commencés et remplaça l'architecte qui avait
trop oublié l'exemple qui, sous l'empire, lui avait
été offert par sou ' pufédcesseur. Les décombres
provenant du château avaient été employés àconhier
là jolie pièce d'eau du MinSù', qui fut remplacée
par un parterre de rosiers. La seule choe
qui fut bien faite à cette époque, fut la plantation
1'un jardin nouveau, devant le comrnuh;sui Foui-
I
placement d'une prairié hiarécageuse. -
A l'aénèLhent de Charles X rien ne fut ciane.

404
LE CUÂtEAU, LE, PAne,
la vénerie continua àséjourner.ù Rambouillet pendant
Tes, quatre plus beaux mois de l'année. Le
daupbin . chassait tous les cinq jours; le roi venait
moins fréquemment, niais presque toujours accompagné
de la Famille royale.! préférait la chasse
à tir à la. chasse â courie. La faisanderie élevait
une immense quantité de gibier; Tes tirés et les
avenues du pare. ,ressemblaient à une basse-cour
bien; approvisionnée , mais sévèrement gardée.
Pendant la saison d'hiver', on faisait des tirés qui
.produisaient'une incroyable quantité de faisans,
de perdrix, de chevreuils, de lièvres et de lapins.
Le 42 septembre 1828, le duc d'Ortéa s, accompagnéde
toute sa :farnille., vint visiter le chteau et
les bergeries de Rambouillet. Au mois de septembre
de l'année suivante, le duc de Bordeaux vint y
Pa sser trois jours avec son gouverneur et son-pré -
cepteur. Le 44 mal 4830, le roi, la reine de Na
pIes et le prince de Salerne vinrent visiter Rambouillet,
et furent reçus au cMteau parla dauphine,
la duchesse de Berry et toute la famille d'Orléans.
Le duc dOrléans 'aimait béauicotip *ambouillet,
où il retrouvait des souvenirs de son aieul le duc
de Penthièvre.
Cependant. la santé du roi de France semblait
s'ltérer; les médecins lui'avaient ordohné de se
livrer plus frquemeit encore à l'exercice.de.la
chasse. De grandes chasses A èourre furônt prpje

IIS JÀRulS. 10
lées â Rambouillet, où il devait venir plus SOU.
vent.
Le dimanche 25 juillet 1830, le roi avait signé, à
Saint-Cloud, ces trois fata!es ordonnances, qui
violaient la charte constitutionnelle et portaient de
si graves atteintes à la liberté. Le lendemain 26, le
jour même de b publication de ces ordonnances,
il y eut grande chasse à courre dons la forêi de
Rambouillet. Dès neuf heures du matin, le dauphin
était descendu au château; le roi, parti plus
tard, n'arriva qu'à deux heures au rendez-vous,
qui était au poteau d'Hollande. li paraissait vivement
préoccupé et parlait souvent des ordonnances;
il quitta la chasse avant qu'on eût atteint le.
cerf, et revint en toute 1itc au château. Pendant
le dîner, il parla encore des ordonnances de la
veille, et, - sur les huit heures, monta en voiture
pour retourner à Saint-Cloud. Le dauphin, qui
ordinairement passait la nuit à Rambouillet, le
suivit.
Trois jours avaient suffi pour accomplir la révolution.
Le samedi 31 , Charles X quitta Saint-
Cloud à trois heures du matin, avec une partie de
sa garde, et se rendit à Trianon, d'où il partit dans
la soirée et arriva à Rambouillet à neuf heures et
demie, avec huit voitures de la cour et plusieurs
voitures de ville. .11 avait fait la plus grande par-
Lie de la route à cheval; il entra au château, ac-

LE CLIÂTEÀU, LE rsnc,
colupagilé dé la duchesse de Berry et de sès dent
- enfants, et se rendit dans le. salon de la peint',
st1ii d'tine'f6ule nombreuse de hauts fonctionnaires,
et desautorités de la ville. -
Lésardes-du-corps et plusieurs régim3fltS de
la garde, qui avaient suivi le roi, prirent position
autour du château, de manière à pouvoir le
préserei- d'une auaqu&rmeturne.
- Le lenddnuiin, vers neuf heuras du matin, la
`dauphine arriva dans une calèche de ville, accompagniée
du dauphin qu'elfe avait rencontré à l'avant-gaé
dé I'arméè. Le roi vint au devant d'elle
dans le àrand àloii ei lui (lit: « Ma fille, me lé
1iàdonn&-vous? » La dauphine lui répondit en
se jetant dans sès bras : Mon père, je arLagerai
tous vos malheurs! Un instant après elle
njèutaY'Nous voilà, je l'espère, réunis pour tous
jo9dr; t
Prcsju'au même instant, le comte de Girardin
arrivait de Paris, porteur d'une lettre du duc d'Orléans
adressée au roi. Un conseil de famille s'asemb1a,
qui fut suivi cFun iousüil des ministres, et
lé soir, M. de Girardin, premiér veneur, partait
acédmpagné d"uni jai:de- général, portant au prince
l r!ponse du roi qui le noniinait lieutenant-général
1u rdyaime
Pendant la nuit, plusieurs régiments de lagarde,
infanterie françaisc et suisse,"eavalerie et attill&-

