Edition de juin 2012 (N° 364) - Societe de Lecture Geneve

edito
Imprimé sur papier FSC issu de forêts bien gérées, FSC ® C008839
agenda
le choix de la société de lecture
Bon an, mal an, ce sont plusieurs centaines de
nouveautés qui enrichissent notre bibliothèque.
Mis à part les dons bienvenus, la majorité d’entre
elles sont choisies par les membres de la Commission
d’achat, laquelle change de nom et s’appelle désormais
« Commission de lecture », ce qui ne
modifiera pas son fonctionnement.
Elle se compose d’une douzaine
de membres bénévoles ( treize à
la douzaine actuellement ) qui se
réunissent une fois par mois avec pour
mission de présenter les livres que
chacun a lus, de se prononcer en cas
de doute sur leur acquisition ou leur
refus et d’en rédiger la recension pour
Plume au Vent. Ces ouvrages, confiés
à l’examen par des libraires obligeants, sont proposés par
des membres soit de la Société, soit de la Commission de
lecture, soit par la sagacité de notre bibliothécaire qui
connaît à la fois les attentes des premiers et les affi-
Toutes nos conférences sont
enregistrées sur CD et sont disponibles
auprès de notre secrétariat.
nités des seconds. Naguère, tous les volumes destinés
à la Commission, étalés, recouvraient une grande table.
Pour ses membres, gent « bibliovore » s’il en est, c’était
un festin, c’était Noël dix fois par année ! Mais la majesté
des lieux n’inhibe pas toujours l’incivilité qu’à l’extérieur
on prétend en hausse, et depuis que
quelques volumes se sont volatilisés,
les futures acquisitions restent sous
la garde de notre bibliothécaire,
dans une étagère devant laquelle
les membres de la Commission
haussent le col et se contorsionnent
pour déchiffrer titres et auteurs qui
leur tournent le dos. Pourtant rien ne
rebute quand le devoir se confond
avec le plaisir et bon an, mal an, les
livres nouveaux continueront d’affluer sur les rayons où
l’espace menace de manquer mais cela, c’est une autre
histoire… Renée Thélin, membre de la Commission de lecture
et ancienne Présidente de la Commission d’achat
ateliers
4 et L’art, quelle histoire ! ?
18 juin par Marie Pierre de Gottrau
lundi 15 h 30 - 17 h
1, 8 et Hatha Yoga
et 15 juin par Nathalie Weill, vendredi 8 h - 9 h
4, 11, 18 Yoga intégral
25 juin par Jean-Paul Duc
lundi 12 h 45 -13 h 45 ou 14 h -15 h
5 et L’écriture de soi et de l’autre complet
19 juin par Geoffroy et Sabine de Clavière
n o 364 juin 2o12 paraît 1o x par an
JAB
1204 Genève
PP / Journal
www.societe-de-lecture.ch
Danièle Sallenave et Dominique Fernandez, mars 2012
cercles de lecture
11 juin Vous reprendrez bien complet
un peu de classiques ?
animé par Florent Lézat
18 juin Les pieds dans la page complet
animé par Pascal Schouwey
Grâce au soutien de Lenz & Staehelin
Réservations indispensables
à la Société de Lecture
au 022 311 45 90

2 roMANS, LITTérATurE
roMANS,
LITTérATurE
Milena AGUS
La comtesse de Ricotta
Traduit de l’italien par Françoise Brun
Paris, Liana Levi, 2012, 121 p.
L’auteure sarde qui connut un franc succès
avec Mal de pierres ( LHE 620 ) nous livre
son cinquième roman qui se déroule dans
un palais délabré de Cagliari. Trois sœurs
désargentées, la comtesse de ricotta, mère
célibataire maladroite et fragile, Noémi,
la rationaliste qui rêve de renouer avec
les fastes du passé et Maddalena la plus
sensuelle mais en mal d’enfant, habitent
le château familial où la splendeur d’au-
trefois n’est plus qu’un souvenir. Nous
sommes dans un monde de femmes fantasques
et attachantes où la réalité flirte
avec la magie d’antan, la poésie côtoie la
crudité, l’humour se mêle à la mélancolie.
Malgré les douleurs intimes et les tracasseries
quotidiennes, les trois héroïnes qui
illustrent bien l’identité féminine par leur
complexité, se jouent de la tristesse et
retrouvent le bonheur grâce à des petits
riens : un tour en Vespa, une tasse en porcelaine,
un sourire, un regard… Le récit
intemporel empreint de nostalgie, le style
lumineux et évocateur, l’univers ensoleillé,
laissent toute liberté à l’imaginaire et à
l’enchantement. LHE 597
William BOYD
Waiting for Sunrise
London, Bloomsbury, 2012, 353 p.
PB 0077-plume_Mise en page 1 03.02.12 11:56
Brachard & Cie
depuis 1839
10 Corraterie
The year is 1913, and the young English
actor Lysander rief has come to Vienna
to be treated by a psychoanalyst. As a
romantic liaison goes awry, Lysander has
to escape from Austria disguised as an
Italian cellist. When war breaks out, British
intelligence agents, impressed by his ability
to improvise, recruit him to find out who
is sending information to the Germans on
Allied troop movements. The assignment
involves Lysander in a number of adventures,
in each of which he must rely on
his acting ability. one of these takes him
to Geneva, where he poses as a Swiss-
German railway engineer in order to find
the agent who is receiving information for
the Germans. Back in London, his sex life
threatens to interfere with his effort to find
the mole in the War office who is causing
M A Î T R E I M P R I M E U R 1 8 9 6
atar roto presse sa
genève - t + 41 22 719 13 13 - atar@atar.ch - atar.ch
atar est au bénéfice des certifications
régulièrement renouvelées et complétées: FSC, PEFC, PSO-UGRA.
geneve@sdl
Laurent KOUTAÏSSOFF
La mort de la carpe
Genève, Slatkine, 2012, 111 p.
such damage to the Allied war effort. This
is a rocambolesque story of spy against
spy, of neurosis and sexuality, of “acting”
in all senses of the word. Boyd is always
a master story-teller, but here he indulges
in experimentation : a narrative alternation
the first and third persons, passages
written as dramatic dialogue, and some
ingenious parodies of T.S. Eliot’s poetry.
