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Et d’habiter la Chine Tu es japonais Tu viens du Hokkaïdo Tu obéis aux ordres De ton moderne Daïmio et Tu massacres des Mandchous À travers l’Archipel, de Tarawa à Betio Tu viens du Dakota du Nord tu as vingt et un ans Tu te demandes encore Comment tu en es arrivé là, à Tarawa, à contempler le corps épars De tes camarades Un Japonais de dix-neuf ans s’est jeté, bardé de grenades Sous les chenilles de ton char Tu as vingt et un ans et tu ne sais trop Qui remercier parce que tu es encore vivant Si tu dois être heureux d’être encore vivant Tu t’appelles Gunter Tu viens du Bade-Würtemberg Tu es plongé dans une guerre terriblement meurtrière Tu As l’œil collé à une meurtrière du mur de l’Atlantique Tu y vois Des gens de ton âge sauter sur le sable d’une Plage Tu ne sais si tu vas pouvoir tirer sur eux pourtant Tu le feras Tu pleureras huit ans plus tard en voyant à la télévision Les débats de Nuremberg REIGEN ! REIGEN ! Éternelle ronde de millénaires carnages Danse éternelle et minuscule de mon message REIGEN ! Pagaille sans âge Ronde danse macabre Lourds candélabres Dépouille du monde Sans cesse à arracher une viande avariée à des os sans âge Sans cesse à caresser l’envers de son image Sans cesse À être là, à clamer son puéril désir d’amour À ressentir la vanité À goûter par le goulot L’étonnant culot d’exister [32]
Et cet homuncule est un jour parti vers les Indes Née- Rlandaises L’âme farcie de choses vaines et persuadé que la raison Comme la mousson est une affaire d’alizé de souterrains courants Du genre on coupe le fil en le serrant entre ses dents Vraiment dévoré par l’envie de dire et d’ignorer Car l’ignorance prête Au rire et la connaissance, quelle que soit sa nature, donne envie de pleurer Je tuerais bien le monde entier J’aimerais savoir le jour de ta naissance (je sais que c’est en mai) Aucune voix ne vient à mon secours quand je décide de bouffer mes comprimés Tout cela je l’ai écrit animé par une haine sans rage Tout ce dont j’ai parlé je ne l’ai pas senti Je me suis contenté des manuels d’histoire qui racontent la vie d’hommes qui, semble-t-il, furent en d’autres temps mes frères mais Comment puis-je vraiment souffrir avec eux seulement dans les livres ? Et si ils m’aiment vraiment Pourquoi ne m’accompagnent-ils pas ? Pourquoi ne marchent-ils pas à mes côtés Pourquoi ils sont pas là quand l’appartement est désert Pourquoi ils sont incapables de m’expliquer la raison pour laquelle Depuis l’enfance j’ai en moi cette envie de devancer le travail de la mort Pourquoi la souffrance des autres m’apparaît toujours méprisable comme une bête bonne à piquer Pourquoi ? Pourquoi ne sont-ils pas toujours là au bon moment Pourquoi ne sont-ils pas à mes côtés quand je me rends compte qu’il n’y a pas de bon moment [33]
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