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parents défaillants, professionnels en souffrance - Yapaka

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Confrontés aux troubles graves de la par<strong>en</strong>talité qui mett<strong>en</strong>t<br />

l’<strong>en</strong>fant <strong>en</strong> danger tant psychiquem<strong>en</strong>t que physiquem<strong>en</strong>t, les<br />

<strong>professionnels</strong> impliqués dans la protection de l’<strong>en</strong>fance sont<br />

déstabilisés et viv<strong>en</strong>t des mouvem<strong>en</strong>ts émotionnels int<strong>en</strong>ses.<br />

A la <strong>souffrance</strong> des <strong>en</strong>fants et des <strong>par<strong>en</strong>ts</strong>, fait écho la<br />

<strong>souffrance</strong> des <strong>professionnels</strong>. L’impact désorganisateur de la<br />

psychopathologie familiale sur le fonctionnem<strong>en</strong>t des équipes<br />

est <strong>en</strong>core trop largem<strong>en</strong>t sous-estimé et trop peu de souti<strong>en</strong><br />

leur est apporté. Connaître et reconnaître cette <strong>souffrance</strong> au<br />

travail est indisp<strong>en</strong>sable afin de prév<strong>en</strong>ir le « burn out » chez les<br />

interv<strong>en</strong>ants et des dysfonctionnem<strong>en</strong>ts graves dans les prises<br />

<strong>en</strong> charge des <strong>en</strong>fants et de leur famille.<br />

Martine Lamour, psychiatre, a exercé p<strong>en</strong>dant 28 ans dans<br />

une unité spécialisée <strong>en</strong> soins psychiatriques pour jeunes<br />

<strong>en</strong>fants et leurs <strong>par<strong>en</strong>ts</strong> (c<strong>en</strong>tre Myriam David, Paris 13 e ). Les<br />

nourrissons exposés à des troubles graves de la par<strong>en</strong>talité,<br />

dans le contexte d’une psychopathologie par<strong>en</strong>tale, ont été au<br />

cœur de sa pratique. Clinici<strong>en</strong>ne, chercheuse et formatrice, elle<br />

a publié de nombreux articles ainsi que des ouvrages sur les<br />

perturbations des relations <strong>par<strong>en</strong>ts</strong>-nourrisson et leur impact<br />

sur les <strong>professionnels</strong>.<br />

Coordination de l’aide aux victimes de maltraitance<br />

Secrétariat général<br />

Ministère de la Communauté<br />

française de Belgique<br />

Bd Léopold II, 44 – 1080 Bruxelles<br />

yapaka@yapaka.be<br />

Par<strong>en</strong>ts <strong>défaillants</strong>, Professionnels <strong>en</strong> <strong>souffrance</strong><br />

Martine laMour<br />

yapaka.be<br />

43<br />

T e M P S D ’ A r r ê T l e c t u r e s<br />

Par<strong>en</strong>ts <strong>défaillants</strong>,<br />

Professionnels <strong>en</strong><br />

<strong>souffrance</strong><br />

Martine Lamour


Par<strong>en</strong>ts <strong>défaillants</strong>,<br />

<strong>professionnels</strong><br />

<strong>en</strong> <strong>souffrance</strong><br />

Martine Lamour


Temps d’Arrêt :<br />

Une collection de textes courts destinés aux<br />

<strong>professionnels</strong> <strong>en</strong> li<strong>en</strong> direct avec les familles . Une<br />

invitation à marquer une pause dans la course<br />

du quotidi<strong>en</strong>, à partager des lectures <strong>en</strong> équipe,<br />

à prolonger la réflexion par d’autres textes –<br />

8 parutions par an .<br />

Cette publication repr<strong>en</strong>d l’interv<strong>en</strong>tion de Martine Lamour prés<strong>en</strong>tée<br />

sous le titre « La <strong>souffrance</strong> des <strong>professionnels</strong> confrontés<br />

aux troubles graves de la par<strong>en</strong>talité » lors du colloque de<br />

l’association Paroles d’Enfants les 17 et 18 mai 2010 intitulé Les<br />

émotions dans la relation d’aide.<br />

Directeur de collection : Vinc<strong>en</strong>t Magos assisté de Diane<br />

Huppert ainsi que de Delphine Cordier, Nadège Depessemier,<br />

Sandrine H<strong>en</strong>nebert, Philippe Jadin, Christine Lhermitte et<br />

Claire-Anne Sevrin .<br />

Le programme yapaka<br />

Fruit de la collaboration <strong>en</strong>tre plusieurs administrations de la<br />

Communauté française de Belgique (Administration générale<br />

de l’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t et de la recherche sci<strong>en</strong>tifique, Direction<br />

générale de l’aide à la jeunesse, Direction générale de la santé<br />

et ONE), la collection Temps d’Arrêt est un élém<strong>en</strong>t du programme<br />

de prév<strong>en</strong>tion de la maltraitance yapaka .be<br />

Comité de pilotage: Jacqueline Bourdouxhe, Deborah<br />

Dewulf, Nathalie Ferrard, Ingrid Godeau, Louis Grippa,<br />

Françoise Guillaume, Gérard Hans<strong>en</strong>, Françoise Hoornaert,<br />

Perrine Humblet, Magali Kremer, Céline Morel, Marie Thonon,<br />

Reine Vander Lind<strong>en</strong> .<br />

Une initiative de la Communauté française de Belgique.<br />

Éditeur responsable : Frédéric Delcor - Ministère de la Communauté<br />

française de Belgique - 44, boulevard Léopold II – 1080 Bruxelles .<br />

Juin 2010<br />

Sommaire<br />

Une <strong>souffrance</strong> peu reconnue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5<br />

Comm<strong>en</strong>t s’exprime la <strong>souffrance</strong><br />

des <strong>professionnels</strong> ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7<br />

Des <strong>professionnels</strong> <strong>en</strong> <strong>souffrance</strong> . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7<br />

Redonner leur place aux émotions . . . . . . . . . . . . . . . . 12<br />

Comm<strong>en</strong>t compr<strong>en</strong>dre la <strong>souffrance</strong><br />

des <strong>professionnels</strong> ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15<br />

La confrontation à la <strong>souffrance</strong> des bébés<br />

et des <strong>par<strong>en</strong>ts</strong>, à leur psychopathologie . . . . . . . . . . . 17<br />

La confrontation à un monde qui bouleverse<br />

nos repères . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18<br />

La diffusion de la pathologie relationnelle . . . . . . . . . . . 21<br />

Les processus <strong>en</strong> jeu chez les <strong>professionnels</strong> . . . . . . . 27<br />

Séparer : une <strong>souffrance</strong> à vif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30<br />

Le déni de la nature psychopathologique<br />

des processus à l’œuvre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33<br />

Intégrer l’approche psychiatrique<br />

aux prises <strong>en</strong> charge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34<br />

Comm<strong>en</strong>t aider les <strong>professionnels</strong> ? . . . . . . . . . . . . . 37<br />

De la stigmatisation à l’accompagnem<strong>en</strong>t . . . . . . . . . . 37<br />

Repères pour aborder la <strong>souffrance</strong><br />

des <strong>professionnels</strong> . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38<br />

Permettre que s’exprime la <strong>souffrance</strong><br />

au travail et lui donner s<strong>en</strong>s . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42<br />

Accompagner les <strong>professionnels</strong> . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44<br />

Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53


Une <strong>souffrance</strong><br />

peu reconnue<br />

Ma pratique clinique au c<strong>en</strong>tre Myriam David s’est<br />

c<strong>en</strong>trée sur des situations de défaillance par<strong>en</strong>tale<br />

grave qui appell<strong>en</strong>t un soin spécialisé précoce, souv<strong>en</strong>t<br />

associé à des mesures de protection de l’<strong>en</strong>fant<br />

. J’ai travaillé avec des <strong>professionnels</strong> de toutes<br />

disciplines, beaucoup œuvrant dans le champ de la<br />

Protection de l’<strong>en</strong>fance, tous s’affairant de près ou<br />

de loin à aider les bébés et leur famille .<br />

Ces bébés, ces <strong>par<strong>en</strong>ts</strong> et ces <strong>professionnels</strong> m’ont<br />

beaucoup appris . Dans ces histoires de vie, à la<br />

<strong>souffrance</strong> des <strong>en</strong>fants et des <strong>par<strong>en</strong>ts</strong>, fait écho la<br />

<strong>souffrance</strong> des <strong>professionnels</strong>, la nôtre .<br />

Cette <strong>souffrance</strong> au travail est <strong>en</strong>core peu reconnue,<br />

d’autant plus que les <strong>professionnels</strong> n’os<strong>en</strong>t pas l’exprimer<br />

. Combi<strong>en</strong> de fois ai-je été questionnée sur le<br />

choix de ce terme qui provoquait des remarques plus<br />

ou moins critiques : « Vous avez dit <strong>souffrance</strong> ? Vous<br />

dramatisez . » ; « Il ne faut pas exagérer ! » ; « C’est un<br />

terme trop fort ; mieux vaut parler de stress » ; « Vous<br />

allez mettre les <strong>professionnels</strong> de terrain <strong>en</strong>core plus<br />

<strong>en</strong> difficulté <strong>en</strong> leur parlant de “<strong>souffrance</strong>”, et effrayer<br />

les administratifs ! » . Je rev<strong>en</strong>dique, pour ma part,<br />

l’usage du terme « <strong>souffrance</strong> » dans le cadre d’une<br />

approche psychodynamique, reconnaissant, au delà<br />

des vulnérabilités individuelles, la dim<strong>en</strong>sion collective<br />

des processus psychopathologiques à l’œuvre . Il<br />

m’est apparu être au plus près des éprouvés émotionnels,<br />

du malaise qui nous <strong>en</strong>vahit quand nous sommes<br />

confrontés aux situations où des <strong>en</strong>fants sont exposés<br />

à des troubles graves de la par<strong>en</strong>talité et à une pathologie<br />

du li<strong>en</strong> . Cette <strong>souffrance</strong> au travail touche aussi<br />

bi<strong>en</strong> le professionnel individuellem<strong>en</strong>t que les équipes,<br />

les institutions que les réseaux de <strong>professionnels</strong><br />

– 5 –


La dim<strong>en</strong>sion psychique et affective de la <strong>souffrance</strong><br />

au travail qui aboutit à l’ « usure m<strong>en</strong>tale »<br />

(Dejours, 2008), est <strong>en</strong>core trop souv<strong>en</strong>t méconnue<br />

dans notre champ d’action . Elle n’est prise <strong>en</strong><br />

compte, avec des réponses rapides et concrètes,<br />

que lorsqu’il y a agression physique de l’interv<strong>en</strong>ant,<br />

comme <strong>en</strong> témoigne cette puéricultrice de secteur<br />

(Mous-Toutain, parution prochaine) :<br />

« Quand je fais part à ma hiérarchie de ma <strong>souffrance</strong>,<br />

on me r<strong>en</strong>voie que je suis une très bonne<br />

professionnelle . C’est d’autant plus difficile à<br />

vivre que j’appr<strong>en</strong>ds que, pour toute agression<br />

physique dans l’exercice de ses fonctions, tout<br />

professionnel peut bénéficier, si son état le justifie,<br />

d’une prise <strong>en</strong> charge psychothérapique, payée<br />

par le départem<strong>en</strong>t » .<br />

Une telle <strong>souffrance</strong> mérite d’autant plus toute notre<br />

att<strong>en</strong>tion qu’elle <strong>en</strong>trave les compét<strong>en</strong>ces de chacun<br />

et provoque des dysfonctionnem<strong>en</strong>ts majeurs<br />

avec des effets néfastes tant pour les familles que<br />

pour les <strong>professionnels</strong> .<br />

Les situations et les ress<strong>en</strong>tis abordés ici ne sont<br />

pas exceptionnels ; ils illustr<strong>en</strong>t les difficultés que<br />

chacun peut r<strong>en</strong>contrer dans sa pratique . Plus les<br />

relations <strong>par<strong>en</strong>ts</strong>-<strong>en</strong>fant sont perturbées, plus des<br />

troubles graves de la par<strong>en</strong>talité expos<strong>en</strong>t l’<strong>en</strong>fant<br />

tant psychiquem<strong>en</strong>t que physiquem<strong>en</strong>t, et plus les<br />

<strong>professionnels</strong> se viv<strong>en</strong>t malm<strong>en</strong>és et sort<strong>en</strong>t meurtris<br />

de ces suivis .<br />

Aussi ai-je cherché avec tous ces part<strong>en</strong>aires le<br />

s<strong>en</strong>s de tels éprouvés pour mieux les p<strong>en</strong>ser et<br />

pour les transformer . C’est ce cheminem<strong>en</strong>t que je<br />

suivrai, <strong>en</strong> t<strong>en</strong>tant de répondre à 3 questions :<br />

Comm<strong>en</strong>t s’exprime la <strong>souffrance</strong> des <strong>professionnels</strong><br />

? Comm<strong>en</strong>t la compr<strong>en</strong>dre ? Comm<strong>en</strong>t aider les<br />

<strong>professionnels</strong> ?<br />

Comm<strong>en</strong>t s’exprime<br />

la <strong>souffrance</strong> des<br />

<strong>professionnels</strong> ?<br />

J’ai r<strong>en</strong>contré la <strong>souffrance</strong> des <strong>professionnels</strong><br />

au quotidi<strong>en</strong> dans différ<strong>en</strong>ts contextes : au c<strong>en</strong>tre<br />

Myriam David, dans des supervisions, dans des<br />

recherches-action-formation et au cours de formations<br />

dans ou hors les murs d’institutions .<br />

Des <strong>professionnels</strong> <strong>en</strong> <strong>souffrance</strong><br />

C’est ainsi que je suis <strong>en</strong>tré dans un monde peuplé<br />

de <strong>professionnels</strong> de toutes disciplines, portant<br />

de lourdes charges, d’abord d’un pas allègre puis<br />

s’épuisant au fil du temps .<br />

En 28 ans de pratique, j’ai r<strong>en</strong>contré des <strong>professionnels</strong><br />

compét<strong>en</strong>ts qui pourtant se s<strong>en</strong>tai<strong>en</strong>t profondém<strong>en</strong>t<br />

dévalorisés, et se vivai<strong>en</strong>t impuissants .<br />

J’ai r<strong>en</strong>contré des <strong>professionnels</strong> aguerris qui<br />

rêvai<strong>en</strong>t la nuit de ces situations et aurai<strong>en</strong>t aimé<br />

« s’<strong>en</strong> laver l’esprit » avant de r<strong>en</strong>trer chez eux .<br />

J’ai r<strong>en</strong>contré des <strong>professionnels</strong> pleins d’empathie<br />

qui pleurai<strong>en</strong>t <strong>en</strong> évoquant les émotions qu’ils<br />

avai<strong>en</strong>t ress<strong>en</strong>ties dans les soins d’un bébé maltraité<br />

.<br />

J’ai r<strong>en</strong>contré des <strong>professionnels</strong> qui aurai<strong>en</strong>t aimé<br />

emm<strong>en</strong>er le bébé chez eux le week-<strong>en</strong>d, afin de<br />

le soustraire à son <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t défaillant . J’ai<br />

r<strong>en</strong>contré des <strong>professionnels</strong> qui éprouvai<strong>en</strong>t de<br />

la colère à l’égard d’une mère inconséqu<strong>en</strong>te,<br />

et de la t<strong>en</strong>dresse pour le bébé <strong>en</strong> détresse, et<br />

– 7 –


d’autres qui éprouvai<strong>en</strong>t de la colère à l’égard du<br />

bébé <strong>en</strong> détresse, et de la t<strong>en</strong>dresse pour la mère<br />

inconséqu<strong>en</strong>te . J’ai r<strong>en</strong>contré des <strong>professionnels</strong><br />

expérim<strong>en</strong>tés qui craignai<strong>en</strong>t de persécuter les<br />

<strong>par<strong>en</strong>ts</strong> simplem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> observant leur relation avec<br />

leur <strong>en</strong>fant, et avai<strong>en</strong>t le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t de les trahir<br />

<strong>en</strong> osant p<strong>en</strong>ser un placem<strong>en</strong>t . J’ai r<strong>en</strong>contré des<br />

<strong>professionnels</strong> qui, au sein même de leur équipe,<br />

se vivai<strong>en</strong>t isolés et portai<strong>en</strong>t seuls le poids du<br />

signalem<strong>en</strong>t . J’ai r<strong>en</strong>contré des <strong>professionnels</strong> qui<br />

se s<strong>en</strong>tai<strong>en</strong>t profondém<strong>en</strong>t coupables de n’avoir<br />

pas su ou n’avoir pas pu protéger des <strong>en</strong>fants de la<br />

maltraitance familiale .<br />

Au niveau des relations <strong>en</strong>tre <strong>professionnels</strong>, j’ai<br />

particulièrem<strong>en</strong>t appréh<strong>en</strong>dé leur <strong>souffrance</strong> dans le<br />

cadre du travail <strong>en</strong> réseau :<br />

• soit dans les réunions de synthèse jalonnant la<br />

prise <strong>en</strong> charge d’un nourrisson et de ses <strong>par<strong>en</strong>ts</strong><br />

par notre C<strong>en</strong>tre (travail direct),<br />

• soit dans des réunions de réflexion et de souti<strong>en</strong><br />

des <strong>professionnels</strong>, sans suivi direct de la famille<br />

(travail indirect) .<br />

Le réseau est, pour nous, un maillage relationnel<br />

vivant qu’une équipe tisse au fil des années avec<br />

les <strong>professionnels</strong> concernés par ces nourrissons et<br />

leur famille : <strong>professionnels</strong> de la Protection maternelle<br />

et infantile (équipes des consultations et des<br />

crèches, puéricultrices de secteur et sages-femmes<br />

à domicile), mais aussi des maternités, de l’Aide<br />

sociale à l’<strong>en</strong>fance (pouponnière, placem<strong>en</strong>t, aide<br />