The novel seems to have been written for
the sheer pleasure of writing, and is also a
great pleasure to read. LHC 3145
Fassbind:Fassbind 30.6.2009 13:18 Page 1
mai 2oo9 – Le choix de la Société de Lecture
Dans un court récit, grave et subtil, l’auteur donne la parole à
un petit garçon que son père, dans une scène charmante qui
sonne très juste, initie à la pêche. La pêche, c’est le poisson
qu’on attrape, c’est aussi le petit poisson qui meurt et dont
l’œil vitreux semble vous regarder encore, tandis que la grosse
carpe, dédaigneuse de l’appât, s’échappe sans hâte. Cette
carpe, en quelque sorte intériorisée, accompagnera l’enfant
tout au long de son développement et l’aidera à affronter la
mort dont il subit l’attirance morbide : celle, bouleversante,
de son père à laquelle il s’en faut de peu qu’il assiste et qu’il
vivra dans le déni, le déclin d’une grand-mère, la mort d’un
poisson rouge et celle d’un oiseau qu’il provoquera lui-même
d’un tir de carabine, dans l’espoir de la rencontrer, de la voir à
l’œuvre, de pénétrer enfin ce fascinant mystère. Viendra enfin
le temps où il pourra congédier la carpe et, libéré, entreprendre
d’écrire le livre que nous tenons en mains. 16.2 KOU
Mikhaïl CHICHKINE
Deux heures moins dix
Traduit du russe par Nicolas Véron
Lausanne, Editions Noir sur Blanc,
2011, 359 p.
Dans ce roman d’amour épistolaire qui a
obtenu le prix du meilleur livre à Moscou,
un homme et une femme tentent d’entretenir,
en dépit de l’absence, le lien qui
les a unis. Les souvenirs du passé se
mêlent au présent. Volodia, parti pour
on ne sait quelle guerre, raconte la prise
www.fassbindhotels.com
★★★★ ★★★
23 Bd James Fazy, 022 716 12 12 1201 Genève 4 Rue Pradier, 022 731 34 00 1201 Genève
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Le choix de la Société de Lecture – mai 2oo9 roMANS, LITTérATurE 3
d’une ville chinoise, on ne sait où, et on
doute que leurs lettres atteignent jamais
leur destinataire respectif. Tant d’inconnues
donnent à cet échange un caractère
intemporel qu’accentuent encore leurs
commentaires sur la vie en général, sur la
mort, sur l’enfance, les parents, les générations.
Le quotidien plutôt glauque – dans
la russie d’aujourd’hui ? – d’Alexandra est
illuminé par des moments de poésie, de
belles images de la neige qui tombe. une
scène saisissante d’audace, de bonté et de
tendresse est celle où elle s’allonge auprès
d’une petite fille plongée dans un coma
prolongé et profond pour lui dire doucement
qu’elle ne doit pas avoir peur de la
mort et qu’elle fera du bien à tous ceux qui
l’aiment en cessant de s’accrocher à un
corps qui lui est devenu inutile. un moment
fort qui attache à ce livre qu’on referme
avec le sentiment troublant d’avoir côtoyé
une œuvre puissante dont l’essentiel vous
aurait échappé. LHF 534
Valérie COSSY
Isabelle de Charrière,
écrire pour
vivre autrement
Lausanne, PPUR, 2012, 131 p.
Par cet essai très bien documenté, Valérie
Cossy retrace la trajectoire, l’œuvre et les
idées d’Isabelle de Charrière. Hollandaise
d’origine, aristocrate de naissance,
Isabelle de Charrière s’installa à Neuchâtel
à la faveur d’un mariage de convenance et
s’adonna à l’écriture et à la philosophie, sa
véritable vocation. Esprit libre mais tourmenté,
Isabelle de Charrière s’est assurément
cherchée toute sa vie. Extrêmement
intelligente et cultivée, elle a pourtant toujours
semblé décalée et se sentait entravée
par les usages de sa classe sociale et
de sa condition féminine même si elle se
montra courageuse et novatrice. Isabelle
de Charrière fut prolixe à une époque où
l’on écrivait beaucoup. Elle entretint une
large correspondance, notamment avec
l’oncle de Benjamin Constant. Elle vécut
une liaison amoureuse et intellectuelle
avec ce même Benjamin Constant jusqu’à
ce qu’il lui préfère Germaine de Staël à qui
elle ne pardonna jamais vraiment d’avoir
réussi, brillante et plus jeune… Très tôt,
peut-on enfin ajouter, Isabelle de Charrière
sut reconnaître le génie de Jean-Jacques
rousseau. Et, pour commémorer cette
fraternité en philosophie, rappelons qu’un
colloque Regards croisés sera organisé
cet été à Neuchâtel à leur sujet. Le livre
de Valérie Cossy est un essai qui met en
exergue une femme curieuse d’esprit et
talentueuse, personnifiant bien le siècle
des Lumières. LCD 486
Philippe DELERM
Ecrire est une enfance
Paris, Albin Michel, 2011, 191 p.
Il est impossible d’écrire, si l’on n’est
pas lecteur, nous dit Philippe Delerm.
L’influence des premiers livres aimés est
immense, et ce ne sont pas forcément de
grands livres. Bien sûr, L’île aux trésors ou
Crin Blanc sont importants, mais un enfant
est aussi marqué par les romancières de la
Semaine de Suzette, les Mickeys et toutes
les Bibliothèques vertes qui sentaient la
toile acide et le papier friable. Le succès
de la Première gorgée de bière ( LM 2551 )
fut stupéfiant pour l’auteur. Pivot l’invita à
l’émission Bouillon de culture et depuis les
plaisirs minuscules se sont succédés avec
allégresse. Les critiques ont été sévères :
il écrit petit car il ne sait pas voir grand,
c’est un nain de jardin dans son écriture.
Mais Delerm se sent investi d’un devoir de
bonheur – qui devient source de création.
Pour lui, l’écriture est une enfance à regagner,
et c’est ce goût d’enfance qui nous
touche et nous retient. LM 1066
Marc DUGAIN
Avenue des géants
Paris, Gallimard, 2012, 360 p.
