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QUI EST VRAIMENT ANGELA MERKEL? - La Tribune

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L 15174 - 48 - F: 3,00 €<br />

« LA TRIBUNE S’ENGAGE AVEC ECOFOLIO POUR LE RECYCLAGE DES PAPIERS. AVEC VOTRE G<strong>EST</strong>E DE TRI, VOTRE JOURNAL A PLUSIEURS VIES. »<br />

LES SUPPLÉMENTS<br />

DE LA SEMAINE<br />

www.latribune.fr<br />

L’auteur de Comment la<br />

Chine change le monde<br />

décrypte les conséquences<br />

de Légende. l’ascension du pays au<br />

rang [CRÉDIT] de première puissance<br />

économique mondiale.<br />

<strong>QUI</strong> <strong>EST</strong> <strong>VRAIMENT</strong><br />

<strong>ANGELA</strong> <strong>MERKEL</strong> ?<br />

DÉCRYPTAGE<br />

RAPPORT LESCURE :<br />

ENTRE SYMBOLES ET<br />

NOUVELLES TAXES PAGE 9<br />

LA TRIBUNE DES MÉTROPOLES<br />

Marseille-Provence : les 30 PME les plus innovantes<br />

DU VENDREDI 17 AU JEUDI 23 MAI 2013 – N O 48 France métropolitaine - 3 €<br />

ENQUÊTE<br />

GARY KLESCH AU<br />

CŒUR DU DÉSASTRE<br />

DE KEM ONE PAGES 12-13<br />

Charles-Édouard<br />

Bouée<br />

« Passer du rêve<br />

chinois au rêve<br />

de la Chine. »<br />

PAGE 26<br />

De la jeune fille<br />

de l’Est passée par<br />

les Jeunesses<br />

communistes à la<br />

chancelière « normale »<br />

d’une Allemagne<br />

conquérante, un récit<br />

pour comprendre<br />

comment Angela est<br />

devenue Merkel, reine<br />

d’Europe.<br />

PAGES 4 à 7<br />

INNOVATION<br />

CITÉ VERTE<br />

<strong>La</strong> nature réinvestit nos villes<br />

EXCLUSIF<br />

LES EXTRAITS DU LIVRE<br />

DE FLORENCE AUTRET :<br />

« <strong>ANGELA</strong> <strong>MERKEL</strong>, UNE<br />

ALLEMANDE (PRESQUE)<br />

COMME LES AUTRES »<br />

LA FRANCE REGARDE<br />

PASSER LE TRAIN DES<br />

FABLABS PAGES 14-15<br />

© SCHLUETER/DDP IMAGES EDITORIAL/SIPA<br />

-JEWEL SAMAD/AFP


© SARRAMON-CARDINALE/AFP<br />

VENDREDI 17 MAI 2013 LA TRIBUNE<br />

<strong>La</strong> Provence de Bernard Tapie face au site Marsactu.fr de l’entrepreneur local Pierre Boucaud.<br />

Le « pure player » défend une ligne éditoriale très indépendante et fait figure de contrepoids face<br />

aux appétits de l’homme d’aaires. Marsactu a reçu la visite d’Edwy Plenel (Mediapart), tandis que<br />

Xavier Niel et Pierre Bergé seraient sur les rangs pour le soutenir.<br />

<strong>La</strong> Roche de Solutré.<br />

Montebourg comme<br />

Mitterrand Le redressement<br />

productif est un chemin pavé de<br />

pierres. Arnaud Montebourg<br />

en sait quelque chose : il<br />

remettra, ce dimanche, le label<br />

« Grand site de France » au site<br />

de « Solutré Pouilly Vergisson »<br />

dans ses terres de Saône-et-<br />

Loire, en compagnie de<br />

Delphine Batho. Ce lieu<br />

mythique du socialisme –<br />

François Mitterrand en fit<br />

l’ascension, chaque dimanche de<br />

Pentecôte, à partir de 1946 – est<br />

aussi « l’un des principaux<br />

gisements préhistoriques de<br />

France » (sic), dixit le<br />

communiqué de Bercy. Il aura<br />

l’honneur de se voir fouler par<br />

Arnaud Montebourg pour une<br />

ascension très médiatique, après<br />

le déjeuner…<br />

TOUS UNIS SUR<br />

LA LOI FLORANGE Le<br />

projet de loi sur la reprise<br />

des sites rentables,<br />

dit « Florange », sera<br />

déposé par tous les<br />

groupes de la majorité.<br />

C’est une première :<br />

François Brottes et<br />

Guillaume Bachelay,<br />

les deux rédacteurs<br />

socialistes, ont reçu<br />

l’accord de EELV, du PRG<br />

et même des trois<br />

députés MRC. En<br />

revanche, ils ont été<br />

surpris des critiques<br />

de <strong>La</strong>urence Parisot sur<br />

le projet : la patronne<br />

du Medef ne les a jamais<br />

rencontrés et n’a pas<br />

lu ce texte qui n’est pas<br />

encore finalisé.<br />

SOMMAIRE<br />

© ERIC PIERMONT/AFP<br />

COULISSES<br />

3 > Orange et Dailymotion tournent la page Yahoo<br />

et « calment le jeu ».<br />

L’ÉVÉNEMENT<br />

4 - 7 Moi, Angela Merkel, reine d’Europe…<br />

Les bonnes feuilles du livre de Florence Autret,<br />

correspondante de <strong>La</strong> <strong>Tribune</strong> à Bruxelles.<br />

LE BUZZ<br />

8 L’ŒIL DE PHILIPPE MABILLE<br />

France de jeunes et Allemagne de vieux.<br />

Web TV de latribune.fr<br />

Pierre Moustial, DG des opérations de<br />

VivaSanté : « L’automédication,<br />

c’est 1 milliard d’euros d’économies. »<br />

9 Rapport Lescure : entre compromis,<br />

symboles… et nouvelles taxes !<br />

10 Vers un nouveau contre-choc pétrolier…<br />

11 Champion ! Quelles retombées<br />

économiques pour le PSG ?<br />

Orange et Dailymotion tournent<br />

la page Yahoo et « calment le jeu »<br />

Lors d’un conseil<br />

d’administration<br />

spécial ce jeudi 16<br />

mai, Orange et sa filiale<br />

Dailymotion ont ociellement<br />

tourné la page<br />

Yahoo.<br />

Après l’échec des discussions<br />

avec le portail<br />

américain rebuté par la<br />

défiance exprimée par le<br />

ministre du Redressement<br />

productif, Arnaud<br />

Montebourg, l’opérateur<br />

télécoms s’est résolu<br />

à réinjecter du cash dans<br />

le site de vidéos.<br />

« Il y avait un processus<br />

de sortie qui n’aboutira<br />

pas. On calme le jeu et on<br />

donne six mois à un an au<br />

management pour se<br />

reconcentrer sur le business<br />

avant de relancer le<br />

processus de vente », explique un dirigeant de<br />

l’opérateur de télécommunications.<br />

Dailymotion, qui a réalisé en 2012 un chire<br />

d’aaires de 36,8 millions d’euros (en doublement<br />

en deux ans) et un résultat brut d’exploi-<br />

Stéphane Richard,<br />

PDG de France Telecom.<br />

<strong>La</strong>urence Parisot prépare le coup d’après<br />

« <strong>La</strong>urence va mieux,<br />

elle a digéré son échec<br />

pour postuler à un<br />

troisième mandat.<br />

Elle est déjà dans le<br />

coup d’après », arme<br />

un cacique du Medef. Au siège de<br />

l’organisation patronale, on<br />

remarque que l’actuelle présidente<br />

(jusqu’au 3 juillet) a retrouvé le<br />

sourire. « Elle prépare un coup<br />

pour sa sortie, elle s’exprimera vers<br />

Orange reste<br />

pourtant convaincu<br />

que Dailymotion<br />

a besoin d’un<br />

partenaire industriel<br />

américain.<br />

L’ENQUÊTE<br />

12 Kem One, un désastre inévitable ?<br />

ENTREPRISES & INNOVATION<br />

14 <strong>La</strong> France regarde passer le train des Fab<strong>La</strong>bs.<br />

TERRITOIRES / FRANCE<br />

16 Bordeaux lance des bateaux-bus hybrides,<br />

uniques au monde.<br />

17 <strong>La</strong> Bretagne s’amarre au port numérique mutualisé.<br />

18 Strasbourg déroule le tapis rouge<br />

pour les start-up techmeds.<br />

TERRITOIRES / INTERNATIONAL<br />

19 En Grèce, la privatisation annoncée de Hellinikon<br />

exacerbe la fronde.<br />

20 Liverpool vend des logements sociaux<br />

délabrés pour 1 livre !<br />

> ON EN PARLE À BRUXELLES<br />

Après l’auberge espagnole, la gasthaus bavaroise.<br />

© ERIC PIERMONT/AFP<br />

tation pour la première<br />

fois légèrement positif,<br />

aurait besoin d’une augmentation<br />

de capital de<br />

quelques dizaines de<br />

millions d’euros pour<br />

acheter davantage de<br />

contenus de qualité.<br />

Orange « fera face à ses<br />

enjeux d’actionnaire »<br />

assure-t-il. Cependant, il<br />

considère qu’il n’a pas<br />

vocation à rester à 100 %<br />

et que Dailymotion<br />

demeure « un investissement<br />

financier » qu’il a<br />

fait à la demande de<br />

l’État quand le FSI a<br />

voulu sortir du capital.<br />

Orange reste convaincu<br />

qu’il faudra un partenaire<br />

industriel américain<br />

à Dailymotion car le<br />

site a « besoin d’audience<br />

qualifiée et de contenus premium et c’est aux<br />

États-Unis qu’on les trouve », fait valoir ce dirigeant<br />

qui ironise : « Si l’on veut vraiment que<br />

Dailymotion reste franco français, on peut aussi<br />

le rebaptiser le “mouvement quotidien”. » <br />

la mi-juin, précise ce même cadre.<br />

Peut-être la création<br />

d’un think tank patronal à forte<br />

dimension européenne. En tout<br />

cas, pas question pour elle de<br />

quitter les feux de la rampe ».<br />

Certains, comme Pierre Bellon,<br />

(Sodexho), proposent même<br />

de lui confier une « présidence<br />

d’honneur ». Un poste qui n’existe<br />

pas, sauf à changer… les statuts du<br />

Medef !<br />

COULISSES 3<br />

LES ANALYSES<br />

21 Sauvés par la hausse des salaires allemands ?<br />

22 Que peut-on attendre de la deuxième conférence<br />

sociale ?<br />

LES IDÉES / LES CHRONIQUES<br />

23 Pourquoi il est nécessaire de consolider le budget.<br />

24 Un grand tournant, à découper suivant les pointillés.<br />

25 Un besoin urgent : repenser les processus d’invention.<br />

> Oui, la France peut attirer les investisseurs.<br />

L’INTERVIEW<br />

26 Charles-Édouard Bouée, président de la région Asie,<br />

Groupe Roland Berger Strategy Consultants :<br />

« Xi Jinping veut passer du rêve chinois<br />

au rêve de la Chine. »<br />

Bernard Tapie.<br />

EURONEXT TRÈS<br />

COURTISÉ Les couteaux<br />

s’aiguisent pour prendre<br />

le contrôle d’Euronext,<br />

qui devrait être cédé au<br />

début<br />

de 2014 par le marché<br />

américain ICE à l’issue<br />

de son ore d’achat sur<br />

Nyse-Euronext. Alors que<br />

les banques françaises et<br />

la CDC, poussées le<br />

Trésor à faire leur devoir<br />

et à stabiliser<br />

le capital de la bourse<br />

européenne, traînent<br />

des pieds, des fonds de<br />

capital-investissement<br />

sont en train de monter<br />

un tour de table pour<br />

ramasser la mise. À quel<br />

prix ? Le LSE, Nasdaq<br />

OMX et même Deutsche<br />

Börse sont aussi aux<br />

aguets et pourraient faire<br />

monter les enchères.<br />

Aéroports : et si Ayrault<br />

vendait ADP… À l’inverse<br />

de ce qui s’est passé sur le site de<br />

Notre-Dame-des-<strong>La</strong>ndes, pas de<br />

risque pour Jean-Marc Ayrault<br />

de voir une chaîne humaine<br />

encercler Orly ou Roissy lorsque<br />

le gouvernement vendra en<br />

Bourse ses parts dans ADP,<br />

contrôlé à 60 % par l’État et le<br />

FSI, un groupe en bonne santé.<br />

Une cession qui contribuerait au<br />

financement du grand plan<br />

d’investissement numérique<br />

annoncé par François Hollande.<br />

Le Téléthon de la BPI<br />

CDC Entreprises, une entité de<br />

bpifrance, la Banque publique<br />

d’investissement, lancera<br />

le 21 mai le premier fonds<br />

d’amorçage dédié aux<br />

biothérapies et aux maladies<br />

rares. Il sera financé par<br />

l’AFM-Téléthon et le Fonds<br />

national d’amorçage.<br />

© JACQUES DEMARTHON/AFP


4<br />

L’ÉVÉNEMENT<br />

59 % c’est la<br />

proportion d’Allemands qui<br />

voteraient Angela Merkel si l’élection du<br />

chancelier se faisait au surage direct, selon le<br />

sondage DeutschlandTrend de la chaîne ARD<br />

du mois de mai. Son concurrent, Peer<br />

Steinbrück, ne recueillerait que 28 % des voix.<br />

FLORENCE AUTRET<br />

Il fallait s’y attendre. Le virus<br />

germanophobe qui frappe le<br />

sud de l’Europe est en train<br />

d’atteindre la France via la rue<br />

de Solferino. Après avoir été<br />

accusée de manquer de leadership<br />

européen, Angela Merkel se voit<br />

taxer d’« intransigeance égoïste »<br />

par les ténors du PS.<br />

Même si le parti socialiste prétend<br />

n’attaquer qu’une politique « de<br />

droite », celle de la coalition dirigée<br />

par la chancelière, il vise tout autant<br />

l’Allemagne, ses excédents insolents<br />

et son taux d’emploi à faire pâlir<br />

d’envie. Quel intérêt peut bien présenter<br />

la charge du PS, sinon de<br />

flatter une germanophobie latente ?<br />

On est désormais très au-delà des<br />

slogans du candidat Hollande<br />

quand il annonçait qu’il allait renégocier<br />

le traité budgétaire demandé<br />

par Berlin et signé par Nicolas<br />

Sarkozy. À l’époque, le PS n’avait<br />

pas été capable d’écrire la première<br />

ligne du « mémorandum » sur le<br />

fondement duquel il entendait discuter.<br />

Pas de substance, juste le slogan<br />

du « pacte pour la croissance »<br />

auquel les économistes n’accordent<br />

aucune portée concrète.<br />

<strong>La</strong> chancelière n’a certes aucune<br />

anité particulière avec la France<br />

et cela ne rend pas la tâche de Paris<br />

facile. Entre Hollande et Merkel se<br />

joue l’éternel malentendu francoallemand,<br />

dans les formes, autant<br />

que sur le fond. Le président a tenté<br />

en vain de la convier à un dîner en<br />

tête à tête. À chaque rencontre, il<br />

butte sur sa redoutable sachlichkeit,<br />

cette manière bien à elle d’être<br />

concrète et pratique. Quand il<br />

arrive avec un propos politique, elle<br />

le reçoit avec une liste soigneusement<br />

préparée de demandes et de<br />

sujets qu’elle coche méthodiquement<br />

au fur et à mesure de l’entretien.<br />

Ce n’est pas que le dialogue<br />

entre elle et le nouveau président<br />

ait été rompu : il n’a jamais été établi.<br />

Jamais en tout cas au niveau<br />

d’ambition et de… sachlichkeit qui<br />

serait nécessaire pour aborder le<br />

sujet légitimement soulevé par les<br />

socialistes : la conciliation du<br />

désendettement et de la croissance.<br />

Paris serait bien avisé de se demander<br />

pourquoi le concert européen<br />

qui se joue à Bruxelles a fini par<br />

ressembler à une finale de la Ligue<br />

© POOL / BERTRAND LANGLOIS/AFP<br />

des champions comme celle qui<br />

opposera fin mai le Bayern et le<br />

Borussia Dortmund, à Wembley au<br />

Royaume-Uni.<br />

<strong>La</strong> chancelière a fait il y a longtemps<br />

le constat que la gouvernance<br />

européenne ne fonctionnait<br />

pas, parce qu’elle forçait à se porter<br />

garant de pays sans maîtrise sur<br />

leurs choix politiques. Pour cette<br />

raison, elle a rapatrié les pouvoirs à<br />

Berlin, faisant du Bundestag un<br />

Parlement européen bis. Que le<br />

reste du continent trouve la situation<br />

déplaisante est assez compréhensible.<br />

En même temps, qui a mis<br />

une idée sur la table pour sortir de<br />

cette impasse, sinon, encore, Angela<br />

Merkel avec son traité budgétaire ?<br />

L’ÉLYSÉE <strong>EST</strong> DÉSEMPARÉ<br />

DEVANT L’ÉNIGME <strong>MERKEL</strong><br />

Les technostructures se parlent<br />

encore, certes. Au ministère des<br />

Finances à Berlin, on s’amuse du<br />

fait que Wolfgang Schäuble passe<br />

plus de temps à parler avec son<br />

homologue Pierre Moscovici<br />

qu’avec aucun des ministres de la<br />

coalition noire-jaune à laquelle il<br />

appartient. Mais les liens étroits qui<br />

avaient été noués entre 2008<br />

et 2012 se sont défaits au hasard des<br />

mutations et de l’alternance. Du<br />

quadrige Musca (ex-secrétaire<br />

général de l’Élysée de Sarkozy),<br />

Fernandez (directeur du Trésor),<br />

Asmussen (ex-secrétaire d’État aux<br />

Finances désormais à la BCE),<br />

Weidman (ex-conseiller écono-<br />

«L’amitié franco-allemande<br />

est indispensable pour<br />

redonner un nouvel élan au<br />

projet européen et trouver les<br />

voies du retour de la croissance. »<br />

TWEET DE JEAN-MARC AYRAULT.<br />

mique de Merkel parti à la Bundesbank),<br />

il ne reste que le deuxième<br />

cheval. Depuis l’alternance française,<br />

l’attelage n’existe plus.<br />

L’Élysée est désemparé devant<br />

l’énigme Merkel. Et Merkel ellemême<br />

est embarrassée de cette<br />

incompréhension. « Au moins, à<br />

vous, ce n’est pas la peine d’expliquer<br />

l’Allemagne », aurait-elle dit au Premier<br />

ministre Jean-Marc Ayrault<br />

lors de leur rencontre, fin 2012. C’est<br />

peu flatteur pour les autres. Et que<br />

peut Ayrault face au ressentiment<br />

qui monte ? Or, il va probablement<br />

falloir compter avec elle encore<br />

quelque temps. Elle a connu trois<br />

présidents français, autant de Premiers<br />

ministres britanniques. Tous<br />

passent. Elle reste. Candidate aux<br />

élections du 22 septembre 2013, elle<br />

part ultra-favorite. Non que son<br />

parti, la CDU, soit au mieux de sa<br />

forme. Les démocrates-chrétiens<br />

ont accumulé les défaites depuis<br />

cinq ans aux élections régionales.<br />

Mais la popularité de leur présidente<br />

est intacte et même renforcée<br />

par les bourdes de son adversaire<br />

social-démocrate Peer Steinbrück.<br />

Tenue par l’arithmétique parlementaire,<br />

elle ne choisira pas<br />

forcément son allié de gouvernement,<br />

mais l’option la plus probable<br />

reste une nouvelle grande coalition<br />

avec les sociaux-démocrates. Une<br />

immense majorité d’Allemands,<br />

même de gauche, veut garder<br />

Merkel. Il serait peut-être temps de<br />

décrocher son téléphone. <br />

1<br />

LA TRIBUNE VENDREDI 17 MAI 2013<br />

Sortie du nucléaire<br />

Le 6 juin 2011, Angela Merkel décide<br />

pour l’Allemagne d’une sortie<br />

unilatérale du nucléaire, dès 2022. En<br />

octobre 2010, elle avait décidé de<br />

prolonger la durée de vie des centrales<br />

atomiques. Entre-temps, la catastrophe<br />

de Fukushima a modifié son point de vue.<br />

MOI, <strong>ANGELA</strong> <strong>MERKEL</strong>,<br />

Angela Merkel, une Allemande<br />

(presque) comme les autres<br />

« Sur la façade jaune pâle d’une maison patricienne de<br />

Templin, où elle a grandi, dans la plaine monotone du<br />

Brandebourg, on peut lire cette maxime attribuée à Saint<br />

François d’Assise : “Commence par faire le nécessaire, puis<br />

fais ce qu’il est possible de faire et tu réaliseras l’impossible<br />

sans t’en apercevoir.” […] » Tout Angela Merkel est résumé<br />

dans cette phrase citée par notre correspondante à<br />

Bruxelles, qui signe Angela Merkel, une Allemande<br />

(presque) comme les autres, publié chez Tallandier en ce<br />

mois de mai. Alors que plusieurs biographies paraissent<br />

en Allemagne, notamment sur le passé aux Jeunesses<br />

communistes de la jeune Angela Kasner dans l’ex-RDA des années 1970,<br />

la lecture du livre de Florence Autret, dont nous publions en exclusivité<br />

quelques extraits, permet de mieux comprendre le parcours exceptionnel<br />

de cette femme politique aujourd’hui la plus puissante d’Europe.<br />

© DR<br />

Angela Kasner, petite fille, en 1958.<br />

Ses parents ont quitté Hambourg pour l’Allemagne<br />

de l’Est quand elle n’avait que quelques mois.<br />

[ULLSTEIN BILD / ROGER-VIOLLET]<br />

L’ENFANCE<br />

AUX JEUNESSES<br />

COMMUNISTES<br />

Grandir fille de pasteur dans la RDA anticléricale<br />

des années 1960 n’était pas une<br />

sinécure. Pour obtenir la reconnaissance à<br />

laquelle ses excellents résultats scolaires<br />

lui donnent droit, la jeune Angela développe<br />

des talents de stratège et convainc ses<br />

parents de la laisser s’inscrire aux Jeunesses<br />

communistes.<br />

«En septembre 1961, quand le Mur est érigé,<br />

Angela a sept ans. Elle entre en primaire.<br />

L’école Goethe de Templin n’a pas encore<br />

été rebaptisée “Hermann Matern”, en souvenir de<br />

ce politicien social-démocrate devenu résistant<br />

antinazi puis membre du parti communiste estallemand<br />

et qui mourra en 1971. C’est une enfant<br />

visiblement douée pour apprendre. Son excellence<br />

scolaire va de pair avec une maladresse tout aussi<br />

extraordinaire qui confine, pour tout dire, à l’infirmité.<br />

Elle se qualifie elle-même de “petite idiote du<br />

mouvement”. […] Marcher sur un terrain en pente,<br />

emprunter un escalier restera pendant des années<br />

une source d’embarras. Cela ne posait pas vraiment<br />

de problème en famille où la performance sportive<br />

n’était pas vraiment une valeur suprême. Mais à<br />

l’école, il en allait tout autrement. L’État est-allemand<br />

avait fait sienne la maxime mens sana in corpore<br />

sano. Il exigeait, en matière sportive, de réelles<br />

performances de ses futures élites. <strong>La</strong> gaucherie<br />

d’Angela aurait pu lui coûter très cher. “Même à


VENDREDI 17 MAI 2013 LA TRIBUNE<br />

11 % c’est le<br />

taux de chômage de<br />

l’Allemagne en octobre 2005,<br />

lorsque Angela Merkel est<br />

devenue chancelière. En avril<br />

2013, ce taux se situait à 7,1 %<br />

(méthode nationale).<br />

REINE D’EUROPE...<br />

l’université, on ne pouvait pas obtenir son diplôme<br />

si on ne courait pas le 100 mètres dans un temps<br />

imparti”, racontera-t-elle. Elle arrivera finalement,<br />

à force d’entraînement, à passer sous la barre des<br />

16 secondes. Eût-elle échoué aux épreuves<br />

sportives, elle n’eût pas poursuivi d’études supérieures<br />

et n’aurait peut-être pas embrassé une<br />

carrière politique.<br />

L’occasion d’armer ses choix face à ses parents<br />

ne tarde pas à se présenter. Dans le cercle familial,<br />

la question s’est déjà posée de participer – ou non –<br />

à la Freie Deutsche Jugend (FDJ), l’organisation<br />

de jeunesse communiste qui concurrence les organisations<br />

traditionnellement pilotées par les<br />

Églises et fait oce, selon la terminologie alors en<br />

vogue, de “réserve de combat du parti”.<br />

En être ou ne pas en être est une forme de “statement”<br />

politique, fût-il implicite. C’est une antichambre<br />

du parti et un lieu d’endoctrinement ou<br />

les parents Kasner n’ont guère envie de voir évoluer<br />

leurs enfants. Dans un premier temps, la toute<br />

jeune Angela est donc vigoureusement dissuadée<br />

d’y participer. Mais après la première année d’école,<br />

les choses se présentent diéremment. <strong>La</strong> discussion<br />

doit être rouverte. <strong>La</strong> petite fille a beau être<br />

première de la classe, elle se voit dénier les récompenses<br />

qu’elle estime mériter. Et cela lui pèse.<br />

L’injustice est si flagrante que le “premier de la<br />

classe en titre” interroge lui-même la maîtresse<br />

alors qu’il vient de recevoir son prix. “Et Angela ?”<br />

<strong>La</strong> maîtresse lui répond : “Mais tu es le meilleur<br />

pionnier.” Tout est dit. Les collections de “1”, la<br />

meilleure note, n’y suffiront jamais. Pour être<br />

reconnu, il ne faut pas juste être un bon élève mais<br />

aussi un pionnier exemplaire. Ses parents laissent<br />

le choix à Angela. Elle décide d’y aller, en partie<br />

pour ne pas être brimée, en partie aussi parce<br />

qu’elle est friande d’activités de groupe.<br />

Et ses parents ne s’y opposent pas. Elle pourra dès<br />

lors porter la blouse bleue des FDJ. Elle y restera<br />

active jusqu’à la chute du Mur, y compris pendant<br />

ses années à l’Académie des sciences à Berlin, mais<br />

sans jamais devenir membre du parti. Un pied<br />

dehors, un pied dedans. L’art du compromis sans la<br />

compromission. Le choix du pragmatisme, plutôt<br />

que de l’opposition. […] »<br />

© SEAN GALLUP/AFP<br />

PEER STEINBRÜCK A ÉTÉ<br />

NOMMÉ CANDIDAT DES<br />

SOCIAUX-DÉMOCRATES À<br />

LA CHANCELLERIE. Il peine<br />

beaucoup à convaincre dans la<br />

campagne électorale. Lorsqu’il<br />

était ministre des Finances dans<br />

le premier gouvernement Merkel<br />

de 2005 à 2009, il était réputé<br />

très proche de la chancelière.<br />

Angela Merkel et son deuxième mari, Joachim Sauer. À gauche, en<br />

1989, lors d’une université d’été pour étudiants en chimie, dans la<br />

ville polonaise de Bachotek ; à droite, en 2007, au palais<br />

présidentiel polonais, lors d’une visite au président Lech Kaczynski.<br />

[AFP PHOTO / BOGUMIL JEZIORSKI / JANEK SKARZYNSKI]<br />

2<br />

PREMIÈRES ANNÉES<br />

BERLINOISES<br />

Arrivée à Berlin-Est en 1978, à 24 ans, pour<br />

y préparer son doctorat de physique, la<br />

jeune femme y connaît l’épreuve de la<br />

solitude, de l’ennui et de l’oppression liée à<br />

l’omniprésence du Mur.<br />

«À Berlin, Angela se met en route vers 6 h 15,<br />

de nuit, d’octobre à mars. En chemin, elle<br />

tente de trouver <strong>La</strong> Pravda. Le quotidien<br />

soviétique, édité par le parti communiste, est sa<br />

fenêtre sur le monde, son Herald <strong>Tribune</strong> d’Est-Allemande.<br />

Sa curiosité reste généralement insatisfaite.<br />

Les rares exemplaires sont déjà partis ou n’ont pas<br />

été livrés. “Les meilleures choses étaient toujours déjà<br />

épuisées”, dira-t-elle.<br />

Il lui faut une petite heure pour aller de son domicile<br />

jusqu’au quartier d’Adlershof, où se trouvent les<br />

laboratoires de recherche de chimie et physique,<br />

L’ÉVÉNEMENT 5<br />

«Le projet communautaire est aujourd’hui<br />

meurtri par une alliance de circonstance<br />

entre les accents thatchériens de l’actuel Premier<br />

ministre britannique et l’intransigeance égoïste de<br />

la chancelière Merkel. »<br />

PROJET DE TEXTE (CONTROVERSÉ ET DONC CORRIGÉ DEPUIS) DE LA DIRECTION DU PS.<br />

aujourd’hui rattachés à l’université Humboldt. Friedrichstrasse,<br />

OstKreuz, Treptow : la ligne de S-Bahn<br />

court littéralement le long du Mur, vers le Sud-Est.<br />

“Le trajet quotidien m’oppressait”, dira-t-elle. À<br />

l’impression de buter partout sur le Mur s’ajoute un<br />

sentiment d’isolement.<br />

Pendant ses années à Adlershof, Angela Merkel<br />

appartient à la majorité silencieuse. Intimement,<br />

elle est déjà convaincue des limites du système et<br />

rejette ses fondements. Elle analyse la situation. Elle<br />

exerce son esprit critique. Elle ne ferme pas les yeux.<br />

Mais elle se tait. Elle participe aux Jeunesses communistes<br />

(FDJ), qui font partie de l’appareil du parti.<br />

Elle s’y engage autant que cela est nécessaire pour<br />

sa survie sociale et le bon déroulement de ses études<br />

et de sa carrière. C’est un choix à la fois banal et<br />

rationnel, compréhensible. Le cas Havemann [un<br />

chimiste dissident d’Allemagne de l’Est] est là pour<br />

montrer les risques immenses que représentait la<br />

critique en public du dogmatisme et des mensonges<br />

du pouvoir. Elle veut réussir dans le système sans<br />

chercher à le changer de l’intérieur. Son intégrité<br />

physique et morale est son horizon politique. Elle<br />

attend que le système meure de lui-même. Elle<br />

éprouve le tragique de la situation. Mais elle ne se<br />

révolte pas. Elle observe.<br />

Cependant, la dissidence est un peu plus, dans sa<br />

vie, qu’un arrière-plan lointain. L’éviction de Robert<br />

Havemann, la déchéance de nationalité de Wolf<br />

Biermann, le départ, en 1977, de l’écrivain Reiner<br />

Kunze qu’elle a rencontré près de Leipzig, sont<br />

discutés dans le milieu intellectuel dans lequel elle<br />

baigne, en plus d’être relayés par la télévision ouestallemande<br />

qu’elle regarde.<br />

Peu avant la mort de Robert Havemann, elle fait la<br />

connaissance de son fils Utz. On est en 1981. Elle<br />

vient de quitter le domicile conjugal et s’en va squatter<br />

un appartement désaecté de Prenzlauer Berg.<br />

Utz fait partie de la petite troupe qui va l’aider à<br />

rénover et aménager son “château”. Il fallait un<br />

certain culot pour quitter son logement dans le<br />

Berlin des années 1980. […] »


3<br />

6<br />

L’ÉVÉNEMENT<br />

MOI, <strong>ANGELA</strong> <strong>MERKEL</strong>,<br />

REINE D’EUROPE<br />

Le 10 avril 2000, trois mois et demi après avoir publié sa célèbre<br />

lettre ouverte où elle appelle son parti à rompre avec Helmut Kohl,<br />

Angela Merkel est élue présidente de la CDU, à 46 ans. [MARTIN GERTEN/AFP]<br />

UNE DISCRÈTE ENTRÉE<br />

EN POLITIQUE<br />

Après la chute du Mur, la physicienne<br />

adhère à un tout petit parti proche de<br />

l’Église protestante, le Renouveau Démocratique<br />

(RD), qui sombrera avec son président<br />

Wolfgang Schnur, compromis avec la<br />

Stasi. Novice en politique, elle se fait une<br />

place dans le gouvernement Maizière, en<br />

1990. Ce sera sa porte d’entrée pour la CDU.<br />

« Les<br />

élections [du 18 mars 1990] ont consacré<br />

la victoire du parti du chancelier Helmut<br />

Kohl. Son homme fort en RDA, Lothar de<br />

Maizière, est chargé de constituer un gouvernement.<br />

Des négociations ont été engagées pour former une<br />

grande coalition avec les sociaux-démocrates. Le porteparole<br />

désigné du futur gouvernement, l’ancien<br />

journaliste Matthias Gehler, se cherche un adjoint.<br />

L’attribution du poste à un adé du SPD aurait été<br />

logique. Mais Lothar de Maizière écarte cette option<br />

et préfère se tourner vers un « junior partner », moins<br />

encombrant. C’est alors que Rainer Eppelmann, la<br />

nouvelle figure de proue du RD, avance le nom d’une<br />

illustre inconnue : Angela Merkel. […]<br />

Angela Merkel a 35 ans et des joues rondes qui lui<br />

en font paraître quinze de moins. Elle porte de<br />

longues jupes cousues à la main et des sandales de<br />

pèlerin. Cet accoutrement ne sera pas un obstacle à<br />

sa fulgurante ascension, mais il va lui coller à la peau<br />

et forger son identité d’outsider est-allemande jusqu’à<br />

ce qu’elle arrive au firmament politique de l’Allemagne<br />

fédérale. Au point qu’en 2012, un cabaret<br />

berlinois continuait de colporter cette blague : “Tu<br />

4<br />

sais ce que fait Angela Merkel de ses vieux vêtements ?<br />

Elle les porte !” Avec l’ore de l’équipe Maizière, elle<br />

tient l’occasion de passer du statut d’observateur à<br />

celui d’acteur. Par chance, les élections ont été avancées<br />

de mai à mars si bien qu’il lui reste plus d’un mois<br />

de congé sabbatique. Elle peut se permettre de tenter<br />

l’expérience sans compromettre son poste à l’université.<br />

Pourtant, elle hésite.<br />

Finalement, plusieurs jours après avoir reçu la<br />

proposition de Gehler, elle lui écrit pour lui dire sa<br />

gratitude et son enthousiasme. C’est « oui » mais elle<br />

doit encore disposer de quelques jours de liberté avant<br />

de commencer. Elle a un plan plus urgent : passer un<br />

moment à Londres avec son compagnon Joachim<br />

Sauer. Désireuse de jouir de sa liberté nouvelle, elle<br />

s’ore le luxe de s’exonérer de la cérémonie d’investiture<br />

du gouvernement dont elle vient pourtant d’être<br />

nommée porte-parole adjointe !<br />

Tout Merkel, ou presque, se trouve déjà dans ces premières<br />

semaines en politique : son zèle et sa précision<br />

qui la font remarquer et apprécier, son sens du juste<br />

moment pour se placer, sa prudence à l’égard des appareils<br />

des partis, son goût de la communication, son art<br />

de passer inaperçue et de paraître inoensive, son sangfroid<br />

aussi, pendant le limogeage de Wolfgang Schnur,<br />

et même, à travers cette escapade londonienne, ce qui<br />

ressemble au regret, vite refoulé, de ne pouvoir se<br />

contenter du bonheur d’exister. […] »<br />

SOBRIÉTÉ ET IRONIE<br />

D’UNE CHANCELIÈRE<br />

Plus encore que le programme de son parti,<br />

c’est la personnalité de la chancelière qui<br />

explique sa popularité. Rarement on aura<br />

observé, au sommet de l’État, si peu de<br />

vanité et un sens de l’ironie aussi aiguisé.<br />

«À la chancellerie, Gerhard Schröder recevait<br />

souvent renversé en arrière dans son<br />

fauteuil, le cigare aux lèvres, impeccable dans<br />

son costume Brioni. Elle préfère faire s’asseoir ses<br />

visiteurs à la table de réunion située près de l’entrée de<br />

son immense bureau de 140 mètres carrés. Lui abordait<br />

souvent les sujets “à l’instinct”. Elle décortique minutieusement<br />

les notes de ses services avant la réunion,<br />

ce qui ne l’empêche pas de s’en remettre parfois à son<br />

sens aigu du pouvoir. Elle entame les réunions avec un<br />

ordre du jour précis sous les yeux. “Elle connaît tout,<br />

jusqu’au moindre détail” est la réflexion qui revient le<br />

plus souvent dans la bouche de ses interlocuteurs. Elle<br />

ne maîtrise pas seulement le fond des dossiers, mais<br />

aussi la position politique de ses interlocuteurs, leurs<br />

marges de manœuvre, et par conséquent la manière de<br />

les faire bouger. “Elle ne lâche jamais rien. C’est épuisant”,<br />

note une source française entre agacement et<br />

admiration. Les aimables échappées discursives sur le<br />

destin du monde ne lui disent rien. […]<br />

Les inconditionnels sont nombreux. Michel Barnier,<br />

qui l’a connue dans sa période “bonnoise” quand il était<br />

LA TRIBUNE VENDREDI 17 MAI 2013<br />

ministre de l’Environnement d’Édouard Balladur, ne<br />

tarit pas d’éloges sur sa connaissance des dossiers et<br />

son calme. Même admiration chez l’ancien ministre<br />

des Aaires européennes, Alain <strong>La</strong>massoure, un autre<br />

des rares fidèles français des réunions du PPE. “Elle<br />

est toujours très simple et pleine de sang-froid. Je n’ai<br />

jamais vu cette femme manifester un mouvement d’impatience.<br />

Elle a un très grand contrôle d’elle-même”,<br />

dit-il. […]<br />

Ceux qui la pratiquent dans les cercles européens<br />

ont d’abord été surpris par tant de sobriété et de<br />

sérieux. Ils s’y sont faits. C’est qu’elle sait aussi être<br />

irrésistiblement drôle. […] Pendant le sommet européen<br />

de décembre 2012, la chancelière est assise à la<br />

table du Conseil quand le Premier ministre néerlandais,<br />

Mark Rutte, vient prendre place à côté d’elle. Son<br />

carnet de notes marque un angle saillant dans la poche<br />

de son pantalon. Derrière eux, le cameraman chargé<br />

de filmer les arrivées surprend alors dans la bouche de<br />

la chancelière cette célèbre réplique de Mae West : “Is<br />

that a gun in your pocket, or are you just glad to see<br />

me ?” Le Batave reste interdit.<br />

Les blagues de Merkel sont meilleures que celles<br />

que l’on raconte à son sujet, assure la journaliste<br />

Evelyn Roll. Alors qu’elle est déjà présidente de la<br />

CDU, elle se fait mordre par un chien pendant une<br />

promenade à vélo. <strong>La</strong> voilà harcelée par la presse qui<br />

la soupçonne d’avoir monté cette aaire de toutes<br />

pièces pour attirer l’attention. <strong>La</strong>ssée de ces assauts,<br />

elle finit par lâcher : “À la fin, c’est à se demander si ce<br />

n’est pas moi qui ai mordu le chien.” Elle aime pardessus<br />

tout saisir l’ironie d’une situation. Pendant la<br />

crise bancaire, sa blague préférée est : “Quelle est la<br />

diérence entre le socialisme et le capitalisme ? Dans<br />

le socialisme, on commence par nationaliser et la ruine<br />

vient ensuite.”<br />

“Elle s’amuse”, pense un élu CDU. “Il y a bien sûr des<br />

moments d’agacement, des moments d’épuisement aussi<br />

naturellement, à cause du rythme eréné. Mais fondamentalement,<br />

elle s’amuse depuis ses débuts.” […] »<br />

Le 22 novembre 2005, elle parvient enfin à se faire<br />

élire chancelière par le Bundestag, à la tête d’une<br />

coalition avec les socio-démocrates. Gerhard<br />

Schröder lui passe le relais. [AKG-IMAGES / ULLSTEIN BILD]


VENDREDI 17 MAI 2013 LA TRIBUNE<br />

5LE CHOC DE LA CRISE<br />

FINANCIÈRE DE 2008<br />

Le jour même où elle saborde le premier<br />

sommet de crise européen organisé par<br />

Nicolas Sarkozy, la chancelière est rattrapée<br />

par la gravité de la situation bancaire<br />

en Allemagne.<br />

« Pendant ces terribles semaines de 2008 où<br />

l’économie mondiale menace de sombrer<br />

sous le choc que provoqueraient des faillites<br />

bancaires en chaîne, Nicolas Sarkozy assure la présidence<br />

de l’Union européenne. Il prend le taureau par<br />

les cornes et imagine de réunir à Paris les principaux<br />

dirigeants européens pour articuler une réponse<br />

politique à cette déferlante. François Pérol, secrétaire<br />

général adjoint de l’Élysée, et Xavier Musca, alors<br />

encore directeur du Trésor, sondent Berlin. L’accueil<br />

est glacial. <strong>La</strong> chancelière est “résolument hostile”,<br />

rapporte un des missi dominici du président. <strong>La</strong> chancelière<br />

ne voit pas l’utilité d’une réunion.<br />

Elle a besoin de temps pour réfléchir à la bonne<br />

manière de procéder. Elle est agacée par l’activisme de<br />

son homologue français. Sa plus proche conseillère,<br />

Beate Baumann, est totalement dépourvue d’expérience<br />

en matière financière. Berlin est loin des<br />

marchés. <strong>La</strong> chancelière ne sait pas ce qu’il faut décider.<br />