éducative), des services judiciaires de sauvegarde<br />

de l’<strong>en</strong>fance, des c<strong>en</strong>tres maternels, du service<br />

social polyval<strong>en</strong>t, des services de travailleuses familiales,<br />

des services psychiatriques de secteur pour<br />

adultes et pour <strong>en</strong>fants .<br />

Dans toutes ces r<strong>en</strong>contres, j’ai été frappée par la<br />

viol<strong>en</strong>ce des émotions et des angoisses qu’exprimait<br />

chacun, mais aussi par celle qui <strong>en</strong>vahissait<br />

les relations <strong>en</strong>tre <strong>professionnels</strong> et par la conflictualité<br />

des positions quand les <strong>professionnels</strong> du<br />

réseau évoquai<strong>en</strong>t les risques auxquels le bébé<br />

était exposés .<br />

La <strong>souffrance</strong> des <strong>professionnels</strong> a, on le voit, une<br />

dim<strong>en</strong>sion non seulem<strong>en</strong>t individuelle mais aussi<br />

groupale .<br />

J’ai vu, je vois toujours des <strong>professionnels</strong> se négliger,<br />

se maltraiter, se disqualifier <strong>en</strong>tre eux .<br />

Ainsi des <strong>professionnels</strong> qui vont à domicile s’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t<br />

dire, par ceux qui n’y vont pas, qu’ils dramatis<strong>en</strong>t<br />

la situation :<br />

La puéricultrice, qui va régulièrem<strong>en</strong>t chez la<br />

famille C., dit son inquiétude devant l’incohér<strong>en</strong>ce<br />

des soins maternels prodigués au quotidi<strong>en</strong><br />

au bébé. La psychiatre, elle, qui reçoit mère et<br />

<strong>en</strong>fant <strong>en</strong> consultation, insiste sur l’attachem<strong>en</strong>t<br />

de la mère à l’égard du bébé et n’exprime pas<br />

d’inquiétude quant à la qualité des soins : elle<br />

accueille avec scepticisme les observations de la<br />

puéricultrice.<br />

J’ai vu des <strong>professionnels</strong> s’affronter . C’est particulièrem<strong>en</strong>t<br />

spectaculaire quand, <strong>en</strong> raison de la<br />

gravité de la défaillance par<strong>en</strong>tale, se pose la question<br />

d’un placem<strong>en</strong>t pour protéger l’<strong>en</strong>fant . Pour les<br />

<strong>professionnels</strong> submergés par le discours par<strong>en</strong>tal,<br />

il est difficile de la p<strong>en</strong>ser, a fortiori de la nommer :<br />

ils ont besoin qu’un autre le fasse, qui restera le<br />

dépositaire de ce qui est, d’emblée, vécu comme<br />

mauvais .<br />

Elle court, elle court ... la décision de distanciation.<br />

Elle se déplace d’institution <strong>en</strong> institution,<br />

avec la dyade mère-<strong>en</strong>fant, toujours dans l’att<strong>en</strong>te<br />

que ce soit « l’autre » qui la pr<strong>en</strong>ne : de la<br />

maternité à l’unité d’hospitalisation mère-<strong>en</strong>fant,<br />

– 8 – – 9 –


puis à la crèche familiale par exemple. Serait-elle<br />

une m<strong>en</strong>ace dont il faudrait protéger la famille ?<br />

L’énergie des <strong>professionnels</strong> peut se déployer<br />

jusqu’à l’épuisem<strong>en</strong>t, afin de maint<strong>en</strong>ir à tout prix<br />

l’<strong>en</strong>fant dans sa famille ; la travailleuse familiale<br />

vi<strong>en</strong>t déjà 4 jours par semaine, la puéricultrice de<br />

secteur deux fois, avec des résultats si décevants<br />

par rapport aux att<strong>en</strong>tes qu’on <strong>en</strong>visage de le<br />

confier le week-<strong>en</strong>d à une assistante maternelle.<br />

La séparation signerait-elle alors l’échec des<br />

<strong>professionnels</strong>, qui « ont pourtant tout fait pour<br />

cette famille » ?<br />

La séparation est trop souv<strong>en</strong>t vécue comme destructrice,<br />

trop rarem<strong>en</strong>t comme protectrice (Berger,<br />

1992) . Les <strong>professionnels</strong> craign<strong>en</strong>t-ils que le<br />

remède ne soit pire que le mal, et ce d’autant plus<br />

qu’ils n’ont pas de nouvelles de l’<strong>en</strong>fant après la fin<br />

de leur interv<strong>en</strong>tion ?<br />

De fait, les réactions de chacun de nous sont différ<strong>en</strong>tes<br />

suivant notre plus ou moins grande proximité<br />

dans notre relation à la famille, suivant que nous<br />

nous situons « du côté de l’<strong>en</strong>fant ou du côté des<br />

<strong>par<strong>en</strong>ts</strong> » :<br />

Quand nous nous situons « du côté des <strong>par<strong>en</strong>ts</strong> »,<br />

nous sommes touchés par ces adultes fragiles .<br />

Quand ils exprim<strong>en</strong>t leur crainte du placem<strong>en</strong>t<br />

et leur attachem<strong>en</strong>t à leur <strong>en</strong>fant, nous sommes<br />

<strong>en</strong>clins à les rassurer (à nous rassurer !) . Nous minorons<br />

alors inconsciemm<strong>en</strong>t les dangers qui pès<strong>en</strong>t<br />

sur l’<strong>en</strong>fant et banalisons ses signes de <strong>souffrance</strong> .<br />

C’est d’autant plus facile que ces derniers sont<br />

discrets chez les bébés et pas toujours très bi<strong>en</strong><br />

connus . Même si les signes de maltraitance, de<br />

néglig<strong>en</strong>ce sont évid<strong>en</strong>ts, le doute voire le déni<br />

s’installe . La distanciation <strong>par<strong>en</strong>ts</strong>-<strong>en</strong>fant par le<br />

placem<strong>en</strong>t de l’<strong>en</strong>fant est alors vécue comme<br />

une « attaque » des <strong>par<strong>en</strong>ts</strong> (quels <strong>par<strong>en</strong>ts</strong> ?), voire<br />

comme un danger vital (et si le père se suicidait ?) ;<br />

nous ne pouvons pas reconnaître l’exist<strong>en</strong>ce de<br />

troubles graves de la par<strong>en</strong>talité et percevoir la<br />

détresse du bébé, a fortiori évaluer sa <strong>souffrance</strong><br />

psychique et affective au quotidi<strong>en</strong> .<br />

À l’inverse, si nous nous situons « du côté de l’<strong>en</strong>fant<br />

», sa détresse, l’abs<strong>en</strong>ce de satisfaction de ses<br />

besoins, la discontinuité des soins, les néglig<strong>en</strong>ces,<br />

les mauvais traitem<strong>en</strong>ts dont il souffre nous sont<br />

intolérables et nous font souhaiter un placem<strong>en</strong>t, le<br />

plus rapidem<strong>en</strong>t possible pour le soustraire à ses<br />

<strong>par<strong>en</strong>ts</strong> <strong>défaillants</strong>, sans t<strong>en</strong>ir compte des li<strong>en</strong>s qu’il<br />

a noués avec eux et qu’ils ont noués avec lui .<br />

Le contexte de nos interv<strong>en</strong>tions (domicile, institution),<br />

notre formation professionnelle, le temps<br />

passé auprès de la famille, etc ., sont autant de<br />

paramètres qui imprim<strong>en</strong>t des caractéristiques bi<strong>en</strong><br />

particulières à nos interv<strong>en</strong>tions, à nos ress<strong>en</strong>tis<br />

dans nos r<strong>en</strong>contres tant avec la famille qu’avec les<br />

<strong>professionnels</strong> du réseau .<br />

Le travail à domicile, par exemple, nous expose<br />

particulièrem<strong>en</strong>t . Aller à domicile, c’est <strong>en</strong>trer dans<br />

l’intimité de ces familles . C’est se confronter à<br />

l’abs<strong>en</strong>ce de place de l’<strong>en</strong>fant réel, à la désorganisation<br />

du lieu de vie, au climat incestuel . C’est<br />

être happé par les dysfonctionnem<strong>en</strong>ts familiaux<br />

(Lamour, Barraco ; 2007) .<br />

Nous ress<strong>en</strong>tons, nous partageons des émotions<br />

souv<strong>en</strong>t d’une grande viol<strong>en</strong>ce, des p<strong>en</strong>sées<br />

troubles . . . et des désirs fous de réécrire l’histoire<br />

pour ces <strong>en</strong>fants <strong>en</strong> <strong>souffrance</strong> avant que ne<br />

s’installe un s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d’impuissance devant la<br />

« lourdeur du cas » et le désir de nous échapper de<br />

relations qui nous mett<strong>en</strong>t à mal .<br />

Cette <strong>souffrance</strong> au travail peut <strong>en</strong>vahir la vie personnelle,<br />

comme l’exprime cette éducatrice d’aide<br />

éducative <strong>en</strong> milieu ouvert (AEMO) :<br />

– 10 – – 11 –


« Cette <strong>souffrance</strong> fait partie du quotidi<strong>en</strong> de<br />

l’AEMO . La liste pourrait être longue si je m’av<strong>en</strong>turais<br />

à énumérer les nombreuses situations qui<br />

laiss<strong>en</strong>t sans voix, qui paralys<strong>en</strong>t, qui font douter<br />

…On rassemble toute son énergie pour verbaliser,<br />

réfléchir vite, écouter, observer… et on r<strong>en</strong>tre<br />

chez soi fatigué, parfois éreinté, la tête pleine . La<br />

nuit, nos rêves <strong>en</strong> sont même infiltrés et on se<br />

réveille, au petit matin, avec le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t de ne<br />

pas avoir quitté le travail (…) .<br />

La <strong>souffrance</strong> que l’on ress<strong>en</strong>t <strong>en</strong> tant que professionnelle<br />

se transporte d’un lieu à un autre,<br />

sans même que l’on s’<strong>en</strong> r<strong>en</strong>de compte . Elle peut<br />

être sournoise, pernicieuse, <strong>en</strong>vahissante et difficilem<strong>en</strong>t<br />

partageable avec l’<strong>en</strong>tourage proche »<br />

(Malapert ; parution prochaine) .<br />

Tous les <strong>professionnels</strong> qui <strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t <strong>en</strong> relation avec<br />

ces familles, sont traversés par semblable problématique<br />

quand ils s’impliqu<strong>en</strong>t dans de telles situations .<br />

Redonner leur place aux émotions<br />

Pour permettre aux <strong>professionnels</strong> d’exprimer leur<br />

<strong>souffrance</strong> psychique, il apparaît clairem<strong>en</strong>t qu’il<br />

faut redonner à leurs émotions, <strong>en</strong> particulier aux<br />

émotions négatives, la place qu’elles mérit<strong>en</strong>t dans<br />

leur travail quotidi<strong>en</strong> . Précédemm<strong>en</strong>t, trop souv<strong>en</strong>t<br />

et trop vite, on répondait à ceux qui t<strong>en</strong>tai<strong>en</strong>t d’exprimer<br />

leur mal-être, <strong>en</strong> particulier dans le champ<br />

médico-social : « Un bon professionnel ne doit pas<br />

montrer et exprimer ses émotions » . Ou <strong>en</strong>core : « Si<br />

vous vous s<strong>en</strong>tez <strong>en</strong> grande difficulté dans votre<br />

travail, c’est que vous n’avez pas la bonne distance<br />

avec les familles » et/ou « C’est que vous avez des<br />

problèmes personnels qui ret<strong>en</strong>tiss<strong>en</strong>t dans vos<br />

prises <strong>en</strong> charge » . Loin de favoriser la verbalisation<br />

des ress<strong>en</strong>tis, ces réponses r<strong>en</strong>forc<strong>en</strong>t le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t<br />

de solitude du professionnel .<br />

– 12 –<br />

Nos connaissances actuelles, qui se sont <strong>en</strong>richies<br />

de l’apport des théories sur les li<strong>en</strong>s interpersonnels<br />

(travaux sur les interactions, sur l’attachem<strong>en</strong>t,<br />

sur l’intersubjectivité), montr<strong>en</strong>t que toute relation<br />

d’aide, de soins, quels que soi<strong>en</strong>t les supports<br />

théoriques sur lesquels s’appui<strong>en</strong>t les <strong>professionnels</strong>,<br />

active les processus émotionnels et pose la<br />

question de leur régulation . Il est donc très important<br />

de les pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> compte non seulem<strong>en</strong>t chez<br />

les usagers mais aussi chez les <strong>professionnels</strong>, et<br />

ce d’autant plus que ces derniers sont confrontés à<br />

une pathologie du li<strong>en</strong> quand ils <strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t <strong>en</strong> relation<br />

avec des familles <strong>en</strong> grande détresse .<br />

Nous nous sommes donc intéressées aux émotions<br />

1 , et plus précisém<strong>en</strong>t aux « ress<strong>en</strong>tis », mettant<br />

ainsi l’acc<strong>en</strong>t sur le « vécu », l’éprouvé consci<strong>en</strong>t de<br />

son état émotionnel par le professionnel, et plus particulièrem<strong>en</strong>t<br />

aux ress<strong>en</strong>tis négatifs . L’émotion est à<br />

la source de la consci<strong>en</strong>ce de soi ; les ress<strong>en</strong>tis sont<br />

les témoins privilégiés du s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t de soi, c’est-àdire<br />

se s<strong>en</strong>tir exister et avoir sa propre id<strong>en</strong>tité . Un<br />

certain nombre de ress<strong>en</strong>tis, générés par des émotions<br />

négatives, ont un impact sur le fonctionnem<strong>en</strong>t<br />

du professionnel, le mettant <strong>en</strong> insécurité et <strong>en</strong>travant<br />

ses compét<strong>en</strong>ces, par exemple par la perte de<br />

son empathie, par la sidération de sa p<strong>en</strong>sée (Hervé<br />

et al, 2008 ; Rusconi Serpa et al, 2009) .<br />

Ces ress<strong>en</strong>tis sont tellem<strong>en</strong>t déstabilisants, qu’ils<br />

sont soit tus, soit exprimés <strong>en</strong> les minimisant . La<br />

difficulté d’<strong>en</strong> parler ne peut se compr<strong>en</strong>dre que si<br />

on aborde les processus qui sont à l’origine de cette<br />

<strong>souffrance</strong> .<br />

1 . Dans le contexte interpersonnel, l’émotion est un processus affectif<br />

complexe formé de 3 composantes : psychique, physiologique et<br />

comportem<strong>en</strong>tale, composantes prés<strong>en</strong>tes à des degrés variables ;<br />

elles ne sont pas forcém<strong>en</strong>t perçues de façon consci<strong>en</strong>te (au s<strong>en</strong>s<br />

cognitif) par le sujet lui-même .


Comm<strong>en</strong>t compr<strong>en</strong>dre<br />

la <strong>souffrance</strong><br />

des <strong>professionnels</strong> ?<br />

Je ne développerai pas ici la viol<strong>en</strong>ce de certaines<br />

logiques gestionnaires et managériales quand elles<br />

p<strong>en</strong>s<strong>en</strong>t pouvoir traiter usagers et <strong>professionnels</strong><br />

de la relation d’aide comme des objets, quand elles<br />

ne reconnaiss<strong>en</strong>t pas l’importance de la r<strong>en</strong>contre<br />

interpersonnelle, déshumanisant ainsi les li<strong>en</strong>s, et<br />

quand elles cass<strong>en</strong>t les solidarités . D’autres l’ont<br />

déjà fait dans une approche plus globale de la <strong>souffrance</strong><br />

au travail (Pezé, 2008 ; Dejours, 2008, etc .) .<br />

Bi<strong>en</strong> évidemm<strong>en</strong>t, elles touch<strong>en</strong>t aussi les milieux<br />

<strong>professionnels</strong> dont il est question ici et jou<strong>en</strong>t un<br />

rôle très important dans la <strong>souffrance</strong> au travail .<br />

De fait, les <strong>professionnels</strong> soulign<strong>en</strong>t actuellem<strong>en</strong>t,<br />

dans l’évolution de leur travail :<br />

• la lourdeur grandissante des situations familiales<br />

pour lesquelles on leur demande d’interv<strong>en</strong>ir,<br />

• l’augm<strong>en</strong>tation de leur charge de travail,<br />

• l’apparition d’une exig<strong>en</strong>ce de polyval<strong>en</strong>ce, avec<br />

fragilisation de l’id<strong>en</strong>tité professionnelle de chacun,<br />

• la réduction des durées d’interv<strong>en</strong>tion dans les<br />

familles : le maximum de résultats est exigé <strong>en</strong> un<br />

minimum de temps,<br />

• la limitation des temps d’interv<strong>en</strong>tion à domicile,<br />

jugés trop coûteux,<br />

• la parcellisation des tâches « tronçonnant » les usagers<br />

et « robotisant » les <strong>professionnels</strong>,<br />

• la difficulté de faire <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre sa <strong>souffrance</strong> par sa<br />

hiérarchie,<br />

– 15 –


• le peu de valorisation de leur travail, exposant au<br />

risque de perte de l’estime de soi,<br />

• l’écart qui se creuse <strong>en</strong>tre les connaissances<br />

acquises et la pratique avec le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t de « ne<br />

pas faire du bon boulot » et le malaise que cela<br />

suscite .<br />

• l’écart <strong>en</strong>tre les objectifs qu’on leur demande<br />

d’atteindre et ce qu’ils peuv<strong>en</strong>t faire concrètem<strong>en</strong>t<br />

avec des moy<strong>en</strong>s limités .<br />

On le voit, ils n’ont pas la tâche facile !<br />

Pour ma part, je vais me c<strong>en</strong>trer spécifiquem<strong>en</strong>t<br />

sur le rôle des troubles graves de la par<strong>en</strong>talité et<br />

de la pathologie du li<strong>en</strong> dans l’émerg<strong>en</strong>ce de cette<br />

<strong>souffrance</strong> d’un point de vue psychodynamique et<br />

psychopathologique .<br />

Pour Kaes :<br />

« La <strong>souffrance</strong> survi<strong>en</strong>t dès que sont mises <strong>en</strong><br />

défaut nos capacités de maint<strong>en</strong>ir la continuité et<br />

l’intégrité de notre moi, sitôt que nous repr<strong>en</strong>ons<br />

contact avec la détresse primitive, dès que nos<br />

id<strong>en</strong>tifications fondam<strong>en</strong>tales sont m<strong>en</strong>acées,<br />

lorsque la confiance disparaît . »<br />

(Kaes, 1996 ; p . 21)<br />

Qu’est-ce qui, dans ces suivis, nous désorganise ?<br />

Qu’est-ce qui attaque nos id<strong>en</strong>tifications fondam<strong>en</strong>tales<br />