Alors qu’il envisageait d’écrire un autre
livre, Marc Dugain dont le succès ne s’est
jamais démenti depuis son premier roman,
La chambre des officiers ( LHA 10284 ),
TRANSPHERE SA ’12
tombe sur un documentaire retraçant
l’histoire d’Edmund Kemper, mythique
tueur en série américain des années
soixante. L’auteur sent qu’il a trouvé son
sujet et part sillonner les routes américaines
sur les traces de son personnage
devenu Al Kenner. Au fil de son inspiration,
il s’impose la première personne
pour décrire la jeunesse d’un tueur, ne
le justifie pourtant jamais mais montre
magnifiquement combien une intelligence,
même supérieure, ne peut rien face aux
blessures de l’enfance. Gamin traumatisé
par le divorce de ses parents, empêtré
dans ses deux mètres vingt, marqué par
les mauvais traitements de sa mère, Al a
pris l’habitude de décapiter les animaux
et a connu son premier orgasme en voyant
une jeune fille se faire faussement décapiter
dans une fête foraine. Après le meurtre
de ses grands-parents paternels perpétré
dans sa quinzième année, il passe 5 ans
en asile psychiatrique où son intelligence
lui permet de devenir l’assistant de son
médecin en l’aidant à faire passer des
tests aux paranoïaques et aux pervers. A
sa sortie, il est déclaré « guéri » et entame
une seconde existence… Il aurait à son
passif au moins huit meurtres… Avec ce
livre, Marc Dugain renoue avec les thèmes
récurrents de son œuvre : l’enfermement,
la fascination pour les Etats-unis où il a
longtemps vécu, la reconstitution d’une
époque historique en mélangeant réel
et imaginaire. Dans Avenue des Géants,
il s’empare en effet d’une époque et
d’un espace : l’Amérique des sixties, des
hippies et de la liberté, mais aussi du
désastre vietnamien ; il nous la restitue à
travers son personnage principal qui file
sur sa moto dans des paysages époustouflants,
très cinématographiques, tout en
espérant être enfermé pour ses méfaits. Il
plonge avec un réalisme stupéfiant dans
les méandres de la pensée d’un homme né
au mauvais moment dans une mauvaise
famille. Enfermé dans la cave, la tête
contre la chaudière, Al sentait depuis sa
petite enfance que le monde serait trop
grand pour lui… Ce brillant roman est
l’histoire d’un homme mort-né racontée
par un auteur qui, décidément, a le chic
pour trouver des sujets chocs qui en disent
bien long sur leur époque. LHA 5628
Lawrence DURRELL
Petite musique
pour amoureux
4 Saveurs:4 Saveurs 30.6.2009 9:51 Page 1
Traduit de l’anglais par Annick Le Goyat
Paris, Buchet/Chastel, 2012, 400 p.
Le roman s’ouvre sur le personnage du
Dr Mc Lean, en compagnie duquel il se
refermera. Aux premiers jours de la mousson,
celle-ci assiste à la venue au monde
du petit Walsh Clifton. un événement
quelque part heureux, tournant cependant
au drame, car la mère perdra la vie
en couches. Walsh sera élevé par son père,
John, un ingénieur anglais qui travaille
sur la construction d’une ligne de chemin
de fer aux pieds de l’Himalaya. Enfant
des grands espaces, Walsh sera malheureusement
contraint de s’en détacher à
l’âge de quatorze ans pour se rendre en
Angleterre. L’arrivée à Londres le projette
dans un monde irrationnel à ses yeux. une
fois inscrit au collège, cet « enfant sauvage
par accident et par environnement »
se résout servilement à devenir un Anglais.
S’inspirant de sa propre expérience, Durrell
décrit l’univers des pensionnats anglais et
pointe du doigt « la sinistre bêtise de l’esprit
d’équipe ». Qualifié de rebelle par ses
maîtres car « incapable de faire ce qui ne
l’intéresse pas », Walsh décide de quitter le
collège. Il se rend à Londres pour s’établir
dans le quartier de Bloomsbury. Commence
alors une vie de bohème jusqu’au moment
où, après s’être aventuré à passer le pas
de la bibliothèque, il tombe sur ruth, son
amour de jeunesse. Ce premier roman
par l’auteur du Quatuor d’Alexandrie ( LLB
483/1 ) fut publié en 1935. Il est traduit
pour la première fois en français à
l’occasion du centenaire de la naissance
de Lawrence Durrell, avec une préface de
Michel Déon. LLB 483/24

4 roMANS, LITTérATurE
Paul FOURNEL
La liseuse
Paris, P.O.L., 2012, 218 p.
robert Dubois est un vieil éditeur lassé et
déprimé de relire toujours le même manuscrit
: « un mec rencontre une fille, mais il est
marié et elle a un copain… ». Sa maison
d’édition vient d’être rachetée par un jeune
loup inculte, et il se retrouve à travailler
avec une équipe jeune qui éveille en lui des
sentiments mitigés, entre bienveillance
paternelle et tutorat agacé. Sa jeune
assistante le bouscule un peu pour qu’il
ne se laisse pas complètement abattre et
lui met entre les mains une liseuse : une
tablette de lecture électronique. Le roman
de Paul Fournel décrit ce choc spatio-temporel
entre deux univers qui ne sont a priori
pas faits pour s’entendre. C’est un roman
léger qui évoque avec tendresse et humour
un monde de l’édition « à l’ancienne » qui d
isparaît peu à peu.
Adrien GOETZ
Intrigue à Venise
Paris, Grasset, 2012, 313 p.
Après Intrigue à l’anglaise ( LHA 7181 )
et Intrigue à Versailles ( LHA 7480 ), nous
retrouvons Pénélope, la pétillante et perspicace
conservatrice de Versailles qui, lors
d’un colloque à Venise, va conduire une
nouvelle enquête mêlant l’art, l’histoire
et l’humour. une vague d’assassinats
touche le cercle pourtant très paisible
des écrivains français de la Sérénissime.
Notre héroïne découvre une tête de chat
décapité avec un étrange message « Tous
les écrivains français de Venise seront des
rue de Saint-Victor 4
022 346 25 12
chats si le cheval de l’île noire ne rentre
pas à l’écurie ». En compagnie de son ami,
le journaliste Wandrille, ils remontent au
cœur de l’énigme, le somptueux bal du fastueux
mécène Carlos de Beistegui dans sa
demeure vénitienne en 1951. Ils se lancent
sur la piste semée d’embûches d’un
tableau de rembrandt dont personne ne
sait ce qu’il représente et qui est caché sur
une île de la lagune. L’intrigue pleine de
rebondissements, mêlant le vrai et le faux,
la légèreté du style, le cadre mystérieux de
la Cité des Doges, les personnages hors du
commun, en font un roman agréable, facétieux
et extravagant. LHA 5640
Robert HARRIS
gestion de fortune
L’indice de la peur
Traduit de l’anglais
par Natalie Zimmermann
Paris, Plon, 2012, 302 p.
