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LUXURE & VOLUPTÉ - Carouge

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<strong>LUXURE</strong><br />

& <strong>VOLUPTÉ</strong><br />

Atelier d’écriture érotique<br />

Laboratoire de mots coquins et<br />

et gourmands, organisé à la<br />

Bibliothèque de <strong>Carouge</strong><br />

de janvier à mars 2009 en prélude<br />

au 45 e Printemps carougeois<br />

sur le thème des 7 péchés capitaux<br />

Animation :<br />

Anne-Catherine Pozza – Orchydia<br />

Bibliothèque municipale de <strong>Carouge</strong><br />

Boulevard des Promenades 2 bis<br />

Tél. 022 307 84 00<br />

Site Internet : www.bibliotheque-carouge.ch<br />

Courriel : bibliotheque@carouge.ch


Orchydia élève l’excellence grâce à une communication<br />

authentique et efficace, dans les domaines professionnel,<br />

personnel et amoureux (www.orchydia.ch)<br />

Images :<br />

Couverture : Hugues Gillet, La plume d’Éros (huile sur toile,<br />

46x 36 cm, détail) sur www.myspace.com/huguesgillet<br />

Pages 5, 11 et 25 : illustrations de Béjà, tirée de Le royaume<br />

de l’invisible, texte de Nataël (E. Proust, 2006)