? Qu’est-ce qui nous dévalorise profondém<strong>en</strong>t<br />

? Qu’est-ce qui nous met <strong>en</strong> contact avec la<br />

détresse primitive ?<br />

De multiples réponses sont possibles . J’<strong>en</strong> aborderai<br />

trois :<br />

• la confrontation à la <strong>souffrance</strong> des bébés et des<br />

<strong>par<strong>en</strong>ts</strong>,<br />

• la confrontation à un monde qui bouleverse nos<br />

repères habituels,<br />

• la diffusion de la pathologie relationnelle.<br />

– 16 –<br />

La confrontation à la <strong>souffrance</strong><br />

des bébés et des <strong>par<strong>en</strong>ts</strong>, à leur<br />

psychopathologie<br />

Dans l’approche de ces défaillances par<strong>en</strong>tales<br />

graves associées à une pathologie du li<strong>en</strong>, c’est<br />

d’abord la confrontation à la <strong>souffrance</strong> psychique<br />

des bébés et des <strong>par<strong>en</strong>ts</strong> qui nous met à mal .<br />

Nous ne sommes pas dans le registre de simples<br />

difficultés passagères . Nous pénétrons dans un<br />

autre monde .<br />

Un monde où des bébés évit<strong>en</strong>t du regard leur mère<br />

pour s’agripper à celui des soignants .<br />

Un monde où la proximité physique est dangereuse<br />

pour la mère et le bébé, <strong>en</strong>travant la construction<br />

du li<strong>en</strong> .<br />

C’est un monde où les soins se font au gré des<br />

impulsions par<strong>en</strong>tales et non des besoins de l’<strong>en</strong>fant,<br />

où les <strong>en</strong>fants s’adapt<strong>en</strong>t à la pathologie de<br />

leurs <strong>par<strong>en</strong>ts</strong> aux dép<strong>en</strong>s de leurs propres besoins,<br />

inversant les rôles, où ils appr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t à ne plus ri<strong>en</strong><br />

att<strong>en</strong>dre de l’autre .<br />

C’est un monde où la haine, où la peur de l’<strong>en</strong>fant<br />

réel chez la mère coexist<strong>en</strong>t avec l’attachem<strong>en</strong>t à<br />

l’<strong>en</strong>fant imaginaire .<br />

C’est un monde où les pères, mais aussi les mères<br />

peuv<strong>en</strong>t être excités par le corps du petit <strong>en</strong>fant et<br />

désirer <strong>en</strong> jouir .<br />

C’est un monde où des <strong>en</strong>fants abusés abus<strong>en</strong>t<br />

d’autres <strong>en</strong>fants .<br />

C’est un monde où la force du li<strong>en</strong> n’est pas liée à la<br />

qualité de la par<strong>en</strong>talité .<br />

– 17 –


C’est un monde de femmes et d’<strong>en</strong>fants dont les<br />

hommes, les pères, sont trop souv<strong>en</strong>t exclus, un<br />

monde où il est difficile d’être à trois, d’être une<br />

famille, d’être <strong>en</strong> famille .<br />

C’est un monde étrange qu’on voudrait être d’une<br />

autre planète (celle des ogres, des sorcières) et qui<br />

pourtant apparti<strong>en</strong>t à la nôtre, celle des hommes ;<br />

c’est dans ce monde que nous travaillons !<br />

Pénétrons plus avant dans l’étrangeté de ce monde…<br />

La confrontation à un monde qui<br />

bouleverse nos repères<br />

C’est un monde peuplé de <strong>par<strong>en</strong>ts</strong> et de bébés qui<br />

boulevers<strong>en</strong>t nos représ<strong>en</strong>tations familières :<br />

Les <strong>par<strong>en</strong>ts</strong> sont très loin de nos représ<strong>en</strong>tations<br />

de ce qu’est un par<strong>en</strong>t.<br />

« Les idéaux familiaux du professionnel sont<br />

brutalem<strong>en</strong>t mis à mal par la viol<strong>en</strong>te révélation<br />

qu’être géniteur ne constitue pas forcém<strong>en</strong>t l’assurance<br />

d’être un par<strong>en</strong>t “suffisamm<strong>en</strong>t bon” »<br />

(Gabel, parution prochaine)<br />

Ces <strong>par<strong>en</strong>ts</strong> nous ont appris qu’avoir un bébé non<br />

seulem<strong>en</strong>t ne les soigne pas, ne les répare pas, mais<br />

peut les désorganiser . La contraignante répétition<br />

des soins à lui prodiguer au quotidi<strong>en</strong>, la proximité<br />

physique qu’elle impose les mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> danger, les<br />

persécut<strong>en</strong>t au lieu de favoriser les li<strong>en</strong>s, à l’opposé<br />

de ce qui se passe habituellem<strong>en</strong>t . C’est particulièrem<strong>en</strong>t<br />

vrai avec les mères psychotiques .<br />

Ces <strong>par<strong>en</strong>ts</strong> nous ont appris à différ<strong>en</strong>cier « par<strong>en</strong>talité<br />

» et li<strong>en</strong>s affectifs . Avoir des li<strong>en</strong>s affectifs<br />

avec leur <strong>en</strong>fant, l’aimer, ne les protège pas d’être<br />

<strong>défaillants</strong> dans l’exercice de la fonction par<strong>en</strong>tale .<br />

De même, la force des li<strong>en</strong>s affectifs n’est pas <strong>en</strong><br />

rapport avec la qualité de la relation .<br />

Aussi faut-il nous dégager de nos représ<strong>en</strong>tations<br />

habituelles et changer nos repères, si nous voulons<br />

les compr<strong>en</strong>dre de tels <strong>par<strong>en</strong>ts</strong> et ne pas les<br />

mettre <strong>en</strong>core plus <strong>en</strong> difficulté par des att<strong>en</strong>tes<br />

démesurées .<br />

Il est vrai que ce peut être des adultes gravem<strong>en</strong>t<br />

car<strong>en</strong>cés, ou psychotiques, ou border-line, avec<br />

ou non des problèmes d’addiction (éthylisme,<br />

toxicomanie) . Leur psychopathologie <strong>en</strong>trave fortem<strong>en</strong>t<br />

la construction de leur par<strong>en</strong>talité . Quand<br />

ils ne prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t pas de troubles psychiatriques<br />

évid<strong>en</strong>ts ou diagnostiqués comme tels, tous ces<br />

<strong>par<strong>en</strong>ts</strong> ont <strong>en</strong> commun de dysfonctionner gravem<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong> tant que <strong>par<strong>en</strong>ts</strong> . Ils ne peuv<strong>en</strong>t pas<br />

assurer des soins par<strong>en</strong>taux adéquats, c’est-àdire<br />

répondre au quotidi<strong>en</strong> aux besoins de leur (s)<br />

<strong>en</strong>fant (s) à 4 niveaux : le corps (les soins corporels),<br />

la vie relationnelle et affective (interactions<br />

affectives) avec la naissance d’un attachem<strong>en</strong>t<br />

confiant chez l’<strong>en</strong>fant, la vie psychique (interactions<br />

fantasmatiques) et les fonctions cognitives<br />

(Lamour, Barraco ; 1998) .<br />

Le bébé aussi est bi<strong>en</strong> loin de nos représ<strong>en</strong>tations<br />

habituelles.<br />

Soumis à des conditions de vie que nous percevons<br />

comme intolérables au regard de ses besoins, il<br />

s’adapte et survit ; il lutte activem<strong>en</strong>t face à cet<br />

<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t adverse . Ces processus adaptatifs<br />

sont très coûteux pour son développem<strong>en</strong>t, allant à<br />

l’<strong>en</strong>contre des processus maturatifs . Ses signes de<br />

<strong>souffrance</strong> sont d’abord un appel à l’aide .<br />

Ces nourrissons nous ont appris, et c’est troublant :<br />

– 18 – – 19 –


• qu’un <strong>en</strong>fant peut s’attacher à un par<strong>en</strong>t maltraitant<br />

: ce n’est pas la qualité de la par<strong>en</strong>talité qui<br />

détermine la force du li<strong>en</strong> .<br />

• qu’un nourrisson peut <strong>en</strong>traîner l’adulte qui l’accueille,<br />

comme par exemple l’assistante familiale<br />

du placem<strong>en</strong>t, dans des relations marquées par<br />

les mêmes perturbations que les relations à sa<br />

mère, car il a déjà intégré très précocem<strong>en</strong>t (dans<br />

les premiers mois) des modes relationnels qui<br />

l’expos<strong>en</strong>t au risque d’être de nouveau rejeté,<br />

négligé, maltraité, abusé . Il ne suffit donc pas,<br />

pour « régler le problème », de le soustraire à un<br />

mauvais <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t pour le mettre dans un<br />

bon . La reconnaissance du rôle actif de l’<strong>en</strong>fant<br />

évite de r<strong>en</strong>dre responsable l’assistante familiale<br />

de tous les problèmes et allège sa culpabilité .<br />

La <strong>souffrance</strong> des <strong>professionnels</strong> est d’autant plus<br />

grande que les <strong>par<strong>en</strong>ts</strong>, par leurs actes, les confront<strong>en</strong>t<br />

à un monde qui attaque les repères fondateurs<br />

de l’humanisation, à savoir : « Tu ne maltraiteras<br />

pas ton <strong>en</strong>fant, tu ne le tueras pas ; tu n’auras pas<br />

de désir sexuel à son égard » . Ils <strong>en</strong> sont profondém<strong>en</strong>t<br />

déstabilisés . Il leur faut p<strong>en</strong>ser l’imp<strong>en</strong>sable<br />

(Fraiberg, 1981) .<br />

Aussi la Loi, fondatrice de notre humanité, quand<br />

elle n’a pas été intériorisée par les <strong>par<strong>en</strong>ts</strong>, doit-elle<br />

s’incarner dans la réalité et avec continuité, pour<br />

protéger l’<strong>en</strong>fant mais aussi les <strong>par<strong>en</strong>ts</strong> de la folie<br />

familiale dans laquelle ils se sont construits . Le<br />

cadre thérapeutique ou éducatif seul ne suffit pas .<br />

Souv<strong>en</strong>t, il ne peut fonctionner qu’<strong>en</strong> association<br />

avec le cadre judiciaire .<br />

Indisp<strong>en</strong>sable dans sa valeur structurante et protectrice,<br />

la Loi est aussi constamm<strong>en</strong>t déniée,<br />

attaquée, contournée par le fonctionnem<strong>en</strong>t familial .<br />

C’est pourquoi les <strong>professionnels</strong> qui <strong>en</strong> sont les<br />

représ<strong>en</strong>tants (juge des <strong>en</strong>fants, éducateurs, etc .)<br />

sont particulièrem<strong>en</strong>t mis <strong>en</strong> difficulté .<br />

Les situations qui nous mett<strong>en</strong>t le plus à mal se<br />

caractéris<strong>en</strong>t par l’association de troubles graves<br />

de la par<strong>en</strong>talité à une pathologie du li<strong>en</strong> par<strong>en</strong>t<strong>en</strong>fant<br />

. La maltraitance, les néglig<strong>en</strong>ces graves<br />

<strong>en</strong> sont le résultat quand la situation évolue vers<br />

l’intolérance mutuelle .<br />

Parler <strong>en</strong> ces termes, c’est sortir du jugem<strong>en</strong>t moral<br />

pour reconnaître l’exist<strong>en</strong>ce d’une <strong>souffrance</strong> psychique<br />

; c’est affirmer la nécessité d’une approche<br />

psychodynamique et psychopathologique de ces<br />

troubles, qui impos<strong>en</strong>t une évaluation et un soin<br />

psychiatrique . C’est souligner les limites et le danger<br />

des interv<strong>en</strong>tions quand elles sont uniquem<strong>en</strong>t<br />

éducatives et sociales .<br />

Dans ces contextes où les néglig<strong>en</strong>ces, les maltraitances<br />

physiques et psychologiques, les abus<br />

sexuels attaqu<strong>en</strong>t les repères fondateurs de notre<br />

humanisation, ce ne sont pas seulem<strong>en</strong>t les li<strong>en</strong>s<br />

par<strong>en</strong>t-bébé qui peuv<strong>en</strong>t être <strong>en</strong> péril, mais aussi<br />

les li<strong>en</strong>s professionnel-part<strong>en</strong>aire familial . Il nous<br />

faut alors accepter que ces li<strong>en</strong>s professionnelusager<br />

soi<strong>en</strong>t aussi susceptibles de dev<strong>en</strong>ir pathogènes<br />

et destructeurs (Kaes, 1996), à l’opposé de<br />

nos objectifs initiaux .<br />

La diffusion de la pathologie<br />

relationnelle<br />

C’est la troisième réponse à notre questionnem<strong>en</strong>t<br />

initial, qui va éclairer ce qui précède .<br />

C’est bi<strong>en</strong> parce que nous <strong>en</strong>trons directem<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />

relation avec ces familles et que nous nous <strong>en</strong>gageons<br />

dans ces suivis que nous sommes aussi pris<br />

dans pareille pathologie du li<strong>en</strong> : celle-ci s‘infiltre<br />

dans nos relations tant avec l’<strong>en</strong>fant et ses <strong>par<strong>en</strong>ts</strong><br />

qu’avec les autres <strong>professionnels</strong> .<br />

– 20 – – 21 –


La pathologie du li<strong>en</strong> s’exprime donc à 3 niveaux (voir<br />

films Lebovici, S ., Lamour, M ., Barraco, M ., Gabel,<br />

M ., 1993) : les relations <strong>par<strong>en</strong>ts</strong>-nourrisson, les<br />

relations des <strong>professionnels</strong> avec les membres de la<br />

famille et les relations <strong>en</strong>tre <strong>professionnels</strong> .<br />

Dans les relations <strong>par<strong>en</strong>ts</strong>-nourrisson<br />

La pathologie du li<strong>en</strong> est marquée par des troubles<br />

de l’attachem<strong>en</strong>t et de l’intersubjectivité .<br />

Par exemple, dans les familles car<strong>en</strong>cées dites<br />

aussi « familles à problèmes multiples », les <strong>par<strong>en</strong>ts</strong><br />

port<strong>en</strong>t <strong>en</strong> eux la détresse du bébé qu’ils ont été<br />

et qui s’est construit dans un chaos relationnel .<br />

Dev<strong>en</strong>us des adultes avec un attachem<strong>en</strong>t désorganisé,<br />

ils ont de grandes difficultés à nous faire<br />

confiance, à ne pas ress<strong>en</strong>tir toute proposition<br />

d’aide comme une m<strong>en</strong>ace . Ils ne peuv<strong>en</strong>t pas se<br />

représ<strong>en</strong>ter que nous nous intéressons à eux <strong>en</strong><br />

tant que personne, que nous pouvons partager<br />

émotionnellem<strong>en</strong>t leurs ress<strong>en</strong>tis et compr<strong>en</strong>dre<br />

ce qu’ils viv<strong>en</strong>t . Leur capacité à l’intersubjectivité<br />

n’a pas pu se développer, déshumanisant ainsi leur<br />

vécu de la relation à l’autre . Tout li<strong>en</strong> est m<strong>en</strong>açant<br />

et m<strong>en</strong>acé de rupture . Cela nous met <strong>en</strong> situation<br />

difficile : des besoins d’aide ou de soins ayant été<br />

évalués, nous t<strong>en</strong>tons d’<strong>en</strong>trer <strong>en</strong> relation avec un<br />

bébé et ses <strong>par<strong>en</strong>ts</strong> alors que ceux-ci ne peuv<strong>en</strong>t<br />

pas être demandeurs et viv<strong>en</strong>t cette approche<br />

comme pot<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t dangereuse . La vie s’apprivoise<br />

douloureusem<strong>en</strong>t, les li<strong>en</strong>s peuv<strong>en</strong>t mettre <strong>en</strong><br />

péril, l’empathie s’éteint .<br />

Notre clinique nous a montré que les formes variées<br />

que revêt la pathologie relationnelle par<strong>en</strong>t-nourrisson<br />

se retrouv<strong>en</strong>t dans les relations famille-<strong>professionnels</strong><br />

et dans les relations <strong>en</strong>tre <strong>professionnels</strong> .<br />

Dans ce monde si étrange, il nous faut alors accepter<br />

que le li<strong>en</strong> que nous nouons avec la famille soit<br />

susceptible de dev<strong>en</strong>ir pathogène .<br />

Dans les relations famille-<strong>professionnels</strong><br />

Le réglage de la distance est bi<strong>en</strong> difficile : <strong>en</strong>tre<br />

trop d’éloignem<strong>en</strong>t ou trop de proximité l’équilibre<br />

est précaire . Quand les <strong>professionnels</strong> s’<strong>en</strong>ferm<strong>en</strong>t<br />

avec la famille dans un cercle vicieux, ils risqu<strong>en</strong>t de<br />

soigner le mal par le mal, de fonctionner <strong>en</strong> tout ou<br />

ri<strong>en</strong>, comme la famille . Ceux qui vont à domicile y<br />

sont particulièrem<strong>en</strong>t exposés .<br />

La sidération, la peur, le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d’être manipulé<br />

et sous l’emprise des <strong>par<strong>en</strong>ts</strong>, quand ils habit<strong>en</strong>t les<br />

<strong>professionnels</strong>, font écho à ce que vit l’<strong>en</strong>fant dans<br />

le li<strong>en</strong> avec ses <strong>par<strong>en</strong>ts</strong> .<br />

Avec les familles car<strong>en</strong>cées, les alternances des<br />

mouvem<strong>en</strong>ts fusionnels et de mises à distance de<br />

l’<strong>en</strong>fant par sa mère se retrouv<strong>en</strong>t dans l’alternance<br />

des mouvem<strong>en</strong>ts d’investissem<strong>en</strong>t massif et de<br />

désinvestissem<strong>en</strong>t brutal de ces familles par les<br />

interv<strong>en</strong>ants . La discontinuité du fonctionnem<strong>en</strong>t<br />

par<strong>en</strong>tal fait échec à la conception d’un projet thérapeutique<br />

à moy<strong>en</strong> et à long terme ; on se met à<br />

p<strong>en</strong>ser dans l’instant, comme dans la famille, sans<br />

pouvoir anticiper .<br />

Le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d’échec, de dévalorisation, que ress<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t<br />

les <strong>professionnels</strong> est aussi produit par<br />

l’approche de ces car<strong>en</strong>ces sévères où la sousalim<strong>en</strong>tation<br />

narcissique, caractéristique du li<strong>en</strong><br />

par<strong>en</strong>t-nourrisson, les gagne eux aussi . La disqualification<br />

des <strong>professionnels</strong> fait alors écho à la<br />

disqualification des <strong>par<strong>en</strong>ts</strong> .<br />

Les car<strong>en</strong>ces narcissiques précoces dont a souffert<br />

l’<strong>en</strong>fant expos<strong>en</strong>t aussi les <strong>professionnels</strong> à<br />

oublier constamm<strong>en</strong>t l’<strong>en</strong>fant réel et sa <strong>souffrance</strong> .<br />

