VOLTAIRE ET LA CHINE - Ville de Genève
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<strong>VOLTAIRE</strong> <strong>ET</strong> <strong>LA</strong> <strong>CHINE</strong><br />
OBJ<strong>ET</strong>S EXPOSÉS<br />
L’Orphelin <strong>de</strong> la Chine à Pékin<br />
1. Yu Maoyang, Voltaire et la Chine, calligraphie originale, Shendong, 2002, Institut et<br />
Musée Voltaire, <strong>Genève</strong>.<br />
Yu Maoyang est directeur <strong>de</strong> l’Institut <strong>de</strong>s Beaux-Arts <strong>de</strong> Shendong, et membre <strong>de</strong> l’Académie <strong>de</strong>s Beaux-Arts<br />
<strong>de</strong> la République Populaire <strong>de</strong> Chine. Au départ œuvre <strong>de</strong> comman<strong>de</strong>, cette calligraphie a été offerte par l’artiste<br />
à la <strong>Ville</strong> <strong>de</strong> <strong>Genève</strong> à l’occasion <strong>de</strong> la présente exposition.<br />
2. Voltaire, L’Orphelin <strong>de</strong> la Chine, et Ji Junxiang, L’Orphelin <strong>de</strong> la maison <strong>de</strong> Tchao, tragédies<br />
représentées en 1990 à Tianjin, films diffusés en continu pendant l’exposition.<br />
La traduction <strong>de</strong> M me Meng Hua a servi <strong>de</strong> base à cette production chinoise <strong>de</strong> la tragédie voltairienne. La mise<br />
en scène met en relief, dans une sorte <strong>de</strong> vision comparatiste, les <strong>de</strong>ux tragédies <strong>de</strong> L’Orphelin : la version<br />
chinoise traduite par le père <strong>de</strong> Prémare, et dont Voltaire eut connaissance par l’intermédiaire <strong>de</strong> Du Hal<strong>de</strong>, et<br />
celle que le maître <strong>de</strong>s Délices s’est fait fort <strong>de</strong> présenter aux Comédiens Français. On notera l’effet <strong>de</strong> contraste<br />
produit par les <strong>de</strong>ux mon<strong>de</strong>s en présence : d’une part le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s personnages traditionnels <strong>de</strong> l’opéra chinois,<br />
d’autre part celui <strong>de</strong>s figures plus stéréotypées <strong>de</strong> la tragédie française.<br />
3. Voltaire, L’Orphelin <strong>de</strong> la Chine, et Ji Junxiang, L’Orphelin <strong>de</strong> la maison <strong>de</strong> Tchao, tragédies<br />
représentées en 1990 à Tianjin, photographies <strong>de</strong> scène, collection particulière.<br />
En fond <strong>de</strong> scène, sur une estra<strong>de</strong> légèrement surélevée, l’univers à la fois très coloré et très lumineux <strong>de</strong>s<br />
personnages <strong>de</strong> l’opéra chinois présente l’histoire <strong>de</strong> La Maison <strong>de</strong> l’Orphelin <strong>de</strong> Tchao, tragédie <strong>de</strong> Ji Junxiang<br />
traduite par le père <strong>de</strong> Prémare et dont Voltaire a eu connaissance par Du Hal<strong>de</strong>. Sur l’avant-scène, dans un<br />
espace <strong>de</strong> jeu plus conséquent, se déroule la tragédie <strong>de</strong> Voltaire. Le personnage <strong>de</strong> Zamti (gros plan) apparaît<br />
nettement plus âgé qu’Idamé, ce qui correspond effectivement au vœu initial <strong>de</strong> Voltaire, mais a suscité <strong>de</strong>s<br />
discussions lors <strong>de</strong>s différentes reprises : comment, en effet, Gengis-Kan pouvait-il être jaloux d’un vieillard ?.<br />
4. Voltaire, L’Orphelin <strong>de</strong> la Chine, et Ji Junxiang, L’Orphelin <strong>de</strong> la maison <strong>de</strong> Tchao, tragédies<br />
représentées en 1990 à Tianjin, livret d’acteur avec ratures et corrections, collection<br />
particulière.<br />
Deux types <strong>de</strong> corrections apparaissent clairement : suppressions <strong>de</strong> quelques vers sans doute difficilement<br />
conciliables avec la représentation simultanée <strong>de</strong> la tragédie <strong>de</strong> Ji Junxiang, et retouches à la traduction. On<br />
dénombre en tout une vingtaine <strong>de</strong> corrections <strong>de</strong> <strong>de</strong>rnière minute.<br />
1
5. Voltaire, L’Orphelin <strong>de</strong> la Chine, et Ji Junxiang, L’Orphelin <strong>de</strong> la maison <strong>de</strong> Tchao, tragédies<br />
représentées en 1990 à Tianjin, programme, collection particulière.<br />
Après avoir présenté, en couverture, Voltaire en médaillon et L’Orphelin <strong>de</strong> la Chine traduit en caractères<br />
rouges, le programme <strong>de</strong> 1990 offre une brève analyse <strong>de</strong> la pièce ainsi que la distribution complète. Un ban<strong>de</strong>au<br />
<strong>de</strong> personnages stylisés semble inviter à une lecture mo<strong>de</strong>rne <strong>de</strong> la tragédie.<br />
6. Voltaire, L’Orphelin <strong>de</strong> la Chine, et Ji Junxiang, L’Orphelin <strong>de</strong> la maison <strong>de</strong> Tchao, tragédies<br />
représentées en 1990 à Tianjin, invitation officielle, collection particulière.<br />
Cette invitation à double volet renferme une série <strong>de</strong> feuillets plus fins sur lesquels sont rappelées les histoires<br />
conjuguées <strong>de</strong> la pièce et <strong>de</strong> la production <strong>de</strong> Tianjin.<br />
7. Voltaire, L’Orphelin <strong>de</strong> la Chine, acte III, traduction en chinois <strong>de</strong> Mme Meng Hua,<br />
manuscrit autographe avec ratures et corrections, collection particulière.<br />
On imagine la difficulté consistant à traduire une tragédie en alexandrins dans une langue aussi éloignée <strong>de</strong> la<br />
nôtre que peut l’être le chinois. Une première tentative <strong>de</strong> traduction partielle avait toutefois déjà vu le jour en<br />
1943, c’est-à-dire au plus fort <strong>de</strong> la guerre sino-japonaise. Elle était l’œuvre <strong>de</strong> Zhang Ruogu. Il s’agissait,<br />
comme le rappelle Mme Meng Hua, <strong>de</strong> « relever le moral <strong>de</strong> ses compatriotes face aux envahisseurs japonais. »<br />
8. Voltaire, L’Orphelin <strong>de</strong> la Chine, et Ji Junxiang L’Orphelin <strong>de</strong> la maison <strong>de</strong> Tchao, tragédies,<br />
édition <strong>de</strong> la Bibliothèque Nationale <strong>de</strong> Chine, Pékin, 2001, Institut et Musée Voltaire,<br />
<strong>Genève</strong>.<br />
Cette édition, réalisée en seulement cent exemplaires, a une valeur symbolique évi<strong>de</strong>nte, rehaussée encore par le<br />
luxe et la précision avec lesquels elle a été pensée : bois précieux du sud <strong>de</strong> la Chine pour orner les marges <strong>de</strong> la<br />
couverture, pleine peau sur la couverture et les tranches. Un exemplaire en fut offert à Jacques Chirac lors <strong>de</strong> la<br />
visite du vice-premier ministre <strong>de</strong> la République Populaire <strong>de</strong> Chine en France, à la fin 2001. L’Orphelin <strong>de</strong>vient<br />
ainsi, par le truchement <strong>de</strong> cette exceptionnelle édition, un véritable « intermédiaire culturel » entre la Chine et le<br />
mon<strong>de</strong> francophone.<br />
9. René Pomeau, Lettre à Mme Meng Hua, 30 juillet 1990, collection particulière.<br />
Dans cette lettre écrite après son retour <strong>de</strong> Chine, où il est resté quinze jours avec son épouse, René Pomeau,<br />
grand spécialiste <strong>de</strong> l’œuvre <strong>de</strong> Voltaire, se dit touché <strong>de</strong> « l’infatigable et si amicale sollicitu<strong>de</strong> » <strong>de</strong> M me Meng<br />
Hua. Il mentionne la première journée du colloque organisé par sa collègue chinoise, « où les représentations <strong>de</strong>s<br />
<strong>de</strong>ux Orphelin furent pour nous si impressionnantes. » A la suite <strong>de</strong> cette visite, M me Meng Hua sera élue correspondante<br />
<strong>de</strong> la Société d’Histoire littéraire <strong>de</strong> la France en Chine.<br />
10. René Pomeau, Lettre à M me Meng Hua, 18 septembre 1990, collection particulière.<br />
René Pomeau <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à sa correspondante <strong>de</strong>s renseignements relatifs aux représentations conjointes <strong>de</strong><br />
L’Orphelin <strong>de</strong> la Chine et <strong>de</strong> L’Orphelin <strong>de</strong> la maison <strong>de</strong> Tchao, en vue d’une conférence sur le sujet. Il semble<br />