Elle sait que le problème est profond. Il va falloir éponger<br />

– on ne sait trop comment – l’immense mare fétide<br />

des non-valeurs cachées par paquets de centaines de<br />

milliards depuis quinze ans. Les pertes – on le<br />

pressent – seront immenses. Mais que faut-il faire<br />

maintenant face à un problème structurel ? Comment<br />

concilier le court et le long terme ? Paris pousse pour<br />

un plan d’ensemble pour le secteur bancaire européen,<br />

une action rapide, coordonnée, assise sur des moyens<br />

pratiquement illimités. […]<br />

Le 4 octobre, Angela Merkel arrive donc au premier<br />

sommet d’urgence convoqué par Nicolas Sarkozy,<br />

“convaincue qu’il faut absolument qu’elle résiste à tout<br />

plan”, raconte un participant. <strong>La</strong> rencontre entre le<br />

président de la Banque centrale européenne, Jean-<br />

Claude Trichet, celui de la Commission européenne,<br />

José Manuel Barroso, et les trois chefs de gouvernement<br />

des plus grands pays européens dont le Britannique<br />

Gordon Brown, ne débouche sur rien de concret.<br />

Elle exprime plus de stupeur que de détermination.<br />

Pourtant, quelque chose a changé cet après-midi du<br />

4 octobre. Vers 16 heures, pendant la conférence de<br />

presse finale, les portables des deux aides de la chancelière,<br />

Jens Weidmann [son conseiller économique<br />

et futur président de la Bundesbank] et Jörg Asmussen<br />

[secrétaire d’État aux Finances et futur membre du<br />

directoire de la Banque centrale européenne], se<br />

mettent à vibrer : HypoRealEstate, un holding de<br />

banques spécialisées dans le crédit immobilier, est en<br />

train de replonger et risque la faillite dans les heures à<br />

venir s’il ne reçoit pas de nouvelles injections de cash.<br />

Deux semaines plus tôt, HRE avait déjà absorbé une<br />

ligne de crédit de… 35 milliards d’euros débloquée en<br />

urgence par le gouvernement fédéral et un consortium<br />

de banques. De nouveau, rien ne va plus. “On était dans<br />

la m…”, rapporte un participant.<br />

Dans le vol qui la ramène à Berlin le samedi en fin<br />

d’après-midi, la chancelière écoute, consulte et s’informe.<br />

Elle sent la pression politique monter. Le<br />

dimanche des élections régionales se déroulent en<br />

Bavière et un sommet de la coalition avec les sociauxdémocrates<br />

à Berlin. Vu les sommes en jeu, la débandade<br />

bancaire est grosse d’une crise interne majeure si<br />

l’on continue à réagir au coup par coup. Le moment se<br />

rapproche d’une explication devant le Bundestag. Pour<br />

HRE l’urgence commande une rallonge. Ce sera la<br />

dernière, se promet-on à la chancellerie. Il faut un plan<br />

d’ensemble.<br />

En juin 2007, Angela Merkel reçoit les dirigeants du G8<br />

à Heiligendamm au bord de la Baltique. De gauche à droite :<br />

Nicolas Sarkozy, Vladimir Poutine, George W. Bush et Tony Blair.<br />

[AKG-IMAGES/RIA NOWOSTI]<br />

<strong>La</strong> chancelière laisse alors la main à son allié socialdémocrate<br />

Peer Steinbrück. Tard dans la soirée de<br />

dimanche, le ministre des Finances planche, aux côtés<br />

du dirigeant du géant de l’assurance Allianz et ancien<br />

de Goldman Sachs, Paul Achleitner, de Martin Blessing,<br />

alors porte-parole de Commerzbank, de Jens Weidmann,<br />

du secrétaire d’État Jörg Asmussen et d’Axel<br />

Weber, le président de la Bundesbank. L’objet des<br />

discussions : un “bouclier” pouvant protéger tout le<br />

secteur, autrement dit une pompe à liquidité, sinon<br />

illimitée, au moins colossale.<br />

Le 5 octobre, lendemain du sommet de Paris, le<br />

ministre des Finances commence par convoquer la<br />

presse : l’État fédéral garantit l’épargne des Allemands,<br />

dit-il. <strong>La</strong> priorité est d’éloigner le risque de bank run.<br />

Puis il poursuit la préparation du plan de sauvetage,<br />

dans le plus grand secret et le plus vite possible, comme<br />

le lui demande la chancellerie.<br />

L’eet produit par la rechute de HRE n’a pas échappé<br />

à l’Élysée. Nicolas Sarkozy n’a pas renoncé à son plan<br />

européen. “Les Allemands avaient compris qu’ils<br />

avaient eux-mêmes un problème et que ce n’était pas<br />

une externalisation du problème français”, résume une<br />

source française. Le 12 octobre, un sommet des chefs<br />

d’État et de gouvernement de toute la zone euro, cette<br />

fois-ci, adopte un long communiqué en cinq pages<br />

déclinant l’ensemble des mesures à prendre pour<br />

calmer le jeu. […] »<br />

L’ÉVÉNEMENT 7<br />

6<br />

FACE À LA CRISE<br />

DE L’EURO<br />

Il est impossible de comprendre la « lenteur<br />

» de la chancelière sans mesurer sa<br />

défiance à l’égard du système européen.<br />

«Après le choc de décembre 2009, la chancelière<br />

décide de “s’imposer dans le système”.<br />

“Elle a cherché à calmer le jeu, pas pour<br />

contrôler le système, mais pour s’assurer qu’il aille à sa<br />

vitesse et à sa mesure”, raconte un observateur privilégié<br />

de ces années de tempête. Au début de 2010 “a<br />

commencé à apparaître, en termes communautaires, une<br />

diculté que les Français, les Italiens, les Anglais ne<br />

comprenaient pas, ce qu’ils ont appelé la lenteur<br />

allemande”, nourrie d’une profonde défiance à l’égard<br />

de Bruxelles. […]<br />

Angela Merkel est seule. Seule face à son allié de<br />

coalition, le FDP, qui commence à surfer sur la vague<br />

de l’euroscepticisme. Seule face à une Commission<br />

européenne en laquelle elle n’a pas confiance. Seule<br />

face au men’s club des dirigeants européens qui ont<br />

laissé pourrir la situation. Elle n’a pas confiance dans<br />

les solutions avancées par Paris. Elle est, enfin, désemparée<br />

face à une situation inédite. […]<br />

Elle commence par creuser le diagnostic, à sa<br />

manière, en rassemblant des données. Elle commande<br />

une analyse précise de la manière dont a été mis en<br />

œuvre le pacte de stabilité et de croissance et découvre<br />

à quel point il a été foulé aux pieds. “Ce n’est pas possible.<br />

À plus de 50 reprises, les échéances fixées dans le<br />

cadre du pacte de stabilité et de croissance [pour corriger<br />

les déficits] n’ont pas été respectées”, s’indignera-t-elle<br />

devant le Bundestag. […] Mais un constat ne fait pas<br />

une politique. Elle hésite. Elle ne sait comment<br />

convaincre son opinion qu’il faut garder la Grèce pour<br />

garder l’euro. Elle ne veut pas laisser la machine européenne<br />

passer hors de son contrôle, car perdre le pouvoir<br />

à Bruxelles, c’est le faire perdre au Bundestag,<br />

autrement dit signer son arrêt de mort politique. […]<br />

Le 8 juillet 2012, à Reims, la chancelière<br />

et le président Hollande recomposent,<br />

soixante ans après De Gaulle et Adenauer,<br />

le couple franco-allemand. [FRANCOIS NASCIMBENI/ POOL/AFP]<br />

Pendant les premiers mois de 2010, la réconciliation<br />

entre la contrainte interne et celle de la crise prend un<br />

nom : le cas de force majeure “Quand la Grèce ne peut<br />

plus se refinancer sur les marchés, ce n’est plus le problème<br />

de la Grèce, seulement, mais le point de départ de conséquences<br />

imprévisibles pour l’ensemble de la zone euro…<br />

En agissant nous protégeons notre monnaie”, explique la<br />

chancelière le 5 mai devant le Bundestag. […]<br />

Il a existé sur ce point une entente profonde entre elle<br />

et le président français, jusqu’à l’alternance de mai 2012<br />

en France. Nicolas Sarkozy a eu beau jouer le rôle<br />

d’aiguillon, il s’est plié au rythme et aux contraintes<br />

exaspérants de son homologue allemande. “<strong>La</strong> chancelière<br />

nous disait : ‘À supposer même que je fasse ces choses<br />

que je ne trouve pas totalement raisonnables, quelqu’un<br />

fera un recours devant la Cour constitutionnelle. Il<br />

gagnera et à ce moment-là, qu’est-ce qui se passera ?’ Sa<br />

vraie force a souvent été sa faiblesse”, dit l’ancien secrétaire<br />

général de l’Élysée, Xavier Musca […]. » <br />

FLORENCE AUTRET


8<br />

LE BUZZ<br />

IL A OSÉ LE DIRE<br />

LA TRIBUNE VENDREDI 17 MAI 2013<br />

« J’ai dirigé Bercy par le passé et c’est vrai que Bercy a besoin d’un patron.<br />

Là, vous [en] avez plusieurs et quelle que soit la qualité des hommes et des femmes et leur degré<br />

d’entente, je pense qu’une coordination plus forte serait utile. » LAURENT FABIUS, SUR RTL, LE 14 MAI 2013<br />

L’ŒIL DE PHILIPPE MABILLE<br />

DIRECTEUR ADJOINT DE LA RÉDACTION<br />

France de jeunes et Allemagne de vieux<br />

C ’est<br />

la nouvelle thèse à la mode au sein du<br />

parti socialiste qui inspire le discours antiallemand<br />

et anti-Merkel. Entre l’Allemagne<br />

et la France, on pourrait même dire entre<br />

l’Europe du Nord et l’Europe du Sud, les<br />

intérêts divergeraient de plus en plus parce que la démographie<br />

européenne est coupée en deux.<br />

En gros, comme l’a expliqué récemment<br />

Arnaud Montebourg devant une assemblée<br />

choisie – le dîner du Cercle de la<br />

Revue des deux mondes, présidé par<br />

Marc <strong>La</strong>dreit de <strong>La</strong>charrière, le 25 avril<br />

dernier –, un nouveau mur serait en<br />

train de s’ériger en Europe, entre les<br />

pays jeunes et les pays vieux.<br />

LE DIVORCE CROISSANT que l’on<br />

constate entre une Allemagne vieillissante<br />

tétanisée par la crainte d’une inflation,<br />

qui a besoin de taux d’intérêt élevés<br />

et d’une monnaie forte pour ses rentiers,<br />

et une France à la tête des pays « jeunes » du Sud, qui a besoin<br />

de taux bas et d’une monnaie « faible » pour relever son<br />

industrie, serait le nouvel horizon irréconciliable de la politique<br />

européenne. Cela va bien plus loin encore que la critique<br />

de l’austérité, réelle en Grèce, au Portugal, en Espagne<br />

et en Italie, encore largement supposée en France où, à part<br />

sur le plan fiscal, on cherche encore quelles mesures dures<br />

ont bien pu être prises par François Hollande depuis un an.<br />

Ce nouveau discours, dont les arguments démographiques<br />

sont fondés – l’Allemagne elle-même reconnaît que la politique<br />

familiale est la seule vraie réussite du modèle français<br />

«Les déficits, ce<br />

sont d’abord et<br />

avant tout des déficits<br />

d’emplois. Remporter<br />

cette bataille, comme<br />

l’Allemagne a su<br />

le faire, est le seul<br />

combat qui compte. »<br />

et constitue son principal échec – est intéressant. Mais il n’est<br />

guère opérant, sauf à en conclure un divorce inévitable à<br />

terme entre les deux pays, c’est-à-dire l’éclatement de l’euro<br />

par la sortie de l’un ou de l’autre des partenaires. Or, ni la<br />

France, ni l’Allemagne, qui fêtent cette année le cinquantième<br />

anniversaire du traité de l’Élysée, ne le souhaitent.<br />

L’avenir est plus constitué de ce qui nous<br />

rapproche que de ce qui nous divise.<br />

François Hollande, qui a rencontré mercredi<br />

15 mai toute la Commission européenne,<br />

avant de revenir à Paris défendre<br />

ses choix devant des parlementaires<br />

socialistes au bord de la rupture avec son<br />

gouvernement et de tenir sa deuxième<br />

conférence de presse à l’Élysée, va devoir<br />

lutter contre cette nouvelle doxa antiallemande,<br />

qui ne change rien à la réalité<br />

française. Avec ou sans l’Allemagne, avec<br />

ou sans l’euro, la France a une dette qui<br />

dépassera, avant le milieu de la décennie,<br />

les 100 % de sa richesse nationale, et des<br />

déficits qu’il faudra bien combler.<br />

Plutôt qu’à un divorce avec l’Allemagne, c’est plutôt à une<br />

explication de texte avec sa propre majorité que le chef de<br />

l’État est condamné pour les mois qui viennent. À moins qu’il<br />

ne soit d’accord avec Arnaud Montebourg, mais alors il va<br />

falloir qu’il le dise à Jean-Marc Ayrault ! Dans son combat<br />

pour réorienter l’Europe, François Hollande a pourtant déjà<br />

remporté une victoire inattendue puisque Bruxelles vient<br />

de donner deux ans à la France pour revenir sous les 3 % du<br />

PIB de déficit. Un cadeau inespéré qui montre que la commission<br />

de Bruxelles n’est pas aussi stupide et bornée qu’on<br />

WEB TV / LA TRIBUNE DES DÉCIDEURS en partenariat avec<br />

Le Premier ministre doit présenter<br />

un plan d’investissement pour la<br />

santé. Qu’en attendez-vous ?<br />

Il faut absolument que soit pris en compte<br />

le secteur du dispositif médical. <strong>La</strong> santé,<br />

ce n’est pas que les médicaments. Les pansements,<br />

la radioscopie, la visite à domicile…<br />

Toutes ces activités connaissent une<br />

croissance importante, et méritent l’attention<br />

des pouvoirs publics. De plus, en<br />

France l’innovation dans la santé est difficile<br />

: quand en Allemagne on peut lancer<br />

un produit innovant en un jour, en France,<br />

cela peut prendre jusqu’à deux ans, à cause<br />

d’une législation compliquée, parfois<br />

même contradictoire. Il faudrait mettre<br />

un grand coup de pied là-dedans, pour que<br />

les entreprises françaises puissent jouir<br />

de leur propre marché pour mieux exporter.<br />

Et mettre fin à ce que j’appelle les<br />

droits de douane à l’envers. De plus, nous<br />

avons en France la main-d’œuvre la plus<br />

chère du monde. Il faut donc faire les produits<br />

les plus innovants et les plus chers<br />

du monde.<br />

Comment faire des économies ?<br />

On travaille sur des solutions de télémédecine,<br />

adaptées au besoin croissant des patients<br />

à domicile. C’est un gisement d’économies<br />

énorme au regard du coût de<br />

l’hospitalisation. Cela peut également pas-<br />

ser par la création d’« aiguilleurs médicaux<br />

» qui éviteraient les erreurs de service,<br />

les transferts coûteux. Une autre voie serait<br />

la démocratisation de l’automédication<br />

pour les « petits risques » – rhumes, allergies…<br />

– car le pharmacien est compétent<br />

pour conseiller les patients sur ces pathologies.<br />

Cela éviterait le triple coût d’une<br />

visite chez le médecin, du soin et de l’absentéisme.<br />

On peut générer 1 milliard d’euros<br />

d’économies grâce à cette médication responsable.<br />

Comment voyez-vous l’avenir pour<br />

l’industrie pharmaceutique ?<br />

Il y a un réel potentiel de croissance en<br />

a bien voulu le dire, et que l’Allemagne de Merkel n’est ni<br />

intransigeante, ni égoïste. Elle est juste inquiète des retards<br />

français. Avec ce délai, le gouvernement Ayrault, même<br />

remanié avec enfin un vrai (et nouveau ?) patron à Bercy, a<br />

tout le temps nécessaire pour prendre les mesures internes<br />

susceptibles de ranimer une croissance défaillante.<br />

PRENONS LE DOSSIER DES RETRAITES, qui fait si peur<br />

qu’on semble s’orienter vers une simple réforme financière<br />

destinée à reboucher un trou de 20 milliards d’euros à<br />

l’horizon 2020. Redonner aux Français de la visibilité à<br />

long terme sur ce sujet clé est pourtant le meilleur moyen<br />

de ramener la confiance qui fait défaut à un pays en grande<br />

dépression. Les entreprises se plaignent de manquer de<br />

prévisibilité du fait d’une politique fiscale et sociale qui<br />

change tout le temps. Mais pour les ménages, c’est la même<br />

chose. Qui peut dire sérieusement qu’une réforme des<br />

retraites est une contrainte imposée par le grand méchant<br />

marché, le grand méchant Bruxelles et la grande méchante<br />

Merkel, dont nous racontons la vie dans ce numéro.<br />

C’est bien au contraire une opportunité pour remettre à<br />

plat un problème que nous sommes l’un des rares pays à<br />

devoir remettre sur la table tous les cinq ans, voire moins<br />

(2003, 2008, 2010). Pourtant, comme on l’a évoqué plus<br />

haut, la France bénéficie dans ce domaine d’une démographie<br />

bien plus favorable que celle de l’Allemagne. Mais<br />

une telle réforme n’est possible que si la France résout<br />

en même temps son problème d’emploi. Tout est lié. Les<br />

déficits, ce sont d’abord et avant tout des déficits d’emplois.<br />

Remporter cette bataille, comme l’Allemagne a su<br />

le faire avant nous, est le seul combat qui compte. Reste<br />

à s’en donner vraiment les moyens. <br />

« L’automédication, c’est 1 milliard d’euros d’économies »<br />

Pierre Moustial, DG des opérations de VivaSanté, et directeur des laboratoires Urgo,<br />

a répondu aux questions des internautes dans le cadre de l’émission de latribune.fr.<br />

France sur le secteur du dispositif médical.<br />

Les solutions techniques de start-up qui<br />

révolutionnent la biopsie par exemple, ou<br />

qui reconstituent des os avec des biomatériaux<br />

représentent, un levier incroyable.<br />

Il faut préserver les atouts de la France, ces<br />

PME, ces start-up qui sont bons et complémentaires<br />

en physique, en chimie, en<br />

biologie, en électronique. C’est cette<br />

alliance qui fait la diérence. Si on montre<br />

que l’on peut augmenter l’espérance de vie<br />

en gardant les gens en bonne santé, on<br />

réussira à changer l’image de l’industrie<br />

pharmaceutique. <br />

Interview réalisée par<br />

Thomas Blard et Philippe Mabille<br />

© DR<br />

© VIVASANTE


VENDREDI 17 MAI 2013 LA TRIBUNE<br />

LE BUZZ 9<br />

L’acte II de l’exception culturelle, le rapport remis lundi 13 mai par Pierre Lescure à la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti,<br />

propose de supprimer Hadopi et de confier au CSA sa mission de « réponse graduée » contre le piratage, dans une forme allégée. Il fait<br />

déjà polémique en lançant la piste de nouvelles taxes sur les smartphones et tablettes pour financer la culture à l’heure du numérique.<br />

Rapport Lescure : entre compromis,<br />

symboles… et nouvelles taxes<br />

« L’OPPOSITION ENTRE<br />

CULTURE ET NUMÉRIQUE <strong>EST</strong><br />

ARTIFICIELLE ET MORTI-<br />

FÈRE », arme Pierre Lescure.<br />

L’ancien patron de Canal+ a présenté<br />

lundi 13 mai au ministère de<br />

la Culture et de la Communication<br />

le rapport sur L’acte II de l’exception<br />

culturelle que lui avait confié<br />

la ministre, Aurélie Filippetti. Un<br />

rapport de près de 400 pages<br />

incluant 80 propositions visant à<br />

adapter la réglementation des<br />

industries culturelles aux bouleversements<br />

créés par le numérique,<br />

un exercice au demeurant<br />

assez réussi d’équilibre, de compromis<br />

et de donnant-donnant.<br />

LA COUPURE INTERNET<br />

COMME SANCTION, C’<strong>EST</strong> FINI<br />

Pierre Lescure a d’emblée<br />

confirmé la proposition la plus symbolique<br />

: la disparition de la Haute<br />

Autorité pour la diffusion des<br />

œuvres et la protection des droits<br />

sur Internet (Hadopi) et le maintien<br />

du dispositif de « réponse graduée<br />

» (succession d’avertissements)<br />

contre le piratage, dans une<br />

forme « allégée et aménagée ».<br />

Concrètement, le rapport préconise<br />

de supprimer la fameuse coupure<br />

de l’accès Internet, qui n’a jamais<br />

été appliquée mais avait suscité le<br />

plus de critiques, et de la remplacer<br />

par une amende au montant fortement<br />

réduit, ramené de 1 500 euros<br />

(maximum) à 60 euros. « Il ne<br />

semble pas souhaitable de maintenir<br />

une autorité administrative indépendante<br />

dont l’activité se limiterait à la<br />

lutte contre le téléchargement illicite<br />

», écrit le rapport.<br />

On sait que l’équipe de François<br />

Hollande voulait supprimer cette<br />

création de Nicolas Sarkozy. Les<br />

missions de l’Hadopi,<br />

dont la présidente,<br />

M a r i e - Fr a n ç o i s e >><br />

Marais, se « réjouit des<br />

recommandations de<br />

consolidation et d’évolution des missions<br />

», seraient confiées au Conseil<br />

supérieur de l’audiovisuel (CSA),<br />

qui deviendrait « le régulateur de<br />

l’ore culturelle numérique » (propositions<br />

56 et 57). Un membre de<br />

la mission confie que la mesure<br />

pourrait générer « des économies de<br />

plusieurs millions d’euros » (le budget<br />

2013 de l’Hadopi s’élève à 9 millions<br />

d’euros).<br />

Attendue, la suppression d’Hadopi,<br />

symbole de la lutte antipiratage,<br />

semble faire consensus, même<br />

Pierre Lescure espère qu’une cinquantaine des 80 propositions de son<br />

rapport – qu’il a rendu lundi 13 mai à la ministre de la Culture – seront<br />

retenues. [BERTRAND LANGLOIS/AFP]<br />

dans les milieux de la culture. Ainsi,<br />

la Sacem (société des auteurs, compositeurs<br />

et éditeurs de musique)<br />

considère que « confier l’ensemble<br />

de ces missions à une seule instance,<br />

le CSA, est une solution pragmatique<br />

et ecace ». En revanche, le<br />

Syndicat national de l’édition phonographique<br />

(Snep), qui représente<br />

les maisons de disques, a manifesté<br />

son mécontentement, fustigeant le<br />

faible montant de l’amende qui<br />

« décrédibilise sérieusement la pertinence<br />

de l’ensemble de l’édifice » de<br />

la réponse graduée. <strong>La</strong> ministre de<br />

la Culture a déclaré que l’abandon<br />

de la coupure Internet comme<br />

sanction serait mis en œuvre très<br />

rapidement, « en priorité ».<br />

LA POLÉMIQUE<br />

En parallèle, pour améliorer l’ore<br />

légale de contenus en ligne, Pierre<br />

Lescure propose d’assouplir significativement<br />

la fameuse « chronologie<br />

des médias », qui régit les<br />

fenêtres de diusion des films après<br />

leur sortie en salles (chaînes<br />

payantes, vidéo à la demande,<br />

chaînes gratuites, etc.), en avançant<br />

celle de la vidéo à la demande<br />

(VoD) à trois mois (contre quatre<br />

aujourd’hui et six mois en 2008), et<br />

à dix-huit mois celle de la VoD par<br />

abonnement à la Netflix (entreprise<br />

américaine qui propose des films en<br />

flux continu sur Internet), encore<br />

peu développée en France (Canal<br />

Play Infinity, VideoFutur, Jook<br />

Video), contre trois ans actuellement.<br />

« Trente-six mois, c’est une<br />

éternité sur Internet. Exhorter le<br />

public à la patience c’est le pousser<br />

dans les bras du piratage », a lancé<br />

Pierre Lescure, qui a appelé les professionnels<br />

à en discuter autour du<br />

Centre national du cinéma et de<br />

l’image animée (CNC), « sans<br />

attendre que Netflix ou Amazon<br />

arrivent… » Il suggère aussi de limiter<br />

les périodes où les films sont<br />

interdits de vidéo à la demande<br />

pendant une fenêtre de diusion à<br />

la télévision et d’assouplir aussi le<br />

calendrier pour les films à petit<br />

budget ou ayant mal fonctionné en<br />

salles. Il invite également les<br />

chaînes à diuser plus rapidement<br />

les séries américaines, sans<br />

attendre dix-huit mois après leur<br />

passage aux États-Unis, en accélérant<br />

la numérisation des processus<br />

de transmission.<br />

L’autre versant important, plus<br />

polémique, concerne la fiscalité et<br />

le financement des industries culturelles,<br />

ou « créatives », qui représentent<br />

« près de 3 % du PIB et<br />

autant d’emplois », a souligné la<br />

ministre. « L’objectif n’est pas de<br />

créer de nouvelles taxes », a armé<br />

Pierre Lescure. Mais son rapport en<br />

propose pourtant une flopée ! Par<br />

exemple, il propose d’étendre la<br />

taxe sur les éditeurs de services de<br />

télévision aux recettes de publicité<br />

issues de la télévision de rattrapage,<br />

d’essayer d’appliquer la taxe imposée<br />

sur la vidéo à la demande aux<br />

services gratuits financés par la<br />

publicité, comprendre YouTube et<br />

consorts, aux services non installés<br />

en France (Amazon, iTunes) et<br />

même aux constructeurs de « terminaux<br />

connectés ». Ces derniers<br />

sont particulièrement visés : le rapport<br />

propose en effet la création<br />

d’une « taxe sur les appareils<br />

connectés permettant de stocker ou<br />

de lire des contenus culturels »,<br />

smartphones, tablettes, mais aussi<br />

TV connectées et ordinateurs, indépendamment<br />

de la capacité de stockage.<br />

<strong>La</strong> ministre a minimisé ce qui<br />

serait « une contribution extrêmement<br />

faible », de l’ordre de 1 %.<br />

« C’est la redevance TV sur les ordinateurs<br />

qui revient par la fenêtre »,<br />

ironise un professionnel du secteur.<br />

« Plus simple à mettre en œuvre et<br />

plus facile à justifier qu’une taxe sur<br />

les moteurs de recherche ou la pub<br />

en ligne », ne cache pas le rapport.<br />

« En proposant une taxe sur la vente<br />

de tous les appareils connectés, le<br />

rapport ne propose rien d’autre<br />

«C’est la<br />

redevance TV<br />

sur les ordinateurs<br />

qui revient par<br />

la fenêtre. »<br />

UN PROFESSIONNEL DES NTIC<br />

qu’une nouvelle taxation massive<br />

[un taux de 1 % rapporterait 86 millions<br />

d’euros, ndlr] et aveugle, car<br />

sans considération de l’usage réel des<br />

appareils visés », a dénoncé l’association<br />

de consommateurs CLCV.<br />

« Cette proposition astucieuse<br />

pourrait se substituer à d’autres<br />

mesures fiscales ou parafiscales<br />

existantes », nuance-t-on à Bercy,<br />

comme la redevance copie privée,<br />

voire la redevance TV, à terme. Le<br />

rapport Lescure propose d’ailleurs<br />

une réflexion sur le système de la<br />

rémunération pour copie privée<br />

(disques durs, baladeurs, etc.) en<br />

prévision de l’évolution des usages,<br />

à l’ère de l’accès « n’importe quand,<br />

sur n’importe quel support » et de<br />

la lecture en flux (streaming), par<br />

le cloud. Mais « ce sont des propo-<br />

sitions. Aucun arbitrage n’a été<br />

rendu sur de nouvelles taxes »,<br />

insiste-t-on à Bercy. « On ne peut<br />

d’un côté dire qu’on ne veut plus<br />

râper sur les internautes et les racketter<br />

de l’autre », observe un bon<br />

connaisseur du dossier.<br />

LA FÉDÉRATION DES<br />

TÉLÉCOMS <strong>EST</strong> « ATTENTIVE »<br />

Les taxes proposées ne<br />

concernent pas que les ménages. <strong>La</strong><br />

Fédération française des télécoms<br />

a stoïquement salué le travail de la<br />

mission Lescure tout en se disant<br />

« très attentive » à ce que toute évolution<br />

se fasse « à enveloppe<br />

constante », car le rapport préconise<br />

une refonte de la taxe sur les services<br />

de télévision que les fournisseurs<br />

d’accès paient (dans les<br />

150 millions d’euros annuels), au<br />

profit d’une taxe sur le chire d’affaires.<br />

S’il est précisé que le taux<br />

serait calculé « de manière à ne pas<br />

alourdir la pression fiscale qui pèse<br />

sur eux », le rapport évoque d’élargir<br />

ladite taxe (TST-D, dans le jargon)<br />

afin de prendre en compte l’ensemble<br />

des services audiovisuels.<br />

Free, mais aussi SFR, ont contourné<br />

le dispositif en créant une option<br />

TV dans leurs abonnements ADSL<br />

pour minorer leur contribution.<br />

« Ce ne serait pas compatible avec<br />

l’engagement du président de la<br />

République de ne pas créer de nouvelles<br />

taxes sur les télécoms qui ne<br />

soient aectées au secteur », analyse<br />

un haut fonctionnaire.<br />

Maintenant, « ces propositions<br />

doivent être analysées et discutées »,<br />

souligne le ministère de la Culture.<br />

« Pierre Lescure s’est montré assez<br />

habile, en soumettant des propositions<br />

“gouvernables” et en jouant de<br />

ses qualités de médiateur », observe<br />

un participant au comité de pilotage<br />

interministériel. L’ancien patron de<br />

Canal+ a lui-même confié espérer<br />

que de 60 % à 70 % de ses propositions<br />

soient retenues… Mais s’agirat-il<br />

des plus importantes ou les plus<br />

anecdotiques ? DELPHINE CUNY<br />

L’ÉDITO<br />

DE PHILIPPE MABILLE<br />

TOUS LES VENDREDIS À 7H40<br />

DANS<br />

LCI MATIN<br />

WEEK-END


10<br />

LE BUZZ<br />

L’Agence internationale de l’énergie souligne la montée en puissance, beaucoup plus rapide que prévu, du<br />

pétrole non conventionnel. Cette production abondante va bouleverser l’équilibre du marché pétrolier, avec<br />

un aaiblissement du poids de l’Opep. Et sans doute accélérer une chute des prix, qui a déjà commencé.<br />

Vers un nouveau contre-choc pétrolier…<br />

LE PÉTROLE NON CONVEN-<br />

TIONNEL, extrait de la roche<br />

grâce aux techniques de fracturation<br />

hydraulique – à l’instar du gaz<br />

de schiste – avait jusqu’à maintenant<br />

un rôle marginal dans la production<br />

pétrolière mondiale. Aux<br />

États-Unis, zone<br />

principale d’extraction<br />

jusqu’à >><br />

maintenant, on<br />

en produisait<br />

110 000 barils par jour en 2001, et<br />

550 000 barils en 2011. Des prévisions<br />

à très long terme faisaient<br />

état d’une contribution plus élevée,<br />

puisque de 3 millions à 4 millions<br />

de barils par jour étaient attendus<br />

à l’horizon 2035.<br />

LE PRIX DU PÉTROLE EN<br />

BAISSE DE 40 % D’ICI À 2035<br />

Or, ce niveau de production sera<br />

atteint bien plus tôt qu’annoncé :<br />

demain, ou presque, estime<br />

l’Agence internationale de l’énergie<br />

(AIE), dans un rapport publié<br />

mardi 14 mai. <strong>La</strong> production américaine<br />

va augmenter de 3,9 millions<br />

de barils par jour d’ici à 2018,<br />

estiment les experts. Elle dépassera<br />

donc dans cinq ans le niveau encore<br />

attendu, voilà quelques semaines,<br />

pour 2035. Cette production non<br />

conventionnelle contribuera à elle<br />

seule, pour moitié, à la croissance<br />

de l’ore mondiale d’or noir hors<br />

Opep. « L’Amérique du Nord<br />

provoque actuellement un choc<br />

d’offre qui a des répercussions à<br />

travers le monde entier », arme<br />

Maria van der Hoeven, directrice<br />

exécutive de l’AIE.<br />

«L’Amérique<br />

du Nord<br />

provoque<br />

actuellement<br />

un choc d’ore qui<br />

a des répercussions<br />

à travers le monde<br />

entier. »<br />

MARIA VAN DER HOEVEN,<br />

DIRECTRICE EXÉCUTIVE DE L’AIE<br />

Cette croissance aurait lieu pour<br />

l’essentiel hors des pays de l’Opep,<br />

ce qui va bouleverser les équilibres<br />

géopolitiques. Grâce à une<br />

production intérieure croissante,<br />

les importations américaines de<br />

pétrole diminueront sensiblement<br />

(de 1 % par an en provenance<br />

de l’Opep). En 2018, les<br />

États-Unis n’importeraient plus<br />

que 1,7 million de barils par jour<br />

en provenance du Proche Orient,<br />

soit 37 % de moins qu’aujourd’hui.<br />

L’AIE souligne que le pétrole non<br />

conventionnel pourrait se développer<br />

rapidement dans d’autres<br />

pays, en Amérique latine, en<br />

Russie ou en Chine, où des possibilités<br />

existent.<br />

PÉTRO-RÉVOLUTION<br />

De quoi changer l’équilibre mondial<br />

du marché. À l’horizon 2018,<br />

la demande de pétrole atteindrait<br />

96,7 millions de barils par jour<br />

– compte tenu des projections de<br />

croissance économique, prudentes,<br />

du FMI –, tandis que<br />

l’ore atteindrait globalement<br />

103 millions de<br />

barils. L’AIE ne se prononce<br />

pas sur l’évolution<br />

des prix. Mais une étude récente<br />

de PricewaterhouseCoopers estimait<br />

que le prix du pétrole<br />

pourrait baisser de près de 40 %<br />

d’ici à 2035.<br />

<strong>La</strong> baisse a de bonnes chances<br />

d’être encore plus violente, et en<br />

tout cas plus rapide, compte tenu<br />

d’une montée en puissance exceptionnelle<br />

de la production non<br />

conventionnelle.<br />

LA TRIBUNE VENDREDI 17 MAI 2013<br />

Un véritable contre-choc pétrolier<br />

? Si le pétrole Brent passait<br />

d’une centaine de dollars le baril<br />

aujourd’hui à une cinquantaine de<br />

dollars dans quelques années, les<br />

eets économiques seraient, de<br />

fait, considérables. Le hic, c’est<br />

que si les prix chutent trop vite, ils<br />

tomberont sous les coûts de production<br />

du pétrole de schiste.<br />

Or, à l’inverse des champs pétrolifères<br />

traditionnels, l’extraction<br />

non conventionnelle peut être<br />

stoppée du jour au lendemain.<br />

Bien sûr, les techniques évoluent<br />

rapidement, autorisant une diminution<br />

des coûts. Mais on ne<br />

retrouvera pas de sitôt le pétrole<br />

à 20 dollars le baril. IVAN B<strong>EST</strong>


VENDREDI 17 MAI 2013 LA TRIBUNE<br />

Champion de France 2012-2013 de football, le PSG verra augmenter ses recettes<br />

sur les droits audiovisuels. Mais cela ne sura pas à combler son déficit.<br />

Champion ! Quelles retombées<br />

économiques pour le PSG ?<br />

« OUI, IL Y A PLUS DE MONDE<br />

QUE D’HABITUDE ! » Dès l’ouverture,<br />

lundi matin, l’auence était<br />

forte à la boutique des Champs-<br />

Élysées. Mais le Paris Saint-Germain<br />

peut-il vraiment s’attendre à<br />

voir ses recettes augmenter à la<br />

suite de sa victoire dimanche soir<br />

face à Lyon, lui orant pour la pre-<br />

mière fois depuis dix-neuf ans le<br />

titre de champion de France ?<br />

Le bonus de recettes que le club va<br />

en retirer passera surtout par… les<br />

droits télévisés. À condition que son<br />

image ne soit pas trop ternie par les<br />

émeutes qui ont gâché la fête des<br />

supporteurs le 13 mai. Ce poste<br />

représentait déjà 47 millions d’eu-<br />

ros de recettes pour le PSG sur la<br />

saison 2011-2012. Ces droits se distribuent<br />

selon le nombre de matchs<br />

diffusés, les résultats du club au<br />

cours des cinq dernières années et…<br />

son classement de l’année en cours.<br />

Deuxième du championnat en<br />

2011-2012, le PSG avait touché<br />

15 millions d’euros de droits<br />

audiovisuels à ce titre. Montpellier,<br />

arrivé premier, avait gagné<br />

18 millions d’euros. « On peut penser<br />

que le diérentiel sera comparable<br />

cette année », estime Didier<br />

Primault, économiste au Centre<br />

du droit et d’économie<br />

du sport. Le club<br />

devrait donc voir ses >><br />

droits audiovisuels<br />

augmenter cette année. Malgré la<br />

baisse générale du montant négocié<br />

par les chaînes (beIN Sport,<br />

Canal+), à 607 millions d’euros sur<br />

2012-2016, contre 668 millions<br />

sur 2008-2012. D’autant que sa<br />

victoire le qualifie pour la Champions<br />

League… ce qui augmente à<br />

nouveau ses droits télévisés.<br />

LE BUZZ 11<br />

Pour les autres revenus potentiels,<br />

Didier Primault n’y voit « pas forcément<br />

grand-chose » de substantiel.<br />

Les ventes de maillots ? « C’est difficile<br />

à dire, répond-il. Lorsque<br />

Montpellier avait gagné le titre l’an<br />

FOOTBUSINESS<br />

dernier, cela avait dû jouer parce que<br />

les joueurs, moins connus, avaient<br />

gagné en notoriété. Au PSG, l’impact<br />

était déjà fort lors des recrutements<br />

de joueurs stars » comme Ibrahimovic,<br />

Beckham…<br />

Le nombre de places ? Lui aussi<br />

avait augmenté à la suite des recrutements<br />

qataris. « Si c’est leur souhait,<br />

ils pourront augmenter le prix<br />

des places », évoque-t-il. Les sponsors<br />

? Cela tombe bien pour l’économiste,<br />

car « le PSG veut réduire le<br />

nombre de ses sponsors, mais en les<br />

faisant payer plus cher. Ce sera plus<br />

facile désormais… Cette victoire<br />

confirme qu’ils ont l’ambition, et les<br />

moyens d’être ambitieux. Ils pourront<br />

recruter des joueurs renommés<br />

plus facilement. C’est l’impact le plus<br />

important », souligne Didier Primault.<br />

Car face à ces recettes, cette<br />

victoire peut générer des coûts. En<br />

net, les droits audiovisuels seront<br />

amputés des primes promises aux<br />

joueurs. Un montant qui devrait<br />

s’élever à 400 000 euros.<br />

« AUCUNE CHANCE DE<br />

REPASSER DANS LE VERT… »<br />

« Avec des joueurs moins connus,<br />

pour les garder l’année suivante,<br />

certains clubs peuvent être amenés<br />

à augmenter les salaires. Cela<br />

s’était passé à Lille à la suite de son<br />

titre de Champion de France en<br />

2011, ajoute Didier Primault. Cela<br />

ne changera pas pour les joueurs<br />

stars du PSG, mais peut-être plus<br />

pour les autres, moins connus. »<br />

Alors, cette victoire est-elle une<br />

bonne ou une mauvaise nouvelle<br />

pour les comptes du PSG ? Le club<br />

n’a « aucune chance » de repasser<br />

dans le vert, estime Didier Primault.<br />

Ses dépenses devraient s’élever à<br />

300 millions d’euros cette année.<br />

En hausse par rapport à la saison<br />

2011-2012, du fait des nouveaux<br />

joueurs. Le club achait alors un<br />

déficit de 5,4 millions d’euros. Un<br />

montant qui aurait dû être bien<br />

plus élevé : fin 2012, le PSG a signé<br />

un contrat avec la Qatar Tourism<br />

Authority (QTA), pour les bénéfices<br />

apportés à l’image du Qatar<br />

par le club. Résultat : dans la<br />

colonne recettes, « autres produits<br />

» ache 125 millions d’euros.<br />

Mais cet apport ne permettra pas<br />

au PSG de satisfaire le fair-play<br />

financier demandé par l’UEFA : un<br />

club ne peut avoir un déficit supérieur<br />

à 45 millions d’euros, en<br />

cumulé, sur trois ans. Or, l’UEFA a<br />

prévenu que ce contrat avec la<br />

QTA n’était pas valable pour faire<br />

rentrer le club dans les clous. Et<br />

cette mesure doit s’appliquer dès<br />

l’an prochain. JESSICA DUBOIS


12<br />

L’ENQUÊTE<br />

LES FAITS Mal bâti, l’ancien<br />

pôle vinylique d’Arkema est<br />

tombé dans les mains d’un<br />

repreneur peu fiable qui n’a pas<br />

mis un euro dans l’aaire. Les<br />

candidats à la reprise doivent<br />

remettre leur ore le 14 juin.<br />

LES ENJEUX <strong>La</strong> chute de Kem<br />

One serait dramatique, car elle<br />

pourrait provoquer un eet<br />

domino susceptible d’entraîner<br />

toute la filière chimique<br />

française vers la débâcle. Un<br />

scénario qui inquiète aussi bien<br />

les syndicats que Bercy.<br />

MARIE-ANNICK DEPAGNEUX<br />

ET ODILE ESPOSITO<br />

«<br />

Gary Klesch,<br />

escroc. » Une<br />

photo à l’appui,<br />

les salariés<br />

de Kem One<br />

ne s’embarrassent pas de nuances<br />

ce mardi 9 avril 2013, fustigeant à<br />

nouveau leur actionnaire devant le<br />

palais de justice de Lyon où se tient<br />

une audience au tribunal de commerce.<br />

À l’ordre du jour, le financement<br />

de la période d’observation<br />

après le placement en redressement<br />

judiciaire, le 27 mars dernier, de la<br />

partie amont de l’ancien pôle vinylique<br />

d’Arkema concernant sept<br />

usines et 1 300 employés. Ceux-ci<br />

en veulent aussi au groupe présidé<br />

par Thierry Le Héna de les avoir<br />

vendus à cet homme d’aaires américain,<br />

installé à Genève. « C’est une<br />

machine à fermer des boîtes », martèle<br />

Grégory Benedetti, délégué<br />

syndical central FO à <strong>La</strong>vera, l’un<br />

des sites de Kem One.<br />

De fait, ce financier né en 1947<br />

dans l’Ohio s’est spécialisé peu à<br />

peu dans l’achat et le retournement<br />

d’entreprises ou d’activités en dicultés,<br />

un exercice forcément<br />

délicat auquel il s’essaiera aux<br />

États-Unis, à la fin des années 1970,<br />

en restructurant, pour le compte du<br />

Trésor américain, plusieurs compagnies<br />

ferroviaires. Puis, au début de<br />

la décennie 1990, il se tourne vers<br />

l’Europe. Comme actionnaire<br />

minoritaire, il joue les agitateurs<br />

dans les dossiers Eurotunnel ou<br />

Eurodisney.<br />

UN REPRENEUR PEU<br />

APPRÉCIÉ DES SYNDICATS<br />

En 1998 il met la main sur les<br />

chaussures Myrys et les collants<br />

Gerbe, avec une conviction : « Le<br />

label France est sous-évalué au<br />

regard de la qualité, de la création et<br />

des coûts de fabrication par rapport<br />

à ceux pratiqués en Allemagne ou<br />

aux États-Unis », explique-t-il à <strong>La</strong><br />

<strong>Tribune</strong>. Du Montebourg<br />

avant l’heure !<br />

<strong>La</strong>s, Klesch jettera<br />

l’éponge deux ans plus<br />

tard. Peu à peu, il<br />

s’oriente vers la<br />

reprise d’activités<br />

dont les grands<br />

groupes veulent se<br />

débarrasser : en 2007,<br />

le géant canadien de<br />

l’aluminium Alcan lui cède son<br />

usine néerlandaise de Vlissingen<br />

(700 salariés), héritée de Pechiney<br />

et pénalisée par la flambée des<br />

coûts de l’électricité. En 2009,<br />

Klesch persévère dans ce secteur en<br />

achetant à l’indien Tata Steel deux<br />

anciennes usines du Britannique<br />

Corus. Il jette aussi son dévolu sur<br />

des raneries et reprend en 2010 à<br />

Shell son unité de Heide, en Allemagne.<br />

Avant de s’intéresser, début<br />

2012, à… la ranerie Petroplus de<br />

Petit-Couronne, en Normandie.<br />

« Lorsque Gary Klesch est venu<br />

nous voir, fin 2010, pour s’informer<br />

sur notre pôle vinylique, il s’est présenté<br />

comme un spécialiste des<br />

grandes commodités, indique Gilles<br />

Galinier, directeur de la communication<br />

externe d’Arkema. Il avait<br />

fait des deals sérieux avec Alcan,<br />

Shell et Corus et n’était pas un<br />

inconnu des milieux d’aaires. » Les<br />

syndicats, eux, sont méfiants. D’autant<br />

qu’en décembre 2011, en pleine<br />

négociation avec Arkema, Klesch<br />

dépose le bilan de l’usine d’alumi-<br />

nium de Vlissingen, rebaptisée<br />

Zalco. « Cela nous a gênés dans le<br />

processus social », reconnaît Gilles<br />

Galinier. « <strong>La</strong> raison invoquée par<br />

Klesch est une taxation inattendue,<br />

imposée par le pays ou la région, sur<br />

le coût de transport de l’électricité »,<br />

a expliqué Bernard Boyer, le directeur<br />

de la stratégie d’Arkema,<br />

devant la Commission des aaires<br />

économiques de l’Assemblée nationale,<br />

le 3 avril dernier. Pas de quoi<br />

rassurer les salariés. Dans son<br />

rapport remis en mars 2012 au<br />

comité d’entreprise, le cabinet<br />

Secafi Alpha constate ainsi que,<br />

« malgré une présence affirmée<br />

depuis les années 1990 dans la<br />

reprise d’entreprises, Klesch n’est<br />

pas parvenu à s’imposer comme<br />

redresseur d’entreprises en diculté<br />

comme Butler Capital ou Caravelle,<br />

LA TRIBUNE VENDREDI 17 MAI 2013<br />

DÉSINDUSTRIALISATION Après la sidérurgie, c’est au tour de la filière chim<br />

KEM ONE, UN DÉSASTR<br />

Après les aaires<br />

Mittal et Dailymotion,<br />

le cas de Kem One<br />

relance le débat sur la<br />

fiabilité d’actionnaires<br />

sans aectio societatis.<br />

© DR<br />

Né en 1947 dans l’Ohio, le financier Gary Klesch, repreneur du pôle vinylique d’Arkema,<br />

s’est spécialisé dans le rachat d’entreprises en diculté. [ DENIS BALIBOUSE / REUTERS]<br />

