1-Thévenot, Ethnographe des Iles du Levant, Michele Longino Jean ...
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adressent à leur public ; d’où la forme dialogique dominante <strong>du</strong> roman, la présence de nombreux<br />
narrateurs et autant de situations de narration variées, ainsi que les caractéristiques de l’oralité dans la<br />
langue utilisée. Cette structure discursive complexe, avec <strong>des</strong> histoires interrompues, entrecroisées,<br />
digressives, est justifiée par l’arrivée en scène d’un nouveau personnage ou le départ d’un autre.<br />
L’encadrement dans l’île influence donc la structure <strong>du</strong> texte, son cadre énonciatif, sa composition<br />
discursive. Par ailleurs, le lecteur implicite se voit attribuer un rôle important, à l’instar de celui <strong>des</strong><br />
narrateurs-auditeurs sur l’île, au point où il est amené à donner une conclusion à <strong>des</strong> histoires qui restent<br />
finalement inachevées.<br />
Exclusion sociale et inclusion dans le récit.<br />
Pour les exilés, leur exclusion de la société entraîne inversement leur inclusion dans le récit. Dans<br />
la petite société de l’île, les personnages bannis de la société romaine peuvent ainsi devenir narrateurs de<br />
leur propre histoire grâce à la forme <strong>des</strong> récits encadrés. Mais ces récits ne mettent en scène que leur vie<br />
privée, sans aborder leur vie publique qui devrait être réservée à l’historiographie. Cette limitation à la<br />
vie privée <strong>des</strong> personnages, et particulièrement <strong>des</strong> personnages historiques que l’auteur intro<strong>du</strong>it dans<br />
son roman, dévoile ses intentions strictement littéraires. En choisissant de traiter <strong>des</strong> histoires galantes<br />
<strong>des</strong> personnages historiques, Madame de Villedieu peut plus librement construire leurs récits sans se<br />
préoccuper <strong>des</strong> données historiques concernant leurs actions militaires ou politiques que devraient<br />
respecter les historiographes. Les différences entre le texte de fiction et la tradition historiographique, en<br />
effet, auraient pu infléchir le rapport de confiance et le pacte narratif que l’auteur cherche à ménager<br />
avec son lecteur.<br />
Madame de Villedieu élabore son univers fictionnel sur un double matériel référentiel, celui de<br />
l’univers historique de l’Antiquité auquel fait référence explicite le texte (l’histoire romaine) et, à un<br />
autre niveau d’interprétation, le renvoi implicite à la réalité contemporaine, à travers un complexe<br />
système de clefs. Le lecteur <strong>des</strong> Exilez est donc appelé à interpréter tous les indices selon une double<br />
possibilité de lecture ; cette stratégie in<strong>du</strong>it aussi une plus grande complicité entre lui et l’auteur car la<br />
coopération interprétative <strong>du</strong> lecteur est indispensable pour l’activation <strong>du</strong> niveau référentiel implicite <strong>du</strong><br />
texte.<br />
Par ce biais, le roman de Madame de Villedieu dépeint, au travers de la fiction, la réalité politique<br />
et sociale <strong>du</strong> dernier tiers <strong>du</strong> XVII e siècle, plus précisément la situation de la noblesse, constamment<br />
menacée par l’absolutisme royal. Les nobles, exclus <strong>du</strong> dispositif de représentation historique mis en<br />
place par le système de pouvoir absolutiste, bannis <strong>du</strong> pouvoir, exilés dans une cour qui présente de<br />
nombreuses et diverses analogies avec la situation d’insularité, accèdent ainsi, par le détour <strong>du</strong> roman, à<br />
la seule représentation qui leur est admise : ils doivent se contenter à ne devenir protagonistes que de leur<br />
histoire privée, galante.<br />
Conclusion.<br />
L’île devient, métaphoriquement, le lieu où convergent et finalement se dénouent la plupart <strong>des</strong><br />
nœuds <strong>des</strong> nombreuses intrigues <strong>des</strong> Exilez. D’autres histoires sont condamnées à rester sans suite,<br />
puisque le roman s’annonce comme inachevé. Ne pouvant pas conclure tous les récits secondaires,<br />
l’auteur, avec une intervention de type méta-narratif, se manifeste pour déclarer l’impossibilité de<br />
terminer, dans le dernier volume, les récits laissés en suspens. Ainsi fait-elle la promesse d’en rédiger un<br />
autre où elle pourrait conclure toutes les histoires. Ce volume ne vit jamais le jour et Les Exilez, comme<br />
bien d’autres romans de Madame de Villedieu, se termine par son inachèvement.<br />
7-Marie-Christine Pioffet, Géographie insulaire, géographie d’outre-tombe :<br />
l’île Imaginaire <strong>du</strong> Nouveau Panurge à la croisée <strong>des</strong> Champs Élysées et <strong>du</strong> royaume de l’Enfer<br />
Mon projet propose de dresser le cadastre de cette fiction géographique qui s’inscrit dans le prolongement de la<br />
Genèse, <strong>des</strong> odyssées homérique et virgilienne, <strong>des</strong> Métamorphoses d’Ovide, <strong>des</strong> fabliaux <strong>du</strong> Moyen Âge, <strong>des</strong><br />
récits rabelaisiens, <strong>du</strong> Disciple de Pantagruel.<br />
Cette île, qui apparaît dans Le Nouveau Panurge publié sous l’anonymat 1 , donne naissance à une utopie<br />
satirique et pro-catholique. À l’exemple de tant d’îles mythiques, le pays inventé est difficile à situer sur les<br />
cartes. La seule indication spatiale tient à sa proximité avec l’archipel <strong>des</strong> Canaries : « L’Isle Imaginaire est à<br />
1 Le Nouveau Panurge, La Rochelle, Michel Gaillard, s. d. [Lyon, 1616].