que son séjour chinois ait quelque peu modifié le point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> René Pomeau sur le théâtre <strong>de</strong> Voltaire : on sait<br />
en effet que ses investigations scientifiques se sont rarement portées sur Voltaire dramaturge.<br />
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Voltaire et Mao : L’Orphelin <strong>de</strong> la Chine en 1965<br />
11. Jean Bruller, L’Orphelin <strong>de</strong> la Chine, esquisse <strong>de</strong> décor réalisée pour la production <strong>de</strong><br />
1965, Bibliothèque-Musée, Comédie Française, Paris.<br />
Les <strong>de</strong>ssins d’avant-guerre <strong>de</strong> Vercors (qui, pour L’Orphelin <strong>de</strong> la Chine, reprend exceptionnellement son véritable<br />
nom) laissent entrevoir un mon<strong>de</strong> dérisoire, où l’homme semble perdu dans une immensité sans retour.<br />
Dominent, dans les compositions ainsi créées, le noir et le gris. Cet univers fondamentalement pessimiste,<br />
parfois agrémenté d’une touche ironique, se trouve fortement atténué ici. Les Divagations… que Vercors écrit à<br />
son retour <strong>de</strong> Chine, au début <strong>de</strong>s années cinquante, semblent confirmer le caractère optimiste et vitalisant du<br />
mon<strong>de</strong> chinois. Les décors et costumes <strong>de</strong> Vercors seront généralement appréciés du public et <strong>de</strong> la critique.<br />
12. Jean Bruller, François Chaumette dans le rôle <strong>de</strong> Gengis-Kan, esquisse <strong>de</strong> costume,<br />
Bibliothèque-Musée, Comédie Française, Paris.<br />
C’est en 1957 que François Chaumette entre à la Comédie-Française. Il y interprète <strong>de</strong> très nombreux rôles,<br />
parmi lesquels Mac Duff (Macbeth), Don Louis (Don Juan), Henry IV (dans la pièce éponyme mise en scène par<br />
Piran<strong>de</strong>llo). Il a également mis en scène Les Gracques <strong>de</strong> Giraudoux et Nicomè<strong>de</strong>. Le public le connaît toutefois<br />
davantage pour Belphégor, série télévisée <strong>de</strong>s années soixante où il jouait aux côtés <strong>de</strong> Juliette Gréco. Il nous a<br />
récemment quittés.<br />
13. Jean Bruller, Jean-Louis Jemma dans le rôle <strong>de</strong> Zamti, esquisse <strong>de</strong> costume, Bibliothèque-<br />
Musée, Comédie Française, Paris.<br />
Un an avant <strong>de</strong> jouer L’Orphelin, Jean-Louis Jemma se rendait à Leningrad (là même où se trouve, encore<br />
aujourd’hui, la bibliothèque <strong>de</strong> Voltaire jadis rachetée par Catherine II) et y interprétait, avec la troupe <strong>de</strong> la<br />
Comédie-Française, Andromaque. Jean-Louis Jemma était Pyla<strong>de</strong> et Bérengère Dautun Céphise.<br />
14. Jean Bruller, Page du roi Louis XV, esquisse <strong>de</strong> costume, Bibliothèque-Musée, Comédie<br />
Française, Paris.<br />
L’idée <strong>de</strong> Jean Mercure était celle d’un double spectacle : la tragédie visait, outre le public <strong>de</strong> la salle Richelieu,<br />
les personnages <strong>de</strong> Voltaire et Louis XV, qui déambulaient sur la scène. On remarquera que le costume <strong>de</strong> ce<br />
page ne diffère qu’en peu <strong>de</strong> choses <strong>de</strong> la ligne qui est celle <strong>de</strong>s costumes précé<strong>de</strong>nts –comme s’il s’agissait,<br />
finalement, <strong>de</strong> faire aussi <strong>de</strong> l’écrivain et du monarque <strong>de</strong>s êtres <strong>de</strong> fiction.<br />
15. Jean Bruller, Clau<strong>de</strong> Winter dans le rôle d’Idamé, esquisse <strong>de</strong> costume à dominante rose,<br />
Bibliothèque-Musée, Comédie Française, Paris.<br />
Entrée à la Comédie-Française le 1 er septembre 1953, Clau<strong>de</strong> Winter y a interprété près <strong>de</strong> quatre-vingts rôles<br />
différents, l’une <strong>de</strong> ses <strong>de</strong>rnières prestations étant celle <strong>de</strong> Deborah, dans Une sorte d’Alaska, d’Harold Pinter, en<br />
1987. C’est à cette date qu’elle <strong>de</strong>vient doyenne <strong>de</strong>s Comédiens-Français, avant <strong>de</strong> se retirer, en août 1988.<br />
16. Jean Bruller, Clau<strong>de</strong> Winter dans le rôle d’Idamé, esquisse <strong>de</strong> costume à dominante bleue,<br />
Bibliothèque-Musée, Comédie Française, Paris.<br />
Au centre <strong>de</strong> la pièce, et sans cesse tiraillée entre l’amour <strong>de</strong> Gengis, la foi qu’elle a promise à Zamti, la peur<br />
d’Asséli et l’amour <strong>de</strong> son fils, le personnage d’Idamé capte tous les regards, toutes les attentions : on comprend<br />
que ce soit à son sujet que Vercors se soit principalement posé la question d’une couleur propre à répondre à tant<br />
d’exigences.<br />
3
17. Jean Bruller, Bèrengère Dautun dans le rôle d’Asséli, huile sur bois, Bibliothèque-Musée,<br />
Comédie Française, Paris.<br />
Bérengère Dautun, qui a fait une très longue carrière à la Comédie-Française, a en particulier interprété le rôle <strong>de</strong><br />
Nell <strong>de</strong> Fin <strong>de</strong> partie, <strong>de</strong> Samuel Beckett, dans la mise en scène <strong>de</strong> Gildas Bour<strong>de</strong>t, en 1988.<br />
18. Vercors, Les Divagations d’un Français en Chine, texte illustré <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ssins <strong>de</strong> l’auteur,<br />
éditions Kailash, Paris, 1998, 2 volumes, collection particulière.<br />
Rita Barisse Vercors, épouse <strong>de</strong> l’écrivain, rappelle dans ce qu’elle nomme la « préface d’une compagne <strong>de</strong><br />
route » quelles furent les circonstances <strong>de</strong> la naissance <strong>de</strong> ce récit <strong>de</strong> voyage : « Quand Vercors et moi sommes<br />
rentrés <strong>de</strong> Chine, mon mari était décidé à ne rien écrire sur ce voyage : « Deux mois passés dans un pays aussi<br />
immense, déclara-t-il, ne donnent pas le droit d’en faire le récit. » Et pendant <strong>de</strong>ux ans il tint parole. » Mais<br />
survinrent, « à l’approche <strong>de</strong> la troisième année », les premiers signes <strong>de</strong> l’exaspération <strong>de</strong> leurs plus proches<br />
amis, « qui n’en pouvaient plus. » Que faire d’autre alors que <strong>de</strong> « coucher sur le papier tout ce que nous avions<br />
vu et entendu lors <strong>de</strong> notre voyage en Chine » ? On retiendra <strong>de</strong> ces souvenirs la découverte par Vercors <strong>de</strong> l’art<br />
chinois, et notamment <strong>de</strong> la peinture du temps <strong>de</strong>s Song.<br />
19. Affiche <strong>de</strong> la représentation <strong>de</strong> L’Orphelin <strong>de</strong> la Chine à la Comédie Française, dimanche<br />
21 février 1965, 191 e représentation, Bibliothèque-Musée, Comédie Française, Paris.<br />
Cette 191 e représentation a été l’objet d’une assez virulente campagne <strong>de</strong> presse, les détracteurs <strong>de</strong> cet Orphelin<br />
tardif lui reprochant <strong>de</strong> servir la cause <strong>de</strong> la République Populaire <strong>de</strong> Chine, reconnue l’année d’avant par la<br />
France. A noter la couleur jaune <strong>de</strong> l’affiche, en rapport, peut-être, avec la couleur <strong>de</strong> l’empereur ?<br />
20. Lettre <strong>de</strong> Yves Hucher du 9 mars 1965, Bibliothèque-Musée, Comédie Française, Paris.<br />
L’enthousiasme <strong>de</strong> Yves Hucher, très perceptible dans cette lettre, met en valeur les qualités proprement scéniques<br />
<strong>de</strong> la pièce <strong>de</strong> Voltaire, et le parti qu’ont su en tirer Jean Mercure et Vercors.<br />
21. Lettre <strong>de</strong> Sylvie Chevalley à Théodore Besterman, 26 mai 1964, Institut et Musée<br />
Voltaire, <strong>Genève</strong>.<br />
Sylvie Chevalley, bibliothécaire <strong>de</strong> la Comédie-Française, écrit à Theodore Besterman pour « répondre » à l’une<br />
<strong>de</strong>s « préoccupations » <strong>de</strong> Jean Mercure, le metteur en scène <strong>de</strong> la reprise <strong>de</strong> L’Orphelin en 1965 : « Voltaire,<br />
dans sa correspondance avec d’Argental, mentionne à plusieurs reprises la version en trois actes <strong>de</strong> ses<br />
