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1-Thévenot, Ethnographe des Iles du Levant, Michele Longino Jean ...

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1-<strong>Thévenot</strong>, <strong>Ethnographe</strong> <strong>des</strong> <strong>Iles</strong> <strong>du</strong> <strong>Levant</strong>, <strong>Michele</strong> <strong>Longino</strong><br />

<strong>Jean</strong> <strong>Thévenot</strong> a voyagé à Constantinople en 1655 ; il y a séjourné neuf mois, et ensuite il est reparti<br />

pour explorer les îles en route à Smyrne, pour se rendre à la fin en visite en Egypte. Il était parti en fuite de la<br />

peste estivale qui s’était déclarée à Constantinople, mais il était aussi curieux de connaître toutes les petites îles<br />

sur sa route, qui chacune représentait tout un monde distinct. Son journal témoigne <strong>des</strong> escales de son parcours<br />

antérieures, que ce soit la Sicile, Malte, les îles grecques, ou les îles sur sa route vers l’orient dans le <strong>Levant</strong>. Dès<br />

les débuts de son voyage, il avait montré une fascination pour l’excentrisme cultivé en l’ambiance de l’insularité.<br />

Il serait difficile linguistiquement sinon impossible existentiellement, d’accéder aux perspectives <strong>des</strong> indigènes<br />

de ces îles, connaître leur expérience à eux de ces visites <strong>des</strong> étrangers de passage, y compris notre voyageur.<br />

Mais, de la perspective <strong>du</strong> débarqué, le journal de voyage de <strong>Thévenot</strong> fournit un témoignage fidèle.<br />

Le journal fonctionne comme un dépositoire d’aventures vécues, de confidences, de réflexions<br />

personnelles c’est le cas de celui de <strong>Jean</strong> Chardin. Ou il a l’air plutôt d’un registre exact, de comptabilité <strong>du</strong><br />

temps passé, <strong>des</strong> choses vues, <strong>des</strong> curiosités examinées, <strong>des</strong> prix obtenus, et peut-être à la fin <strong>des</strong> objets procurés<br />

- ce qui est le cas pour Antoine Galland. Mais aussi le journal peut figurer comme une forme d’auto-discipline<br />

rigoureuse et consciencieuse d’observateur. C’est le cas <strong>du</strong> journal de <strong>Jean</strong> <strong>Thévenot</strong>, qui s’est, de toute<br />

apparence, assigné la tâche de voir, de connaître, d’apprendre et d’écrire tout ce qui lui tomberait sous les yeux<br />

au cours de son périple. Comme un ethnographe de la vieille école qui ne comprend pas encore que sa propre<br />

subjectivité entre en jeu à chaque fois qu’il fait la moindre observation, <strong>Thévenot</strong> s’estime complètement neutre,<br />

objectif, capable de saisir la réalité, sans aucune interférence et de transmettre cette vérité à son lecteur parisien,<br />

son voyageur de fauteuil. Selon l’éditeur Stéphane Yerasimos, dont le journal de <strong>Thévenot</strong> a été sélectionné pour<br />

être le tout premier livre à paraître dans la série distinguée de « La Découverte », l’attrait de <strong>Thévenot</strong> en tant<br />

que voyageur, c’est que « il correspond le mieux à l’image <strong>du</strong> voyageur moyen de son temps » (p.5). Sans<br />

profession, poussé surtout par la seule curiosité, comme Descartes qui était parti lire dans ‘le grand livre <strong>du</strong><br />

monde,’ <strong>Thévenot</strong> reste un voyageur modèle, bien que, de nos jours, il correspondrait plutôt au profil de touriste<br />

pour cette même raison de son manque de motivation ultérieure, mais aussi sans la connotation assez moderne de<br />

‘vacancier.’<br />

La tentation de prononcer <strong>des</strong> vérités sur les îles <strong>du</strong> <strong>Levant</strong> à cette époque est particulièrement forte : ce<br />

sont <strong>des</strong> petits mon<strong>des</strong>, assez distincts encore, isolés les uns <strong>des</strong> autres, et peu contaminés les uns par les autres.<br />

Ces mon<strong>des</strong> se veulent à l’abri de toute attention, de tout élan capitaliste, et s’engagent et se contentent plutôt de<br />

prospérer juste au niveau de la subsistance, afin de ne pas attirer l’attention avide ni <strong>des</strong> Ottomans ni <strong>des</strong> pirates.<br />

Ces microcosmes ont chacun nourri leur propre culture, leurs mœurs, leurs idiosyncrasies. Leur petitesse<br />

encourage le visiteur de passage à présumer une connaissance complète et à fond à très peu d’investissement<br />

temporel. Mais ces îles sont aussi <strong>des</strong> communautés, fermées, qui savent garder leurs secrets. Les tours de garde<br />

montées sur les falaises sonnent l’alerte contre tout envahissement ou arrivage, que ce soit amical ou sous un<br />

drapeau hostile. Dans ces petits mon<strong>des</strong> isolés, se retrouvent <strong>des</strong> îles encore plus austères, coupées de tout<br />

contact humain, <strong>des</strong> monastères perchés sur <strong>des</strong> montagnes, <strong>des</strong> microcosmes fermés en miniature dans ces îles.<br />

Mais qui évoque île, comme le fera <strong>Thévenot</strong>, signale aussi communauté ; et dans les mers que traverse<br />

notre voyageur plusieurs cultes religieux cohabitent côte à côte– les musulmans, les juifs, les orthodoxes, les<br />

Européens, différences religieuses mais aussi ethniques. Pour l’indigène de l’île, il n’est pas question d’attendre<br />

l’étranger débarqué pour savoir ce que veut dire altérité ; il négocie tous les jours avec <strong>des</strong> gens qui ne sont pas<br />

les siens.<br />

<strong>Thévenot</strong> prend comme le marqueur le plus éloquent et succinct de la différence entre une île et l’autre<br />

la figure de la femme indigène ; il offre comme une série de profils ou de traits féminins pour résumer toute son<br />

impression d’une île en comparaison avec une autre. Outre <strong>des</strong> remarques sur leurs costumes et coiffures<br />

différents, dans l’île de Chio, par exemple, il sera fasciné par leur usage <strong>du</strong> mastic (146 - ), et aussi par leur<br />

tendance à l’inceste (154 - ). Il trouvera curieux de voir <strong>des</strong> bergers à la place de bergères avec pour troupeaux<br />

<strong>des</strong> perdrix plutôt que moutons; il sera perplexe à la vue d’hommes qui vont au marché plutôt que leurs femmes ;<br />

et il trouvera les femmes de Naxos magnifiques à l’exception de leurs poitrines bronzées (159 - ). Il proposera<br />

<strong>des</strong> contrastes nets entre les femmes de Nixia et celles de Chios (159 - ). Les exemples peuvent se multiplier,<br />

mais l’intérêt, c’est d’étudier leur fonction comme figuration de la distinction nette entre une île et l’autre, peutêtre<br />

pas très loin <strong>du</strong> tout. La femme surtout, déjà figure de la différence même dans la culture propre de<br />

<strong>Thévenot</strong>, fonctionne comme marqueur, dans son discours <strong>du</strong> voyageur le plus éloquent pour communiquer la<br />

particularité de chaque petit monde.


Résumé<br />

En 1619 l’érudit Fabry de Peiresc est intéressé par le récit <strong>des</strong> voyages autour <strong>du</strong> monde d’un navigateur<br />

marseillais, Vincent Le Blanc, et lui conseille de publier son manuscrit. L’édition <strong>du</strong> volume rencontra toutefois<br />

plusieurs vicissitu<strong>des</strong> et ne vit le jour que trente ans après, lorsque l’auteur était déja décédé; elle porte le titre :<br />

Les voyages fameux <strong>du</strong> Sieur Vincent Le Blanc marseillois, qu’il a facts depuis l’aage de douze ans jusques à<br />

soixante, aux quatre parties <strong>du</strong> monde /.../, Paris, chez Germain Clousier, 1648. La <strong>des</strong>cription <strong>des</strong> Camaries,<br />

« ces îles dites autrefois Fortunées » - précise Le Blanc – est contenue dans la troisième partie <strong>du</strong> livre. L’auteur<br />

y narre le voyage entrepris vers 1597 aux In<strong>des</strong> Occidentales, c’est à dire l’Amérique, dont le séjour aux<br />

Canaries constitue justement le début. L’intérêt de l’ouvrage réside principalement dans le curieux mélange de<br />

véricidité de ses <strong>des</strong>criptions (on sait qu’il avait toujours un carnet à la main où écrire ce qui lui arrivait) et le<br />

merveilleux féerique qui perce constamment dans ses notes : voyage réel donc en même temps que voyage<br />

imaginaire.