<strong>LUXURE</strong><br />

& <strong>VOLUPTÉ</strong><br />

Trempez vos doigts badins<br />

dans l’encre de vos désirs<br />

Par Anne-Catherine Pozza<br />

animatrice de l’atelier d’écriture Luxure & Volupté<br />

Non, décidément l’écriture érotique (ÉO)<br />

ne s’appréhende pas comme un concept<br />

intellectuel. Elle fuira les critiques littéraires,<br />

s’évadera dès lors qu’un intello – aussi<br />

avant-gardiste soit-il – tente de la saisir, parce<br />

que cette écriture-là, Mesdames, Messieurs,<br />

est aussi insaisissable que l’amour. L’ÉO aime<br />

musarder les pieds dans la rivière, sauter dans<br />

les flaques, s’émoustiller d’un petit rien,<br />

le frôlement d’un genou sous le zinc, l’effluve<br />

d’une caresse inattendue, un mot chuchoté,<br />

le murmure du désir.<br />

Caractéristique primordiale de l’ÉO :<br />

la liberté. Mais aussi, la lenteur, la fureur,<br />

le raffinement ou la fange, une écriture qui<br />

jaillit des tripes ou du cœur et qui éveille<br />

le désir. L’ÉO sait ouvrir les portes de<br />

l’imaginaire, se goinfre des corps, s’abreuve<br />

de cyprine, salive d’attente ou sue d’un rodéo<br />

classé X. La gamme de l’ÉO joue sur l’éventail<br />

de la sensualité, du raffinement, de la<br />

transgression, voile et dévoile, s’amuse et<br />

sait narguer les cul-coincés.<br />

L’ÉO dérange et démange. Inclassable, elle<br />

ne se laisse pas enfermer dans un genre. Mais<br />

est-ce seulement de la littérature, se demandent<br />

les littérateurs. L’ÉO rit sous cape quand on la<br />

confond avec l’écriture pornographique. Que<br />

nenni.<br />

Si vous voulez l’approcher un peu, allez<br />

flirter avec son archétype étymologique : Éros.<br />

Et si vous osez tremper vos doigts badins<br />

dans l’encre de vos désirs, sublimer ceux-ci en<br />

acte créateur, vous aurez entrevu un peu de<br />

sa lumière.<br />

L’aventure sacrée<br />

d’un atelier d’écriture érotique<br />

Nous avons ri aux larmes, serré nos<br />

mâchoires pour ne pas déranger la personne<br />

qui lisait son texte jusqu’à ce qu’elle s’esclaffe<br />

à son tour. Joué avec les mots, les métaphores,<br />

transgressé les tabous et l’hypocrisie<br />

des codes normatifs avec élégance et<br />

diplomatie. Retrouvé la légèreté et poétisé<br />

le vulgaire.<br />

3


Nous avons appris à ne pas juger, à ne pas<br />

NOUS juger et par cette ouverture d’esprit,<br />

gagné en justesse et en profondeur.<br />

Dire les choses avec force et simplicité.<br />

Aller à l’essentiel, désencombrer notre esprit<br />

des scories verbales. Épurer l’écriture au<br />

scalpel pour gagner en concision. Dire les<br />

sentiments sans fard. Avouer le plaisir que<br />

nous procure l’amour et le partager avec<br />

l’Autre. Oser flâner sur les méandres de nos<br />

fantasmes.<br />

Et quand nous avons élimé nos faussetés,<br />

il ne reste plus qu’à partager la Vie, quand elle<br />

rejoint soin point d’origine, la mort. Nous avons<br />

eu la chance d’entendre une lectrice nous livrer<br />

un texte où dansent Éros et Thanatos. Et nous<br />

avons pleuré. Toutes.<br />

Bien sûr, nous avons appris à rendre un<br />

personnage vivant, scénariser un décor,<br />

structurer un texte, construire une histoire<br />

qui tienne la route, l’intrigue, le fil conducteur,<br />

le rythme haletant ou lascif cher à l’écriture<br />

érotique.<br />

Ce qui restera de ces dix rencontres<br />

de trois heures, hormis de très beaux textes,<br />

c’est l’aventure humaine. L’épanouissement,<br />

l’enrichissement, la confiance, le plaisir,<br />

l’émergence des talents, l’estime de soi, le<br />

respect, la spontanéité, le rapport au corps,<br />

à sa sensualité, l’amusement, la curiosité,<br />

sortir de sa zone de confiance, oser ensemble.<br />

4<br />

Parce qu’en nous ouvrant à l’intime, nous<br />

avons touché au sacré.<br />

Vous avez dit luxure ? Un soupçon, je vous prie<br />

Rendre ses lettres de noblesse à la luxure.<br />

Voici le défi que nous nous sommes donné<br />

d’expérimenter grâce à cet atelier d’écriture.<br />

Oui, une gageure, car le mot même de<br />

luxure a évolué au fil du temps. Alors qu’en 1190,<br />

on l’attribue à luxus qui évoque générosité,<br />

exubérance, fougue, ardeur, faste, somptuosité.<br />

L’acception a ensuite pris la couleur des soutanes<br />

pour s’imprimer dans nos consciences comme<br />

étant un abandon déréglé, vile opulence,<br />