Pourtant ces bébés nous dis<strong>en</strong>t avec leurs corps leur<br />

détresse : <strong>en</strong> se faisant mous, <strong>en</strong> dormant trop, <strong>en</strong><br />

ral<strong>en</strong>tissant leur croissance staturo-pondérale, leur<br />

développem<strong>en</strong>t moteur, <strong>en</strong> somatisant fréquemm<strong>en</strong>t .<br />

– 22 – – 23 –


Ils ne sembl<strong>en</strong>t pas habiter leur corps auquel ils<br />

s’intéress<strong>en</strong>t peu . Ils ne différ<strong>en</strong>ci<strong>en</strong>t pas les personnes<br />

et répond<strong>en</strong>t peu aux sollicitations des<br />

adultes . N’exprimant ni tristesse ni joie, ces <strong>en</strong>fants<br />

sont affectivem<strong>en</strong>t « atones » . Bébés trop calmes,<br />

trop peu exigeants, ils ne sembl<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong> att<strong>en</strong>dre de<br />

l’autre et se font oublier .<br />

Le nourrisson nous <strong>en</strong>traîne, lui aussi, nous l’avons<br />

vu, dans cette pathologie du li<strong>en</strong> . Quand des li<strong>en</strong>s<br />

privilégiés s’instaur<strong>en</strong>t, par exemple, avec l’auxiliaire<br />

référ<strong>en</strong>te, il la sollicite dans une relation qui risque<br />

d’être marquée par les mêmes perturbations que<br />

sa relation avec sa mère (Lamour, Barraco ; 1997) .<br />

L’observation nous a montré comm<strong>en</strong>t un bébé,<br />

<strong>en</strong> détournant son regard, <strong>en</strong> se raidissant sur la<br />

table de change, <strong>en</strong> ne se moulant pas dans les<br />

bras, met <strong>en</strong> difficulté son auxiliaire, lui disant par<br />

toutes sortes de façons « qu’il ne veut pas d’elle ».<br />

Se retirant de la relation, il induit un moindre<br />

contact et moins de sollicitations de la part de<br />

l’auxiliaire qui accélérera le change et ne lui parlera<br />

pas. Elle se mettra à distance de ce bébé qui<br />

suscite <strong>en</strong> elle un mal-être. Elle se vivra rejetée<br />

par un bébé hostile.<br />

Elle peut t<strong>en</strong>ter de s’<strong>en</strong> protéger par une nonindividualisation<br />

de l’<strong>en</strong>fant, le retrait de ses<br />

investissem<strong>en</strong>ts, le « fractionnem<strong>en</strong>t relationnel »<br />

<strong>en</strong> se déchargeant sur d’autres d’une partie des<br />

soins, etc., c’est-à-dire par ses propres stratégies<br />

déf<strong>en</strong>sives. Plus les <strong>professionnels</strong> ont une relation<br />

proche avec l’<strong>en</strong>fant et plus ils sont exposés<br />

à recevoir ses angoisses et à devoir les cont<strong>en</strong>ir.<br />

Les soignantes auprès des bébés, auxiliaires de puériculture,<br />

assistantes maternelles, famille d’accueil<br />

sont celles qui sont les plus exposées à être fragilisées<br />

par ces vécus pénibles . Les problèmes qu’elles<br />

r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t ne sont pas dus à leur incompét<strong>en</strong>ce,<br />

mais sont bi<strong>en</strong>, <strong>en</strong> grande partie, l’expression de la<br />

<strong>souffrance</strong> de l’<strong>en</strong>fant et de la pathologie du li<strong>en</strong> . Et<br />

ce d’autant plus qu’elles sont dans une fonction de<br />

suppléance par<strong>en</strong>tale à temps complet . A ne pas<br />

être par<strong>en</strong>t de ces petits bébés, peuv<strong>en</strong>t-elles se<br />

mettre dans un état de disponibilité émotionnelle<br />

qui permette la r<strong>en</strong>contre, sans s’<strong>en</strong>gouffrer dans<br />

les mêmes s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts d’appart<strong>en</strong>ance qui scell<strong>en</strong>t<br />

la relation <strong>par<strong>en</strong>ts</strong>-<strong>en</strong>fant ? A trop s’attacher à un<br />

<strong>en</strong>fant à la pouponnière, les auxiliaires, s’épuis<strong>en</strong>t et<br />

ne peuv<strong>en</strong>t plus continuer leur métier . A se protéger<br />

de l’attachem<strong>en</strong>t, elles risqu<strong>en</strong>t là <strong>en</strong>core la mécanisation,<br />

la dévitalisation du li<strong>en</strong> et de s’<strong>en</strong>fermer dans<br />

des gestes opératoires .<br />

Les auxiliaires, qui ont grand besoin d’être sout<strong>en</strong>ues<br />

dans leur tâche difficile, sont aussi les plus<br />

exposées à ne pas être <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dues des autres<br />

<strong>professionnels</strong>, à être disqualifiées, <strong>en</strong> miroir de<br />

ce qui se joue dans le li<strong>en</strong> <strong>par<strong>en</strong>ts</strong>-bébé . Les <strong>professionnels</strong><br />

qui sont beaucoup plus à distance ont<br />

fréquemm<strong>en</strong>t comme première réaction à l’égard<br />

de l’auxiliaire référ<strong>en</strong>te du bébé « Mais, soyez positives<br />

; il n’est pas si mal cet <strong>en</strong>fant » . Cela ne fait<br />

qu’accroître le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d’isolem<strong>en</strong>t de l’auxiliaire,<br />

sa culpabilité, son vécu d’incompét<strong>en</strong>ce .<br />

Plus les <strong>professionnels</strong> sont proches de ces bébés<br />

et de leurs <strong>par<strong>en</strong>ts</strong> <strong>défaillants</strong>, plus ils sont mis à<br />

mal par ce tels suivis : il <strong>en</strong> est ainsi pour les auxiliaires<br />

<strong>en</strong> crèche et <strong>en</strong> pouponnière, les travailleuses<br />

familiales qui intervi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t seules au domicile, pour<br />

les familles d’accueil dans les placem<strong>en</strong>ts . De fait,<br />

ce sont les <strong>professionnels</strong> qui ont les formations les<br />

plus courtes et les moins spécialisées qui sont les<br />

plus exposés !<br />

– 24 – – 25 –


Les relations <strong>en</strong>tre <strong>professionnels</strong> sont aussi<br />

touchées.<br />

Dans les réunions institutionnelles et du réseau<br />

(PMI, services sociaux, judiciaires, psychiatriques),<br />

se rejoue <strong>en</strong>tre interv<strong>en</strong>ants, comme dans un psychodrame,<br />

la problématique familiale . Les <strong>professionnels</strong><br />

s’affront<strong>en</strong>t, se néglig<strong>en</strong>t, se maltrait<strong>en</strong>t, se<br />

disqualifi<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre eux .<br />

• Les variations du fonctionnem<strong>en</strong>t par<strong>en</strong>tal suivant<br />

les personnes et les contextes sèm<strong>en</strong>t le trouble<br />

et la confusion chez les <strong>professionnels</strong> .<br />

• Les t<strong>en</strong>sions <strong>en</strong>tre soignants auprès de l’<strong>en</strong>fant<br />

et soignants auprès des <strong>par<strong>en</strong>ts</strong> témoign<strong>en</strong>t de<br />

l’opposition <strong>en</strong>tre besoins des <strong>par<strong>en</strong>ts</strong> et besoins<br />

de l’<strong>en</strong>fant . C’est souv<strong>en</strong>t le cas <strong>en</strong>tre équipe de<br />

psychiatrie adulte auprès des <strong>par<strong>en</strong>ts</strong> et équipes<br />

pr<strong>en</strong>ant <strong>en</strong> charge l’<strong>en</strong>fant (pédopsychiatrie,<br />

pédiatrie) .<br />

• Des points de vue diverg<strong>en</strong>ts ne peuv<strong>en</strong>t pas être<br />

perçus comme « une construction plurielle de la<br />

réalité » (Mérigot, 1997) . Chacun p<strong>en</strong>se dét<strong>en</strong>ir la<br />

« vérité vraie » ; c’est « l’autre » qui a tort, comme<br />

si le bébé et ses <strong>par<strong>en</strong>ts</strong> montrai<strong>en</strong>t toujours<br />

le même fonctionnem<strong>en</strong>t quels que soi<strong>en</strong>t les<br />

contextes relationnels, quels que soi<strong>en</strong>t les lieux<br />

d’interv<strong>en</strong>tion…<br />

C’est le cas quand nous parlons de Mme F. À l’extérieur,<br />

dans le bureau du c<strong>en</strong>tre d’aide sociale,<br />

elle peut se montrer, à l’assistante sociale, pimpante<br />

et rev<strong>en</strong>dicatrice, à l’opposé de la femme<br />

que la psychiatre r<strong>en</strong>contre à domicile, déprimée,<br />

prostrée, dans le noir et dans l’incapacité<br />

de répondre aux besoins de son fils. D’où des<br />

discussions vives <strong>en</strong>tre l’assistante sociale et la<br />

psychiatre quand elles se r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t.<br />

• Avec certaines mères psychotiques, le processus<br />

de clivage expose les <strong>professionnels</strong> au conflit ; une<br />

mère exprime, à chacun d’eux un aspect différ<strong>en</strong>t<br />

de son li<strong>en</strong> à l’<strong>en</strong>fant : à l’assistante sociale elle<br />

demande le placem<strong>en</strong>t de l’<strong>en</strong>fant ; à l’infirmière<br />

du secteur de psychiatrie adulte, elle dit son désir<br />

de le garder . Les <strong>professionnels</strong> risqu<strong>en</strong>t alors de<br />

s’affronter .<br />

Dans ces contextes, le part<strong>en</strong>ariat, qui est indisp<strong>en</strong>sable,<br />

est à haut risque : les li<strong>en</strong>s inter<strong>professionnels</strong><br />

et interinstitutionnels sont mis à rude épreuve . Le<br />

contexte n’est pas propice à la réflexion et à l’évaluation<br />

.<br />

Les processus <strong>en</strong> jeu<br />

chez les <strong>professionnels</strong><br />

Pour <strong>en</strong>trer <strong>en</strong> relation avec un nourrisson <strong>en</strong> <strong>souffrance</strong><br />

et ses <strong>par<strong>en</strong>ts</strong>, nous devons partager leur<br />

expéri<strong>en</strong>ce émotionnelle <strong>en</strong> utilisant notre empathie,<br />

afin de nous mettre à leur place, tout <strong>en</strong> t<strong>en</strong>tant<br />

de conserver la nôtre . C’est par le jeu de notre<br />

id<strong>en</strong>tification que ces phénomènes nous sollicit<strong>en</strong>t<br />

très directem<strong>en</strong>t et nous plong<strong>en</strong>t dans des émois<br />

int<strong>en</strong>ses . Ils font resurgir le bébé qui est <strong>en</strong> nous ; ils<br />

nous confront<strong>en</strong>t à nos imagos par<strong>en</strong>taux, à nousmêmes<br />

<strong>en</strong> tant que <strong>par<strong>en</strong>ts</strong>, et au fonctionnem<strong>en</strong>t<br />

de nos propres <strong>en</strong>fants .<br />

Mais surtout ils sont produits par le contact direct<br />

avec la pathologie familiale et les troubles de l’attachem<strong>en</strong>t<br />

et de l’intersubjectivité (Guéd<strong>en</strong>ey, 2007 ;<br />

Morales, parution prochaine) . Nos mouvem<strong>en</strong>ts<br />

id<strong>en</strong>tificatoires reflèt<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> miroir, les perturbations<br />

des relations <strong>par<strong>en</strong>ts</strong>-nourrisson et nous permett<strong>en</strong>t<br />

d’appréh<strong>en</strong>der, de l’intérieur, ce qu’ils viv<strong>en</strong>t au<br />

plus profond de leur détresse . C’est dire leur valeur<br />

sémiologique .<br />

Nous sommes tour à tour l’<strong>en</strong>fant, la mère, le père…<br />

– 26 – – 27 –


Nous sommes tour à tour des parties bonnes ou<br />

mauvaises du bébé, des <strong>par<strong>en</strong>ts</strong>… Difficile à dire,<br />

<strong>en</strong>core plus difficile à vivre !<br />

Des années me fur<strong>en</strong>t nécessaires pour réaliser et<br />

ress<strong>en</strong>tir profondém<strong>en</strong>t la <strong>souffrance</strong> de ces bébés<br />

<strong>en</strong> détresse . Ainsi, quels ress<strong>en</strong>tis puis-je éprouver<br />

quand je m’id<strong>en</strong>tifie, par exemple, à un bébé<br />

exposé à des car<strong>en</strong>ces intrafamiliales ? D’abord le<br />

chaos : impossible qu’un rythme s’installe, impossible<br />

de prévoir ce qui va se passer dans l’instant<br />

à v<strong>en</strong>ir… Aucune portée n’organise la mélodie…<br />

Pas de terre ferme, mais des sables mouvants sur<br />

lesquels il faut t<strong>en</strong>ter d’avancer et de se construire .<br />

Puis des alternances de t<strong>en</strong>sion liées à des afflux<br />

d’excitation interne : cette faim qui n’est pas<br />

apaisée par le lait, ce froid qui n’est pas apaisé<br />

par le chaud, une att<strong>en</strong>te longue, si longue que<br />

je ne peux plus la peupler de représ<strong>en</strong>tations . Un<br />

s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t de solitude m’<strong>en</strong>vahit… Et soudain, elle<br />

(ma mère) surgit, et alors de nouveau la t<strong>en</strong>sion, un<br />

afflux trop brutal d’excitation, et puis de nouveau<br />

ri<strong>en</strong>… le vide de l’abandon . À quoi bon continuer<br />

à pleurer puisqu’il n’y a pas de réponse ! Dans<br />

les situations de crise, quand l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t<br />

se transforme brutalem<strong>en</strong>t, tout bascule, plus de<br />

repères auxquels se raccrocher : c’est la détresse<br />

absolue .<br />

Métaphoriquem<strong>en</strong>t, ces bébés avanc<strong>en</strong>t <strong>en</strong> terrain<br />

miné .<br />

Comm<strong>en</strong>t s’id<strong>en</strong>tifier aux bébés qui n’exprim<strong>en</strong>t ni<br />

tristesse, ni joie, qui ne sembl<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong> att<strong>en</strong>dre de<br />

l’autre et se font oublier ?<br />

Comm<strong>en</strong>t se représ<strong>en</strong>ter concrètem<strong>en</strong>t, émotionnellem<strong>en</strong>t,<br />

ce à quoi un <strong>en</strong>fant <strong>en</strong> danger est<br />

exposé au quotidi<strong>en</strong> ?<br />

Comm<strong>en</strong>t s’id<strong>en</strong>tifier à des <strong>par<strong>en</strong>ts</strong> répétitivem<strong>en</strong>t<br />

maltraitants, même si nous sommes toujours à la<br />

recherche d’un noyau vivant de leur par<strong>en</strong>talité, si<br />

infime soit-il ?<br />

Comm<strong>en</strong>t s’id<strong>en</strong>tifier à des <strong>par<strong>en</strong>ts</strong> pervers, qui<br />

abus<strong>en</strong>t sexuellem<strong>en</strong>t leur <strong>en</strong>fant ?<br />

Aussi, étant donné la viol<strong>en</strong>ce des émotions négatives<br />

<strong>en</strong> jeu, notre fonctionnem<strong>en</strong>t peut être désorganisé,<br />

inhibé, paralysé . Nous mettons <strong>en</strong> place<br />

des stratégies déf<strong>en</strong>sives . Partager des éprouvés<br />

subjectifs avec autrui dans la distinction <strong>en</strong>tre soi<br />

et l’autre devi<strong>en</strong>t une gageure ; notre empathie,<br />

qui est à la base des processus d’id<strong>en</strong>tification,<br />

est mise à rude épreuve .<br />

Nous retrouvons chez les <strong>professionnels</strong> interv<strong>en</strong>ant<br />

auprès des familles dites « cas lourds », les<br />

mêmes mécanismes de déf<strong>en</strong>se que celles-ci<br />

utilis<strong>en</strong>t (Sarfaty et al, 1998) : nous refusons la<br />

réalité de perceptions, vécues comme dangereuse<br />

ou douloureuse : c’est le déni . Nous expulsons à<br />

l’extérieur, des p<strong>en</strong>sées, des affects, des désirs<br />

que nous méconnaissons ou refusons <strong>en</strong> nous et<br />

que nous attribuons à d’autres : c’est la projection .<br />

Nous séparons de façon étanche deux aspects<br />

opposés de la réalité, de façon à les faire coexister<br />

sans problème : c’est le clivage .<br />

Notre fonctionnem<strong>en</strong>t s’appauvrit . Nous nous rigidifions<br />

; nous demandons à l’<strong>en</strong>fant et à ses<br />

<strong>par<strong>en</strong>ts</strong> de s’adapter à nos fonctionnem<strong>en</strong>ts institutionnels,<br />

à l’inverse de ce qui serait souhaitable<br />

pour <strong>en</strong>trer <strong>en</strong> relation avec ces familles, si difficiles<br />