12, rue de la Corraterie Tél 022 317 00 30
CH -1204 Genève www.ppt.ch
Alexander Hoffmann est le directeur d’un
fonds d’investissement à Genève. Génie
de la finance, il a mis au point un algorithme
qui permet de multiplier les gains
indéfiniment : « l’indice de la peur ». Son
système baptisé VIXAL-4 scanne le web à
la recherche de catastrophes et d’autres
signes de panique, en ciblant des mots-clés
tels que : terrorisme, crise, faillite ou accident.
A chaque occurrence, l’algorithme
parie alors immédiatement sur une chute
des cours boursiers, engrangeant ainsi des
milliards de profit en quelques secondes.
Mais tout bascule le jour où Alexandre se
fait agresser, et finit par découvrir que
des choses étranges se passent autour de
lui, et que ce serait apparemment de sa
faute… Serait-il devenu fou ? ou paranoïaque
? Guetté par la folie, il doit mener
l’enquête. Hoffmann est confronté à un
autre problème : l’algorithme commence à
prendre des décisions de plus en plus risquées,
et met le marché en danger, allant
jusqu’à risquer un crash financier mondial.
Les évènements se précipitent et ce thriller
politico-financier est conduit à un rythme
trépidant jusqu’à son dénouement, assez
inattendu. Harris nous avait déjà séduit
avec Pompéii ( LHC 4669 ) et The ghost ( LHC
5314 ) adapté à l’écran par roman Polanski
sous le titre «The ghost writer ».
Rebecca HUNT
Coupole:Coupole 30.6.2009 10:25 Page 3
Parmi nos menus-spécialité
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Restaurant Wine & Cocktail Bar
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Parking de Rive gratuit pour les dîneurs
Une humeur de chien
Traduit de l’anglais par Sarah Gurcel
Paris, Denoël, 2011, 299 p.
Juillet 1964. Churchill s’apprête à prendre
sa retraite. La dépression le menace ; il la
nomme « ce chien noir qui pèse sur mon
épaule ». L’auteure met en scène un vrai
chien, énorme, monstrueux, baveux, se
plaisant à faire du mal, à tout détruire,
à empêcher toute possibilité de joie ( à
d’autres moments, il deviendra geignard
et jaloux )… Cet animal se tient debout, se
fait appeler Mr. Chatwell, quelquefois aussi
Black Pat. Il s’installe pour la perturber chez
la jeune Esther, bibliothécaire au palais de
Westminster, qui rumine en secret le suicide,
deux ans auparavant, de son mari. Les propos
très déplaisants du chien noir, qui suit
ses victimes partout, ne sont entendus que
par les gens concernés. Quand Churchill et
Esther se rencontrent pour mettre au point
un discours d’adieu, ils se découvrent liés
par cette présence dérangeante. Le Grand
Homme profère quelques profondes considérations
; Esther saura-t-elle en profiter ?
un livre un peu déconcertant, autour d’une
idée très originale.
mai 2oo9 – Le choix de la Société de Lecture
Ismail KADARE
La provocation et
autres récits
Traduit de l’albanais par Tedi Papvrami,
Atran Kotro et Yusuf Vrioni
Paris, Fayard, 2012, 193 p.
Avec ces quelques récits, dont certains ont
été écrits à l’époque où Enver Hoxa dirigeait
l’Albanie, et d’autres après la chute du
communisme, Ismail Kadaré fait une fois
de plus la démonstration de son immense
talent qui se déploie dans des registres
extrêmement variés. La nouvelle qui ouvre
ce recueil, La Provocation, rédigée en 1962
et publiée initialement en 1972, décrit
un poste militaire à la frontière, où les
soldats de deux camps ennemis se provoquent,
s’affrontent et s’entretuent dans
un contexte d’imposture diplomatique.
Ce récit évoque l’ambiance quasi paranoïaque
qui caractérisait l’Albanie d’alors,
enfermée dans un isolement hostile. une
nouvelle plus récente se passe en France
et décrit avec humour et commisération à
la fois le parcours d’exilés monarchistes
ayant subi la relégation et les privations.
D’autres thèmes apparaissent, chers à
l’auteur : une réflexion réactualisée autour
des grands classiques shakespeariens
( Hamlet, Macbeth ) ou grecs antiques
( La question d’Orphée ) ; une relecture
des grands moments historiques de la
conquête ottomane et de la résistance
albanaise ( Le Rapport Secret ), et le fantastique
inspiré des traditions ancestrales ( Le
Mariage du Serpent ). Ces récits où souvent
transparaît une critique de l’absolutisme
abordent d’une manière originale certaines
interrogations universelles sur la condition
humaine. LHF 369

Le choix de la Société de Lecture – mai 2oo9 roMANS, LITTérATurE 5
Yôko OGAWA
Les lectures des otages
Récits traduits du japonais
par Martin Vergne
Arles, Actes sud, 2012, 190 p.
Sept touristes japonais et leur guide sont
pris en otage dans une zone montagneuse
isolée. Cent jours plus tard, l’assaut est
donné par une brigade anti-terroriste ; la
cabane où ils séjournaient est détruite et
il n’y a aucun survivant. Ne subsiste qu’un
enregistrement où les huit prisonniers
racontent un fait marquant de leur vie. Le
récit se transforme ainsi en huit nouvelles
déroutantes, toutes différentes les unes
des autres, qui vont révéler la face cachée
de chacun des protagonistes. Avec son
écriture épurée, son sens de l’observation
et des détails de la vie quotidienne, Yôko
ogawa ravive la mémoire du passé pour
raccompagner dans leur monde d’origine
les personnes disparues. Les mots sont
une manière de se libérer d’une attente
inquiète, d’accepter la destinée et la mort
en toute sérénité. Equilibre entre rêve et
réalité, entre conscient et inconscient,
l’univers singulier et intemporel de l’étonnante
auteure nippone nous ouvre la voie
vers la paix intérieure. LD 403
Mona OZOUF
La cause des livres
Paris, Gallimard, 2011, 541 p.
Ce livre contient une bibliothèque. Il rassemble
124 chroniques écrites par Mona
ozouf pour Le Nouvel observateur au
cours d’une collaboration qui dura 40 ans.