Fiche de présentation<br />

Nerina Clerici-Balmas, professeur à la Faculté <strong>des</strong> Lettres de l’Université de Milan est aussi titulaire d’un<br />

diplôme de doctorat à l’Université de Paris-Sorbonne. Son champ de recherche est principalement la poésie de la<br />

deuxième moitié <strong>du</strong> XVIe siècle (monographie sur Marc Papillon de Lasphrise, Milan-Paris, Cisalpino-Nizet,<br />

1983, et édition <strong>des</strong> Diverses Poésies <strong>du</strong> même auteur, Genève, Droz, 1988 ; édition de L’Attiffet <strong>des</strong><br />

Damoizelles de Guillaume de La Tayssonnière, Genève, Droz, 1992), avec quelques incursions chez <strong>des</strong> auteurs<br />

<strong>du</strong> premier XVIIe siècle : Charles-Timoléon de Sigogne, François Du Souhait, Arthur de Sonan, Pierre de<br />

L’Estoile, etc. Parmi sa pro<strong>du</strong>ction plus récente : un volume Au fil <strong>des</strong> jours : prosa e poesia francese nel tempo,<br />

Fasano, Schena, 2002, et <strong>des</strong> articles sur <strong>Jean</strong> Alfonce navigateur français, auteur <strong>des</strong> Voyages aventureux (dans<br />

« Berenice » n. 33, 2005), sur Brantôme (Un memorialista allo specchio, Acte <strong>du</strong> colloque de Vérone, mai<br />

2004), sur Longepierre (Un’eroina raciniana : la Médée de Longepierre, dans Magia, Gelosia, Vendetta. Il mitodi<br />

Medea nelle lettere francesi, Milano, Cisalpino,2006) et sur Corneille (Giuseppe Baretti tra<strong>du</strong>cteur de Corneille,<br />

dans « Papers on French Seventeen Century Literature » n.68,2008)<br />

2-<strong>Jean</strong>-Michel Racault, Université de la Réunion, L’imaginaire de l’île déserte et les littératures de<br />

voyages :<br />

l’exemple <strong>des</strong> Mascareignes, de la topique à l’utopie<br />

Bien avant Robinson Crusoé (1719), l’île déserte est un lieu où se mêlent la nostalgie de l’innocence<br />

paradisiaque, le rêve d’une anti-société à l’écart <strong>des</strong> contraintes <strong>du</strong> réel et l’aspiration utopique à un Etat parfait<br />

construit de toutes pièces à partir de la table rase de la pure nature.<br />

Lieu d’émergence privilégié de cette thématique de l’île déserte, l’ensemble <strong>des</strong> « littératures de voyages » est<br />

unifié par <strong>des</strong> caractéristiques formelles liées à la structure de toute narration viatique et regroupe <strong>des</strong> textes de<br />

genres très divers : journaux de bord, relations véridiques, périples relatés sous forme de lettres, mais aussi<br />

projets d’établissements coloniaux, récits plus ou moins romancés, voire purs romans appuyés sur une<br />

documentation authentique. On peut en particulier rattacher aux littératures de voyages les grands romans<br />

utopiques de la fin <strong>du</strong> siècle (La Terre Australe connue de Foigny, 1676 ; Histoire <strong>des</strong> Sévarambes de Veiras,<br />

1677-79) utilisant les techniques narratives et les matériaux factuels <strong>des</strong> récits véridiques, où l’île apparaît à la<br />

fois comme un espace d’altérité inversant la norme existante et comme un lieu expérimental autorisant la mise à<br />

l’épreuve imaginaire de diverses configurations socio-politiques.<br />

On se propose de dégager les principaux axes de cet imaginaire de l’île déserte dans les textes documentaires ou<br />

fictionnels inspirés par l’archipel <strong>des</strong> Mascareignes à partir <strong>des</strong> années 1640. Vi<strong>des</strong> de toute présence humaine<br />

jusqu’à l’installation <strong>des</strong> Hollandais à Maurice (1638) et à la déportation à Mascarin ou Bourbon (1646) de<br />

quelques mutins de la colonie française de Madagascar, plusieurs fois ensuite abandonnées et réoccupées, les îles<br />

de l’archipel deviennent une sorte de paradigme de l’île déserte dans le discours <strong>des</strong> voyageurs, qui les décrivent<br />

à travers une topique assez stéréotypée, voire de seconde main : la célèbre <strong>des</strong>cription de Flacourt a fixé pour<br />

longtemps une image de l’île Bourbon d’autant plus idyllique que l’auteur n’y a jamais mis les pieds.<br />

On s’intéressera notamment :<br />

- à la construction d’une topique insulaire dans les relations « véridiques » (quoique déjà<br />

travaillées par la fiction) <strong>des</strong> voyageurs (Cauche, Flacourt, Rennefort, Carpeau de Saussay,<br />

Dellon, Du Bois, etc.), chez qui un système d’antithèses structure les représentations : le cliché<br />

de l’île-Eden, tributaire à la fois <strong>des</strong> réminiscences bibliques et de la tradition pastorale, est<br />

contredit par la réalité de l’île, lieu de déportation et d’exil ;<br />

- aux diverses dérives romanesques ou politiques de cette topique de l’île déserte. A partir de<br />

Flacourt, Mlle de Montpensier développe sur le mode de l’allégorie précieuse un pastiche de<br />

projet colonial dans sa Relation de l’île imaginaire (1659) ; s’inspirant lui aussi <strong>des</strong> témoignages<br />

<strong>des</strong> voyageurs à l’île Bourbon et <strong>des</strong> Sévarambes de Veiras, Henri Duquesne dans son Recueil<br />

de quelques mémoires servant d’instruction pour l’établissement de l’île d’Eden (1689) propose<br />

sérieusement un programme utopique d’Etat idéal afin d’accueillir dans l’île les Huguenots<br />

chassés de France par la Révocation ;<br />

- aux prolongements à la fois fictionnels et vécus <strong>du</strong> mythe de l’île d’Eden dans le séjour de<br />

François Leguat à l’île Rodrigues, puis en diverses îles de l’océan Indien (1690-1698), ébauche<br />

de réalisation avortée de l’utopie de Duquesne. Paru bien plus tard (1707) et reçu à tort comme<br />

un voyage imaginaire, Voyages et aventures de François Leguat (dont nous avons publié<br />

l’édition critique) est à la fois un document sur une extraordinaire aventure vécue, une somme<br />

sur la thématique de l’île déserte dans tous ses aspects et une illustration <strong>des</strong> glissements


possibles entre utopie-programme, utopie pratiquée et utopie narrative à la fin de l’Age<br />

classique.<br />

3-Sophie Rollin, Université de Durham, Royaume-Uni, « L’île, image emblématique de la galanterie dans<br />

les peintures <strong>des</strong> fêtes galantes »<br />

Le motif de l’île a exercé un attrait particulier sur les peintres <strong>des</strong> « fêtes galantes ». Watteau, le<br />

premier, a peint une île de Cythère dans sa jeunesse, puis les deux versions de son Pèlerinage à l’île de Cythère,<br />

et enfin une île enchantée. Autour de 1725, plusieurs compositions sur le thème <strong>du</strong> pèlerinage à Cythère sont<br />

réalisées par Lancret, Quillard, Jacques Vigoureux-Duplessis. On en passe. Fragonard, enfin, dans le dernier<br />

quart <strong>du</strong> XVIIIe siècle réalise une Ile d’amour. Faut-il conclure que l’île soit un motif caractéristique de la<br />

peinture <strong>du</strong> XVIIIe siècle ? Pas exactement. Lorsque Watteau présente son morceau de réception à l’Académie,<br />

le titre « Pèlerinage à l’île de Cythère » est rayé sur les registres et remplacé par « Une fête galante ». Or, c’est<br />

entre 1650 et 1675 que l’adjectif « galant » est généralement employé pour désigner diverses oeuvres artistiques.<br />

Après Watteau, Lancret et Pater sont tous deux reçus à l’Académie comme « peintres <strong>des</strong> fêtes galantes ». Une<br />

catégorie nouvelle de peintres est ainsi instituée au XVIIIe siècle qui reprend une désignation générique courante<br />

au siècle précédent.<br />

A partir de l’opération qui substitue le mot « galanterie » à celui d’ « île de Cythère », on peut se<br />

demander en quoi l’image de l’île apparaît emblématique d’une galanterie toute dix-septièmiste.<br />

Une <strong>des</strong> principales aires sémantiques de l’adjectif « galant » renvoie au domaine amoureux. A cet<br />

égard, l’île possède un symbolisme transparent : par son isolement, elle évoque l’intimité <strong>des</strong> amants, l’univers<br />

clos et privé auquel donne accès le sentiment amoureux, et connote la sensualité par sa rondeur ou ses affinités<br />

avec l’eau. Cependant, l’amour est représenté de façon métaphorique et allusive dans les peintures <strong>des</strong> « fêtes<br />

galantes ». Il s’impose sous la forme d’une statue de Vénus, d’un temple, <strong>des</strong> roses et <strong>des</strong> putti qui volettent<br />

autour <strong>des</strong> personnages. Ce n’est qu’à la façon dont les personnages s’organisent par couples, à certains gestes<br />

prévenants et aux sourires qui traînent sur leurs visages que l’on devine en eux <strong>des</strong> amants. On est donc loin <strong>des</strong><br />

parfums de libertinage qui se répandent au long <strong>du</strong> XVIIIe siècle. La représentation de l’amour, dans ces toiles,<br />

renvoie davantage à la « belle galanterie » chaste dont l’idéologie s’élabore au XVIIe siècle. La gaieté et les<br />

jeux évoquent un amour galant, sémillant parce qu’il se veut ludique et sans risques. L’image de l’île rappelle les<br />

géographies allégoriques en vogue à cette époque avec en tête la Carte de Tendre. Le mot de « pèlerinage », qui<br />

revient dans la plupart <strong>des</strong> titres donnés aux tableaux, suggère un chemin à parcourir, de même que les attitu<strong>des</strong><br />

