Nuits d'été insolites

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Daniel Slowik :
Arras
NE gueule d’ange. Une voix haut
perchée. Un univers musical décalé, Upeuplé
de guitares très expressives.
Une inspiration à la fois romantique et
surréaliste où Marie « et son idéal qui
coule à flots » croise Robert « l’éteigneur de
réverbères ». Nous sommes à l’orée des années
quatre-vingt et un jeune auteur-compositeurinterprète
vibrionne sur la scène arrageoise. Daniel
Slowik a vingt ans et des poussières, le cœur
débordant d’étoiles, la tête pleine de chansons.
Arras
•
L’Écho du Pas-de-Calais n o 110 – Juillet-août 2010
« Reprenons Baudelaire
à ceux qui nous l’ont volé »
Le pied sur la pédale d’accélérateur…
et sur la pédale wahwah,
Daniel « fait deux fois »
le Théâtre d’Arras, entouré de
musiciens expérimentés
(Bernard Sergeant, Gino
Vallet) ; il sort aussi un beau
vinyle. Blanc. Suivent une
série de concerts : Bapaume -
où le papa est photographe -,
Frévent…, et des salons de la
poésie avec André Laflutte,
Jean-Luc Lécaillé. Tout va
très vite, trop vite ? Daniel
s’éloigne des couloirs de circulation
artistique. Il quitte
même la banque arrageoise où
il jonglait avec les chiffres
pour entamer en 1991 une
nouvelle carrière au journal
Nord Éclair à Roubaix. Dix
ans plus tard, devenu responsable
du personnel, il préfère
lâcher le quotidien… absorbé
par un grand groupe de presse.
Libérez les poètes !
La vie passe et il ne faut pas
rater les grands signes qu’elle
nous adresse. Signes du
destin. Un beau jour de 2003,
Daniel Slowik explore son
grenier et tombe sur un
recueil de poèmes de
Baudelaire.
« Il y eut
d’abord une
espèce de
répulsion et
finalement
j’ai lu Chant
d’automne,
explique-t-il.
Au bout du
poème j’étais
scotché. Je
comprenais tout ce qu’il avait
écrit. » Une révélation. Dans
la foulée, il relit Les Fleurs du
mal puis attaque Musset! «Là
j’ai repris ma guitare et des
musiques me sont venues. Des
sons d’enclume sur
Baudelaire, des voix sur les
mots de Musset. » Pas évident
de mettre les poètes du
XIX e siècle en musique mais
Daniel livre plus de soixante
partitions ! L’artiste veut
« sortir les
poèmes des
manuels
éducatifs et
les chanter à
la barbe des
grincheux. »
Avec un vrai
slogan:
« Reprenons
Baudelaire à
ceux qui nous
l’ont volé ». Loin du Barnum
des années quatre-vingt,
Slowik voyage en solitaire, fait
entrer vers et notes dans son
P.C. L’ordinateur lui obéit au
doigt, à l’œil et aux pieds des
alexandrins. Encouragé par
des amis, par des musiciens
professionnels, Daniel réalise
Chants d’automne, un album
concept de vingt titres, « une
ode mélancolique où les poètes
se répondent ». Musset,
Rimbaud,
Baudelaire,
Chénier, Hugo.
Un CD mis en
vente sur eBay!
« Pour le faire
connaître,
parce que les
maisons de
disques sont
loin des
poètes du
XIX e ! Il est introuvable ailleurs.
» Ça marche: Daniel a
semé ses Chants d’automne
dans toute la France, en
Allemagne, au Japon… Éloges
en pagaille.
Retour à l’écriture
La vie passe et repasse. Ainsi la
lecture « permanente » des
poètes a redonné le goût de
l’écriture à l’artiste… Vingt ans
après. Daniel est l’auteur de
neuf des quatorze chansons du
deuxième album, Frères
humains, paru en
2007. Il peut
côtoyer sans honte
Mallarmé, Léon
Deubel ou
Verhaeren. L’ADN
par exemple est
un texte fort sur
les gouttes de
sang que l’humanité
toute entière
a sur les mains, du
Golgotha à Enola Gay. Un
album aux climats sombres. Sur
une voie alternative, quelque
part entre Gérard Manset,
Leonard Cohen, Rodolphe
Burger. Et toujours en vente sur
eBay. Aujourd’hui, Daniel
Slowik travaille sur un nouveau
projet de CD, Le dernier souvenir.
Choisir parmi plus de 40
chansons! Il a énormément
écrit, « bossant tout seul et ne
rêvant que de rencontres »
comme celles qu’il a vécues sur
MySpace: Narga de Bordeaux,
Poetac de Marseille ou Michel
Houellebecq dont il a mis en
musique trois poèmes. « Je lui ai
écrit, il m’a dit oui en ajoutant:
‘Ma poésie est bizarre, votre
travail est bizarre, tout cela est
d’une cohérence parfaite!’ » Un
destin surprenant dans lequel
règne une vraie harmonie, tel
est Daniel Slowik, cinquante
ans et des poussières, le cœur
débordant d’étoiles, la tête
pleine de chansons.
Christian Defrance
http://www.myspace.com/
danielslowik
C’est avec la guitare du frangin, « JM», que Daniel
Slowik a créé ses premières chansons, et c’est avec la
complicité du frangin, professeur de maths et président
du foyer socioéducatif du lycée Robespierrre
d’Arras, qu’à partir de 2004 il a habillé musicalement et
poétiquement le spectacle printanier du réputé établissement
scolaire arrageois. « Quelle aventure! Une
grosse organisation tous les deux ans - l’édition 2010
n’a pas eu lieu - avec la participation des clubs chant,
théâtre, danse… du lycée ». En mai 2004, le spectacle
intitulé « Un chemin » a rempli deux fois le Casino
d’Arras (1500 personnes). « Ces voix » en 2006 et « Je
les ai vus » en 2008 ont reçu le même accueil enthousiaste.
Une grosse organisation et un énorme investissement
de la part des lycéens interprétant des chansons
de Daniel et des poètes du XIX e mis en musique
par Daniel. Chaque spectacle a donné lieu à des CD et
DVD. Inoubliables souvenirs pour les jeunes artistes
amateurs… au sens de « qui aiment ». Rien à voir avec
une quelconque académie de stars (même si Daniel «a
repéré des talents »), le spectacle du lycée Robespierre
d’Arras était un vibrant hommage à la poésie - « débarrassée
de ses scories scolaires et sortie des manuels
éducatifs » - et défendait une « certaine idée de la
chanson », celle qui reprend Baudelaire, Hugo,
Rimbaud, à ceux qui nous les ont volés.
http://www.myspace.com/jelesaivus
Photo D.R.