« magots ». Existe-t-elle encore ? Si oui, elle serait probablement plus « jouable » que la version définitive en<br />
cinq actes, qui se traîne un peu. » Lettre intéressante, en ce qu’elle montre que Jean Mercure lui-même se posait<br />
<strong>de</strong>s questions sur la possibilité <strong>de</strong> représenter la pièce.<br />
22. Lettre <strong>de</strong> Sylvie Chevalley à Théodore Besterman, 10 novembre 1964, Institut et Musée<br />
Voltaire, <strong>Genève</strong>.<br />
« Nous commençons à nous occuper sérieusement <strong>de</strong> L’Orphelin <strong>de</strong> la Chine. Je dois préparer à l’occasion <strong>de</strong><br />
cette reprise, la première <strong>de</strong>puis 1833, un programme spécial, et je vous serais très obligée <strong>de</strong> me dire si vous<br />
avez connaissance <strong>de</strong> correspondances non encore publiées relatives à cette pièce, ou <strong>de</strong> documents<br />
iconographiques intéressants. » L’opuscule réalisé par Sylvie Chevalley offrira une intéressante synthèse <strong>de</strong>s<br />
représentations <strong>de</strong> L’Orphelin à travers le temps, et s’interrogera sur le sens <strong>de</strong> la pièce.<br />
4
23. Lettre <strong>de</strong> Sylvie Chevalley à Théodore Besterman, 5 décembre 1964, Institut et Musée<br />
Voltaire, <strong>Genève</strong>.<br />
Certains documents fournis par Sylvie Chevalley à Theodore Besterman, et que celui-ci se proposait d’accueillir<br />
dans sa « revue » paraissent un peu « rébarbatifs dans leur technicité » et pourraient ennuyer les lecteurs.<br />
Quelques lignes viennent préciser que la musique <strong>de</strong> scène sera « adaptée par Philippe Girard d’après <strong>de</strong> la<br />
musique chinoise jouée par <strong>de</strong>s chinois (<strong>de</strong> Paris) sur <strong>de</strong>s instruments chinois anciens. »<br />
24. Lettre <strong>de</strong> Sylvie Chevalley à Théodore Besterman, 20 janvier 1965, Institut et Musée<br />
Voltaire, <strong>Genève</strong>.<br />
Deman<strong>de</strong> est faite à Theodore Besterman <strong>de</strong> donner, pour le livret en préparation, « une brève présentation <strong>de</strong><br />
Voltaire, et plus particulièrement <strong>de</strong> Voltaire en 1755 ». Présentation qui côtoiera la propre présentation <strong>de</strong><br />
Sylvie Chevalley, laquelle fournira un « état général <strong>de</strong>s représentations <strong>de</strong> Voltaire à la Comédie-Française,<br />
comme dans les autres livrets-auteurs. »<br />
25. Lettre <strong>de</strong> Sylvie Chevalley à Théodore Besterman, 10 février 1965, Institut et Musée<br />
Voltaire, <strong>Genève</strong>.<br />
Cette lettre, la seule à être complètement autographe, est <strong>de</strong> loin la plus importante <strong>de</strong> la série. Sylvie Chevalley<br />
veut, par l’ajout d’un paragraphe au crayon sur les épreuves <strong>de</strong> sa plaquette, « répondre à l’avance aux réflexions<br />
satiriques <strong>de</strong> tous ceux qui ne croient pas à l’Orphelin, et oublient que le rôle <strong>de</strong> la Comédie-Française est <strong>de</strong><br />
maintenir vivante [sic] les illustrations <strong>de</strong> la littérature dramatique. » La faute est intéressante : la Comédie-<br />
Française, si elle ne remplit pas ce rôle mémoratif, s’avouerait moribon<strong>de</strong>. Il est vrai que la fin <strong>de</strong> la lettre est<br />
pleinement révélatrice, puisque c’est le « secrétaire général » lui-même qui « comprend mal » que Theodore<br />
Besterman ait « envie <strong>de</strong> voir l’Orphelin <strong>de</strong>ux fois ! » La conclusion tombe d’elle-même : « On est voltairien ou<br />
on ne l’est pas ! »<br />
26. Lettre <strong>de</strong> Sylvie Chevalley à Théodore Besterman, 20 juin 1966, Institut et Musée<br />
Voltaire, <strong>Genève</strong>.<br />
Ont été récemment retrouvés dans les magasins <strong>de</strong>ux « documents » <strong>de</strong>s plus intéressants. « Il s’agit <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux<br />
robes <strong>de</strong> soie <strong>de</strong> L’Orphelin <strong>de</strong> la Chine, l’une ayant servi au comédien Vanhove (Zamti), qui a joué le rôle à<br />
partir <strong>de</strong> 1778, l’autre à Lacave (Etan), qui a joué le rôle à la reprise post-révolutionnaire. »<br />
27. Sylvie Chevalley, L’Orphelin <strong>de</strong> la Chine, monographie établie à l’occasion <strong>de</strong> la 191 e<br />
représentation <strong>de</strong> la pièce, le 21 février 1965, Comédie-Française, 1965, Institut et Musée<br />
Voltaire, <strong>Genève</strong>.<br />
Sylvie Chevalley insiste, dans cette monographie préfacée par Theodore Besterman, sur le rôle éminent joué par<br />
les comédiens dans le succès <strong>de</strong> la pièce. Elle rappelle en particulier que « Gengis-Kan fut l’un <strong>de</strong>s brillants rôles<br />
<strong>de</strong> Larive à ses débuts en 1775. » Est-ce une surprise, dès lors qu’on se souvient que Larive était l’élève <strong>de</strong> M lle<br />
Clairon ?<br />
5
La Chine aux Délices : Voltaire et sa tragédie <strong>de</strong> L’Orphelin<br />
28. Portrait <strong>de</strong> Le Kain dans le rôle <strong>de</strong> Gengis-Kan, huile sur toile par Simon-Bernard Lenoir,<br />
Bibliothèque-Musée, Comédie Française, Paris.<br />
Simon-Bernard Lenoir (1729-1791) est l’un <strong>de</strong>s meilleurs portraitistes du XVIII e siècle. Il remplaça Wyrsch<br />
comme directeur <strong>de</strong> l’enseignement du <strong>de</strong>ssin à l’Académie <strong>de</strong> Besançon. Ses portraits <strong>de</strong> Le Kain, <strong>de</strong> Voltaire et<br />
du duc <strong>de</strong> Bourbon restent ses œuvres les plus célèbres. Il est également reconnu comme un pastelliste <strong>de</strong><br />
premier ordre.<br />
L’œuvre que nous présentons entrait déjà dans le catalogue <strong>de</strong> l’exposition « Voltaire » proposée à la<br />
Bibliothèque Nationale en 1979, avec la notice suivante : « Si le célèbre tragédien a trouvé dans le théâtre <strong>de</strong><br />
Voltaire ses plus beaux rôles et, partant, connu ses plus grands succès, l’auteur lui doit d’avoir contribué à rajeunir<br />
le style <strong>de</strong>s décors et <strong>de</strong>s costumes, à rendre plus véridiques la déclamation comme la gestique. Le Kain a<br />
aidé à imposer ce goût du naturel que Voltaire tant souhaité trouver au théâtre. Dans le personnage <strong>de</strong> Gengis-<br />
Kan, le tragédien s’est efforcé d’être le plus « tartare » possible. »<br />
29. Portrait <strong>de</strong> Le Kain dans le rôle d’Orosmane, huile sur toile par Simon-Bernard Lenoir,<br />
Institut et Musée Voltaire, <strong>Genève</strong>.<br />
Le Kain a commencé à jouer Orosmane plus <strong>de</strong> vingt ans après la création <strong>de</strong> Zaïre. Le 2 avril 1755, alors que la<br />
célèbre tragédien est auprès <strong>de</strong> Voltaire à <strong>Genève</strong>, Voltaire rend compte à Jean-Robert Tronchin d’une représentation<br />
<strong>de</strong> la pièce aux Délices : « Toute votre respectable famille que j’aime tendrement sort <strong>de</strong> chez moi dans<br />
l’instant. Nous avons joué presque toute la pièce <strong>de</strong> Zaïre <strong>de</strong>vant les Tronchin et les syndics. C’est un auditoire à<br />
qui nous avions gran<strong>de</strong> envie <strong>de</strong> plaire. Calvin ne se doutait pas que <strong>de</strong>s catholiques feraient un jour pleurer <strong>de</strong>s<br />
huguenots dans le territoire <strong>de</strong> <strong>Genève</strong>. Le fameux acteur Lekain qui nous est venu voir nous a bien aidés, il a<br />
plus <strong>de</strong> sentiment que <strong>de</strong> voix. M me Denis a lu Zaïre à merveille, et j’ai fait le bonhomme Lusignan. » Comme le<br />
montre cette huile <strong>de</strong> Lenoir, le rôle d’Orosmane est un <strong>de</strong> ceux qui permettront à Le Kain <strong>de</strong> développer la<br />
réforme du « costume » entreprise <strong>de</strong> concert avec M lle Clairon.<br />
30. Fesch, Le Kain dans le rôle <strong>de</strong> Gengis-Kan, gouache, Bibliothèque-Musée, Comédie<br />
Française, Paris.<br />
Johann Ludwig Wernhard Faesch, ou Fesch, <strong>de</strong>ssinateur <strong>de</strong> miniatures, est né à Bâle vers 1738 et mort à Paris le<br />