<strong>des</strong> personnages qui, dans certaines toiles, semblent mimer les différentes étapes de la relation amoureuse. But<br />

suprême et aboutissement <strong>du</strong> parcours, quand sont franchis les dangers de la mer, l’île est l’image de l’amour<br />

galant.<br />

Toutefois, à l’itinéraire géographique qu’intro<strong>du</strong>it l’image de l’île s’ajoute un itinéraire social. Chez<br />

Watteau, la guirlande <strong>des</strong> personnages, qui commence par <strong>des</strong> figures mo<strong>des</strong>tes aux attitu<strong>des</strong> relâchées, se<br />

déroule jusqu’à <strong>des</strong> figures aristocratiques aux gestes pleins de retenue. Chez les autres peintres, ce ne sont plus<br />

que <strong>des</strong> aristocrates que l’on reconnaît au raffinement de leurs vêtements. Dès lors, on peut émettre une<br />

hypothèse : le symbolisme amoureux de l’île ne se double-t-il pas d’un symbolisme social pour représenter la<br />

catégorie étroite et isolée de la noblesse, berceau de la « véritable » galanterie ? L’île serait alors l’image de la<br />

galanterie en tant que courant social d’origine aristocratique. Dans ces îles où l’amour n’est jamais associé à<br />

la solitude <strong>du</strong> couple, mais à une petite société, l’île ne va-t-elle pas jusqu’à figurer le « cercle » ou la<br />

« chambre », îlots bâtis, à l’intérieur même de l’aristocratie, en opposition à la Cour pour constituer les<br />

microcosmes isolés d’un art de vivre privilégié ? En effet, le nom de fête galante donné à ces toiles désigne une<br />

atmosphère de gaieté bien différente de celle <strong>des</strong> foires d’une part, et d’autre part <strong>des</strong> divertissements royaux<br />

avec leur éclat et leur pompe. Le paysage d’une île aux agréments simples et champêtres est le refuge <strong>du</strong> cercle<br />

mondain qui se développe d’abord autour de la marquise de Rambouillet, vers 1625, -on trouve <strong>des</strong> échos de ces<br />

divertissements champêtres dans les lettres de Voiture- puis sous <strong>des</strong> formes légèrement différentes, à partir de<br />

1650, autour d’autres personnalités féminines.<br />

L’île, image de la galanterie en tant que conception de l’amour et courant social, serait donc la<br />

représentation d’un monde appartenant au passé. Les fêtes de la Régence, plus libertines que galantes, sont de<br />

vaines tentatives pour ressusciter les moeurs <strong>du</strong> siècle précédent ; les romans contemporains cultivent davantage<br />

le goût de la licence que celui de la chasteté et laissent planer sur l’amour une ombre de désenchantement.<br />

Pourtant, la galanterie continue de charmer le XVIIIe siècle ; ces toiles en témoignent, tout comme le théâtre de


Marivaux, la musique de Rameau, etc. En réponse à cette hésitation, l’île offre l’image d’un monde de<br />

transition et de l’entre deux reflétant la galanterie telle qu’elle est vue depuis le XVIIIe siècle. Elle est la<br />

terre ferme mais séparée <strong>du</strong> continent comme de la « vraie » vie, le monde réel et le monde de légen<strong>des</strong>. Le<br />

motif de l’île intro<strong>du</strong>it un style de l’ambiguïté et de la suggestion caractéristique de l’esthétique galante<br />

développée par les poètes <strong>du</strong> XVIIe siècle. Le décor hésite entre réel et irréel : le paysage de cette île souvent<br />

nommée « Cythère » ne présente rien de méditerranéen, c’est même une île dont la mer est presque absente,<br />

rencognée à une extrémité <strong>du</strong> tableau et davantage suggérée par la présence d’une embarcation. Les personnages<br />

<strong>du</strong> Pèlerinage... de Watteau ont <strong>des</strong> expressions équivoques, ceux de son île enchantée se fondent dans une<br />

obscurité laissant à peine briller l’éclat d’une nuque, ceux de Quillard sont <strong>des</strong> esquisses à demi floues et<br />

Fragonard fait alterner les groupes parcimonieusement éclairés avec ceux qui se perdent mystérieusement dans<br />

l’ombre. Les peintres <strong>des</strong> fêtes galantes renouent avec le style caractéristiques <strong>des</strong> poètes galantes <strong>du</strong> XVIIe<br />

siècle comme Voiture, Sarasin, Benserade ou La Fontaine qui développent à cette époque une « esthétique <strong>du</strong><br />

voile transparent » (A. Génetiot) en jouant avec espièglerie <strong>du</strong> sous-enten<strong>du</strong> ou <strong>du</strong> non-dit. Enfin, la lumière<br />

rasante <strong>du</strong> couchant, commune à toutes ces peintures, renforce leur ambiguïté en leur offrant « ce charme secret<br />

dont l’oeil est enchanté » et « la grâce plus belle encore que la beauté » que La Fontaine prête à Vénus dans son<br />

Adonis.<br />

Dans les peintures représentant <strong>des</strong> fêtes galantes, l’île apparaît comme une image emblématique de la<br />

galanterie car elle rassemble les valeurs amoureuses, sociales et esthétiques qui lui donnent son unité au XVIIe<br />

siècle, évoquant le courant comme un monde mi-absent, mi-présent, univers condamné mais pas tout à fait<br />

per<strong>du</strong>.<br />

4-L’île de la tentation : insularité et galanterie dans les fictions de la seconde moitié <strong>du</strong> XVIIe siècle,<br />

Nathalie Grande, Université de Bordeaux<br />

Le nom que l’histoire a gardé <strong>des</strong> fêtes que Louis XIV donna en 1664, « Les Plaisirs de l’île enchantée »,<br />

manifeste combien la thématique insulaire s’inscrit au XVIIe siècle dans un imaginaire galant, et même parfois<br />

érotique. En effet, en tant que lieu séparé de l’environnement familier <strong>du</strong> lecteur, l’île offre un espace ouvert à<br />

l’exercice fantasmatique. Or les îles apparaissent souvent dans les fictions comme <strong>des</strong> territoires privilégiés pour<br />

l’exercice d’un pouvoir féminin, en particulier au travers de figures d’amazones, « femmes fortes » certes, mais<br />

certainement pas insensibles. De l’émerveillement sensuel aux « désordres de l’amour », l’île se présente comme<br />

un espace de transgression ambivalent, invitant à la tentation qu’elle était censée éloigner. C’est en particulier à<br />

travers Alcidamie, roman inachevé de Mme de Villedieu, « Le Prince Lutin », conte de Mme d’Aulnoy et<br />

Télémaque de Fénelon que nous voudrions mettre à l’épreuve notre hypothèse.<br />

5-Edwige Keller, Université de Lyon, L’île de Théras dans Les Annales galantes de Grèce (1687) de<br />

Madame de Villedieu<br />

Une réécriture libertine d’Hérodote ?<br />

De tous les romans de Mme de Villedieu, Les Annales galante de Grèce (1687) est sans doute le plus négligé<br />

en ce qu’il pose d’évidents problèmes d’interprétation : date de composition incertaine ; publication posthume ;<br />

évocation un peu trop appuyée – via le titre – <strong>des</strong> Annales galantes (1670) ; caractère composite ;<br />

inachèvement… Or, le nombre appréciable de rééditions séparées au XVIII e siècle atteste l’intérêt que le public<br />

lui a porté. Intérêt corroboré par le témoignage de certains lecteurs professionnels, à l’exemple de Poinsinet de<br />

Sivry, pour qui ce roman est « un <strong>des</strong> plus spirituels et <strong>des</strong> mieux écrits » de Mme de Villedieu (BUR, nov.<br />

1779). Entre une œuvre rédigée à la hâte à <strong>des</strong> fins commerciales et une œuvre de maturité, somme <strong>des</strong><br />

préoccupations romanesques de son auteur, la critique hésite légitimement. L’étude de la réécriture d’Hérodote,<br />

qui est au cœur <strong>du</strong> dispositif narratif, devrait permettre non seulement d’apporter quelques éléments de réponse,<br />

mais aussi d’éclairer ce récit méconnu.<br />

Il s’agira de voir en quoi la réécriture de Mme de Villedieu, tout entière orientée vers l’insularisation de<br />

l’intrigue, est subordonnée à <strong>des</strong> <strong>des</strong>seins contradictoires : d’une part, célébrer les « Grecques fameuses » et<br />

rendre hommage à leurs « actions mémorables », conformément au projet annoncé dans l’incipit ; d’autre part,<br />

placer l’utopie sous le contrôle d’une loi qui, parce qu’elle préconise « de n’aimer que ce qu’on usurpe, et de<br />

n’établir sa félicité que sur l’infortune d’autrui » (en d’autres termes, de pratiquer le rapt <strong>des</strong> femmes),


contrevient aux règles les plus élémentaires de la galanterie ! Mme de Villedieu ferait alors de Théras un<br />

instrument simultané de promotion et de ruine <strong>des</strong> femmes. Après avoir examiné la façon dont la romancière<br />

joue habilement de ce paradoxe pour transformer son île en utopie féminocentrique, on essaiera d’en dégager la<br />

portée sociopolitique dans la perspective d’une posture libertine d’émancipation : en quoi Théras conteste-t-elle<br />

l’ordre phallocentrique en place, que celui-ci s’exprime à travers le monopole de l’écriture de l’Histoire, la<br />

toute-puissance <strong>du</strong> désir masculin, ou encore l’autorité patriarcale sous ses formes les plus diverses ?<br />

La communication tentera aussi de dégager l’originalité de Théras par rapport à deux autres îles de Mme de<br />

