Mise en page 1 - La Tribune

TOUT UN
PROGRAMME
MERCI
à nos partenaires, aux intervenants
et au public venu les écouter, les interpeller,
les bousculer.
Rendez-vous en 2013
pour une troisième édition encore plus riche.
Retrouvez les débats sur
acteursdeleconomie.kweeper.com
Des débats
pour
comprendre.
Etre
bousculé.
Grandir.
Et mieux
décider.
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PHOTOS © EMMANUEL FOUDROT
04 12 12
ens lyon
Le meilleur et le pire. En franc-maçonnerie, appréhender et
cerner le pire exigent préalablement de circonscrire et de comprendre
le meilleur. Ce meilleur, c’est “trouver son chemin”,
comme l’explique le vice-président du Grand Lyon et membre du
Grand Orient Jean-Michel Daclin. Un chemin qui peut recourir
dans certaines obédiences à un Grand architecte et donc à un ordre
exogène, mais communément est formé dans l’immanence, c’està-dire
qu’il invite à chercher les ressources et les réponses à l’intérieur
de soi, à s’approprier par soi-même les responsabilités, à
construire par soi-même le pouvoir, bref à assumer par soi-même
son devenir et à lorgner la sagesse, la droiture, la liberté dans une
préoccupation continue et humaniste du progrès. En cela, ce chemin
dit “d’émancipation des consciences” est en rupture avec la
foi chrétienne, fondée sur la transcendance. Ce chemin est également
pavé de règles “éthiques” de vie, celles notamment de l’exigence
ou de la tolérance, mais aussi de l’entraide et de la confraternité.
Des règles qui, dans le champ de l’entreprise et du
management, peuvent connaître des applications concrètes : le
silence, la maîtrise du temps, l’écoute, la collégialité et l’interactivité
décisionnelles, la préoccupation sociale, le souci d’une amplitude
mesurée des rémunérations, d’une redistribution généreuse,
et d’un exercice respectueux voire désincarné de la hiérarchie, le souhait
d’une organisation sinon démocratique au moins mobilisatrice,
le devoir de comprendre avant de juger. Un exercice illustre
concrètement ce cadre: la méthode dite “d’addition”, qui lors d’un
débat ou d’une réunion invite les participants à porter un éclairage
complémentaire des prises de paroles précédentes, et ainsi à produire
une décision collective enrichie de chaque contribution.
Comment ne pas me souvenir de la réaction de l’ancien président
de la CCI de Lyon Guy Mathiolon, franc-maçon assumé? J’avais
produit à son endroit une enquête très sévère, qui avait heurté le
corps social de son entreprise Serfim. Il réunit une quinzaine de
collaborateurs parmi les plus remontés, m’invita à débattre, et s’instaura
alors bien plus qu’une admonestation à mon égard: un dialogue,
la volonté de comprendre, la reconnaissance publique d’un
travail honnête. Nul doute que son éducation maçonnique lui avait
dicté cette manière constructive de réagir.
Collusions
Dans ces particularismes germent donc la vertu… mais aussi le
vice et le mal. Avec en toile de fond l’entremêlement de la fantasmagorie
et de la réalité. Devant des situations duales, qui exigent
un discernement et une intransigeance éthique, combien franchissent
la ligne? Or ces situations ne manquent pas. Donner la
priorité à un “frangin” (lors d’un recrutement ou d’un licenciement,
d’un appel d’offres public ou privé), employer son réseau
maçon à protéger ses intérêts, à étendre son influence ou à exploiter
une opportunité, s’entendre collectivement au détriment des
profanes… Où situe-t-on la démarcation entre l’acceptable et
l’amoral? A partir de quand la simple attention préférentielle pour
un “frangin” devient-elle favoritisme? Cette déviance est-elle plus
condamnable que celle à laquelle toute communauté d’idées est
Acteurs de l’économie n° 110 I Supplément Tout un programme I janvier 2013
FRANC MAÇONNERIE:
LE MEILLEUR
ET LE PIRE
De la vertu au vice,
un fil ténu
DENIS LAFAY
exposée? Après tout, la confraternité entre diplômés d’une même
école d’ingénieurs, entre membres du Rotary, entre disciples du
patronat chrétien, est-elle moins répréhensible? Faut-il éradiquer
les fraternelles – qui rassemblent des frères d’une même corporation
et entretiennent les collusions ? Certaines professions – de
magistrat, de policier, mais aussi de journaliste – n’exposent-elles
pas dangereusement l’intégrité des francs-maçons qui les exercent?
Et parce que l’exercice de l’autorité exige qu’il soit dépollué
de toute suspicion au sein de l’opinion publique, ces professions
ne sont-elles pas incompatibles avec le culte du secret et
l’opacité propres à la maçonnerie ? Comment, finalement, arbitre-t-on
pour que solidarité, influence, ambition ne deviennent
pas affairisme, abus de pouvoir, conflits d’intérêt, ou corruption?
“Médiocrité”
Des décideurs “frangins” le concèdent, tous les ingrédients sont
réunis pour que l’engagement personnel et éthique propre au cheminement
maçonnique soit interrogé, maltraité, même torturé
une fois appliqué au monde des affaires, au monde de tous types
d’influence. Ces mêmes décideurs reconnaissent les dérapages les
plus odieux lorsque l’appétit d’assouvir son intérêt personnel et
l’instrumentalisation du “réseau” dominent le respect des règles.
Alain Bauer, qui fut Grand Maître du Grand Orient de France de
2000 à 2003, n’avait-il pas exhorté à “karchériser” les loges pour
les vider des “corrompus” ? Or il semble que sur le terreau d’un
mouvement maçonnique dont l’influence s’assèche, dont l’envergure
des contributions décline, que les guerres, luttes de pouvoir
et rivalités claniques internes ont gravement intoxiqué, et qui n’est
bien sûr pas imperméable à tout ce qui pollue la société et l’éthique
des individus – marchandisation, dictature des réseaux, âpreté
concurrentielle, explosion des tentations matérielles, besoins de
représentation, etc. – l’espérance d’un sursaut soit faible.
Consanguinité, endogamie, et, soutient Alain Bauer, “médiocrité”
ou “moyenneté” des recrutements, amateurisme de nouveaux venus
peu rompus à l’exercice du pouvoir et à la culture politique, ont
conduit le mouvement maçonnique à être écarté de certains grands
débats de société. Pour lui qui fut à l’origine d’un si grand nombre
de lois qui révolutionnèrent et humanisèrent la société, le recul
est douloureux. “Le choix d’introniser des “ratés” de la vie politique
a produit des “ratés” de la maçonnerie”, claque Alain Bauer. La
faculté de certains maçons à vivre dans la négation même de ce
qu’ils sont venus chercher témoigne peut-être simplement que la
nature humaine n’est jamais irréprochable et domine les environnements,
les dispositifs, les rassemblements qui cherchent à la
nimber. D’ailleurs, a-t-on vu un seul chrétien ne pas pêcher ?...
Nul doute qu’Eric de Montgolfier, qui fut Procureur de la
République au Tribunal de grande instance de Nice de 1999 à
2011, devrait souscrire à la double conviction de Jean-Michel
Daclin selon laquelle “la culture locale imprègne l’exercice maçonnique”,
et “la France du nord n’a pas la même conception de l’éthique
que la France du sud, où l’existence de pratiques délictueuses voire
mafieuses n’est pas contestable”… I
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