à atteindre et à apprivoiser .<br />

– 28 – – 29 –


Séparer : une <strong>souffrance</strong> à vif<br />

La <strong>souffrance</strong> des <strong>professionnels</strong> est particulièrem<strong>en</strong>t<br />

int<strong>en</strong>se quand est posée l’indication d’une<br />

séparation de l’<strong>en</strong>fant et de sa famille .<br />

S’il <strong>en</strong> est ainsi, c’est bi<strong>en</strong> parce que « se séparer »,<br />

donc opérer une distanciation physique, atteint<br />

<strong>par<strong>en</strong>ts</strong> et <strong>en</strong>fant au cœur de leur problématique, au<br />

cœur de leur fragilité . Tout mouvem<strong>en</strong>t de séparation-individuation<br />

de l’<strong>en</strong>fant est vécu comme dangereux<br />

(David, Lamour et al ; 1984) . Pour pouvoir<br />

bi<strong>en</strong> se séparer, il faut d’abord se différ<strong>en</strong>cier physiquem<strong>en</strong>t<br />

et psychiquem<strong>en</strong>t . Ici, l’indiffér<strong>en</strong>ciation<br />

fait de l’<strong>en</strong>fant un objet et non pas un sujet et touche<br />

souv<strong>en</strong>t tout le groupe familial .<br />

Comme le formul<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> Carel et Medjahed, dans<br />

les familles qui nous mett<strong>en</strong>t le plus à mal, « il est<br />

incestuel de s’attacher et mortel de se détacher et/<br />

ou à l’inverse : l’attachem<strong>en</strong>t ne peut s’effectuer que<br />

sur le mode incestuel et le détachem<strong>en</strong>t que sur le<br />

mode destructif . Il s’<strong>en</strong>suit ce que nous connaissons<br />

bi<strong>en</strong>, à savoir la répétition et l’intrication de<br />

conduites viol<strong>en</strong>tes, destructives et incestuelles,<br />

d’abandon et d’intrusion, de rupture et de capture,<br />

de clivage et de collage » (Carel, Medjahed, 2000 ;<br />

p . 126) . Tous ces mouvem<strong>en</strong>ts se rejou<strong>en</strong>t avec les<br />

<strong>professionnels</strong> .<br />

Par exemple, <strong>en</strong> c<strong>en</strong>tre maternel :<br />

Toute t<strong>en</strong>tative de décollem<strong>en</strong>t, toutes les étapes<br />

du processus de séparation-individuation de<br />

Pierre et du processus d’autonomisation et de<br />

resocialisation de sa mère sont à risque de crise<br />

institutionnelle. Les relations <strong>en</strong>tre équipe éducative,<br />

plus id<strong>en</strong>tifiée à la mère et équipe de la<br />

crèche, plus id<strong>en</strong>tifiée à l’<strong>en</strong>fant, sont particulièrem<strong>en</strong>t<br />

exposées. L’opposition <strong>en</strong>tre besoins de<br />

la mère et besoins de l’<strong>en</strong>fant dans le li<strong>en</strong> mère-<br />

<strong>en</strong>fant s’y rejoue. Les éducatrices éprouv<strong>en</strong>t des<br />

difficultés à voir l’<strong>en</strong>fant réel et à id<strong>en</strong>tifier sa<br />

détresse. Elles p<strong>en</strong>s<strong>en</strong>t que la crèche dramatise<br />

et donne une image trop négative de la mère ;<br />

« l’<strong>en</strong>fant n’est pas tout, il faut s’occuper de la<br />

réinsertion de la mère ». L’équipe de la crèche, à<br />

l’inverse, s’alarme pour l’<strong>en</strong>fant, qui est exposé à<br />

la maltraitance, à la néglig<strong>en</strong>ce maternelle ; elle<br />

reproche aux éducateurs de banaliser ; « l’urg<strong>en</strong>ce<br />

c’est l’<strong>en</strong>fant, la réinsertion passe après ».<br />

Les discussions sont vives, non exemptes de<br />

disqualifications mutuelles.<br />

C’est pourquoi la <strong>souffrance</strong> des interv<strong>en</strong>ants est à<br />

vif dans les situations où est posée une indication<br />

de placem<strong>en</strong>t . Pour s’<strong>en</strong> protéger, les interv<strong>en</strong>ants<br />

ont recours à « la double illusion du placem<strong>en</strong>t »<br />

(Duboc, 2001) :<br />

• d’une part l’illusion de « <strong>par<strong>en</strong>ts</strong> d’accueil réparateurs<br />

», issue du fantasme de mère idéale ;<br />

• d’autre part l’illusion « d’<strong>en</strong>fants comblés » issu<br />

du mythe de l’<strong>en</strong>fant naturellem<strong>en</strong>t bon, qui peut<br />

s’énoncer ainsi : de bons soins suffis<strong>en</strong>t au développem<strong>en</strong>t<br />

de l’<strong>en</strong>fant et donc il suffit de le soustraire<br />

à un <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t défaillant (David, 1989) .<br />

Les interv<strong>en</strong>ants risqu<strong>en</strong>t alors d’être dans « le<br />

tout ou ri<strong>en</strong> » . Ils ne peuv<strong>en</strong>t plus évoquer tout le<br />

camaïeu de possibilités de réglage de la distance<br />

<strong>en</strong>tre séparation totale et mainti<strong>en</strong> dans la famille . La<br />

suppléance se vit <strong>en</strong> termes de substitution et non<br />

pas de complém<strong>en</strong>tarité . Un li<strong>en</strong> doit chasser l’autre .<br />

Notons que ces bébés, qui sont les plus démunis<br />

pour affronter les séparations, sont aussi les plus<br />

exposés aux ruptures, à la multiplicité des li<strong>en</strong>s et à<br />

ne pas être investis .<br />

Dans ces situations, nous sommes souv<strong>en</strong>t pris<br />

dans des mouvem<strong>en</strong>ts contradictoires . Avec les<br />

mères psychotiques par exemple, comm<strong>en</strong>t gérer<br />

– 30 – – 31 –


psychiquem<strong>en</strong>t et émotionnellem<strong>en</strong>t la viol<strong>en</strong>ce de<br />

la fusion qui dénie au bébé toute exist<strong>en</strong>ce propre<br />

et l’intolérance à la proximité physique, proximité qui<br />

désorganise la mère ?<br />

P<strong>en</strong>ser simultaném<strong>en</strong>t les <strong>par<strong>en</strong>ts</strong> et l’<strong>en</strong>fant, nous<br />

soumet à un grand écart psychique . C’est pourquoi<br />

il est intéressant d’interv<strong>en</strong>ir à deux soignants : l’un<br />

plus près de l’<strong>en</strong>fant, l’autre plus près des <strong>par<strong>en</strong>ts</strong> .<br />

Nous ne pouvons pas être seul .<br />

Quand l’indication de placem<strong>en</strong>t est posée précocem<strong>en</strong>t,<br />

dans la première année de vie, elle est<br />

vécue <strong>en</strong>core plus douloureusem<strong>en</strong>t par les <strong>professionnels</strong>,<br />

comme un échec voire comme un rapt<br />

(Lamour, 2003) .<br />

Quelle que soit notre pratique, nous avons largem<strong>en</strong>t<br />

t<strong>en</strong>dance à sous-estimer l’impact désorganisateur<br />

de la psychopathologie familiale sur le<br />

fonctionnem<strong>en</strong>t des <strong>professionnels</strong> non seulem<strong>en</strong>t<br />

au niveau individuel - cela pouvant aller jusqu’à<br />

la transgression de la loi, comme au sein de la<br />

famille - mais aussi au niveau des fonctionnem<strong>en</strong>ts<br />

institutionnels (Pinel, 1996) et du réseau d’interv<strong>en</strong>ants<br />

.<br />

L’excitation psychique difficile à cont<strong>en</strong>ir, la perte de<br />

nos repères fondateurs que suscit<strong>en</strong>t ces situations,<br />

peuv<strong>en</strong>t nous <strong>en</strong>traîner, par exemple, à faire perdurer,<br />

dans la relation <strong>en</strong>fant-auxiliaire, les perturbations<br />

de la relation par<strong>en</strong>t-<strong>en</strong>fant .<br />

Ainsi aidons-nous vraim<strong>en</strong>t (comme nous l’espérions)<br />

l’auxiliaire de puériculture de la pouponnière,<br />

au plus près de l’<strong>en</strong>fant, <strong>en</strong> l’informant qu’il<br />

est le fruit d’un inceste ou d’un viol ? De fait, nous<br />

<strong>en</strong>vahissons sa vie psychique de représ<strong>en</strong>tations<br />

traumatiques, excitantes, qui seront sollicitées<br />

à nouveau dans ses échanges avec l’<strong>en</strong>fant,<br />

au niveau des interactions fantasmatiques. Se<br />

prolongeront ainsi, dans la suppléance, les dysfonctionnem<strong>en</strong>ts<br />

de la relation <strong>par<strong>en</strong>ts</strong>-<strong>en</strong>fant.<br />

Nous sommes dans la confusion et l’indiffér<strong>en</strong>ciation,<br />

on ne sait plus qui fait quoi ; les id<strong>en</strong>tités professionnelles<br />

se dilu<strong>en</strong>t . Comme dans les familles,<br />

nous nous querellons, nous nous disqualifions, nous<br />

nous maltraitons . Pas seulem<strong>en</strong>t avec des mots<br />

mais aussi au-delà des mots, avec nos regards, nos<br />

attitudes corporelles ; nous nous <strong>en</strong>voyons des<br />

messages, pour une grande part implicites .<br />

L’int<strong>en</strong>sité de ces processus explique, <strong>en</strong> partie, le<br />

décalage <strong>en</strong>tre le niveau de réflexion et de connaissances<br />

des équipes et la réalité des pratiques,<br />

décalage qui n’est pas sans évoquer l’écart <strong>en</strong>tre<br />

le li<strong>en</strong> des <strong>par<strong>en</strong>ts</strong> au bébé imaginaire et leur li<strong>en</strong><br />

au bébé réel .<br />

Le déni de la nature<br />

psychopathologique<br />

des processus à l’œuvre<br />

C’est un problème crucial dans la prise <strong>en</strong> charge<br />

des situations que nous évoquons, <strong>en</strong> particulier<br />

dans le travail avec l’aide sociale à l’<strong>en</strong>fance et les<br />

services qui accueill<strong>en</strong>t les <strong>en</strong>fants placés .<br />

Ceci est particulièrem<strong>en</strong>t vrai pour les troubles<br />

graves de la par<strong>en</strong>talité (et plus <strong>en</strong>core pour les<br />

troubles de paternalité, bi<strong>en</strong> plus méconnus que<br />

ceux de la maternalité) et des li<strong>en</strong>s . Dans ces situations,<br />

nous l’avons vu, le déni est une des stratégies<br />

déf<strong>en</strong>sives des <strong>professionnels</strong> . Y contribue aussi<br />

l’illusion largem<strong>en</strong>t répandue que, par une interv<strong>en</strong>tion<br />

très précoce (et si possible uniquem<strong>en</strong>t sociale<br />

et éducative), nous pourrions faire de tout adulte <strong>en</strong><br />

difficulté psychologique un par<strong>en</strong>t apte à répondre<br />

– 32 – – 33 –


au quotidi<strong>en</strong> aux besoins de son <strong>en</strong>fant . C’est bi<strong>en</strong><br />

sûr vrai pour certains <strong>par<strong>en</strong>ts</strong>, mais pas pour tous,<br />

<strong>en</strong> particulier pas pour les <strong>par<strong>en</strong>ts</strong> dont nous parlons<br />

ici qui évolu<strong>en</strong>t trop l<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t par rapport aux<br />

exig<strong>en</strong>ces du développem<strong>en</strong>t d’un nourrisson, voire<br />

pas du tout . Dans cette période où le souti<strong>en</strong> précoce<br />

à la par<strong>en</strong>talité soulève beaucoup d’espoir, ces<br />

situations confront<strong>en</strong>t violemm<strong>en</strong>t le professionnel à<br />

un vécu d’impuissance et d’échec . Or le burn-out<br />

est aussi décrit comme l’état final d’un processus<br />

graduel de désillusion, après un état initial d’implication<br />

élevée : c’est la perception que quels que soit<br />

nos efforts, notre interv<strong>en</strong>tion ne peut pas avoir un<br />

impact significatif .<br />

La non reconnaissance de l’impact de la psychopathologie<br />

familiale sur le l’<strong>en</strong>fant va de pair avec celle<br />

des troubles de la par<strong>en</strong>talité et des li<strong>en</strong>s . Sinon,<br />

pourquoi continuerait-on à p<strong>en</strong>ser que changer l’<strong>en</strong>fant<br />

de famille et maint<strong>en</strong>ir les li<strong>en</strong>s avec sa famille<br />

d’origine règl<strong>en</strong>t tous les problèmes ? Pourquoi<br />

continuerait-on à les pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> charge par une<br />

approche uniquem<strong>en</strong>t éducative et sociale avec<br />

pour conséqu<strong>en</strong>ce une « sur-viol<strong>en</strong>ce » faite à l’<strong>en</strong>fant,<br />

comme le souligne Marceline Gabel (parution<br />

prochaine) et comme l’a dénoncé Maurice Berger<br />

(2002) ?<br />

Intégrer l’approche psychiatrique<br />

aux prises <strong>en</strong> charge<br />

Alors que des travaux nous montr<strong>en</strong>t l’importance<br />

des processus psychopathologiques à l’œuvre dans<br />

ces familles (David et al, 1984 ; David, 1989 ;<br />

Lamour, Barraco, 1998), l’approche psychodynamique<br />

et psychiatrique, bi<strong>en</strong> qu’indisp<strong>en</strong>sable, est<br />

trop souv<strong>en</strong>t abs<strong>en</strong>te ; cette abs<strong>en</strong>ce de soins spécialisés<br />

met <strong>en</strong>core plus à mal l’<strong>en</strong>fant et les <strong>par<strong>en</strong>ts</strong>,<br />

ainsi que les <strong>professionnels</strong> . Outre les résistances<br />

institutionnelles, outre les contraintes gestionnaires<br />

(réduction des coûts), cette abs<strong>en</strong>ce s’explique<br />

égalem<strong>en</strong>t par les relations pas toujours faciles <strong>en</strong>tre<br />

travailleurs sociaux et équipes psychiatriques . Nous<br />

avons été frappée par la grande hétérogénéité des<br />

pratiques <strong>en</strong> fonction des lieux . Il <strong>en</strong> est de même <strong>en</strong><br />

ce qui concerne la définition du champ d’exercice<br />

de chaque discipline . Dans quel(s) champ(s) doit-on<br />

situer les troubles de la par<strong>en</strong>talité et la pathologie<br />

du li<strong>en</strong> ? Pour nous, ils ne doiv<strong>en</strong>t pas rester cantonnés<br />

dans le médico-social et relèv<strong>en</strong>t aussi d’une<br />

approche psychiatrique . Mais alors laquelle ? Celle<br />

de la psychiatrie adulte, de la pédopsychiatrie ou de<br />

la psychiatrie générale ? Ne serai<strong>en</strong>t-ils pas plutôt à<br />

l’intersection de tous ces champs ?<br />

Dans certaines situations, la massivité des problèmes<br />

sociaux, qui les avai<strong>en</strong>t fait rejeter de notre<br />

champ par certains psychiatres, ne constitue pas,<br />

pour nous, une contre-indication à notre interv<strong>en</strong>tion<br />

. Bi<strong>en</strong> au contraire . Quand ceux-ci occup<strong>en</strong>t<br />

le devant de la scène, ils masqu<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t les<br />

<strong>souffrance</strong>s psychiques et affectives des <strong>en</strong>fants et<br />

des <strong>par<strong>en</strong>ts</strong> . Ce sont des familles qui mobilis<strong>en</strong>t de<br />

nombreux <strong>professionnels</strong> ; leur détresse, liée à la<br />

précarité sociale, touche ces derniers et suscite un<br />

« <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t » important de leur part, à ce niveau :<br />

mais très vite ils se s<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t impuissants . Ils perçoiv<strong>en</strong>t<br />

alors ces familles comme des « cas lourds » . Il<br />

n’y a pas si longtemps elles étai<strong>en</strong>t étiquetées<br />

« cas sociaux » 2 . Elles ont donné lieu à plusieurs<br />

études, sous le vocable de « familles car<strong>en</strong>cées »<br />

ou « familles à problèmes multiples » (David et al .,<br />

1984) . Ces travaux montr<strong>en</strong>t que ces <strong>par<strong>en</strong>ts</strong> sont<br />

profondém<strong>en</strong>t atteints dans leur par<strong>en</strong>talité et dans<br />

leurs li<strong>en</strong>s, r<strong>en</strong>forçant la spirale de leur exclusion<br />

sociale . La connaissance de cette psychopathologie<br />

familiale peut nous aider à mieux compr<strong>en</strong>dre<br />

2 . Voir aussi l’excell<strong>en</strong>t article de M . Soulé et J . Noêl : « Le grand r<strong>en</strong>fermem<strong>en</strong>t<br />

des <strong>en</strong>fants dits “cas sociaux“ ou malaise dans la bi<strong>en</strong>faisance<br />

» (1971) .<br />

– 34 – – 35 –


les difficultés dans les prises <strong>en</strong> charge de telles<br />

familles que quatre critères définiss<strong>en</strong>t :<br />

• l’importance des car<strong>en</strong>ces sanitaires, éducatives<br />

et sociales au sein desquelles les <strong>en</strong>fants se<br />

développ<strong>en</strong>t ;<br />

• l’abs<strong>en</strong>ce d’organisation de la vie quotidi<strong>en</strong>ne et<br />

la fréqu<strong>en</strong>ce des situations de crise ;<br />

• l’histoire des <strong>par<strong>en</strong>ts</strong> marquée par des traumatismes<br />

(séparation, deuil, inceste) et par la<br />

car<strong>en</strong>ce et la discontinuité des soins par<strong>en</strong>taux<br />

dans l’<strong>en</strong>fance ;<br />

• la fréqu<strong>en</strong>ce d’une psychopathologie chez les<br />

<strong>par<strong>en</strong>ts</strong>, souv<strong>en</strong>t non reconnue et non traitée<br />

comme telle (problèmes d’alcoolisme, épisode<br />

dépressif, vécu de persécution) .<br />

En tant qu’équipe psychiatrique, nous ne devons<br />

pas nous décharger à bon compte sur les travailleurs<br />

sociaux qui font appel à nous, <strong>en</strong> les<br />

laissant seuls gérer l’<strong>en</strong>semble des problèmes . Ce<br />

sont des situations où l’<strong>en</strong>fant est <strong>en</strong> danger, où la<br />

détresse psychologique est si grande chez la mère<br />

et le père qu’elle <strong>en</strong>vahit aussi les interv<strong>en</strong>ants .<br />

Toutes les dim<strong>en</strong>sions du suivi (psychiatrique, éducative,<br />

sanitaire et sociale) doiv<strong>en</strong>t être étroitem<strong>en</strong>t<br />

articulées dans le cadre d’un travail conjoint .<br />

Il est vrai que la formation des psychologues et<br />

des psychiatres doit évoluer dans ce domaine ; ils<br />

doiv<strong>en</strong>t être formés à ce type de pathologie, aux<br />

approches qu’elles nécessite (visites à domicile,<br />

travail <strong>en</strong> réseau, observation thérapeutique, etc .) .<br />

Comm<strong>en</strong>t aider les<br />

<strong>professionnels</strong> ?<br />

Confrontés aux défaillances par<strong>en</strong>tales graves et à<br />

la pathologie du li<strong>en</strong>, les <strong>professionnels</strong> doiv<strong>en</strong>t être<br />

sout<strong>en</strong>us dans leur tâche. Leur accompagnem<strong>en</strong>t<br />

fait partie intégrante de toute prise <strong>en</strong> charge .<br />

De la stigmatisation à<br />

l’accompagnem<strong>en</strong>t<br />

L’approche interactionnelle, appliquée à la clinique<br />

précoce (Lamour, Lebovici ; 1991), a permis le<br />

passage du concept de « mauvais <strong>par<strong>en</strong>ts</strong> », de<br />