Villedieu, qui posent, en amont, <strong>des</strong> problématiques similaires : l’île Délicieuse d’Alcidamie (1661) et l’île de<br />

Thalassie dans Les Exilés (1672-73).<br />

6-Giorgio Sale, Université de Sassari et Milan<br />

Intro<strong>du</strong>ction.<br />

Les Exilez de Madame de Villedieu représente un <strong>des</strong> derniers romans français <strong>du</strong> XVII e siècle à<br />

exploiter le mythe romain depuis la tradition <strong>des</strong> grands romans héroïques. Mais, contrairement à la<br />

majorité de la pro<strong>du</strong>ction narrative précédente, qui situait l’action principale à Rome, celle <strong>des</strong> Exilez se<br />

déroule à l’écart <strong>du</strong> centre politique et intellectuel de l’Antiquité. Comme le suggère le titre, les<br />

protagonistes se trouvent dans une position marginale puisqu’ils ont été contraints à s’exiler à Thalassie.<br />

Cette île imaginaire, sur les bords de la Mer noire, symbolise le lieu mythique <strong>du</strong> royaume galant : il<br />

s’agirait en effet de la dernière retraite <strong>du</strong> spécialiste de l’amour que fut Ovide, même si le poète latin fut<br />

en fait exilé à Tomes. Thalassie se présente donc manifestement comme une île de fiction.<br />

Le paradoxe de l’île d’exil : privation <strong>des</strong> droits et liberté de parole.<br />

L’expulsion dans une île ne manque pas de rappeler le topos <strong>du</strong> bannissement <strong>du</strong> poète, de<br />

l’intellectuel suite à une condamnation politique. Dans ce lieu à l’écart où ils expient la faute de s’être<br />

opposés au pouvoir, les exilés peuvent alors contester librement l’ordre social qui les a rejetés. Dans<br />

l’imaginaire de l’époque classique, marqué par l’absolutisme royal, la <strong>des</strong>tinée d’Ovide constitue en effet<br />

une métaphore <strong>du</strong> rapport complexe et extrêmement fragile entre la politique, l’espace et la culture. La<br />

société mondaine contemporaine ne considère pas l’exil seulement comme un phénomène politique,<br />

mais aussi esthétique. L’île imaginaire constitue un espace circonscrit où la pro<strong>du</strong>ction littéraire peut<br />

donner libre cours à l’expression d’une opposition politique, d’autant qu’elle se cache sous le sceau<br />

rassurant de la fiction.<br />

L’opposition – sur laquelle s’ouvre le roman – entre la cour de Rome et le lieu d’exil, transforme<br />

ce dernier en un espace propre au développement de l’idylle pastorale, en dehors de toute ingérence<br />

extérieure, fut-ce le pouvoir <strong>du</strong> roi. Dans l’île, comme dans la fiction pastorale, s’établit une<br />

communauté alternative, constituée presque exclusivement de personnages qui appartiennent à la<br />

noblesse. Madame de Villedieu développe de la sorte le mythe de l’exil solitaire : dans son récit, c’est<br />

une communauté entière qui se trouve mise au ban de la société.<br />

Si la condition d’exilés comporte une restriction de la liberté de mouvement, elle permet, d’autre<br />

part, une liberté de pensée et de parole jusqu’alors inouïe. Dans la disgrâce sociale, l’exil donne la<br />

possibilité aux protagonistes de vivre ailleurs leur bonheur indivi<strong>du</strong>el, ainsi que de s’exprimer sans<br />

devoir se soumettre aux contraintes, aux règles, aux limitations en vigueur à la cour. Aussi l’éloignement<br />

constitue-t-il ainsi une protection qui permet l’invention, le divertissement, la contestation, bref, la<br />

liberté dans tous les domaines.<br />

Insularité et narration : l’île <strong>des</strong> récits qui se croisent.<br />

Les membres de cette petite société galante réunie autour d’Ovide réclament <strong>des</strong> histoires<br />

divertissantes pour tromper leur ennui, et profitent de leur liberté pour se raconter mutuellement, en s’en<br />

amusant, les aventures amoureuses qui ont causé leur bannissement.<br />

L’espace ré<strong>du</strong>it et clos de l’île entraîne une multitude de découvertes, de rencontres et de méprises qui<br />

servent de prétextes à toute une collection de récits où les couples <strong>des</strong> exilés se combinent, se séparent et<br />

enfin se réunissent, poussés par diverses passions : amours, amitiés, jalousies, haines… Devant leur<br />

auditoire, les protagonistes-narrateurs s’interrompent fréquemment pour compléter, pour corriger leurs<br />

histoires respectives, pour contester, pour proposer un autre point de vue. Seul le lecteur, parfois,<br />

parvient à reconstituer un récit entier et cohérent. Mais, comme les possibilités d’action sont tout de<br />

même ré<strong>du</strong>ites dans l’île où ne pourrait se nouer une intrigue suffisamment complexe ou vraisemblable,<br />

le texte se compose presque exclusivement de récits rétrospectifs que les différents personnages


adressent à leur public ; d’où la forme dialogique dominante <strong>du</strong> roman, la présence de nombreux<br />

narrateurs et autant de situations de narration variées, ainsi que les caractéristiques de l’oralité dans la<br />

langue utilisée. Cette structure discursive complexe, avec <strong>des</strong> histoires interrompues, entrecroisées,<br />

digressives, est justifiée par l’arrivée en scène d’un nouveau personnage ou le départ d’un autre.<br />

L’encadrement dans l’île influence donc la structure <strong>du</strong> texte, son cadre énonciatif, sa composition<br />

discursive. Par ailleurs, le lecteur implicite se voit attribuer un rôle important, à l’instar de celui <strong>des</strong><br />

narrateurs-auditeurs sur l’île, au point où il est amené à donner une conclusion à <strong>des</strong> histoires qui restent<br />

finalement inachevées.<br />

Exclusion sociale et inclusion dans le récit.<br />

Pour les exilés, leur exclusion de la société entraîne inversement leur inclusion dans le récit. Dans<br />

la petite société de l’île, les personnages bannis de la société romaine peuvent ainsi devenir narrateurs de<br />

leur propre histoire grâce à la forme <strong>des</strong> récits encadrés. Mais ces récits ne mettent en scène que leur vie<br />

privée, sans aborder leur vie publique qui devrait être réservée à l’historiographie. Cette limitation à la<br />

vie privée <strong>des</strong> personnages, et particulièrement <strong>des</strong> personnages historiques que l’auteur intro<strong>du</strong>it dans<br />

son roman, dévoile ses intentions strictement littéraires. En choisissant de traiter <strong>des</strong> histoires galantes<br />

<strong>des</strong> personnages historiques, Madame de Villedieu peut plus librement construire leurs récits sans se<br />

préoccuper <strong>des</strong> données historiques concernant leurs actions militaires ou politiques que devraient<br />

respecter les historiographes. Les différences entre le texte de fiction et la tradition historiographique, en<br />

effet, auraient pu infléchir le rapport de confiance et le pacte narratif que l’auteur cherche à ménager<br />

avec son lecteur.<br />

Madame de Villedieu élabore son univers fictionnel sur un double matériel référentiel, celui de<br />

l’univers historique de l’Antiquité auquel fait référence explicite le texte (l’histoire romaine) et, à un<br />

autre niveau d’interprétation, le renvoi implicite à la réalité contemporaine, à travers un complexe<br />

système de clefs. Le lecteur <strong>des</strong> Exilez est donc appelé à interpréter tous les indices selon une double<br />

possibilité de lecture ; cette stratégie in<strong>du</strong>it aussi une plus grande complicité entre lui et l’auteur car la<br />

coopération interprétative <strong>du</strong> lecteur est indispensable pour l’activation <strong>du</strong> niveau référentiel implicite <strong>du</strong><br />

texte.<br />

Par ce biais, le roman de Madame de Villedieu dépeint, au travers de la fiction, la réalité politique<br />

et sociale <strong>du</strong> dernier tiers <strong>du</strong> XVII e siècle, plus précisément la situation de la noblesse, constamment<br />

menacée par l’absolutisme royal. Les nobles, exclus <strong>du</strong> dispositif de représentation historique mis en<br />

place par le système de pouvoir absolutiste, bannis <strong>du</strong> pouvoir, exilés dans une cour qui présente de<br />

nombreuses et diverses analogies avec la situation d’insularité, accèdent ainsi, par le détour <strong>du</strong> roman, à<br />

la seule représentation qui leur est admise : ils doivent se contenter à ne devenir protagonistes que de leur<br />

histoire privée, galante.<br />

Conclusion.<br />

L’île devient, métaphoriquement, le lieu où convergent et finalement se dénouent la plupart <strong>des</strong><br />

nœuds <strong>des</strong> nombreuses intrigues <strong>des</strong> Exilez. D’autres histoires sont condamnées à rester sans suite,<br />

puisque le roman s’annonce comme inachevé. Ne pouvant pas conclure tous les récits secondaires,<br />

l’auteur, avec une intervention de type méta-narratif, se manifeste pour déclarer l’impossibilité de<br />

terminer, dans le dernier volume, les récits laissés en suspens. Ainsi fait-elle la promesse d’en rédiger un<br />

autre où elle pourrait conclure toutes les histoires. Ce volume ne vit jamais le jour et Les Exilez, comme<br />

bien d’autres romans de Madame de Villedieu, se termine par son inachèvement.<br />

