Bibliographie illustrée - Carouge
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fond d’une chic boutique de vêtements en vieille<br />
ville. Les objets, peu nombreux, sont de qualité,<br />
mis en scène, ils évoquent et insinuent plus qu’ils<br />
ne montrent ou détaillent. Ça ne suffira pas.<br />
Deuxième arrêt, aux Pâquis, dans le premier<br />
sexshop venu.<br />
On est entouré de la couleur chair qui sature<br />
les pochettes de dvd. Un jeune et charmant<br />
vendeur nous explique, avec patience et sérieux,<br />
tous ces objets inconnus. La pompe à pénis,<br />
utilisée par les strip-teaseurs pour « gagner un<br />
ou deux centimètres ». Le scotch de bondage.<br />
Les poupées gonflables : prix d’entrée à 150<br />
francs, « mais cela peut aller jusqu’à 6000 francs.<br />
Elles sont alors en silicone, avec le poids d’une<br />
femme et une vraie personnalité ». Il faudra<br />
qu’on reparle du concept de personnalité. Les<br />
plugs anaux, destinés à élargir l’anus « pour le<br />
fist fucking et le foot fucking ». Ah bon. Les pénis<br />
grandeur nature moulés sur des pornstars. Oui,<br />
c’est en effet très dans le détail. Et la porte au<br />
fond, celle qui est interdite aux « dames » et<br />
qu’un nouveau client vient franchir toutes les<br />
cinq minutes ? « C’est un labyrinthe, avec vidéos<br />
et dark room », répond-on à ma curiosité. Tilt ! :<br />
c’est un sexshop gay. J’y suis depuis une demie<br />
heure.<br />
Prochain arrêt, le plus grand sexshop du<br />
quartier, « avec les plus petits prix de la ville ».<br />
Je commence à m’acclimater, j’y pénètre déjà<br />
6<br />
presque comme une habituée. Des dvd par<br />
milliers, et des vitrines. Au fond, un vieil homme<br />
houspille le vendeur car son film a défailli « au<br />
moment le plus intéressant ». Je fais mon<br />
choix, pour partager avec le public mais sans<br />
le commotionner ni l’effaroucher : du joli et du<br />
lisse qui sous-entendra le reste. Le public n’a pas<br />
fait la tournée des sexshops – a priori – on va<br />
donc rester dans le mignon et le coquin. Presque<br />
blasée, je prend le kit pour couple, la petite<br />
cravache « qui fouette très bien vous verrez »<br />
et un vibromasseur couleur or. Je retourne à<br />
la réalité, un énorme sac dans chaque main, en<br />
sortant bravement du magasin sous le regard<br />
presque perplexe d’un groupe d’hommes.<br />
Mais je n’ai rien vu encore. Car si je pensais<br />
avoir fait mes armes sur le terrain, la rencontre<br />
avec le sexe virtuel – débarrassé de toutes<br />
inhibitions – allait me remettre à ma place.<br />
Pour l’élaboration d’un panneau, il me faut en<br />
savoir plus sur ce qui se trame sur Internet.<br />
Je me jette donc dans la Toile, ici gluante et<br />
glauque. Tapez « sexe » dans le plus grand<br />
moteur de recherche – 47 900 000 entrées – et<br />
dégustez. La permanente que j’avais réussi<br />
à sauvegarder au cours de mes visites aux<br />
sexshops est défrisée : c’est le zoom, le gros<br />
plan, le corps-objet au service des positions<br />
et des actes les plus lubriques, impudiques et<br />
obscènes. La suggestion et l’imagination sont<br />
restées sur la pas de la porte, ici tout est dit.<br />
Je m’accroche.