20 mai 1778, dix jours seulement avant Voltaire. On le connaît surtout comme miniaturiste.<br />
31. Lettre <strong>de</strong> l’abbé Pezana à la Comédie Française du 4 juillet 1773, Bibliothèque-Musée,<br />
Comédie Française, Paris.<br />
Le 5 juillet 1773, un certain Jabineau (écrivain religieux qui, sous la Révolution, s’opposera aux idées nouvelles)<br />
se dit chargé « du soin <strong>de</strong> faire passer à la Comédie la traduction que M. l’abbé Pezzana a faite <strong>de</strong> L’Orphelin <strong>de</strong><br />
la Chine <strong>de</strong> M. <strong>de</strong> Voltaire. » Une mention manuscrite sur sa lettre laisse entendre quelles sont les intentions <strong>de</strong><br />
la Comédie : « répondre à M. Jabineau honnêtement et l’instruire <strong>de</strong> la lettre écrite à M. l’abbé Pezzana. »<br />
L’abbé Pezzana, dans sa lettre, ne ménageait pas les compliments <strong>de</strong> toutes sortes : « Messieurs, ne soyez point<br />
étonnés qu’un étranger ose vous présenter la traduction d’une pièce sur laquelle vous avez <strong>de</strong>s droits. C’est<br />
l’ouvrage du Sophocle <strong>de</strong> notre siècle, sous un autre habillement. L’attachement et la vénération que vous avez<br />
pour le père, m’ont fait espérer que vous voudriez bien accueillir favorablement un <strong>de</strong> ses enfants qu’il n’a pas<br />
dédaigné <strong>de</strong> reconnaître. » Suit une <strong>de</strong>scription <strong>de</strong>s représentations <strong>de</strong> L’Orphelin à la Comédie : « Je n’aurais<br />
pas cru que l’on pût porter l’illusion à un si haut point. Il fallait que je vinsse à Paris, pour me convaincre qu’il<br />
est <strong>de</strong>s acteurs aussi capables <strong>de</strong> faire naître d’excellents auteurs, que ceux-ci le sont <strong>de</strong> former <strong>de</strong>s acteurs habiles.<br />
» La lettre <strong>de</strong> l’abbé Pezzana laisse entrevoir qu’un auteur nouveau est justement en train <strong>de</strong> naître : « J’ose<br />
croire que je ne serai pas toujours borné à vous offrir <strong>de</strong>s traductions. » Sans doute effrayée <strong>de</strong> ces prétentions<br />
d’auteur, la Comédie se contente <strong>de</strong> « répondre une lettre très honnête », et prie l’abbé « d’accepter son entrée<br />
jusques à son départ ».<br />
6
32. Histoire <strong>de</strong> Gentchiscan et <strong>de</strong> toute la dynastie <strong>de</strong>s Mongous ses successeurs, conquérants<br />
<strong>de</strong> la Chine, tirée <strong>de</strong> l’histoire chinoise, et traduite par le R.P. Gaubil, <strong>de</strong> la Compagnie <strong>de</strong><br />
Jésus, Missionnaire à Péking, Paris, 1739, p. 1. Bibliothèque publique et universitaire,<br />
<strong>Genève</strong>, Gi 77.<br />
Le Père Antoine Gaubil (1689-1759), s.j., était célèbre pour ses connaissances très étendues en langue chinoise<br />
et en astronomie. Il négocia avec le nouvel empereur Yongzhen au moment où celui-ci, rompant avec la politique<br />
<strong>de</strong> son père Kangxi, s’apprêtait à expulser les missionnaires chrétiens. C’est à lui qu’on doit la première<br />
traduction du Chou King, premier <strong>de</strong>s cinq King, ouvrage <strong>de</strong> base du confucianisme.<br />
Voltaire mentionne plusieurs fois le père Gaubil dans son œuvre. Le soixantième chapitre <strong>de</strong> l’Essai sur les<br />
mœurs rappelle ainsi, au moment où il évoque Gengis-Kan, que « l’auteur chinois qui a écrit les conquêtes <strong>de</strong><br />
Gengis, et que le père Gaubil a traduit, assure que ces Tartares n’avaient aucune connaissance <strong>de</strong> l’art d’écrire. »<br />
Il n’est pas sûr cependant que Voltaire ait eu un accès direct au livre que nous présentons : peut-être s’était-il<br />
contenté du rapport déjà très complet qu’en donnait Du Hal<strong>de</strong>, dans sa Description géographique <strong>de</strong> la Chine.<br />
33. Métastase, Le Héros chinois [Eroe chinese], dans Tragédies-opéra <strong>de</strong> l’abbé Metastasio<br />
traduites en français, Vienne, 1756, tome onzième, Institut et Musée Voltaire, <strong>Genève</strong>.<br />
Dans une lettre écrite aux Délices le 21 mai 1755, Voltaire se défend <strong>de</strong> s’être inspiré <strong>de</strong> l’Eroe cinese <strong>de</strong><br />
Métastase pour construire l’intrigue <strong>de</strong> son Orphelin : « Je n’ai <strong>de</strong> commun avec Metastasio que le titre. On ne se<br />
douterait pas que la scène soit chez lui à la Chine. Elle peut être où l’on veut : c’est une intrigue d’opéra ordinaire.<br />
Point <strong>de</strong> mœurs étrangères, point <strong>de</strong> caractères semblables aux miens, un tout autre sujet, et un tout autre<br />
pinceau. Son ouvrage peut valoir infiniment mieux que le mien mais il n’y a aucun rapport. »<br />
Le lecteur peut effectivement juger qu’il n’y a aucun rapport, en parcourant l’argument livré au lecteur dès le<br />
début <strong>de</strong> l’ouvrage <strong>de</strong> Métastase : « Dans un soulèvement, l’empereur Livanio fut contraint à prendre la fuite. Le<br />
fidèle Tchao-Kong, pour sauver la vie au jeune Svengango, seul reste <strong>de</strong> la famille impériale massacrée, eut la<br />
générosité d’offrir à la mort son propre fils, du même âge que le Prince. Il le mit dans le berceau à sa place, et<br />
surmontant toute la tendresse paternelle, il le vit percer <strong>de</strong> coups. »<br />
34. Voltaire, L’Orphelin <strong>de</strong> la Chine, à Paris, chez Michel Lambert, 1755, Institut et Musée<br />
Voltaire, <strong>Genève</strong>.<br />
Nous présentons ici l’édition originale <strong>de</strong> L’Orphelin <strong>de</strong> la Chine, qui a la particularité d’être suivie <strong>de</strong> la lettre<br />
que Voltaire écrit à Jean-Jacques Rousseau, après avoir reçu le Discours sur les sciences et les arts : « J’ai reçu,<br />
Monsieur, votre nouveau livre contre le genre humain… » Cette lettre, du 30 août 1755, fut imprimée, sur une<br />
copie différente, dans le Mercure d’octobre 1755 et reproduite dans le Mercure <strong>de</strong> novembre 1755. Rousseau<br />
répond le 10 septembre 1755. Dix jours plus tard, Voltaire engage l’éditeur Lambert à imprimer cette réponse :<br />
« Vous trouverez sans doute sa lettre dans Paris, et vous pourrez l’imprimer avec la mienne. »<br />
35. Voltaire, Gengis Chan, tragedie uti fem acter, Stockholm, 1777, Institut et Musée<br />
Voltaire, <strong>Genève</strong>.<br />
On compte quatre éditions scandinaves <strong>de</strong> L’Orphelin <strong>de</strong> la Chine au dix-huitième siècle et au début du dixneuvième.<br />
La première, une édition danoise, date <strong>de</strong> 1767. Celle-ci, <strong>de</strong> dix ans postérieure, propose comme titre<br />
Gengis Chan, ce qui sera également le cas <strong>de</strong> la troisième édition, publiée la même année à Copenhague. La<br />
<strong>de</strong>rnière enfin, <strong>de</strong> 1815, fait un compromis, puisqu’elle propose « Gengis-Kan et la Chine » à ses lecteurs.<br />
36. Les Magots, parodie <strong>de</strong> L’Orphelin <strong>de</strong> la Chine en vers, en un acte, Paris, 1756, Institut et<br />
Musée Voltaire, <strong>Genève</strong>.<br />
Voltaire appelait ses « magots » les différents actes <strong>de</strong> L’Orphelin qu’il était en train <strong>de</strong> composer… La présente<br />
parodie, dont on ne sait si elle est l’œuvre d’un certain Boucher, officier au service <strong>de</strong> la Compagnie <strong>de</strong>s In<strong>de</strong>s,<br />
ou celle <strong>de</strong> l’abbé Voisenon, fut représentée aux Italiens le vendredi 19 mars 1756. Composée en vingt scènes,<br />
elle introduit Chansi et Maldamé (Zamti et Idamé), effrayés <strong>de</strong> l’approche <strong>de</strong> Chenapan (Gengis-Kan) et <strong>de</strong> son<br />
principal officier Houmar (Octar). Les premiers vers sont explicitement dirigés contre M lle Clairon, créatrice du<br />
rôle d’Idamé, qui avait choisi <strong>de</strong> se présenter « sans panier, sans pompons et sans gants. »<br />
7
37. Flaubert, Le Théâtre <strong>de</strong> Voltaire : L’Orphelin <strong>de</strong> la Chine, manuscrit autographe, Institut<br />
et Musée Voltaire, <strong>Genève</strong>.<br />