7-Marie-Christine Pioffet, Géographie insulaire, géographie d’outre-tombe :<br />

l’île Imaginaire <strong>du</strong> Nouveau Panurge à la croisée <strong>des</strong> Champs Élysées et <strong>du</strong> royaume de l’Enfer<br />

Mon projet propose de dresser le cadastre de cette fiction géographique qui s’inscrit dans le prolongement de la<br />

Genèse, <strong>des</strong> odyssées homérique et virgilienne, <strong>des</strong> Métamorphoses d’Ovide, <strong>des</strong> fabliaux <strong>du</strong> Moyen Âge, <strong>des</strong><br />

récits rabelaisiens, <strong>du</strong> Disciple de Pantagruel.<br />

Cette île, qui apparaît dans Le Nouveau Panurge publié sous l’anonymat 1 , donne naissance à une utopie<br />

satirique et pro-catholique. À l’exemple de tant d’îles mythiques, le pays inventé est difficile à situer sur les<br />

cartes. La seule indication spatiale tient à sa proximité avec l’archipel <strong>des</strong> Canaries : « L’Isle Imaginaire est à<br />

1 Le Nouveau Panurge, La Rochelle, Michel Gaillard, s. d. [Lyon, 1616].


quelque cent lieuës <strong>des</strong> autres Canaries ou fortunées » 2 . Flou géographique qui s’explique en outre par la nature<br />

« mobile & voltigeante » 3 de l’enclave qui « court aussi viste que l’imagination » 4 . Presque inabordable, son<br />

accès n’est réservé qu’à quelques privilégiés : « ne la treuve qui veut » 5 ; « […] ils [les compagnons de Panurge]<br />

furent long temps à chercher l’Isle Imaginaire, mais leur imagination ne la sçeut oncques imaginer » 6 . Seul le<br />

hasard ou plutôt le concours de circonstances exceptionnelles peut mener à cette île : « […] il faut <strong>des</strong> Dauphins<br />

pour s’y con<strong>du</strong>ire : & faut sçavoir jouer <strong>des</strong> Cymbales car ils aiment cette sonnerie » 7 . Ainsi Panurge, jeté à l’eau<br />

en plein Atlantique, puis secouru miraculeusement par <strong>des</strong> dauphins, passe dix ans sur le dos de sa monture<br />

aquatique avant d’être déposé sur l’île Imaginaire. C’est à ce mammifère marin qu’il doit le succès de son<br />

voyage. Hegemon « qui guide toutes bonnes gens au vray chemin où qu’ils aillent, ou qu’ils vueillent aller » 8 , de<br />

même les meilleurs pilotes de Phrygie ne peuvent l’y con<strong>du</strong>ire.<br />

Autant les péripéties <strong>du</strong> parcours qui mènent à l’île Imaginaire sont longues, autant la <strong>des</strong>cription <strong>du</strong><br />

pays est presque éludée ; l’évocation <strong>du</strong> décor se résume au constat suivant : « […] son assiette est fort belle » 9 .<br />

La flore suggérée par la présence de cyprès, d’« Arbres Sempervines » 10 , de « toutes sortes de menues fleurs,<br />

comme pensées, marguerites, violettes & autres » 11 et d’autres plantes « rajeunitives » telles que<br />

« […] Consolian major 12 , […] Lunaria major, […] Flabie » 13 et « Laictues » 14 reste assez discrète. De même,<br />

l’auteur s’avère peu disert sur la faune : <strong>des</strong> « Corneilles, & […] Tourterelles » 15 agrémentent ses cieux, préciset-il<br />

pour toute considération. Toutefois, les ornements de sculptures sur certains piliers au palais de « Sainct<br />

Borondon » : « […] grosses colomnes d’Alabastre faictes en […] bestes, oyseaux, poissons, et serpens de toutes<br />

sortes » 16 suggèrent qu’elle y est beaucoup plus riche.<br />

L’onomastique insulaire renforce son caractère illusoire. Que l’on pense au nom de sa capitale, « Imaginaire », à<br />

la « Porte d’Imagination » ou à la « rue imaginatrice » qui divise cet ensemble. Le palais de « Sainct<br />

Borondon » 17 , situé au cœur de la ville, montre bien que le visiteur se trouve en territoire de légende. Ce palais,<br />

d’une taille aussi extraordinaire qu’invraisemblable, peut contenir « plus de pays que ne fit jamais la grande cité<br />

de Ninive » 18 .<br />

À « Sainct Borondon » loge l’attrait dominant <strong>du</strong> pays ou plus exactement le miraculeux rajeunissement<br />

qui assure la survie d’une population exclusivement masculine. La recette de cette cure miracle de jouvence a de<br />

quoi faire sourire. La chair <strong>des</strong> vieillards hachée dans une sorte de moulin, d’où sont extraits les morceaux se<br />

voit ensuite mariner à la malvoisie, puis épicer de divers ingrédients, jusqu’à ce que le corps se reconstitue en<br />

jeune a<strong>du</strong>lte.<br />

La pérennité corporelle offerte aux insulaires rappelle la condition adamique avant, bien sûr, la tentation<br />

de la femme. Il n’est pas indifférent qu’un <strong>des</strong> ingrédients nécessaires au rajeunissement soit la pomme de vie.<br />

En ce sens, Le Nouveau Panurge peut se lire comme une réécriture <strong>du</strong> célèbre épisode de la Genèse. La<br />

thématique religieuse affleure presque à chaque page. L’île Imaginaire, paradis monacal, peut par un curieux<br />

revers servir d’antichambre au royaume de l’Enfer et mener à la damnation, <strong>des</strong>tinée aux réformés et aux<br />

hérétiques.<br />

L’auteur, en ressuscitant un personnage de Rabelais, dénonce sa sympathie envers la religion réformée<br />

et entreprend le défi de corriger ses « fautes » théologiques. Pour la forme, l’écrivain se réclame <strong>du</strong> style<br />

rabelaisien dans son avis « Au lecteur » : « Avec les Rabelistes je sçay rabeliser, & treuve plus aisé aux sages de<br />

contrefaire les folies <strong>des</strong> fols ». Certes, la dette envers l’auteur de Pantagruel est on ne peut plus évidente dans le<br />

2<br />

Ibid., p. 24.<br />

3<br />

Idem.<br />

4<br />

Idem.<br />

5<br />

Idem.<br />

6<br />

Ibid., p. 22.<br />

7<br />

Ibid., p. 24.<br />

8<br />

Ibid., p. 10.<br />

9<br />

Ibid., p. 24.<br />

10<br />

Ibid., p. 65.<br />

11<br />

Ibid., p. 53.<br />

12<br />

Déformation probable de « Consolida major ».<br />

13<br />

Ibid., p. 65.<br />

14<br />

Ibid., p. 47.<br />

15<br />

Idem.<br />

16<br />

Ibid., p. 54.<br />

17 e e<br />

Le nom de « Sainct Borondon » vient bien évidemment <strong>du</strong> voyageur <strong>des</strong> IX et X siècles, saint Brandan de<br />

Clonfert, un moine originaire d’Irlande. L’île se serait matérialisée sur le dos d’une gigantesque baleine, d’où la<br />

qualité mobile de l’île en question. Plusieurs voyageurs ont tenté en vain de localiser l’île de saint Borondon,<br />

supposée être près <strong>des</strong> Canaries.<br />

18<br />

Le Nouveau Panurge, p. 27.


titre de l’œuvre. Comment ne pas reconnaître dans le périple <strong>du</strong> protagoniste un écho <strong>du</strong> voyage de son modèle<br />

dans Le Quart Livre ? Mais l’île Imaginaire doit plus encore aux « isles fortunées » qui surgissent dans Le<br />

Disciple de Pantagruel 19 . Entre ces fabuleux archipels et le domaine visité par le nouveau Panurge, les<br />

similitu<strong>des</strong> sont frappantes : point de femmes ni d’enfants 20 . Aussi les habitants n’en éprouvent-ils nul regret<br />

puisque les hommes se maintiennent en vie grâce au secret <strong>du</strong> rajeunissement qui remplace ici la fontaine de<br />

jouvence <strong>du</strong> Disciple de Pantagruel 21 .<br />

8-Christine Noille-Clauzade, Université Stendhal Grenoble 3, La possibilité d’une île : les expériences de<br />

la fiction au XVIIe siècle et la théorie <strong>des</strong> mon<strong>des</strong> possibles.<br />

L’expérience de l’île dans la littérature classique a été souvent associée à une expérience de pensée :<br />

l’île, associée aux utopies, représente la projection fictionnelle d’une hypothèse audacieuse, d’un cas-limite –<br />

rejoignant en cela d’autres mon<strong>des</strong> alternatifs possibles, comme la Lune chez Cyrano, l’imagination <strong>des</strong> premiers<br />

hommes chez Descartes ou Port-Royal, etc. Dans les discours argumentatifs <strong>du</strong> XVIIe s. (discours<br />

philosophiques, politiques, moraux), l’île vaut ainsi comme fabrique d’un scénario contrefactuel dans lequel ont<br />

été changées une ou plusieurs règles <strong>du</strong> monde actuel, et dans lequel l’auteur poursuit logiquement les<br />

conséquences de ce changement.<br />

A ce titre, la mobilisation de l’île dans la pensée classique peut être décrite par la théorie contemporaine<br />