« mauvais bébé », ou de « mauvais <strong>professionnels</strong> »<br />

à celui de la vulnérabilité des relations <strong>par<strong>en</strong>ts</strong>nourrisson-<strong>professionnels</strong><br />

dans ces situations . Les<br />

dysfonctionnem<strong>en</strong>ts interactifs <strong>par<strong>en</strong>ts</strong>-nourrisson<strong>professionnels</strong><br />

témoign<strong>en</strong>t de la <strong>souffrance</strong> de<br />

l’<strong>en</strong>fant, de la <strong>souffrance</strong> de ses <strong>par<strong>en</strong>ts</strong> et de<br />

la <strong>souffrance</strong> des <strong>professionnels</strong> . Les stratégies<br />

adaptatives que chacun développe ne font le plus<br />

souv<strong>en</strong>t qu’aggraver la pathologie relationnelle : les<br />

part<strong>en</strong>aires « soign<strong>en</strong>t le mal par le mal » .<br />

Notre clinique nous invite à sortir des modes de<br />

p<strong>en</strong>sée marqués par des relations binaires (bon/<br />

mauvais ; mainti<strong>en</strong> dans la famille/placem<strong>en</strong>t), des<br />

relations causales linéaires : c‘est la faute de, un tel<br />

est le responsable, avec une stigmatisation des <strong>professionnels</strong><br />

. Il nous faut travailler avec la complexité<br />

de ces situations, la gérer mais d’abord la p<strong>en</strong>ser .<br />

Le nourrisson, sa famille et les <strong>professionnels</strong> sont<br />

– 37 –


co-acteurs d’une histoire relationnelle qui s’est<br />

souv<strong>en</strong>t construite sur plusieurs générations . Lutter<br />

contre les processus mortifères à l’œuvre, <strong>en</strong> dégager<br />

les part<strong>en</strong>aires, impose, dans un premier temps,<br />

de traiter ces perturbations relationnelles à deux<br />

niveaux : relations famille-<strong>professionnels</strong> et relations<br />

<strong>en</strong>tre <strong>professionnels</strong>, <strong>en</strong> particulier dans le réseau,<br />

ainsi que l’accompagnem<strong>en</strong>t de la construction de<br />

tout nouveau li<strong>en</strong>s .<br />

Repères pour aborder la <strong>souffrance</strong><br />

des <strong>professionnels</strong><br />

Issus de l’expéri<strong>en</strong>ce clinique, des échanges inter et<br />

transdisciplinaires, ils sont prés<strong>en</strong>tés ici sous forme<br />

synthétique pour pouvoir être utilisés aisém<strong>en</strong>t par<br />

les interv<strong>en</strong>ants .<br />

Les <strong>professionnels</strong> viv<strong>en</strong>t des mouvem<strong>en</strong>ts<br />

émotionnels int<strong>en</strong>ses. Leurs ress<strong>en</strong>tis peuv<strong>en</strong>t<br />

paraître étranges, troublants, viol<strong>en</strong>ts . Ils peuv<strong>en</strong>t<br />

se s<strong>en</strong>tir angoissés, déstabilisés, incapables de<br />

p<strong>en</strong>ser (sidération), vides, excités, incompét<strong>en</strong>ts,<br />

impuissants, disqualifiés <strong>en</strong> tant que <strong>professionnels</strong>,<br />

isolés dans l’équipe . Ils peuv<strong>en</strong>t se s<strong>en</strong>tir<br />

dépassés par l‘<strong>en</strong>fant et les <strong>par<strong>en</strong>ts</strong>, viol<strong>en</strong>ts <strong>en</strong>vers<br />

l’<strong>en</strong>fant et/ou <strong>en</strong>vers les <strong>par<strong>en</strong>ts</strong>, néglig<strong>en</strong>ts <strong>en</strong>vers<br />

l’<strong>en</strong>fant et/ou <strong>en</strong>vers les <strong>par<strong>en</strong>ts</strong> . Ils peuv<strong>en</strong>t se<br />

s<strong>en</strong>tir coupables .<br />

Tous les <strong>professionnels</strong> sont touchés, quelle que<br />

soit leur discipline (des « psy » aux juges des <strong>en</strong>fants,<br />

<strong>en</strong> passant par les éducateurs, les assistantes<br />

sociales, les auxiliaires, les assistantes maternelles<br />

et familiales, etc .) et quelle que soit leur position<br />

hiérarchique .<br />

Les institutions aussi sont <strong>en</strong> <strong>souffrance</strong> ; celle-ci<br />

s’exprime par des situations de crise, de nombreux<br />

arrêts de travail, des demandes de formation <strong>en</strong><br />

surnombre, un turn-over des directeurs administratifs,<br />

etc .<br />

Les <strong>professionnels</strong> sont d’autant plus déstabilisés<br />

:<br />

• que leur proximité est grande avec<br />

l’<strong>en</strong>fant et les <strong>par<strong>en</strong>ts</strong>,<br />

• qu’ils travaill<strong>en</strong>t à domicile,<br />

• qu’ils sont isolés,<br />

• que leur formation est insuffisante,<br />

• que leurs institutions sont fragilisées et<br />

• que la problématique de la famille <strong>en</strong>tre<br />

<strong>en</strong> résonance avec leur propre fonctionnem<strong>en</strong>t .<br />

Ils sont d’autant plus <strong>en</strong> difficulté :<br />

• qu’ils ont <strong>en</strong> charge de nombreux <strong>en</strong>fants et de<br />

nombreuses familles de ce type . Mesure–t-on la<br />

gravité des pathologies r<strong>en</strong>contrées quand on<br />

demande à un éducateur spécialisé de m<strong>en</strong>er des<br />

actions <strong>en</strong> milieux ouverts pour 31 <strong>en</strong>fants et donc<br />

autant de familles ?<br />

• que les situations antérieures qui les ont malm<strong>en</strong>és<br />

continu<strong>en</strong>t d’agir sur les nouvelles prises <strong>en</strong><br />

charge, dans leurs relations tant avec les familles<br />

qu’avec les <strong>professionnels</strong> .<br />

Ces mouvem<strong>en</strong>ts émotionnels ne témoign<strong>en</strong>t<br />

pas d’une incompét<strong>en</strong>ce ou d’un manque de<br />

professionnalisme.<br />

Bi<strong>en</strong> au contraire, ils résult<strong>en</strong>t d’un investissem<strong>en</strong>t<br />

de la situation, d’un <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t dans les li<strong>en</strong>s .<br />

Pour se consumer (to burn out), il faut d’abord s’être<br />

<strong>en</strong>flammé .<br />

Les mouvem<strong>en</strong>ts émotionnels, qu’ils ress<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t<br />

souv<strong>en</strong>t comme une <strong>en</strong>trave à leurs compét<strong>en</strong>ces<br />

de <strong>professionnels</strong>, ont une valeur sémiologique.<br />

– 38 – – 39 –


Ils nous r<strong>en</strong>seign<strong>en</strong>t sur le fonctionnem<strong>en</strong>t des<br />

part<strong>en</strong>aires au sein des relations par<strong>en</strong>t-<strong>en</strong>fant-professionnel,<br />

sur leurs li<strong>en</strong>s, sur leurs problématiques<br />

d’attachem<strong>en</strong>t . Mais quand nous sommes <strong>en</strong>gagés<br />

directem<strong>en</strong>t dans la relation, il est très difficile de<br />

donner s<strong>en</strong>s à nos ress<strong>en</strong>tis . Il faut souv<strong>en</strong>t sortir<br />

de l’émotion, repr<strong>en</strong>dre de la distance pour relier ce<br />

que nous vivons à la relation avec la famille et aux<br />

résonances qu’elle provoque <strong>en</strong> nous . On ne peut<br />

pas lire de trop près ! Par contre, savoir, à priori,<br />

avant même d’<strong>en</strong> saisir la signification, que ce qu’on<br />

éprouve a une valeur sémiologique diminue notre<br />

vécu d’impuissance, de déstabilisation (Hervé et<br />

al, 2008) .<br />

Nos ress<strong>en</strong>tis nous r<strong>en</strong>seign<strong>en</strong>t aussi sur nousmêmes,<br />

quand la problématique familiale résonne<br />

trop fortem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> nous . Nous avons choisi des<br />

métiers de la relation d’aide (champ social, éducatif,<br />

judiciaire, thérapeutique) . Ce choix correspond à<br />

une motivation profonde <strong>en</strong> nous, liée à notre histoire,<br />

<strong>en</strong> particulier à l’histoire de nos li<strong>en</strong>s et à la<br />

façon dont des adultes ont pris soin de nous quand<br />

nous étions <strong>en</strong>fants . C’est tout à la fois notre force<br />

et notre fragilité .<br />

Il est important, et r<strong>en</strong>table, de pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong><br />

compte les ress<strong>en</strong>tis négatifs des <strong>professionnels</strong><br />

et d’aider des <strong>professionnels</strong>.<br />

Sinon, nous l’avons vu, ils <strong>en</strong>trav<strong>en</strong>t leurs compét<strong>en</strong>ces<br />

et suscit<strong>en</strong>t des dysfonctionnem<strong>en</strong>ts<br />

majeurs dans le réseau des <strong>professionnels</strong> (disqualifications,<br />

conflits intra et interinstitutionnels, etc .) et<br />

alors, le risque est double :<br />

Pour l’<strong>en</strong>fant et sa famille, risque d’aboutir à l’inverse<br />

du but recherché, et donc à l’abs<strong>en</strong>ce de<br />

protection de l’<strong>en</strong>fant et à la pér<strong>en</strong>nisation des maltraitances<br />

et néglig<strong>en</strong>ces . Nous co-construisons<br />

alors avec la famille la répétition . Ainsi, loin de protéger<br />

et de sout<strong>en</strong>ir le développem<strong>en</strong>t de ces bébés<br />

exposés, sommes-nous <strong>en</strong>traînés à agir à l’<strong>en</strong>contre<br />

de leur intérêt, par exemple <strong>en</strong> organisant la<br />

discontinuité du li<strong>en</strong> par de multiples placem<strong>en</strong>ts .<br />

Nous les maint<strong>en</strong>ons dans un chaos relationnel,<br />

<strong>en</strong> leur refusant la possibilité de construire des<br />

relations d’attachem<strong>en</strong>t sécurisantes . Nous <strong>en</strong> faisons<br />

des « sans relation fixe , des SRF . La précarité<br />

relationnelle est <strong>en</strong>core plus grave que la précarité<br />

matérielle .<br />

Pour les <strong>professionnels</strong> de la relation d’aide,<br />

risque d’éprouver des s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts d’impuissance,<br />

d’incompét<strong>en</strong>ce, aboutissant au syndrome d’usure<br />

(burn-out), c’est-à-dire un état d’épuisem<strong>en</strong>t professionnel<br />

(Delbrouk, 2003 ; Truchot, 2004) se traduisant<br />

par :<br />

• un état d’épuisem<strong>en</strong>t physique (fatigue chronique,<br />

troubles du sommeil), pas toujours prés<strong>en</strong>t ;<br />

• un état d’épuisem<strong>en</strong>t émotionnel avec perte de<br />

l’estime de soi, accompagnés d’attitudes professionnelles<br />

négatives, ainsi qu’une perte de<br />

l’implication, <strong>en</strong>vers les usagers : « Toutes sortes<br />

de stratégies anesthésiantes, protectrices contre<br />

la perception de la <strong>souffrance</strong> des pati<strong>en</strong>ts », sont<br />

développées . L’interv<strong>en</strong>ant vit dans un grand<br />

malaise professionnel, teinté de culpabilité . Le<br />

doute l’<strong>en</strong>vahit ; il perd confiance <strong>en</strong> ses compét<strong>en</strong>ces<br />

techniques (Masson, 1990) ;<br />

• des manifestations comportem<strong>en</strong>tales : mauvaise<br />

hygiène de vie, conduites addictives (tabac, alcool,<br />

café), irritabilité, agressivité ;<br />

• avec des répercussions sur la vie privée.<br />

Ress<strong>en</strong>tir ces mouvem<strong>en</strong>ts émotionnels doit fonctionner<br />

comme une alerte pour le professionnel :<br />

ce sont des clignotants majeurs qui nous impos<strong>en</strong>t<br />

d’<strong>en</strong>trer dans un autre mode de travail .<br />

– 40 – – 41 –


Permettre que s’exprime la <strong>souffrance</strong><br />

au travail et lui donner s<strong>en</strong>s<br />

« Chacun appr<strong>en</strong>d à maîtriser les conséqu<strong>en</strong>ces<br />

d’un éprouvé à condition qu’il soit reconnu par<br />

autrui, et non pas minimisé ou nié . »<br />

(Visier et al, parution prochaine)<br />

Permettre qu’elle s’exprime est la première étape<br />

pour prév<strong>en</strong>ir et traiter la <strong>souffrance</strong> au travail .<br />

Pour les <strong>professionnels</strong>, exprimer leur <strong>souffrance</strong><br />

ne va pas de soi et ce d’autant plus qu’ils ne<br />

l’ont pas id<strong>en</strong>tifiée comme telle ou l’ont attribuée<br />

à leur propre incompét<strong>en</strong>ce ou à l’incompét<strong>en</strong>ce<br />

supposée d’autres <strong>professionnels</strong>, ou <strong>en</strong>core à<br />

leurs problèmes personnels . Ou bi<strong>en</strong> ils craign<strong>en</strong>t<br />

d’être jugés incompét<strong>en</strong>ts et d’être disqualifiés<br />

par les autres interv<strong>en</strong>ants . Enfin, ils peuv<strong>en</strong>t la<br />

méconnaître <strong>en</strong> raison de la t<strong>en</strong>eur même de leurs<br />

ress<strong>en</strong>tis .<br />

Aussi est-il indisp<strong>en</strong>sable de créer d’abord un climat<br />

de confiance, avec une écoute empathique à<br />

l’égard de ces <strong>professionnels</strong> fragilisés voire meurtris,<br />

qui se viv<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t comme incompét<strong>en</strong>ts ou<br />

<strong>en</strong> échec . S’ils se dis<strong>en</strong>t « déstabilisés », c’est bi<strong>en</strong><br />

pour traduire que leur « s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t de soi » a été<br />

ébranlé par la confrontation à des troubles de la<br />

par<strong>en</strong>talité qui ont attaqué les repères fondateurs<br />

de l’humanisation . Aussi faut-il <strong>en</strong>trer <strong>en</strong> relation<br />

avec eux avec la même prud<strong>en</strong>ce, le même respect<br />

qu’avec les membres de la famille, qui sont<br />

de « grands brûlés relationnels » . Ils sont <strong>en</strong>trés<br />

dans des li<strong>en</strong>s pathologiques marqués par les<br />

troubles de l’attachem<strong>en</strong>t et de l’intersubjectivité :<br />

« Les situations dangereuses sont celles où l’intersubjectivité<br />

ne fonctionne que partiellem<strong>en</strong>t :<br />

assez pour être pris dans les émotions de<br />

l’autre, pas assez pour distinguer ce qui revi<strong>en</strong>t<br />

à chacun . L’interv<strong>en</strong>ant se retrouve chargé du<br />

poids des émotions de la famille, <strong>en</strong> l’éprouvant<br />

comme si<strong>en</strong> . » (Visier et al, parution prochaine).<br />

Ce n’est pas donc seulem<strong>en</strong>t écouter, c’est<br />

aussi accepter l’exist<strong>en</strong>ce de ces éprouvés aussi<br />

bizarres, inquiétants, inhabituels soi<strong>en</strong>t-ils, sans<br />

les nier, les minimiser . Il n’est pas facile de dire, par<br />

exemple, le dégout et la colère éprouvés à l’égard<br />

d’un <strong>en</strong>fant qui vi<strong>en</strong>t d’abuser son petit frère .<br />

Puis il faut sout<strong>en</strong>ir le professionnel pour qu’il<br />

puisse déployer ses ress<strong>en</strong>tis et exposer la situation<br />

<strong>en</strong> fonction de sa place dans la prise <strong>en</strong><br />

charge ainsi que de sa propre logique professionnelle,<br />

<strong>en</strong> se gardant d’interv<strong>en</strong>ir trop vite avec la<br />

nôtre . Le plus souv<strong>en</strong>t nous interv<strong>en</strong>ons par des<br />

phrases du style : « je compr<strong>en</strong>ds, c’est difficile,<br />

mais » … On y met toute sorte de chose dans ce<br />

« mais » : par exemple « mais c’est drôle, quand je<br />

les vois, ça ne se passe pas du tout comme ça » .<br />

C’est le meilleur moy<strong>en</strong> pour que le professionnel<br />

taise sa <strong>souffrance</strong> .<br />

Ce n’est que dans un second temps que se fait<br />

le travail de différ<strong>en</strong>ciation et réattribution des<br />

ress<strong>en</strong>tis aux li<strong>en</strong>s avec l’<strong>en</strong>fant, avec les <strong>par<strong>en</strong>ts</strong> .<br />