«Gary Klesch<br />

[le repreneur<br />

de Kem One] est<br />

une machine à<br />

fermer des boîtes. »<br />

GRÉGORY BENEDETTI,<br />

DÉLÉGUÉ SYNDICAL<br />

CENTRAL FO À LAVERA<br />

«Gary Klesch<br />

n’était<br />

pas un inconnu<br />

des milieux<br />

d’aaires. »<br />

GILLES GALINIER, DIRECTEUR<br />

DE LA COMMUNICATION EXTERNE<br />

D’ARKEMA<br />

ni à constituer un petit groupe composé<br />

de sociétés qu’il aurait souhaité<br />

conserver plusieurs années ».<br />

Malgré ces réserves, Arkema<br />

boucle la cession en juillet 2012. Le<br />

pôle, rebaptisé Kem One, se compose<br />

de deux entités juridiques,<br />

l’une regroupant l’activité amont de<br />

fabrication de chlore, de soude et de<br />

PVC, et l’autre la production de profilés,<br />

tubes et mélanges (compounds),<br />

à destination surtout du<br />

bâtiment et de l’automobile. Très<br />

vite, toutefois, l’amont connaît des<br />

dicultés, jusqu’au dépôt de bilan<br />

de la fin de mars. Les deux camps se<br />

rejettent mutuellement la responsabilité<br />

de la débâcle.<br />

Gary Klesch « a acheté cette<br />

branche sur la base d’un budget<br />

prévisionnel non conforme à la réalité<br />

», assure Alain Ribeyre, avocat<br />

© HEXIMAGE/ARKEMA


VENDREDI 17 MAI 2013 LA TRIBUNE<br />

de Kem One. « Convaincu d’avoir<br />

aaire à des professionnels sérieux,<br />

il pensait donc que ce business<br />

atteindrait l’équilibre financier rapidement.<br />

» L’affaire a été portée<br />

devant le tribunal arbitral et Gary<br />

Klesch réclame 310 millions d’indemnités.<br />

Des accusations évidemment<br />

réfutées par Arkema : « En<br />

dix-huit mois de discussions, il a eu<br />

le temps de tout analyser », rétorque<br />

Gilles Galinier.<br />

UNE CESSION GÉNÉREUSE<br />

ET TROP HÂTIVE ?<br />

Une opération menée trop rapidement<br />

? Un des grands acteurs du<br />

métier dit sa surprise : « Arkema a<br />

eectué cette cession trop vite et de<br />

manière un peu irresponsable car ils<br />

avaient laissé cet actif se détériorer. »<br />

Pour autant, « cette opération ne<br />

nous a pas surpris sur le fond car elle<br />

entrait dans la stratégie du groupe.<br />

Il n’avait certainement pas en tête de<br />

tromper qui que ce soit ».<br />

D’ailleurs, Arkema s’est montré<br />

généreux, cédant pour 1 euro cette<br />

division pesant, en 2012, 1,1 milliard<br />

d’euros de chire d’aaires et comptant<br />

22 usines. Il avait au préalable<br />

nettoyé le bilan des dizaines de millions<br />

de dettes – la branche est déficitaire<br />

depuis 2008 – et apporté<br />

99,5 millions d’euros : 60 millions<br />

en trésorerie et près de 40 millions<br />

de garanties vis-à-vis de Total, fournisseur<br />

de premier rang de Kem<br />

One pour l’éthylène, indispensable<br />

à la fabrication de PVC et produit<br />

par le vapocraqueur de <strong>La</strong>vera.<br />

Autant d’argent qui, selon la coordination<br />

syndicale CGT de Kem<br />

One, « a été soustrait par Klesch ».<br />

« En l’état, il est faux de dire que des<br />

remontées de cash auraient été faites<br />

au profit de sociétés au-dessus,<br />

rétorque M e Ribeyre. Il est dans l’air<br />

du temps de jeter l’opprobre sur ces<br />

Américains qui prendraient l’oseille<br />

et s’en iraient. »<br />

Qui dit vrai ? L’expert judiciaire<br />

désigné par le tribunal « est là pour<br />

clarifier les choses », observe Bruno<br />

Sapin, l’administrateur judiciaire.<br />

Et le cas échéant, le procureur de la<br />

République pourrait déposer une<br />

plainte. Même réponse d’Yves<br />

Chavent, président du tribunal de<br />

commerce, qui s’interroge « sur une<br />

telle déconfiture en si peu de temps ».<br />

Le passif global en cours d’évaluation<br />

s’établirait autour de 200 millions<br />

à 250 millions d’euros.<br />

« Aux arrêts quinquennaux programmés<br />

de notre usine pétrochi-<br />

mique de Fos, et du vapocraqueur<br />

Total de <strong>La</strong>vera, en octobre et<br />

novembre, s’est ajouté l’incendie de<br />

ce vapocraqueur le 22 décembre.<br />

Deux mois durant, nous n’avons été<br />

approvisionnés en éthylène qu’à hauteur<br />

de la moitié de nos besoins »,<br />

indique Didier Le Vely, secrétaire<br />

général de Kem One. Peut-être<br />

l’incident de trop pour Gary Klesch<br />

dont la devise est : « <strong>La</strong> lumière au<br />

bout du tunnel. » Trois jours après<br />

avoir pris possession de cette<br />

branche, il avait dû déplorer le<br />

départ subit et non expliqué d’Otto<br />

Takken, le patron du pôle vinylique<br />

d’Arkema, son interlocuteur privilégié<br />

tout au long des tractations,<br />

qui devait occuper les fonctions de<br />

PDG. Depuis lors, Gary Klesch<br />

assurait lui-même la gestion de<br />

l’entreprise française, dont il ignorait<br />

tout du métier.<br />

RUMEURS D’UN DÉCOUPAGE<br />

PAR APPARTEMENTS<br />

Sur le plan financier, contrairement<br />

à ce qu’il avait annoncé,<br />

l’homme d’aaires « n’a pas dépensé<br />

un seul euro », assurent en chœur<br />

les acteurs du dossier. Il n’a pas<br />

lancé le plan d’investissements de<br />

400 millions d’euros promis dans<br />

cette activité très consommatrice<br />

d’énergie, qui nécessite des optimisations<br />

régulières pour réduire la<br />

facture en la matière.<br />

Le 27 mars, les juges ont confié à<br />

M e Sapin une mission<br />

totale d’administration,<br />

assisté de <strong>La</strong>urence Dessertois,<br />

laquelle avait<br />

tenté une conciliation à la<br />

fin de janvier. Dans le<br />

même temps, ils ont retiré<br />

à Gary Klesch la gestion<br />

opérationnelle « pour éviter<br />

les problèmes dus à la<br />

défiance ». Le 9 avril, ils<br />

ont entériné le financement<br />

jusqu’au 30 juin de<br />

la période d’observation,<br />

initialement fixée jusqu’au 27 septembre.<br />

« Cette date est perfectible »,<br />

de l’avis de M e Ribeyre. Arkema s’est<br />

engagé à contribuer à hauteur de<br />

68,7 millions d’euros : 30 millions<br />

en cash et le reste en reconstitution<br />

de garanties diverses. De son côté,<br />

Kem One Trésorerie met 12 millions<br />

issus de l’apport initial<br />

d’Arkema. Total a, lui, concédé des<br />

abattements sur les prix de l’éthylène<br />

équivalant à une économie de<br />

« 7 à 10 millions d’euros », selon<br />

Didier Le Vely.<br />

Les candidats à la reprise doivent<br />

remettre leur ore le 14 juin et le<br />

tribunal les examinera le 9 juillet.<br />

« Ces délais très courts, certainement<br />

dus au problème de trésorerie,<br />

L’ENQUÊTE 13<br />

ique française d’être menacée. En cause : un repreneur qui n’investit pas…<br />

E INÉVITABLE ?<br />

© JOHANNA LEGUERRE/AFP<br />

«C’est dans l’air<br />

du temps : jeter<br />

l’opprobre sur ces<br />

Américains qui<br />

prendraient l’oseille<br />

et s’en iraient. »<br />

M E RIBEYRE, AVOCAT DE KEM ONE<br />

© JDR<br />

Le site Kem One de Fos-sur-Mer<br />

(Bouches-du-Rhône). [DR]<br />

«<strong>La</strong> chute de<br />

ce pôle serait<br />

dramatique pour<br />

la filière chimique<br />

française. »<br />

DIDIER LE VELY,<br />

SECRÉTAIRE GÉNÉRAL<br />

DE KEM ONE<br />

400<br />

millions<br />

d’euros, c’est<br />

ce que Gary<br />

Klesh, le<br />

repreneur,<br />

avait promis<br />

d’investir. En<br />

fait, « il n’a pas<br />

dépensé un<br />

seul euro ».<br />

nous inquiètent fortement »,<br />

déplore la CFDT. « À ce jour tous<br />

les signaux sont au rouge, les salariés<br />

perdent confiance sur la possibilité<br />

d’un repreneur pour toute<br />

l’activité. Les rumeurs vont bon<br />

train sur la possibilité d’un découpage<br />

par appartements. »<br />

« TOTAL ET ARKEMA<br />

SONT DES PARTENAIRES »<br />

Le futur de Kem One risque fort<br />

d’être encore plus compliqué après<br />

l’annonce, le 7 mai dernier, par l’anglais<br />

Ineos, leader européen du secteur,<br />

et son rival franco-belge Solvay,<br />

de leur intention de rapprocher<br />

leurs activités chloro-vinyliques<br />

respectives dans une coentreprise à<br />

50/50. Et ce, pour donner naissance<br />

à un champion d’envergure mondiale,<br />

pesant 4,3 milliards d’euros de<br />

chire d’aaires (pro-forma 2012).<br />

<strong>La</strong> lettre d’intention prévoit que,<br />

dans un délai de quatre à six ans,<br />

Ineos acquière les 50 % de Solvay<br />

qui n’a jamais caché son intention<br />

de se retirer de ce métier.<br />

Ce faisant, il s’agit pour les partenaires<br />

de cette future JV d’optimiser<br />

leur consommation d’énergie et<br />

les achats de matières premières<br />

(éthylène), deux postes de dépenses<br />

cruciaux. Aussi bien Ineos que<br />

Solvay ont un pied dans un vapocraqueur,<br />

ce qui n’est pas le cas de Kem<br />

One. Quand il a « externalisé » sa<br />

chimie pour créer Arkema, en<br />

2004, Total a choisi, en<br />

eet, de conserver la raf-<br />

finerie de <strong>La</strong>vera, prenant<br />

le risque de donner naissance<br />

à une entité fragile.<br />

Dans un marché européen<br />

du PVC en surcapacité,<br />

du fait d’une baisse<br />

de la consommation<br />

depuis le début de la crise,<br />

l’effet ciseau s’est exacerbé<br />

: « Nous n’arrivons<br />

pas à répercuter les<br />

hausses des tarifs de<br />

l’éthylène et de l’énergie. Ces<br />

derniers pèsent pour 75 % à 80 %<br />

sur les prix de vente de nos PVC »,<br />

précise Didier Le Vely. « Nous<br />

demandons aujourd’hui un juste<br />

partage des marges. Par ailleurs,<br />

Total et Arkema, avec lesquels<br />

nous cohabitons sur certains sites,<br />

sont des partenaires incontournables<br />

dans la recherche de solutions,<br />

martèle le secrétaire général<br />

de Kem One. <strong>La</strong> chute de ce pôle<br />

serait dramatique pour la filière<br />

chimique française en raison de<br />

l’interdépendance de la filière. »<br />

Un possible effet domino qui<br />

inquiète aussi bien les syndicats que<br />

Bercy, où l’on cherche à éviter un<br />

nouveau désastre industriel.


14<br />

ENTREPRISES & INNOVATION<br />

LA TRIBUNE VENDREDI 17 MAI 2013<br />

<strong>La</strong> France regarde passer<br />

le train des Fab<strong>La</strong>bs<br />

FAITES-LE VOUS-MÊMES Inventés pas les Californiens, les<br />

Fab<strong>La</strong>bs se développent partout dans le monde, mais pas dans<br />

l’Hexagone. Ces ateliers numériques permettent pourtant à<br />

n’importe qui de tester son idée et de créer son prototype. C’est<br />

une conception totalement nouvelle des modes de production que<br />

le gouvernement voudrait développer. Mais c’est lent… très lent.<br />

JEAN-PIERRE GONGUET<br />

Vu de loin, cela ressemble<br />

à un garage<br />

pour bidouilleurs.<br />

Vu de près, c’en est<br />

exactement un.<br />

C’est d’ailleurs pourquoi les<br />

Fab<strong>La</strong>bs croissent et se multiplient<br />

en Californie. Là où l’université<br />

Stanford les a inventés et<br />

codifiés il y a plus de dix ans. Là<br />

où, dans d’autres garages à<br />

bidouilleurs, s’est construite la<br />

Silicon Valley. Question de<br />

culture. À Manchester, à Malmoe,<br />

à Tel Aviv, au Caire ou à Barcelone,<br />

les Fab<strong>La</strong>bs fleurissent. Ils<br />

décollent un peu partout dans le<br />

monde, mais les Français,<br />

empreints de leur habituel scepticisme,<br />

réfléchissent encore.<br />

Nicolas Sarkozy a essayé d’accélérer<br />

leur développement avec le<br />

grand emprunt ; Jean-Marc<br />

Ayrault a, lui, symboliquement<br />

prononcé son discours sur le<br />

numérique dans le « Fac<strong>La</strong>b » de<br />

l’université de Cergy Pontoise<br />

(Fac<strong>La</strong>b, pour laboratoire de<br />

faculté), et Fleur Pellerin a twitté<br />

le 10 décembre 2012 « Oui, nous<br />

FOCUS<br />

voulons des #fablab partout en<br />

France ». Mais le décollage est<br />

poussif. Fleur Pellerin aimerait<br />

beaucoup, dit-on, que les espaces<br />

publics numériques (EPN) se<br />

transforment en Fab<strong>La</strong>bs, mais<br />

ce n’est pas gagné. Pourtant, un<br />

Fab<strong>La</strong>b, ce n’est ni cher ni<br />

compliqué. Le Fab<strong>La</strong>b est un<br />

atelier totalement ouvert dans<br />

lequel chacun peut trouver des<br />

machines à commandes numériques<br />

et fabriquer un objet. <strong>La</strong><br />

liste des machines possibles est<br />

très longue et l’université Stanford<br />

les recense en permanence.<br />

Mais un bon Fab<strong>La</strong>b peut fonctionner<br />

avec une configuration<br />

relativement simple : découpeuses<br />

laser, fraiseuses numériques,<br />

imprimantes 3D et tout<br />

un tas de petits instruments pour<br />

bidouiller. Entre 60 000 et<br />

80 000 euros de matériel, pas<br />

plus. Après, le principe est<br />

simple. Il se résume à trois lettres<br />

emblématiques de la culture californienne<br />

: DIY, « Do It Yourself<br />

». Avec un bon logiciel de<br />

CAO pour virtualiser une idée,<br />

une imprimante 3D peut tout<br />

faire, des jouets comme des bras<br />

articulés, une reproduction de la<br />

Barcelone, la FabCity en Open Source<br />

Tomas Diez est né à Caracas, a étudié au MIT<br />

et à <strong>La</strong> Havane. Il a inventé un réseau social<br />

(Ouishare), dirigé le Fab<strong>La</strong>b de Lima, et s’occupe<br />

désormais du Fab<strong>La</strong>b le plus ambitieux<br />

d’Europe, celui de Barcelone. Son idée ?<br />

Transformer Barcelone en « FabCity », une<br />

immense communauté interconnectée de<br />

Fab<strong>La</strong>bs implantés dans tous les quartiers. Avec<br />

le très créatif Institut catalan d’architecture<br />

avancée (IAAC), il s’est mis en tête de réinventer<br />

Barcelone autour des Fab<strong>La</strong>bs et du numérique.<br />

Un peu comme en 1992 lorsque<br />

Barcelone avait été totalement reconfigurée<br />

avec les JO. Il y en aura partout, y compris dans<br />

les endroits les plus défavorisés de la capitale<br />

catalane. À chaque quartier son Fab<strong>La</strong>b, les<br />

Venus de Milo ou un robot faucheur<br />

de maïs. « DIY », mais<br />

aussi, explique Fabien Eychenne,<br />

chef de projet à la Fondation<br />

Internet nouvelle génération<br />

(FING), qui est allé visiter ce qui<br />

se faisait de mieux dans le monde<br />

du Fab<strong>La</strong>b, « DIWO », « Do It<br />

With Others ».<br />

UNE R&D À BON MARCHÉ<br />

POUR LES GRANDS GROUPES<br />

« Le Fab<strong>La</strong>b, c’est transdisciplinaire,<br />

explique Nathalie Routin<br />

de la FING, elle aussi. Le numérique<br />

permet de tout faire, mais ce<br />

ne sont pas les machines qui sont<br />

les plus importantes. C’est la<br />

manière dont on travaille<br />

ensemble, dont on se frotte aux<br />

autres. On arrive dans le Fab<strong>La</strong>b<br />

avec son idée. Elle n’est pas forcément<br />

entièrement formalisée, mais<br />

le numérique permet de passer au<br />

prototype quasi immédiatement et<br />

de tester, de discuter, de peaufiner.<br />

Les grandes entreprises ont réalisé<br />

que l’innovation ne venait plus<br />

d’elles, mais de petites structures,<br />

et ont parfaitement compris l’intérêt<br />

des Fab<strong>La</strong>bs. Renault en a initié<br />

un en interne : n’importe qui<br />

peut aller y bidouiller et tester. »<br />

habitants les géreront eux-mêmes. Chacun travaillera<br />

pour ses besoins locaux, mais ils auront<br />

une spécificité, comme le « Fab<strong>La</strong>b green » pour<br />

les matières premières. D’après Tomas Diez,<br />

dans cinq ans, tout le monde aura ou pourra<br />

avoir une imprimante 3D chez soi. Certaines ne<br />

valent que 1 800 euros, d’autres 800 ou même<br />

500 euros livrées en kit. Chacun pourra devenir<br />

producteur, faire ses verres, réparer son aspirateur<br />

ou inventer un piquet de tente révolutionnaire.<br />

Le Fab<strong>La</strong>b barcelonais s’est ainsi fait<br />

connaître pour sa Fab<strong>La</strong>bHouse : les plans sont<br />

sur le Web, libres et tout le monde peut la<br />

construire. Il vient aussi de créer des chaussures<br />

biodégradables mais ne va peut-être pas<br />

les faire breveter. Open source. <br />

Renault a, comme toutes les<br />

grosses structures, des services de<br />

recherche et développement trop<br />

lourds et trop lents. Le constructeur<br />

a donc entrepris de favoriser<br />

l’innovation en interne et, avec les<br />

outils des Fab<strong>La</strong>bs, cela va beaucoup<br />

plus vite tout en étant nettement<br />

moins cher. Le groupe<br />

s’est peut-être inspiré de l’expérience<br />

de Ford, qui passe beaucoup<br />

de temps dans le TechShop<br />

de Detroit pour voir les « makers »<br />

bidouiller leurs innovations.<br />

Fabien Eychenne cite d’ailleurs le<br />

PDG de Ford, Bill Coughlin, qui<br />

explique comment son entreprise<br />

suit ces bidouilleurs – souvent de<br />

très bons inventeurs mais pas<br />

forcément de bon commerciaux<br />

ou gestionnaires –, et comment<br />

Ford les aide (en achetant éventuellement<br />

les idées qui l’intéressent).<br />

Dans un autre registre,<br />

les biscuits Poult, le numéro un<br />

des biscuits en marque blanche<br />

(et inventeur du biscuit antistress),<br />

ont adopté la même<br />

démarche. Le groupe SEB avec<br />

EM Lyon vient aussi de se lancer<br />

dans l’aventure Fab<strong>La</strong>b et Airbus<br />

travaille avec le Fab<strong>La</strong>b de<br />

Toulouse, Artilect.<br />

Fabrication d’imprimantes 3D RepRap dans un atelier<br />

Fab<strong>La</strong>b à l’IAAC de Barcelone. [ BAFLAB BARCELONA IAAC]<br />

D’ailleurs de manière assez étonnante,<br />

les ruraux semblent parfois<br />

plus intéressés que les urbains.<br />

Didier Galet est maire de Savins,<br />

446 habitants dans la Seine-et-<br />

Marne, dont le dernier café vient<br />

de fermer. Le numérique, c’est la<br />

survie possible de son village dortoir<br />

pour travailleurs parisiens.<br />

Lui en est à l’étape Living<strong>La</strong>b :<br />

espace de 220 m 2 entièrement<br />

connecté, ouvert jour et nuit,<br />

dédié au télétravail, à la formation<br />

à distance. Il est de plus en plus<br />

fréquenté, les gens réfléchissent,<br />

discutent ensemble, initient des<br />

projets. Savins est dans un parc<br />

régional et commence à travailler<br />

sur la filière chanvre, lance des<br />

projets sur la télémédecine, sur les<br />

filières locales de bois…<br />

QUAND UN VILLAGE ISOLÉ<br />

DEVIENT « THE PLACE TO BE »<br />

Au fur et à mesure, les habitants<br />

vont vouloir faire et Savins passera<br />

logiquement au Fab<strong>La</strong>b. <strong>La</strong><br />

volonté de Didier Galet est d’apporter<br />

des solutions locales à des<br />

problèmes locaux. Tout en travaillant<br />

en réseau avec les grands<br />

de ce monde : le maire de Savins<br />

a même passé un accord avec les<br />

Fab<strong>La</strong>bs de Barcelone et de Malmoe<br />

! « Il faut aller voir à Barcelone<br />

comme cela fourmille,<br />

explique-t-il. Il n’existe aucun<br />

préjugé dans le Fab<strong>La</strong>b catalan.<br />

Tout le monde se fiche de connaître<br />

la taille de Savins, seule les intéressait<br />

l’idée sur laquelle nous<br />

s o u h a i t i o n s t ra va i l l e r. E n<br />

revanche, chez nous, il faut se<br />

battre constamment pour faire<br />

comprendre notre logique économique.<br />

Même auprès de l’agence


VENDREDI 17 MAI 2013 LA TRIBUNE<br />

À Biarne, dans le Jura, l’association Net-Iki<br />

a ouvert le premier Fab<strong>La</strong>b rural. [DR]<br />

de développement économique. »<br />

Et il soupire sur « la capacité de<br />

nuisance économique phénoménale<br />

chez les institutionnels ».<br />

Autre cas, Biarne, village du<br />

Jura, à 40 kilomètres de Besançon,<br />

encore plus petit que Savins :<br />

363 habitants. Mais c’est « Le »<br />

lieu où il faut être : le premier<br />

Fab<strong>La</strong>b rural. Créé par l’associa-<br />

Avec les Fab<strong>La</strong>bs,<br />

il devient presque<br />

facile de trouver son<br />

petit marché et<br />

d’amortir un produit.<br />

tion Net-Iki – constituée en 2008<br />

parce que Biarne était en zone<br />

blanche –, c’est le premier Fab<strong>La</strong>b<br />

rural qui essaime. Sept autres sont<br />

actuellement en gestation, dont<br />

un à Dijon : Kelle Fabrik sur la<br />

broderie et les bijoux. Certes, le<br />

conseil général n’a accordé que<br />

5 000 euros de subventions ;<br />

certes, il a fallu se servir d’une<br />

salle de classe inutilisée pour installer<br />

le matériel, mais presque<br />

tout y est (il faut quand même<br />

faire quelques kilomètres pour<br />

utiliser la fraiseuse numérique<br />

d’un artisan du coin). Désormais,<br />

à Biarne, on bricole sévère. Et,<br />

malgré le faible débit de 2 mégabits,<br />

Biarne a organisé sa première<br />

journée internationale de travail,<br />

le 6 mai, avec une quinzaine de<br />

Fab<strong>La</strong>bs européens connectés.<br />

Tout cela reste balbutiant. Au<br />

niveau industriel comme au niveau<br />

rural. Mais l’idée est là et pour peu<br />

qu’un ou deux bidouilleurs fassent<br />

fortune (le Chinois qui a inventé<br />

l’aspirateur sans manche dirigeable<br />

avec Bluetooth ?), les<br />

Fab<strong>La</strong>bs devraient logiquement<br />

exploser. Aux États-Unis, un professeur<br />

de robotique a, lui, très<br />

rapidement compris qu’il y avait<br />

une idée et un marché. Il a lancé en<br />

2006 le premier TechShop. Même<br />

principe que le Fab<strong>La</strong>b, mais en<br />

version commerciale et<br />

business : une grande<br />

surface de 1 500 m 2<br />

bourrée de machines<br />

numériques, une adhésion<br />

pas trop chère et<br />

un slogan « What do<br />

you want to make ? » Ce<br />

« Qu’avez-vous envie de<br />

créer ? » a marché et une dizaine<br />

de Tech Shops ont depuis été<br />

ouverts de San Francisco à New<br />

York en passant par les citées<br />

industrielles Detroit et Pittsburgh.<br />

LA COQUE POUR IPAD <strong>EST</strong><br />

NÉE DANS UN TECHSHOP<br />

Ces TechShops permettent la<br />

croissance d’une économie de<br />

niche dont les entreprises ne<br />

peuvent s’occuper : avec cette<br />

réduction à trois fois rien du<br />

temps et du coût du prototypage<br />

d’une idée, il devient presque<br />

facile de trouver son petit marché<br />

et d’amortir un produit. Et les<br />

coûts ne peuvent que baisser.<br />

L’inventeur de la « Dodocase » (la<br />

coque pour iPad) a ainsi créé son<br />

premier modèle dans un Tech-<br />

Shop pour 500 dollars. Il a testé<br />

le marché, puis a embauché des<br />

gens qui sont allés produire<br />

d’autres Dodocase dans d’autres<br />

TechShops. Et quand son business<br />

ENTREPRISES & INNOVATION 15<br />

Avec une imprimante 3D, un Fab<strong>La</strong>b peut concrétiser n’importe quelle idée. Les grands groupes<br />

travaillent de plus en plus avec ces ateliers. Ainsi, Airbus, avec Artilect, à Toulouse. [ARTILECT]<br />

a vraiment décollé, il a lancé la<br />

production massive en Chine de<br />

Dodocase qu’il vend 80 dollars.<br />

C’<strong>EST</strong> LE RÈGNE<br />

DU CIRCUIT COURT<br />

Une deuxième révolution technique<br />

est à l’œuvre. Les Fab<strong>La</strong>bs<br />

utilisent des outils numériques<br />

qui n’ont pas été conçus pour eux,<br />

mais qui, petit à petit, produisent<br />

en interne les machines dont ils<br />

ont besoin. Le meilleur exemple<br />

est l’imprimante 3D RepRap : elle<br />

est composée de pièces qui ont été<br />

construites par l’imprimante précédente.<br />

Cette RepRap va bientôt<br />

être capable de produire la totalité<br />

du futur modèle de la RepRap.<br />

C’est le Fab<strong>La</strong>b 3.0. Il existera<br />

vraisemblablement avant 2020.<br />

Puis, selon le MIT et le CEA, arriveront<br />

les Fab<strong>La</strong>bs 4.0, où l’on<br />

parlera de la matière elle-même.<br />

L’immense avantage des Fab<strong>La</strong>bs<br />

est donc, dans un monde en crise<br />

économique et avec des matières<br />

premières et une énergie de plus<br />

en plus chères, de pouvoir<br />

répondre de manière quasi gratuite<br />

à des demandes précises et<br />

locales. C’est le règne du circuit<br />

court et c’est ce que Barcelone a<br />

compris (lire encadré).<br />

L’immense désavantage des<br />

Fab<strong>La</strong>bs c’est le DIY. Les Français<br />

ne sont pas du tout habitués à ce<br />

type de comportement, à ce type<br />

de production. Hormis quelques<br />

artistes spécialisés dans le numérique<br />

ou quelques ingénieurs fréquentant<br />

les Summer<strong>La</strong>bs<br />

(grandes réunions de bidouilleurs,<br />

de hackers, d’ingénieurs, la prochaine<br />

aura lieu à Nantes, début<br />

juillet), les Français regardent la<br />

chose avec la même méfiance que<br />

les super-technos du Minitel<br />

considéraient les garages de la<br />

Silicon Valley du début des années<br />

1990. Comme le disait un étudiant<br />

du Fac<strong>La</strong>b de Cergy Pontoise lors<br />

de la visite de Jean-Marc Ayrault :<br />

« On est dans la même situation<br />

qu’il y a quinze ou vingt ans,<br />

l o rs q u e l ’A N P E a va i t d e s<br />

demandes de webmasters et n’avait<br />

aucune idée de ce que cela pouvait<br />

être. En 2013, l’université et Pôle<br />

Emploi ont le même problème avec<br />

les FabManagers. »