L’auteur de Composition française ( HM
94 ) y rend compte de ses lectures où se
mêlent Histoire et Littérature. Elle y fait
preuve de son érudition et de sa finesse
d’analyse, de sa rigueur d’intellectuelle
soucieuse de clarté qui toujours avance
des faits pour illustrer ses idées, mais
aussi d’une sensibilité, d’une délicatesse
dans l’expression qui font le bonheur de
ses lecteurs. A plusieurs reprises, elle cite
cette phrase de Young : « Qu’est-ce que le
plaisir ? C’est la vertu sous un nom plus
Galerie GrandRue:Galerie GrandRue 30.6.2009 10:34 Page 1
Gravures anciennes
Vues de Genève
Gouaches napolitaines
Cartes de géographies
Achat - Vente
pour quelques
marches de plus
découvrez le choix des bibliothécaires
GALERIE
GRAND-RUE
Marie-Laure Rondeau
25, Grand-Rue
1204 Genève
Tél. 022 311 76 85
accueil
Mardi à vendredi 10h – 12h / 14h – 18h30 Samedi jusqu’à 16h
Lucie Aubrac ( 1912-2008 )
raymond Aubrac, figure emblématique
de la résistance, décédait le 20 mars
2012 à l’âge de 94 ans. Le mois de juin
2012 marque les cent ans de la naissance
de Lucie Aubrac, son épouse et
compagne dans la lutte. La bibliothèque
propose plusieurs récits qui rendent
hommage aux femmes résistantes, ces
combattantes de l’ombre trop rarement
évoquées.
Lawrence Durrell ( 1912-1990 )
Prosateur virtuose, chantre du monde
méditerranéen et d’un mode de vie qui
féconda intimement son imagination,
Lawrence Durrell est mis à l’honneur à
la bibliothèque de la Société de Lecture :
une trentaine de titres disponibles dont le
fameux Quatuor d’Alexandrie ( LLB 483/1 ).
salle histoire
la Campagne de Russie ( 1812 )
Napoléon Ier entreprit la conquête de
la russie en 1812. Il est alors au faîte
de sa gloire. Sa grande armée, réputée
invincible, se heurtant à la détermination
russe et soumise aux rigueurs
de l’hiver, sera défaite sur la Bérézina.
C’est en vaincu que l’Aigle reviendra de
sa campagne de russie.
salle théologie
L’hérésie cathare
De 1209 à 1244 avait lieu en Languedoc
la Croisade des Albigeois qui opposa
l’Eglise catholique, soutenue par les
Payot:Payot 30.6.2009 11:52 Page 1
vassaux du roi de France, et les seigneurs
méridionaux. Cette lutte armée aura des
conséquences religieuses et politiques
puisqu’elle conduira à l’éradication de
la doctrine cathare.
Dans le cadre
de l’année Rousseau :
salle genève
Rousseau et la nature
Il l’a beaucoup observée en se promenant,
et la place au centre de son œuvre :
la nature. rousseau y trouve le sujet
de rêveries ( 16.2 rou 2 ) et l’occasion
d’une réflexion sur la botanique ( 16.2
rou 3 ). Ses nombreux héritiers genevois
laissent une œuvre riche et variée :
Briquet, de Candolle, Bonnet, Gosse,
Boissier, Hainard, roch, etc.
salle de
géographie
Le Contrat social
La réflexion politico-sociale, notamment
en Suisse romande ( EA 391 ), se nourrit,
autour du Contrat social de rousseau ( EN
28 ), aussi bien des idées sur l’anarchie
( de Bakounine, EN 35, ou de E. reclus, EN
7 ) que de l’utopie de Thomas More ( EN
113 ), du sens de l’Etat ( EN 29 ) comme
de la propriété individuelle ( EN 45 ), ainsi
que du matérialisme selon Lénine ( EN
450/2 ).
De nombreux autres titres sont disponibles dans le
fonds de la bibliothèque pour illustrer ces sujets.
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6 HISToIrE, BIoGrAPHIES
gai ». Quelques thèmes se dégagent de
cette boîte à bijoux : la bretonne s’intéresse
aux histoires régionales, soucieuse
de préserver les particularismes locaux
pour mieux affirmer la vocation universelle
de la France. La femme évoque des œuvres
de femmes qui au temps de la domination
des hommes développaient une grande
acuité d’observation où la compassion
alternait avec l’ironie. L’historienne, bonne
camarade, célèbre le travail de ses pairs
et sait rendre la complicité qui unit les
décrypteurs d’archives. La française enfin
envisage les œuvres des grands écrivains
comme un révélateur de l’identité nationale.
un livre qui se prête à « une lecture
décousue et buissonnière ». A lire au printemps
pour préparer le programme des lectures
de l’été. LBA 211
Jean-Christophe RUFIN
Le grand cœur
Paris, Gallimard, 2012, 498 p.
Né à Bourges au pied du palais de Jacques
Cœur, Jean-Christophe rufin fait revivre
avec verve et panache celui qui fut l’Argentier
de Charles VII. « Pendant mon enfance
rude et grise, il fut celui qui me montrait
la voie, qui témoignait de la puissance
des rêves et de l’existence d’un ailleurs
de raffinement et de soleil ». Transformant
son époque, reliant finance et commerce,
changeant radicalement le regard que
l’occident portait sur l’orient, passant de
la conquête à l’échange, s’intéressant à
l’art à travers le luxe et le mécénat et au
bonheur de vivre, cet aventurier audacieux
entrevoyant un autre monde de lumière
préfigure l’esprit de la renaissance. Cette
fresque romanesque basée sur de solides
éléments historiques nous interpelle et
nous enchante. Habile conteur, au style
raffiné et classique, Jean-Christophe
rufin aime Jacques Cœur comme un frère
et le lecteur ressent une certaine similitude
entre ce visionnaire du XV e siècle et
l’écrivain. Humanisme, tolérance et ouverture
sont les maîtres-mots de ce roman
fascinant aux résonances très actuelles.
LHA 5656
Eric-Emmanuel SCHMITT
Les dix enfants
que Madame Ming
n’a jamais eus
Paris, Albin Michel, 2012, 115 p.
Ce dernier conte d’Eric-Emmanuel Schmitt
est le sixième volet du Cycle de l’invisible
où dans chaque histoire ( Oscar et la dame
rose, Monsieur Ibrahim et les fleurs du
Coran, etc.) « une spiritualité vient apporter
son renfort ». Nous assistons à la rencontre
improbable entre l’énigmatique Madame
Ming, « dame pipi » au Grand Hôtel de
Yunhai, dans la province de Guandgong, et
un homme d’affaires français célibataire.
Dans ce pays, la Chine, qui pratique la
politique de l’enfant unique, Madame Ming
raconte la vie de ses dix enfants dont Wang
horticulteur spécialisé dans la création de
« jardins de mots ». Est-elle une mère de
famille nombreuse ou une affabulatrice ? A
travers ce récit poétique, drôle et délicieux,
nous allons à la rencontre de Confucius,
socle de la sagesse ancestrale chinoise.