Les commentaires portés par Flaubert sur l’œuvre théâtrale <strong>de</strong> Voltaire sont relativement abondants. Il y travaillait<br />
en 1845, puisqu’il écrit à cette date à son ami Le Poitevin : « J’analyse toujours le théâtre <strong>de</strong> Voltaire ; c’est<br />
ennuyeux, mais ça pourra m’être utile plus tard. On y rencontre néanmoins <strong>de</strong>s vers étonnamment bêtes. » Dans<br />
L’Orphelin <strong>de</strong> la Chine, Flaubert dénonce surtout les incohérences psychologiques <strong>de</strong>s personnages. Zamti est<br />
celui qu’il estime le moins : « Quel personnage insipi<strong>de</strong> que ce Zamti. Allez, continue-t-il à Idamé, abandonnez<br />
ma vie à Gengis, il n’aura pas <strong>de</strong> peine à vous la donner. Il sait très bien qu’Idamé n’a nulle envie <strong>de</strong> le faire tuer,<br />
malgré sa menace. Rapprochez cela <strong>de</strong> la fameuse scène <strong>de</strong> Don Alphonse et <strong>de</strong> Lucrèce [dans Lucrèce Borgia,<br />
<strong>de</strong> Hugo] ».<br />
Représentations <strong>de</strong> la Chine au XVIII e siècle… et après<br />
38. Pompe funèbre et habits <strong>de</strong> <strong>de</strong>uil sur les morts parmi les Chinois, gravure <strong>de</strong> Van <strong>de</strong>r Aa,<br />
1700, Institut et Musée Voltaire, <strong>Genève</strong>.<br />
Hillebrand van <strong>de</strong>r Aa (1660-1721) était originaire <strong>de</strong> Ley<strong>de</strong> et fils du sculpteur Bou<strong>de</strong>wyn Pietersz van <strong>de</strong>r Aa.<br />
Il fit <strong>de</strong> nombreuses gravures pour son frère Pieter, libraire et imprimeur <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> Ley<strong>de</strong>, visita les In<strong>de</strong>s, et<br />
résidait encore à Batavia l’année <strong>de</strong> sa mort. Cette gravure, qui date <strong>de</strong> 1700, présente une pompe funèbre chez<br />
les Chinois. Il s’agissait, au tournant du siècle, d’un sujet sensible, les rites funéraires du Céleste Empire étant au<br />
centre <strong>de</strong>s querelles religieuses qui opposaient, en France, les jésuites à leurs adversaires.<br />
39. Charlatans qui se mêlent <strong>de</strong> vendre le vent à la Chine, gravure <strong>de</strong> B. Picart, 1735, Institut<br />
et Musée Voltaire, <strong>Genève</strong>.<br />
Bernard Picart (1673-1733) s’est rendu célèbre grâce à ses Figures <strong>de</strong> Mo<strong>de</strong>s et Théâtrales, « véritable encyclopédie<br />
<strong>de</strong> la mo<strong>de</strong> vers 1696 » d’après Bénézit. Installé dès 1711 à Amsterdam, où il prend la religion réformée, il<br />
mêle esprit français et goût hollandais et est rapi<strong>de</strong>ment considéré comme un <strong>de</strong>s graveurs les plus importants du<br />
début du XVIII e siècle. La représentation <strong>de</strong>s charlatans, ici très figée, reproduit fidèlement un archétype très<br />
courant sous la Régence et au début du règne <strong>de</strong> Louis XV.<br />
40. Dévôts mendiants <strong>de</strong> la Chine et charlatans qui se promènent sur <strong>de</strong>s tigres apprivoisés,<br />
gravure <strong>de</strong> B. Picart (1735), Institut et Musée Voltaire, <strong>Genève</strong>.<br />
L’intérêt <strong>de</strong> cette gravure rési<strong>de</strong> dans l’évi<strong>de</strong>nte confusion <strong>de</strong>s In<strong>de</strong>s et du domaine chinois. Ce sont <strong>de</strong>s récits <strong>de</strong><br />
voyages aux In<strong>de</strong>s qui, en effet, s’interrogent sur la possibilité d’apprivoiser <strong>de</strong>s tigres. Les « dévôts<br />
mendiants », en revanche, ne sont pas sans faire songer à l’arrivée <strong>de</strong> Matteo Ricci en Chine : on se souvient que<br />
Ricci avait troqué l’habit <strong>de</strong>s bonzes, qu’il avait endossé à son arrivée, pour celui <strong>de</strong>s lettrés, les bonzes et autres<br />
religieux étant fort déconsidérés dans l’Empire du Milieu.<br />
41. Quonin, divinité domestique <strong>de</strong>s Chinois, gravure <strong>de</strong> B. Picart, 1735, Institut et Musée<br />
Voltaire, <strong>Genève</strong>.<br />
A noter, dans cette gravure, les effets <strong>de</strong> perspective et l’insistance sur le caractère nourricier <strong>de</strong> la divinité, qui<br />
contribuent à produire une vision peut-être plus rassurante du bouddhisme.<br />
8
42. Diverses sortes d’habits <strong>de</strong>s prêtres chinois, gravure <strong>de</strong> Van <strong>de</strong>r Aa, 1700, Institut et<br />
Musée Voltaire, <strong>Genève</strong>.<br />
L’indécision du titre dit assez le caractère alléatoire <strong>de</strong>s renseignements sur lesquels se fon<strong>de</strong> le graveur. Ce sont<br />
<strong>de</strong> fait les nombreuses publications <strong>de</strong>s pères jésuites qui, dès la fin du XVII e siècle, permettront <strong>de</strong> clairement<br />
différencier les « sectes » chinoises : partisans <strong>de</strong> Confucius, sectateurs <strong>de</strong> Bouddha, prêtres taoistes.<br />
43. Du Hal<strong>de</strong>, s.j., Description géographique, historique, chronologique, politique et physique<br />
<strong>de</strong> l’Empire <strong>de</strong> la Chine et <strong>de</strong> la Tartarie chinoise, La Haye, 1736, 4 vol., tome I, p. 1.<br />
Bibliothèque publique et universitaire, <strong>Genève</strong>, V 1139.<br />
Jean-Baptiste Du Hal<strong>de</strong>, s.j. (1674-1743), fut d’abord secrétaire du père Tellier, confesseur <strong>de</strong> Louis XIV. Il<br />
poursuivit ensuite le recueil <strong>de</strong>s Lettres édifiantes et curieuses… commencé par le père Le Gobien. Son œuvre<br />
principale reste toutefois cette Description géographique <strong>de</strong> la Chine, vaste compilation <strong>de</strong> tous les récits <strong>de</strong>s<br />
missionnaires jésuites en Chine, auxquels Du Hal<strong>de</strong> emprunte anecdotes, réflexions et illustrations. Cette somme<br />
<strong>de</strong>vient vite incontournable pour qui s’intéresse au mon<strong>de</strong> chinois et Voltaire l’annote abondamment. Elle sera<br />
encore d’actualité au début du dix-neuvième siècle, après que la fermeture <strong>de</strong> la Chine aux missionnaires aura<br />
tari les sources <strong>de</strong> première main.<br />
Il existe <strong>de</strong>ux éditions <strong>de</strong> l’œuvre <strong>de</strong> Du Hal<strong>de</strong>. La première, en 4 volumes in-fol., paraît à Paris en 1735. Nous<br />
présentons la secon<strong>de</strong>, en quatre volumes in 4°, publiée l’année suivante en Hollan<strong>de</strong>. Voltaire possédait<br />
l’édition hollandaise. Sur la première page, figure en médaillon le portrait <strong>de</strong> Kang-Hi [Kangxi], empereur <strong>de</strong> la<br />
dynastie <strong>de</strong>s Tsing [Qinq], célèbre en Europe pour avoir signé, en 1689, un édit <strong>de</strong> tolérance autorisant en Chine<br />
l’action évangélisatrice <strong>de</strong>s missionnaires jésuites.<br />
44. Du Hal<strong>de</strong>, s.j., Description géographique, historique, chronologique, politique et physique<br />
<strong>de</strong> l’Empire <strong>de</strong> la Chine et <strong>de</strong> la Tartarie chinoise, La Haye, 1736, 4 vol., tome II, p. 192.<br />
Bibliothèque publique et universitaire, <strong>Genève</strong>, V 1139.<br />
Du Hal<strong>de</strong> ne cache absolument pas l’origine <strong>de</strong> ses informations. S’agissant <strong>de</strong> la <strong>de</strong>scription <strong>de</strong>s bateaux<br />
chinois, il écrit : « Les cinq missionnaires jésuites qui partirent <strong>de</strong> Siam pour se rendre à la Chine, et qui<br />
s’embarquèrent le 17 <strong>de</strong> juin <strong>de</strong> l’année 1687 sur une somme chinoise, dont le capitaine était <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong><br />
Canton, eurent tout le temps pendant cette traversée, d’examiner la structure <strong>de</strong> ces sortes <strong>de</strong> bâtiments : la <strong>de</strong>scription<br />
détaillée qu’ils en ont faite, donnera une plus parfaite connaissance <strong>de</strong> la marine chinoise. »<br />
L’enseignement qu’en tire Du Hal<strong>de</strong> est catégorique : si les Chinois restent d’assez bon navigateurs dès lors<br />