16<br />

TERRITOIRES / FRANCE<br />

NAVIGUER EN VILLE Disparues depuis plus de soixante ans, les<br />

navettes fluviales font leur retour sur les rives de la Garonne, dans<br />

la capitale aquitaine. Ce serait banal si ces bateaux-bus futuristes<br />

n’étaient pas à la pointe de la technologie : ils peuvent fonctionner<br />

en mode hybride, électrique ou diesel. Une innovation mondiale.<br />

NICOLAS CÉSAR, À BORDEAUX,<br />

OBJECTIF A<strong>QUI</strong>TAINE<br />

« <strong>La</strong> d e r n i è r e<br />

navette fluviale<br />

à B o rd e a u x<br />

remonte à 1947.<br />

Cela fait dixhuit<br />

ans que je propose de faire<br />

revivre ce fleuve », s’enthousiasme<br />

Philippe Dorthe, conseiller général<br />

(PS) de Gironde. Le combat a été<br />

long. Plusieurs projets ont échoué.<br />

Mais celui-là a tous les atouts pour<br />

séduire, y compris d’autres villes<br />

dans le monde, bordées ou traversées<br />

par un fleuve, tant la nouvelle<br />

navette, baptisée Batcub, mise en<br />

service début mai par la Communauté<br />

urbaine de Bordeaux (CUB)<br />

est innovante. Ce navire « doux »,<br />

long de 19 mètres, peut voguer<br />

trois heures en tout électrique et<br />

se recharge pendant la navigation<br />

en « mode hybride ». « Je ne<br />

connais pas d’autres bateaux qui<br />

proposent à la fois l’hybride, l’électrique,<br />

le diesel et sont capables de<br />

naviguer à 15 nœuds », avance<br />

Emmanuel Martin, le patron du<br />

chantier Dubourdieu.<br />

UNE VITRINE POUR<br />

LE SAVOIR-FAIRE BORDELAIS<br />

Autre spécificité, « c’est un catamaran,<br />

qui, grâce à des carènes très<br />

fines, coupe l’eau, ne rebondit pas,<br />

ce qui assure un certain confort de<br />

navigation sur un fleuve réputé difficile<br />

», ajoute-t-il.<br />

Un concept qui a vocation à s’exporter.<br />

Pour Bordeaux, c’est une<br />

vitrine de son savoir-faire dans le<br />

nautisme. Car ces innovations ont<br />

été réalisées par un groupement<br />

d’entreprises locales, piloté par le<br />

chantier Dubourdieu (2 millions<br />

d’euros de chiffre d’affaires),<br />

entreprise basée à Gujan-Mestras<br />

sur le bassin d’Arcachon, spécialiste<br />

des pinasses depuis un siècle.<br />

Constructions Aluminium Inox,<br />

également à Gujan-Mestras, en a<br />

fabriqué les coques, Orion Naval<br />

Engineering (Canéjan) en a réalisé<br />

les études, tandis que Saft, qui<br />

a une usine et un centre de<br />

recherche mondial à Bordeaux, a<br />

développé les batteries lithiumion.<br />

Dans ce consortium girondin,<br />

un Nantais, ECA-EN, groupe français<br />

de robotique et d’aéronautique,<br />

apporte son savoir-faire<br />

pour la propulsion.<br />

« <strong>La</strong> traversée avec cette navette<br />

coûte le prix d’un ticket de tramway<br />

», souligne Vincent Feltesse,<br />

le président de la CUB. Ce bateaubus<br />

est intégré au réseau de transport<br />

de la CUB et a vocation à<br />

devenir le quatrième maillon du<br />

système de transports en commun<br />

de la collectivité.<br />

<strong>La</strong> navette assure deux liaisons<br />

rapides toutes les 15 minutes aux<br />

heures de pointe (7 h-10 h et<br />

16 h-19 h) entre le Bas Lormont-<br />

Claveau et Stalingrad-Quinconces.<br />

Les traversées s’eectuent<br />

en 4 minutes, contre 20 minutes<br />

en tramway. Le reste de la journée<br />

et les week-ends, une liaison de<br />

cabotage avec une fréquence de<br />

45 minutes est assurée entre le<br />

Bas Lormont et la place Stalingrad<br />

en 40 minutes, avec cinq<br />

escales. Elle devrait séduire les<br />

touristes, mais aussi les Bordelais<br />

désireux de voir leur ville « autrement<br />

». Chaque bateau-bus<br />

pourra transporter 45 passagers<br />

et six vélos. 200 000 voyageurs<br />

par an sont attendus.<br />

LA TRIBUNE VENDREDI 17 MAI 2013<br />

Bordeaux lance des bateaux-bus<br />

hybrides, uniques au monde<br />

Batcub, la nouvelle navette hybride, dispose de 3 heures<br />

d’autonomie et se recharge pendant la navigation. [LACUB]<br />

!"#$%&'()!)*+'<br />

Repères<br />

1,8 MILLION D’EUROS ( Le coût<br />

total des deux bateaux-bus.<br />

1,4 EURO ( Le prix par voyage,<br />

comme pour les tramway et bus.<br />

4 MINUTES ( Durée de la traversée.<br />

45 PLACES ( dont 30 assises ;<br />

emplacements pour deux fauteuils<br />

roulants et six vélos.<br />

2 LIAISONS RAPIDES ( Toutes les<br />

15 minutes aux heures<br />

de pointe (7 h-10 h / 16 h-19 h)<br />

1 LIAISON CABOTAGE ( Lormont-<br />

Hangars-Quinconces-Stalingrad, du<br />

lundi au vendredi de 10 h à 16 h.<br />

Week-end, j. fériés : 8 h 30 à 19 h.<br />

200 000 ( Le nombre de passagers<br />

attendus par an.<br />

Un vrai pari pour Keolis, la filiale<br />

de la SNCF qui exploite aussi le<br />

réseau de tramway, car l’investissement<br />

n’est pas négligeable : les deux<br />

navettes construites ont coûté<br />

1,8 million d’euros et leur utilisation,<br />

confiée à l’association Gens<br />

d’Estuaire, a permis de créer<br />

12 emplois. Pour autant, lorsque<br />

Nantes avait lancé sa navette fluviale<br />

sur la Loire en 2005, le Navibus<br />

avait démarré lentement, avec<br />

80 000 usagers par an. Aujourd’hui,<br />

c’est un vrai succès : 511 000 passagers<br />

l’empruntent, pour aller travailler<br />

dans 80 % des cas.<br />

UN PLUS POUR UNE<br />

MÉTROPOLE « DURABLE »<br />

« Quand on va travailler en<br />

bateau, on n’aborde pas la journée<br />

de la même manière », souligne<br />

Philippe Dorthe. Il faut dire aussi<br />

que la communauté urbaine de<br />

Bordeaux, connue pour ses<br />

embouteillages, a tout intérêt à<br />

diversifier les modes de transport.<br />

D’ici à 2030, elle veut faire croître<br />

sa population de 750 000 habitants<br />

à un million pour atteindre<br />

le statut de métropole européenne.<br />

Une métropole, qui se<br />

« veut durable » et a de nombreux<br />

projets importants pour les prochaines<br />

années : quartier d’aaires<br />

Euratlantique, arrivée de la LGV<br />

en 2017 qui mettra Bordeaux à<br />

deux heures de Paris…<br />

Le Batcub devrait aussi devenir un<br />

plus touristique, un élément supplémentaire<br />

d’attractivité de Bordeaux,<br />

une ville qui a de beaux<br />

atouts et est classée depuis 2007 au<br />

patrimoine mondial de l’Unesco.<br />

Selon une enquête réalisée par<br />

l’institut de sondages BVA pour la<br />

presse quotidienne régionale, la<br />

capitale de l’Aquitaine est la deuxième<br />

ville préférée des Français,<br />

après Paris. Mais le plus important,<br />

c’est peut-être que Bordeaux<br />

renoue aujourd’hui avec son<br />

fleuve. Car la ville, qui a longtemps<br />

dénigré sa rive droite, construit<br />

désormais son avenir en regardant<br />

des deux côtés de la Garonne. Et<br />

cela, c’est loin d’être anodin. <br />

Et si la prochaine lauréate<br />

des <strong>Tribune</strong> Women's Awards, c'était vous ?<br />

Candidatez ou recommandez jusqu'au 30 juin sur<br />

www.latribunewomensawards.fr


VENDREDI 17 MAI 2013 LA TRIBUNE<br />

TERRITOIRES / FRANCE 17<br />

<strong>La</strong> Bretagne s’amarre au<br />

port numérique mutualisé<br />

LOGISTIQUE Pour gérer le trafic et les données administratives<br />

de manière plus ecace, la Région Bretagne met en œuvre son port<br />

numérique. D’ici à 2014, ce système d’information portuaire<br />

dématérialisé mutualisera les données des ports de Lorient, Brest et<br />

Saint-Malo. Un plus pour la compétitivité de l’ensemble de la filière.<br />

PASCALE PAOLI-LEBAILLY<br />

Regrouper sur un<br />

même serveur toutes<br />

les données administratives<br />

et de renseignements<br />

non confidentielles<br />

(tonnages, douanes,<br />

accostage, statistiques…) sur les<br />

ports de Lorient, Brest et Saint-<br />

Malo : c’est le chantier auquel s’attelle<br />

la Région Bretagne pour 2014.<br />

En mutualisant des données<br />

jusqu’alors éparpillées par secteur<br />

d’activité, le port numérique de<br />

Bretagne doit à terme faciliter la<br />

tâche des douanes, des gestionnaires<br />

portuaires, des capitaineries<br />

mais aussi des importateurs et des<br />

bateaux entrants.<br />

« Il s’agit de rendre plus ecace la<br />

gestion du trafic et des opérations<br />

administratives, souligne Gérard<br />

<strong>La</strong>hellec, vice-président chargé de<br />

la mobilité et des transports au<br />

conseil régional. Là où l’on met<br />

17 heures actuellement, il n’en faudra<br />

que deux. »<br />

Concrètement, le port numérique<br />

va permettre aux diérents acteurs<br />

de dématérialiser l’ensemble des<br />

procédures administratives et commerciales<br />

s’appliquant à leurs trafics,<br />

en entrée comme en sortie. À<br />

l’arrivée, se profile un gain en productivité<br />

et en compétitivité, ainsi<br />

qu’une meilleure insertion dans la<br />

chaîne logistique et de transport<br />

européenne, voire mondiale. Avec<br />

le port numérique, les places portuaires<br />

bretonnes respecteront<br />

aussi l’obligation européenne de<br />

mise en place prévue d’un guichet<br />

unique portuaire en 2015 entre les<br />

diérents membres de l’UE.<br />

À la suite de l’Acte II de la décentralisation,<br />

la Région Bretagne est<br />

devenue propriétaire et autorité<br />

portuaire des ports de commerce<br />

de Brest, Lorient et Saint-Malo le<br />

1 er janvier 2007. Depuis 2010, elle<br />

Le port de Brest bénéficie d’un programme d’investissement<br />

régional de 160 M€ sur dix ans. [MICHEL SETBOUN/AFP]<br />

a adopté une stratégie fondée sur<br />

le rôle pivot des ports dans la<br />

logistique des filières économiques<br />

bretonnes.<br />

LE CHOIX STRATÉGIQUE<br />

DU MAILLAGE DES DONNÉES<br />

L’accélération du passage de la<br />

marchandise dans les ports grâce<br />

à un système d’information numérique<br />

participe de cette politique<br />

de modernisation.<br />

Dans cette procédure, la Bretagne,<br />

qui est assistée par la société<br />

de conseil et informatique en logistique,<br />

Marseille Gyptis International<br />

(MGI), a investi dans des études<br />

de faisabilité : 49 000 euros ht pour<br />

une étude financière et juridique,<br />

74 000 euros ht pour une étude<br />

technique. Outre les moyens<br />

humains internes qui seront<br />

alloués à ce projet, la Région prendra<br />

aussi en charge la réalisation du<br />

logiciel dont le montant n’est pas<br />

encore chiré.<br />

« Des ports numériques, gérés par<br />

des prestataires, existent à Marseille,<br />

Bordeaux Le Havre. <strong>La</strong><br />

Bretagne a choisi un système de<br />

mutualisation des données, qui<br />

s’appuie sur les besoins et la spécificité<br />

bretonne de nos ports. Ceux-ci<br />

sont de petite taille. Or, si la Région<br />

n’organise pas le maillage des données,<br />

le port numérique n’existera<br />

pas de manière efficace », assure<br />

Gérard <strong>La</strong>hellec.<br />

Via cette avancée technologique,<br />

la Bretagne veut pousser le futur<br />

développement de ses trois places<br />

portuaires dans un contexte d’inflation<br />

des obligations relatives à<br />

la traçabilité et à la sécurité du<br />

transport de marchandises.<br />

Jalouse de ses prérogatives et<br />

missions, ne voulant « devenir<br />

l’appendice de personne », la<br />

Région mise sur l’activité portuaire<br />

pour développer l’économie régionale<br />

: 50 % de son activité portuaire<br />

est réalisée à Lorient, spé-<br />

cialisé dans le vrac agroalimentaire<br />

et deuxième port de pêche français,<br />

tandis que Brest s’est orienté<br />

vers les containers. Elle participe<br />

aussi aux projets d’investissement<br />

des ports de Rosco et de Saint-<br />

Brieuc, et mise sur la complémentarité<br />

avec le futur aéroport de<br />

Notre-Dame-des-<strong>La</strong>ndes et le port<br />

de Nantes-Saint-Nazaire.<br />

LES MOYENS D’UNE<br />

AMBITION <strong>QUI</strong> S’AFFIRME<br />

Au fil des années, les ambitions<br />

portuaires bretonnes ont gonflé en<br />

proportion des sommes investies :<br />

15 millions d’euros engagés par<br />

l’État de 1997 à 2007, 82 millions<br />

d’euros déployés ces cinq dernières<br />

années par la Région (budget global<br />

2013 de 1,3 milliard d’euros).<br />

<strong>La</strong> Région Bretagne participe<br />

ainsi à hauteur de 30 à 40 millions<br />

d’euros à la rénovation des ports de<br />

Lorient (aménagement de la rive<br />

gauche du Scor ), de Saint-Malo<br />

(réorganisation des espaces portuaires<br />

au profit des entreprises<br />

implantées sur le port) et de Brest<br />

(amélioration des profondeurs des<br />

accès et adaptation des quais aux<br />

gros navires). Le programme d’investissement<br />

sur Brest s’élève à<br />

160 millions d’euros sur dix ans.<br />

« Tous les flux ont leur place en<br />

Bretagne et nous prospectons<br />

toutes les filières, poursuit Gérard<br />

<strong>La</strong>hellec. L’accroissement du trafic<br />

et de l’activité de commerce est bon<br />

pour l’économie régionale et pour<br />

le développement durable. Dans<br />

cette optique, il était indispensable<br />

de se doter d’un port numérique. »<br />

Et dans un contexte de forte<br />

volatilité des règles du commerce,<br />

c’est également une manière de<br />

fidéliser les clients.<br />

Repères<br />

L’ACTIVITÉ DES PORTS BRETONS<br />

7,6 MILLIONS DE TONNES ( Les<br />

marchandises transportées en<br />

2011, avec un fort développement<br />

du secteur de l’agroalimentaire<br />

et des containers.<br />

4 500 EMPLOIS ( recensés<br />

dans le transport maritime.<br />

645 EMPLOIS ( occupés<br />

dans la réparation navale.<br />

5 171 EMPLOIS DIRECTS ( civils<br />

et militaires, répertoriés<br />

dans la construction navale.<br />

1 157 163 PASSAGERS ( ont<br />

transité par Saint-Malo en 2011,<br />

dont 33 326 croisiéristes (+ 94, 8 %).


18<br />

LE GRAND<br />

CHANTIER<br />

TERRITOIRES / FRANCE<br />

LA TRIBUNE VENDREDI 17 MAI 2013<br />

Les pépinières d’entreprises spécialisées se multiplient, en plein centre de l’agglomération strasbourgeoise,<br />

au bénéfice d’inventeurs d’équipements médicaux et des sciences de la vie. <strong>La</strong> collectivité investit aux côtés<br />

des industriels pour s’inscrire, au niveau mondial, parmi les pôles d’excellence.<br />

Strasbourg déroule le tapis rouge<br />

pour les start-up techmeds<br />

OLIVIER MIRGUET, À STRASBOURG<br />

Les chirurgiens sont<br />

invités à dîner dans<br />

l’Écurie royale ! Le<br />

chantier de réhabilitation<br />

des anciens haras<br />

de Strasbourg, ensemble patrimonial<br />

classé du XVIII e siècle, est en<br />

voie d’achèvement. Sur 8 000 m 2 ,<br />

dans cet écrin en pierres de taille<br />

et à portée de vue de la cathédrale,<br />

les inventeurs viendront dès le<br />

mois d’octobre développer des<br />

start-up « techmeds ».<br />

L’aile gauche du haras, un ancien<br />

manège équestre, sera aménagée<br />

en hôtel d’entreprises, un biocluster<br />

prévu pour accueillir une<br />

vingtaine de PME. Au centre, derrière<br />

une façade en pierres de<br />

taille, les praticiens franchiront<br />

un portail monumental pour se<br />

restaurer et se reposer dans un<br />

environnement luxueux, décoré<br />

de cuir sellier et de bois. En cuisine,<br />

le chef étoilé Marc Haeberlin<br />

animera une brasserie de<br />

160 places. Cinquante-cinq chambres<br />

d’un hôtel 4 étoiles accueilleront<br />

les chirurgiens de passage<br />

à Strasbourg, stagiaires de l’Institut<br />

de recherche contre les cancers<br />

de l’appareil digestif (Ircad).<br />

TRANSFORMER EN BUSINESS<br />

LES AC<strong>QUI</strong>S UNIVERSITAIRES<br />

Ce projet à 25 millions d’euros,<br />

financé par l’Ircad sur fonds privés<br />

et par endettement, doit beaucoup<br />

au soutien politique de la<br />

collectivité. « Grâce à cet institut,<br />

on a la chance d’être en avance<br />

dans la recherche médicale, reconnaît<br />

Roland Ries, sénateur et<br />

maire (PS) de Strasbourg. Il y a<br />

4 000 chirurgiens de haut niveau<br />

qui viennent chaque année se<br />

former aux techniques de chirurgie<br />

mini-invasive. Ces gens-là, on ne<br />

les fait pas dormir dans un deuxétoiles<br />

! »<br />

Craignant de voir l’Ircad se<br />

développer dans des filiales à<br />

Taïwan et à São Paulo, au détriment<br />

de Strasbourg, Roland Ries<br />

a écarté toutes les propositions<br />

concurrentes de réaectation des<br />

haras, à l’abandon depuis plus de<br />

dix ans.<br />

Des défenseurs du patrimoine se<br />

sont élevés contre cette privatisation.<br />

Des amateurs de chevaux et<br />

de poneys rêvaient de réintroduire<br />

des clubs d’équitation en<br />

Ces anciens haras, ensemble patrimonial classé du XVIII e siècle réaménagé en hôtel d’entreprises,<br />

accueilleront dès le mois d’octobre les chirurgiens de passage à Strasbourg, stagiaires de l’Institut<br />

de recherche contre les cancers de l’appareil digestif (Ircad). [ DENU-PARADON ARCHITECTES]<br />

«Quand<br />

les créateurs<br />

ne sont pas<br />

accompagnés,<br />

ils peuvent<br />

être aspirés ailleurs.<br />

Il faut se battre<br />

pour les garder. »<br />

ROLAND RIES, SÉNATEUR<br />

ET MAIRE (PS) DE STRASBOURG<br />

centre-ville. L’Ircad, porteur d’un<br />

projet de développement économique<br />

en ligne avec les stratégies<br />

d’innovation des collectivités,<br />

proposait d’encaisser une partie<br />

des bénéfices de l’hôtel et du restaurant<br />

pour rembourser son<br />

emprunt. Banco : Roland Ries a<br />

accordé un bail emphytéotique de<br />

cinquante-deux ans à l’institut de<br />

recherche. « L’enjeu est d’assurer<br />

la traduction économique de ce<br />

développement universitaire largement<br />

reconnu, comme en témoigne<br />

le prix Nobel de médecine obtenu<br />

par Jules Hoffmann en 2011 »,<br />

explique le maire. Le chirurgien<br />

et fondateur de l’Ircad, Jacques<br />

Marescaux promet 150 emplois,<br />

dès l’ouverture en octobre.<br />

Fourni par les spécialistes allemands<br />

Karl Storz et Siemens en<br />

équipements hybrides pour des<br />

opérations robotisées mini-invasives<br />

et guidées par l’image, l’Ircad<br />

est devenue la référence mondiale<br />

dans les développements<br />

high-tech de la chirurgie laparoscopique,<br />

une spécialité née en<br />

France, déjà, en 1988. Jacques<br />

Marescaux veut faire éclore à<br />

Strasbourg des nuées de jeunes<br />

champions, comme Insimo, startup<br />

incubée à l’hôpital, porteuse<br />

d’un projet de simulation du corps<br />

humain en 3D, ou Protip, inventeur<br />

strasbourgeois d’un larynx<br />

artificiel en titane poreux.<br />

LES JEUNES POUSSES<br />

JOUXTERONT DES GÉANTS<br />

À quelques centaines de mètres<br />

des haras, sur le site de l’hôpital<br />

civil, le chirurgien-businessman<br />

porte depuis avril 2011 le projet<br />

de l’Institut hospitalo-universitaire<br />

(IHU) dédié à la chirurgie<br />

mini-invasive guidée par l’image.<br />

Ce bâtiment, une construction<br />

neuve sur 10 500 m 2 (26 millions<br />

d’euros de financements publics),<br />

sera prêt en 2015, doté par Karl<br />

Storz et Siemens de sept salles<br />

d’opération expérimentales. Un<br />

étage sera réservé à l’hébergement<br />

de trente autres start-up.<br />

« Les jeunes pousses vont se<br />

retrouver parmi des géants.<br />

Quand un projet est bon, il ne rencontre<br />

pas de problème de financement<br />

», estime Jacques Marescaux,<br />

écartant les critiques<br />

récurrentes sur la faiblesse des<br />

structures de capital-développement<br />

en Alsace.<br />

DES FONDS RÉGIONAUX<br />

CONSOLIDÉS<br />

Le volet financier de l’accompagnement<br />

des start-up biotech et<br />

médicales posait en eet un problème<br />

dans la région, malgré la<br />

labellisation en 2005 du pôle de<br />

compétitivité « Innovations thérapeutiques<br />

», devenu « Alsace<br />

Biovalley », et ses 2 000 emplois<br />

déjà créés. <strong>La</strong> Sodiv, société de<br />

diversification de l’ex-bassin<br />

potassique dans la périphérie de<br />

Mulhouse, et le fonds régional<br />

Alsace Création n’ont jamais<br />

investi massivement dans ce<br />

secteur jugé trop risqué.<br />

<strong>La</strong> création en 2011 de Conectus,<br />

structure de maturation et de<br />

valorisation au sein des universités,<br />

pose de nouvelles bases dans<br />

le financement de l’innovation.<br />

« <strong>La</strong> santé, dans nos opérations,<br />

représente les deux tiers des brevets,<br />

contrats et licences, calcule<br />

Nicolas Carboni, président de<br />

Conectus. <strong>La</strong> faille entre la<br />

recherche publique et l’entreprise<br />

va être comblée à la fin de 2013<br />

avec la restructuration et la consolidation<br />

de diérents fonds régionaux<br />

d’innovation, autour d’une<br />

structure de gestion dédiée. »<br />

Pour éviter l’embouteillage à la<br />

sortie des labos, la ville de Strasbourg<br />

participe à la création<br />

d’autres lieux d’accueil des startup.<br />

Le bâtiment pH8, un<br />

immeuble loué précédemment à<br />

l’École nationale d’administration,<br />

a été requalifié en pépinière<br />

d’entreprises, pour 1 million d’euros,<br />

divisé en cellules d’une vingtaine<br />

de mètres carrés occupées<br />

par des jeunes pousses techmed<br />

et des sociétés de recherche.<br />

Cet hiver, la communauté<br />

urbaine a négocié le rachat, pour<br />

18 millions d’euros, d’une friche<br />

médicale, sur trois hectares, dans<br />

l’enceinte des hôpitaux universitaires.<br />

En 2017, elle promet d’y<br />

construire un technoparc qui<br />

orira, à terme, 30 000 m 2 à des<br />

centres de recherche dans les<br />

technologies médicales.<br />

« Quand les créateurs ne sont<br />

pas accompagnés, ils peuvent être<br />

aspirés ailleurs. Le danger, c’est la<br />

fuite des cerveaux. Il faut se battre<br />

pour les garder », martèle Roland<br />

Ries.


VENDREDI 17 MAIS 2013 LA TRIBUNE<br />

LE PROJET<br />

À RISQUE<br />

TERRITOIRES / INTERNATIONAL 19<br />

C’est l’une des privatisations les plus importantes mais aussi les plus polémiques en Grèce. Le site<br />

de l’ancien aéroport international de Hellinikon, près d’Athènes, pourrait rapporter des milliards à l’État.<br />

Quatre groupes sont en lice, mais certains habitants refusent la cession aux groupes privés.<br />

En Grèce, la privatisation annoncée<br />

de Hellinikon exacerbe la fronde<br />

ÉLISA PERRIGUEUR, À ATHÈNES<br />

Le long de la mer, des barbelés<br />

rouillés encadrent<br />

une immense surface<br />

bétonnée. Les mauvaises<br />

herbes ont recouvert<br />

le sol usé. Les fondations des<br />

nombreux bâtiments à l’abandon<br />

vacillent. En cet après-midi de<br />

chaleur écrasante, la présence<br />

humaine est rare : deux gamins<br />

jouent mollement au basket sur<br />

de vieilles infrastructures sportives.<br />

Un calme olympien règne<br />

dans la cité-fantôme baptisée<br />

« Hellinikon », située au sud de la<br />

bruyante Athènes.<br />

PRÈS D’ATHÈNES, UN SITE<br />

À VOCATION TOURISTIQUE<br />

Voici quinze ans pourtant, ce site<br />

était l’un des plus dynamiques de<br />

Grèce. Sur 620 hectares, soit trois<br />

fois la taille de Monaco, se<br />

côtoyaient alors le grand aéroport<br />

international du pays, une vaste<br />

marina avec un front de mer de<br />

3,5 kilomètres de long et une base<br />

aérienne militaire américaine.<br />

Puis tout, ou presque, s’est paralysé<br />

en 2001. L’aéroport, qui avait<br />

besoin de s’agrandir, a été transféré<br />

à l’est de la capitale. Hellinikon<br />

a sombré peu à peu dans le<br />

sommeil et l’oubli. À peine troublé<br />

en 2004, pendant quelques mois,<br />

lorsque Athènes a accueilli les<br />

Jeux olympiques.<br />

Ce trésor dormant a donc été<br />

soudainement redécouvert en<br />

juin 2011. Propriété de l’État grec,<br />

Hellinikon a été vite mis en bonne<br />

place dans la liste des biens<br />

publics de valeur que le gouvernement<br />

d’Athènes souhaite privatiser<br />

pour renflouer des caisses<br />

remplies de dettes. Faut-il rappeler<br />

que, sous la pression de<br />

l’Union européenne, la Grèce s’est<br />

en effet engagée à réaliser plus<br />

d’une centaine de privatisations<br />

d’ici à 2016, afin de faire rentrer<br />

quelque 19 milliards d’euros de<br />

recettes. Or, selon le gouvernement,<br />

la friche de Hellinikon vaudrait<br />

de l’or. À en croire les calculs<br />

enfiévrés des fonctionnaires grecs,<br />

le développement de ces 620 hectares<br />

pourrait contribuer à<br />

accroître le PIB de la Grèce de<br />

0,3 %. Pas moins…<br />

Un appel d’ores a donc été lancé<br />

en 2012 par l’agence des privatisations<br />

grecques (Tapeid), chargée de<br />

superviser l’ensemble des privatisations<br />

du pays. Sur le site Internet de<br />

cette structure, on peut voir des<br />

photos aériennes de l’ensemble de<br />

Hellinikon en tête du catalogue des<br />

biens grecs à vendre, tel un produit<br />

phare. « On pourrait y construire des<br />

Les opposants<br />

dénoncent un projet<br />

ultralibéral, contraire<br />

aux besoins<br />

d’espace public<br />

de la population.<br />

marinas, des hôtels, soit un développement<br />

fantastique comme on peut<br />

en voir à Doha, à Dubai ou à Singapour<br />

! » s’emballe Stelios Stavridis,<br />

patron du Tapeid.<br />

Depuis janvier, l’instance des<br />

privatisations a sélectionné<br />

quatre groupes : le qatari Real<br />

Estate, le britannique London &<br />

Regional Properties, le grec<br />

<strong>La</strong>mda Developpement et l’israélien<br />

Elbit Cochin. « L’un d’entre<br />

eux reprendra Hellinikon pour<br />

environ cinquante ans, mais leurs<br />

activités seront très surveillées,<br />

clarifie Stelios Stavridis. L’une<br />

des conditions est que l’architecte<br />

qui présentera les plans soit<br />

quelqu’un de connu. » Ces fameux<br />

plans de développement devront<br />

être remis le 31 octobre prochain<br />

au plus tard. Puis le Tapeid désignera<br />

le repreneur. « Ce sera évidemment<br />

un lieu touristique, quoi<br />

d’autre ? assure le patron du<br />

Tapeid. Cela devrait<br />

générer au minimum<br />

10 000 emplois. » En<br />

revanche, aucune<br />

indication sur le<br />

coût du terrain :<br />

« Trop difficile de<br />

faire une estimation,<br />

cela dépendra des<br />

projets proposés. »<br />

Certes. D’autant<br />

qu’en Grèce, la vie n’est pas un<br />

long fleuve tranquille. Et d’ailleurs,<br />

s’il n’y a pas vraiment de<br />

fleuve dans la péninsule hellénique,<br />

en revanche ce ne sont pas<br />

les montagnes et les obstacles qui<br />

manquent. Et les contradicteurs.<br />

LE MÉCONTENTEMENT DES<br />

MUNICIPALITÉS VOISINES<br />

Les premières à mener la fronde<br />

contre ce projet de privatisation<br />

ont été les municipalités voisines<br />

du site, Elleniko-Argyroupolis,<br />

Alimos et Glyfada. Bientôt<br />

rejointes par l’Union des municipalités<br />

d’Attiki. « Le Tapeid est<br />

ultralibéral, il veut supprimer l’un<br />

des rares espaces vides de la capitale<br />

alors que nous en manquons,<br />

il faut le protéger », plaide la jeune<br />

Fereniki Vatavali, employée à la<br />

mairie d’Elleniko-Argyroupolis,<br />

qui verrait bien en lieu et place du<br />

site un espace « entièrement public<br />

avec des infrastructures sportives<br />

gratuites, des associations, des<br />

espaces verts… » Bref, le Club<br />

Med, mais version open bar.<br />

Toutefois, côté finances, la jeune<br />

grecque concède que les municipalités<br />

n’ont pas le budget pour un<br />

tel projet. « Mais l’État doit faire<br />

les travaux de rénovation, réhabiliter<br />

les réseaux d’électricité, d’eau<br />

avant de céder le terrain. » Un coût<br />

« énorme », fulmine-t-elle : « Et<br />

c’est la société qui va payer pour<br />

tout ça, et ça ne profitera au final<br />

qu’au secteur privé ! »<br />

Sur le vaste site abandonné, une<br />

centaine de contestataires n’ont<br />

pas hésité à franchir les barbelés<br />

vieillots pour y installer leurs quartiers<br />

ces dernières années. Soutenus<br />

par les municipalités alentours,<br />

ces irréductibles fourmillent<br />

d’idées et rendent bien des services<br />

aux habitants des communes<br />

voisines, avec des clubs sportifs,<br />

des associations et même un<br />

dispensaire autogéré avec soins<br />

gratuits. Mary Sideris y est infirmière.<br />

Et face au projet de « priva-<br />

tisation », elle est bien amère.<br />

« Bien sûr que je suis contre ! Nous<br />

avons 9 000 patients qui viennent<br />

ici chaque semaine, si nous partons<br />

demain, ils n’auront plus rien. Nous<br />

n’avons nulle part où aller. »<br />

Tranquilles pendant des années,<br />

tous ces résistants ont toutefois<br />

reçu une lettre d’éviction il y a un<br />

an de la part du gouvernement.<br />

Aucun n’a quitté les lieux pour<br />

autant. Une occupation qui n’inquiète<br />

pas outre mesure Stelios<br />

Stavridis. « C’est le bazar sur place<br />

aujourd’hui, mais ils partiront,<br />

avance-t-il avant de lancer : Ceux<br />

qui ne veulent pas de la privatisation<br />

choisissent d’avoir Kaboul ! »<br />

« Début mars, arme de son côté<br />

la jeune employée de mairie, nous<br />

avons déposé un recours devant la<br />

Cour suprême. Nous aurons une<br />

réponse début juin… Ce n’est que le<br />

début. » Tout le monde sait que la<br />

mairie d’Elleniko-Argyroupolis<br />

peut se montrer déterminée. Dans<br />

cette petite commune de banlieue,<br />

personne n’oublie qu’en 2007 son<br />

maire (indépendant), Christos<br />

Kortzidis, avait engagé une grève<br />

de la faim. Il luttait déjà contre la<br />

privatisation qui visait alors la<br />

plage de Hellinikon. Trois<br />

semaines plus tard et avec<br />

quelques kilos en moins, l’élu avait<br />

obtenu l’abandon du projet.<br />

Les 620 hectares du site de Hellinikon figurent en tête de liste des possibles<br />

privatisations sélectionnées par l’État grec pour renflouer ses caisses. [ARIS MESSINIS/AFP]


20<br />

TERRITOIRES / INTERNATIONAL<br />

Liverpool vend des logements<br />

sociaux délabrés pour une livre !<br />

NOUVEAU ET<br />

INTÉRESSANT<br />

Le<br />

millier<br />

de résidents qui se<br />

sont portés candidats<br />

à l’acquisition d’une<br />

maison à une livre<br />

s’engagent à la rénover<br />

selon des critères<br />

gouvernementaux.<br />

TRISTAN DE BOURBON, À LONDRES<br />

<strong>La</strong> municipalité de Liverpool<br />

a trouvé un bon moyen<br />

p o u r n e p a s rénove r<br />

179 logements sociaux délabrés :<br />

elle vendra 20 d’entre eux pour<br />

une livre (1,50 euro) à « des résidents<br />

de la ville ayant une activité<br />

ou à des gens qui y travaillent » et<br />

donnera la majorité des autres à<br />

une association de la région<br />

spécialisée dans l’amélioration de<br />

quartiers.<br />

« Nous recherchons des manières<br />

innovantes pour réhabiliter des<br />

logements et pour attirer les gens<br />

dans nos quartiers, a expliqué Ann<br />

O’Byrne, membre du départe-<br />

ment logement de la municipalité.<br />

L’objectif est d’accélérer la rénovation<br />

de logements, d’investir dans<br />

le futur de nos communautés et de<br />

faire tout notre possible pour orir<br />

des logements à un tarif abordable<br />

et de bonne qualité aux gens qui en<br />

ont le plus besoin. » Leur rénovation<br />

coûterait environ 10 millions<br />

de livres.<br />

Pour devenir propriétaires, les<br />

c a n d i d a t s a u x m a i s o n s<br />

mitoyennes à une livre, en majorité<br />

construites avant 1919 et<br />

ON EN PARLE À BRUXELLES<br />

Des milliers de logements sociaux britanniques sont inhabités faute<br />

de moyens pour les rénover. [IAN FORSYTH/AFP]<br />

toutes situées à proximité du<br />

centre-ville, devront rénover leur<br />

logement selon des critères gouvernementaux<br />

: « Être dans un état<br />

de réparation raisonnable, disposer<br />

de services et installations raisonnablement<br />

modernes et être isolé<br />

contre le froid afin de fournir un<br />

degré de confort thermique raisonnable<br />

», précisent les textes ociels.<br />

Les nouveaux propriétaires<br />

devront y loger pendant cinq ans,<br />

durée pendant laquelle aucune<br />

location ne sera autorisée. « Le<br />

LE CARNET DE NOTRE CORRESPONDANTE, FLORENCE AUTRET<br />

dépôt des offres a pris fin lundi<br />

6 mai, nous a-t-on expliqué à la<br />

mairie. Nous en avons reçu environ<br />

un millier. Nous les étudions avec<br />

pour objectif de signer les contrats<br />

en juin. »<br />

L’association locative Riverside<br />

Group rénovera la plupart des<br />

maisons restantes avant de les<br />

mettre en vente à des prix inférieurs<br />

de 25 % à ceux du marché.<br />

Elle n’en est pas à son coup d’essai,<br />

puisque 250 autres logements ont<br />

déjà été vendus de la même<br />

Après l’auberge espagnole, la gasthaus bavaroise<br />

C ’était<br />

en 2002. Cédric Klapisch nous<br />

régalait de ses histoires d’étudiants<br />

sages et polyglottes auxquels une<br />

modeste bourse européenne permettait<br />

de découvrir la belle Barcelone en<br />

même temps que la vie. L’Auberge espagnole reste à ce<br />

jour un admirable film de propagande européenne<br />

involontaire dont n’auraient même pas osé rêver les<br />

technocrates bruxellois. Une divine surprise ! Hélas,<br />

ces dernières années, les Wendy, Soledad, <strong>La</strong>rs, Tobias<br />

et autres Isabelle ont eu de quoi perdre leur insouciance.<br />

L’Europe ploie sous le remords d’une cohorte<br />

de près d’un demi-million de jeunes au chômage en<br />

Espagne, lesquels s’ajoutent aux 730 000 Français et<br />

aux quatre autres millions sur le reste du continent.<br />

À L’HEURE DU SOUS-EMPLOI DE MASSE, le<br />

moment est plutôt venu de vanter les mérites de la<br />

gasthaus bavaroise. Viviane Reding s’y attelle avec<br />

certes moins de poésie que Klapisch, mais avec un certain<br />

sens pratique… et l’espoir de devenir la prochaine<br />

présidente de la Commission européenne. « Un jeune<br />

de Madrid qui ne trouve pas de travail en Espagne, mais<br />

qui sait qu’il en trouvera à Berlin, pourquoi ne pas le<br />

laisser s’inscrire au chômage à Berlin pour y chercher<br />

du travail, tout en lui permettant de toucher ses alloca-<br />

Repères<br />

tions de la part de l’Espagne ? », se demandait la viceprésidente<br />

de la Commission européenne.<br />

Bruxelles propose d’étendre de trois à six mois la<br />

durée pendant laquelle un chômeur – par exemple –<br />

portugais peut percevoir ses allocations – au hasard –<br />

à Munich. C’est une manière assez peu glamour de<br />

célébrer la fête de l’Europe. Pour le « non-résident »<br />

qui s’est frotté au monde kaaïen de l’administration<br />

fiscale, sociale et communale de n’importe lequel des<br />

pays de l’Union européenne, cette modeste mesure<br />

peut sembler dérisoire. Mais rien n’interdit d’y trouver<br />

une lueur d’espoir.<br />

BERLIN N’A PAS LE CHOIX. Poussé par la nécessité,<br />

le gouvernement fédéral s’est lancé dans une véritable<br />

opération séduction pour attirer des jeunes qualifiés.<br />

Son Mittelstand comme ses services médicaux<br />

sourent d’un manque criant de personnel. Certaines<br />

régions industrielles sont littéralement sinistrées… à<br />

cause du manque de main-d’œuvre. « Ce n’est pas du<br />

plein-emploi, c’est du trop-emploi », se lamentait dans<br />

les colonnes du magazine ParisBerlin un entrepreneur<br />

de Bavière où le taux de chômage a baissé à… 3,3 %.<br />

Informaticiens, ingénieurs, infirmières du monde<br />

entier : vous êtes les bienvenus ! Tel est le message de<br />

l’étonnant site www.make-it-in-germany.com lancé<br />

179 ( C’est le nombre de maisons<br />

mitoyennes proposées par la<br />

municipalité. Construites avant<br />

1919, elles sont situées dans trois<br />

quartiers proches du centre-ville.<br />

20 ( maisons seront vendues à<br />

une livre. <strong>La</strong> majorité des autres<br />

seront données à une association<br />

locative, une poignée sera<br />

éventuellement mise en vente<br />

aux plus offrants.<br />

1 000 ( Liverpool entend remettre<br />

en état 1 000 logements sociaux au<br />

cours des trois prochaines années.<br />

LA TRIBUNE VENDREDI 17 MAI 2013<br />

manière ces dernières années.<br />

Une poignée de maisons, situées<br />

dans des rues où la plupart des<br />

logements sont déjà privatisés,<br />

pourrait également être vendue<br />

directement à des particuliers.<br />

Ces derniers devront les remettre<br />

en état selon les mêmes critères<br />

dans les douze mois suivant la<br />

signature de leur acquisition.<br />

À L’ORIGINE, UNE SÉRIE<br />

DOCUMENTAIRE DE LA BBC<br />

Ces initiatives sont nées après la<br />

diffusion d’une série documentaire<br />

de la BBC intitulée Le scandale<br />

britannique du logement, dans<br />

laquelle le présentateur déplorait<br />

l’existence dans le pays de milliers<br />

de logements sociaux inhabités<br />

depuis la fin de 2011. Plusieurs<br />

quartiers de Liverpool ont directement<br />

été montrés du doigt, ainsi<br />

que la volonté de la municipalité<br />

de détruire ces logements jugés<br />

insalubres alors que des dizaines<br />

de personnes se disaient prêtes à<br />

y vivre après les avoir remises en<br />

état. Devant la pression de l’opinion<br />

publique, la municipalité a<br />

accordé un contrat de rénovation<br />

à un promoteur immobilier privé,<br />

qui a fini par jeter l’éponge en<br />

octobre dernier. <strong>La</strong> ville a<br />

annoncé récemment qu’elle allait<br />

remettre en état 1 000 logements<br />

inhabités au cours des trois prochaines<br />

années. <br />

cette année. On y apprend non seulement comment<br />

perfectionner son allemand, mais aussi que la qualité<br />

de vie dans la République fédérale n’a rien à envier au<br />

reste de l’Europe. On y trouve surtout toutes les pistes<br />

pour prospecter. Les communicants de l’Agence allemande<br />

pour l’emploi ont pris soin de sélectionner<br />

quelques modèles aux types physiques explicitement<br />

extra-européens. <strong>La</strong> première puissance économique<br />

du continent se rêve en terre d’immigration globale.<br />

Les Grecs, Portugais, Italiens et autres Espagnols qui<br />

trouvent leur place sur le marché du travail allemand<br />

sont certes de plus en plus nombreux (33 000 personnes<br />

en 2012, selon l’Agence allemande pour l’emploi),<br />

mais rapportés à la pénurie de main-d’œuvre<br />

allemande d’un côté et au chômage sud-européen de<br />

l’autre, on est loin du compte. « Ce dont nous manquons<br />

encore, c’est d’un véritable marché européen du travail<br />

», regrette Viviane Reding.<br />

ELLE PARLE D’OR. De la simplification des<br />

démarches administratives à la formation en langues,<br />

en passant par la reconnaissance des diplômes, ce<br />

chantier n’est pas seulement une nécessité économique.<br />

C’est aussi une planche de salut politique à<br />

l’heure où la tentation du repli national n’a jamais été<br />

aussi grande. <br />

© DR


© DR<br />

VENDRED 17 MAI 2013 LA TRIBUNE<br />

ROMARIC<br />

GODIN<br />

RÉDACTEUR EN CHEF<br />

ADJOINT<br />

SERVICE ÉCONOMIE<br />

LES ANALYSES 21<br />

SAUVÉS PAR LA HAUSSE<br />

DES SALAIRES ALLEMANDS ?<br />

L’accord salarial conclu mercredi dans la métallurgie est plutôt généreux. Un enjeu<br />

décisif pour la compétitivité allemande et la relance de la croissance en Europe.<br />