Préférer l’harmonie à la vérité, l’invisible
plutôt que le visible, cultiver l’entente, le
goût des valeurs familiales, rechercher le
juste milieu, autant de préceptes et citations
qui émaillent ce livre et qui nous font
réfléchir sur la simplicité du bonheur et
l’art de vivre ensemble. LHA 5685
HISToIrE,
BIoGrAPHIES
Jean-Paul COINTET
Hippolyte Taine : un
regard sur la France
Paris, Perrin, 2012, 376 p.
Alors que la poussière s’accumule sur
les livres de Taine, dont l’œuvre paraît
aujourd’hui dépassée, Jean-Paul Cointet la
situe dans son contexte historique, dégage
son originalité et montre que son influence
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persiste encore. A la fois historien, philosophe,
critique littéraire, mais avant tout
attiré par la psychologie, Taine mérite le
titre de « dernier des encyclopédistes ».
Son ambition fut de mettre au point une
méthode d’analyse plutôt qu’une théorie :
partir des faits, rechercher les causes et
formuler les lois générales qui règlent ces
phénomènes. Pour lui, « le vice et la vertu
sont des produits comme le vitriol et le
sucre ». Ce déterminisme lui valut les critiques
de son ancien élève Paul Bourget
qui, dans le Disciple, le renvoie à la question
de la responsabilité individuelle.
Dans son œuvre maîtresse, les Origines
de la France Contemporaine, il s’efforce
de « comprendre, afin de le modifier, un
état mental propre à la France ». Pionnier
d’une histoire globalisante, il distingue
trois principaux facteurs d’explication des
faits historiques : le milieu, le moment et
la race ( terme qui à l’époque correspond
à peu près à ce qu’on appelle aujourd’hui
« identité nationale » ; un peuple, quand
il « entre dans l’histoire » constitue une
race… ). Sa descendance intellectuelle
se prolonge jusqu’à Jean-François revel
ou Alain Peyrefitte ( Le Mal Français ). on
peut sans doute y ajouter certains discours
écrits par Henri Guaino pour Nicolas
Sarkozy. HM 151
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sont essentiels
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mai 2oo9 – Le choix de la Société de Lecture
given the briefest title possible : “Food,”
“Austerity,” “Cars,” “Work,” “Words,” etc.,
departing from the one-word rule only
when repetition is imperative : “Girls, Girls,
Girls.” Judt’s memories are of growing up
as a Jewish boy in suburban London, about
the arcane rituals of the Ecole Normale
Supérieure, and about being seduced by
America. His world is one of intellectuals,
but also a world of the objects of ordinary
life : he thinks about the Citroën, about
English breakfasts and Swiss trains. The
book is in fact a series of vivid impressions
and casual reflections on what it was like
to live more or less at the centre of things,
in London, Paris, and New York, in the second
half of the twentieth century. It is often
witty, at times lyrical, and finally wise.
HM 152
Simon Sebag MONTEFIORE
Jérusalem, biographie
Traduit de l’anglais par Raymond
Clarinard et Isabelle Taudière
Paris, Calmann-Lévy, 2011, 668 p.
Tony JUDT
Même en près de 700 pages, résumer les
trois millénaires d’existence d’une ville
devenue le haut lieu des trois religions
monothéistes exige que l’on aille bon
train. Cela ne va pas sans quelques raccourcis
expéditifs, mais évite en revanche
de lasser le lecteur que pourrait rebuter
The Memory Chalet
ce défilé d’occupants, d’envahisseurs ou
de conquérants macédoniens, romains,
London, Vintage, 2011, 226 p.
perses, ottomans, croisés, au cours
The late Tony Judt was one of the great his- d’épisodes entraînant chacun son lot de
torians of the modern era. In 2008 he was batailles, de destructions, de violences et
diagnosed with a rare disease which slowly de crucifixions, une pratique semble-t-il
paralysed his body, but before his death in privilégiée en ce temps-là… on croise
2010 he was able to dictate his memoirs en passant une foule de personnages
to an amanuensis. unable to write or use plus ou moins connus que l’auteur met
notes, he resorted to an ancient method en relief par des détails et des anec-
according to which memory is aided by dotes choisis habilement, si ce n’est avec
an imagined architectural space. Hence malice : la série des Hérodes, par exemple,
the “memory chalet,” an actual chalet in membres d’une famille royale que cer-
Chesières where Judt stayed as a child, and tains « peoples » de l’histoire romaine tels
to the various rooms of which his mind now Marc Antoine ou Cléopâtre, leurs contem-
stores different parts of his past. Each of porains, ont occultés par leurs frasques
the chapters of his memoirs thus consists mais qui n’ont rien à leur envier. Plus près
of Pharmacie a memory retrieved Bertrand:Pharmacie from this space and Bertrand de Pivoine:Pivoine nous on 30.6.2009 rencontre enfin, 30.6.2009 11:12 dans un Page pré- 11:17 1 P

Le choix de la Société de Lecture – mai 2oo9 DIVErS 7
cis d’histoire contemporaine que l’auteur
traite avec sérieux et impartialité, les
événements et les acteurs à l’origine de la
naissance d’Israël et de l’épineuse situation
actuelle. En somme, un mélange peu
conventionnel mais réussi de grande histoire
allégée d’historiettes. HL 982
Taline TER MINASSIAN
Reginald Teague-Jones.
Au service secret de
l’Empire britannique
Paris, Grasset, 2012, 460 p.
Dans cette passionnante biographie,
l’historienne Taline Ter Minassian relate
la vie de reginald Teague-Jones, véritable
héros de roman d’espionnage. Né près de
Liverpool en 1889, Teague-Jones passa
plusieurs années à Saint-Petersbourg où
il fut témoin de la révolution de 1905.
Après son retour en Angleterre il intégra
les services secrets britanniques et fut
envoyé au Penjab, puis sur la frontière
du Nord-ouest, aux confins de l’Afghanistan
et de l’Empire britannique des
Indes. Maîtrisant le russe, l’allemand, le
français, le persan et plusieurs langues
indiennes, fin observateur doué d’un
courage certain et d’un solide sens de
l’humour, il fut acteur du « Grand Jeu »
auquel se livraient les puissances occidentales
en Asie Centrale et au Caucase,
jeu compliqué par les soubresauts de la
Première Guerre mondiale et l’effondrement
des empires tsariste et ottoman, et
qui se poursuit aujourd’hui encore avec
l’arrivée de nouveaux acteurs. Il assista
à la naissance et à la chute des trois
éphémères républiques indépendantes
du Caucase. Son implication, jamais
prouvée mais instrumentalisée par les
bolcheviques, dans l’assassinat des « 26
commissaires » de la commune de Bakou
le contraindra à changer d’identité par
crainte de représailles. C’est désormais
sous le nom de ronald Sinclair qu’il poursuivra
sa carrière, sillonnant l’Iran de
reza Shah, se rendant d’Istanbul au Caire
et à Karachi. A partir de 1940 il sera basé
aux Etats-unis, y poursuivant une carrière
officielle de consul et ses activités de
renseignement. Taline Ter Minassian a le
mérite de faire la lumière sur cet homme
de l’ombre à la personnalité fascinante
qui s’éteindra en 1988 à près de 100 ans.