mollesse, recherche de plaisir et de luxe. Mais<br />

encore : lubricité, lascivité, souillure, débauche,<br />

vice, orgie, dévergondage obscène. Péché capital !<br />

Nous avons trié le bon grain de l’ivraie pour<br />

en extraire la quintessence. Cette joyeuse<br />

alchimie, nous l’avons entreprise en purgeant les<br />

vannes de nos peurs, pulvérisé avec bienveillance<br />

nos limitations sclérosantes, puis au pinceau,<br />

tels des archéologues, avons mis en lumière nos<br />

croyances. Sont-elles encore bonnes et utiles<br />

pour nous ? Osons enfin dégrafer nos corsets de<br />

bois, de bric et de broc. Nous mettre à nu, tomber<br />

les masques. Oui, nous avons exploré les champs<br />

sémantiques sous la ceinture. Et cet exercice<br />

périlleux nous a donné à voir qu’un zizi, c’est pas<br />

si méchant que ça !


Georges Perros<br />

L’érotisme, c’est de donner au corps les<br />

prestiges de l’esprit.<br />

Ariane Angeloglou<br />

L’érotisme est au sexe ce que les confidences<br />

sont à l’amour.<br />

Jean-François Somain<br />

L’érotisme réside dans la possibilité d’un geste. Il<br />

appartient au domaine du rêve.<br />

Anaïs Nin<br />

L’érotisme est l’une des bases de la connaissance<br />

de soi, aussi indispensable que la poésie.<br />

5


<strong>LUXURE</strong><br />

& <strong>VOLUPTÉ</strong><br />

Première partie<br />

Les textes présentés ici ont été<br />

rédigés dans le cadre de l’atelier<br />

d’écriture et lus lors de la soirée<br />

du 8 mai 2009 aux Halles de la<br />

Fonderie, Soie noire et satin rose<br />

Marie Ruiz de Pascual<br />

Rêve de luxure<br />

Si j’étais la luxure...<br />

je serais ces flammes qui étreignent ton corps<br />

pour le faire fondre,<br />

cette lave incandescente qui jaillit et t’emporte<br />

dans son tumulte.<br />

Ce bijou somptueux que l’on porte nu,<br />

ce souffle qui devient tempête,<br />

ce vin capiteux qui révèle dans ta bouche<br />

l’existence de mes saveurs.<br />

Le jus de ce fruit mûr qui communie avec tes<br />

lèvres.<br />

Le goût de la première fois sans cesse<br />

renouvelé,<br />

la bouche provocante et pleine de promesses.<br />

Ce décolleté qu’on laisse ouvert avec<br />

préméditation,<br />

7


l’amour chiffonné offert à l’adultère, un parfum<br />

qui s’inscrit, sur ton corps dans ta chair.<br />

Je serais irremplaçable, inassouvie, l’ombre qui<br />

te suit, je serais les portes de ton imaginaire et<br />

le miroir de ton plaisir, et jamais dans ton regard<br />

y verrais mon absence.<br />

Je serais le palais des sens où tu viendrais te<br />

perdre et fondre dans mes mouvances.<br />

Je te transformerais en amant déchaîné et tu<br />

deviendrais...<br />

Celui qui peut être fort et tendre, tu serais ce<br />

sable brûlant qui excite et réchauffe.<br />

Tu serais l’imagination fructueuse, la cascade<br />

impétueuse,<br />

l’arc bandé perdant sa flèche dans mon volcan<br />

de vie.<br />

Ce galion échoué sur ma peau, dressant ton mât<br />

pour te noyer dans mon ventre.<br />

Tu serais mon maître et mon mentor et l’esclave<br />

de tous mes désirs,<br />

tu saurais transformer mes silences en<br />

jouissance, et du zénith ne jamais me faire<br />

revenir.<br />

Tu habiterais l’infini, où rien n’est inscrit, aucun<br />

mot connu d’avance,<br />

tu abolirais les lois de mes croyances et<br />

réinventerais la passion.<br />

Et ensemble nous deviendrions...<br />

Nous serions ivres, fous et ambitieux de<br />

découverte,<br />

8<br />

nous serions ces mains multipliées.<br />

Joueurs effrontés et immoraux, buvant<br />

d’une même bouche, naissant d’une même<br />

quintessence.<br />

Nous serions l’arbre d’une seule vie, et<br />

pénétrerions de nos racines emmêlées les<br />

mêmes fantasmes.<br />

Nous voguerions ensemble vers d’autres terres<br />

inexplorées,<br />

où seule la houle du plaisir a le droit d’exister.<br />

Nous serions la main qui dessine, qui devine,<br />

nous révélant au son des mêmes mélodies,<br />

naissant de la même fusion,<br />

dévalant les pentes du rire, et nous jetant dans<br />

les abîmes de notre paradis.<br />

Nous serions le ciel qui s’embrase à l’approche<br />

de nos ailes enlacées<br />

Et par notre chaleur dégagée narguerions le<br />

soleil.<br />

Notre joute amoureuse le fera s’éteindre et nous<br />

supplier de venir l’étreindre<br />

Car en maîtres<br />

Règnerons sur tout ce qui est… luxure !