LES JAUDINS. 407
rie étaient venus rejoindre l'avant-garde arrivée la
veille, et avaient formé une armée assez fôrte présentant
un corps de défense formidable, qui se
cantonna dans toutes lès avenues du pare aboutissant
au chMeau (4).
Après le dîner le dauphin monta à cheval et alla
visiter les avant-corps de l'armée. Quelques instants
après, le roi passa à pied la revue des troupes
bivouaquées dans les avant-cours du cliâtsu. La
royauté touchait alois à son moment suprêùe. Cc
fut un spectacle imposant et doulouréux que celui
qu'offrit alors la famille royale de Frince. Le roi,
vieillard presqu'octogénaire, versait d'abondantes
la pines, qui sillonnaient ses joies et ruisselaient
jusque sur les revers de son habit. 11
adressait, aux officiers prixicipau, quelques mots
entrecoupés'de sanglots. La dauphine lé suivait,
rendant tous les saluts qu'elle recevait; elle était
accablée, non seulement dé là fâtiue d'un voyage
long et précipité, mais encore du'poids des événements,
des souvenirs-du passé et de l'appi'éliension
de l'avenir. Phuvre femme! qui née sur les
degrés du trône, après avoir vu la tète de son père
et de sa mère, rouler sur l'échafaud politique, de-
(I) Les troupes qui vinrcnt.à Rambouillet étaient fortes
de 1 '2,832 hommes, 5,800 chevaux, 30 canons et 8 obusiers.
Pendant tout le séjour du roi, lartitierie resta mèche
allumée, et tout le camp fut sur la défensive

108 LE CUATEÀU LE t'AIt4,
s'ait passer sa jeunesse sur la terre étrangèS. soit
tige mûrù combattre les erreurs et à conjurer les.Iutes
de sa famille, et sa vieillesse à les pleurer clans
tin exil éternel. Venaitensuite la duchesse cleBerry,
en habits d'homme, conduisant ses deux enfants.
tomme le roi rentrait au château, il passa devant
les compagnies des gardes-du-corps; aux cris
nulle fois répétés de vive le roi se mêlèrent d'antres
cris sinistres et, provocateurs de mourons
pou" le roi! en Vendte, en Fendée! Alors un
vieillard, bahitarft de Rambouillet et fonctionnaire
publie, s'écria courageusement: « Oui, messieurs,
'ive le roi, niais non pas en Vendée; point de
guerre-civile! » Au même instant un officier supériéur
parut nO balcon, et dugeste et de la voix
apaisa cette manifestation dont les suites auraient
ptiêtre sifunestes. La nuit vint et tout rentra dans
lb silence. . .
Le lendemain - 2 août, ChrIes X signa son acte
d'abdication; le dauphin-renonçait au trône en faveur
du duc de Bordeaux; le général vicomte de
Froissac-la-Tour, fut chargé de porter celte abdi-
Lation et cette renonciation au Palais-Royal. Le
soir, cet acte était irnpriupé à Rambouillet, affiché
et distribué dans la ville et dans quelques com-
1iunes de l'a i-rôridissemènt»Oii sait-comment la
chambre des députés avait établi un gouvernement
provisoire,

LES JARDINS. 409
Le roi et tous ceux qui l'entouraient paraissaient
plongés, depuis leur arrivée à Rambouillet, dans la
plus profonde ignorance de toutce qui se passait
à Paris. Le mardi,3 août., le maréchal Maison
MM. Odilon-Barrot et de Schonen, commissaires du
gouvernement provisoire, arrivèrent de Paris et
se présentèrent au château. Ils furent introduits par
Je maréchal duc de Raguse, et reçus par le roi dans
sa chambre à coucher. Ils lui peignirent la situation
de Paris; annoncèrent qu'une masse innombrable
de Parisiens en armes était arrivée à Coignières;
que, deux heures encore, elle aurait envahi
le château ; qu'il n'y avait point un instant à
perdre, et qu'il était prudent d'ordonner. la retraite.
Charles X, encore incrédule, pria le miréchai
Maison de lui affirmer, sur l'honneur, si ce
récit n'était point exagéré. Celui-ci confirma tout
ce qui venait d'être dit le roi parut enfin convaincu.
Les commissaires sortirent de la chambre à coucher
et entrèrent dans. le grand salon. M. Odilon
Barrot dit aux généraux et aux grands-officiers de
la couronne qui s'y trouvaient réunis c Mes-
• sieurs, sauvez le roi, sauvez le roi! Tout Paris
• est à Coignières dans deux heures soixante
• ou quatre-vingt mille Parisiens seront ici. »
L'ordre de départ fut aussitôt donné, et la retraite
s'effectua avec une célérité prodigieuse entre