<strong>La</strong> pression se renforce sur le patronat<br />

allemand. Avant de conclure, mercredi<br />

15 mai, la dernière phase de négociations<br />

salariales dans la métallurgie,<br />

le syndicat IG-Metall a fait débrayer<br />

près de 10 000 employés dans les<br />

usines du sud de l’Allemagne. <strong>La</strong> mobilisation<br />

a été particulièrement forte dans les usines<br />

BMW de Munich, mais aussi chez Siemens. Le syndicat<br />

réclame pour les 3,7 millions de salariés concernés par<br />

ces négociations une hausse de 5,5 % des salaires sur<br />

douze mois. Le syndicat patronal, Gesamtmetall, qui<br />

voulait se limiter à 2,3 % sur treize mois, a fini par concéder<br />

une hausse des salaires en deux temps : + 3,4 % à<br />

partir du 1 er juillet, puis 2,2 % au 1 er mai 2014.<br />

Ce type de luttes est certes traditionnel mais, cette<br />

année, la situation est un peu diérente. D’abord, parce<br />

que le climat social se dégrade outre-Rhin. Le nombre<br />

de salariés grévistes a plus que doublé en 2012, passant<br />

de 14 259 à 35 702. Le nombre d’heures de travail<br />

perdues a augmenté d’un tiers. Les grèves qu’a connues<br />

la Lufthansa ces dernières semaines ont rappelé que<br />

les salariés allemands pouvaient aussi lutter pour leurs<br />

salaires avec une certaine détermination. Le chef du<br />

comité d’entreprise de Porsche, Uwe Hück, un des<br />

négociateurs d’IG-Metall, a promis dans les colonnes<br />

de la Bild-Zeitung un été de grèves en Allemagne.<br />

Le ton a changé depuis 2010. L’Allemagne sortait<br />

d’une des plus graves récessions de son histoire, avec<br />

un recul en 2009 du PIB de près de 5 %. IG-Metall avait<br />

alors décidé de donner la priorité au maintien de l’emploi<br />

et avait accepté une année « blanche », suivie d’une<br />

hausse modérée en 2011. En 2012, le patronat, fortement<br />

encouragé par le gouvernement fédéral, avait<br />

consenti à un « rattrapage » avec une hausse de 4,3 %<br />

des salaires, justifiée par deux années de forte<br />

croissance outre-Rhin. Cette fois, la situation est plus<br />

complexe, précisément parce que la récession européenne<br />

et le ralentissement allemand peuvent être<br />

utilisés par les deux camps.<br />

LA CONSOMMATION, UN DES PILIERS<br />

DE LA CROISSANCE QU’IL FAUT RENFORCER<br />

Du côté des syndicats, on veut poursuivre le rééquilibrage<br />

du partage de la valeur ajoutée qui est loin d’être<br />

achevé. Depuis 2005, dans l’industrie manufacturière,<br />

la productivité horaire a, selon Destatis, l’Insee allemand,<br />

progressé de 13 %, tandis que le salaire horaire<br />

n’a gagné que 4,8 %. À l’appui de leurs arguments, les<br />

syndicats avancent que la consommation est devenue<br />

un pilier de la conjoncture outre-Rhin et qu’il est dicile<br />

à la première économie européenne de s’en passer.<br />

C’est donc le moment de renforcer cette composante<br />

de la croissance par des augmentations de salaires.<br />

Enfin, il y a l’argument européen : en pleine crise, une<br />

relance de la demande intérieure allemande serait un<br />

élément profitable à tout le continent.<br />

Mais les employeurs allemands ne veulent pas s’en<br />

laisser conter. Le ralentissement de la croissance allemande<br />

cette année, qui passera à 0,4 % selon Bruxelles,<br />

s’explique par la déprime des investissements et par la<br />

baisse des exportations. En augmentant trop les<br />

salaires, on risque d’accélérer le report des investissements<br />

et de dégrader la compétitivité des produits<br />

allemands. Et au final, de dégrader l’emploi. D’autant<br />

que les employeurs savent que, passées les élections<br />

fédérales du 22 septembre prochain, ils devront comp-<br />

ter avec un nouveau salaire minimum – soit unique,<br />

comme le désire la SPD, soit par branches, comme le<br />

veut la CDU. Dans certains secteurs, en fonction des<br />

négociations politiques, la décision risque de peser sur<br />

les coûts des entreprises. Du coup, pour relancer la<br />

machine industrielle, le patronat réclame une augmentation<br />

des salaires moindre et plus diluée dans le temps.<br />

Il estime aussi qu’une relance de la consommation<br />

allemande ne sera guère utile aux autres économies<br />

européennes dont la politique de dévaluation interne<br />

concerne peu les produits de consommation.<br />

Les négociations seront serrées. Le gouvernement<br />

pourrait être tenté de défendre les positions extérieures<br />

des entreprises allemandes dans la mesure où la<br />

consommation devrait tenir. Sans prôner une modération<br />

salariale, comme dans les années 2000, Berlin<br />

pourrait souhaiter marquer symboliquement un coup<br />

d’arrêt aux exigences salariales. Par ailleurs, la pression<br />

politique est moins vive : la SPD ne décolle pas et le<br />

parti de gauche Die Linke ne dépasserait guère les 7 %<br />

des voix, contre 11 % en 2009. Enfin, l’acceptation par<br />

la CDU – et peut-être désormais les libéraux – du principe<br />

d’un salaire minimum doit permettre de faire<br />

accepter une certaine modération.<br />

Pourtant, une hausse des salaires allemands serait<br />

naturelle. Non pas parce qu’elle conduirait à une hausse<br />

de la consommation, mais bien parce qu’elle permettrait<br />

de rendre moins dicile le rattrapage engagé par les<br />

pays du Sud. En eet, une hausse des salaires, en pesant<br />

sur la compétitivité des entreprises allemandes, favoriserait<br />

leurs concurrents européens du Sud qui, eux,<br />

CANDIDATEZ<br />

pratiquent la dévaluation interne. Chacun se<br />

rapprocherait de l’autre. L’Allemagne n’y perdrait pas<br />

forcément en croissance, puisque la consommation des<br />

ménages pourrait prendre le relais et que sa compétitivité<br />

ne serait pas réduite à néant. Mais ce n’est pas là la<br />

logique du gouvernement allemand, qui estime que les<br />

pays du Sud doivent faire des eorts pour se dresser au<br />

niveau de compétitivité de l’Allemagne, sans que celleci<br />

ne renonce à sa position. Autrement dit, il réclame là<br />

une tâche impossible car, si les Allemands ne veulent<br />

pas perdre des parts de marché en rééquilibrant leur<br />

modèle économique, aucun plan d’austérité ni aucune<br />

réforme structurelle ne permettront aux Italiens ou aux<br />

Espagnols de rivaliser avec les Allemands par leurs<br />

propres forces. À moins d’accepter un coût social considérable.<br />

L’évolution des salaires en Allemagne sera une<br />

des clés de compréhension de l’Europe de demain. Et<br />

une des clés pour comprendre l’engagement réel de<br />

Berlin dans le rééquilibrage de la zone euro. <br />

aux Prix de l’Innovation des Placements Financiers.<br />

Le Prix Particulier récompense un produit grand public.<br />

Le Prix institutionnel récompense un produit destiné aux investisseurs avertis,<br />

institutionnels et/ou entreprises.<br />

Ce concours est ouvert à tous les promoteurs de fonds français et internationaux<br />

sur les produits lancés en france entre le début du second semestre 2011 et<br />

le 31 décembre 2012.<br />

Règlement et Conditions de participation sur :<br />

http://victoiresdessicav.latribune.fr ou prixinnovation.sgss@latribune.fr<br />

Dossiers à remettre au plus tard le 31 Mai 2013 : prixinnovation.sgss@latribune.fr<br />

Société Générale<br />

Cédric Santamaria<br />

GIMS/COM/PME<br />

189, rue d’Aubervilliers - 75886 Paris Cedex 18<br />

Le palmarès sera remis le 26 Juin 2013 à l’occasion des 17 emes Victoires des SICAV<br />

et détaillé dans le dossier spécial Victoires des Sicav du 28 juin prochain.<br />

es<br />

victoires<br />

17desSICAV<br />

2013<br />

Les derniers mouvements de grèves à la Lufthansa<br />

ont été particulièrement suivis. [R. ORLOWSKI/GETTY IMAGES/AFP]<br />

Un événement<br />

En partenariat avec


© DR<br />

22<br />

JEAN-<br />

CHRISTOPHE<br />

CHANUT<br />

JOURNALISTE<br />

SERVICE FRANCE<br />

LES ANALYSES<br />

LA TRIBUNE VENDREDI 17 MAI 2013<br />

QUE PEUT-ON ATTENDRE DE LA<br />

DEUXIÈME CONFÉRENCE SOCIALE ?<br />

<strong>La</strong> deuxième conférence sociale se tiendra les 20 et 21 juin. <strong>La</strong> dicile question<br />

des retraites est au cœur de cette rencontre. Le gouvernement veut aller vite pour<br />

résorber un besoin de financement estimé à près de 21 milliards d’euros à l’horizon<br />

2020. Pour y parvenir, les syndicats mettent la pression sur l’emploi.<br />

L ’ambiance<br />

risque d’être nettement<br />

morose les 20 et 21 juin prochains<br />

lorsque les délégations syndicales et<br />

patronales se retrouveront avec le gouvernement<br />

au siège du Conseil économique,<br />

social et environnemental,<br />

pour déterminer le prochain calendrier<br />

social et les réformes à mener, sur les retraites<br />

notamment. Côté syndical, plus question d’acher la<br />

sérénité d’il y a un an. Lors du premier sommet de juillet<br />

2012, CFDT et CGT ne cachaient alors pas leur satisfaction<br />

d’avoir vu Nicolas Sarkozy échouer à se maintenir<br />

à l’Élysée. Et l’accueil réservé à François Hollande<br />

fut plutôt chaleureux. Il faut dire que le nouveau président<br />

venait de tirer ses quelques (très rares) cartouches<br />

sociales qui caressaient les organisations syndicales<br />

dans le sens su poil : revalorisation du smic, de<br />

l’allocation de rentrée scolaire, décret sur la retraite à<br />

60 ans pour les carrières longues, etc. Même le Medef<br />

avait été satisfait d’entendre un gouvernement socialiste<br />

demander l’ouverture d’une négociation sur l’emploi.<br />

Qui a débouché sur l’accord du 11 janvier 2013 posant<br />

les jalons d’une flexisécurité à la française.<br />

C’était il y a un an… On dirait un siècle. Le climat n’était<br />

plus du tout à l’euphorie ce lundi 13 mai lorsque le Premier<br />

ministre, Jean-Marc Ayrault, a reçu à tour de rôle<br />

chacune des organisations patronales et syndicales pour<br />

préparer la conférence des 20 et 21 juin. Il faut reconnaître<br />

que le gouvernement n’a pas de bonnes nouvelles<br />

à annoncer, même si la France vient d’obtenir de la Com-<br />

Toute l’information économique et financière, où que vous soyez.<br />

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mission européenne un sursis de deux ans, jusqu’à la fin<br />

de 2015 pour rétablir l’équilibre des comptes publics.<br />

Mais, en échange, les autorités de Bruxelles ont été<br />

très claires : la France doit réaliser des réformes structurelles,<br />

notamment sur les retraites et le coût du travail.<br />

Sur ce dernier point, François Hollande peut répliquer<br />

qu’il a déjà fait une bonne partie du chemin avec<br />

le pacte de compétitivité et le crédit d’impôt compétitivité<br />

emploi (CICE) qui va permettre aux entreprises<br />

de baisser leurs coûts à hauteur de 20 milliards d’euros.<br />

LA RÉFORME DES RETRAITES,<br />

UN « DEVOIR » FIXÉ PAR BRUXELLES<br />

Reste l’épineux dossier des retraites. Le rapport du<br />

Conseil d’orientation des retraites (COR) estime à<br />

20,9 milliards d’euros le besoin de financement de l’ensemble<br />

des régimes à l’horizon 2020. Le gouvernement<br />

doit donc prendre des décisions diciles et forcément<br />

impopulaires, d’où la morosité des syndicats, voire leur<br />

franche opposition. Thierry Lepaon, le nouveau secrétaire<br />

de la CGT, tente de faire monter la pression en<br />

appelant les salariés à se mobiliser contre une éventuelle<br />

augmentation de la durée de cotisation. Selon la CGT,<br />

c’est par le biais de l’emploi, de la hausse des salaires et<br />

de la croissance que le sujet doit en premier lieu être<br />

abordé. Jean-Claude Mailly, son homologue de FO, également<br />

opposé à un allongement de la durée de cotisation,<br />

voit avec les retraites un sujet « conflictuel ».<br />

Dans le camp patronal, Medef en tête, on se félicite que<br />

le gouvernement ose aronter le sujet de l’allongement<br />

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------<br />

<br />

M. M me<br />

de la durée de vie… et donc de la durée de cotisation.<br />

<strong>La</strong>urence Parisot l’arme : « <strong>La</strong> durée de cotisation doit<br />

passer de 41 ans actuellement à 43 ans en 2020 et, à<br />

l’horizon 2030, l’âge légal du départ à la retraite doit être<br />

fixé à 65 ans. » Mais il aurait été plus facile pour le gouvernement<br />

de le faire avec une conjoncture moins dégradée.<br />

Or quoi qu’il décide – augmentation de la CSG de<br />

6,6 à 7,5 % sur les pensions de retraite, passage de 41 ans<br />

à 43 ou 44 ans de la durée de cotisation, désindexation<br />

partielle des pensions, fin de certains avantages liés aux<br />

familles nombreuses – les mesures seront impopulaires,<br />

surtout dans un contexte de croissance zéro.<br />

Le tout alors même que le chômage continue sa progression<br />

(la Commission européenne prévoit un taux<br />

de chômage de 10,6 % cette année puis de 10,9 % en<br />

2014) et que le pouvoir d’achat stagne. Surtout, le risque<br />

pour le gouvernement serait d’être accusé de mener une<br />

réforme « financière » des retraites dans le seul but de<br />

colmater les brèches. Il a d’ailleurs annoncé que la<br />

concertation serait menée au pas de charge et limitée à<br />

un gros mois. Il semble avoir renoncé, du moins dans<br />

un premier temps, à une réforme systémique, qui passerait<br />

par un rapprochement (à défaut d’une harmonisation)<br />

des règles en vigueur dans le public et le privé.<br />

Piste pourtant évoquée pendant la campagne électorale<br />

et fortement défendue par la CFDT.<br />

<strong>La</strong> question sociale va donc devenir très épineuse pour<br />

François Hollande. Ce n’est pas avec cette conférence<br />

qu’il va regagner des points de popularité. Mais une<br />

réforme des retraites réussie sera très bénéfique pour<br />

l’image de la France sur les marchés et lui permettra de<br />

continuer d’emprunter à des taux exceptionnellement<br />

faibles. Sans parler du fait qu’il veut prouver que la<br />

France tient ses engagements européens, une exemplarité<br />

indispensable pour lui permettre de réorienter la<br />

politique européenne. <br />

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© DR<br />

VENDREDI 17 MAI 2013 LA TRIBUNE<br />

MICHAEL<br />

BOSKIN<br />

ANCIEN DIRECTEUR<br />

DU BUREAU DES<br />

CONSEILLERS<br />

ÉCONOMIQUES DU<br />

PRÉSIDENT GEORGE<br />

H.W. BUSH<br />

DE 1989 À 1993.<br />

PROFESSEUR<br />

D’ÉCONOMIE<br />

À L’UNIVERSITÉ<br />

STANFORD<br />

ET MEMBRE<br />

DE L’INSTITUTION<br />

HOOVER.<br />

LES IDÉES 23<br />

POURQUOI IL <strong>EST</strong> NÉCESSAIRE<br />

DE CONSOLIDER LE BUDGET<br />

Partout dans le monde, les débats dans la sphère politique et les opinions publiques<br />

font rage et divisent quant à savoir s’il faut, et le cas échéant, quand, comment et jusqu’à<br />

quel point, réduire les lourds déficits budgétaires et les niveaux élevés de dettes<br />

souveraines. Chacun y va de ses mesures ou de ses propositions en matière fiscale,<br />

monétaire, de régulation et de dépenses, souvent diamétralement opposées.<br />

<strong>La</strong> gauche politique en appelle à plus<br />

de dépenses, plus d’impôts sur les<br />

hauts revenus, préférant reporter la<br />

consolidation budgétaire. L’économiste<br />

et éditorialiste du New York<br />

Times Paul Krugman propose par<br />

exemple d’attendre dix à quinze ans.<br />

Ces mêmes personnes avaient rejeté pour des raisons<br />

similaires les mesures de désinflation de la Réserve<br />

Fédérale, pourtant un succès, au début des années<br />

1980. <strong>La</strong> droite politique demande une réduction plus<br />

rapide du déficit par des coupes budgétaires. En<br />

Europe, les responsables, dont la Banque centrale européenne<br />

(BCE), exigent la consolidation pour les pays<br />

fortement endettés, mais sont flexibles dans les négociations<br />

; les électeurs, cependant, la rejettent – comme<br />

récemment en Italie.<br />

Aux États-Unis, les Républicains proposent d’équilibrer<br />

le budget en dix ans par une réforme des droits<br />

sociaux et des impôts, en limitant<br />

les exemptions, les déductions et<br />

le crédit garantissant les revenus<br />

nécessaires pour diminuer les<br />

taux d’imposition des particuliers<br />

et le taux des entreprises, qui est,<br />

à 35 %, le plus élevé de l’OCDE.<br />

Les sénateurs démocrates proposent<br />

1 500 milliards de dollars en<br />

hausse d’impôts sur dix ans (en supplément<br />

des 600 milliards de dollars<br />

déjà votés au début du mois de<br />

janvier), 100 milliards de dollars (le<br />

double pour les députés démocrates)<br />

dans le cadre d’un nouveau<br />

plan de relance par les dépenses, et de modestes coupes<br />

dans les dépenses sur le plus long terme. Leur version<br />

de la réforme fiscale impliquerait de limiter les déductions<br />

pour les riches et les entreprises, sans réduction<br />

des taux.<br />

Quels seraient les coûts et les bénéfices respectifs<br />

probables de la relance et de la consolidation ? Et quelle<br />

est la meilleure combinaison de réductions des<br />

dépenses et de hausses fiscales ?<br />

À Madrid, le 16 mars 2013, une manifestation<br />

des « Indignés » espagnols,<br />

« pour une Europe des peuples, contre<br />

l’Europe des marchés ». [ CURTO DE LA TORRE / AFP]<br />

«Les eets<br />

d’une hausse<br />

des dépenses<br />

publiques peuvent<br />

être compensés par<br />

le fait que les gens<br />

s’attendent à une<br />

hausse d’impôt. »<br />

Les économistes s’accordent sur le fait qu’en période<br />

de plein-emploi, la hausse des dépenses publiques<br />

décourage les dépenses privées. Les modèles keynésiens<br />

prétendant qu’une relance rapide est possible<br />

grâce à une hausse des dépenses publiques en période<br />

de sous-emploi, montrent que l’eet s’inverse rapidement.<br />

Ce processus doit donc être répété sans cesse,<br />

comme une drogue, pour maintenir l’économie. Cette<br />

stratégie a accablé le Japon, avec le ratio dette/PIB le<br />

plus élevé au monde, et de bien modestes bénéfices.<br />

Bien sûr, une étude récente suggère que l’augmentation<br />

des dépenses publiques peut être ecace pour relancer<br />

temporairement la production et l’emploi au cours de<br />

sévères récessions de longue durée, lorsque la banque<br />

centrale réduit son taux directeur à court terme à zéro.<br />

Mais cette même étude suggère aussi que le multiplicateur<br />

des dépenses publiques est susceptible d’être<br />

faible voire négatif en maintes circonstances, et diminuerait<br />

de toute façon rapidement.<br />

Ces circonstances incluent, d’abord,<br />

un ratio dette/PIB élevé, avec des<br />

taux d’intérêt qui freinent la croissance.<br />

De même, en période d’expansion,<br />

il est plus probable que<br />

l’augmentation des dépenses<br />

publiques entraîne une diminution<br />

des dépenses privées. Les dépenses<br />

en paiements de transferts et/ou en<br />

achats non militaires – qui peuvent<br />

être consolidés ou acquis moins<br />

cher à l’étranger – produisent plus<br />

certainement un faible multiplicateur.<br />

Et lorsque dans une économie,<br />

les taux de change sont flexibles, si<br />

les dépenses publiques entraînent une hausse des taux<br />

d’intérêt, la monnaie se renforce, provoquant une baisse<br />

des investissements et des exportations nettes. Enfin,<br />

les eets d’une hausse des dépenses publiques peuvent<br />

être compensés par le fait que les gens s’attendent à une<br />

hausse d’impôt une fois que la Banque centrale remonte<br />

les taux d’intérêt (les poussant à moins dépenser).<br />

Ces considérations s’appliquent aux États-Unis et à certains<br />

pays européens aujourd’hui. Et combinées à une<br />

mauvaise conception, elles expliquent pourquoi le plan<br />

de relance américain de 2009 a coûté des centaines de<br />

milliers de dollars par emploi temporaire créé.<br />

Cette récente étude révèle aussi que parmi les pays de<br />

l’OCDE depuis la Deuxième Guerre mondiale, une<br />

consolidation budgétaire réussie – qui se définit par<br />

une stabilisation du budget tout en évitant la récession<br />

– a représenté l’équivalent de 5 à 6 dollars de coupes<br />

budgétaires actuelles par dollar prélevé en hausse<br />

d’impôt. Les coupes dans les dépenses, surtout en<br />

matière de prestations et de transferts, étaient bien<br />

moins susceptibles de causer des récessions que ne<br />

l’était une augmentation des impôts. Malheureusement,<br />

les récents plans de consolidation de nombreux<br />

pays européens ont principalement consisté en hausses<br />

d’impôts, y compris le plan de sauvetage de Chypre.<br />

LES RÉFORMES STRUCTURELLES<br />

SONT LES PLUS CRÉDIBLES<br />

Bien sûr, il faut rester prudent pour éviter de donner<br />

trop de crédit aux bénéfices d’une consolidation rapide.<br />

Après tout, la situation des économies américaine et<br />

européenne actuelles dière en bien des points des<br />

circonstances d’après-guerre – taille, consolidation<br />

simultanée dans de nombreux pays, taux d’intérêt déjà<br />

faibles, et un statut du dollar comme principale monnaie<br />

de réserve mondiale. Mais à l’exception des cas de<br />

récessions sévères, la validité de l’argument keynésien,<br />

selon lequel il est nécessaire de retarder les coupes dans<br />

les dépenses pour éviter de saper l’économie, est au<br />

mieux incertaine, et signifierait que le contrôle des<br />

dépenses ne pourrait se faire qu’en période de plein<br />

essor prolongé. Les lourds déficits et les niveaux de<br />

dette importants réduisent les perspectives d’un essor<br />

de longue durée. Il est en outre dicile de ralentir de<br />

manière crédible les réductions de dépenses au gré du<br />

rétablissement de l’économie, compte tenu de l’économie<br />

politique du budget et de l’incapacité d’une législature<br />

à faire le lien avec la suivante.<br />

Pis encore, la décision de reporter la consolidation et<br />

l’accroissement des déficits et de la dette représentent<br />

un coût énorme. Par exemple, sans réforme majeure<br />

des programmes sociaux américains – dont l’ampleur<br />

explose en conséquence des bénéfices réels croissants<br />

par bénéficiaire et d’une population vieillissante – la<br />

prochaine génération peut s’attendre à une baisse des<br />

niveaux de vie de l’ordre de 20 %.<br />

Les réformes les plus crédibles sont structurelles – par<br />

exemple, un report de l’âge de la retraite et une modification<br />

des formules de calculs des prestations – et<br />

difficiles à modifier une fois mises en œuvre. Se<br />

contenter d’établir un objectif de réduction budgétaire<br />

en dollar (ou en livre ou en euro) est nettement moins<br />

ecace parce que cet objectif peut facilement être<br />

révisé – et les coupes inversées – pour éviter des difficultés<br />

politiques. S’il existait un plan de relance<br />

rapide qui soit opportun et susceptible de relancer la<br />

production et l’emploi à un prix à long terme raisonnable,<br />

je le soutiendrais sans hésitation. Mais à l’évidence,<br />

une politique budgétaire réellement très ecace,<br />

même avec des taux d’intérêt proches de zéro,<br />

ne fonctionne au mieux qu’en théorie, et est sujette à<br />

des contraintes politiques majeures. <strong>La</strong> consolidation<br />

peut impliquer certains coûts à court terme, surtout<br />

en situation de récession, mais les coûts d’un report<br />

à long terme sont lourds. Il serait préférable de mettre<br />

en place un programme de consolidation crédible de<br />

manière progressive – mais cette consolidation doit<br />

néanmoins avoir lieu – et principalement par le<br />

contrôle des dépenses. <br />

© Project Syndicate 2013.


© DR<br />

24<br />

FRANÇOIS<br />

LECLERC<br />

ANCIEN CONSEILLER<br />

AU DÉVELOPPEMENT<br />

DE L’AGENCE<br />

FRANCE-PRESSE<br />

Il tient la chronique<br />

de « L’actualité<br />

de la crise » sur le<br />

blog de Paul Jorion.<br />

Il est l’auteur de<br />

Chroniques de la<br />

grande perdition<br />

(éditions Osez la<br />

République Sociale !,<br />

2012, 168 p.,<br />

8,50 euros).<br />

http://www.latribune.fr<br />

<strong>La</strong> <strong>Tribune</strong><br />

2, rue de Châteaudun - 75009 Paris<br />

Téléphone : 01 76 21 73 00.<br />

Pour joindre directement votre correspondant,<br />

composer le 01 76 21 suivi des 4 chiffres<br />

mentionnés entre parenthèses.<br />

LES IDÉES<br />

SOCIÉTÉ ÉDITRICE<br />

LA TRIBUNE NOUVELLE. S.A.S.<br />

au capital de 3 200 000 euros.<br />

Établissement principal :<br />

2, rue de Châteaudun - 75009 Paris<br />

Siège social : 10, rue des Arts,<br />

31000 Toulouse. SIREN : 749 814 604<br />

Président,<br />

directeur de la publication<br />

Jean-Christophe Tortora.<br />

RÉDACTION<br />

Directeur de la rédaction Éric Walther.<br />

Directeur adjoint de la rédaction<br />

Philippe Mabille.<br />

( Économie Rédacteur en chef : Robert Jules.<br />

Rédacteur en chef adjoint : Romaric Godin.<br />

Jean-Christophe Chanut, Fabien Piliu.<br />

( Entreprise Rédacteur en chef : Michel<br />

Cabirol. Rédacteurs en chef adjoints : Delphine<br />

Cuny, Fabrice Gliszczynski. Alain-Gabriel<br />

Verdevoye.<br />

( Finance Rédacteur en chef adjoint : Ivan<br />

Best. Christine Lejoux, Mathias Thepot.<br />

( Correspondants Florence Autret (Bruxelles).<br />

( Rédacteur en chef hebdo<br />

Jean-Louis Alcaïde. Jean-Pierre Gonguet.<br />

RÉALISATION RELAXNEWS<br />

( Direction artistique Cécile Gault.<br />

( Graphiste Elsa Clouet.<br />

( Rédacteur en chef édition Alfred Mignot.<br />

( Secrétaire de rédaction Sarah Zegel.<br />

( Révision Cécile Le Liboux.<br />

( Iconographie Cathy Bonneau.<br />

( Infographies ASKmedia.<br />

ACTIONNAIRES<br />

Groupe Hima, Hi-media/Cyril Zimmerman,<br />

JCG Medias, SARL Communication<br />

Alain Ribet/SARL, RH Éditions/Denis <strong>La</strong>fay.<br />

MANAGEMENT<br />

Vice-président en charge des métropoles<br />

et des régions Jean-Claude Gallo. Conseiller<br />

éditorial François Roche. Directrice Stratégie<br />

et Développement Aziliz de Veyrinas (73 26).<br />

Directrice de publicité Clarisse Nicot (73 28).<br />

Directeur nouveaux médias<br />

Thomas Loignon (73 07).<br />

Abonnements Aurélie Cresson (73 17).<br />

LA TRIBUNE VENDREDI 17 MAI 2013<br />

UN GRAND TOURNANT,<br />

À DÉCOUPER<br />

SUIVANT LES POINTILLÉS…<br />

L’époque n’est pas aux réjouissances. Une succession ininterrompue de scandales financiers<br />

et de corruption, de santé publique, environnementaux ou alimentaires suscite un malaise<br />

et une défiance qui s’étendent. Les conflits sociaux prennent l’aspect de luttes désespérées<br />

et sans issue, et les échéances électorales sont l’occasion de comportements hors normes.<br />

<strong>La</strong> crise n’est pas seulement financière,<br />

elle est devenue globale dans<br />

ses manifestations comme dans sa<br />

perception. Les banques ne sont<br />

pas désignées seules coupables,<br />

l’État ne joue plus le rôle qui lui est<br />

alloué face à une économie de marché<br />

porteuse de dysfonctionnements à répétition,<br />

avec toujours la même origine : l’argent, dont l’accumulation<br />

prend le pas sur toute autre considération.<br />

Le sentiment d’insécurité s’est en conséquence<br />

élargi à de nouveaux domaines de la vie, rendant la<br />

société anxiogène. Le constat est partagé : l’avenir a<br />

cessé d’être porteur de promesses, aux vertus du<br />

progrès a succédé la prise de conscience de déséquilibres<br />

menaçants de toutes natures, qui s’accentuent<br />

: destruction de l’environnement, disproportion<br />

de la sphère financière par rapport à l’économie,<br />

distribution inégale de la richesse.<br />

LE DÉPHASAGE ENTRE LES INSTITUTIONS<br />

RIGIDIFIÉES ET L’INNOVATION SOCIÉTALE<br />

Au besoin de changement, il n’est pas apporté de<br />

réponse satisfaisante. Dans la pratique, l’impuissance<br />

des dirigeants domine et leurs discours sont<br />

ressentis comme velléitaires. Partout, leurs indices<br />

de confiance chutent, tandis que des décisions<br />

majeures sont prises par des instances hors de portée<br />

et sans mandat électif.<br />

<strong>La</strong> Banque centrale européenne, dont le rôle est<br />

déterminant et l’indépendance absolue érigée en<br />

principe, est le symbole de cette situation malsaine.<br />

Faut-il le rappeler, celle-ci résulte de la constatation<br />

que l’on ne peut pas faire confiance aux gouvernements<br />

! <strong>La</strong> crise est désormais promise comme allant<br />

encore durer dix ans, mais la pensée économique<br />

dominante reste crispée sur ses recettes dogmatiques<br />

qui la prolongent jusqu’à on ne sait quand.<br />

Il y a malaise : les mesures libérales qui sont préconisées<br />

s’inscrivent dans la continuité de celles qui<br />

ont suscité une crise aux origines oubliées, comme<br />

s’il ne fallait pas s’y arrêter. Les mesures de régulation,<br />

toujours en chantier, n’ont comme objectif que<br />

de mieux maîtriser le prochain épisode, considéré<br />

comme inévitable, des régulateurs de plus en plus<br />

nombreux doutant que cela soit même possible.<br />

<strong>La</strong> société est entrée dans une phase de recherche<br />

et d’innovations. De nouvelles logiques économiques<br />

sont élaborées (collaborative, circulaire, contributive…)<br />

afin de prendre à bras-le-corps les dysfonctionnements<br />

constatés. Des pratiques sociales novatrices<br />

apparaissent, qui s’en inspirent ou les<br />

Dans nos sociétés anxiogènes, l’avenir n’est plus<br />

perçu comme porteur d’espérance. [MISSMEDIA/FOTOLIA]<br />

préfigurent : mutualisations de moyens, prêts,<br />

échanges, recyclages, circuits courts de distribution,<br />

ateliers de production 3D…<br />

Sur Internet et avec le mouvement des licences<br />

libres la sphère des rapports non marchands s’est élargie,<br />

abolissant le principe sacré de la propriété. Chacun<br />

à leur manière, les réseaux sociaux et la vie associative<br />

traduisent le besoin de recréer un lien social<br />

et une convivialité raréfiés. Un courant profond mais<br />

naissant parcourt la société, ébauchant<br />

les contours flous d’un nou-<br />

veau paradigme et témoignant<br />

d’aspirations partagées qui ne se<br />

reconnaissent pas dans une société<br />

dont le déclin est entamé. C’est<br />

toujours ainsi que les grands tournants<br />

s’annoncent, par petites<br />

touches annonciatrices – ou pas –<br />

d’un changement d’ampleur.<br />

Parallèlement, des réflexions<br />

sont approfondies, des mécanismes<br />

sont démontés pour être remontés autrement,<br />

dans les domaines les plus variés : énergie et<br />

environnement, santé et éducation, fiscalité, ou<br />

encore chômage, retraites et partage du travail en<br />

général… à chaque fois qu’il est fait état de<br />

contraintes incontournables pour justifier un choix<br />

qui ne peut être refusé. Des mesures « non conventionnelles<br />

» se précisent, à l’image de celles que<br />

prennent les banques centrales quand toutes les<br />

«Le réalisme<br />

a changé<br />

de camp, l’utopie<br />

est passée<br />

dans celui<br />

du conservatisme. »<br />

autres ont échoué. Elles s’appuient sur les connaissances<br />

et les expériences acquises au sein de la société<br />

civile, qui trouve ainsi une voie exemplaire pour s’exprimer<br />

– ni en tant qu’électeur, ni comme consommateur<br />

– refondant cette citoyenneté dont il est fait grand cas<br />

mais en définitive peu d’usage. Instituant les prémices<br />

d’une sorte de version moderne et informelle des États<br />

Généraux. Il n’est opposé à cette perspective créatrice<br />

qu’une pauvre théorie, dont l’image la plus proche est<br />

celle du culbuto, selon laquelle tout redeviendra<br />

comme avant. Mais le réalisme a changé de camp, l’utopie<br />

est passée dans celui du conservatisme.<br />

LE MARCHÉ N’ASSURE PAS LA MEILLEURE<br />

ALLOCATION POSSIBLE DES RESSOURCES<br />

Dérangeante, une même question traverse toutes<br />

les problématiques : celle de la rareté, et donc celle du<br />

partage. Le partage des ressources de la planète, dont<br />

nous mesurons mieux la finitude et qui est porteuse<br />

de conflits annoncés, celui du travail, dans nos sociétés<br />

au chômage « structurel » établi et aux emplois<br />

perdus que l’on ne retrouvera pas en raison des progrès<br />

technologiques, et enfin celui d’une richesse qui<br />

ne cesse d’être de plus en plus inégalement distribuée.<br />

C’est le moins que l’on puisse dire : dans aucun de ces<br />

trois cas de figure le marché ne se révèle être à l’origine<br />

de la meilleure allocation possible des ressources,<br />

celle qui a pour but de favoriser le bien-être, la seule<br />

raison d’être de l’activité économique.<br />

Le procès de l’État et de ses vices n’étant plus à faire,<br />

par quels autres mécanismes pourrait-elle être optimisée<br />

? L’enjeu sous-jacent est de donner à la démocratie<br />

– la souveraineté du peuple – un moyen de<br />

s’exercer en accord avec l’époque, ses exigences et sa<br />

complexité. En déprofessionnalisant la politique, qui<br />

est devenue une caricature, en l’élargissant là où elle<br />

n’a pas eu jusqu’à maintenant droit de cité : le fonctionnement<br />

de l’économie. En la<br />

généralisant au niveau local<br />

comme à l’échelle mondiale, plutôt<br />

qu’en se remettant à l’État ou au<br />

marché, ces démiurges auxquels il<br />

a été donné leur chance, avec les<br />

résultats que l’on sait. Une nouvelle<br />

génération d’institutions<br />

démocratiques serait appelée à<br />

succéder à celles qui ont été créées<br />

aux lendemains des Première et<br />

Seconde Guerres mondiales.<br />

Pour ne pas s’arrêter en si bon chemin, une réforme<br />

d’un système monétaire international – qui n’est pas<br />

davantage immuable – pourrait l’accompagner, ainsi<br />

qu’une réflexion approfondie sur les modèles de<br />

développement, afin de généraliser les réflexions<br />

engagées, puis interrompues, sur la mesure de la<br />

richesse et par voie de conséquence sur la croissance.<br />

Le luxe qui consisterait à en faire l’économie est-il<br />

dans nos moyens ? <br />

Marketing des ventes au numéro :<br />

Agence Bo conseil A.M.E / Otto Borscha<br />

oborscha@ame-presse.com (01 40 27 00 18).<br />

Deux suppléments gratuits – MÉTROPOLES et<br />

CITÉ VERTE – sont insérés dans cette édition.<br />

Imprimeries IPS, ZA du Chant des Oiseaux,<br />

80800 Fouilloy. N o de commission paritaire :<br />

0514 C 85607. ISSN : 1277-2380.


© DR<br />

© DR<br />

© DR<br />

VENDREDI 17 MAI 2013 LA TRIBUNE<br />

FRANCIS<br />

PISANI<br />

CHRONIQUEUR<br />

INDÉPENDANT,<br />

AUTEUR, EXPERT<br />

INTERNATIONAL<br />

EN INNOVATION,<br />

CONFÉRENCIER.<br />

SON BLOG :<br />

FRANCISPISANI.NET<br />

JACQUES<br />

SOPPELSA<br />

PRÉSIDENT<br />

HONORAIRE<br />

DE L’UNIVERSITÉ<br />

PARIS I, PROFESSEUR<br />

EN SORBONNE<br />

FRANCK<br />

LADRIÈRE<br />

PDG D’AXONE INV<strong>EST</strong><br />

LES CHRONIQUES 25<br />

UN BESOIN URGENT : REPENSER<br />

LES PROCESSUS D’INVENTION<br />

AU CŒUR DE <strong>La</strong> <strong>Tribune</strong> lance une nouvelle chronique, tenue par Francis<br />

Pisani, longtemps journaliste au Monde. Elle fera le point<br />

L’INNOVATION sur les grandes inventions de notre temps. Car l’avenir, notre<br />

avenir, se dessine aujourd’hui, dans notre capacité à innover, qui reste finalement une<br />

des grandes libertés de l’être humain. À condition de ne pas se tromper de combat.<br />

<strong>La</strong> France se targue volontiers de<br />

faire de la prose même quand elle<br />

l’ignore, d’avoir des idées quand elle<br />

n’a pas de pétrole. Un de ses problèmes<br />

est, au contraire, qu’elle<br />

innove moins qu’elle ne croit. Mais<br />

ceux qui en sont convaincus – ils ne<br />

manquent pas – ont une réponse trop facile : si nous<br />

n’innovons pas, c’est « la faute de l’État », c’est-à-dire<br />

« de l’autre ». Jamais la nôtre.<br />

L’absence (relative) d’innovation<br />

a d’abord une dimension culturelle.<br />

Nous la partageons tous, futce<br />

à des degrés divers. Et trop<br />

d’entreprises qui croient innover<br />

le font en dépit du bon sens.<br />

Parmi la longue liste des problèmes<br />

qui paralysent la plupart<br />

d’entre nous (pas tous, j’insiste), il<br />

y a la peur de l’échec incrustée<br />

dans nos cerveaux dès l’école et le<br />

stigmate des mauvaises notes.<br />

Commune à la plupart des<br />

cultures (mais exacerbée en<br />

France par notre style d’enseignement), elle est<br />

aujourd’hui l’avantage indiscutable (plus que l’abondance<br />

de capital-risque et d’universités de haut<br />

niveau) qui met la Silicon Valley hors du lot. Plus<br />

profond, il y a la préférence presque atavique (encou-<br />

ragée par les succès des mouvements sociaux à l’ère<br />

industrielle) pour la défense des avantages durement<br />

acquis face au changement et à la prise de risque. Ou,<br />

pour reprendre les termes d’un article publié par The<br />

Economist en novembre dernier, le fait que « Paris<br />

et la France préfèrent une culture de la préservation<br />

à celle de l’innovation ».<br />

L’importance de l’État et la relation que nous<br />

entretenons avec lui aggravent ce tableau déjà peu<br />

encourageant. Les Français n’ont de leçons à recevoir<br />

de personne quand il s’agit de<br />

protester mais, trop souvent, nos<br />

revendications consistent à<br />

demander aux autorités d’intervenir<br />

plutôt que de prendre les<br />

choses en main et d’agir.<br />

Ajoutons la méfiance, toutes<br />

tendances politiques confondues,<br />

face à l’entrepreneur. <strong>La</strong> gauche<br />

tend à confondre « entreprise »,<br />

que ses troupes combattent, et<br />

« entreprendre ». Dans ce terme,<br />

elle a le plus grand mal à reconnaître<br />

la valeur de changement<br />

qu’implique le fait de mobiliser des ressources pour<br />

les utiliser de façon plus ecace (la définition de<br />

Jean-Baptiste Say).<br />

<strong>La</strong> droite, quant à elle, ne distingue pas susamment<br />

« gestionnaire » et « entrepreneur ». Elle tend<br />

même à privilégier ceux qui conservent face à ceux<br />

qui font bouger. Pire encore, elle ne reconnaît pas la<br />

valeur croissante de ceux qui entreprennent avec<br />

des objectifs sociaux.<br />

Et comme il serait trop facile d’imputer toute la<br />

faute aux autres, je reconnais volontiers la part de<br />

responsabilité des médias dans la couverture des<br />

thèmes liés à la technologie et à l’innovation. Depuis<br />

vingt ans, trop d’articles tablent sur l’ignorance et le<br />

mépris, quand ça n’est pas le combat bille en tête, avec<br />

l’espoir d’enrayer l’évolution.<br />

UN GRAND NOMBRE D’INDIVIDUS ET DE PETITS<br />

GROUPES INNOVENT DANS LEUR COIN<br />

Je ne prendrai pour exemples de couverture négative<br />

que les innombrables insanités avancées jusqu’à ces<br />

derniers temps pour nous convaincre du manque d’intérêt,<br />

voire du danger des textes électroniques. Un<br />

courant auquel nous ferions beaucoup d’honneur en<br />

lui rappelant que Socrate était contre l’écriture parce<br />

qu’elle débilite la mémoire. Puis nous passons d’un<br />

bond, mais toujours tard, au panégyrique, comme on<br />

le voit dans certaines couvertures des médias sociaux.<br />

Les passionnés, comme moi, abordent rarement les<br />

problèmes posés par un bilan qu’ils estiment « globalement<br />

positif ». Entre les deux on trouve trop peu<br />

d’informations fouillées et d’analyses utiles à l’apprentissage<br />

et à la compréhension.<br />

Malgré ce contexte dicile, un grand nombre d’individus<br />

et de petits groupes innovent dans leur coin.<br />

Quant aux entreprises, trop d’entre elles pensent innover<br />

– souvent en circuit fermé – pour la seule raison<br />

que c’est ce qu’elles devraient faire. Et elles s’en satisfont<br />

sans remettre en question leurs process. Nous<br />

avons tous besoins d’innovation dans l’innovation et<br />

d’en débattre. J’y reviendrai…<br />

OUI, LA FRANCE PEUT ATTIRER LES INV<strong>EST</strong>ISSEURS !<br />

AU CŒUR DES<br />

TERRITOIRES<br />

Le 9 janvier dernier, le conseil des<br />

ministres adoptait une résolution<br />

relative à l’attractivité, « une ambition<br />

partagée pour renforcer l’emploi et<br />

l’investissement en France ». Un<br />

Conseil stratégique de l’attractivité<br />

devrait remettre un rapport à la fin<br />

du semestre, et un « Passeport Talent » est initié. En<br />

fait, dès 2009, le gouvernement Fillon validait la « carte<br />

de résident pour contribution économique exceptionnelle<br />

». Sa cible : les entrepreneurs non européens.<br />

Ces entrepreneurs disposent de moyens de financement<br />

conséquents et souhaitent investir en France<br />

dans des actifs productifs, pérennes et non spéculatifs.<br />

En contrepartie, certains souhaitent bénéficier de la<br />

carte de résident économique, véritable « passeport<br />

pour les aaires », pour se rendre librement en France,<br />

ouvrir des comptes bancaires, créer des sociétés, s’intéresser<br />

à des biens productifs créateurs d’emplois. Force<br />

est de constater que certains ont malheureusement<br />

décidé de donner une suite favorable… à des programmes<br />

concurrents.<br />

Premier constat : pour attirer l’épargne internationale<br />

afin de financer ses investissements productifs,<br />

la France a besoin d’améliorer ses dispositifs existants.<br />

«Dans la longue<br />

liste des<br />

problèmes qui<br />

paralysent les<br />

Français, il y a la<br />

peur de l’échec<br />

incrustée dans nos<br />

têtes dès l’école. »<br />

Avec un programme adapté, le potentiel d’investissement<br />

des entrepreneurs non européens pourrait être compris entre<br />

5 et 10 milliards d’euros.<br />

De nombreux programmes existent dans le monde<br />

pour attirer les investissements. Par exemple, le Wall<br />

Street Journal annonçait en mars dernier que<br />

150 000 Chinois avaient bénéficié de ce type de dispositifs<br />

et avaient investi dans les pays qui en faisaient la<br />

promotion (pour l’essentiel, les États-Unis, le Canada<br />

et le Royaume-Uni). Depuis la création du principe de<br />

carte de résident économique pour contribution exceptionnelle,<br />

la première diculté pour un candidat non<br />

européen est de trouver une banque française acceptant<br />

de s’investir dans la procédure « Lutte antiblanchiment<br />

» pour justifier de l’origine de ses fonds.<br />

Dans le prolongement des rapports Gallois et Berger-<br />

Lefebvre, la mise en avant d’un dispositif d’incitation<br />

pour orienter l’épargne des pays émergents vers le noncoté<br />

français et une impulsion politique forte pour le<br />

promouvoir à l’international peuvent débloquer le<br />

secteur du capital investissement dont la situation<br />

actuelle met en péril la capacité de la France à lancer<br />

les projets d’entreprise audacieux.<br />

Second constat : les banques françaises refusent<br />

presque systématiquement ce type de demandes si le<br />

candidat ne s’engage pas à transférer des capitaux significatifs<br />

sous gestion en plus de l’investissement qu’il<br />

souhaite réaliser dans notre économie. En eet, pour-<br />

quoi une banque irait engager sa responsabilité pour<br />

servir de « boîte aux lettres » pour investir dans des<br />

biens productifs qui ne lui rapporteront rien. Or, si<br />

l’attractivité de la France pour les entrepreneurs non<br />

européens est indiscutable, leur accueil est très loin de<br />

la réputation historique de notre pays et fait les beaux<br />

jours des économies anglo-saxonnes.<br />

EN L’ÉTAT, LA « CARTE DE RÉSIDENT<br />

ÉCONOMIQUE » <strong>EST</strong> INEFFICACE<br />

Troisième constat : beaucoup de moyens existent<br />

pour accueillir des entreprises, mais les entrepreneurs<br />

eux-mêmes ont été oubliés. Il nous semble donc pertinent<br />

de mettre en œuvre une présentation claire du<br />

dispositif, de centraliser les candidatures à travers un<br />

guichet unique, et d’adapter l’accueil en rapport avec le<br />

montant des investissements.<br />

En conclusion, au plan théorique, le programme français<br />

de carte de résident économique est attractif. Nous<br />

avons eu l’occasion de le vérifier lors du Forum de Dubai<br />

du 20 novembre dernier. Mais, en pratique, notre programme<br />

est en l’état inecace en tant que véritable outil<br />

de financement de notre économie. Avec un programme<br />

adapté, le potentiel de candidats investisseurs non européens<br />

pourrait être raisonnablement évalué à 3 000 par<br />

an. Et les investissements qui seraient réalisés pourraient<br />

être compris entre 5 et 10 milliards d’euros. Le<br />

gouvernement vient d’acher sa volonté d’actualiser<br />

ces programmes. Il serait plus que dommageable de<br />

manquer semblable opportunité.