Saphir Satine<br />

Marquis de Jade<br />

Minuit, gare de Manille. Le train s’arrête un<br />

court instant pour le ravitaillement. Tout semble<br />

dormir, et pourtant, quelques cris attestent<br />

d’une activité nonchalante comme suspendue<br />

dans le temps.<br />

Comme j’aimerais infléchir le cours des<br />

évènements, faire presser tous ces gens qui<br />

me paraissent trop indolents. Du nerf, de<br />

l’action. Remplissez eau et charbon. Que la<br />

vapeur fuse, que les roues se mettent en<br />

action, que la lourde locomotive entraîne ses<br />

wagons.<br />

Insomniaque en cette nuit de pleine lune,<br />

mon regard scrute un plafond déprimant criblé<br />

de mouches et de moustiques, dans un ballet<br />

incessant. Seul dans mon compartiment, je ne<br />

m’évade pas, ne rêve pas. Je refuse de penser à<br />

toi, belle donzelle, tendre Cruelle.<br />

« Si tu pars ne m’appelle pas. Ceux que je ne<br />

vois je ne les aime pas. Mon cœur se refusera à<br />

toi. Je t’en prie, ne m’abandonne pas».<br />

Tels furent tes derniers mots, accrochée à<br />

mon bras, pleurant des larmes de crocodile, les<br />

yeux suppliants, la voix fébrile. Mais je suis cruel<br />

plus que toi, tes paroles ne me touchent pas.<br />

Celle qui m’attachera n’est pas. Nul désir ne me<br />

gouvernera.<br />

Cette nuit, loin de toi, je contrôle mes<br />

pensées. Seul dans mon compartiment, j’ai faim.<br />

Je mangerais bien deux œufs frais sur le plat.<br />

Ironie, cynisme, je t’éloigne de moi. Je ne<br />

laisse pas mon corps se languir de toi. Je veux<br />

t’oublier, me vautrer dans la luxure, baiser<br />

toutes les femmes qui s’offriront. Dans leurs bras<br />

te noyer, dans leur corps te trahir. M’amuser<br />

sans fléchir.<br />

9<br />

Ne pas t’aimer, ne pas t’aimer.<br />

Moi, Werner, Marquis de Jade, repousse<br />

avec violence ton amour destructeur, tes gestes<br />

vengeurs, ta splendide insolence et ta libido<br />

d’étudiante.<br />

Ton parfum me rebute. Ta peau m’est hostile.<br />

Ton regard m’insupporte et ta voix m’horripile.<br />

Je ne pense pas à toi, je ne te serre pas<br />

contre moi. Ton souffle ne m’effleure pas.