440 LE CilATEAU , LE PARC ,
neuf heures et demie et dix heures du soir. Le
duc de Bordeaux monta' le premier en voilure,
accompagné de son :gouverneur-et de son soUsgouvrneur;1a
duchesse de Berry et sa fille mon
tèrent dons la quatrkme voiture; le dauphin
monta à cheval, après avoir fuit placer la dauphine
et madame de Gontaud dans la cinquième. Enfin
le roi, appuyé sur le bras du sous-préfet, monta
dans la sixième, avecles'ducs de Luxembourg et
(le Polignac. Au moment où il se disposait à monter,
le duc de Raguse s'approcha de lui et lui dit:
« Sire, je vais rester encore deux heures; •vous
n'avez pas d'ordres à me donner? » -. « Non,
monsieur le niaréchal,non; répondit le roi; et il
gravit péniblement le marchepied. Le signal du
départ fut donné; une longue file de voitures suivait
celles des priuces: l'escorte et l'armée parti
rent, et peu d'instants après tout rentra dans le
calme et dans le silence.
C'est ainsi que l'antique château de Rambouillet,
qui avait vu mourir François I" et offert un
asile à Henri III fuyant sa capitale insurgée contre
lui; qui avait abrité Marie-Louise et le roi de
Rome, en 4814, et avait été la dernière résidence
impériale occupée parNapoléon en 4815, devint,
en .4830, le théâtre de l'uhilication de Charles X.
Ce vieux manoir et ses -tours gothiques qui ont
servi di efùge- à tan t de grancicurs &kcliue, et-qui

LES JÂflflINS. 411
furent, pour ainsi dire, la pierre angulaire contre
laquelle vinrent se br-jser quatorze siècles de-monarchie,
ne sont-ils pas devenus un monument à
jamais historique? I -
Nous avons déjà dépassé de beaucoup les limites
que nous nous étions posées dans cette notice, qui
n'est pourtant qu'un résumé fort incomplet de
l'histoire du domaine et du château de Rambouillet.
Nous passerons sous silence le détail de ce qui
arriva pendant les premiers jours qui suivirent le
départ de Charles X ; nous ne raconterons ni l'arrivée
de l'avant-garde des Parisiens, ni comment
elle retoui'na à Paris dans les voitures de .la cour,
préalablement criblées de balles. Nous ne dirons
pas quelle fut l'anxiété des habitants de la ville pendant.le
séjour du roi et d'une armée encore fidèle,
qui aurait pu opposer une sigoureuse résistance
aux Parisiens, si par malheur ils étaient venus
l'attaquer. Nous terminerons en racontant rapidement
ce qu'est devenu le domaine depuis ces gracs
événements.
Après la révolution de 1830, le château,, !9 parc
et la forêt de Rambouillet furent provisoirement
régis par l'administration de la maison du roi.
Mais comme en 1832 ils ne furent pas compris dans
la liste civile donnée au roi Louis-Philippe, ils
rentrèrent dans l'administration des domaines de
rEtat. Alors, les meubles et les tableaux qui garr

112
LE CHÂTEAU, LE PAPC,
nissaient le château et tous les bâtiments cii dé2
pendant, le peu de vases et de statues qui décoraient
les jardins, furent enlevés et réintégtés au
Garde-Meuble et aux musées de la liste civile. La
forêt rentra 'dans l'administration' forestière. Les
bâtiments du commun et de ta vénerie Furent
occupés par un régiment de cavalerie.
On loua la chasse (le la forêt; on loua aussi le
château et les jardins avec la -chasse du parc. Le
premier locataire du château, fut M. Schickier qui,
avec toute sa famille, l'occupa pendant douze an-
nées consécutives. Il fut remplacé par M. Duchâtel,
dernier ministre de la monarchie de juillet
4830, dont le bail o expiré le fl mai 4849. Depuis,
on'a tenté une nouvelle adjudication le
20 décembre 1849, mais on n`à pas trouvé de locataire.
Sous ce nouveau régime, les jardins françis
ut anglais ont beaucoup perdu de leur ancienne
splendeur, la serpe et le croissant y ont joué un
rôle beaucoup plus actif que la binette et le râteau.
Néanmoins, le pare et les jardins de. Rambouillet
sont toujours restés l'une des plus belles
promenades des environs de Paris.
finpritnéro d'RtYNAL, à Rambouillet.,