26<br />

L’INTERVIEW<br />

CHARLES-ÉDOUARD BOUÉE<br />

PRÉSIDENT DE LA RÉGION ASIE,<br />

GROUPE ROLAND BERGER STRATEGY CONSULTANTS<br />

« Xi Jinping veut<br />

passer du rêve chinois<br />

au rêve de la Chine »<br />

Membre du comité exécutif du groupe international de conseil Roland Berger Strategy<br />

Consultants, et président de la région Asie, Charles-Édouard Bouée vit à Shanghai depuis<br />

2006. Il vient de publier Comment la Chine change le monde (Éditions Dialogues).<br />

Ce spécialiste reconnu de l’empire du Milieu décrypte les conséquences de l’ascension de la<br />

Chine au rang de première puissance économique mondiale. Pour nous comme pour la planète,<br />

l’enjeu, c’est bien de comprendre la Chine, qui s’apprête à connaître de nouvelles<br />

transformations majeures dont ses nouveaux dirigeants veulent maîtriser le rythme.<br />

PROPOS RECUEILLIS PAR PHILIPPE MABILLE<br />

( LA TRIBUNE – Comment expliquez-vous la faiblesse des<br />

relations commerciales de la France avec la Chine, dont on a eu<br />

une nouvelle démonstration lors du récent voyage éclair de<br />

François Hollande à Pékin ?<br />

CHARLES-ÉDOUARD BOUÉE – N’exagérons pas. Les entreprises<br />

françaises ont une longue expérience de la Chine et<br />

les dirigeants chinois se souviennent que la France du général<br />

de Gaulle a été la première à reconnaître la Chine populaire<br />

de Mao. Pour François Hollande, selon le mot de<br />

l’ambassadeur de Chine en France, cela a été « un voyagedécouverte<br />

» puisque le président de la République n’y était<br />

encore jamais allé. C’est vrai que lorsque Angela Merkel va<br />

en Chine, elle y reste plus longtemps. Mais on peut gager<br />

que François Hollande y retournera, il l’a d’ailleurs promis.<br />

<strong>La</strong> France a pénétré le marché chinois plus tardivement que<br />

l’Allemagne, ce qui explique la diérence de performances<br />

commerciales entre les deux pays. Mais il faut bien comprendre<br />

que la Chine est le pays le plus compétitif au monde,<br />

dans tous les secteurs. C’est un peuple de commerçants :<br />

tant qu’il reste un renminbi de marge, ils se battent. Y compris<br />

entre eux. <strong>La</strong> question que les entreprises françaises<br />

doivent donc se poser pour réussir en Chine, c’est : « Est-ce<br />

que la Chine a besoin de moi ? » On le voit dans l’automobile<br />

où les grands constructeurs français ont tardé à se plier aux<br />

demandes du client chinois. Ils l’ont enfin compris, comme<br />

on l’a remarqué au récent salon de Shanghai. Ce n’est pas le<br />

surfeur qui fait la vague, mais bien l’inverse.<br />

( Pour l’opinion française, l’idée dominante, souvent reprise<br />

par les responsables politiques, demeure que la Chine nous<br />

menace par sa puissance et son dumping monétaire et social…<br />

C’est une idée du passé. <strong>La</strong> bataille du low cost a été perdue<br />

depuis longtemps, avec toutes les conséquences négatives<br />

sur l’industrie occidentale. <strong>La</strong> vraie nouveauté, c’est que<br />

la Chine est menacée à son tour. Ainsi, la société Foxconn,<br />

qui assemble les iPhone d’Apple et emploie 1,2 million<br />

d’ouvriers chinois, vient de commander 1 million de<br />

robots ! C’est un défi aussi pour les fournisseurs traditionnels<br />

de la Chine, États-Unis et Allemagne, parce que la<br />

Chine, en passant des machines-outils aux robots, va changer<br />

de modèle. Les Chinois savent qu’ils vont perdre leur<br />

avantage concurrentiel avec des salaires et une monnaie<br />

faible en accédant au statut de superpuissance. C’est pour<br />

cela que dans leur nouveau plan décennal, ils veulent devenir<br />

une économie de services et développer le commerce,<br />

les services de santé, la banque et le numérique. On voit<br />

même apparaître une économie quaternaire ! En Chine, il<br />

y a plus de téléphones mobiles que d’ordinateurs. Comme<br />

les Chinois aiment beaucoup jouer, on emploie des joueurs<br />

professionnels pour animer les jeux en ligne 24 heures sur<br />

24. De nouveaux métiers sont en train de naître.<br />

( En fait, la Chine va connaître les mêmes problèmes que nous !<br />

Exactement. Elle va devoir faire face à l’énorme défi du<br />

vieillissement accéléré dû à la politique de l’enfant<br />

unique. Et les dirigeants chinois savent qu’ils vont<br />

devoir gérer à marche forcée l’atterrissage vers une<br />

économie moderne, avec toutes les conséquences<br />

sociales et politiques que cela implique. Les vingt<br />

prochaines années vont être marquées par le déplacement<br />

massif des paysans vers les villes, le développement<br />

d’une agriculture intensive pour apporter<br />

l’autosusance alimentaire, la transformation<br />

de l’industrie vers l’innovation et le tertiaire, avec<br />

l’apparition de nouveaux métiers et services. C’est<br />

pour cela qu’ils ont tellement besoin de rééquilibrer<br />

leur développement économique, de lutter contre la<br />

corruption des élites qui se sont enrichies pendant<br />

des années, afin de faire émerger une classe moyenne<br />

qui doit devenir le nouveau pivot de la société. Ils vont<br />

devoir inventer une sécurité sociale, un système de<br />

retraite et de redistribution.<br />

( Que veulent les nouveaux dirigeants chinois, qui semblent<br />

encore énigmatiques sur leurs intentions ?<br />

Ils ne sont pas si énigmatiques que cela. Au<br />

contraire. En Chine, tout est sur la table,<br />

ou plutôt dans le Plan. <strong>La</strong> direction<br />

chinoise a défini une stratégie très<br />

claire pour l’horizon 2030, date à<br />

laquelle elle veut boucler un<br />

cycle vieux de 200 ans, et<br />

renouer avec la situation de<br />

1830, où elle était la première<br />

puissance économique du<br />

monde. Ce qui ne veut pas dire<br />

que la Chine a une volonté<br />

hégémonique. Elle veut être<br />

dominante chez elle, dans sa<br />

zone d’influence, en Asie, mais<br />

au niveau mondial, elle<br />

recherche un équilibre dans<br />

son face-à-face avec les États-<br />

Unis. Malheureusement, la<br />

faiblesse et la désorganisation<br />

de l’Europe ne lui permettent<br />

pas encore de jouer un rôle<br />

LA TRIBUNE VENDREDI 17 MAI 2013<br />

de contre-pouvoir. <strong>La</strong> théorie de l’empire du Milieu, c’est<br />

que tous ceux qui sont sur les bords sont des vassaux. C’est<br />

ce que j’appelle la « Glo-sinisation ». <strong>La</strong> Chine se pense<br />

comme la dernière nation-civilisation. C’est une force par<br />

rapport à nous et aux États-Unis qui sommes sur le déclin.<br />

Les dirigeants chinois savent où ils veulent aller mais ils<br />

savent aussi que cela<br />

va passer par quelques<br />

frottements. Pour<br />

comprendre où va la<br />

Chine, il sut d’écouter<br />

ce que dit le président<br />

Xi Jinping. Il<br />

veut passer du rêve<br />

chinois au « rêve de la<br />

Chine ». C’est très<br />

explicite et diverge du<br />

modèle de l’« American<br />

Dream ». Ce n’est pas le<br />

« Chinese Dream »,<br />

mais bien le « China<br />

Dream » qu’ambitionne<br />

«D’ici à 2030,<br />

la Chine<br />

veut renouer<br />

avec la situation<br />

de 1830, où elle<br />

était la première<br />

puissance<br />

économique<br />

du monde. »<br />

la nouvelle équipe. Ne pas en tenir compte est s’exposer à<br />

une incompréhension mutuelle. Ce rêve de la Chine repose<br />

sur trois ambitions : retrouver sa place historique de première<br />

grande puissance ; passer d’un modèle individualiste<br />

à l’américaine à un modèle plus altruiste. Il ne peut pas y<br />

avoir 1,3 milliard de millionnaires en Chine ! Enfin, résoudre<br />

les défis du développement et de l’urbanisation.<br />

( Et si la Chine échouait ? <strong>La</strong> croissance déjà s’essoue et les<br />

risques de crédit s’accumulent dans les banques…<br />

C’est le grand danger. L’équilibre mondial s’est rompu<br />

depuis la crise de 2008. L’Occident est en crise et sans la<br />

demande des pays développés, la Chine soure à son tour.<br />

Nous sommes donc interdépendants<br />

et nous avons tous<br />

intérêt à ce que la Chine<br />

réussisse. Vous connaissez<br />

la formule : « Si tu<br />

dois 10 000 euros à<br />

ton banquier, tu dors<br />

mal, si tu lui dois<br />

10 millions, c’est lui<br />

qui dort mal. » <strong>La</strong><br />

Chine, c’est une<br />

banque de plusieurs<br />

milliers de<br />

milliards de dollars…<br />

<br />

Retrouvez Charles-<br />

Édouard Bouée sur latribune.fr<br />

dans le blog « <strong>La</strong><br />

Chine et la transformation du<br />

monde ».<br />

Pour Charles-Édouard Bouée, « il faut bien comprendre que<br />

la Chine est le pays le plus compétitif au monde, dans tous les<br />

secteurs. C’est un peuple de commerçants : tant qu’il reste un<br />

renminbi de marge, ils se battent. Y compris entre eux ». [CGPME]


« LA TRIBUNE S’ENGAGE AVEC ECOFOLIO POUR LE RECYCLAGE DES PAPIERS. AVEC VOTRE G<strong>EST</strong>E DE TRI, VOTRE JOURNAL A PLUSIEURS VIES. »<br />

VENDREDI 17 MAI 2013 www.latribune.fr<br />

Supplément au N° 48 - Ne peut être vendu séparément<br />

CITÉ VERTE<br />

ÉDITO Touche pas à mes parcs et jardins…<br />

PHILIPPE HOLLIER<br />

En 2030, c’est-à-dire dans moins de deux décennies,<br />

5 milliards de Terriens sur les 8,5 milliards<br />

que comptera alors la planète vivront dans des<br />

villes. L’espace urbain aura alors triplé de surface<br />

par rapport à l’an 2000 et occupera 1,2 million de kilomètres<br />

carrés, soit deux fois plus que la superficie de la<br />

France métropolitaine. Cette évolution est normale : la<br />

ville attire, elle est un lieu de création de richesse, d’emploi,<br />

de lien social. Mais elle peut aussi se transformer en enfer<br />

lorsqu’elle engendre la surpopulation, la pollution, le bruit,<br />

la violence. Du coup, partout dans le monde, on réfléchit<br />

activement à ce qui pourrait rendre les mégalopoles et les<br />

HEBDOMADAIRE<br />

LA NATURE<br />

RÉINV<strong>EST</strong>IT<br />

NOS VILLES<br />

Le projet du Grand Lyon de réconciliation de la ville avec le Rhône répond aux besoins de détente<br />

des habitants grâce à la création d’espaces de verdure accueillants sur les berges du fleuve.<br />

métropoles de demain vivables, accueillantes, propices aux<br />

échanges et à l’épanouissement de ceux qui y vivront et y<br />

travailleront. L’une des idées qui s’imposent est d’installer<br />

ou de préserver la nature dans la ville. <strong>La</strong> France est un<br />

acteur important de cette réflexion parce que la tendance<br />

à l’urbanisation des territoires est forte, mais aussi parce<br />

qu’elle a la chance d’abriter des paysages divers, uniques,<br />

recherchés par les visiteurs du monde entier.<br />

<strong>La</strong> conception des villes de demain est l’aaire des architectes<br />

et des urbanistes. C’est vrai, mais pas seulement. <strong>La</strong><br />

présence de la nature dans les villes, la création de parcs,<br />

de jardins, voire de forêts dans les zones urbaines est surtout<br />

l’aaire des professionnels du paysage, une filière riche<br />

de 50 000 entreprises et de 160 000 salariés en France qui<br />

se battent pour « verdir » la ville et créer un cadre de vie<br />

qui enrichisse la relation sociale, procure de la paix et du<br />

repos en préservant la santé des citadins. C’est la raison<br />

pour laquelle Val’hor – association interprofessionnelle<br />

de l’horticulture, de la fleuristerie et du paysage –, a développé<br />

l’initiative Cité Verte, à partir des conclusions d’un<br />

cercle de réflexion et de prospective qui vient de publier<br />

un Manifeste pour une Cité verte à l’intention des élus et<br />

de l’ensemble des décideurs locaux. Afin de mettre en<br />

lumière les enjeux du végétal dans la ville, Cité Verte entreprend<br />

dans les semaines qui viennent un tour de France<br />

des métropoles afin de rencontrer les élus, d’écouter leurs<br />

besoins et de proposer des solutions. En partenariat avec<br />

<strong>La</strong> <strong>Tribune</strong>, ce numéro spécial présente les enjeux clés de<br />