HM 153
DIVErS
David BELLOS
Le poisson et
le bananier
Traduit de l’anglais par Daniel Loaysa
Paris, Flammarion, 2012, 392 p.
Le sous-titre annonce : Une histoire fabuleuse
de la traduction. Inattendus l’un
et l’autre, le poisson est un gadget de
science-fiction inventé par un humoriste
britannique et qui, enfilé dans l’oreille,
permettrait de comprendre quelque langue
que ce soit, tandis que dans la traduction
de l’Evangile de Matthieu en malais, le
bananier se substitue au figuier inconnu
sous ces latitudes. Parler traduction, c’est
aussitôt évoquer quelques lieux communs
auxquels l’auteur règle leur compte – traduttore
traditore, les belles infidèles, les
traductions impossibles, les vingt mots
dont les Esquimaux sont censés désigner
la neige, etc. – et voir poindre à l’horizon
la tour de Babel à propos de quoi il
réfute les exégèses bibliques considérant
comme une catastrophe la multiplication
d’idiomes différents au détriment de
la langue unique. Normal : on ne saurait
attendre de ce traducteur émérite, lauréat
du prestigieux Booker Price, qu’il
laisse saper l’antique ziggourat au sommet
de laquelle il est juché… De là-haut,
il déroule l’histoire d’une activité vieille
de cinq mille ans au moins, ainsi qu’en
témoigne l’un des termes qui la désigne
– truchement – dont l’origine remonte à
l’akkadien de l’ancienne Mésopotamie.
geneve@sdl
Guillaume CHENEVIERE
Rousseau, une histoire genevoise
Genève, Labor et Fides, 2012, 413 p.
Le regard que porte l’auteur sur le lien entre rousseau et Genève
prolonge celui de son ancêtre Nicolas Chenevière, orfèvre,
pasteur et chansonnier, qui fut profondément imprégné de
l’œuvre de rousseau, comme la plupart des citoyens genevois
luttant pour la reconnaissance de leurs droits au XVIII e siècle.
Si le Contrat social fut brûlé en 1762 devant l’Hôtel de Ville
par un gouvernement qui se sentait menacé par l’évocation
d’une réelle souveraineté populaire, rousseau s’est inspiré,
pour sa part, dans son œuvre politique, de la Constitution
genevoise qui pouvait, idéalement, constituer un modèle
de démocratie participative. Il s’agit donc d’une influence
réciproque, et l’ouvrage met bien en évidence l’engagement
très concret de Jean-Jacques en faveur d’une classe moyenne
dont les valeurs morales et religieuses, héritées de Calvin,
semblaient trahies par une oligarchie financière servant
ses propres intérêts, liés à ceux de Versailles. Des emprunts
d’un Louis XIV en fin de règne, qui firent la fortune des
banquiers genevois, à la « finance rococo » des rentes viagères
françaises à la fin du XVIII e siècle, qui aboutit à la faillite
de Genève en 1794, les opportunités d’affaires étaient bien
éloignées de l’économie réelle représentée par les artisans
et marchands genevois. C’est dire que l’étude très fouillée et
passionnante de Guillaume Chenevière a une forte résonnance
avec la période actuelle, qui connaît aussi une coupure entre
une élite liée à la finance internationale spéculant sur la dette
et l’intérêt général des citoyens. Jean-Jacques rousseau,
qui se méfie énormément du monde des affaires et prône la
sobriété, se révèle très moderne et pourrait se comparer aux
« indignés » d’aujourd’hui, avec une cohérence intellectuelle
et un style évidemment incomparables. 16.2 ROU Etu28
par la manière dont elle est contée. un
style allègre, émaillé d’exemples souvent
savoureux, au service d’une vaste érudition
qui sait aussi ne pas être pédante,
emmène le lecteur de surprises en découvertes.
un essai passionnant d’un bout à
l’autre ! LAA 83
Et cette histoire est fabuleuse en effet,
autant Banquiers par la richesse Prives:Banquiers de son contenu Prives que
30.6.2009 12:02 Page 1
Dominique BONA
Deux sœurs
Paris, Grasset, 2012, 363 p.
Yvonne et Christine Lerolle au piano, célébrissime
tableau de renoir, est la toile de
fond du récent livre de Dominique Bona.
une atmosphère harmonieuse et sage, une
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8 DIVErS
ambiance bourgeoise et raffinée nimbent
ces deux sœurs d’un halo de douceur et
de bonheur qu’en fait elles ne connaîtront
pas dans leur vie conjugale et adulte. C’est
le thème qu’a choisi d’évoquer Dominique
Bona qui excelle dans les biographies de
femmes de cette fin du XIX e siècle français
– Berthe Morisot, le secret de la femme en
noir ( BC 688 ), Camille Claudel, la femme
blessée ( BA 578 ) – entre autres. Cette biographie
se situe dans le milieu des artistes
phares de l’impressionnisme et c’est ce
qui en fait l’intérêt. En effet Dominique
Bona entraîne le lecteur dans cette extraordinaire
mouvance des peintres et des
musiciens de cette époque qui se connaissaient
et se fréquentaient assidûment.
Certains membres de leur entourage étant
assez visionnaires pour acheter et collectionner
leurs œuvres. Talent, originalité,
tourments artistiques et aspirations bourgeoises
tournoient dans cette large tribu
qui connaît pourtant des tensions, comme
lors de l’Affaire Dreyfus, et des échecs
intimes. Suivons donc les sœurs Lerolle,
mariées pour leur malheur aux frères
rouart et imprégnons-nous des multiples
détails et renseignements inédits fournis
par Dominique Bona dans ce livre sur
l’épopée impressionniste. BC 237
Eric FOTTORINO
Mon tour du « Monde »
Paris, Gallimard, 2012, 542 p.