qu’ils restent près <strong>de</strong>s côtes, il leur est en revanche difficile, pour <strong>de</strong>s raisons techniques, <strong>de</strong> s’aventurer en haute<br />
mer.<br />
45. Du Hal<strong>de</strong>, s.j., Description géographique, historique, chronologique, politique et physique<br />
<strong>de</strong> l’Empire <strong>de</strong> la Chine et <strong>de</strong> la Tartarie chinoise, La Haye, 1736, 4 vol., tome III, p. 321.<br />
L’histoire <strong>de</strong> Paul Siu, dignitaire chinois converti au christianisme, est très représentative <strong>de</strong> la stratégie mise en<br />
place par les missionnaires jésuites. Il s’agit d’abord <strong>de</strong> rendre compte <strong>de</strong>s dispositions naturelles du futur<br />
chrétien : « Ce sage ministre était né avec un fonds <strong>de</strong> raison et <strong>de</strong> lumières naturelles, qui lui avaient fait<br />
connaître qu’il avait une âme immortelle ; et que les biens fragiles, que donnent ici-bas, ou le hasard <strong>de</strong> la naissance,<br />
ou le caprice <strong>de</strong> la fortune, ne peuvent être la récompense <strong>de</strong> la vertu. Une infinité <strong>de</strong> doutes et <strong>de</strong> pensées<br />
naissaient dans son esprit, dont il ne pouvait trouver l’éclaircissement, ni dans la Secte <strong>de</strong>s Lettrés, ni parmi les<br />
Idolâtres : il cherchait <strong>de</strong> bonne foi la vérité, et il la trouva dans les fréquents entretiens qu’il eut avec le père<br />
Ricci. » Une fois converti et baptisé du nom <strong>de</strong> l’apôtre Paul, le nouveau chrétien <strong>de</strong>vient lui-même convertisseur<br />
: « Il commença par convertir son père, âgé <strong>de</strong> quatre-vingts ans, et toute sa famille, qui était très nombreuse.<br />
Son exemple et ses discours contribuèrent <strong>de</strong> même à la conversion d’un grand nombre <strong>de</strong> mandarins. »<br />
Sa fille, même, prénommée Candi<strong>de</strong>, convertit son mari puis, <strong>de</strong>venue veuve, « se consacra entièrement à<br />
Dieu. » Rappelons que pour les jésuites, la conversion <strong>de</strong>s dignitaires et <strong>de</strong>s lettrés est la plus fructueuse, en ce<br />
qu’elle entraîne nécessairement celle <strong>de</strong>s populations qu’ils gouvernent. La mention du titre <strong>de</strong> « colao » <strong>de</strong> Paul<br />
Siu le rappelle ici explicitement.<br />
9
46. Anciennes relations <strong>de</strong>s In<strong>de</strong>s et <strong>de</strong> la Chine, <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux voyageurs mahométans, qui y allèrent<br />
dans le neuvième siècle ; traduites d’arabe : avec <strong>de</strong>s remarques sur les principaux<br />
endroits <strong>de</strong> ces relations, Paris, 1718, p. I. B.P.U., Bibliothèque <strong>de</strong> la Grange, <strong>Genève</strong>.<br />
L’abbé Eusèbe Renaudot (1646-1720), auteur <strong>de</strong> cet ouvrage, est sans doute le plus grand connaisseur <strong>de</strong>s<br />
langues orientales à la fin du XVII e siècle, principalement l’arabe, le syriaque et le copte. Les Anciennes relations…<br />
avaient, entre autres finalités, celle <strong>de</strong> ruiner l’idée d’une antiquité <strong>de</strong> la Chine, évi<strong>de</strong>mment préjudiciable<br />
à l’Ancien Testament. Notre exemplaire porte une mention autographe précisant que « M. Renaudot est le<br />
traducteur et éditeur <strong>de</strong> ces relations. M. <strong>de</strong> Guignes a retrouvé dans la bibliothèque du roi <strong>de</strong> France le ms arabe<br />
dont s’est servi M. Renaudot. » Suivent la cote du document et l’affirmation selon laquelle « M. <strong>de</strong> Guignes a<br />
prouvé que ce n’est point un ouvrage supposé. » Une notice autographe supplémentaire, mais d’une autre main,<br />
précise en bas <strong>de</strong> page que « M. Langlès a fait imprimer le texte arabe à l’Imprimerie royale » mais que « ce<br />
volume n’a pas été mis dans le commerce. » Elle le sera finalement en 1845, grâce aux soins <strong>de</strong> M. Reinaud.<br />
47. Meditationes sinicae, Lutetiae Parisiorum… [Fourmont], 1737, pp. 140-141. Bibliothèque<br />
publique et universitaire, <strong>Genève</strong>, Hh 3.<br />
Etienne Fourmont (1683-1745) se distingua très vite comme un éminent orientaliste et fut nommé en 1715 professeur<br />
<strong>de</strong> langue arabe au Collège <strong>de</strong> France, où il succéda à Galland, l’éditeur <strong>de</strong>s Contes <strong>de</strong>s Mille et une<br />
Nuits. Chargé d’établir, avec Arcadio Hoangh, jeune lettré chinois jadis présenté à Louis XIV, une grammaire<br />
chinoise, il se mit à l’œuvre. La mort <strong>de</strong> Hoangh en 1716 le laissant seul, Fourmont poursuivit son enquête sur la<br />
langue chinoise en s’entourant d’une impressionnante documentation. Quelques doutes ayant été prononcés sur<br />
son érudition, il fallut que l’abbé Bignon se livrât à une comparaison <strong>de</strong> la grammaire <strong>de</strong> Fourmont et <strong>de</strong> celle <strong>de</strong><br />
Prémare, parue en 1730, et les déclarât équivalentes, pour qu’on reconnût enfin la qualité du travail réalisé.<br />
Cependant la Grammaire chinoise <strong>de</strong> Fourmont n’était toujours pas publiée. En 1737, l’auteur en détache la<br />
partie initiale qu’il intitule Meditationes sinicae et qu’il présente enfin au public. Deux reproches sont généralement<br />
adressés à Fourmont : comme historien, il a forcé son argumentation pour, à toute force, prouver<br />
l’antiquité <strong>de</strong> la Chine ; il s’est en cela, contrairement à son collègue Fréret, privé d’une véritable métho<strong>de</strong><br />
d’investigation historique. S’agissant <strong>de</strong> sa Grammaire chinoise, certaines <strong>de</strong>scriptions sont jugées peu satisfaisantes,<br />
à l’instar d’ailleurs du volume que nous présentons, jugé par E. Bréhault « utile à consulter » mais<br />
globalement « obscur et confus. »<br />
48. Linguae sinarum mandarinicae hieroglyphicae grammatica duplex, latine, & cum<br />
Characteribus Sinensium… [Fourmont], Lutetiae Parisiorum, 1742, page <strong>de</strong> titre. Bibliothèque<br />
publique et universitaire, <strong>Genève</strong>, Hh 4.<br />
Cinq ans après avoir édité ses Meditationes sinicae, Fourmont publie cette grammaire comparée, généralement<br />
considérée comme l’œuvre <strong>de</strong> sa vie. A la fin du volume se trouve imprimé, en caractères chinois, le Catalogue<br />
<strong>de</strong>s livres chinois <strong>de</strong> la Bibliothèque du Roi, lequel mentionne près <strong>de</strong> quatre mille titres, fruit <strong>de</strong>s fructueuses<br />
relations que Fourmont entretenait avec les missionnaires jésuites envoyés dans l’Empire du Milieu.<br />
49. Dortous <strong>de</strong> Mairan, Lettres au R.P. Parrenin, Jésuite, missionnaire à Pékin, contenant<br />
diverses questions sur la Chine, Paris, 1770, Institut et Musée Voltaire, <strong>Genève</strong>.<br />
Jean-Jacques Dortous <strong>de</strong> Mairan (1678-1771) est l’un <strong>de</strong>s physiciens les plus réputés du XVIII e siècle. On le<br />
compare souvent à Fontenelle, auquel il succéda en 1740 dans la charge <strong>de</strong> secrétaire perpétuel <strong>de</strong> l’Académie<br />
<strong>de</strong>s Sciences. Deux <strong>de</strong> ses travaux ont marqué son époque : sa Dissertation sur la glace, en 1715, et surtout son<br />
Traité physique et historique <strong>de</strong> l’aurore boréale, en 1733. Dans ses Lettres au R.P. Parrenin, dont la première<br />
édition est <strong>de</strong> 1759, Dortous <strong>de</strong> Mairan se livre à une étu<strong>de</strong> comparée <strong>de</strong>s langues arabe et chinoise, et tisse entre<br />
la Chine et l’Egypte <strong>de</strong>s rapports que Voltaire se hâte <strong>de</strong> dénoncer, sitôt l’ouvrage reçu. Le patriarche <strong>de</strong> Ferney<br />
et le vieil académicien échangent quelques lettres, parmi lesquelles celles du 16 août 1761, où Voltaire écrit :<br />
« Je n’ai jamais osé vous braver, Monsieur, que sur les Egyptiens, et je croirai que ce peuple est très nouveau,<br />
jusqu’à ce que vous m’ayez prouvé qu’un pays inondé tous les ans, et par conséquent inhabitable sans le secours<br />