Je n’ai pas soif de tes baisers, je n’aspire pas<br />

à te caresser.<br />

Tes tendresses ne me manquent pas, ta<br />

chaleur me congèle.<br />

Ton odeur ne me manque pas, c’est d’air frais<br />

que j’étouffe.<br />

Ton amour ne me manque pas, c’est la liberté<br />

qui me bouffe.<br />

Je n’ai pas mal de toi, je jouis d’être seul.<br />

Mes secondes, mes minutes, mes heures<br />

m’appartiennent. Je ne te donne rien. Je ne te<br />

veux pas.<br />

Seul dans ce train loin de toi, je revis d’être<br />

moi.<br />

Voilà, plus de partage, plus de naufrage.<br />

Ta langue contournant la mienne, ta salive<br />

coulant à mes lèvres. Ton corps accroché au<br />

mien, mon corps pénétré dans tes reins, dans<br />

un lent mouvement de va et de vient. Me<br />

berce, m’échauffe. Frottements de nos sexes,<br />

frottements de nos ex.<br />

Ex-amour, ex-femme de ma vie. Ex-toujours,<br />

ex-lumière de mes jours.<br />

Je sens monter une houle de plaisir, balancé<br />

par la vague, exacerbé par le désir, ça y est je<br />

vais jouir.<br />

Excité par l’envie ou ex-cité à comparaître<br />

devant les juges pour mon crime, de t’avoir aimé<br />

comme un hymne. Coupable d’être pauvre et toi<br />

riche. Coupable d’être serf et toi biche.<br />

10<br />

Ils nous ont séparés, ils nous ont amputés.<br />

Ce que j’ai pris pour un rêve n’est que le<br />

mouvement lent de la locomotive , dure réalité,<br />

cruelle et passive.<br />

Chaque tour de roue m’éloigne de toi,<br />

chaque propulsion de vapeur t’arrache à moi.<br />

La foule gronde et s’agite, le train crisse et<br />

s’ébranle.<br />

Je me cogne et me blesse, échoué sur ma<br />

couchette, je ne suis plus que détresse.<br />

Près de toi l’on ma honni, loin de moi je te<br />

détruis.<br />

Quitte mes pensées douce chérie, laisse-moi,<br />

je t’en prie.<br />

Ton visage à mes yeux le plus beau, mon<br />

miroir, reflète à jamais mes tourments secrets.<br />

Adieu mon amour, adieu douce flamme. Je<br />

me consume à ton âme.<br />

Déjà je ne suis plus, loin de toi pour toujours<br />

perdu.<br />

D’un ami à sa dame.<br />

D’un marquis à sa femme.<br />

D’un serviteur à sa marquise.<br />

D’un trahi à sa promise.<br />

Werner


Virginia Traber<br />

Au-delà de toi<br />

Elle est là, la vieille, la mémé, la râleuse.<br />

Assise dans sa chaise à bascule, dans la<br />

véranda. C’est une vieille chaise en cerisier, les<br />

accoudoirs sont usés, ils se souviennent des<br />

nombreuses heures passées à rêver, admirer<br />

le paysage.<br />

Avant, son paysage c’était lui. Son Hidalgo.<br />

Peau basanée au goût de sueur, de tendresse.<br />

Véritable force de la nature. Muscles<br />

saillants, fesses fermes, cuisses toutes en<br />

longueur.<br />

Des jambes d’athlète, des mains de seigneur,<br />

des épaules et un torse de boxeur.<br />

Aujourd’hui encore, elle se sent femme, sa<br />

femme, son soleil, sa lumière.<br />

Il lui avait offert tous les noms d’amour de la<br />

terre.<br />

Elle ne peut oublier son sexe érigé, ferme et<br />

tendu vers elle. Prêt à la remplir de son amour,<br />

sa semence, son moi, leur moi.<br />

Même si, sans progéniture elle était restée,<br />

son ventre infertile, cette terre aride et sèche<br />

jamais ne fut délaissée de lui, jamais insultée,<br />

toujours aimée de ses forces vives.<br />

Lorsqu’il l’aimait, il lui faisait l’amour, car en<br />

ce temps là, c’est l’amour que l’on faisait.<br />

Maintenant on dit baiser, se la faire, la<br />

mettre, forniquer, niquer…<br />

Moi, il me faisait l’amour. Il me pénétrait<br />

doucement, me caressant tendrement, me<br />

cherchait délicatement, délicieusement,<br />

amoureusement, infiniment.<br />

De mots d’amour il me repaissait, me<br />

nourrissait, m’inondait.<br />

Mon envie, il la connaissait et nous nous<br />

étions si souvent adonnés, abandonnés à<br />

nos sens que, souvent, nous ne savions plus<br />

distinguer nos plaisirs. Il était moi, j’étais lui.<br />

Et, elle est arrivée, cette salope, avec ses<br />

airs de ne pas y toucher, subrepticement,<br />

insidieusement elle avait pris possession de son<br />

âme, de son corps. Tentant de nous séparer.<br />

11


J’aurais voulu la détruire, lui arracher mon<br />

homme, la blâmer de mon insécurité, ma<br />

maladresse, ma haine, ma colère, ma malchance.<br />

Cette pétasse, radasse, conasse. Tous ces<br />

mots qui m’obsèdent et m’éloignent de toi.<br />

Elle est repartie, la queue entre les jambes et<br />

j’ai cru à ma délivrance, cette épée de Damoclès.<br />

Nous avons repris le cours de nos jeux, de<br />

nos je, de nos nous. Je t’ai fais, mon Hidalgo,<br />

l’amour avec désespoir, déraison et passion.<br />

Ravagée que j’étais de ce manque de toi. De<br />

l’emprise que cette haine avait sur moi.<br />

Nous nous sommes donnés, repris, relâchés<br />

déchaînés d’amour et d’espoir. Nos retrouvailles<br />

furent telles, que tous les amants du monde<br />

nous enviaient. Nos mains, nos jambes, nos<br />

corps mélangés, odeurs de l’amour, goût de<br />

l’amour, bruits de l’amour, musique de l’amour.<br />

Mais, notre vigilance n’était pas assez<br />

présente. Elle est revenue, elle t’a définitivement<br />

emporté cette chienne de maladie.<br />

Tu es mort dans mes bras, dans nos draps.<br />

Je t’ai laissé partir par amour. Il me reste<br />

notre passion.<br />

Je suis une vieille femme aigrie mais encore<br />

remplie de nos amours, nos passions, notre<br />

12<br />

connivence. Je sais que bientôt nous serons<br />

réunis et mon cœur de réjouissance se remplit.<br />

La chaise à bascule ralentit son rythme, le<br />

verre tombe de sa main, elle est libre, libre de le<br />

retrouver, son tout.<br />

Une petite pluie fine se met à tomber.