Puis nous <strong>en</strong> voyons la portée sémiologique pour<br />

la compréh<strong>en</strong>sion des processus psychopathologiques<br />

à l’œuvre et leur évolution, <strong>en</strong> repérant<br />

aussi les points positifs .<br />

– 42 – – 43 –


Accompagner les <strong>professionnels</strong><br />

Comm<strong>en</strong>t appliquer très concrètem<strong>en</strong>t cette<br />

démarche ?<br />

Dans le fonctionnem<strong>en</strong>t quotidi<strong>en</strong> des<br />

institutions et du réseau de <strong>professionnels</strong><br />

Dans le cadre des réunions institutionnelles :<br />

D’abord faire de ces réunions, des espaces non<br />

seulem<strong>en</strong>t d’échanges d’informations et de prises<br />

de décision, mais aussi des espaces de reprise,<br />

d’écoute et de réflexion intégrant la dim<strong>en</strong>sion de<br />

la vie psychique et affective des protagonistes et<br />

les processus psychopathologiques à l’œuvre . Ce<br />

qui implique la prés<strong>en</strong>ce de psychologues et/ou de<br />

psychiatres rompus à ces problématiques .<br />

Dans les réunions du réseau :<br />

Elles jalonn<strong>en</strong>t les prises <strong>en</strong> charge car ces situations<br />

de protection de l’<strong>en</strong>fance impos<strong>en</strong>t aux<br />

<strong>professionnels</strong> de travailler <strong>en</strong> réseau . Dans mon<br />

expéri<strong>en</strong>ce, c’est souv<strong>en</strong>t à ce niveau que la dynamique<br />

familiale se rejoue avec le plus de viol<strong>en</strong>ce<br />

<strong>en</strong>tre <strong>professionnels</strong> et où l’att<strong>en</strong>tion à l’<strong>en</strong>fant réel<br />

est la plus m<strong>en</strong>acée, <strong>en</strong>traînant des décisions qui<br />

vont à l’inverse de nos objectifs initiaux .<br />

C’est pourquoi les <strong>professionnels</strong> du réseau doiv<strong>en</strong>t<br />

bénéficier d’espace de réflexion et de reprise qui<br />

leur offre une possibilité de distanciation et d’élaboration<br />

. C’est ce que nous proposions au c<strong>en</strong>tre<br />

Myriam David dans le cadre du travail indirect .<br />

Cela nécessite la prés<strong>en</strong>ce d’un (ou de plusieurs)<br />

professionnel (s) non impliqué dans la situation<br />

(sinon ce professionnel est très vite, lui aussi, happé<br />

par la dynamique familiale), ayant une approche<br />

psychodynamique et connaissant bi<strong>en</strong> ces problématiques<br />

.<br />

Ces r<strong>en</strong>contres ne sont pas des réunions où l’on<br />

déverse ses émotions <strong>en</strong> parlant de soi, avec une<br />

analyse sauvage par le groupe . Elles s’appar<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t<br />

plutôt à un processus de supervision des équipes<br />

et du réseau . Au lieu de donner un diagnostic<br />

psychiatrique, il importe surtout d’éclairer ce que<br />

viv<strong>en</strong>t les <strong>professionnels</strong> dans la relation avec la<br />

famille, à la lumière des dysfonctionnem<strong>en</strong>ts familiaux<br />

: par exemple, pouvoir relier les perceptions<br />

contradictoires, qui oppos<strong>en</strong>t deux <strong>professionnels</strong>,<br />

à la coexist<strong>en</strong>ce de s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts opposés chez<br />

la mère (qui fait qu’elle demande le placem<strong>en</strong>t<br />

de l’<strong>en</strong>fant à l’assistante sociale alors qu’elle dit<br />

son désir de le garder à l’infimière du secteur<br />

de psychiatrie adulte) permet de redynamiser<br />

les échanges . En reconnaissant leurs ress<strong>en</strong>tis,<br />

<strong>en</strong> les réattribuant au li<strong>en</strong> établi avec la famille,<br />

nous <strong>en</strong> dégageons les <strong>professionnels</strong> ; nous<br />

redonnons à ces vécus une valeur sémiologique,<br />

favorisant ainsi une id<strong>en</strong>tification aux <strong>par<strong>en</strong>ts</strong> et/<br />

ou au bébé, dans le souci de réanimer l’empathie<br />

des soignants à l’égard de la famille mais aussi à<br />

l’égard des autres <strong>professionnels</strong> . Avec ce nouvel<br />

éclairage, nous co-construisons <strong>en</strong>suite les interv<strong>en</strong>tions<br />

à v<strong>en</strong>ir avec une att<strong>en</strong>tion particulière à la<br />

différ<strong>en</strong>ciation des places et au r<strong>en</strong>forcem<strong>en</strong>t des<br />

id<strong>en</strong>tités <strong>professionnels</strong>, souv<strong>en</strong>t m<strong>en</strong>acées .<br />

Le cadre de ces réunions doit être solide et maint<strong>en</strong>u<br />

avec la même rigueur que le cadre d’un<br />

traitem<strong>en</strong>t : réunions régulières (la fréqu<strong>en</strong>ce varie<br />

suivant les situations de tous les mois à tous les 3<br />

mois) avec les mêmes soignants de référ<strong>en</strong>ce . Leur<br />

durée (1h1/2) doit permettre que s’installe un climat<br />

de confiance pour que les <strong>professionnels</strong> exprim<strong>en</strong>t<br />

des élém<strong>en</strong>ts de danger (maltraitance avérée, situations<br />

incestueuses), élém<strong>en</strong>ts qui peuv<strong>en</strong>t n’apparaître<br />

qu’<strong>en</strong> fin de réunion . . . ou à la réunion suivante,<br />

avec la levée des mécanismes de refoulem<strong>en</strong>t et de<br />

déni . Les vécus concernant les bébés <strong>en</strong> grande<br />

détresse ne s’exprim<strong>en</strong>t pas aisém<strong>en</strong>t . Dire l’émoi,<br />

– 44 – – 45 –


l’excitation, mais aussi l’<strong>en</strong>nui, la sidération, le vide<br />

que suscite le contact avec un bébé, sans gêne<br />

et sans se vivre comme incompét<strong>en</strong>te n’est pas si<br />

simple !<br />

Nous sommes soucieux de limiter le cont<strong>en</strong>u des<br />

échanges à ce qui est strictem<strong>en</strong>t nécessaire à la<br />

compréh<strong>en</strong>sion de la situation et qui peut se partager<br />

<strong>en</strong> respectant l’espace privé de la famille et le<br />

secret professionnel .<br />

La stabilité des soignants de l’équipe ainsi que des<br />

<strong>professionnels</strong> du réseau a été précieuse dans ce<br />

travail . Avoir partagé au fil des années des situations<br />

cliniques à très hauts risques a permis que des li<strong>en</strong>s<br />

de confiance s’instaur<strong>en</strong>t . Ces li<strong>en</strong>s nous protèg<strong>en</strong>t<br />

des disqualifications mutuelles trop hâtives et nous<br />

permett<strong>en</strong>t aussi de partager des ress<strong>en</strong>tis suscités<br />

par le contact proche avec l’<strong>en</strong>fant ou les <strong>par<strong>en</strong>ts</strong>,<br />

mais jugés inavouables .<br />

C’est donc un temps indisp<strong>en</strong>sable si l’on veut<br />

rompre le cercle vicieux dans lequel la pathologie<br />

du li<strong>en</strong> nous précipite avec la famille . Nous pouvons<br />

mieux articuler les représ<strong>en</strong>tations qu’apporte chacun<br />

des <strong>professionnels</strong> comme autant de pièces<br />

d’un puzzle, produites par des contextes relationnels<br />

différ<strong>en</strong>ts et dont l’assemblage dessinera la<br />

famille dans la complexité de son fonctionnem<strong>en</strong>t,<br />

avec sa vulnérabilité et ses ressources . C’est alors<br />

seulem<strong>en</strong>t que les <strong>professionnels</strong> pourront sortir du<br />

conflit et travailler dans la différ<strong>en</strong>ciation et dans<br />

la complém<strong>en</strong>tarité et que pourra être p<strong>en</strong>sée la<br />

prise <strong>en</strong> charge . C’est ainsi que se constituera<br />

une <strong>en</strong>veloppe part<strong>en</strong>ariale autour de la famille<br />

(Parret, 2001) : elle permettra aux <strong>professionnels</strong><br />

de déployer leurs compét<strong>en</strong>ces et leur créativité,<br />

<strong>en</strong> gardant l’<strong>en</strong>fant au cœur de leur préoccupation .<br />

Le réseau d’interv<strong>en</strong>ants redevi<strong>en</strong>t un système dynamique<br />

ouvert à d’autres alliances et donc toujours<br />

r<strong>en</strong>ouvelé, visant à un maillage protecteur et créatif<br />

pour le bébé et ses <strong>par<strong>en</strong>ts</strong> .<br />

Quelques repères concernant la clinique de ces<br />

situations préoccupantes nous ont guidés dans ces<br />

réunions :<br />

• Différ<strong>en</strong>cier la par<strong>en</strong>talité des li<strong>en</strong>s affectifs, déjà<br />

évoqué<br />

• P<strong>en</strong>ser <strong>en</strong> terme de triade et pas seulem<strong>en</strong>t de<br />

dyade : pris dans ces relations fusionnelles mèr<strong>en</strong>ourrisson,<br />

nous p<strong>en</strong>sons trop souv<strong>en</strong>t <strong>en</strong> termes<br />

dyadiques, <strong>en</strong> miroir de l’impossibilité pour beaucoup<br />

de ces <strong>par<strong>en</strong>ts</strong> d’établir une alliance triadique<br />

père-mère-bébé .<br />

La difficulté d’intégrer le père dans le dispositif<br />

d’aide ou de soin peut aussi avoir son origine dans<br />

la force d’exclusion du père par la mère .<br />

Habités souv<strong>en</strong>t par les représ<strong>en</strong>tations qu’<strong>en</strong> donne<br />

la mère, nous risquons, quand le père apparaît, de<br />

le disqualifier trop vite, <strong>en</strong> mettant au premier plan<br />

par exemple sa viol<strong>en</strong>ce, sans la resituer dans la<br />

dynamique du couple et du système familial . Le père<br />

joue alors le rôle de « mauvais objet », protégeant ainsi<br />

l’image que nous, <strong>professionnels</strong>, nous faisons de la<br />

mère . Dans la réalisation du projet de placem<strong>en</strong>t, il<br />

peut être vécu comme un gêneur et ce d’autant plus<br />

qu’il n’y est pas associé, même s’il a reconnu l’<strong>en</strong>fant !<br />

Que faisons-nous de la paternalité et de ses troubles ?<br />

• Différ<strong>en</strong>cier le bébé imaginaire du bébé réel<br />

Ce n’est pas si facile . C’est pourquoi il ne faut<br />

pas s’<strong>en</strong> t<strong>en</strong>ir qu’au discours des <strong>par<strong>en</strong>ts</strong> . Quand<br />

nous observons les interactions comportem<strong>en</strong>tales<br />

<strong>par<strong>en</strong>ts</strong>-nourrisson et évaluons les pratiques de soin<br />

(élém<strong>en</strong>ts ess<strong>en</strong>tiels dans l’évaluation de la par<strong>en</strong>talité),<br />

que voyons-nous ? L’abs<strong>en</strong>ce d’investissem<strong>en</strong>t<br />

– 46 – – 47 –


de l’<strong>en</strong>fant réel par ses <strong>par<strong>en</strong>ts</strong>, leur intolérance à<br />

ses manifestations . Qu’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dons-nous ? Leur attachem<strong>en</strong>t<br />

au bébé imaginaire .<br />

On compr<strong>en</strong>d mieux alors les diverg<strong>en</strong>ces <strong>en</strong>tre<br />

équipes de psychiatrie adulte, qui voit l’adulte sans<br />

l’<strong>en</strong>fant, et les <strong>professionnels</strong> de la petite <strong>en</strong>fance,<br />

qui voi<strong>en</strong>t le par<strong>en</strong>t avec l’<strong>en</strong>fant .<br />

Alors qu’on craignait les effets dévastateurs de la<br />

séparation chez les <strong>par<strong>en</strong>ts</strong>, on est surpris de voir<br />

souv<strong>en</strong>t une amélioration de leur fonctionnem<strong>en</strong>t ;<br />

certains peuv<strong>en</strong>t se montrer soulagés . Peut-être<br />

est-ce parce que nous les séparons de leur <strong>en</strong>fant<br />

réel, mais pas de leur <strong>en</strong>fant imaginaire ?<br />

Pourquoi alors, quand certains <strong>par<strong>en</strong>ts</strong> ont besoin<br />

de nous parler de leur bébé imaginaire, leur répondons-nous<br />

aussitôt par la r<strong>en</strong>contre physique avec<br />

l’<strong>en</strong>fant réel, au risque de les désorganiser ? Ce<br />

qu’ils nous demand<strong>en</strong>t, n’est-ce pas plutôt d’animer<br />

l’<strong>en</strong>fant imaginaire dont ils se différ<strong>en</strong>ci<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t<br />

si peu, et donc d’être écoutés pour eux-mêmes ?<br />

Pourquoi restons–nous sourds à la demande de<br />

séparation d’avec leur bébé que nous font ces<br />

femmes alors qu’elles nous le dis<strong>en</strong>t, de toutes<br />

sortes de façons, par leurs comportem<strong>en</strong>ts, par<br />

leurs actes ? Aussitôt surgit <strong>en</strong> nous la crainte de<br />

l’abandon du bébé par la mère alors que la mère<br />

demande une séparation physique pour protéger<br />

l’<strong>en</strong>fant . Ce qu’elle nous demande, c’est de protéger<br />

son <strong>en</strong>fant d’elle-même, de cette partie d’elle qui est<br />

le par<strong>en</strong>t attaquant, maltraitant . L’<strong>en</strong>fant qui est <strong>en</strong><br />

elle <strong>en</strong> sera aussi soulagé .<br />

Il <strong>en</strong> va de même pour les r<strong>en</strong>contres <strong>par<strong>en</strong>ts</strong>-<strong>en</strong>fant<br />

quand l’<strong>en</strong>fant est placé :<br />

demandes pressantes et souv<strong>en</strong>t convaincantes<br />

du par<strong>en</strong>t et les comportem<strong>en</strong>ts qui ni<strong>en</strong>t ce<br />

désir : r<strong>en</strong>contres manquées, parfois pour t<strong>en</strong>tative<br />

de suicide ou décomp<strong>en</strong>sation psychique<br />

avec hospitalisation . Ces réactions mainti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t<br />

vivace à notre esprit la formule de Myriam David<br />

inspiratrice de notre travail : “un nourrisson est<br />

dangereux pour une mère psychotique” et nous<br />

aid<strong>en</strong>t à résister <strong>en</strong> maint<strong>en</strong>ant un cadre qui évite<br />

des rapprochem<strong>en</strong>ts trop int<strong>en</strong>ses, soulageant<br />

ainsi la mère autant que l’<strong>en</strong>fant ( . . .) Le guide<br />

sera, comme toujours, les réactions et le développem<strong>en</strong>t<br />

de l’<strong>en</strong>fant » (Rottman, 2001 ; p 184) .<br />

• Le réglage de la distance mère-<strong>en</strong>fant se pose<br />

donc d’emblée dans ces situations .<br />

Contrairem<strong>en</strong>t aux autres femmes, nous l’avons<br />

vu, trop de proximité physique avec l’<strong>en</strong>fant réel ne<br />

favorise pas les échanges : ces mères ont besoin<br />

de l’aide d’un tiers pour ne pas vivre la proximité<br />

comme trop dangereuse et ainsi découvrir leur<br />

<strong>en</strong>fant .<br />

Plutôt que de p<strong>en</strong>ser <strong>en</strong> termes de tout ou ri<strong>en</strong><br />

(séparation/mainti<strong>en</strong> à domicile), ainsi que nous<br />

<strong>en</strong>traîne à le faire la pathologie familiale, ne faudraitil<br />

pas se demander : « Quelle est la bonne distance<br />

pour faire se r<strong>en</strong>contrer mère et bébé réel sans se<br />

désorganiser et avoir des échanges à prédominance<br />

positive ? » Comme le disait Myriam David, ne faudrait-il<br />

pas d’abord permettre à ces mères une prise<br />

de contact très progressive avec leur bébé, et ce<br />

dès la naissance ? C’est l’inverse de ce qui se fait<br />

habituellem<strong>en</strong>t : grande proximité puis séparation .<br />

Les dispositifs institutionnels prévus par la loi :<br />

Les médecins du travail et les CHSCT 3 ont un<br />

rôle très important à jouer . La prise <strong>en</strong> compte de<br />

« Nous gardons à l’esprit la discordance <strong>en</strong>tre le<br />

désir manifeste de voir l’<strong>en</strong>fant, exprimé par des 3 . Comité d’Hygiène, de sécurité et des conditions de travail .<br />

– 48 – – 49 –


la <strong>souffrance</strong> des <strong>professionnels</strong> <strong>en</strong>tre dans leur<br />

domaine de compét<strong>en</strong>ce au titre des « risques psychosociaux<br />

» . De plus <strong>en</strong> plus sollicités, <strong>en</strong> raison<br />

aussi de la dégradation des conditions de travail, ils<br />

t<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t de trouver des réponses, <strong>en</strong> se c<strong>en</strong>trant plus<br />

particulièrem<strong>en</strong>t sur la prév<strong>en</strong>tion .<br />

Les dispositifs spécifiques de souti<strong>en</strong> et d’accompagnem<strong>en</strong>t<br />

des <strong>professionnels</strong> pour prév<strong>en</strong>ir<br />

et alléger leur <strong>souffrance</strong> et pot<strong>en</strong>tialiser leurs<br />

compét<strong>en</strong>ces<br />

Initiales et continues, les formations sont très importantes<br />

car elles donn<strong>en</strong>t des repères cliniques<br />

et théoriques . Elles permett<strong>en</strong>t aussi, comme les<br />

formations continues extra-muros, que des <strong>professionnels</strong><br />

de formation et d’institutions différ<strong>en</strong>tes<br />

échang<strong>en</strong>t, se connaiss<strong>en</strong>t mieux et se compr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t,<br />

dans un contexte plus paisible que les r<strong>en</strong>contres<br />

autour de situations difficiles sur le terrain .<br />

Dans cette optique, citons le programme de formation<br />

« Ecoutons ce que nous n’avons pas <strong>en</strong>vie<br />

d’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre » de l’association « je .tu .il… » 4 . Il propose<br />

une formation inter-institutionnelle et pluridisciplinaire<br />

s’appuyant sur un DVD interactif, véritable<br />

guide de questionnem<strong>en</strong>t, qui s’articule autour de<br />

trois mots clés : repérer, évaluer et signaler et de<br />

sept histoires prés<strong>en</strong>tées sous forme de fictions<br />

(Bétrémieux, Dumont ; parution prochaine) .<br />

Si les formations sont nécessaires, elles ne suffis<strong>en</strong>t<br />

pas . Tous les <strong>professionnels</strong> ont besoin d’un souti<strong>en</strong><br />

puisque qu’à chaque situation se rejoue la dramaturgie<br />

des li<strong>en</strong>s .<br />

La supervision (Vidit, 2007) et l’analyse des pratiques<br />

(Blanchard-Laville, Fablet ; 1996) sont des<br />

4 . L’association, « je .tu .il… » conçoit et réalise des programmes de prév<strong>en</strong>tion<br />

et met <strong>en</strong> place des actions de s<strong>en</strong>sibilisation et de formation<br />

pour accompagner la protection de l’<strong>en</strong>fance et de l’adolesc<strong>en</strong>ce .<br />

dispositifs de souti<strong>en</strong> et d’accompagnem<strong>en</strong>t des<br />

