Téléchargez ici l'édition n° 13 (1178 Ko) - Orchestre national d'Ile-de ...
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6 IMPRESSION<br />
THEMA<br />
dans la musique classique et mo<strong>de</strong>rne, non pas<br />
<strong>de</strong> « s’aventurer », <strong>de</strong> « se risquer », dans la<br />
musique contemporaine mais d’y entrer <strong>de</strong><br />
plain-pied, c’est justice, et on ne peut que s’en<br />
réjouir.<br />
L’expérience d’une vie humaine, à condition<br />
qu’elle ait ses curiosités, c’est aussi que ce<br />
qui était au début, pour vous ou vos contemporains,<br />
inouï, surprenant, incompréhensible,<br />
si c’est digne <strong>de</strong> durer (on ne le sait qu’aprèscoup),<br />
cela <strong>de</strong>vient familier en restant inouï et<br />
surprenant, cela <strong>de</strong>vient compréhensible, tout<br />
en gardant son mystère.<br />
Rappelez-vous ce Sacre du printemps que<br />
vous auriez peut-être vilipendé en 19<strong>13</strong> – mais<br />
pas forcément non plus ! – et qui vous exalte<br />
aujourd’hui à chaque fois que vous l’enten<strong>de</strong>z!<br />
Dans le théâtre, il en va quelque peu autrement,<br />
aujourd’hui, en France, sans doute<br />
parce que les pouvoirs publics subvention-<br />
nent <strong>de</strong>s écritures dites « contemporaines »,<br />
dont la plupart date d’hier et d’avant-hier, et<br />
que révèrent entre eux leurs auteurs vieillissants.<br />
Peut-être en va-t-il ainsi <strong>de</strong> certains<br />
cercles <strong>de</strong> musique contemporaine, sauf qu’il<br />
me semble que, pour <strong>de</strong>s raisons d’effectifs<br />
et d’instrumentation, les œuvres musicales<br />
ont plus d’ampleur et <strong>de</strong> responsabilité esthétique<br />
que le théâtre, voire que la danse, où<br />
n’importe quel mouvement trouve toujours,<br />
surtout s’il est pauvre et répétitif, ses a<strong>de</strong>ptes<br />
béats. Car, malgré les apparences, c’est<br />
« Tout comme la musique traditionnelle agonise<br />
dans le nouvel analphabétisme <strong>de</strong> l’industrie culturelle,<br />
aujourd’hui qu’il y a <strong>de</strong>s chapelles, et non pas<br />
aux temps honnis. C’est aujourd’hui que j’aurais<br />
parfois envie <strong>de</strong> redire avec le poète russe<br />
Man<strong>de</strong>lstam : « Jamais je ne fus contemporain<br />
<strong>de</strong> personne, non… » !<br />
J’appelle « temps honnis » l’époque où, ayant<br />
traversé plus vite qu’on ne pense le langage<br />
tonal (une expression que Schönberg ni Berg<br />
n’aimaient), le dodécaphonisme ou le sérialisme,<br />
Pierre Boulez, Luciano Berio et<br />
Karlheinz Stockhausen, avec Giörgy Ligeti,<br />
faisaient entendre une musique nouvelle !<br />
il se peut que les efforts énormes que la nouvelle musique<br />
doit s’imposer et imposer à ses auditeurs soient eux aussi<br />
ruinés par la barbarie.» Adorno<br />
Luciano Berio. © Christopher Felver/Corbis