<strong>LUXURE</strong><br />

& <strong>VOLUPTÉ</strong><br />

Deuxième partie<br />

Les textes présentés ici ont été<br />

rédigés dans le cadre de l’atelier<br />

d’écriture et représentent une<br />

petite partie de l’ensemble des<br />

réalisations des participants<br />

Fabienne<br />

Si j’étais la luxure<br />

Si j’étais la luxure<br />

je serais peut-être, à tes yeux, reprochable,<br />

une icône du mal.<br />

Un mal insidieux incarné par l’image d’une<br />

femme aux regards de velours et aux paroles<br />

suaves.<br />

L’outrecuidance de mes formes, de mes seins<br />

plantureux et de mon décolleté indécent<br />

te capteraient.<br />

Mes fesses callipyges t’inviteraient à outrager<br />

mon petit orifice. Une femme généreuse<br />

en caresses et en gâteries fellacieuses,<br />

qui déferlerait impudiquement des cris au<br />

pic de la jouissance et qui serait inondée de<br />

sécrétions.<br />

Une catin guidée par la lubricité de Lucifer,<br />

13


prête à tout pour satisfaire ses pulsions.<br />

Animal, attirante et repoussante.<br />

La luxure de tes rêves inavoués.<br />

Si tu étais la luxure,<br />

tu m’emmènerais à la découverte de nos jeux à<br />

inventer sur le terrain de nos plaisirs sensuels.<br />

Tu serais tout à la fois, mon prince et son<br />

château,<br />

mon amant et son hôtel,<br />

mon marquis et son donjon,<br />

mon esclave et ses chaînes.<br />

Je me sentirais tout à la fois princesse,<br />

maîtresse, prostituée.<br />

Adulée et crainte, soumise et apeurée.<br />

Si nous étions la luxure,<br />

nous serions notre propre luxure.<br />

Une déclinaison sans limite de nos envies,<br />

notre écrin de jouissance,<br />

notre nuancier de caresses.<br />

Le toucher ardent d’une main,<br />

le frôlement d’une lèvre,<br />

la délicate morsure des dents,<br />

de mots déchaînés chuchotés à l’oreille<br />

qui deviendraient sans prévenir le lieu de notre<br />

volupté transgressante et enchanteresse.<br />

Je veux être ta luxure.<br />

14<br />

Elle M.<br />

Fusion d’ailleurs<br />

Si j’étais la luxure,<br />

je ne serais qu’un verre vide, rempli d’odeurs<br />

âcres, de sueurs malodorantes, semblables à une<br />

chambre close après un acte bâclé.<br />

Sur un air de « je dois retourner au travail » sans<br />

caresse, ni étreinte d’au revoir.<br />

Si j’étais la luxure,<br />

Je ne serais que l’ombre de moi-même.<br />

Multipliant les aventures sans lendemain, au gré<br />

des liaisons, tromperies et autres insuffisance.<br />

Douce récolte de relations monogames<br />

essoufflées.<br />

Si tu étais la luxure,<br />

tes yeux me déshabilleraient salement avec des


« j’ai envie », sans union ni « je t’aime ».<br />

Sans autre apport que ton soulagement de<br />

l’avoir fait.<br />

Lourds d’habits froissés, de mains froides sur des<br />

corps échoués, de maladresses et mouvements<br />

arythmés.<br />

Si nous étions la luxure,<br />

nous serions des coquilles vides d’humanité.<br />

Avec plaisirs, désirs certes mais sans clarté !<br />

De respirations fortes et de nos corps plus<br />

qu’entremêlés, nous ressentirions la brûlure<br />

viscérale d’âmes asséchées.<br />

En quête de chaleur extérieure pour mieux<br />

posséder.<br />

Malheureux fragments d’une vie trop usée.<br />

Mais voilà, je suis Volupté tel un litchi prêt à être<br />

cueilli.<br />

Douceur, force et désir ne font qu’un pour aimer<br />

l’Autre.<br />

Masculin ou féminin, je saurais me calquer.<br />

De caresse, délicatesse et puissance, mon corps<br />

est prêt à être consumé.<br />

Envahissante sensualité vient me happer !<br />

Afin que d’un tourbillon de sensations mon<br />

corps soit capturé.<br />

Et toi qui es arbre aux parfums et odeurs<br />

sucrés-salés, viens donc fusionner !<br />

De nos deux corps prêts à frissonner d’une<br />

délicate intimité.<br />

Entre désirs passionnés et fougueux baisers,<br />

nous serons synonymes de…Volupté.<br />

Saphir Satine<br />

Luxure – Volupté<br />

Si j’étais la luxure je serais un péché, il faudrait<br />

me cacher, m’interdire, me nier.<br />

Je titillerais vos sens, Hommes et Femmes,<br />

je vous harcèlerais, vous persécuterais.<br />

Sans repos vous laisserais.<br />

Vous me haïriez, vous me rechercheriez,<br />

vous vous vautreriez en moi, pour moi,<br />

avec moi.<br />

Si tu étais la luxure tu m’effraierais, je<br />

t’appellerais Vulgaire, je voudrais t’échapper.<br />

Tu me narguerais, me forcerais, me mépriserais<br />

et je ne pourrais te quitter.<br />

Femme, tu me soumettrais. Épouse, tu<br />

m’humilierais. Compagne, tu m’attacherais.<br />

Vil plaisir tu serais.<br />

15


Si nous étions la luxure, nous irions dans les<br />

bordels, les bouges, les autels mal famés,<br />

sacrifiés du plaisir, condamnés à jouir.<br />

Nous chercherions à calmer nos sens enflammés<br />

dans un élan désespéré. Malheureux, mal<br />

comblés, nous errerions dans la fange et<br />

l’obscur.<br />

Le désir en avant et la jouissance en tombant.<br />

Mais je suis la volupté. De douceur, je veux<br />

t’entourer. De bonheur, t’envahir. Prendre soin<br />

de ton menhir.<br />

Je t’ouvrirai les portes de mon paradis, t’inviterai<br />

à me suivre.<br />

Sans souffle tu seras mais mon oxygène te<br />

régénèrera.<br />

De mille baisers et effleurements, de caresses et<br />

d’énervements, de oui, de non, de promesses en<br />

renoncements, je te conduirai là où tu oublieras<br />

ton nom. Là où tu crieras mon nom. Là où nos<br />

noms seront mêlés, emmêlés, partagés.<br />

Mais tu es la volupté et dans ta force tu veux me<br />

baigner, de séduction me parler, dans ton souffle<br />

me noyer.<br />

De ton glaive conquérant tu tires ta fierté, me<br />

regardes et me laisses me troubler, éperdue<br />

d’appétence je te plais.<br />

Tu joues, tu ris, tu caresses et pétris. Je ne me<br />

lasse pas de tes yeux sur mon corps, de ta<br />

bouche sur la mienne, de ton chevalier à ma<br />

porte.<br />

16<br />

Entre, mon cavalier, tu es doux, tu es fougueux,<br />

tu es sensuel et ta peau contre la mienne<br />

m’embarque sur le lac Amour. C’est ta voix qui<br />

m’excite, tes caresses qui m’existent.<br />

Mais nous sommes volupté. Ni laideur,<br />

ni jugements ne nous castrent.<br />

De nos accouplements naît la beauté, de nos<br />

corps à corps une sublime intimité.<br />

Je te veux, je te sens, tu me prends, me<br />

comprends.<br />

Plus de temps, plus de tourments rien de mieux<br />

que d’être amants.