<strong>de</strong>s plus grands travaux, a pourtant été habité avant les belles plaines <strong>de</strong> l’Asie. Tous vos doutes, et toutes vos<br />
sages réflexions envoyées au jésuite Parrenin, sont d’un philosophe, mais Parrenin était sur les lieux, et vous<br />
savez que ni lui, ni personne, n’a pensé que les adorateurs d’un chien et d’un bœuf, aient instruit le gouvernement<br />
chinois, adorateur d’un seul Dieu, <strong>de</strong>puis environ cinq mille ans. »<br />
10
50. Discours <strong>de</strong> notre très saint Père le Pape Benoît XIV, sur la mort précieuse <strong>de</strong> Pierre<br />
martyr, Religieux <strong>de</strong> l’Ordre <strong>de</strong> Saint Dominique, traduit du latin en français, Paris, 1748,<br />
Institut et Musée Voltaire, <strong>Genève</strong>.<br />
Pierre Martyr Sanz, évêque <strong>de</strong> Mauricastre, était arrivé en Chine en 1716. Condamné à mort en 1746 et décapité<br />
le 26 mai 1747, il <strong>de</strong>vient « martyr consommé » là où ses trois compagnons <strong>de</strong> captivité, à qui « l’arrêt <strong>de</strong> mort<br />
avait été gravé sur le visage, avec <strong>de</strong>s caractères chinois », mais qui n’avaient pas été exécutés, n’étaient que<br />
« martyrs désignés ». Ce dominicain martyr est une <strong>de</strong>s victimes du début du règne <strong>de</strong> Kien-Long (Qianlong),<br />
assez peu favorable à la religion chrétienne, et qui, plus tard, s’en prendra directement aux pères <strong>de</strong> la Compagnie<br />
<strong>de</strong> Jésus.<br />
51. Voltaire, Essai sur les mœurs et l’esprit <strong>de</strong>s nations, et sur les principaux faits <strong>de</strong><br />
l’Histoire, Lausanne, 1780, chez Pott, page <strong>de</strong> titre et mention autographe, Institut et Musée<br />
Voltaire, <strong>Genève</strong>.<br />
Voltaire avait commencé à parler <strong>de</strong> la Chine dans plusieurs <strong>de</strong> ses écrits, notamment dans Le Siècle <strong>de</strong> Louis<br />
XIV. Les <strong>de</strong>ux premiers chapitres <strong>de</strong> l’Essai sur les mœurs, consacrés à la Chine, tentent <strong>de</strong> démontrer que<br />
l’accusation d’athéisme portée contre les Chinois est une imposture. Nous présentons une édition tardive, mais<br />
portant une intéressante mention autographe du Dr Moritz Grolig, <strong>de</strong> Vienne, à qui ce livre a appartenu.<br />
52. Voltaire, Traité sur la tolérance à l’occasion <strong>de</strong> la mort <strong>de</strong> Jean Calas, 1763, chapitre<br />
XIX, « Relation d’une controverse à la Chine », pp. 174-175, Institut et Musée Voltaire,<br />
<strong>Genève</strong>.<br />
La Chien est, dans les écrits <strong>de</strong> Ferney (1760-1778) très présente. Elle apparaît comme l’image même <strong>de</strong> la tolérance,<br />
dans le Traité du même nom. Elle est utile, dans le Dictionnaire philosophique, à qui veut pourfendre la<br />
religion chrétienne. Elle favorise <strong>de</strong> surcroît un certain type d’écriture dialoguée, comme ici. Mais il est vrai que<br />
Voltaire n’a composé que six ou sept ans auparavant sa tragédie <strong>de</strong> L’Orphelin <strong>de</strong> la Chine.<br />
53. Eloge <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> Mouk<strong>de</strong>n et <strong>de</strong> ses environs, poème composé par Kien-Long, Empereur<br />
<strong>de</strong> la Chine et <strong>de</strong> la Tartarie, actuellement régnant, traduit par le Père Amiot, missionnaire<br />
à Péking, Paris, 1770, Institut et Musée Voltaire, <strong>Genève</strong>.<br />
Composé d’une préface <strong>de</strong> l’éditeur, d’une préface du traducteur, d’un discours <strong>de</strong>s éditeurs chinois et tartares,<br />
d’un édit <strong>de</strong> l’empereur, d’une préface du même empereur, du poème traduit par Amyot suivi <strong>de</strong> notes, puis<br />
d’une O<strong>de</strong> sur le thé et <strong>de</strong> quelques « vers chinois », l’Eloge <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> Mouk<strong>de</strong>n, poème d’inspiration confucéenne<br />
décrivant le retour <strong>de</strong> l’Empereur sur la terre <strong>de</strong> ses ancêtres, a été commenté par Di<strong>de</strong>rot. Le festin partagé<br />
par l’Empereur avec les « vieillards <strong>de</strong> la contrée » est ainsi particulièrement réussi : « Il y a dans ces vœux<br />
un caractère <strong>de</strong> paternité qui attendrit et enchante. En général, vous ne trouverez rien dans ce poème <strong>de</strong> ce que<br />
nous appelons allégories, fictions ; mais il y a ce qu’on appellera, dans tous les pays du mon<strong>de</strong> et dans tous les<br />
siècles à venir, <strong>de</strong> la véritable poésie. » Les Chinois méritent donc d’être lus : « Je n’en aurai pas meilleure<br />
opinion <strong>de</strong>s mœurs chinoises, si vous voulez, mais je penserai avec un peu plus <strong>de</strong> réserve et moins <strong>de</strong> dédain <strong>de</strong><br />
leur littérature. » La conclusion s’impose alors d’elle-même : « Il y a… dans la langue poétique quelque chose <strong>de</strong><br />
commun à toutes les nations, <strong>de</strong> quelque cause que cela vienne. » Voltaire commente à son tour l’Eloge <strong>de</strong><br />
Mouk<strong>de</strong>n dans ses Lettres chinoises.<br />
54. Voltaire, Lettres chinoises, indiennes et tartares, <strong>Genève</strong>, 1776, Institut et Musée Voltaire,<br />
<strong>Genève</strong>.<br />
Composé <strong>de</strong> douze lettres et suivi <strong>de</strong> pièces diverses, les Lettres Chinoises <strong>de</strong> Voltaire s’ouvrent sur un commentaire<br />
<strong>de</strong> l’Eloge <strong>de</strong> Mouk<strong>de</strong>n. Un certain M. Gervais, <strong>de</strong> Romorantin, l’a en effet « sur son comptoir ». Et la<br />
discussion <strong>de</strong> s’engager avec M. Gervais. Plutôt que <strong>de</strong> proposer un commentaire véritable <strong>de</strong>s mérites du<br />
poème, ce qui ne l’intéresse guère, Voltaire en fait un prétexte à <strong>de</strong>s règlements <strong>de</strong> compte. Tandis que le narrateur<br />
loue la mo<strong>de</strong>stie <strong>de</strong> l’empereur, il aperçoit ainsi Gervais qui « grommelait entre ses <strong>de</strong>nts ». Et le cabaretier<br />
<strong>de</strong> dire : « La mo<strong>de</strong>stie <strong>de</strong> ce sage Empereur ne l’emp^che pourtant pas d’avouer ingénûment que sa petite<br />
personne <strong>de</strong>scend en ligne directe d’une Vierge céleste, sœur ca<strong>de</strong>tte <strong>de</strong> Dieu, laquelle fut grosse d’enfant pour<br />
11
avoir mangé d’un fruit rouge. » La réponse, évi<strong>de</strong>mment attendue, reproduit les schémas que Voltaire avait<br />
développés dans ses écrits précé<strong>de</strong>nts : « Cela peut révolter, lui répondis-je ; mais non pas dégoûter ; <strong>de</strong> pareils<br />
contes ont toujours réjoui les peuples ; la mère <strong>de</strong> Gengis-Kan était une vierge qui fut grosse d’un rayon <strong>de</strong><br />
soleil. » Dans le privé, Voltaire ne semblait guère estimer le poème <strong>de</strong> Kien-Long.<br />
55. Pastoret, Zoroastre, Confucius et Mahomet, Paris, 1788, Institut et Musée Voltaire,<br />
<strong>Genève</strong>.<br />
Le comte <strong>de</strong> Pastoret (1756-1840), auteur d’un Eloge <strong>de</strong> Voltaire (1779), est couronné en 1785 par l’Académie<br />
<strong>de</strong>s Inscriptions pour ses travaux, au nombre <strong>de</strong>squels ce Zoroastre, Confucius et Mahomet. Après un tableau<br />
historique et critique « long, lent et lourd », si l’on en croit le rédacteur <strong>de</strong> la Correspondance littéraire, Pastoret<br />
défend une idée simple : « Si Mahomet, dit-il, connut mieux que ses prédécesseurs l’art d’enchaîner le peuple<br />
par <strong>de</strong>s opinions religieuses, l’art plus grand d’approprier ses dogmes au climat et aux besoins naturels <strong>de</strong> ceux<br />
auxquels il annonçait sa doctrine, on ne peut se dissimuler que Confucius n’ait développé avec plus <strong>de</strong> sagesse et<br />
<strong>de</strong> profon<strong>de</strong>ur les principes <strong>de</strong> la morale, et que Zoroastre ne mérite <strong>de</strong> leur être préféré comme législateur . »<br />