Le Tour du « Monde » que relate Eric
Fottorino est un voyage passionnant au
cœur d’un journal mythique. L’auteur entre
au quotidien Le Monde en 1986, après des
études de droit et diverses expériences
journalistiques, notamment comme chroniqueur
économique. C’est dans ce domaine
qu’il fera ses premiers pas au sein de la
célèbre institution, se spécialisant dans
l’analyse des matières premières et des
opérations boursières. Il deviendra grand
reporter ( 1995-1997 ), rédacteur en chef,
chroniqueur puis directeur de la rédaction
et enfin président du directoire en 2008,
avant d’être évincé en 2010. Si l’auteur
dénonce les contraintes financières et poli-
et encore
Sabs:Sabs 30.6.2009 13:10 Page 1
tiques, les manœuvres politiciennes et les
rivalités, ainsi que les défis de l’irruption
du numérique, son livre constitue aussi un
vibrant hommage au métier de journaliste
et à ce que l’auteur désigne comme le plus
beau journal du monde. Sous sa plume
revivent de grandes pages de l’histoire
récente, en particulier du Tiers-monde,
ainsi que certaines figures qui ont marqué
leur temps, de Mandela à rené Dumont en
passant par Serge Gainsbourg ou Jorge
Semprun. Fottorino nous gratifie aussi d’un
portrait au vitriol de Nicolas Sarkozy et
règle ses comptes avec certains membres
de son entourage. Le tout dans un style
enlevé où l’on reconnaît le talent de ce
journaliste passionné qui est également
l’auteur d’une œuvre littéraire de qualité.
LCG 290
Lorraine FOUCHET
More than a shop.....
Couleur Champagne
Paris, R. Laffont, 2012, 427 p.
Le petit Eugène Mercier naît en 1838 à
Epernay, au milieu des vignobles champenois.
De père inconnu, il se sent malheureux
et frustré au milieu des copains, fils de
grands producteurs de champagne. Encore
adolescent, il a l’idée géniale de rêver à
un champagne pour tous, moins cher et
accessible aux petites bourses. Il réussit
à réunir de petits producteurs, puis de
plus importants et le champagne Mercier
est lancé ! Pour l’entreposer, on creuse
des galeries dans les terres crayeuses
d’Epernay. L’argent afflue, Eugène épouse
sa chère Marguerite, achète le château dit
« de Pékin », produit des enfants et des
petits-enfants. Ils sont aujourd’hui 200
descendants directs sur sept générations.
Cette remarquable saga a été écrite par
une des arrière arrière-petites-filles d’Eugène.
Aujourd’hui même, à Genève, on peut
acheter du champagne Mercier à 17 francs
la bouteille. LHA 5667
Pierre BOURDIEU, Sur l’Etat : cours au Collège de France, 1989-1992, Seuil,
2012, 656 p. PB 2161
Hélène CARRERE D’ENCAUSSE, Des siècles d’immortalité. L’Académie française :
1635-…, Fayard, 2012, 401 p. LCD 552
Jean-Philippe TOUSSAINT, La main et le regard, Le passage, 2012, 216 p. BC 222
: 3, rue du Purgatoire, CH-1204 Genève Tél. 022 310 40 23
Lucien JERPHAGNON
Connais-toi toi-même…
et fais ce que tu aimes
Paris, Albin Michel, 2012, 376 p.
ultime ouvrage de Lucien Jerphagnon, ce
livre rassemble des textes dont la rédaction
s’est étalée sur plusieurs décennies et qui
décryptent les grands courants de la pensée
antique et, entre autres, les œuvres de
Saint Augustin, des auteurs gnostiques, de
Bergson, de Jankélévitch… Ce bric-à-brac
philosophique déconcerte au premier abord
et le lecteur soupçonne un artifice d’éditeur
d’en être à l’origine, avant de se laisser
prendre par la profondeur de la réflexion
de l’auteur, sa liberté de ton, sa curiosité
toujours en éveil, sa joie de transmettre et
d’expliquer. La restitution du contexte dans
lequel Platon et Sénèque ont élaboré leur
œuvre est passionnante, comme le sont les
textes consacrés à Jankélévitch, notamment
le commentaire de La Mort paru en
1966. « une pensée d’une implacable rigueur
sous une écriture foisonnante » ; cette
description du style de Jankélévitch s’applique
parfaitement à ce livre. Comment
ne pas s’émerveiller de la filiation qui
unit Bergson, Jankélévitch, Jerphagnon et
aujourd’hui onfray dont chacun fut disciple
du précédent avant, à son tour, de devenir
un maître ? Le lecteur prudent conservera
un dictionnaire à proximité ( certains termes
comme, palingénésie, semelfactif, ataraxie,
amphibolie, quodlibétale, ou apophase
peuvent susciter l’interrogation ) et rassemblera
ses souvenirs de collège pour comprendre
les citations latines que l’éditeur
n’a pas jugé utile de traduire. PC 214
bienvenue
Adhérer à la Société de lecture, c’est redécouvrir
le plaisir de lire dans un cadre somptueux et profiter de :
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Sur la route du
papier. Petit précis de
mondialisation III
Paris, Stock, 2012, 311 p.
Le papier est né en Chine, deux siècles
avant J.-C. Au VIIIe siècle, il a suivi la
route de la soie pour arriver aux arabes
qui s’en servirent notamment pour publier
les premières encyclopédies, longtemps
avant Diderot. Le caractère chinois pour
« papier » reprend d’ailleurs le caractère
« soie » avec un élément phonétique pour
la prononciation. Finalement, le papier
arrive en Europe par les ports de Venise et
de Gênes, puis par la production italienne.
Au XIVe siècle enfin, les européens décident
de fabriquer eux-mêmes leur papier avec
les moulins inoccupés durant l’hiver. Erik
orsenna, pour le troisième volet de son
périple consacré à la mondialisation, suit
très fidèlement ce trajet. Sac au dos, il
nous entraîne dans ses voyages aux quatre
coins du globe visiter le berceau du papier,
les lieux où il a grandi et où, aujourd’hui
il trouve une deuxième jeunesse. Car le
papier, fabriqué à base de pâte de bois, se
recycle plus ou moins bien. Il entraîne plus
ou moins de pollutions. C’est dans une
posture de Candide que l’auteur apprend
et rencontre des dizaines de personnes
passionnantes. Il écrit très bien, il sait
trouver les interlocuteurs les plus originaux
et les plus pertinents. Voici un livre riche
d’anecdotes et d’enseignements, à ne pas
manquer ! EA 675/3