Britta<br />

Luxure<br />

Si j’étais la luxure, je serais ta courtisane et tu ne<br />

pourrais me résister. Je t’appellerais à moi et tu<br />

te laisserais envelopper par le nuage exquis de<br />

mon parfum au jasmin, bercé par sa douceur et<br />

son appel ténébreux au goût d’un jardin prohibé.<br />

Je t’envoûterais comme un joueur de flûte,<br />

en mouvant voluptueusement mes courbes,<br />

légèrement habillées d’un voile de soie aux<br />

senteurs de désir.<br />

Doucement, j’alimenterais le feu en toi jusqu’à<br />

ce que tu me supplies,<br />

m’implores et me pries afin que je glisse ton sexe<br />

au cœur de mon calice.<br />

Le passé, le présent et le futur n’existeraient<br />

plus, perdus dans ce tourbillon de va-et-vient,<br />

entre fentes, fesses et seins.<br />

Je serais l’essence de ton désir et la mort dans<br />

l’âme au repos car je te laisserais insatisfait<br />

et tremblant dans l’attente sans fin d’une<br />

prochaine rencontre.<br />

Si tu étais luxure, mais où es-tu ? Je t’ai perdue<br />

au coin de la rue un jour de pluie, un jour de gris.<br />

Depuis, je te cherche inlassablement, ivre de<br />

désir au souvenir de ces nuits de fougue et<br />

d’interdits. Je me sens comme un piano en<br />

désaccord dont il suffit d’appuyer doucement<br />

sur une touche afin que la mélodie prenne corps<br />

dans ce corps sans vie.<br />

Mais ce soir, il ne me reste que le souvenir<br />

lointain mais présent de tes étreintes sur<br />

mon corps brûlant, comme des braises<br />

jamais éteintes, jamais rassasiée par ce désir<br />

d’inassouvi.<br />

Si nous étions luxure, l’interdit serait notre<br />

allié, le nectar de notre plaisir. Nous jouerions<br />

de plusieurs instruments, surfant sur des notes<br />

de pianissimo à crescendo sans soucis de la<br />

mélodie, réinventant sans cesse les duos et trios<br />

musicaux.<br />

Nous chercherions à découvrir et à créer de<br />

nouveaux plaisirs pour voir l’autre tressaillir sous<br />

la douce écriture de tes doigts et la pression<br />

veloutée de ma langue. Je glisserais mes lèvres<br />

en ouvrant le pétale de ce joli coquelicot afin<br />

que tu puisses le pénétrer et savourer avec moi<br />

ce moment de virtuose, suspendu entre deux<br />

mondes comme une douce promesse d’extase<br />

partagée.<br />

17


Marie-Reine Le Marchand<br />

Luxure et volupté<br />

Si j’étais la luxure, je t’inviterais dans ce monde<br />

de débauche, où mes dévergondages et mes<br />

immoralités raffinées, seraient exhortés.<br />

Mes tétons érigés seraient des pitons ardents,<br />

exhibés comme des verges frénétiques.<br />

Je lécherais tes mamelles dilatées.<br />

Les battements de mon cœur sonneraient en<br />

grande pompe, assourdissant les cloches des<br />

églises elles-mêmes, qui s’empresseraient de<br />

froufrouter furieusement la promotion du vice<br />

suprême.<br />

Si tu étais la luxure, l’envie te prendrait de jeter<br />

les yeux sur mes fesses, sur l’espace de ma raie<br />

profonde et accueillante. Tu banderais comme<br />

un épagneul et ton sexe vibrerait à l’approche<br />

18<br />

d’une femme émoustillée et provocante. Tu<br />

soupirerais de félicité en te faisant masser les<br />

boules, éjaculant tel un cerf en rut. Tu serais<br />

honoré pour ta flûte vigoureuse, plantée au<br />

centre de ta forêt noire soyeuse.<br />

Si nous étions la luxure, nous serions une masse<br />

de vicieux païens, tourmentés par Dante. Nous<br />

établirions des sectes de sexes, aux sourires<br />

salaces. Nous sentirions frémir nos lèvres<br />

usées, aussi pulpeuses qu’un groin de porc.<br />

Nous organiserions des fêtes orgiaques et<br />

scandaleuses, où la gourmandise de nos bouches<br />

s’empalerait sur nos sexes vibreurs et dépravés.<br />

Femelles et mâles nous nous avilirions, en nous<br />

imbibant dans la fange et, nous exaltant et nous<br />

exhortant à la fornication.<br />

Mais je suis la volupté, c’est comme un voile<br />

de lumière de jouissance, qui se frise et me<br />

fait frissonner, une résurrection anticipée à<br />

l’extase qui m’enveloppe, m’étreint, m’anime<br />

et m’enflamme. Je goûte comme à la fraîcheur<br />

d’une fontaine, mon élixir et le tien, au cœur de<br />

mon jardin d’Hélianthe. De mon front arrondi,<br />

jusqu’au pistil de ma fleur, les échos s’accordent<br />

aux émois de mon cœur.<br />

Mais tu es la volupté, ton souffle dans mes<br />

cheveux se promène sur le labyrinthe de mon<br />

corps, éveillé par ton amour. Tu bois avidement<br />

à ma source de vie, et mystérieusement, un<br />

bouquet d’étoiles suspendu à tes lèvres, se mire<br />

sur les miennes voluptueusement. Tu descends


vers ma vallée, y créant une cascade d’émotions,<br />

en un feu d’artifices.<br />

Mais nous sommes la volupté, nos lèvres se<br />

mêlent s’attachent à l’effervescence et la<br />

ferveur de notre flamme. Nous percevons le<br />

tendre murmure de nos mots voluptueux.<br />

L’éblouissement vaporeux et fiévreux et notre<br />

passion infinie s’évade par nos yeux. Nous<br />

recueillons nos faibles bruits de plaisir, comme<br />

des ailes qui se trémoussent et se déhanchent.<br />

Dès l’aube d’un nouveau jour, aux lueurs de la<br />

chaleur d’Hélianthe, nous nous retrouvons dans<br />

le berceau de nos premières caresses.<br />

Karine Nivon<br />

Si j’étais la luxure<br />

Si j’étais la luxure,<br />

Je serais bouche contre ta bouche,<br />

à te palper de la tête aux pieds.<br />

Si j’étais la luxure,<br />

De toutes tes saveurs,<br />

je ferais une carte aux trésors<br />

Je cheminerais sur la route de la Soie,<br />

ma langue voyagerait vers Toi.<br />

Je goûterais tes pleins et tes creux<br />

pour mieux te délier,<br />

Je lècherais ton Sel,<br />

Surlignerais ta croupe humide,<br />

Dévoilerais l’angle de tes yeux de feu.<br />

19


Si j’étais la luxure,<br />

Aux humeurs acides de ton aisselle,<br />

J’associerais une fraise des bois délicatement<br />

pressée entre mes doigts.<br />

Odeurs et saveurs mélangées,<br />

Mon nez trouverait refuge dans le creux de ton<br />

bras plié,<br />

Et mes doigts, rougis, sucrés, acidulés,<br />

Viendraient tâtonner ta langue essoufflée.<br />

Si j’étais la luxure,<br />

Tout entier je te savourerais, t’éveillerais,<br />

t’étourdirais.<br />

Je m’enivrerais de ta salive suave, de l’amertume<br />

de tes doigts de pied.<br />

Avec ma Rosée, je tatouerais ta peau de<br />

symboles déployés.<br />

Si j’étais la luxure,<br />

Sensuelle et rebelle, joueuse, inventeuse,<br />

pianoteuse,<br />

De tes éclats de rire je créerais une robe saphir.<br />

Je jouerais de mon duvet, ferais grandir ta plume<br />

Et m’amuserais de ton suc perlant sur ta cime.<br />

Si nous étions luxure,<br />

Nous glisserions entre vagues et rouleaux,<br />

ondulants, vaporeux, liquoreux.<br />

Flammes, flammèches et mèches de cheveux<br />

chatouilleraient les Cieux,<br />

Entre Tango et Flamenco.<br />

20<br />

Si nous étions luxure,<br />

Nous garderions nos ébats pour des nuits sans<br />

foi ni loi,<br />

Si nous étions luxure,<br />

Je serais Reine de Saba et toi, Maharajah.