la filière du paysage en France et les actions qu’elle mène<br />

pour être mieux reconnue et davantage valorisée. &<br />

© VAL'HOR


DR<br />

2<br />

CITÉ VERTE<br />

FAIRE POUSSER<br />

LA CAMPAGNE<br />

DANS LES VILLES<br />

Savoir-faire <strong>La</strong>ncée à l’initiative des professionnels<br />

du paysage, Cité Verte travaille à la promotion<br />

de la nature en ville et à la préservation d’une filière<br />

d’exception qui réunit 50 000 entreprises et emploie<br />

plus de 160 000 personnes à travers la France.<br />

À<br />

quoi ressembleront<br />

les villes de demain<br />

? Cette question<br />

n’est pas anecdotique.<br />

Elle va<br />

concerner un nombre croissant<br />

d’habitants de la planète, si les projections<br />

des experts sont justes.<br />

L’urbanisation est un phénomène<br />

mondial. En France, où 80 % de la<br />

population habite déjà en zone<br />

urbaine, les projets de métropoles<br />

commencent à prendre forme, ils<br />

attireront de plus en plus d’habitants<br />

dans et à proximité des villes<br />

ou au sein de réseaux d’agglomérations.<br />

<strong>La</strong> ville attire, en même<br />

L’environnement<br />

végétal est au cœur<br />

du développement<br />

économique et social.<br />

temps qu’elle fait peur. Elle séduit<br />

par son dynamisme, par la diversité<br />

des activités qu’elle permet, par<br />

son rôle de lien social, par la densité<br />

de son offre culturelle et de<br />

Erik Orsenna, philosophe, économiste, ancien<br />

président de l’école nationale supérieure du<br />

paysage, se mobilise pour faire entrer la nature<br />

dans l’espace urbain. Pour lui, « c’est une<br />

question de lien social et de santé mentale ».<br />

loisirs. Elle fait peur à cause des<br />

difficultés de transport, de logement,<br />

des risques d’atteinte à la<br />

qualité de la vie et à l’environnement.<br />

Or, il existe un élément essentiel<br />

susceptible de rassurer et<br />

d’apporter davantage de sérénité<br />

aux habitants des villes : le végétal.<br />

Alphonse Allais voulait mettre les<br />

villes à la campagne. C’est le<br />

contraire qu’il faut faire : apporter<br />

des éléments de la campagne en<br />

ville, c’est-à-dire des paysages et de<br />

la verdure, sous des formes très<br />

diverses, parcs, jardins, plantations,<br />

fleurs, mise en scène des rapports<br />

de la nature et de l’eau…<br />

L’ensemble des<br />

professionnels de<br />

la filière paysage,<br />

réunis au sein de<br />

Val’hor, ont décidé<br />

en 2005 de lancer<br />

une grande initiative<br />

en France,<br />

baptisée Cité Verte. De quoi s’agitil<br />

? De promouvoir la présence de<br />

la nature dans la ville ainsi que les<br />

entreprises de la filière (50 000<br />

sociétés, 11 milliards d’euros de<br />

ERIK ORSENNA<br />

ÉCONOMISTE, ACADÉMICIEN ET PRÉSIDENT DU CERCLE CITÉ VERTE<br />

« Le jardin est une leçon<br />

permanente de philosophie »<br />

« Je me suis impliqué dans la<br />

démarche Cité Verte parce que je<br />

suis passionné par l’articulation<br />

entre la nature et l’être humain.<br />

J’aime cette collaboration. Pour<br />

moi, une ville sans végétal est une<br />

aberration. C’est pourquoi il faut<br />

faire entrer la nature dans l’espace<br />

urbain. C’est une question de lien<br />

social et de santé mentale. Le jardin<br />

est une leçon permanente de<br />

philosophie visible. J’ai toujours<br />

l’impression, lorsque je me promène<br />

dans un jardin, que je suis<br />

chire d’aaires, 160 000 emplois).<br />

Non par des actions commerciales<br />

ou publicitaires, mais dans le cadre<br />

d’une démarche de réflexion sur les<br />

moyens et décisions à mettre en<br />

œuvre pour que le végétal soit davantage<br />

présent dans la ville et que<br />

la production et le savoir-faire français<br />

dans ce domaine soient mieux<br />

valorisés auprès des décideurs locaux.<br />

Au cours de ces deux dernières<br />

années, Cité Verte, animée par un<br />

cercle de membres permanents présidé<br />

par l’écrivain et académicien<br />

Erik Orsenna et composé de professionnels<br />

de la filière et d’experts,<br />

d’économistes, d’architectes et de<br />

philosophes, a tenu des réunions de<br />

travail au cours desquelles ont été<br />

auditionnées de nombreuses personnalités<br />

extérieures, pour explorer<br />

les voies d’une meilleure intégration<br />

de la nature dans la ville.<br />

UN MANIF<strong>EST</strong>E DE 70<br />

PROPOSITIONS CONCRÈTES<br />

De ce travail de fond a émergé un<br />

Manifeste pour une Cité verte, largement<br />

diffusé auprès des pouvoirs<br />

publics, des élus locaux, et<br />

en train de lire ou d’écrire ! Dans<br />

notre monde pris en otage par la<br />

tyrannie du court terme, le jardin<br />

rappelle que le temps existe et<br />

qu’il mérite le respect. C’est un<br />

lieu d’équilibre entre la volonté et<br />

l’humilité.<br />

Mais la mission de Cité Verte<br />

c’est aussi de faire comprendre la<br />

dimension économique du paysage<br />

et du végétal. Ils nous<br />

rendent au centuple ce que nous<br />

leur donnons. Or, la situation économique<br />

de la filière est inquié-<br />

des professionnels, qui s’articule<br />

autour de convictions fortes : les<br />

jardins et les paysages sont des éléments<br />

essentiels de nos vies et de<br />

nos villes ; les entreprises de la filière<br />

disposent de savoirs-faire exceptionnels<br />

; les jardins et paysages<br />

sont au cœur du développement<br />

économique et social ; tous les acteurs,<br />

y compris la puissance publique,<br />

doivent se mobiliser pour<br />

soutenir une filière professionnelle<br />

d’excellence mais fragilisée par une<br />

tante, notamment pour les producteurs<br />

de végétaux. Et d’autres<br />

questions sont en suspens, comme<br />

celle de la réglementation européenne<br />

en matière d’appels<br />

d’ores. Quand vous n’avez pas le<br />

droit de privilégier les produits<br />

locaux, les conséquences économiques,<br />

sociales, culturelles, sont<br />

dramatiques.<br />

Mais je crois que l’économie est<br />

en train de redevenir intelligente.<br />

Pendant longtemps, elle fut une<br />

science véritablement humaine,<br />

LA TRIBUNE VENDREDI 17 MAI 2013<br />

Les espaces paysagers, un moyen de recréer du lien social dans les<br />

grands ensembles urbains, comme sur le plateau de Haye, à Nancy.<br />

concurrence qui n’est pas toujours<br />

juste. Ce manifeste propose dix<br />

actions prioritaires, parmi lesquelles<br />

faire en sorte que chaque<br />

citoyen bénéficie d’un parc ou d’un<br />

jardin à moins de 300 mètres de son<br />

domicile ; consacrer au moins 5 %<br />

de chaque projet urbain à la création<br />

d’aménagements paysagers ;<br />

favoriser les filières courtes dans les<br />

achats de végétaux ; développer des<br />

indicateurs pour mesurer les services<br />

environnementaux, écono-<br />

liée à l’histoire, à la géographie, à<br />

l’anthropologie, à la sociologie.<br />

Les grands économistes classiques<br />

comme Smith ou Ricardo<br />

avaient une vision globale de la<br />

société. Puis on a voulu faire de<br />

l’économie une science « dure »<br />

et la réduire à de pauvres mathématiques.<br />

Or, cela ne marche pas.<br />

Il faut mesurer la richesse avec<br />

d’autres outils que notre PIB. Il<br />

faut y introduire des éléments de<br />

bien-être, de santé, d’accomplissement.<br />

Le paysage et le végétal<br />

ont toute leur place dans cette<br />

conception nouvelle. Ajoutons<br />

qu’ils nous rappellent à l’exigence<br />

d’un développement vraiment<br />

durable où l’on apprend ce qu’est<br />

le respect, ce que peut le recyclage,<br />

et la part d’invisible, de<br />

modeste et d’obstiné derrière tout<br />

ce qu’on voit. »&


LA TRIBUNE VENDREDI 17 MAI 2013<br />

miques et culturels que rendent les<br />

jardins et végétaux ; redonner ses<br />

lettres de noblesse à la connaissance<br />

des plantes ; renforcer la<br />

solidarité au sein des professionnels,<br />

concepteurs, producteurs,<br />

entrepreneurs. Enfin, le manifeste<br />

a élaboré 70 propositions<br />

concrètes pour une Cité verte, qui<br />

précisent et détaillent ces 10 actions<br />

prioritaires.<br />

<strong>La</strong> première partie de la mission<br />

d’origine a donc été menée<br />

à bien. Les pouvoirs publics ont<br />

été saisis à tous les niveaux, y<br />

compris à l’Élysée, puisque rien<br />

n’est possible dans ce domaine<br />

sans une mobilisation des plus<br />

hauts échelons de l’État.<br />

SENSIBILISER<br />

LES DÉCIDEURS LOCAUX<br />

Mais le développement du végétal,<br />

des espaces verts, des jardins<br />

est aussi une affaire de décisions<br />

locales. C’est la raison pour<br />

laquelle Val’hor, qui était déjà<br />

partenaire du 95 e Congrès des<br />

maires en novembre 2012, souhaite<br />

maintenant sensibiliser,<br />

sur le terrain, les décideurs économiques<br />

et les élus, en organisant<br />

une sorte de tour de France<br />

des métropoles, le Grand Tour<br />

FOCUS<br />

Première étape :<br />

Marne-la-Vallée<br />

Le 14 mai, Marne-la-Vallée accueille la première<br />

étape du Grand Tour Cité Verte. Presque une évidence<br />

pour une ville qui s'auto-proclame la métropole<br />

du développement durable. Elle a d’ailleurs<br />

lancé un certain nombre d’opérations<br />

exemplaires comme l’aménagement des berges<br />

et des pontons des bords de Marne. L’agglomération<br />

a mis au point un schéma de cohérence et<br />

d’orientation paysagère (SCOP), véritable outil<br />

stratégique de gestion du paysage, en combinant<br />

les enjeux environnementaux, culturels, sociaux<br />

et économiques.&<br />

© MYRIAM TISSERAND<br />

Cité Verte. Il se déroulera dans<br />

une dizaine des plus grandes<br />

villes françaises, la plupart<br />

d’entre elles se trouvant d’ailleurs<br />

au cœur de projets de pôles<br />

métropolitains. Dans chacune de<br />

ces villes, et dès le 14 mai à<br />

Marne-la-Vallée (lire ci-dessous),<br />

avec le concours de <strong>La</strong><br />

<strong>Tribune</strong>, des débats seront organisés<br />

avec les maires et les élus,<br />

les professionnels de la filière,<br />

les décideurs économiques, sous<br />

la houlette de Dominique<br />

Douard, président de Val’hor et<br />

d’Erik Orsenna, président du<br />

cercle Cité Verte. &<br />

Les berges de la Marne réaménagées<br />

pour revaloriser leur biodiversité.<br />

DR<br />

DR<br />

CITÉ VERTE<br />

3<br />

DOMINIQUE DOUARD<br />

PRÉSIDENT DE VAL’HOR<br />

« Notre filière insue<br />

beauté et bien-être »<br />

Entrepreneur du Paysage dans la<br />

région de Perpignan, Dominique<br />

Douard préside Val’hor, association<br />

interprofessionnelle de l’horticulture,<br />

du paysage et de la fleuristerie<br />

qui a lancé Cité Verte comme une<br />

démarche citoyenne. Il en explique<br />

les motivations et les résultats.<br />

( LA TRIBUNE – Pourquoi avezvous<br />

lancé cette initiative Cité Verte ?<br />

DOMINIQUE DOUARD – Nous<br />

avons créé Cité Verte avec l’idée que<br />

ce devait être l’aaire de l’interprofession<br />

du paysage, pour sensibiliser<br />

l’ensemble des acteurs publics, mais<br />

aussi l’opinion, sur la nécessité de<br />

promouvoir le végétal dans les villes,<br />

d’autant plus que dans les années qui<br />

viennent l’urbanisation va se poursuivre,<br />

des projets ambitieux pour<br />

constituer des pôles métropolitains<br />

sont en cours.<br />

Nous avons conçu Cité Verte comme<br />

une démarche de réflexion lancée<br />

par la profession mais ouverte à des<br />

personnalités extérieures, économistes,<br />

philosophes, sociologues,<br />

médecins, architectes, qui avaient un<br />

rapport ou des opinions sur la place<br />

du végétal dans l’espace urbain.<br />

J’insiste sur le fait que cette démarche<br />

est entièrement financée par<br />

l’interprofession, sans recours à des<br />

partenaires économiques, car nous<br />

voulions que cette initiative soit totalement<br />

prise en charge par ceux<br />

qui travaillent chaque jour sur le<br />

sujet, qu’ils soient paysagistesconcepteurs<br />

ou entrepreneurs, producteurs<br />

ou distributeurs de végétaux.<br />

Nous avons cherché une<br />

personnalité indépendante pour<br />

présider le cercle de réflexion Cité<br />

Verte. Erik Orsenna est à la fois économiste<br />

mais aussi grand connaisseur<br />

de nos métiers puisqu’il a présidé<br />

l’École nationale supérieure du<br />

paysage de Versailles.<br />

( LA TRIBUNE – Quel est aujourd’hui<br />

le fruit de ce travail ?<br />

Nous avons abouti à la rédaction<br />

d’un Manifeste pour une Cité Verte,<br />

énonçant dix actions prioritaires et<br />

70 propositions pour développer le<br />

végétal dans la ville. Il s’agit de mener<br />

une démarche d’intérêt général,<br />

au service du public. Les dix actions<br />

prioritaires sur lesquelles nous<br />

avons mis l’accent constituent le<br />

socle de notre mission, nous les<br />

avons présentées aux plus hautes<br />

autorités de l’État. Je ne vais pas<br />

toutes les citer, mais nous souhaitons,<br />

par exemple, que la recommandation<br />

de l’Agence européenne de<br />

l’environnement – chaque citoyen<br />

doit bénéficier, à moins de 300<br />

mètres de son habitation, d’un parc<br />

ou d’un jardin –, soit mise en œuvre.<br />

Nous ne voulons pas que le dialogue<br />

soit cantonné à Paris, entre les représentants<br />

de la profession et le gouvernement,<br />

mais qu’il s’enrichisse<br />

dans les régions et les territoires. <strong>La</strong><br />

façon dont se tisse la relation entre<br />

le citoyen et le végétal n’est pas la<br />

même partout en France, ni dans<br />

toutes les villes. C’est la raison pour<br />

laquelle nous organisons le Grand<br />

Tour Cité Verte. Il nous conduira<br />

dans dix villes qui seront demain au<br />

cœur de pôles métropolitains, au<br />

sein desquels la question du végétal<br />

se posera en termes nouveaux.<br />

( LA TRIBUNE – Que voulez-vous<br />

démontrer avec le Grand Tour Cité<br />

Verte ?<br />

L’objectif est de sensibiliser les décideurs<br />

locaux, élus, chefs d’entreprise,<br />

spécialistes de l’urbanisme, sur<br />

l’importance du végétal dans les<br />

villes, et sur le rôle essentiel qu’ils<br />

peuvent jouer dans le développement<br />

de la filière française du paysage.<br />

Nos voisins et concurrents<br />

européens, hollandais, allemands,<br />

italiens pour ne citer qu’eux, ont<br />

développé des filières d’exportation,<br />

des réseaux logistiques, des circuits<br />

de distribution, qui servent à diuser<br />

largement leurs productions sur le<br />

territoire français, alors qu’il y a<br />

quelques décennies, c’étaient les<br />

végétaux français qui conquéraient<br />

l’Europe. Nous voulons inverser la<br />

tendance actuelle.<br />

( LA TRIBUNE –Vous voulez donc que<br />

les collectivités achètent davantage<br />

français, lorsqu’il s’agit de végétaux ?<br />

Absolument. Nous croyons possible<br />

d’inverser les flux, en convainquant<br />

les acheteurs de limiter le recours<br />

aux importations, ce qui est bon<br />

pour le bilan carbone, bon pour<br />

l’emploi puisque l’argent public servirait<br />

moins à financer des importations<br />

et donc des destructions de<br />

postes en France. Avec une commande<br />

de 50 000 euros, je finance<br />

un emploi à temps plein pendant un<br />

an… PROPOS RECUEILLIS PAR<br />

PHILIPPE HOLLIER


4<br />

CITÉ VERTE<br />

LA TRIBUNE VENDREDI 17 MAI 2013<br />

UN SECTEUR EN QUÊTE<br />

DE VALORISATION<br />

ET DE RECONNAISSANCE<br />

Compétitivité Face à la concurrence<br />

européenne, les professionnels<br />

français se mobilisent pour revaloriser<br />

leur filière auprès des acteurs locaux.<br />

D<br />

errière les espaces<br />

verts, parcs et jardins<br />

de nos villes, il y a une<br />

filière professionnelle<br />

qui embrasse des métiers<br />

très divers. Horticulteurs, fleuristes,<br />

entrepreneurs du paysage,<br />

paysagistes-concepteurs, distributeurs<br />

forment un ensemble de<br />

50 000 entreprises qui assurent la<br />

production, l’agencement ou la<br />

vente de végétaux d’ornement.<br />

Ce sont les entreprises du paysage<br />

qui fournissent le plus gros<br />

contingent (26 500 sociétés), devant<br />

les fleuristes (14 840 magasins),<br />

les horticulteurs (5 050 entreprises),<br />

les jardineries et<br />

graineteries (1 790), auxquelles il<br />

faut ajouter 1 700 libres-services<br />

agricoles et 762 entreprises de<br />

commerce de gros. L’ensemble de<br />

la profession, regroupée au sein de<br />

Val’hor, réalise un chire d’aaires<br />

annuel de l’ordre de 11 milliards<br />

d’euros, dont les entreprises du<br />

paysage réalisent près de la moitié.<br />

Les dépenses des particuliers en<br />

végétaux d’ornement dépassent les<br />

3 milliards d’euros par an (19 millions<br />

de foyers en France possèdent<br />

un jardin ou une terrasse).<br />

DÉCRYPTAGE<br />

L’activité de la filière est surtout<br />

concentrée sur le marché français<br />

(6 % du chire d’aaires est réalisé<br />

à l’exportation) et celle des entreprises<br />

du paysage se déploie essentiellement<br />

au niveau local et régional<br />

(près de 70 % des ventes). Mais<br />

la problématique principale du<br />

secteur est celle de la concurrence<br />

étrangère. Sa balance commerciale<br />

est très déséquilibrée : 71 millions<br />

d’euros d’exportations de fleurs et<br />

plantes ornementales fraîches, pour<br />

881 millions d’importations…<br />

UNE DÉSASTREUSE COURSE<br />

AUX PRIX BAS<br />

Cette situation est l’une des fragilités<br />

de la profession, comme le<br />

souligne Dominique Douard, président<br />

de Val’hor (lire interview<br />

page 3). Elle est due au fait que les<br />

entreprises hollandaises et allemandes<br />

se sont organisées dans<br />

l’objectif de conquérir les marchés<br />

européens, et ont mis en place des<br />

organisations de production et de<br />

logistique qui leur permettent de<br />

pratiquer des prix très bas.<br />

Toute la profession est donc mobilisée<br />

pour inverser cette tendance.<br />

Le dernier bulletin de conjoncture<br />

« L’approche durable<br />

a tout changé »<br />

Lorsqu’en 2003, Olivier Véron devient formateur pour des apprentis<br />

en BTSA Aménagements paysagers à Hortithèque, le centre<br />

de formation horticole de Seine-Maritime, la gestion des eaux<br />

pluviales et le recyclage des déchets sont encore des terres<br />

– presque – inconnues dans l’enseignement. À l’époque, l’école est<br />

la seule à proposer cette pédagogie dans le nord-ouest de la France.<br />

« Depuis cinq ans, l’approche durable a tout changé, explique l’ancien<br />

paysagiste devenu formateur. Les paysagistes doivent appréhender<br />

cette dimension environnementale, que ce soient les toitures<br />

végétalisées ou les lotissements écologiques. Et nos élèves sont déjà<br />

sensibilisés au développement durable. » En septembre 2013, l’école<br />

changera d’ère en adoptant un nouveau référentiel de formation<br />

de l’enseignement technique pour l’aménagement paysager. Car<br />

l’avenir n’est plus seulement à la conception et à la création, mais<br />

surtout à la gestion et à l’entretien des paysages. &<br />

En France, les dépenses des particuliers en végétaux<br />

d’ornement dépassent les 3 milliards d’euros par an.<br />

établi par Val’hor pour le quatrième<br />

trimestre de 2012 indique la poursuite<br />

d’une croissance modérée<br />

pour la filière, même si le taux de<br />

« transformation » des devis tend à<br />

baisser dans les collectivités et chez<br />

les particuliers, de même que le prix<br />

moyen des opérations. D’où la nécessité<br />

de valoriser la filière auprès<br />

des collectivités locales. Une enquête<br />

réalisée dans le cadre de Cité<br />

Verte montre que 73,5 % des collectivités<br />

locales de plus de 5 000 habi-<br />

Olivier Véron, formateur<br />

en aménagement paysager.<br />

DR<br />

tants ont des projets de rénovation<br />

urbaine, 50,8 %, des projets d’écocité<br />

ou d’écoquartier, 30,6 % ont mis<br />

en place des plans de restauration<br />

et de valorisation de la nature en<br />

ville. Même si la mise en chantier<br />

de logements neufs est en baisse, le<br />

marché des collectivités reste dynamique,<br />

car pour les élus, la valorisation<br />

de la nature est un facteur<br />

d’amélioration des conditions de vie<br />

dans l’espace urbain, elle facilite le<br />

lien social. Autant de sujets auxquels<br />

ils sont très attentifs.<br />

Comment faire en sorte que la filière<br />

française du paysage soit<br />

mieux reconnue et valorisée par les<br />

décideurs locaux ? Val’hor a lancé<br />

depuis plusieurs années toute une<br />

Il y a urgence à<br />

récompenser la qualité<br />

des prestations des<br />

entreprises françaises.<br />

série d’actions de sensibilisation<br />

(les Victoires du paysage, le cercle<br />

Cité Verte, prix de la diversité végétale,<br />

participation aux finales internationales<br />

des Olympiades des<br />

métiers, lancement de la campagne<br />

et du slogan « Les végétaux, design<br />

par nature », participation à la Semaine<br />

du jardinage dans les écoles,<br />

création du Fonds d’initiative d’actions<br />

locales qui finance des opérations<br />

mettant en avant les métiers<br />

et les acteurs de la filière…). Mais il<br />

faut agir aussi sur les conditions<br />

d’accès aux marchés publics des<br />

collectivités, comme le souligne<br />

Michel Le Borgne, patron des pépinières<br />

Drappier, dans le Nord-Pasde-Calais.<br />

Dans son blog, <strong>La</strong> Voix<br />

des Racines, il rappelle que la pratique<br />

systématique du « moins-disant<br />

» dans les appels d’ores des<br />

collectivités produit un eet désastreux<br />

sur les producteurs français<br />

de plantes. Ces pratiques, écrit<br />

Michel Le Borgne, « éliminent petit<br />

à petit les fournisseurs sérieux qui ne<br />

veulent pas brader le travail de leurs<br />

salariés et maintenir la qualité de<br />

leurs prestations ». Et il poursuit :<br />

« Dans une filière comme celle du<br />

paysage, quelles sont les entreprises<br />

qui finissent par financerdouloureu-<br />

sement une part des<br />

investissements<br />

publics achetés en<br />

deçà du prix de revient<br />

? Ce sont les<br />

entreprises de production<br />

de plantes, les pépiniéristes<br />

et les horticulteurs, premiers maillons<br />

de la filière. »<br />

Il y a urgence à faire en sorte que<br />

la filière du paysage français voie<br />

récompensée la qualité de ses productions<br />

et de ses prestations, que<br />

les collectivités privilégient l’emploi<br />

local dans leurs décisions d’investissements.<br />

Un combat qui s’annonce<br />

long et difficile, mais dont dépendent<br />

quelques dizaines de milliers<br />

d’emplois dans les régions. &<br />

DR


© GAUTIER STEPHANE © JEROME DELAHAYE<br />

LA TRIBUNE VENDREDI 17 MAI 2013<br />

Dans les entreprises du paysage, la moyenne d’âge est de 35 ans<br />

et le niveau de formation est en constante augmentation.<br />

UNE FILIÈRE <strong>QUI</strong><br />

CRÉE DE L’EMPLOI<br />

Métiers Les perspectives d’embauche sont<br />

nombreuses dans un secteur qui participe<br />

à consolider le tissu économique de proximité.<br />

<strong>La</strong> filière du végétal représente<br />

quelque 160 000 emplois en<br />

France. Près de la moitié des salariés<br />

travaillent dans les entreprises<br />

du paysage (85 050 actifs), 25 000<br />

dans des entreprises de production de végétaux.<br />

Une caractéristique essentielle de ces<br />

emplois est d’être locaux, donc dédiés au<br />

tissu économique de proximité. Ces salariés<br />

sont plutôt jeunes (la moyenne d’âge dans les<br />

entreprises du paysage est de 35 ans) et 90 %<br />

des employés travaillent dans des sociétés de<br />

moins de cinq collaborateurs. Le niveau de<br />

formation est en constante augmentation,<br />

notamment dans les entreprises du paysage,<br />

où la proportion de salariés qualifiés est passée<br />

de 23 % en 2004 à 26 % en 2010. Certes,<br />

cela peut paraître faible par rapport à d’autres<br />

JACQUES PÉLISSARD<br />

PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE (AMF)<br />

« la ville est un<br />

espace où la nature<br />

a toute sa place »<br />

Le président de l’AMF, député du<br />

Jura, maire de Lons-le-Saulnier, est<br />

un ardent défenseur du végétal dans<br />

la cité. Il s’en explique à <strong>La</strong> <strong>Tribune</strong>.<br />

( LA TRIBUNE – Quelle importance<br />

les maires des villes de France accordent-ils<br />

à la présence du végétal<br />

dans la cité ?<br />

JACQUES PÉLISSARD – Aujour d’hui,<br />

plus de 80 % de la population française<br />

vit en milieu urbain. De nombreuses<br />

enquêtes ou sondages,<br />

réalisés ces dernières années, démontrent<br />

l’importance pour les<br />

habitants de la nature en ville. Le<br />

végétal permet, en eet, de créer au<br />

cœur des paysages urbains des espaces<br />

ouverts, comme des respirations<br />

qui rappellent que la ville ne<br />

se substitue pas à la nature, mais<br />

doit se conjuguer avec elle.<br />

( LA TRIBUNE – Comment inciter<br />

les responsables de ces villes à mieux<br />

intégrer le végétal dans leurs projets ?<br />

Des paysagistes prennent bien souvent<br />

part à la conception des projets<br />

d’aménagement des espaces<br />

urbains pour une meilleure intégration<br />

du végétal en ville. Il n’en<br />

demeure pas moins que de nombreux<br />

maires peuvent méconnaître<br />

l’étendue de ce métier, ses compétences<br />

et ses qualifications. Il serait<br />

intéressant de les sensibiliser à<br />

cette dimension professionnelle, en<br />

travaillant sur la plus-value végétal-paysage.<br />

Néanmoins, des progrès<br />

en la matière<br />

ont été accomplis<br />

ces dernières années.<br />

Par exemple,<br />

la Charte des<br />

maires pour l’environnement,élaborée<br />

par l’AMF en<br />

2007, encourage<br />

les élus à protéger la biodiversité en<br />

mettant en œuvre des actions variées<br />

liées notamment au développement<br />

des espaces verts dans les<br />

zones urbanisées.<br />

( LA TRIBUNE – Comment le végétal<br />

s’inscrit-il dans les enjeux futurs de<br />

l’urbanisation et de la création des<br />

pôles métropolitains ?<br />

Au-delà des enjeux de loisirs et<br />

d’esthétique, le végétal constitue un<br />

élément essentiel du développement<br />

durable en milieu urbain. Ces<br />

dernières années, les diérents travaux<br />

nationaux (Grenelle de l’environnement<br />

et Conférence environnementale<br />

de 2012) ont démontré<br />

l’importance de lier les actions<br />

d’aménagement et de développement<br />

durable des territoires. Ainsi,<br />

filières, mais la tendance à l’amélioration des<br />

compétences est réelle de même que le besoin<br />

en cadres techniques et en ingénieurs<br />

spécialisés. 19 % des entreprises avaient, en<br />

2010, procédé à des investissements en formation<br />

au-delà de l’obligation légale.<br />

QUATRE ENTREPRISES SUR DIX<br />

ONT DU MAL À RECRUTER<br />

De véritables centres d’excellence en matière<br />

de formation se sont développés en<br />

France, comme Hortithèque à Fauville-en-<br />

Caux, un établissement public du ministère<br />

de l’Agriculture, mais aussi un centre de formation<br />

aux métiers de l’horticulture, du paysage<br />

et du commerce en animalerie et en<br />

jardinerie, avec un Centre de formation<br />

d’apprentis (CFA) et un centre de formation<br />

professionnelle pour adultes (CFPPA). Néanmoins,<br />

beaucoup d’entreprises de la filière<br />

éprouvent des dicultés à recruter des salariés<br />

de niveau agent de maîtrise ou cadre.<br />

Dans le secteur des entreprises du paysage,<br />

près de quatre sociétés sur dix indiquent des<br />

dicultés à recruter (étude de l’Union nationale<br />

des entreprises du paysage). Il faut souligner<br />

en outre l’importance que jouent les<br />

entreprises de la filière en matière d’insertion<br />

des jeunes.<br />

Afin d’attirer les vocations et de favoriser le<br />

recrutement, Val’hor a lancé de nombreuses<br />

initiatives de valorisation des métiers et des<br />

savoir-faire comme son soutien au comité<br />

français des Olympiades des métiers, le<br />

concours Innovert dans le cadre du salon du<br />

végétal, le parrainage du Carré des Jardiniers<br />

du salon Paysalia, son action dans le domaine<br />

de la reconnaissance des végétaux (lire cicontre)<br />

ou son site Web Ton avenir en vert.<br />

<strong>La</strong> filière du paysage est donc en mutation.<br />

Ses besoins évoluent à mesure que les technologies<br />

progressent. Les métiers d’entrepre-<br />

la ville de demain doit, dès aujourd’hui,<br />

répondre à des objectifs<br />

de lutte contre les changements<br />

climatiques, contre un étalement<br />

urbain sans maîtrise et sans<br />

contrôle et assurer la protection de<br />

la biodiversité.<br />

«<strong>La</strong> cité de demain<br />

doit répondre,<br />

dès aujourd’hui,<br />

à des objectifs<br />

de biodiversité. »<br />

Dans ce cadre,<br />

la place du végétal<br />

permet de<br />

constituer une<br />

vision intégrée,<br />

à la fois environnementale<br />

et durable de la<br />

conception des futurs projets d’urbanisation<br />

des espaces.<br />

Nous pouvons citer deux exemples<br />

concrets permettant d’inscrire le<br />

végétal dans les projets d’urbanisation.<br />

Le premier, ce sont les travaux<br />

réalisés ces dernières années sur la<br />

trame verte et bleue. L’AMF a ainsi<br />

porté une attention toute particulière<br />

à sa mise en œuvre opérationnelle<br />

prévue dans le cadre des engag<br />

e m e n t s d u G renelle d e<br />

l’environnement. Cette trame verte<br />

et bleue a pour objectif d’assurer<br />

une continuité biologique entre les<br />

grands ensembles naturels pour<br />

permettre notamment la circulation<br />

des espèces naturelles. <strong>La</strong> végétalisation<br />

des villes et pôles métropolitains<br />

tient à cet effet un rôle<br />

important pour répondre à ces ob-<br />

CITÉ VERTE<br />

5<br />

neur du paysage, de producteur de végétaux<br />

pour ne parler que d’eux sont en train de<br />

connaître de nombreuses évolutions techniques,<br />

qu’il s’agisse de méthodes de culture<br />

ou d’entretien des végétaux, mais aussi de<br />

sélection d’espèces, de qualité des sols, de<br />

culture sans intrants. Les entreprises vont<br />

devoir se doter de véritables experts et techniciens<br />

et développer les filières d’excellence<br />

dans leurs métiers. Une façon d’accroître<br />

encore la valorisation du secteur et de le<br />

rendre plus séduisant pour les jeunes à la<br />

recherche d’une spécialisation. &<br />

FOCUS<br />

Le b.a.-ba<br />

du végétal<br />

Se lancer dans les métiers du paysage<br />

implique d’être capable de nommer<br />

les végétaux. Savoir que le hêtre est<br />

un Fagus sylvatica et que le Convallaria<br />

majalis désigne le muguet de<br />

mai… C’est dans ce but que Val’hor a<br />

soutenu le premier concours national<br />

de reconnaissance des végétaux qui<br />

s’est tenu dans le cadre du salon Paysalia.<br />

Cette épreuve a pour objectif de<br />

promouvoir la connaissance de la<br />

botanique, de valoriser ses formations<br />

et ses métiers. Les participants<br />

au concours doivent reconnaître,<br />

pour les niveaux les plus élevés,<br />

40 plantes en 90 minutes ; sa deuxième<br />

édition est programmée en<br />

décembre 2013, à Lyon. &<br />

jectifs. Le deuxième exemple, ce<br />

sont les initiatives développées par<br />

Val’hor, telles que les Victoires du<br />

paysage, qui constituent une base<br />

d’exemples intéressants de partenariats<br />

réussis entre communes et<br />

professionnels du paysage dans la<br />

réalisation de projets d’aménagement<br />

paysager.<br />

( LA TRIBUNE – Que faudrait-il faire<br />

pour soutenir davantage la filière française<br />

du paysage ?<br />

L’AMF participe à de nombreux<br />

travaux en cours visant à favoriser<br />

l’insertion paysagère des bâtiments<br />

et, de manière plus générale,<br />

le renforcement des liens entre les<br />

villes et la nature. Ainsi, la prise de<br />

conscience généralisée des élus de<br />

l’importance des services rendus<br />

par la nature devrait les encourager<br />

à faire appel davantage à des<br />

professionnels du paysage. Cela<br />

passe par une plus grande communication<br />

rappelant à tous les acteurs<br />

concernés que la ville n’est<br />

pas une frontière sur laquelle<br />

s’arrête la nature mais constitue,<br />

bien au contraire, un espace où la<br />

nature s’intègre et a toute sa place.<br />

Ce lien essentiel fonde le besoin,<br />

de plus en plus ressenti par les<br />

équipes municipales et leurs services,<br />

d’un rapprochement fort<br />

entre eux et la filière du paysage. &


6<br />

CITÉ VERTE<br />

LE VÉGÉTAL<br />

COMME GARANT<br />

DE LA SANTÉ<br />

© ERIC LEFEUVRE<br />

Des preuves Des études récentes menées dans plusieurs pays – États-Unis,<br />

Royaume-Uni, France… – apportent la caution scientifique à une vérité de bon<br />

sens : on vit mieux et en meilleure santé dans un environnement plus herbacé…<br />

Pourra-t-on espérer un<br />

jour combler le trou de<br />

la sécurité sociale par la<br />

création de jardins et<br />

d’espaces verts » s’interrogeaient<br />

dans une tribune publiée<br />

par le journal Le Monde (parution<br />

du 28 juillet 2011) Jean-Marc<br />

Bouillon, Président de la Fédération<br />

française du paysage (FFP) et<br />

Emmanuel Mony, Président de<br />

l’Union nationale des entrepreneurs<br />

du paysage (UNEP). <strong>La</strong> question<br />

vaut d’être posée. « Tout le<br />

monde rêve d’un monde plus respectueux<br />

de la nature, de villes plantées<br />

d’arbres et de parcs, d’habitations<br />

qui font la part belle au jardin et au<br />

végétal. Nos enquêtes annuelles<br />

montrent que neuf Français sur dix<br />

expriment un besoin croissant de<br />

nature et sont convaincus de la nécessité<br />

de préserver l’environnement<br />

et de développer les espaces verts.<br />

Au-delà de ces aspirations sociales<br />

fortes, les eets concrets des espaces<br />

MICHEL AUDOUY<br />

PRÉSIDENT DE LA COMMISSION<br />

verts sur la santé – et donc sur les<br />

coûts évités pour la Sécurité Sociale<br />

– sont désormais établis », poursuivaient<br />

encore les auteurs.<br />

De fait, un grand nombre d’études<br />

publiées sur le sujet aboutissent<br />

toutes au même résultat : il existe<br />

un lien direct entre plantes, santé et<br />

bien-être des habitants des villes.<br />

Neuf Français sur dix<br />

expriment un besoin<br />

croissant de nature et<br />

d’espaces verts.<br />

L’Association européenne des entreprises<br />

du paysage (ELCA) a fait<br />

travailler un certain nombre de<br />

chercheurs dans le cadre de séminaires<br />

et d’ateliers. Sur le plan environnemental,<br />

la capacité d’absorption<br />

des feuilles des plantes durant<br />

leur processus de croissance améliore<br />

la qualité de l’air et réduit les<br />

DES MÉTIERS DU PAYSAGE DE VAL’HOR<br />

« L’enjeu, c’est l’harmonie »<br />

Architecte-paysagiste à Paris, Président<br />

de la Commission des métiers<br />

du paysage de Val’hor, Michel<br />

Audouy travaille sur de nombreux<br />

projets d’aménagement de jardins<br />

et d’espaces publics en France et à<br />

l’étranger. Il répond aux questions<br />

de <strong>La</strong> <strong>Tribune</strong>.<br />

( LA TRIBUNE – Quels sont les vrais<br />

enjeux du végétal en ville ?<br />

Michel Audouy – Il ne s’agit pas de<br />

repeindre tout en vert… Il s’agit de<br />

penser la ville avec son paysage, sa<br />

géographie, son histoire, son milieu<br />

naturel et humain, son écologie.<br />

Le végétal est une question<br />

qualitative, ce n’est pas un matériau<br />

comme le bois ou la pierre,<br />

c’est vivant, cela demande donc<br />

des conditions d’installation<br />

idéales, une qualité des lieux qui<br />

doivent l’accueillir. Lorsque l’on<br />

plante un arbre, par exemple, il<br />

faut s’assurer qu’il pourra se développer<br />

dans le sol et dans l’espace.<br />

De même pour les jardins, ils sont<br />

plus à leur aise sur des sols fermes<br />

que sur des dalles… Le végétal doit<br />

donc avoir sa place dès la conception<br />

des villes ou des quartiers.<br />

C’est un enjeu important pour que<br />

la société vive en harmonie.<br />

On sait maintenant, grâce aux<br />

études, tout ce que le végétal peut<br />

apporter de positif à la santé, mais<br />

déjà sous Haussmann, on plantait<br />

concentrations de dioxyde de carbone<br />

et autres gaz à eets de serre,<br />

et l’ombrage des arbres provoque<br />

une réduction des températures<br />

locales selon des études menées en<br />

Californie. Le professeur Sandrine<br />

Manusset spécialiste d’écologie<br />

humaine, écrit, dans une contribution<br />

aux travaux de l’ELCA : « plusieurs<br />

études ont<br />

révélé une corrélation<br />

entre la faible<br />

distance entre les<br />

parcs et les habitations<br />

et l’obésité infantile.<br />

»<br />

Il existe en effet<br />

un rapport direct entre la densité<br />

d’espaces verts et la pratique d’une<br />

activité physique en milieu urbain.<br />

Mais ce n’est pas tout : des psychologues<br />

de Chicago ont établi que la<br />

présence de seulement quelques<br />

arbres peut réduire la violence familiale<br />

en facilitant les relations<br />

sociales, en créant une atmosphère<br />

des arbres comme un moyen de<br />

lutter contre la densité de la ville.<br />

( Comment faire sa place à la nature<br />

dans les villes de demain ?<br />

C’est vrai qu’il y a beaucoup de débats<br />

autour des villes de demain, de<br />

la métropolisation des territoires.<br />

On va probablement vers une ville<br />

plus dense, mais qui devra intégrer<br />

des espaces ouverts, des morceaux<br />

d’agriculture pour répondre aux<br />

enjeux écologiques et sociaux.<br />

On travaille beaucoup aujourd’hui<br />

sur la question des frontières entre<br />

la ville et la campagne. Ce sont des<br />

espaces inter-<br />

«<strong>La</strong> tendance du<br />

retour au végétal<br />

relève d’une demande<br />

sociale puissante. »<br />

médiaires, des<br />

lisières entre<br />

l’urbain et le<br />

rural. Comment<br />

peut-on<br />

intégrer ces<br />

deux espaces<br />

de façon harmonieuse, préserver<br />

des activités agricoles tout en permettant<br />

aux citadins d’avoir accès<br />

à des chemins de promenades, des<br />

pistes cyclables, voilà une question<br />

intéressante pour tous ceux<br />

qui travaillent dans la filière du<br />

paysage.<br />

favorable à la communication. Les<br />

espaces verts sont donc les premiers<br />

acteurs d’une relation sociale.<br />

En eet, toujours selon les travaux<br />

de Sandrine Manusset, la présence<br />

d’arbres et de pelouses est proportionnellement<br />

liée à l’utilisation des<br />

espaces extérieurs, au taux d’activités<br />

sociales qui y ont lieu et à la<br />

quantité d’activités qu’ils orent.<br />

Les espaces verts influencent les<br />

contacts sociaux entre voisins et<br />

prouvent que la nature joue un rôle<br />

important dans la création de lien<br />

social. Le contact avec la nature est<br />

propice à l’abaissement du niveau<br />

de stress des urbains. Dans la revue<br />

Développement durable et territoire<br />

(décembre 2012), Sandrine Manusset<br />

écrit : « À l’origine de ces résultats<br />

de santé publique, est en jeu la<br />

régulation d’un processus psychologique<br />

bien connu, la “fatigue mentale”,<br />

qui se traduit par un état d’irritabilité<br />

de comportements violents et<br />

agressifs. Or les travaux des cher-<br />

( Cette tendance au retour du végétal<br />

vous semble-t-elle durable ?<br />

<strong>La</strong> tendance est forte, elle est portée<br />

par une demande sociale puissante<br />

qui doit être prise en compte par les<br />

élus et les dirigeants politiques.<br />

Cela ne veut pas dire que les pressions<br />

pour limiter les espaces verts<br />

au profit de la construction<br />

n’existent plus. Les grandes villes<br />

savent y résister peut-être mieux<br />

que les petites communes, car les<br />

premières ont les moyens de mettre<br />

en œuvre des schémas de cohérence<br />

territoriale, de s’appuyer sur<br />

des agences d’urbanisme.<br />

( Quels sont les<br />

sujets les plus importants<br />

de demain<br />

?<br />

Je pense aux<br />

villes petites ou<br />

moyennes dont<br />

les centres se vident progressivement<br />

ou se paupérisent, car les gens<br />

veulent habiter des maisons plus<br />

grandes, avec des jardins. <strong>La</strong> réhabilitation<br />

de ces centres, y faire<br />

entrer la lumière, créer des places,<br />

des espaces verts, des jardins, est un<br />

vrai défi. Cela permettrait de rame-<br />

LA TRIBUNE VENDREDI 17 MAI 2013<br />

© OLLY<br />

ner la population au cœur des villes<br />

et de limiter l’étalement urbain et<br />

de lutter contre la consommation<br />

des espaces agricoles. Mais il y a<br />

d’autres grands sujets qui intéressent<br />

les architectes paysagistes ,<br />

comme la densification des zones<br />

commerciales qui ont provoqué un<br />

grand gaspillage de surfaces, mais<br />

aussi le retour vers les rivières par<br />

la transformation des berges, leur<br />

ouverture à la promenade.<br />

C’est assez encourageant, car cela<br />

traduit la possibilité de penser la<br />

ville avec des éléments du paysage,<br />

bref, de construire la « cité verte ».<br />

Grâce aux Victoires du Paysage,<br />

nous parcourons beaucoup la<br />

France et nous y voyons des expériences<br />

passionnantes. Elles sont le<br />

fait de la commande de maîtres<br />

d’ouvrage qui ont fait des choix de<br />

qualité. Cette réflexion sur la place<br />

de la nature dans la ville, tout ce qui<br />

se développe autour du concept de<br />

trame bleue et verte me semblent<br />

ouvrir des opportunités formidables<br />

pour faire de la ville, demain,<br />

un espace plus écologique et plus<br />

respectueux des milieux naturels<br />

au cœur du végétal. & PROPOS<br />

RECUEILLIS PAR PHILIPPE HOLLIER


LA TRIBUNE VENDREDI 17 MAI 2013<br />

cheurs américains montrent par des<br />

observations in situ que la présence<br />

d’arbres induit une baisse des violences<br />

et des actes d’incivilité. (…)<br />

Cet impact anxiolytique du végétal<br />

chez l’homme est très fort dans la<br />

mesure où le même eet tranquillisant<br />

a été obtenu lors d’examens<br />

bronchoscopiques où la présence de<br />

tableaux représentant des paysages<br />

naturels a permis de diminuer l’état<br />

d’anxiété des patients et l’usage de<br />

tranquillisants médicamenteux. »<br />

Des chercheurs hollandais ont<br />

travaillé entre 2005 et 2010 sur un<br />

programme intitulé « Vitamine V »,<br />

où V signifie espaces verts, pour<br />

mesurer l’impact direct du végétal<br />

sur la santé physique des urbains.<br />

Les résultats de ces travaux sont<br />

sans appel. Ils prouvent que les espaces<br />

verts sont bien plus qu’un<br />

produit de luxe. Les personnes vivant<br />

dans un environnement plus<br />

http://www.latribune.fr<br />

<strong>La</strong> <strong>Tribune</strong><br />

2, rue de Châteaudun - 75009 Paris<br />

Téléphone : 01 76 21 73 00.<br />

Pour joindre directement votre correspondant,<br />

composer le 01 76 21 suivi des 4 chiffres<br />

mentionnés entre parenthèses.<br />

végétal se font diagnostiquer moins<br />

de maladies par leur médecin, ressentent<br />

moins de douleurs et<br />

semblent disposer d’une meilleure<br />

santé mentale. L’accessibilité des<br />

espaces verts est associée au sentiment<br />

d’être en meilleure santé. Ces<br />

découvertes prouvent donc que le<br />

développement du végétal en ville<br />

devrait occuper une place plus centrale<br />

dans les politiques relatives à<br />

la santé.<br />

UN INV<strong>EST</strong>ISSEMENT<br />

DOUBLEMENT RENTABLE<br />

Si l’on suit l’hypothèse émise par<br />

un groupe de chercheurs britanniques,<br />

dans une étude commandée<br />

par le gouvernement – selon laquelle<br />

le fait de disposer d’une habitation<br />

avec vue sur un espace vert<br />

économise 340 euros par an de<br />

dépenses de santé –, l’économie<br />

réalisée en France par la Sécurité<br />

SOCIÉTÉ ÉDITRICE<br />

LA TRIBUNE NOUVELLE. S.A.S.<br />

au capital de 3 200 000 euros.<br />

Établissement principal :<br />

2, rue de Châteaudun - 75009 Paris<br />

Siège social : 10, rue des Arts,<br />

31000 Toulouse. SIREN : 749 814 604<br />

Président,<br />

directeur de la publication<br />

Jean-Christophe Tortora.<br />

RÉDACTION<br />

Directeur de la rédaction Éric Walther.<br />

Sociale serait très importante si les<br />

15 millions de Français qui n’ont ni<br />

jardin ni terrasse, pouvaient disposer<br />

de l’une ou de l’autre…<br />

Les pays scandinaves l’ont compris<br />

depuis longtemps. À Stockholm,<br />

95 % des habitants vivent à<br />

moins de 300 mètres d’un parc. Et<br />

la Suède arrive au premier rang<br />

européen pour « l’espérance de vie<br />

en bonne santé », qui s’établit à 69<br />

ans, contre 63 ans en France.<br />

Que d’économies possibles en<br />

eet… <strong>La</strong> création d’espaces verts<br />

en ville est donc un investissement<br />

doublement rentable : il augmente<br />

l’attractivité d’un bassin de vie et<br />

renforce notamment la valeur du<br />

patrimoine foncier. Mais il produit<br />

aussi un effet bénéfique sur les<br />

dépenses de santé d’une façon très<br />

directe, et que l’on avait pas encore<br />

mesurée avant que toutes ces<br />

études soient menées. &<br />

Directeur adjoint de la rédaction<br />

Philippe Mabille.<br />

( Économie Rédacteur en chef : Robert Jules.<br />

Rédacteur en chef adjoint : Romaric Godin.<br />

Jean-Christophe Chanut, Fabien Piliu.<br />

( Entreprise Rédacteur en chef : Michel<br />

Cabirol. Rédacteurs en chef adjoints : Delphine<br />

Cuny, Fabrice Gliszczynski. Alain-Gabriel<br />

Verdevoye.<br />

( Finance Rédacteur en chef adjoint : Ivan<br />

Best. Christine Lejoux, Mathias Thepot.<br />

( Correspondants Florence Autret (Bruxelles).<br />

( Rédacteur en chef hebdo<br />

Jean-Louis Alcaïde. Jean-Pierre Gonguet.<br />

( <strong>La</strong>tribune.fr Rédactrice en chef<br />

Perrine Créquy.<br />

SUPPLÉMENT «CITÉ VERTE»<br />

Direction éditoriale François Roche.<br />

Coordination éditoriale pour Valhor/Le Grand<br />

Tour Cité Verte Jean-Marc Vasse,<br />

Emmanuelle Bougault.<br />

Rédaction Philippe Hollier, Antoine Bayle.<br />

Coordination Le Grand tour Cité Verte<br />

Les Rois Mages.<br />

DÉCRYPTAGE<br />

CITÉ VERTE<br />

Jean-Claude Antonini, Président d’Angers Loire métropole<br />

et de l’Association Plante & Cité [THIERRY BONNET / VILLE D’ANGERS]<br />

Réconcilier<br />

la plante et la ville<br />

En matière de promotion du<br />

végétal dans la ville, l’Association<br />

Plante & Cité joue un rôle<br />

important. Elle a été créée en<br />

2006 pour mettre en œuvre des<br />

expérimentations et partager les<br />

connaissances sur la gestion<br />

durable des espaces verts. Elle<br />

rassemble des collectivités locales,<br />

des professionnels de la<br />

filière du végétal, des organismes<br />

de recherche et<br />

«Plus nous<br />

allons vers<br />

l’urbanisation,<br />

plus nous devons<br />

être attentifs<br />

à la présence<br />

d’espaces verts. »<br />

des centres<br />

techniques partenaires,<br />

au total<br />

environ 500<br />

structures différentes<br />

en<br />

France. Siègent<br />

à son conseil<br />

d’administration<br />

plusieurs<br />

grandes villes comme Angers,<br />

Caen Le Havre, Lille, Montpellier,<br />

Perpignan, Rennes, Versailles,<br />

Vichy, Saumur, ainsi que<br />

le Conseil général de Seine<br />

Saint-Denis, mais aussi des entreprises<br />

de la filière du paysage,<br />

des établissements de recherche<br />

et d’enseignement, des fédérations<br />

professionnelles et des associations<br />

d’agents territoriaux<br />

gestionnaires d’espaces verts.<br />

Elle est présidée par Jean-<br />

Claude Antonini, Président<br />

d’Angers Loire métropole (il fut<br />

maire d’Angers de 1998 à 2012)<br />

qui regroupe 33 communes autour<br />

d’Angers. <strong>La</strong> 1 ère vice-présidence<br />

est assurée par François<br />

de Mazières, député-maire de<br />

Versailles, et la seconde par Éric<br />

RÉALISATION RELAXNEWS<br />

Secrétaire de rédaction Sarah Zegel.<br />

Graphisme Mathieu Momiron,<br />

Clotilde Vidal.<br />

ACTIONNAIRES<br />

Groupe Hima, Hi-media/Cyril Zimmerman,<br />

JCG Medias, SARL Communication<br />

Alain Ribet/SARL, RH Éditions/Denis <strong>La</strong>fay.<br />

MANAGEMENT<br />

Vice-président en charge des métropoles<br />

et des régions Jean-Claude Gallo. Conseiller<br />

7<br />

Le Quertier, entrepreneur du<br />

paysage à Saint Malo. Pour Jean-<br />

Claude Antonini : « Notre objectif<br />

est de réconcilier la plante et la<br />

ville, explique-t-il. Les villes françaises<br />

sont des réservoirs de biodiversité,<br />

et plus nous allons vers<br />

l’urbanisation plus nous devons<br />

être attentifs à la présence d’espaces<br />

verts dans les villes. Et pour<br />

atteindre cet objectif, nous avons<br />

réuni sous une<br />

même bannière<br />

les élus, les techniciens,<br />

les chefs<br />

d’entreprise, les<br />

chercheurs. »<br />

Sur quoi travaillent<br />

les<br />

membres et les<br />

partenaires de<br />

Plante & Cité ?<br />

« Sur tout ce qui peut améliorer<br />

la recherche en horticulture dans<br />

la ville » répond Jean-Claude<br />

Antonini.<br />

Parmi les principaux sujets<br />

explorés figurent la gestion écologique<br />

des espaces verts afin de<br />

trouver des alternatives au désherbage<br />

chimique, des modes de<br />

lutte biologique contre le tigre<br />

du platane (un insecte qui ravage<br />

ces arbres) et les chenilles processionnaires<br />

qui s’attaquent aux<br />

pins, mais aussi les gammes de<br />

végétaux qui peuvent entrer<br />

dans la confection des toitures<br />

végétalisées. Plante & Cité travaille<br />

également à l’élaboration<br />

des indicateurs qui pourront<br />

mesurer les bienfaits du végétal<br />

en ville. &<br />

©THIERRY BONNET/VILLE D’ANGERS<br />

éditorial François Roche. Directrice Stratégie<br />

et Développement Aziliz de Veyrinas (73 26).<br />

Directrice de publicité Clarisse Nicot (73 28).<br />

Directeur nouveaux médias<br />

Thomas Loignon (73 07).<br />

Abonnements Aurélie Cresson (73 17).<br />

Marketing des ventes au numéro :<br />

Agence Bo conseil A.M.E / Otto Borscha<br />

oborscha@ame-presse.com (01 40 27 00 18).<br />

Imprimeries IPS, ZA du Chant des Oiseaux,<br />

80800 Fouilloy. N o de commission paritaire :<br />

0514 C 85607. ISSN : 1277-2380.


8<br />

CITÉ VERTE<br />

(LE HAVRE<br />

LES JARDINS SUSPENDUS<br />

Dominant de sa hauteur le site de<br />

l’estuaire de la Seine, l’ancien fort<br />

militaire de Sainte-Adresse a été<br />

transformé en parc urbain de<br />

17 hectares. Les jardins suspendus<br />

composent un ensemble de vocation<br />

à la fois paysagère et jardinée<br />

sur deux niveaux : une cour partagée<br />

entre des serres de cultures,<br />

d’expositions, des tapis verts, des<br />

carrés fleuris, des esplanades sablées<br />

et la promenade haute of-<br />

frant un paysage exceptionnel<br />

depuis le jardin des explorateurs<br />

jusqu’à celui des plantes australes.<br />

Avec une vue magnifique sur l’estuaire<br />

de la Seine.<br />

( TOULOUSE<br />

L’ÉCHARPE VERTE ET LES CINQ<br />

COURS D’ANDROMÈDE<br />

Achevé en 2011, Andromède est<br />

la création, au cœur d’une ZAC<br />

de 210 hectares, d’un parc urbain<br />

et d’un écoquartier faisant office<br />

de corridor écologique pour<br />

l’agglomération toulousaine. Le<br />

parc urbain s’organise autour<br />

des espaces publics majeurs présents<br />

sur le site : les cours, lieux<br />

de rassemblement et de loisirs<br />

et la coulée verte (« écharpe<br />

verte »), espace de rencontre<br />

avec la nature. Le parti pris paysager<br />

a été de travailler sur trois<br />

axes : l’approche climatique et la<br />

gestion de l’eau ; l’insertion paysagère<br />

et la biodiversité facilitée<br />

par une palette végétale diversifiée<br />

en complément des essences<br />

utilisées pour le parc.<br />

( LYON<br />

LES BERGES DU RHÔNE ET<br />

LE PARC DES BERGES DU RHÔNE<br />

« <strong>La</strong> réconciliation de la ville<br />

avec le Rhône et la reconstitution<br />

d’un écrin de nature au<br />

cœur de la ville. » C’est l’image<br />

même des rives du Rhône et du<br />

quartier qui a été transformée<br />

par ces deux projets menés par<br />

le Grand Lyon. Dans un premier<br />

temps, les berges ont été renaturalisées<br />

par la technique du génie<br />

végétal : 10 hectares de parc<br />

promenade en plein centre-ville<br />

ont ainsi été aménagés pour<br />

rendre les berges aux piétons et<br />

aux cyclistes. Dans un deuxième<br />

temps, c’est un espace de verdure<br />

accueillant répondant aux<br />

besoins de détente des habitants<br />

qui a été aménagé.<br />

( RENNES<br />

LES QUARTIERS DES RIVES<br />

DU BLOSNE<br />

C’est une ville-parc où s’imbriquent<br />

le grand et le petit paysage.<br />

Une trame bleue et verte<br />

constitue l’ossature de ce projet<br />

et met en avant le concept de<br />

ville parc dans lequel chacun des<br />

cinq quartiers développés possède<br />

une identité propre définie<br />

autour d’espaces naturels préservés.<br />

60 % de la superficie est<br />

occupée par les espaces verts<br />

offrant de réels lieux de vie et de<br />

DR<br />

© OPPIDEA – SEM D’AMÉNAGEMENT DU GRAND TOULOUSE<br />

LE GRAND TOUR<br />

DE FRANCE DES<br />

VILLES NATURE<br />

Dominant l’estuaire de la Seine,<br />

les jardins suspendus du Havre<br />

orent au promeneur<br />

un paysage exceptionnel.<br />

Le parc urbain d’Andromède, au cœur d’une ZAC<br />

de 210 hectares, est un corridor écologique pour<br />

l’agglomération toulousaine.<br />

promenade aux habitants du<br />

quartier. L’espace public se décline<br />

ainsi en seuils, en cours<br />

jardins, en entrées terrasses, en<br />

cours clairières, en prairies<br />

parcs, en jardins lisières, en<br />

mails, en allées bocages, en placettes<br />

jardins pour constituer<br />

une cité-parc.<br />

( NANCY<br />

LA FORÊT DU PLATEAU DE HAYE<br />

Nancy cultive une relation ancienne<br />

avec les parcs et les jardins.<br />

Son jardin botanique, créé<br />

par Stanislas en 1765, est l’un<br />

des plus visités de France. Quant<br />

au projet structurant le plus significatif,<br />

il s’agit de l’aménagement<br />

du plateau de Haye, autour<br />

du thème « Habiter la Forêt » et<br />

r é a l i s é p a r l ’a r c h i t e c t e<br />

Alexandre Chemetov. Ce réaménagement<br />

comprend en particulier<br />

la création d’un jardin botanique<br />

forestier de 18 hectares,<br />

boisé par des espèces endémiques.<br />

Le plateau est au cœur<br />

d’un réseau de parcs et cheminements<br />

piétonniers qui fédèrent<br />

la population autour de la présence<br />

d’une nature « sauvage »<br />

en ville.<br />

( MARNE-LA-VALLÉE<br />

L’AMÉNAGEMENT DES BERGES<br />

DE LA MARNE.<br />

L’un des projets les plus emblématiques<br />

de l’agglomération de<br />

Marne-la-Vallée est la réhabilitation<br />

des rives de la Marne et<br />

des pontons. Il s’agit d’un site<br />

exceptionnel en raison de la diversité<br />

de l’environnement<br />

Dans les Alpes-Maritimes, la route départementale<br />

6 202 bis s’est transformée en jardin paysager.<br />

Les cinq quartiers des rives du Blosne,<br />

à Rennes sont organisés autour d’espaces<br />

naturels préservés.<br />

Panorama Dans les dix villes de France qui accueilleront<br />

le Grand Tour Cité Verte, la présence du végétal est un sujet<br />

central. <strong>La</strong> plupart des projets sur lesquels elles travaillent<br />

ont été récompensés par les Victoires du Paysage.<br />

(prairies, espaces boisés…). Un<br />

double travail de consolidation<br />

et de mise en valeur des berges a<br />

donc été réalisé, certains arbres<br />

ont été élagués pour ouvrir des<br />

fenêtres sur la rivière et sur ses<br />

paysages. Huit pontons et belvédères<br />

ont été rénovés. Et on y<br />

trouve aujourd’hui de nombreuses<br />

espèces végétales et animales.<br />

( LILLE<br />

LA NOUVELLE JEUNESSE<br />

DES RIVES DE LA HAUTE-DEÛLE<br />

<strong>La</strong> métropole du Nord a entrepris<br />

en 2009 la rénovation d’une<br />

ancienne friche industrielle textile,<br />

sur les rives de la Deûle<br />

pour en faire une réalisation<br />

exemplaire en matière d’écoquartier<br />

mais en y intégrant<br />

LA TRIBUNE VENDREDI 17 MAI 2013<br />

© EMILIE VIALET<br />

© FRANCOIS MARCHAND<br />

aussi des activités économiques<br />

avec l’implantation d’EuraTechnologies,<br />

un cluster d’entreprises<br />

de hautes technologies.<br />

Dans ce projet, les espaces verts<br />

ont été privilégiés, avec une<br />

priorité donnée aux espèces locales.<br />

Des jardins ont été créés,<br />

et la proximité avec l’eau permet<br />

de bâtir des activités en rapport<br />

avec l’eau et la nature.<br />

( GRENOBLE<br />

LE CHAMP DE LA ROUSSE<br />

À ÉCHIROLLES<br />

Échirolles a créé un nouveau jardin,<br />

baptisé le Champ de la<br />

Rousse, pour concrétiser les<br />

valeurs écologiques de la ville.<br />

Cet espace est composé d’essences<br />

multiples, il est économe<br />

en arrosage, c’est aussi un lieu<br />

pédagogique. Jardin public, il<br />

s’intègre à un enchevêtrement<br />

de promenades et de verdure. Il<br />

donne la priorité au végétal, à la<br />

luxuriance, à l’imagination autour<br />

de l’eau, de l’ombre et de la<br />

lumière. Différentes ambiances<br />

végétales cohabitent : jardin<br />

d’agrément, jardin des saveurs,<br />

zone d’arbres et prairie. Des<br />

zones ombragées (arbres, fontaines)<br />

voisinent avec des zones<br />

plus ouvertes.<br />

( NICE<br />

LA ROUTE DÉPARTEMENTALE<br />

6 202 BIS<br />

À nouvelle voie, nouveau paysage,<br />

ou comment faire d’un axe<br />

routier un espace paysager que<br />

l’automobiliste peut découvrir<br />

au gré de sa vitesse ! C’était le<br />

pari de l’aménagement paysager<br />

de cette route départementale<br />

des Alpes-Maritimes avec des<br />

enjeux forts : mettre en relation<br />

la route, les collines provençales,<br />

les berges du Var et les villages<br />

perchés, mettre en valeur la vallée<br />

du Var et en respecter l’histoire,<br />

créer un point de liaison<br />

entre les rives gauche et droite<br />

du fleuve. C’est ainsi que la route<br />

départementale 6 202 bis s’est<br />

transformée en jardin paysager<br />

intégré à son environnement, à<br />

forte valeur esthétique, écologique<br />

et culturelle.<br />

( BORDEAUX<br />

LA RENAISSANCE DES QUAIS<br />

DE LA GARONNE<br />

<strong>La</strong> façon dont Bordeaux s’est<br />

réapproprié la Garonne fait aujourd’hui<br />

partie des grandes réalisations<br />

de ce type en France et<br />

en Europe. Le but était d’aménager<br />

les quais comme un jardin,<br />

entre les façades urbaines et le<br />

fleuve, de diminuer la présence<br />

de véhicules, de partager l’espace<br />

entre les différents modes<br />

de déplacements et de mettre en<br />

valeur la beauté évidente du site.<br />

Ouvert à tous, cet immense espace<br />

public, qui s’étend sur près<br />

de 4,5 km de long, a permis de<br />

réhabiliter dans l’agglomération<br />

les notions de convivialité et<br />

d’hospitalité urbaine.