<strong>des</strong> mon<strong>des</strong> possibles, en ce que les univers de fiction insulaires sont précisément conçus dans un rapport de<br />

modification et de variation par rapport au monde « actuel ».<br />

Mais en logique, le « monde actuel » est aussi le monde (le cadre) qui sert de référence pour établir la<br />

vérité et la fausseté <strong>des</strong> propositions ; et dans <strong>des</strong> précédents articles, j’ai plaidé pour l’importation de cette<br />

problématique dans l’étude de la fiction classique : j’ai essayé de montrer comment le XVIIe siècle voyait se<br />

cotoyer plusieurs façons de se positionner par rapport à la vérité ou à la fausseté <strong>des</strong> énoncés de la fiction, ce que<br />

j’ai appelé plusieurs « styles » de positionnement logique, plusieurs styles de fictionalité. Il y a les fictions qui se<br />

présentent comme totalement fausses, fausses mais vraisemblables, vraies mais invérifiables, etc.<br />

En tant qu’elle ouvre un scénario contrefactuel, la thématique de l’île dans la fiction <strong>du</strong> XVIIe siècle<br />

présente alors un intérêt narratologique évident – complétant sa capacité à autoriser <strong>des</strong> expériences de pensée :<br />

elle autorise <strong>des</strong> expériences de positionnement logique qui vont de la suspension <strong>du</strong> régime « ambiant » de la<br />

vraisemblance à la mise en place d’un renversement logique qui dé-référentialise et décridibilise le monde actuel<br />

et promeut l’univers insulaire <strong>du</strong> récit comme cadre de véridicité.<br />

Pour explorer cette problématique, nous nous appuierons sur <strong>des</strong> textes argumentatifs mobilisant<br />

l’argument de l’île (Nicole, Fénelon) et sur <strong>des</strong> textes narratifs expérimentant dans les îles <strong>du</strong> récit diverses<br />

possibilités de régler leur rapport à la vérité : les îles « allégoriques » [île de la portraiture (Segrais), royaume de<br />

coquetterie (d’Aubignac)], les îles de la merveille (merveille galante comme dans l’île de Chypre avec Zaïde ou<br />

« L’isle inaccessible » de Mme d’Aulnoy). Enfin, au confluent <strong>des</strong> deux problématiques (l’île comme scénario<br />

contrefactuel, expérience de pensée, et l’île comme expérience de récit, positionnement logique alternatif), nous<br />

envisagerons le Télémaque de Fénelon comme parcours d’île en île, chacune meublée d’un monde de pensée et<br />

d’un positionnement logique autonomes.<br />

9-J. Gœury, université de Nantes, Un poète insulain, André Mage de Fiefmelin<br />

19 Le Disciple de Pantagruel : les navigations de Panurge, éd. Guy Demerson et Christiane Lauvergnat-<br />

Gagnière, Paris, Nizet, coll. Société <strong>des</strong> textes français modernes, 1982, 98 p.<br />

20 Cf. « Es dictes isles n’y a point de femmes pour ce que l’on n’y en a que faire ny pour porter enfans ny pour<br />

tirer les vaches » (ibid., p. 64-65).<br />

21 Ibid., p. 65.


André Mage de Fiefmelin est un poète natif de l’île d’Oléron qui a publié ses Œuvres chez le libraire J. de<br />

Marnef à Poitiers en 1601. Surtout connu pour ses pièces chrétiennes d’inspiration baroque (Le Spirituel), c’est<br />

aussi l’auteur de pièces de théâtre profanes et sacrées (Alcide, Aymée, Jephtée), d’un poème scientifique traitant<br />

de la pro<strong>du</strong>ction de sel marin (Le Saulnier) et de nombreux poèmes divers (o<strong>des</strong> et sonnets) qui donnent à sa<br />

pro<strong>du</strong>ction une variété remarquable. Ayant sacrifié à son œuvre toute ambition sociale, il fait de son île le lieu<br />

d’une retraite volontaire. Il évoque dans ses poèmes aussi bien la géographie physique <strong>des</strong> « îles de Saintonge »,<br />

que la géographie humaine d’un territoire bouleversé par les guerres civiles. À partir de cet exemple unique d’un<br />

poète « insulain », on se propose non seulement de mettre à jour la spécificité géographique de ces terres<br />

maritimes de Saintonge, qui tendent à effacer toute frontière entre l’eau et la terre, mais également de<br />

caractériser l’univers mental d’un îlien dans son œuvre profane et sacrée. Satirique à ces heures, André Mage sait<br />

en effet mieux qu’un autre cerner l’éthos insulaire.<br />

10-Les îles de la dévotion dans le roman baroque , Nancy Oddo, Université Paris III<br />

Lorsqu’elle se place au carrefour de la dévotion et <strong>du</strong> romanesque, la fiction baroque offre grand nombre<br />

d’aventures où l’île est un espace de spiritualité propice à la rencontre avec Dieu. Antoine de Nervèze tisse<br />

d’ailleurs l’analogie entre l’île et l’âme dans son Hermitage de l’île saincte (1612) comme en réponse à<br />

l’invitation salésienne de repliement en la solitude <strong>du</strong> cœur. La clôture qu’incarne l’île convie aisément à la<br />

retraite spirituelle et favorise ainsi les conversions à la sécession et autres cheminements vers le salut de l’âme,<br />

ce que la fiction dévote exploite à l’envi, exhibant le modèle mythique de l’île de Patmos où saint <strong>Jean</strong> écrivit<br />

l’Apocalypse. L’île représente donc l’espace idéal pour les noces <strong>du</strong> romanesque et de la dévotion, à la fois<br />

ermitage où l’on fait pénitence et rivages où l’on échappe aux barbaresques. Elle n’est précisément pas un<br />

cloître, trop expressément spirituel, et présente l’indéniable avantage d’avoir un passé dans le roman d’aventures<br />

héroïco-sentimental : elle sert parfaitement l’alliance retorse qui préside au roman dévot. « Dernière barrière <strong>du</strong><br />

monde avant de renaistre dedans l’éternité », selon la formule de François Fouet dans Floriane, son amour, sa<br />

pénitence, et sa mort (1601), l’île représente le visa de la terre au ciel, le passage <strong>du</strong> péché au Salut, tra<strong>du</strong>isant en<br />

abîme, me semble-t-il, celui <strong>du</strong> romanesque à la dévotion. C’est cet imaginaire de l’île de la dévotion que je<br />

voudrais scruter notamment à travers Floriane de Fouet, Les Erres de Philaret (1611) de Guillaume de<br />

Rebreviettes, Alexis (1622) de <strong>Jean</strong>-Pierre Camus et Les Adventures de Lycidas & Cléorithe (1630) de Gervais<br />

de Bazire.<br />

Nancy Oddo,<br />

Maître de conférences en littérature <strong>du</strong> XVI e siècle à l’université de Paris III-Sorbonne Nouvelle.<br />

Travaux sur les liens entre littérature narrative et religion entre le XVIe et le début <strong>du</strong> XVIIe siècle.<br />

11-Claudine Nédélec, L’île de la Cité, Université d’Arras<br />

Je voudrais m’intéresser à une île toute particulière, l’île de la Cité, à Paris. C’est en effet au XVII e siècle que<br />

commence à se développer à la fois le mythe de Paris, ville composite, bruyante et bigarrée, faite de splendeurs<br />

et de misères, et l’imaginaire d’un Paris constitué de « lieux » spécifiques, tout autant sociaux que spaciaux,<br />

imaginaire d’autant plus intéressant qu’il est essentiellement alimenté par <strong>des</strong> formes marginales de la littérature,<br />

et <strong>des</strong> arts de représentation : facéties, pamphlets, itinéraires burlesques, gravures circulant sur feuilles<br />

volantes… Ce qui n’empêche pas certains « hommes de lettres » de s’en emparer parfois (ainsi dans les romans<br />

comiques).<br />

Or le cœur de ce Paris, populaire, familier, burlesque, c’est l’île de la Cité, avec d’un côté le Pont-Neuf, la place<br />

Dauphine, et leur vie intense, à la fois commerciale et « culturelle », lieu notamment de toutes les formes de ce<br />

qu’on appelle aujourd’hui le « théâtre indigne », et de l’autre, vers l’île Saint-Louis, le Port-au-foin, et ses<br />

cagnards, lieu marchand, mais aussi lieu de refuge de toutes sortes de vagabonds et de mendiants.<br />

Si la notion d’île y perd de sa spécificité – nulle île plus reliée à son « continent », plus inséparable de ses grèves<br />

que celle-là ! – l’île de la Cité garde malgré tout une « couleur » à nulle autre pareille – couleur dont rendront<br />

encore compte Victor Hugo et Eugène Sue.<br />

Il s’agit donc d’évoquer cet imaginaire, peut-être unique, d’un cœur de ville qui est une île, et d’un centre qui fut<br />

aussi le rendez-vous <strong>des</strong> marginaux de tous ordres, dont ces marginaux particuliers que sont les gens <strong>du</strong><br />

spectacle et les gens de plume – lieu de toutes les « rencontres », au double sens de ce terme au XVII e siècle.<br />

Claudine Nédelec, professeur <strong>des</strong> Universités, Université d’Artois – travaux sur les langages déviants en<br />

littérature (thèse sur l’argot, XVI e -XIX e s.), sur le burlesque (États et empires <strong>du</strong> burlesque, 2004, Champion) et<br />

les diverses formes <strong>du</strong> comique, y compris dans les arts graphiques ; liens complexes <strong>du</strong> burlesque avec les<br />

formes d’expression et les représentations <strong>des</strong> « classes populaires » au XVII e siècle.