Eve Reding<br />

Si j’étais la luxure<br />

Si j’étais Luxure, je t’entraînerais dans un<br />

mælström étourdissant, je te ferais perdre<br />

toute mesure, toute mémoire, toute trace de<br />

civilisation.<br />

Si j’étais Luxure, tu te retrouverais nu, dépouillé<br />

de toute volonté, de tout projet, baudruche<br />

dégonflée, flasque, mais comblé, heureux.<br />

Mais, je suis Volupté. Je m’étale lascivement et<br />

tu viens me humer, je me contente de sourdre<br />

du nectar que tu viens boire. Si j’étais Luxure,<br />

tu aurais tournoyé dans l’œil du cyclone, mais je<br />

suis Volupté. À toi d’agir, à moi de t’accueillir…<br />

Si tu étais Luxure, je m’éloignerais de toi,<br />

cherchant à conserver mon austère pureté, ma<br />

transparence, nullement entachée de glauque,<br />

mes arêtes vives parées de toute mollesse.<br />

Si tu étais Luxure, je préserverais mon entité,<br />

bien distincte de la tienne, non abâtardie, mais je<br />

serais seule.<br />

Mais, tu es Volupté. Je dois te forcer à ouvrir les<br />

yeux, je dois te saisir afin que tu durcisses, que ta<br />

sensualité ne te noie pas. Si seulement tu étais<br />

Luxure ! Mais, tu es Volupté, ton narghilé te suffit<br />

et j’ondule vainement autour de ton centre.<br />

Si nous étions Luxure, je ne pourrais plus goûter<br />

aux choses par mes propres papilles, nous<br />

serions indifférenciés, primitifs, premiers.<br />

Si nous étions Luxure, nos sens seraient mêlés<br />

dans un magma basique, d’où aucune chose<br />

n’est encore née, nous serions stériles mais<br />

jubilerions peut-être.<br />

Mais, nous sommes Volupté, perdus dans<br />

les brumes opiacées des orchidées et<br />

des anthuriums, des oiseaux du paradis<br />

communément appelés strelitzias.<br />

Si nous étions Luxure, nous aurions absorbé<br />

leurs fragrances par tous les pores, mais, nous<br />

sommes Volupté, et seuls les guerriers Vikings<br />

sauraient nous désenchanter à coups de hache !<br />

21


Ariane Schœnhærl<br />

Luxure<br />

Luxure<br />

Si j’étais la luxure, je t’entourerais de quatre<br />

murs de velours rouge. Je te forcerais à tremper<br />

tes lèvres dans la mousse suave de mon café<br />

et m’y abreuverais aussitôt. Je caresserais ton<br />

visage de mon vit brûlant et ta bouche tenterait<br />

de le saisir inlassablement. Au comble de ta<br />

frustration je glisserais l’objet de ta convoitise<br />

entre tes grappes pointées vers moi et entre<br />

les arcs de ta taille je le laisserais t’inonder.<br />

À quatre mains nous patinerions ton ventre,<br />

tes seins, et là je te couvrirais de mon corps.<br />

Et si tu étais la luxure, tu patinerais sous le poids<br />

de ma peau, de ma chaleur, de mon délice et<br />

22<br />

nous croquerions la luxure par nos chairs de<br />

devant.<br />

Dans un même temps tu te retournerais et je<br />

te saisirais de mes mains, de mon regard, de<br />

ma force et dans un seul élan nous serions la<br />

volupté. Tes yeux devineraient les miens avides<br />

de toi. Tu te cabrerais pour ne pas perdre une<br />

syllabe de mon plaisir balbutié, pour goûter à<br />

cette place qui est la mienne. Et ta tête alourdie<br />

tomberait soudain dans l’oreiller qui finit entre<br />

tes genoux ; jaloux, j’aimerais me substituer à lui<br />

et t’entraîner à être la volupté.<br />

Phallus et Cadenas<br />

Il était une fois dans une forêt au-delà<br />

des mers et des montagnes, une grotte, dans<br />

une clairière. Personne n’avait jamais habité<br />

cette grotte, sauf un énorme champignon<br />

appartenant à l’espèce des phallus. Il poussait là<br />

depuis au moins… 300 ans. Un jour, un cadenas<br />

tomba du ciel.<br />

Un cadenas fermé, à puce électronique.<br />

Lorsque monsieur Phallus vit cette petite chose,<br />

brillante comme une chaîne d’argent, clignoter<br />

comme un être alarmé, il se dit qu’il devait à<br />

tout prix l’attirer à lui. Lui, pauvre monsieur<br />

Phallus coincé à l’entrée de la grotte depuis la


nuit des temps. Pour charmer miss Cadenas,<br />

monsieur Phallus se gonfla, comme s’il avait<br />

été une trompette. Voyez comme je suis haut,<br />

dit-il, et quel beau chapeau je porte sur ma<br />

pointe. Miss Cadenas entendit pour la première<br />

fois sa belle voix rauque et éraillée. Elle sautilla<br />

pour se déplacer. Chaque cliquetis qu’elle émit<br />

émoustilla monsieur Phallus. Et puis… elle<br />

sentait bon le cambouis. Monsieur Phallus le<br />

lui fit remarquer. Les cliquetis se firent plus<br />

langoureux. Plus rapprochés aussi. Et tintèrent<br />

plus fort. Un saut, deux sauts, et l’odeur du<br />

cambouis embauma la grotte. Miss Cadenas<br />

s’enivra aussitôt d’une autre odeur : celle des<br />

particules de monsieur Phallus bien sûr.<br />

Elle toussota de bonheur. Éternua. Monsieur<br />

lui dit tout de go : « est ce votre façon de jouir ? »<br />

– Comment répliqua miss Cadenas ?<br />

– Éternuer, c’est votre façon de jouir ?<br />

– Qu’entendez-vous par jouir ?<br />

Venez contre moi proposa monsieur<br />

Phallus. Je vais vous chatouiller. En passant au<br />

tutoiement il ajouta : « quelle est ta zone la plus<br />

sensible, ma belle ? »<br />

– La plus sensible ?!! s’étonna miss Cadenas.<br />

– Eh bien je pense que c’est mon clignotant.<br />

Le vieux monsieur Phallus était encore<br />

bien vert, aussi n’eut il aucune peine à se<br />

pencher sur miss Cadenas, qu’il caressa de son<br />

doux chapeau. Il sut qu’il était juste quand le<br />

clignotant de miss Cadenas se transforma en<br />

phare.<br />

Tu es ravissante quand tu me reçois ainsi !<br />

Et il ajouta : « j’aime comme tu exprimes ton<br />

plaisir ! »<br />

23<br />

– Tu es plus belle qu’un coucher de soleil.<br />

Miss Cadenas n’avait jamais reçu un tel<br />

compliment, elle fit alors un bond de joie et<br />

monsieur Phallus se retrouva enchaîné de<br />

partout. Si tu bondis ainsi autour de moi…<br />

il n’eut pas le temps de terminer qu’une poudre<br />

dorée qui mûrissait sur ses flancs depuis près de<br />

trois siècles, s’éleva comme une brume et inonda<br />

leurs beaux contours. Et… sous la magie de<br />

l’émoi…ils se trouvèrent transformés en statues<br />

d’or pour les 300 ans qui suivirent.


<strong>LUXURE</strong><br />

& <strong>VOLUPTÉ</strong><br />

Elle a conçu cet atelier d’écriture<br />

pour répondre à la question :<br />

qu’est ce que l’écriture érotique ?<br />

Un texte érotique, c’est une<br />

histoire qui provoque l’émoi.<br />

Délice des mots, surprise et<br />

transgression. Suggestion et<br />

sensualité, le conte ouvre un<br />

champ de lumière et d’expression<br />

à la part d’ombre cachée en nous.<br />

L’imaginaire se libère de toute<br />

censure pour s’ouvrir au sublime,<br />

s’adonner à la beauté et à la pureté<br />

originelle d’Éros, source de toute<br />

créativité.<br />

25


Anne-Catherine Pozza<br />

Coach et formatrice du savoir-aimer, fondatrice<br />

d’Orchydia.<br />

Trois clefs pour me définir : érotisme, créativité,<br />

amour. Passionnée par le développement des<br />

compétences humaines, j’aime aller à l’essentiel,<br />

vous redonner le goût de vous libérer de ce qui<br />

entrave votre créativité. Oser est anagramme<br />

d’ÉROS. Une clef de plus.<br />

Photo prise par Charly Rappo<br />

27


<strong>LUXURE</strong><br />

& <strong>VOLUPTÉ</strong><br />

Atelier d’écriture érotique<br />

De janvier à mars 2009<br />

Bibliothèque municipale de <strong>Carouge</strong><br />

Animation :<br />

Anne-Catherine Pozza – Orchydia

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