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1-Thévenot, Ethnographe des Iles du Levant, Michele Longino Jean ...

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possibles entre utopie-programme, utopie pratiquée et utopie narrative à la fin de l’Age<br />

classique.<br />

3-Sophie Rollin, Université de Durham, Royaume-Uni, « L’île, image emblématique de la galanterie dans<br />

les peintures <strong>des</strong> fêtes galantes »<br />

Le motif de l’île a exercé un attrait particulier sur les peintres <strong>des</strong> « fêtes galantes ». Watteau, le<br />

premier, a peint une île de Cythère dans sa jeunesse, puis les deux versions de son Pèlerinage à l’île de Cythère,<br />

et enfin une île enchantée. Autour de 1725, plusieurs compositions sur le thème <strong>du</strong> pèlerinage à Cythère sont<br />

réalisées par Lancret, Quillard, Jacques Vigoureux-Duplessis. On en passe. Fragonard, enfin, dans le dernier<br />

quart <strong>du</strong> XVIIIe siècle réalise une Ile d’amour. Faut-il conclure que l’île soit un motif caractéristique de la<br />

peinture <strong>du</strong> XVIIIe siècle ? Pas exactement. Lorsque Watteau présente son morceau de réception à l’Académie,<br />

le titre « Pèlerinage à l’île de Cythère » est rayé sur les registres et remplacé par « Une fête galante ». Or, c’est<br />

entre 1650 et 1675 que l’adjectif « galant » est généralement employé pour désigner diverses oeuvres artistiques.<br />

Après Watteau, Lancret et Pater sont tous deux reçus à l’Académie comme « peintres <strong>des</strong> fêtes galantes ». Une<br />

catégorie nouvelle de peintres est ainsi instituée au XVIIIe siècle qui reprend une désignation générique courante<br />

au siècle précédent.<br />

A partir de l’opération qui substitue le mot « galanterie » à celui d’ « île de Cythère », on peut se<br />

demander en quoi l’image de l’île apparaît emblématique d’une galanterie toute dix-septièmiste.<br />

Une <strong>des</strong> principales aires sémantiques de l’adjectif « galant » renvoie au domaine amoureux. A cet<br />

égard, l’île possède un symbolisme transparent : par son isolement, elle évoque l’intimité <strong>des</strong> amants, l’univers<br />

clos et privé auquel donne accès le sentiment amoureux, et connote la sensualité par sa rondeur ou ses affinités<br />

avec l’eau. Cependant, l’amour est représenté de façon métaphorique et allusive dans les peintures <strong>des</strong> « fêtes<br />

galantes ». Il s’impose sous la forme d’une statue de Vénus, d’un temple, <strong>des</strong> roses et <strong>des</strong> putti qui volettent<br />

autour <strong>des</strong> personnages. Ce n’est qu’à la façon dont les personnages s’organisent par couples, à certains gestes<br />

prévenants et aux sourires qui traînent sur leurs visages que l’on devine en eux <strong>des</strong> amants. On est donc loin <strong>des</strong><br />

parfums de libertinage qui se répandent au long <strong>du</strong> XVIIIe siècle. La représentation de l’amour, dans ces toiles,<br />

renvoie davantage à la « belle galanterie » chaste dont l’idéologie s’élabore au XVIIe siècle. La gaieté et les<br />

jeux évoquent un amour galant, sémillant parce qu’il se veut ludique et sans risques. L’image de l’île rappelle les<br />

géographies allégoriques en vogue à cette époque avec en tête la Carte de Tendre. Le mot de « pèlerinage », qui<br />

revient dans la plupart <strong>des</strong> titres donnés aux tableaux, suggère un chemin à parcourir, de même que les attitu<strong>des</strong><br />

<strong>des</strong> personnages qui, dans certaines toiles, semblent mimer les différentes étapes de la relation amoureuse. But<br />

suprême et aboutissement <strong>du</strong> parcours, quand sont franchis les dangers de la mer, l’île est l’image de l’amour<br />

galant.<br />

Toutefois, à l’itinéraire géographique qu’intro<strong>du</strong>it l’image de l’île s’ajoute un itinéraire social. Chez<br />

Watteau, la guirlande <strong>des</strong> personnages, qui commence par <strong>des</strong> figures mo<strong>des</strong>tes aux attitu<strong>des</strong> relâchées, se<br />

déroule jusqu’à <strong>des</strong> figures aristocratiques aux gestes pleins de retenue. Chez les autres peintres, ce ne sont plus<br />

que <strong>des</strong> aristocrates que l’on reconnaît au raffinement de leurs vêtements. Dès lors, on peut émettre une<br />

hypothèse : le symbolisme amoureux de l’île ne se double-t-il pas d’un symbolisme social pour représenter la<br />

catégorie étroite et isolée de la noblesse, berceau de la « véritable » galanterie ? L’île serait alors l’image de la<br />

galanterie en tant que courant social d’origine aristocratique. Dans ces îles où l’amour n’est jamais associé à<br />

la solitude <strong>du</strong> couple, mais à une petite société, l’île ne va-t-elle pas jusqu’à figurer le « cercle » ou la<br />

« chambre », îlots bâtis, à l’intérieur même de l’aristocratie, en opposition à la Cour pour constituer les<br />

microcosmes isolés d’un art de vivre privilégié ? En effet, le nom de fête galante donné à ces toiles désigne une<br />

atmosphère de gaieté bien différente de celle <strong>des</strong> foires d’une part, et d’autre part <strong>des</strong> divertissements royaux<br />

avec leur éclat et leur pompe. Le paysage d’une île aux agréments simples et champêtres est le refuge <strong>du</strong> cercle<br />

mondain qui se développe d’abord autour de la marquise de Rambouillet, vers 1625, -on trouve <strong>des</strong> échos de ces<br />

divertissements champêtres dans les lettres de Voiture- puis sous <strong>des</strong> formes légèrement différentes, à partir de<br />

1650, autour d’autres personnalités féminines.<br />

L’île, image de la galanterie en tant que conception de l’amour et courant social, serait donc la<br />

représentation d’un monde appartenant au passé. Les fêtes de la Régence, plus libertines que galantes, sont de<br />

vaines tentatives pour ressusciter les moeurs <strong>du</strong> siècle précédent ; les romans contemporains cultivent davantage<br />

le goût de la licence que celui de la chasteté et laissent planer sur l’amour une ombre de désenchantement.<br />

Pourtant, la galanterie continue de charmer le XVIIIe siècle ; ces toiles en témoignent, tout comme le théâtre de

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