<strong>professionnels</strong> qui se sont peu à peu mis <strong>en</strong> place .<br />

Ils sont issus de courants théoriques variés mais<br />

avec une influ<strong>en</strong>ce prédominante de la psychanalyse<br />

et de l’approche systémique . Les besoins sont<br />

loin d’être couverts .<br />

Toutes ces approches impliqu<strong>en</strong>t des processus de<br />

transformation dans la relation professionnel-usager<br />

. Elles doiv<strong>en</strong>t être faites par des <strong>professionnels</strong><br />

expérim<strong>en</strong>tés qui connaiss<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> les situations<br />

concnernées, associant troubles graves de la par<strong>en</strong>talité<br />

et pathologie du li<strong>en</strong>, ainsi que leur impact<br />

individuel et groupal sur les <strong>professionnels</strong> . Comme<br />

le souligne Roussillon (2007), « il n’y a ri<strong>en</strong> de plus<br />

terrible que les superviseurs qui ne partag<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong> de<br />

l’expéri<strong>en</strong>ce clinique directe de ceux qu’ils supervis<strong>en</strong>t<br />

» . Favoriser le partage de la compréh<strong>en</strong>sion<br />

psychodynamique et des modélisations théoriques<br />

avec les <strong>professionnels</strong> de formations diverses et<br />

variées impose aussi d’utiliser un langage clair et<br />

accessible à tous .<br />

Les contextes proposés peuv<strong>en</strong>t être variés : intrainstitutionnels<br />

(supervision, analyse de pratiques) mais<br />

aussi interinstitutionnels dans le travail <strong>en</strong> réseau .<br />

D’autres formes d’aide<br />

D’autres modalités variées de souti<strong>en</strong> se sont<br />

créées : citons, pour les jeunes <strong>en</strong>fants, l’appui<br />

par<strong>en</strong>tal (Visier, 2005), l’observation thérapeutique<br />

des bébés dans des crèches (Lamour, Le Van,<br />

Niez, parution prochaine) ou dans des pouponnières<br />

(Lamour, Saint-Hilaire ; 2009) . De plus <strong>en</strong><br />

plus d’équipes de secteur ou d’intersecteur pédopsychiatrique,<br />

propos<strong>en</strong>t des temps réguliers de<br />

réflexion ouverts aux <strong>professionnels</strong> confrontés à<br />

5 . En France, Dispositif Expert Régional Pour Adolesc<strong>en</strong>ts <strong>en</strong> Difficulté .<br />

Adresse mail : derpad .com .<br />

– 50 – – 51 –


ces situations . Citons aussi le DERPAD 5 qui propose<br />

une consultation d’accueil et d’évaluation ouverte<br />

aux <strong>professionnels</strong> du domaine de l’<strong>en</strong>fance et de<br />

l’adolesc<strong>en</strong>ce quand ils sont <strong>en</strong> difficultés, etc .<br />

– 53 –<br />

Conclusion<br />

L’ampleur du malaise et l’int<strong>en</strong>sité des ress<strong>en</strong>tis<br />

négatifs qu’exprim<strong>en</strong>t les interv<strong>en</strong>ants au plus près<br />

de ces familles, quand la possibilité leur <strong>en</strong> est<br />

donnée et ce quelles que soi<strong>en</strong>t leur discipline, leur<br />

institution et leur position hiérarchique, contrast<strong>en</strong>t<br />

avec le peu de formation et d’écrits de <strong>professionnels</strong><br />

de terrain sur ce thème .<br />

Ce n’est pas surpr<strong>en</strong>ant car cette <strong>souffrance</strong> là est<br />

<strong>en</strong>core peu reconnue et <strong>en</strong>core moins conceptualisée<br />

comme une forme de <strong>souffrance</strong> au travail dans<br />

le cadre des « risques psychosociaux », c’est-à-dire<br />

des risques <strong>professionnels</strong> qui port<strong>en</strong>t atteinte à<br />

l’intégrité physique ou à la santé m<strong>en</strong>tale des salariés<br />

. Cette expression souligne bi<strong>en</strong> la dim<strong>en</strong>sion<br />

collective du problème et le rôle de la médecine<br />

du travail et des dispositifs comme, <strong>en</strong> France, les<br />

comité d’Hygiène, de sécurité et des conditions de<br />

travail (CHSCT) dans sa prév<strong>en</strong>tion .<br />

Tout dispositif institutionnel doit maint<strong>en</strong>ant intégrer<br />

le fait que le travail direct auprès des familles<br />

prés<strong>en</strong>tant des troubles graves de la par<strong>en</strong>talité est<br />

déstabilisant .<br />

Connaître et reconnaître cette <strong>souffrance</strong> au travail,<br />

la prév<strong>en</strong>ir et la traiter nous apparaît de plus<br />

<strong>en</strong> plus comme indisp<strong>en</strong>sable . Cela contribuera<br />

à réduire l’écart, <strong>en</strong>core très important <strong>en</strong>tre nos<br />

connaissances théoriques et nos pratiques, et à ne<br />

plus infliger aux <strong>en</strong>fants et aux familles une surviol<strong>en</strong>ce<br />

par des mesures qui vont à l’<strong>en</strong>contre de la<br />

protection de l’<strong>en</strong>fant, à condition ne pas infliger<br />

aux <strong>professionnels</strong> eux-mêmes une « surviol<strong>en</strong>ce »<br />

par des logiques gestionnaires et des pratiques de<br />

managem<strong>en</strong>t déshumanisantes .


Bibliographie<br />

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1992 .<br />

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2002 .<br />

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Enfance <strong>en</strong> danger, <strong>professionnels</strong> <strong>en</strong> <strong>souffrance</strong>, Toulouse : Éres .<br />

- Blanchard-Laville C ., Fablet, D . (sous la direction de), L’analyse<br />

des pratiques professionnelles, Paris, L’Harmattan, 1996 .<br />

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thérapie familiale. Groupal, pp . 123-142, 2000 .<br />

- David M ., Le placem<strong>en</strong>t familial, Paris, E .S .F ., 1989 .<br />

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les nourrissons de familles car<strong>en</strong>cées » . Psychiatrie de l’<strong>en</strong>fant,<br />

37, pp . 175-222, 1984 .<br />

- Dejours C ., Travail, usure m<strong>en</strong>tale (nouvelle édition), Paris, Bayard,<br />

2008 .<br />

- Delbrouck M ., Le burn-out du soignant : le syndrome d’épuisem<strong>en</strong>t<br />

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28, pp .127-149, 2001 .<br />

- Fablet D ., « Les groupes d’analyse des pratiques professionnelles,<br />

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- Gabel M . (parution prochaine), « Montrer et parler de l’<strong>en</strong>fance <strong>en</strong><br />

danger dans l’espace public : le rôle des médias » . in M . Lamour,<br />

M . Gabel, Enfance <strong>en</strong> danger, <strong>professionnels</strong> <strong>en</strong> <strong>souffrance</strong>,<br />

Toulouse, Éres .<br />

- Gaulejac V . de ., La société malade de la gestion (nouvelle édition),<br />

Seuil, 2009 .<br />

- Gued<strong>en</strong>ey, N ., « Les émotions négatives des <strong>professionnels</strong> de<br />

l’<strong>en</strong>fance confrontés à la situation de placem<strong>en</strong>t : l’éclairage de la<br />

théorie de l’attachem<strong>en</strong>t », in Les métiers de l’<strong>en</strong>fance : des <strong>professionnels</strong><br />

aux risques de l’usure, Paris, Éditions de la Fondation<br />

pour l’<strong>en</strong>fance, pp . 33-46, 2007 .<br />

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M-O ., Rusconi Serpa S ., Visier J-P ., Maury M ., « Les ress<strong>en</strong>tis<br />

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Dev<strong>en</strong>ir, 20, 4, p . 293-318, 2008 .<br />

– 55 –


- Kaes R ., « Souffrance et psychopathologie des li<strong>en</strong>s institués . Une<br />

introduction » . in R . Kaes et al, Souffrance et psychopathologie<br />

des li<strong>en</strong>s institutionnels, Paris, Dunod, 1996 .<br />

- LAMOUR M ., « La <strong>souffrance</strong> des <strong>professionnels</strong> confrontés aux<br />

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- Lamour M ., Barraco M ., « Les représ<strong>en</strong>tations du bébé <strong>en</strong> <strong>souffrance</strong><br />

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- Lamour M ., Le Van C, Niez L . (parution prochaine), « L’observation<br />

thérapeutique <strong>en</strong> crèche dans un c<strong>en</strong>tre maternel : un souti<strong>en</strong> aux<br />

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danger, <strong>professionnels</strong> <strong>en</strong> <strong>souffrance</strong>, Toulouse, Éres .<br />

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et l’épuisem<strong>en</strong>t des <strong>professionnels</strong> . » Cahiers de la Puéricultrice,<br />

231, p . 29-34, 2009 .<br />

- Malapert V . (parution prochaine) . « Écrire sur sa <strong>souffrance</strong> au<br />

travail ? » . in M . LAMOUR, M . GABEL, Enfance <strong>en</strong> danger, <strong>professionnels</strong><br />

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- Morales M (parution prochaine) . « La <strong>souffrance</strong> des <strong>professionnels</strong><br />

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M . Lamour, M ., M . Gabel, Enfance <strong>en</strong> danger, <strong>professionnels</strong> <strong>en</strong><br />

<strong>souffrance</strong>, Toulouse, Éres .<br />

- Mous-Toutain, M . F . (parution prochaine) . « Être grand-mère <strong>en</strong><br />

PMI ou 30 ans sur le même secteur . De l’<strong>en</strong>thousiasme à l’usure » .<br />

in M . Lamour, M . Gabel, Enfance <strong>en</strong> danger, <strong>professionnels</strong> <strong>en</strong><br />

<strong>souffrance</strong>, Toulouse, Éres .<br />

- Mérigot D ., Familles <strong>en</strong> structure d’accueil ; Approche systémique<br />

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- Vidit J-P ., « Un modèle d’aide aux <strong>professionnels</strong> confrontés aux<br />

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- Visier J .-P ., « Une expéri<strong>en</strong>ce de supervision : l’appui par<strong>en</strong>tal »,<br />

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Fleurus, coll . « Psychopédagogie », p . 391- 401, 2005 .<br />

- Visier J . P ., Bécamel F ., Maury M . (parution prochaine) . « Des<br />

émotions des <strong>par<strong>en</strong>ts</strong> à celles des <strong>professionnels</strong> » . in M . Lamour,<br />

M . Gabel, Enfance <strong>en</strong> danger, <strong>professionnels</strong> <strong>en</strong> <strong>souffrance</strong>,<br />

Toulouse, Éres .<br />

Films pédagogiques :<br />

- Lebovici, S ., Lamour, M ., Barraco, M ., Gabel, M ., 1993 : « Li<strong>en</strong>s<br />

d’amour, Li<strong>en</strong>s de haine 1 et 2 » . Disponible au départem<strong>en</strong>t de<br />

psychopathologie clinique de l’<strong>en</strong>fant et de la famille de l’université<br />

Paris 13, 74 rue Marcel Cachin, 93017 Bobigny Cedex .<br />

- Bétrémieux B ., Dumont V . « Ecoutons ce que nous n’avons pas<br />

<strong>en</strong>vie d’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre » ; DVD interactif support d’une formation faite<br />

par l’association « je, tu, il » .<br />

– 56 – – 57 –


Temps d’Arrêt – Déjà parus<br />

• L’aide aux <strong>en</strong>fants<br />

victimes de maltraitance –<br />

Guide à l’usage des interv<strong>en</strong>ants<br />

auprès des <strong>en</strong>fants et adolesc<strong>en</strong>ts.<br />

Collectif.<br />

• Avatars et désarrois de l’<strong>en</strong>fant-roi.<br />

Laur<strong>en</strong>ce Gavarini, Jean-Pierre Lebrun<br />

et Françoise Petitot.<br />

• Confid<strong>en</strong>tialité et secret professionnel :<br />

<strong>en</strong>jeux pour une société démocratique.<br />

Edwige Barthélemi, Claire Meersseman<br />

et Jean-François Servais.<br />

• Prév<strong>en</strong>ir les troubles de la relation<br />

autour de la naissance.<br />

Reine Vander Lind<strong>en</strong> et Luc Rœgiers.<br />

• Procès Dutroux ; P<strong>en</strong>ser l’émotion.<br />

Vinc<strong>en</strong>t Magos (dir).<br />

• Handicap et maltraitance.<br />

Nadine Clerebaut, Véronique Poncelet<br />

et Violaine Van Cutsem.<br />

• Malaise dans la protection de<br />

l’<strong>en</strong>fance : La viol<strong>en</strong>ce des<br />

interv<strong>en</strong>ants.<br />

Catherine Marneffe.<br />

• Maltraitance et cultures.<br />

Ali Aouattah, Georges Devereux,<br />

Christian Dubois, Kouakou Kouassi,<br />

Patrick Lurquin, Vinc<strong>en</strong>t Magos,<br />

Marie-Rose Moro.<br />

• Le délinquant sexuel –<br />

<strong>en</strong>jeux cliniques et sociétaux.<br />

Francis Mart<strong>en</strong>s, André Ciavaldini,<br />

Roland Coutanceau, Loïc Wacqant.<br />

• Ces désirs qui nous font honte. Désirer,<br />

souhaiter, agir : le risque de la<br />

confusion. Serge Tisseron.<br />

• Engagem<strong>en</strong>t, décision et acte dans le<br />

travail avec les familles.<br />

Yves Cartuyvels, Françoise Collin,<br />

Jean-Pierre Lebrun, Jean De Munck,<br />

Jean-Paul Mugnier, Marie-Jean Sauret.<br />

• Le professionnel, les <strong>par<strong>en</strong>ts</strong> et<br />

l’<strong>en</strong>fant face au remue-ménage de la<br />

séparation conjugale.<br />

G<strong>en</strong>eviève Monnoye avec la participation<br />

de Bénédicte G<strong>en</strong>nart, Philippe Kinoo,<br />

Patricia Laloire, Françoise Mulkay,<br />

Gaëlle R<strong>en</strong>ault.<br />

• L’<strong>en</strong>fant face aux médias. Quelle<br />

responsabilité sociale et familiale ?<br />

Dominique Ottavi, Dany-Robert Dufour.<br />

• Voyage à travers la honte.<br />

Serge Tisseron.<br />

• L’av<strong>en</strong>ir de la haine.<br />

Jean-Pierre Lebrun.<br />

• Des dinosaures au pays du Net.<br />

Pascale Gustin.*<br />

• L’<strong>en</strong>fant hyperactif, son développem<strong>en</strong>t<br />

et la prédiction de la délinquance :<br />

qu’<strong>en</strong> p<strong>en</strong>ser aujourd’hui ?<br />

Pierre Delion.<br />

• Choux, cigognes, « zizi sexuel »,<br />

sexe des anges…<br />

Parler sexe avec les <strong>en</strong>fants ?<br />

Martine Gayda, Monique Meyfrœt,<br />

Reine Vander Lind<strong>en</strong>, Francis Mart<strong>en</strong>s –<br />

avant-propos de Catherine Marneffe.<br />

• Le traumatisme psychique.<br />

François Lebigot.<br />

• Pour une éthique clinique dans le cadre<br />

judiciaire.<br />

Danièle Epstein.<br />

• À l’écoute des fantômes.<br />

Claude Nachin.<br />

• La protection de l’<strong>en</strong>fance.<br />

Maurice Berger, Emmanuelle Bonneville.<br />

• Les viol<strong>en</strong>ces des adolesc<strong>en</strong>ts sont<br />

les symptômes de la logique<br />

du monde actuel.<br />

Jean-Marie Forget.<br />

• Le déni de grossesse.<br />

Sophie Marinopoulos.<br />

• La fonction par<strong>en</strong>tale.<br />

Pierre Delion.<br />

• L’impossible <strong>en</strong>trée dans la vie.<br />

Marcel Gauchet.<br />

• L’<strong>en</strong>fant n’est pas une « personne ».<br />

Jean-Claude Qu<strong>en</strong>tel.<br />

• L’éducation est-elle possible<br />

sans le concours de la famille ?<br />

Marie-Claude Blais.<br />

• Les dangers de la télé pour les<br />

bébés.<br />

Serge Tisseron.<br />

• La clinique de l’<strong>en</strong>fant :<br />

un regard psychiatrique sur la<br />

condition <strong>en</strong>fantine actuelle.<br />

Michèle Brian.<br />

• Qu’est-ce qu’appr<strong>en</strong>dre ?<br />

Le rapport au savoir et la crise de la<br />

transmission.<br />

Dominique Ottavi.<br />

• Points de repère pour prév<strong>en</strong>ir la<br />

maltraitance.<br />

Collectif.<br />

• Traiter les agresseurs sexuels ?<br />

Amal Hachet.<br />

• Adolesc<strong>en</strong>ce et insécurité.<br />

Didier Robin.<br />

• Le deuil périnatal.<br />

Marie-José Soubieux.<br />

• Loyautés et familles.<br />

L. Couloubaritsis,<br />

E. de Becker, C. Ducommun-Nagy,<br />

N. Stryckman.<br />

• Paradoxes et dép<strong>en</strong>dance<br />

à l’adolesc<strong>en</strong>ce.<br />

Philippe Jeammet.<br />

• L’<strong>en</strong>fant et la séparation par<strong>en</strong>tale.<br />

Diane Drory.<br />

• L’expéri<strong>en</strong>ce quotidi<strong>en</strong>ne de l’<strong>en</strong>fant.<br />

Dominique Ottavi.<br />

• Adolesc<strong>en</strong>ce et risques.<br />

Pascal Hachet.<br />

• La <strong>souffrance</strong> des marâtres.<br />

Susann He<strong>en</strong><strong>en</strong>-Wolff.<br />

• Grandir <strong>en</strong> situation transculturelle<br />

Marie-Rose Moro.<br />

• Qu’est ce que la distinction de sexe ?<br />

Irène Théry<br />

• L’observation du bébé.<br />

Annette Watillon.<br />

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