« Il est dommage, précise la Correspondance littéraire, que le lecteur n’y soit pas conduit [à cette idée] par un<br />
chemin plus facile et plus court. » Pastoret se rendra plus tard célèbre pour <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r la transformation <strong>de</strong><br />
l’église Sainte-Geneviève en Panthéon patriotique. L’Académie française lui est ouverte en 1820 : il y succè<strong>de</strong> à<br />
Volney.<br />
56. Clau<strong>de</strong> Farrère, Discours aux cinq académies, manuscrit autographe, 25 septembre 1946.<br />
Clau<strong>de</strong> Farrère est, <strong>de</strong> tous les écrivains intéressés par l’extrême Orient, un <strong>de</strong>s seuls à prendre le contrepied <strong>de</strong>s<br />
Segalen, Clau<strong>de</strong>l et autres Saint-John Perse. Pour lui, « la Chine, cela n’existe pas ; cela n’a jamais existé. »<br />
Dans un article du 1 er mai 1938 intitulé « Voyage en Chine », il précisait : « Quatre cent cinquante millions <strong>de</strong><br />
Chinois qui, presque tous, sont les plus admirables <strong>de</strong>s hommes, les plus patients, les plus tenaces, les plus laborieux,<br />
les plus ingénieux… Ils n’ont jamais formé une nation que sous le joug écrasant d’empereurs étrangers,<br />
envahisseurs et farouches. Les Ta Tsinn étaient mandchous, les Youen étaient Mongols, les Ts’rinn étaient<br />
Turcs. Entre ces dynasties terribles, qui ont forgé un cadre et une armature à l’empire, quelques dynasties chinoises<br />
se sont insinuées, ont végété, puis sombré dans l’anarchie… » Un certain Richard Chevreuil répond à<br />
l’écrivain quelques mois plus tard et l’accuse d’être aveuglé par la double admiration qu’il porte à Tsiang Kaï<br />
Chek et au Japon : son analyse <strong>de</strong>s événements <strong>de</strong> Changhaï, en particulier, est erronée : « Les Changhaïens,<br />
d’après M. Farrère, n’auraient été sauvés du massacre que par l’héroïque défense japonaise. »<br />
Le présent manuscrit est un peu plus tardif (1946). Clau<strong>de</strong> Farrère est invité à prononcer un discours sur la littérature<br />
<strong>de</strong>s voyages, et plus particulièrement sur les marins écrivains. Au détour d’une analyse <strong>de</strong>s raisons qui<br />
poussent les voyageurs à écrire, Clau<strong>de</strong> Farrère fait la triste constatation d’une uniformisation <strong>de</strong>s goûts et <strong>de</strong>s<br />
mo<strong>de</strong>s, laquelle atteint même Pékin et Lhassa. L’ennemi, on l’aura compris, est à chercher plus à l’ouest. La<br />
culture extrême orientale, pour Farrère, qu’elle vienne <strong>de</strong> Chine ou du Japon, a l’avantage <strong>de</strong> ne rien imposer,<br />
contrairement au modèle américain.<br />
57. Voltaire, Candi<strong>de</strong> [traduction chinoise], Pékin, mars 2000, Institut et Musée Voltaire,<br />
<strong>Genève</strong>.<br />
58. Voltaire, Le Siècle <strong>de</strong> Louis XIV [traduction chinoise], Pékin, 1991, Institut et Musée<br />
Voltaire, <strong>Genève</strong>.<br />
59. Voltaire, Lettres philosophiques [traduction chinoise], septembre 2002, Shanghai, Institut<br />
et Musée Voltaire, <strong>Genève</strong>.<br />
60. Voltaire, Essai sur les mœurs et l’esprit <strong>de</strong>s nations [traduction chinoise], 3 volumes,<br />
Pékin, 2000, Institut et Musée Voltaire, <strong>Genève</strong>.<br />
61. Voltaire, Dictionnaire philosophique [traduction chinoise], 2 volumes, 2000, Institut et<br />
Musée Voltaire, <strong>Genève</strong>.<br />
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La Chine, arme philosophique<br />
62. Nouveaux mémoires sur l’état présent <strong>de</strong> la Chine, par le P. Louis Le Comte, <strong>de</strong> la Compagnie<br />
<strong>de</strong> Jésus, mathématicien du roi, 1697, t. I, p. 214, « Ecolier chinois ». Bibliothèque<br />
publique et universitaire, <strong>Genève</strong>, Fa 897-1.<br />
Louis Le Comte, mathématicien et astronome, reste quatre ans à Pékin, <strong>de</strong> 1688 à 1692. De retour en France, où<br />
il <strong>de</strong>vient confesseur <strong>de</strong> la duchesse <strong>de</strong> Bourgogne, il tente <strong>de</strong> combattre les missionnaires <strong>de</strong> la congrégation <strong>de</strong>s<br />
Missions Etrangères, hostile aux jésuites, en publiant ses Nouveaux Mémoires… Le résultat est désastreux : non<br />
seulement le panégyrique insistant qu’il fait <strong>de</strong> la pensée et <strong>de</strong> la civilisation chinoises se retourne contre la cause<br />
qu’il voulait défendre, mais il ouvre <strong>de</strong> surcroît <strong>de</strong> dangereuses perspectives aux ennemis <strong>de</strong> la religion. Son<br />
ouvrage, très intéressant et fort richement documenté, présente d’abondantes illustrations qui seront reprises par<br />
Du Hal<strong>de</strong> trente ans plus tard.<br />
63. Nouveaux mémoires sur l’état présent <strong>de</strong> la Chine, par le P. Louis Le Comte, <strong>de</strong> la Compagnie<br />
<strong>de</strong> Jésus, mathématicien du roi, 1697, t. II, p. 209, « Grégoire Lopez, chinois <strong>de</strong> nation,<br />
<strong>de</strong> l’Ordre <strong>de</strong> S t Dominique, Evêque <strong>de</strong> Basilée, et vicaire apostolique à la Chine ». Bibliothèque<br />
publique et universitaire, <strong>Genève</strong>, Fa 897-2.<br />
C’est dans la XI e Lettre qu’il est fait mention <strong>de</strong> Grégoire Lopez : « Le second évêque, à qui le saint Siège donna<br />
la qualité <strong>de</strong> Vicaire Apostolique, fut Monsieur <strong>de</strong> Basilée, Chinois <strong>de</strong> nation, élevé par les pères <strong>de</strong> saint<br />
François, et <strong>de</strong>venu ensuite religieux <strong>de</strong> saint Dominique. Dès qu’il fut simple missionnaire, il eut un grand zèle<br />
pour la conversion <strong>de</strong> sa chère patrie… » Tombé mala<strong>de</strong> à Nankin, « il mourut plein <strong>de</strong> ces bienheureux jours,<br />
que Dieu accor<strong>de</strong> en ce mon<strong>de</strong> à ses saints. »<br />
64. La Morale <strong>de</strong> Confucius, philosophe <strong>de</strong> la Chine, Amsterdam, 1688, page <strong>de</strong> titre. Ariana<br />
5548.<br />
L’auteur <strong>de</strong> ce livre est soit Jean <strong>de</strong> la Brune, ministre protestant né dans la secon<strong>de</strong> moitié du dix-septième<br />
siècle, soit son homonyme François La Brune, qui avait étudié la théologie à <strong>Genève</strong> et s’était retiré à Amsterdam<br />
en 1785, soit encore Louis Cousin (1627-1707), rédacteur du Journal <strong>de</strong>s Savants <strong>de</strong> 1687 à 1702.<br />
L’avertissement qui est en tête <strong>de</strong> l’ouvrage ne peut, selon Barbier, avoir été écrit par un protestant. L’ensemble<br />
propose un examen très favorable du confucianisme : « On peut dire que la morale <strong>de</strong> ce philosophe est infiniment<br />
sublime, mais qu’elle est, en même temps, simple, sensible, et puisée dans les plus pures sources <strong>de</strong> la<br />
raison naturelle. »<br />
65. Almanach chinois, 1762, mention autographe. Bibliothèque publique et universitaire,<br />
<strong>Genève</strong>, Hh 34.<br />
Cet almanach chinois porte une mention autographe : « August 20th 1762, Mr Crampton gave me this book. »<br />
66. Confucius sinarum philosophus, sive scientia sinensis latine exposita, [Paris], 1687, pp.<br />
CXVI-CXVII. Bibliothèque publique et universitaire, <strong>Genève</strong>, Ba 158.<br />
Les <strong>de</strong>rnières années du dix-septième siècle voient, au fur et à mesure que se développe la querelle <strong>de</strong>s jésuites et<br />
<strong>de</strong> leurs adversaires, paraître un grand nombre d’opuscules ou <strong>de</strong> traités sur Confucius. Le Confucius sinarum<br />
philosophus est publié en 1687 par la Compagnie <strong>de</strong> Jésus afin <strong>de</strong> couper court aux attaques perpétrées contre le<br />
confucianisme. Maigrot tentera une réponse, et le livre sera vigoureusement attaqué par Matthieu <strong>de</strong> Noailles. Il<br />
reste néanmoins l’une <strong>de</strong>s publications les plus importantes sur le sujet.<br />
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