12- <strong>Jean</strong> Leclerc , Université Western Ontario, : «De Colchos à la rivière de Morin, de l’imaginaire<br />

mythique à la réalité burlesque»<br />

«Il vaut bien mieux aller à la rivière de Morin, repartit<br />

Clarimond, je sçay un endroict où il y a une petite Isle qui sera<br />

l’isle de Colchos». (Charles Sorel, Le Berger extravagant,<br />

p. 360)<br />

L’île de Colchos est un lieu mythique par excellence, où se sont déroulées les aventures de Jason et <strong>des</strong><br />

Argonautes pour conquérir la toison d’or. Cette fable antique, racontée dans le septième livre <strong>des</strong><br />

Métamorphoses d’Ovide, laisse une place importante à l’imaginaire et au merveilleux, que ce soit par la<br />

métamorphose <strong>des</strong> guerriers, par la présence <strong>du</strong> dragon et surtout celle de la magicienne Médée, dont les poisons<br />

et les philtres vont assurer le succès de Jason. Comme la plupart <strong>des</strong> fables et <strong>des</strong> grands poèmes héroïques de<br />

l’Antiquité, ce passage <strong>des</strong> Métamorphoses n’a pas manqué d’attirer l’attention <strong>des</strong> auteurs comiques, qui se sont<br />

plu à réécrire ce mythe d’une manière bouffonne, à parodier l’élocution pompeuse et à désacraliser les vertus<br />

héroïques par une remise en contexte triviale <strong>des</strong> péripéties.<br />

Je propose d’étudier différentes réécritures comiques <strong>du</strong> mythe de Jason et de Médée, notamment dans<br />

le Jason incognito de Pierre de Nouguier (1650) et dans un épisode <strong>du</strong> Berger extravagant de Charles Sorel<br />

(1627), afin d’observer l’importance de la situation insulaire dans ce contexte particulier de déplacement d’un<br />

imaginaire mythique vers une réalité burlesque. En s’attardant aux <strong>des</strong>criptions <strong>des</strong> lieux, aux personnages et à<br />

leurs actions, il s’agira de voir comment la représentation de l’île, espace privilégié <strong>du</strong> déploiement d’un<br />

imaginaire mythique, en autorise en même temps son dégonflement et son démasquage, pour devenir le nouveau<br />

lieu de refus d’un imaginaire païen, favorisant le passage <strong>du</strong> mythe au réel.<br />

13-L’ île et ses manifestations dans la littérature française <strong>du</strong> XVII° siècle, Alia Baccar<br />

L’île, sous la plume <strong>des</strong> narrateurs et dramaturges français <strong>du</strong> milieu <strong>du</strong> XVII°siècle, fera l’objet de ma<br />

communication qui aura une approche littéraire.<br />

Référence géographique en tant que telle, elle est décrite comme lieu de fuite et de refuge et apparaît, de<br />

ce fait, comme terre d’asile. Cependant, conformément aux événements historiques qu’a vécus la Méditerranée,<br />

l’île perd sa quiétude pour devenir le théâtre d’enlèvements et d’emprisonnements. Elle s’impose alors comme<br />

terre de violence.<br />

Cette ambivalence explique sans doute pourquoi elle offre diverses possibilités à tout écrivain en quête<br />

d’intrigues et désireux de donner libre cours à sa créativité sur le plan dramaturgique ou romanesque.<br />

Thème littéraire l’île, sur laquelle les héros échouent souvent par hasard, devient ainsi une terre<br />

imaginaire, un lieu-prétexte où tout est possible : péripéties, rebondissements, rencontres fortuites, changements<br />

de <strong>des</strong>tinée, décor de spectacle …Elle est perçue comme allégorie de l’amour, univers <strong>du</strong> merveilleux, monde de<br />

la mythologie….<br />

Bref, la présence de l’île est porteuse de significations multiples que de tenterai de cerner à partir d’un<br />

corpus bien défini.<br />

Je pense en particulier aux œuvres suivantes :<br />

Aubignac (Messire François d’) Macarise ou la reine <strong>des</strong> isles fortunées, Boyer( Abbé Claude) Ulysse dans l’île<br />

de Circé, Gomberville La Cythérée, Montfleury (A.J. de) La femme juge et partie, Montpensier (Duchesse de)<br />

La Relation de l’isle imaginaire, Rotrou (<strong>Jean</strong>) La Sœur, Saint Sorlin (Desmarest de) Les Visionnaires, Mlle de<br />

Scudéry Artamène, le Grand Cyrus et Almahide ou l’esclave reine, Mlle de Senecterre La Suite et conclusion<br />

d’Orasie, Mme de Villedieu Alcidamie .<br />

ALIA BACCAR BOURNAZ est Docteur d’Etat en littérature française(Sorbonne Nouvelle-Paris III). Professeur<br />

honoraire de Chaire supérieure (Université de La Manouba-Tunis). Ses travaux portent sur le XVII° siècle français et<br />

sur la Méditerranée, ses cultures, ses héros et leur impact sur l’imaginaire de l’Antiquité au XVII°s. Ses Centres<br />

d’intérêt sont aussi les relations Orient/ Occident dans les récits de voyage aux XVI° et XVII° siècles, la Tunisie<br />

punique et latine dans les textes tra<strong>du</strong>its et les romans tunisiens d’expression française.<br />

Elle est l’auteur d’ouvrages dont les plus importants sont :<br />

-" La Mer, source de création littéraire au XVII°siècle », Préface de Jacques Morel, Biblio 17, n°62, Tübingen,<br />

1991.(350 p.)<br />

-"Le Lys, le Croissant et la Méditerranée", Préface de Bernard Vincent, Postface de Mohamed Yalaoui, L'Or <strong>du</strong><br />

temps, Tunis, décembre 1994, (160 p.)


-"Le XVII° siècle français, aperçu littéraire",Préface de Georges Molinié, Publication de l’Université de la<br />

Manouba aux éditions Cérès Editions, Tunis 1995, (200 p.)<br />

-« Essais sur la littérature tunisienne d’expression française », Préface de Majid El Houssi, Editions Academia<br />

Bruylant , Louvain-Belgique 2005, (174 p.)<br />

-« Zobéida Amira, la dame de Dar el Bacha », Préface <strong>du</strong> Dr. Néziha Mezhoud, Editions Sahar, Tunis novembre<br />

2007, (195 p.)<br />

14-Sylvie Requemora-Gros, Université Aix-Marseille I, L’île au XVIIe siècle : réalités et imaginaire<br />

L’Insulaire de Gomberville : de l’île corsaire à l’île inaccessible dans Polexandre (1641).<br />

De l’archipel <strong>des</strong> Canaries à celui <strong>des</strong> Açores, Gomberville semble construire son roman Polexandre<br />

comme un insulaire à la fonction à la fois narrative et politique. Si un Insulaire (en italien Isolario) est avant tout<br />

un atlas exclusivement composé de cartes d'îles, il est aussi un récit, fragmenté et discontinu, en archipel. La<br />

comparaison de ce genre géographique avec la structure romanesque baroque de Gomberville semble ainsi se<br />

légitimer. Bien avant Télémaque de Fénelon où l’é<strong>du</strong>cation <strong>du</strong> prince et <strong>du</strong> lecteur se modèle au gré <strong>des</strong> archipels<br />

méditerranéens, Gomberville propose à son lecteur une odyssée atlantique à la fois linéaire (dont le point de<br />

départ est l’île de Fer, aux Canaries), traversière (<strong>des</strong> îles bienheureuses canariennes à l’île corsaire de Bajazet<br />

sise aux Açores) et circulaire (avec comme point nodal sans cesse désiré l’île inaccessible), suscitant une<br />

réflexion sur une véritable nissologie politique, interrogeant tour à tour la monarchie, le <strong>des</strong>potisme éclairé, la<br />

démocratie, l’anarchie et la république au gré de diverses thalassocraties.<br />

Ainsi, Gomberville, dans sa seconde version de L’Exil de Polexandre, décrit-il l’île où les corsaires ont<br />

leur repaire afin d’intro<strong>du</strong>ire dans son roman un long développement sur leur organisation que la dernière<br />

version de Polexandre amplifie. La <strong>des</strong>cription topographique débouche sur une analyse sociale et religieuse<br />

avant de prendre un tour politique. Elle détourne en fait la réalité de la société libertaire flibustière vers une<br />

éthique aristocrate plus conforme aux goûts <strong>des</strong> lecteurs mondains <strong>du</strong> roman, et propose la représentation d’une<br />

île corsaire non pas démocratique, comme certains critiques ont pu l’écrire, mais fine fleur de l’aristocratie<br />

correspondant aux idéaux de l’époque de Louis XIII. Comparé à cette thalassocratie qui ne se sauve de<br />

l’anarchie que parce que chaque pirate craint la fureur de son voisin, le gouvernement d’Alcidiane fait presque<br />

déjà figure de <strong>des</strong>potisme « éclairé ». A mi-chemin de la monarchie absolue chère à Richelieu et de celle, limitée<br />

par les prérogatives <strong>des</strong> Grands, dont rêveront peu après 1637 certains théoriciens de la Fronde, il est tempéré<br />

par toute une série de contre-pouvoirs.<br />

Envisager Polexandre comme un insulaire permettrait ainsi d’envisager la relation entre ces espaces<br />

imaginaires, l’écriture et les thèmes anthropologiques, géographiques et politiques, à travers les différents<br />

archipels structurant la narration.<br />

Notice bio-bibliographique :<br />

Maître de conférences en littérature française <strong>des</strong> siècles classiques à l’Université d’Aix-Marseille I,<br />

normalienne agrégée, membre <strong>du</strong> Centre de Recherche sur la Littérature <strong>des</strong> Voyages (Paris IV-Sorbonne) et <strong>du</strong><br />

Centre de Recherches Aixois sur l’Imagination de la Renaissance à l’Age Classique (Aix-Marseille I),<br />

organisatrice de colloques sur « Le voyage en France au XVIIe siècle » (Aix, 1996), « Fête et Imagination de la<br />

Renaissance aux Lumières » (Aix, 2003), « Théâtre et Voyage II » (Irlande <strong>du</strong> Nord, 2006) et « Image et<br />

Voyage » (à venir en mai 2008), auteur d’une thèse de doctorat en cours de publication, intitulée Voguer vers la<br />

modernité, le voyage à travers les genres au XVIIe siècle, et d’une trentaine d’articles sur la littérature <strong>des</strong><br />

voyages, la littérature française <strong>du</strong> XVIIe siècle et le mélange <strong>des</strong> genres.<br />

15-Isabelle Trivisani-Moreau, Université d’Angers, « Télémaque d’une île à l’autre : un prince face à<br />

l’évidence et ses leurres. »


Issues <strong>des</strong> parcours d’Ulysse et de Télémaque lui-même dans l’épopée homérique, les errances prêtées<br />

au héros <strong>des</strong> Aventures de Télémaque constituent de multiples épreuves que Fénelon a adaptées à son projet :<br />

chargé de la formation <strong>du</strong> <strong>du</strong>c de Bourgogne, il fait en sorte que ces épreuves rencontrées en divers endroits<br />

amènent Télémaque au futur exercice de la royauté. D’un bout à l’autre <strong>du</strong> bassin méditerranéen, le lecteur <strong>des</strong><br />

textes antique retrouve <strong>des</strong> lieux connus, mais aussi ajoutés ou transformés pour les besoins de la cause. Si les<br />

îles étaient déjà nombreuses dans le parcours d’Ulysse, leur configuration topographique marquée par la clôture<br />

semble se prêter particulièrement à la succession <strong>des</strong> épreuves abordées selon une rigoureuse progression les<br />

unes après les autres.<br />

L’isolement naturel de l’île amène à une réflexion politique sur la clôture et l’ouverture, le repli sur soi<br />

ou l’expansion vers les autres. D’un bon nombre de développements se dégage une représentation assez<br />

manichéenne <strong>du</strong> risque d’enfermement que comporte l’île (rétention plus ou moins volontaire d’Ulysse puis de<br />

Télémaque dans l’île de Calypso, redoublé à propos de l’île de Chypre ; affaiblissement et mollesse de celui qui<br />

veut trop rester), tandis que la navigation vers les autres peuples et les terres inconnues fait l’objet d’une<br />

présentation extrêmement positive, notamment avec l’exemple <strong>du</strong> commerce <strong>des</strong> Phéniciens proposés, semble-til,<br />

comme modèle pour le futur roi d’Ithaque.<br />

Une telle représentation reçoit cependant ses nuances : la fondation installée dans l’île de Gadès par les<br />

Phéniciens lors de l’épisode de la Bétique paraît moins idéalisée, comme le projet de conquête de l’île de<br />

Carpathie. De même si la retraite dans une île doit être dépassée, elle constitue néanmoins un instrument de<br />

valorisation morale incontestable. Plus complexe que ses contours schématiques ne pourraient le laisser croire,<br />

l’île s’offre régulièrement à nos interrogations, qu’il s’agisse <strong>des</strong> redoublements dont certaines font l’objet, de<br />

l’utilisation de l’île de Calypso dans plusieurs livres <strong>du</strong> début de l’œuvre pour revenir sur le passé ou de la<br />

présentation de cette même île comme lieu d’un conflit divin et point de mire de tout l’Olympe.<br />

Cette mise en question à partir de l’île paraît illustrée par les nombreux leurres dont elle devient le<br />

prétexte ou le théâtre, illustrant ainsi la nécessaire vigilance <strong>du</strong> prince. Cela se mesure dans les erreurs commises<br />

à propos d’un certain nombre de ces îles (la fausse Ithaque d’Acamas, le rapprochement entre la Crète et Salente<br />

à propos d’Idoménée, la confusion dans le rêve Télémaque entre une île fortunée évoquant les Champs Elysées<br />

et l’île <strong>des</strong> Phéaciens). On le perçoit également dans la convocation <strong>des</strong> îles à propos de nombreux mensonges<br />

mettant qui mettent en jeu l’identité <strong>des</strong> indivi<strong>du</strong>s (le crétois Malachon assimilé au pseudo-phrygien Télémaque,<br />

Cléomène-Ulysse sur une île sauvage, les parallèles entre les histoires de Philoctète et Néoptolème avec<br />

l’utilisation <strong>des</strong> îles de Lemnos et Skyros).<br />

16- L’île comme métaphore politique dans le spectacle de cour<br />

Marie-Claude Canova Green est professeur à Goldsmiths, Université de Londres. Elle a fait de nombreux<br />

travaux sur le ballet de cour au XVIIe siècle et sur la comédie- ballet de Molière.<br />

Dans la mesure où le lieu théâtral, ici le domaine royal en fête, apparaît comme un lieu non seulement clos, mais<br />

clôturé, dans la mesure où l’espace théâtral se caractérise lui aussi par sa clôture, tout en entretenant <strong>des</strong> rapports<br />

d’inclusion-exclusion avec ce qui l’entoure, dans la mesure enfin où l’espace scénique lui-même repro<strong>du</strong>it ces<br />

mêmes caractéristiques, quand il n’inclut pas en son sein, par <strong>des</strong> effets de mise en abyme, <strong>des</strong> décors d’îles,<br />

jardins et autres bocages, le spectacle de cour au XVIIe siècle relève éminemment de l’insularité.<br />

D’autre part, dans la mesure où l’espace scénique vise à projeter à la fois un modèle ré<strong>du</strong>it et une image idéale<br />

<strong>du</strong> roi, de la cour et <strong>du</strong> royaume, qui se substitue à la réalité, le spectacle de cour construit une représentation<br />

imaginaire <strong>du</strong> monde qu’il imite, et qui a pour premier effet de transformer ce hors-scène lui-même en île, avec<br />

tout ce que cela suppose de lieu protégé et objet d’admiration et d’envie.<br />

D’où alors les multiples lieux insulaires fictifs évoqués sur scène ou dans les textes, qu’il s’agisse d’îles à<br />

proprement parler comme les <strong>Iles</strong> Fortunées ou celle <strong>des</strong> Hespéri<strong>des</strong>, ou encore de ces îlots spatio-temporels<br />

métaphoriques figurés par l’Arcadie et autres lieux mythiques de la Grèce antique, où sont vus fusionner usages<br />

<strong>du</strong> pastoral et a<strong>du</strong>nata de l’Age d’or.<br />

Marie-Claude Canova-Green<br />

Goldsmiths, Université de Londres


17-Françoise Rubellin, université de Nantes, centre d’étu<strong>des</strong> <strong>des</strong> théâtres de la Foire, Aux origines de la<br />

fortune <strong>des</strong> îles au théâtre-Formes et fonctions avant les îles de Marivaux.<br />

On connaît la fortune <strong>des</strong> îles sur le théâtre français au XVIIIème siècle, illustrée notamment par l’Île <strong>des</strong><br />

esclaves et l’lle de la raison de Marivaux, mais on n’a pas encore analysé les racines de cette vogue<br />

spectaculaire. Nous nous proposons de partir <strong>des</strong> ballets de cour <strong>du</strong> XVIIe (Ballet <strong>des</strong> princesses <strong>des</strong> îles<br />

(Bertaut, 1601), Ballet de l'île Louvier (1637) pour montrer ensuite l’intro<strong>du</strong>ction progressive de l’exploitation<br />

<strong>des</strong> îles au théâtre ; statistiques à l’appui (à partir de la base de données CESAR), nous tenterons de montrer<br />

qu’au théâtre les îles peuvent se regrouper en quatre familles, qui semblent être apparues dans l’ordre suivant<br />

(hypothèse que nous vérifierons lors <strong>du</strong> colloque) :<br />

• <strong>Iles</strong> homériques : île de Circé et île de calypso<br />

• <strong>Iles</strong> magiques : Mélusine, L' Ile d'Alcine ou l' anneau magique de Brunel (1700)<br />

• <strong>Iles</strong> exotiques, permettant de traiter l’orient en toute liberté<br />

• <strong>Iles</strong> utopiques, présentant une société idéale, ou <strong>du</strong> moins un projet de réforme<br />

Existe-t-il une spécificité de l’île au théâtre ? où la série <strong>des</strong> îles allégoriques et satiriques prend elle sa source<br />

(Ile <strong>du</strong> mariage, Ile <strong>du</strong> divorce, Ile de la coquetterie, Ile de la volupté, Ile de la mollesse…)<br />

Enfin nous étudierons la représentation <strong>des</strong> ces îles à partir de frontispices ; parmi d’autres exemples, l’île <strong>du</strong><br />

mariage et l’île <strong>des</strong> amazones, repro<strong>du</strong>its ci-<strong>des</strong>sous.<br />

18-Sergio Poli, université de Gênes, La langue d’Utopie ou l’utopie de la langue

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