« LA TRIBUNE S’ENGAGE AVEC ECOFOLIO POUR LE RECYCLAGE DES PAPIERS. AVEC VOTRE G<strong>EST</strong>E DE TRI, VOTRE JOURNAL A PLUSIEURS VIES. »<br />

VENDREDI 17 MAI 2013 www.latribune.fr<br />

Supplément au N° 48 - Ne peut être vendu séparément<br />

HEBDOMADAIRE<br />

DES METROPOLES<br />

MARSEILLE - PROVENCE<br />

LES 30 PME<br />

LES PLUS INNOVANTES<br />

ADELINE DESCAMPS<br />

<strong>La</strong> région Paca a longtemps<br />

accusé des failles dans son ore<br />

de financement aux entreprises<br />

innovantes. Les maux sont connus<br />

– carences sur les segments de<br />

l’amorçage et du refinancement,<br />

et concentration des opérateurs<br />

sur des tickets inférieurs à 500 K€ –<br />

et ont fait l’objet de plusieurs<br />

diagnostics ces dernières<br />

années. Ceux-ci ont notamment<br />

servi de support à l’élaboration<br />

d’une stratégie régionale<br />

de l’innovation.<br />

C’ invitent à repasser plus tard. Je cherche donc en per-<br />

est une partie de poker à chaque fois que vous présentez<br />

votre projet à des investisseurs. Vous avez<br />

besoin d’1 M€, ils vous en donnent 100 000 et vous<br />

manence des fonds. Nous sommes comme Steve Jobs, qui a commencé<br />

dans son garage. À la diérence que les fonds sont nettement<br />

plus diciles à lever et… que nous ne pouvons pas travailler<br />

dans un garage ! ».<br />

Pablo Gluschankof, qui a créé la biotech marseillaise Amikana<br />

Biologics, parvient à mettre des mots d’humour sur le vécu de<br />

bon nombre d’entrepreneurs qui ont souvent l’impression de<br />

survivre en territoire hostile. Et pour autant, ils rêvent tous d’un<br />

destin à la Steve Jobs, avec ses performances qui leur paraissent<br />

indépassables. Une chose est sûre : la course à l’innovation produit<br />

mécaniquement de la fragilité. Et le territoire a longtemps<br />

accusé des carences dans le financement de l’innovation. C’est<br />

en partie pour les combler que la Région a initié « Paca Investissement<br />

», un fonds de cofinancement au capital de 15,45 M€<br />

(dont 6 millions du Feder). Depuis son lancement en septembre<br />

2011, il a soutenu 14 projets totalisant 4,85 M€.<br />

Essai sous vide thermique pour simuler<br />

l’environnement spatial et tester des pièces<br />

d’optique de SPIRE, embarqué sur le satellite<br />

Herschel de l’Agence Spatiale Européenne.<br />

ÉDITO Renforcer les capacités de financement<br />

« Nous avons du retard si l’on compare nos instruments à d’autres<br />

régions. Mais nous le rattrapons, comme l’illustre “R2V”, le fonds<br />

inter-régional d’amorçage entre Rhône-Alpes et Paca » (en cours de<br />

closing, ndlr), analyse Patrick Siri, le président de Provence Business<br />

Angels. Le réseau a créé en 2012 sa propre société de capital-risque<br />

(CPBA), dotée d’1,2 M€, avec la participation de la Société<br />

Marseillaise de Crédit et Viveris Amorçage. « On peut ainsi parvenir<br />

à lever 500 K€ et ensuite solliciter Paca Investissement pour atteindre<br />

le million d’euros ». En 2012, PBA et CPBA ont financé 7 projets pour<br />

667 K€, qui ont permis de lever 2,3 M€.<br />

Le dispositif « Jeremie », géré par le Fonds européen d’investissement<br />

et doté de 20 M€ (apportés à parité par la Région et le Feder)<br />

pour un portefeuille de prêts de 122 M€ sur trois ans, était également<br />

très attendu quand il a été annoncé en décembre. Opérationnel<br />

depuis près de deux ans, il a alloué 31,4 M€ à 330 entreprises.<br />

Sans être Apple, Impika, une pépite high-tech de l’impression basée<br />

à Aubagne, a été acquise en mars dernier par l’américain Xerox.<br />

Quant à Neurelec, spécialiste des implants cochléaires de Sophia<br />

Antipolis, elle vient de se faire acheter par un groupe danois pour<br />

57,5 M€. Faut-il s’en émouvoir ou s’en réjouir ? <br />

© CNRS PHOTOTHÈQUE / INSU / LAM / E. PERRIN


2 LA TRIBUNE DES MÉTROPOLES<br />

LA LA TRIBUNE VENDREDI 5 17 AVRIL MAI 2013<br />

LES TRENTE PME<br />

LES PLUS INNOVANTES<br />

CHAMPIONS. Elles créent de l’emploi dans un climat économique morose et gonflent<br />

leur chire d’aaires à coups d’innovations... Zoom sur les 30 PME qui bougent dans<br />

la région, et dont beaucoup deviendront des champions à l’international.<br />

DOSSIER RÉALISÉ PAR ADELINE DESCAMPS, DAMIEN FROSSARD ET CHARLOTTE HENRY<br />

MICROVITAE<br />

CAPTER L’ACTIVITÉ<br />

DU CERVEAU<br />

<strong>La</strong> PME de Gardanne, spécialiste de la bioélectronique<br />

a mis au point une puce totalement<br />

biocompatible qui présente un intérêt immédiat<br />

pour la neurochirurgie des tumeurs et le diagnostic<br />

de l’épilepsie ou du diabète.<br />

Une petite révolution dans le domaine médical, des<br />

neurosciences et de la recherche fondamentale et<br />

qui a été saluée par la revue Nature Communications.<br />

Spécialiste de la bioélectronique, la société<br />

Microvitae Technologies (CA de 42 500 K€ en 2011)<br />

créée par Thierry Hervé en 2002 à Gardanne, entre<br />

Marseille et Aix-en-Provence, vient de développer,<br />

avec le département de Bioélectronique de l’École<br />

des Mines de Saint-Étienne et des chercheurs de<br />

l’Institut de neurosciences des systèmes du CHU de<br />

la Timone à Marseille, une puce destinée à capter<br />

l’activité du cerveau, innovante parce que 100 %<br />

biocompatible.<br />

Actuellement,<br />

Une petite<br />

révolution dans<br />

le monde des<br />

neurosciences<br />

les capteurs<br />

utilisés pour<br />

enregistrer l’activité<br />

cérébrale<br />

« n’ont pas évolué<br />

depuis une<br />

quinzaine d’années», précise Thierry Hervé, le fondateur<br />

de la société. Ils auraient tendance à interférer<br />

avec le milieu avec lequel ils sont en contact et à<br />

provoquer une réaction de défense des tissus se<br />

soldant par une perte de signal.<br />

<strong>La</strong> puce développée par la société gardannaise, qui<br />

prend la forme d’un patch électrode, est épaisse de<br />

quelques microns, fine et souple comme de la cellophane,<br />

très résistante, avec une qualité de signaux<br />

DR<br />

IDEOL REFONDE L’ÉOLIEN OFFSHORE<br />

L’éolien en mer pourrait connaître<br />

une évolution majeure avec<br />

la solution de fondation flottante<br />

brevetée d’Ideol, start-up créée<br />

en juin 2010 à <strong>La</strong> Ciotat<br />

DR<br />

(16 personnes, pas encore de CA)<br />

par Paul de la Guérinière et Pierre<br />

Coulombeau. « <strong>La</strong> spécificité<br />

de notre solution tient à la forme<br />

particulière du flotteur en anneau,<br />

avec une<br />

piscine<br />

intérieure<br />

dimensionnée<br />

pour que les<br />

eorts sur les<br />

bords dus au<br />

ballottement<br />

de l’eau soient<br />

opposés à<br />

ceux induits<br />

par la houle,<br />

Microvitae a mis au point une puce biocompatible,<br />

capable de capter l’activité cérébrale.<br />

dix fois supérieure. <strong>La</strong> technologie, qui reste à industrialiser,<br />

présente un intérêt immédiat pour la neurochirurgie<br />

des tumeurs et le diagnostic de l’épilepsie<br />

ou du diabète. À plus long terme, ces capteurs<br />

pourraient aussi jouer un rôle clé en matière d’interface<br />

cerveau-machine, en permettant par exemple<br />

pour les personnes paralysées de commander, depuis<br />

le cerveau, les jambes ou bras artificiels.<br />

« On est en train de préparer plusieurs gammes de<br />

puces électrodes par marché. Si l’on ne prend que<br />

l’exemple de la surveillance cardiaque, qui représente<br />

25 % des dépenses de santé en France et un<br />

million de personnes, Microvitae est en mesure de<br />

proposer un système de surveillance ambulatoire<br />

qui permettrait de rester à domicile. Globalement,<br />

nous sommes sur un potentiel de marché de plusieurs<br />

centaines de millions d’euros », précise l’ingénieur<br />

physicien-électronicien et docteur en électronique<br />

de l’Institut national polytechnique de<br />

Grenoble. Pour assurer son besoin en fonds de<br />

roulement, la société, titulaire de quatre brevets,<br />

développe et commercialise des appareils de diagnostic<br />

ORL pour Amplifon. Elle est en négociations<br />

très avancées pour lever 3 M €.<br />

permettant d’atténuer<br />

les mouvements du flotteur,<br />

explique Paul de la Guérinière,<br />

président d’Ideol. L’éolien en mer<br />

va naturellement aller vers du<br />

flottant, avec des projets loin<br />

des côtes, sans impact visuel et<br />

où les vents sont plus forts ».<br />

Toute l’installation se fait à quai,<br />

puis la fondation avec son<br />

éolienne est remorquée sur site.<br />

<strong>La</strong> construction du<br />

démonstrateur devrait débuter<br />

au 2 e trimestre 2014, pour une<br />

mise à l’eau prévue début 2015.<br />

Coût estimé d’une fondation<br />

flottante : 1 M€ par mégawatt.<br />

DR<br />

BAZILE TELECOM, PREMIER<br />

OPÉRATEUR DE TÉLÉPHONIE<br />

MOBILE POUR SENIORS<br />

Créée en 2005,<br />

la PME aixoise<br />

Bazile Telecom<br />

(CA à fin septembre<br />

2012 de<br />

1,83 M €, 30<br />

salariés) est le<br />

premier opérateur<br />

français de téléphonie mobile<br />

pour seniors avec 10 000 abonnés.<br />

Elle s’est lancée en 2009 avec<br />

Orange après avoir levé 1 M€ auprès<br />

de 12 business angels. Ses forfaits (à<br />

partir de 9 € /mois) incluent l’accès<br />

à une téléopératrice 24 h/24 et proposent<br />

l’accès à de multiples services<br />

(0,38 €/minute) de conciergerie<br />

(réservation de taxi ou de billets<br />

de train, réveil…). 40 % des abonnés<br />

souscrivent au service de téléassistance<br />

(12 €/mois), qui permet de<br />

prévenir un proche ou les services<br />

appropriés en cas d’urgence.<br />

L’opérateur espère franchir le cap<br />

des 50 000 abonnés d’ici 4 ans, son<br />

point d’équilibre devant être atteint<br />

en 2014 avec 25 000 abonnés.<br />

SP3H, LE « FUEL PROFILER »<br />

DR<br />

Pour schématiser<br />

la<br />

technologie<br />

du capteur<br />

optique que<br />

p e a u f i n e<br />

SP3H, on parlera de sa capacité à<br />

analyser l’ADN d’un carburant,<br />

constitué d’un millier de molécules.<br />

Autrement dit, à pouvoir décrire en<br />

temps réel sa composition moléculaire<br />

(essence, diesel, biodiesel,<br />

éthanol, etc.) afin d’optimiser les<br />

réglages des moteurs thermiques. À<br />

la clé, une réduction jusqu’à 15 %<br />

des émissions polluantes (NOx,<br />

CO2, particules), ainsi qu’une baisse<br />

de la consommation de carburant<br />

(jusqu’à 5 %).<br />

<strong>La</strong> société aixoise (12 salariés) est<br />

entrée dans les dernières phases de<br />

validation des prototypes industriels<br />

chez les constructeurs automobiles<br />

et camions et a déposé 12<br />

brevets internationaux. Si la PME<br />

parvient à équiper 25 % du marché,<br />

elle pourrait alors atteindre 50 millions<br />

d’euros de CA d’ici à 2025.<br />

VOX INZEBOX, CRÉATEUR<br />

DE CONTENUS<br />

« Une bonne idée<br />

vaut 1 dollar, un<br />

bon plan, 10 dollars<br />

et une bonne<br />

équipe, 1 million<br />

de dollars »,<br />

amorce Yann Le<br />

Fichant, cofondateur<br />

avec son actuel directeur<br />

général, Dominique Soler, de Vox<br />

inzebox, une société marseillaise<br />

créée en 2000 (CA de 1 M€, 11 salariés)<br />

et qui produit et diuse des<br />

contenus audio et vidéo sur les<br />

lieux, monuments, événements ou<br />

œuvres. Depuis sa première production<br />

sur le téléphone service en<br />

2001, plus de 4 500 contenus sont<br />

disponibles à ce jour en plusieurs<br />

langues, plus de 18 millions ont été<br />

téléchargés depuis 2006, et plus de<br />

100 applications ont été créées.<br />

L’entreprise a bien géré les diérentes<br />

vagues high-tech avec un<br />

business model fondé sur la vente<br />

aux collectivités locales et aux institutionnels<br />

de contenus vidéo et<br />

audio dont elle reste propriétaire, la<br />

diusion via 180 partenaires (dont<br />

Voyages-sncf, Orange, FNAC, Cityvox…)<br />

sur les divers canaux numériques<br />

et la création d’applications<br />

pour iPhone, iPad, androïd.<br />

TECHNOFIRST, RÉDUIRE LE<br />

BRUIT PAR LE CONTRE-BRUIT<br />

Réduire le bruit en créant un<br />

contre-bruit. Sur le papier, le principe<br />

est simple. Dans les faits, personne<br />

n’y était parvenu avant Christian<br />

Carme. Et c’est précisément<br />

pour exploiter son brevet, déposé<br />

au titre de chercheur au CNRS, qu’il<br />

a créé Technofirst en 1990.<br />

Installée à Aubagne, la société (CA<br />

de 5,10 M€ en 2012, 15 salariés en<br />

France, 4 aux États-Unis et 2 au<br />

Brésil), est positionnée sur les marchés<br />

des transports, du bâtiment et<br />

de l’industrie. Avec 20 brevets déposés<br />

à ce jour, elle n’a jamais cessé<br />

d’innover. Le dernier en date (septembre<br />

2012), partagé avec Porsche,<br />

permet de réduire le volume sonore<br />

des échappements tout en recréant<br />

le son d’origine de la marque. En<br />

2012, Technofirst a encore réinvesti<br />

52 % de son CA en R&D.<br />

DR


DR<br />

VENDREDI 5 17 AVRIL MAI 2013 LA LA TRIBUNE<br />

SUPERSONIC IMAGE,<br />

UN SYSTÈME<br />

D’ÉCHOGRAPHIE PAR<br />

ULTRASONS,<br />

UNIQUE AU MONDE<br />

Le système Aixplorer® permet de mesurer<br />

l’élasticité des organes à l’intérieur du corps.<br />

Depuis la création de la société en 2005 par<br />

Jacques Souquet, qui dirigeait auparavant la<br />

R&D chez Philips Medical System, la société,<br />

basée à Aix-en-Provence dans les Bouches-du-<br />

Rhône (CA de 14 M€, dont 80 % à l’international ; +<br />

40 % par rapport à 2011, 120 personnes) a levé<br />

98,5 M€.<br />

Elle vient de finaliser sa quatrième levée de fonds<br />

de 28 M€ pour accélérer la distribution internationale<br />

de son système d’échographie par ultrasons,<br />

unique au monde. Il s’est déjà vendu aux hôpitaux,<br />

universités et radiologues privés, à plus de 500 exemplaires<br />

dans 54 pays où l’Aixoise est présente, via des<br />

bureaux commerciaux en propre ou par le biais de<br />

distributeurs.<br />

L’arrivée du Fonds d’investissement stratégique<br />

(FSI) au capital, pour 14 M€, et d’Alto Invest et<br />

KLSC, tandis que les actionnaires historiques* ont<br />

réitéré leur confiance, n’a rien d’anodin.<br />

Dans un marché dominé par les multinationales<br />

General Electric, Siemens et Philips, la société aixoise<br />

a réussi à s’imposer sur la scène internationale<br />

de l’imagerie mé-<br />

L’élastographie<br />

par ultrasons,<br />

une véritable<br />

innovation<br />

de rupture.<br />

dicale en apportant<br />

une véritable<br />

technologie de<br />

rupture.<br />

Avec son Aixplorer®exploitant<br />

un système<br />

breveté d’élasto-<br />

graphie par ultrasons, « Il est possible de réaliser une<br />

palpation électronique même sur les organes diciles<br />

à atteindre. Notre technologie est la seule capable<br />

aujourd’hui de quantifier de façon objective et de cartographier<br />

l’élasticité des tissus », explique Jacques<br />

Souquet, qui s’appuie sur une cinquantaine d’études<br />

cliniques.<br />

Après la caractérisation des lésions du sein, la PME<br />

a lancé celle de la thyroïde, de l’abdomen, de la prostate,<br />

du foie… si bien qu’elle est en mesure aujourd’hui<br />

de couvrir tout le champ radiologique.<br />

Le nouvel apport d’argent va lui permettre de s’atteler<br />

à la Chine, qui devrait représenter très vite 20 %<br />

du marché mondial et où elle a installé un bureau en<br />

novembre dernier. Pour y asseoir son développement,<br />

Supersonic Imagine a notamment recruté en<br />

avril 2012 le vice-président ultrasons et santé de<br />

Philips, Kurt Knell, qui a notamment développé le<br />

réseau chinois pour Philips (60 distributeurs).<br />

* Edmond de Rothschild Investment partners, Auriga Partners, Omnes<br />

Capital – anciennement Crédit Agricole Private Equity –, CDC Entreprises,<br />

NBGI Ventures, Wellington Partners, iXO Private Equity et<br />

Mérieux Développement<br />

INTERVIEW<br />

MARSEILLE - PROVENCE<br />

OXYTRONIC, ECRAN TACTILE MULTI-FONCTIONS À BORD<br />

Spécialiste de l’équipement électronique<br />

embarqué, la PME d’Aubagne<br />

(CA clôturé fin juin 2012 de 3,2 M€, 42<br />

personnes), a fait le pari du sur mesure<br />

pour développer son système phare,<br />

l’iCan, un écran tactile permettant aux<br />

passagers d’hélicoptères corporate ou<br />

privés, de commander de nombreux<br />

périphériques (téléphone, audio, vidéo,<br />

éclairage, climatisation) depuis leur<br />

siège. «Nous avons mis au point un système<br />

qui filtre le bruit ambiant de la<br />

FIRST LIGHT IMAGING,<br />

UNE CAMÉRA “ŒIL DE LYNX”<br />

Après deux<br />

années au sein<br />

de l’incubateur<br />

interuniversitaire<br />

Impulse à<br />

Marseille, First<br />

light imaging<br />

(580 K€ de CA en 2012, 2 salariés) a été<br />

créée en 2011 pour commercialiser une<br />

caméra ultrarapide (plus de 2 000 images<br />

par seconde dans sa version présentée fin<br />

mai), et capable de distinguer dans la nuit<br />

la plus sombre un objet jusqu’à une distance<br />

de 2 km.<br />

Cinq ingénieurs issus de trois laboratoires<br />

de recherche en astronomie sous<br />

la tutelle de l’université d’Aix-Marseille<br />

et du CNRS ont planché sur le projet<br />

dans le cadre du programme européen<br />

Optical Infrared coordination network.<br />

<strong>La</strong> société, qui a déjà équipé le télescope<br />

GranTeCan aux Canaries, doit livrer 6<br />

caméras à des laboratoires d’astronomie<br />

en 2013 (60 % de ses ventes en Chine).<br />

JIFMAR OFFSHORE SERVICES,<br />

LA PERLE HIGH-TECH DES MERS<br />

DR<br />

Spécialisée dans les services<br />

et assistance aux travaux<br />

maritimes et côtiers,<br />

la société (CA de 10,2 M€,<br />

70 personnes) basée à<br />

quelques encablures du<br />

port de l’Estaque, à Marseille, a été créée<br />

DR<br />

CHRISTIAN REY, DIRECTEUR MARSEILLE INNOVATION,<br />

<strong>QUI</strong> GÈRE TROIS PÉPINIÈRES TECHNOLOGIQUES À MARSEILLE<br />

« L’ingénierie financière ne fait pas tout »<br />

Le financement de l’amorçage a toujours<br />

été problématique ici…<br />

De nouveaux outils sont néanmoins<br />

apparus. <strong>La</strong> communauté urbaine Marseille<br />

Provence (MPM) vient de créer le<br />

FIMP (avec le CG 13, la Ville et l’État,<br />

ndlr) doté de 1,80 M€. <strong>La</strong> Région a initié<br />

Paca Investissement avec un capital de<br />

15,45 M€. Provence Business Angels a<br />

créé la structure de capital-risque CPBA<br />

dotée d’1,20 M€. Enfin, on travaille avec<br />

le fonds de crowdfunding Wiseed.<br />

Comment évoluent les entreprises<br />

sorties de vos pépinières ?<br />

Quand on donne la bonne impulsion au<br />

cabine en fonction du type d’hélicoptère,<br />

les dalles tactiles sont suspendues<br />

pour filtrer les vibrations et tout est<br />

personnalisable», complète Serge de<br />

Senti, président-fondateur.<br />

Oxytronic qui consacre 15 à 20 % de<br />

son C.A à la R&D, présentera une nouvelle<br />

version, dotée d’un écran plus<br />

léger, d’une dalle tactile et d’une<br />

connectivité améliorées, à l’occasion<br />

du Salon du Bourget qui se tiendra du<br />

17 au 23 juin 2013. CHARLOTTE HENRY<br />

en 2005 « parce qu’il n’y avait pas d’armateur<br />

spécialisé et qualitatif en Méditerranée<br />

», justifie Jean-Michel Berud, le PDG<br />

et cofondateur de l’entreprise avec Foad<br />

Zahedi, directeur général. Articulée autour<br />

de l’IMR (Inspection/Maintenance/Réparation)<br />

et DSR (Débris/Survey/Recovery),<br />

l’entreprise s’active également pour se positionner<br />

sur le marché de la maintenance<br />

des parcs éoliens en mer. Elle a d’ailleurs<br />

participé à l’appel à manifestation d’intérêt<br />

Navire du futur, lancé par l’Ademe dans le<br />

cadre des investissements d’avenir avec Jif<br />

crew cat, un catamaran de 25 mètres pour<br />

la maintenance des éoliennes oshore.<br />

MIOS, DES OUTILS INTELLIGENTS<br />

DE PILOTAGE À DISTANCE<br />

Historiquement<br />

spécialisée dans la<br />

gestion des bornes<br />

de secours des<br />

tunnels et autoroutes, la société aixoise<br />

créée en 1987 (2 M€ de CA en 2012, 22<br />

personnes) possède aujourd’hui une expertise<br />

dans les solutions matérielles et logicielles<br />

capables de gérer à distance tout<br />

autant la sécurité d’un oléoduc, d’un tunnel<br />

routier ou d’un site industriel et de ses travailleurs<br />

isolés, que de piloter l’optimisation<br />

énergétique d’un hôpital ou d’une<br />

école, et d’en assurer la traçabilité. Une<br />

orientation stratégique liée à l’arrivée à la<br />

tête de l’entreprise en 2007 de Xavier Bon,<br />

ancien directeur des ventes chez ST<br />

Microelectronics puis chez Gemplus, qui<br />

fonde alors le groupe Mobitech. <strong>La</strong> gamme<br />

départ, elles sont sur une rampe de lancement.<br />

Nous avons dans nos couloirs<br />

l’équivalent de 12 M€ de chire d’aaires<br />

(moyenne de 200 K€) avec 200 emplois<br />

et pour celles qui sont sorties ces 5 dernières<br />

années, 60 M€ de CA (moyenne<br />

1 M€) avec quelque 650 emplois. Il faut<br />

ensuite que l’écosystème leur permette<br />

de transformer l’essai. L’ingénierie financière<br />

ne fait pas tout. Des initiatives<br />

comme celles d’Eurocopter et de Daher,<br />

qui arriment des PME avec elles à l’international,<br />

ou de Nokia, qui a organisé<br />

à un hackathon autour du Windows<br />

Phone 8, sont des outils intéressants.<br />

DR<br />

3<br />

phare – la Miosbox, boîtier intelligent<br />

multi-protocoles – représente aujourd’hui<br />

30 à 40 % du CA.<br />

AP2E , LA HAUTE RÉSOLUTION<br />

SPECTRALE<br />

Après cinq ans de R&D, la société d’Aixen-Provence<br />

(3 M€ en 2012, 12 personnes),<br />

spécialisée dans les systèmes<br />

très pointus d’analyse de gaz pour l’industrie<br />

et la surveillance de l’environnement,<br />

passe à l’industrialisation.<br />

Sa technologie, basée sur la spectrométrie<br />

infrarouge, permet la mesure simultanée<br />

de plusieurs gaz à des concentrations<br />

très faibles, et avec des temps de<br />

réponse inférieurs à la seconde.<br />

Ces derniers temps, la start-up aixoise,<br />

dirigée depuis 2011 par Frédéric Lembert,<br />

a emporté quelques contrats significatifs<br />

: avec le géant naval DCNS pour<br />

fournir 400 appareils destinés à contrôler<br />

la qualité de l’air dans les sous-marins<br />

(un contrat de 3 ans d’une valeur d’1 M€).<br />

Et avec Sensors Inc., le principal fabricant<br />

américain d’équipements de test<br />

d’émissions de gaz en temps réel, pour la<br />

distribution de 500 analyseurs. Un<br />

contrat de 20 M$ sur cinq ans.<br />

Qu’attendez-vous de l’hôtel Technoptic<br />

inauguré en novembre ?<br />

Technoptic est un hôtel technologique<br />

avec pépinière et hôtel d’entreprises<br />

dans les secteurs de l’optique et photonique<br />

et en lien avec le pôle de compétitivité<br />

Optitec*. Cette filière régionale<br />

représente près de 20 % de la<br />

recherche nationale. Il faut capitaliser<br />

sur les forces du territoire. De même<br />

pour le Technocentre aéronautique, à<br />

Marignane. <br />

* Équipement de 7,5 M€, conancé par l’État,<br />

l’Europe, la Région, MPM.<br />

DR DR<br />

Oxytronic


4 LA TRIBUNE DES MÉTROPOLES<br />

INTERVIEW Alors que le projet<br />

de loi sur la décentralisation<br />

prévoit de mieux articuler les<br />

compétences des régions<br />

et des métropoles en matière<br />

économique, le président de Paca<br />

tient à ce que la prééminence du<br />

conseil régional soit conservée.<br />

PROPOS RECUEILLIS<br />

PAR JEAN-PIERRE GONGUET<br />

(<strong>La</strong> compétence de développement<br />

économique appartient à la Région<br />

mais elle sera peut-être partagée<br />

avec la Métropole si celle-ci voit le<br />

jour. Comment concevez-vous l’articulation<br />

Région-Métropole ?<br />

Le projet de loi de décentralisation<br />

et de réforme de l’action publique<br />

prévoit un accroissement des compétences<br />

des régions en matière de<br />

développement économique. <strong>La</strong><br />

Région Provence-Alpes-Côte d’Azur<br />

est spécifique dans la mesure où une<br />

métropole est déjà constituée sur<br />

son territoire : la métropole Nice-<br />

Côte d’Azur. Le projet de loi envisage<br />

d’instituer une autre métropole autour<br />

d’Aix-en-Provence et de Marseille,<br />

mais peut-être également<br />

autour de Toulon. Il est proposé par<br />

le gouvernement que les compétences<br />

en matière de développement<br />

économique de la Région et des<br />

Métropoles soient complémentaires<br />

et « articulées ».<br />

En l’occurrence,<br />

le sché-<br />

ma régional de<br />

développement<br />

économique,<br />

d’innovation et<br />

d’internationalisation<br />

des entreprises<br />

(SR-<br />

DEII),<br />

actuellement<br />

en cours d’élaboration par la Région,<br />

servira de cadre de référence<br />

de manière à développer une cohérence<br />

entre ces diérentes échelles<br />

territoriales. Dans ce cadre, je<br />

tiens, comme prévu dans le projet<br />

de loi, à ce que le rôle de « chef de<br />

file » de la région soit conservé.<br />

(Est-il raisonnable économiquement<br />

de refuser la création de<br />

cette Métropole ?<br />

<strong>La</strong> question ne se pose pas dans<br />

ces termes puisque l’objectif de la<br />

métropole, qui sera créée par la loi,<br />

est beaucoup plus vaste que le seul<br />

développement économique, lequel<br />

devra être organisé de manière<br />

à créer des synergies et des<br />

complémentarités entre les diérentes<br />

collectivités.<br />

(<strong>La</strong> Région a développé une démarche<br />

originale avec les pôles régionaux<br />

d’innovation et de développement<br />

économique solidaire<br />

(PRIDES) qui sont souvent complémentaires<br />

des pôles de compétitivité.<br />

Ces derniers vont être réorientés<br />

vers l’emploi, vers plus de<br />

productivité. Faut-il que les<br />

PRIDES fassent de même ? Faut-il<br />

restructurer les moins productifs ?<br />

Comment peuvent-ils être moteurs<br />

dans la refonte de l’économie régionale<br />

que souhaite la région ?<br />

<strong>La</strong> complémentarité<br />

entre<br />

pôles de compétitivité<br />

et pôles<br />

régionaux d’innovation<br />

et de<br />

développement<br />

économique<br />

solidaire doit<br />

être renforcée.<br />

Les PRIDES<br />

entrent maintenant dans une deuxième<br />

phase. Si depuis leur création,<br />

à partir de 2006, il était opportun<br />

de susciter une animation<br />

soutenue afin de constituer et structurer<br />

ces clusters, il convient maintenant<br />

de les orienter vers les projets<br />

collaboratifs concrets entre<br />

entreprises et avec les centres de<br />

recherche et d’innovation technologique,<br />

en lien avec les marchés<br />

émergents et les nouveaux usages.<br />

Le nouvel appel à projet, qui sera<br />

proposé au vote des élus régionaux<br />

en juin, va dans ce sens et rapprochera<br />

effectivement les logiques<br />

pôles de compétitivité et pôles régionaux<br />

d’innovation et de développement<br />

économique solidaire.<br />

( Les pôles de compétitivité<br />

s’orientent vers une mobilisation<br />

des financements privés beaucoup<br />

plus élevée que par le passé, tendant<br />

vers un équilibre financier<br />

public-privé. Est-ce possible en<br />

Provence-Alpes-Côte d’Azur pour<br />

les pôles ou même les PRIDES ?<br />

Oui, cela est possible et existe<br />

déjà en Provence-Alpes-Côte<br />

d’Azur. Les financements publics<br />

ont contribué à générer des dynamiques<br />

dont bénéficient directement<br />

les entreprises à travers les<br />

projets collaboratifs et les actions<br />

collectives. Il est donc normal que<br />

les entreprises contribuent directement<br />

au financement des actions<br />

proposées par les pôles régionaux<br />

d’innovation et de développement<br />

économique solidaire.<br />

(Vous avez été désigné par François<br />

Hollande pour étudier les<br />

conditions d’une politique de coopération<br />

décentralisée avec l’ensemble<br />

des pays méditerranéens.<br />

Quels types de chantier et de coopération<br />

pensez-vous pouvoir faire<br />

émerger rapidement?<br />

L’objet de ce rapport est beaucoup<br />

plus vaste que la coopération décentralisée.<br />

Je le remettrai au président<br />

de la République fin juin et<br />

il comportera des orientations et<br />

des propositions concernant, pour<br />

certaines, le développement de<br />

l’emploi et des entreprises, particulièrement<br />

les très petites entreprises<br />

et les PME classiques ou<br />

relevant de l’économie sociale et<br />

solidaire, proches des besoins des<br />

citoyens en ville et dans les régions<br />

rurales. Il faut également marquer<br />

l’intérêt des processus de co-développement<br />

entre entreprises des<br />

deux rives autour de projets communs<br />

générant de l’emploi et des<br />

richesses de part et d’autre. Mais<br />

les actions de coopération décen-<br />

LA LA TRIBUNE VENDREDI 5 17 AVRIL MAI 2013<br />

MICHEL VAUZELLE, président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur<br />

« LA RÉGION DOIT<br />

R<strong>EST</strong>ER CHEF DE FILE »<br />

«Créer des<br />

synergies et des<br />

complémentarités<br />

entre les diérentes<br />

collectivités. »<br />

tralisée peuvent aussi jouer un rôle<br />

dans le domaine du développement<br />

économique local. Il ne faut donc<br />

pas les oublier pour autant.<br />

( <strong>La</strong> Villa Méditerranée que la<br />

région a financé peut-elle avoir un<br />

rôle dans le développement économique<br />

de Marseille et de la Méditerranée<br />

?<br />

Comme l’a bien compris Martin<br />

Schulz, le président du Parlement<br />

européen et président de l’Assemblée<br />

parlementaire de l’UPM<br />

(Union pour la Méditerranée),<br />

lors de sa venue début avril à Marseille,<br />

la Villa Méditerranée est un<br />

« centre international pour le dialogue<br />

et les échanges en Méditerranée<br />

». L’objectif est donc de<br />

contribuer à la paix et au développement<br />

en Méditerranée. <strong>La</strong> situation<br />

de crise en Méditerranée<br />

du Nord, comme du Sud et de<br />

l’Est, ne peut se résoudre sans un<br />

développement de l’emploi au plus<br />

près des besoins des populations.<br />

C’est pourquoi la Villa Méditerranée<br />

pourra indéniablement jouer<br />

un rôle en matière de développement<br />

économique.<br />

DR - Région PACA


DR<br />

VENDREDI 5 17 AVRIL MAI 2013 LA LA TRIBUNE<br />

TRAVEL TECHNOLOGY<br />

INTERACTIVE,<br />

LA SOLUTION ZÉNITH<br />

Le progiciel Zenith gère toutes<br />

les activités d’une compagnie aérienne.<br />

Créée en 2002, la société marseillaise (CA de<br />

8,6 M€ en 2012), entrée en bourse sur le marché<br />

Alternext en 2006 puis en 2011 sur NYSE<br />

Alternext, édite des solutions de gestion dédiées au<br />

transport aérien. Avec, depuis les origines, un concept<br />

fondé sur l’utilisation des ressources du web afin que<br />

ses logiciels s’adaptent à tout ordinateur relié au<br />

réseau. En 2005, elle connaît un premier succès avec<br />

Aéropack, une solution qui permet d’émettre des billets<br />

électroniques aux normes IATA et qui lui ouvre<br />

les portes de l’international. Si bien qu’en 2008, elle a<br />

l’opportunité d’acquérir son principal concurrent brésilien<br />

spécialisé dans les compagnies low-cost et<br />

connu pour son système Reservaweb. Sept ans plus<br />

tard, elle crée de nouveau l’actualité en mettant sur le<br />

marché une nouvelle plate-forme de gestion, baptisée<br />

Zenith, qui fédère en une seule solution les atouts<br />

d’Aéropack et de Reservaweb.<br />

Inventaire, émission de billets (aux normes IATA),<br />

tarification ou réservation, la solution sortie en avril<br />

couvre désormais tout le spectre de l’activité d’une<br />

compagnie aérienne. Zenith se charge même du DCS<br />

(departure control system) afin de gérer les enregistrements<br />

et embarquements.<br />

Pour l’ensemble de ses développements, TTI a bénéficié<br />

du soutien d’Oséo : 315 K€ en avance remboursable<br />

en 2006, et un prêt de 940 K€ en 2012. TTI<br />

prévoit désormais d’y ajouter une seconde brique pour<br />

mettre sur pied une plate-forme qui s’étendrait à tous<br />

les services désormais associés aux compagnies aériennes<br />

: bagagerie au kilo, choix de son siège ou de<br />

son menu, réservation de taxi ou location de voiture,<br />

gestion du visa ou sélection d’un hôtel. « L’objectif est<br />

d’agréger toutes les ores de nos clients mais également<br />

celles de nos partenaires », détaille Grégoire<br />

Echalier, le directeur général de TTI. « Une première<br />

version, pilote, devrait voir le jour en 2014 ». TTI a<br />

consacré entre 10 et 16 % de son CA à la R&D ces trois<br />

dernières années.<br />

WYSIPS INVENTE LE MOBILE SOLAIRE<br />

What You See is Photovoltaic<br />

Surface. C’est l’acronyme de<br />

Wysips, un procédé breveté<br />

depuis 2006, capable<br />

de transformer tout support<br />

(verre, tissus, voiles,<br />

plastiques, composites, etc.)<br />

en surface productrice<br />

d’énergie grâce au soleil ou<br />

à la lumière artificielle.<br />

<strong>La</strong> PME d’Aix-en-Provence<br />

(CA de 2 M€ en 2012, 25<br />

salariés) cherche à aranchir<br />

nos portables de leur<br />

chargeur. Comment ? Grâce à<br />

une membrane photovoltaïque<br />

qui prend la forme<br />

d’un film transparent et fin<br />

de 0,1 mm, sans impact sur le<br />

design, sans altérer la qualité<br />

de l’image, et surtout sans<br />

coût supplémentaire pour<br />

le fabricant, puisqu’il s’intègre<br />

à l’écran tactile et ne modifie<br />

en rien la structure du<br />

téléphone. « On peut gagner<br />

jusqu’à 20 % d’autonomie,<br />

mais tout dépend de l’usage<br />

et de la luminosité. On peut<br />

avérer en tout cas qu’avec<br />

INTERVIEW<br />

MARSEILLE - PROVENCE<br />

JEAN-MARIE SUQUET, DIRECTEUR RÉGIONAL D’OSEO<br />

« Le nouveau fonds d’amorçage interrégional<br />

comblera les lacunes de l’ore »<br />

<strong>La</strong> région est-elle innovante ?<br />

En 2012, le montant du financement de<br />

l’innovation en Paca a représenté 8 %<br />

de l’ensemble national. C’est comparable<br />

à son poids économique. En revanche,<br />

aucun secteur ne se détache<br />

vraiment. Seule la microélectronique<br />

est légèrement sur-représentée dans la<br />

création d’entreprises innovantes.<br />

En 2012, les entreprises régionales<br />

ont perçu 153 M€ pour l’innovation.<br />

Quelle fut la part d’Oseo ?<br />

INTUISENSE, DES DISTRIBUTEURS DE<br />

BOISSONS RENDUS INTELLIGENTS<br />

Imaginez un distributeur<br />

automatique qui vous<br />

reconnaîtrait et adapterait<br />

son offre commerciale.<br />

Équipé d’une caméra et<br />

d’un PC, il serait également<br />

capable d’obéir à vos gestes<br />

sans que vous le touchiez, exactement<br />

comme dans un jeu vidéo ! Une révolution<br />

technologique développée depuis<br />

décembre 2008 par IntuiSense (CA de<br />

200 K€ en 2012, 8 personnes).<br />

L’entreprise, dirigée par Régis Le Bras<br />

(un des 3 cofondateurs) a mis au point un<br />

procédé, qui avec ses interfaces interactives<br />

de reconnaissance du geste fondées<br />

sur le traitement d’image via des capteurs<br />

optiques, est doté d’une forme d’intelligence.<br />

Le but étant de se servir de l’image<br />

enregistrée pour eectuer des mesures<br />

d’audience afin d’adapter instantanément<br />

la proposition commerciale. IntuiSense,<br />

qui a déjà équipé les stations Agip en<br />

France, a passé ses premiers contrats avec<br />

Pepsi, Danone, Accor ou Microsoft.<br />

MADE, UN APPAREIL POUR<br />

DÉTECTER LES TUYAUX ENTERRÉS<br />

Créée en 1991, Made (CA de 6,90 M€ en<br />

septembre 2012, 36 personnes), basée à <strong>La</strong><br />

Farlède (Var), experte des réseaux (télécommunication,<br />

exploitation électrique,<br />

géodétection des réseaux enterrés, détec-<br />

DR<br />

une exposition de 6 heures<br />

au soleil, on recharge<br />

totalement », explique<br />

Ludovic Deblois, cofondateur<br />

avec Joël Gilbert de<br />

Sunpartner, la maison mère<br />

qui chapeaute les deux<br />

sociétés Axiosun (centrales<br />

photovoltaïques) et Wysips.<br />

DR<br />

Ce montant représente l’ensemble des<br />

financements que les accompagnements<br />

d’Oseo sous forme d’aides, de<br />

prêts, de garanties, ont permis de mobiliser<br />

autour des projets innovants. Le<br />

budget régional de notre intervention<br />

directe était de 29,90 M€ en 2012 pour<br />

229 entreprises contre 27,30 M€ en<br />

2011 pour 243 bénéficiaires. Les<br />

Bouches-du-Rhône en ont absorbé plus<br />

de la moitié.<br />

Existe-t-il un profil type de<br />

tion des lignes haute tension pour les<br />

engins élévateurs et défense) a lancé en<br />

2003 le Gas Tracker, « un produit unique<br />

au monde », selon Érick Papillon, le DG et<br />

un des quatre cofondateurs de Made.<br />

Développé en partenariat avec GDF, le<br />

détecteur acoustique « permet de localiser<br />

et de tracer les tuyaux de gaz en polyéthylène<br />

enterrés ». <strong>La</strong> société, qui consacre<br />

15 % de son chire d’aaires à la R&D (10<br />

brevets déposés) prévoit de sortir un produit<br />

capable de détecter tous types de canalisations<br />

enterrées, quels que soient les<br />

matériaux ou le fluide, d’ici trois ans.<br />

TINTEO, LA TECHNOLOGIE<br />

DU CONFORT AUDITIF<br />

Créée en 2008, la TPE,<br />

basée à Meyreuil dans les<br />

Bouches-du-Rhône (7<br />

personnes, CA non significatif<br />

) développe des<br />

technologies innovantes capables d’améliorer<br />

le confort auditif. Après avoir lancé<br />

il y a deux ans, un casque anti bruit innovant<br />

– par la technologie de réduction<br />

active de bruit, qui détecte et élimine le<br />

bruit ambiant, mais aussi par son prix, à<br />

moins de 100 € –, elle vient de présenter<br />

un casque télé sans fil et avec amplificateur<br />

d’écoute intelligent, à moins de 300 euros.<br />

Avec Teo Duo, la jeune société (2 brevets<br />

déposés), vise le marché des malentendants<br />

légers (les plus de 55 ans), pour l’instant<br />

dominé par les audioprothésistes –<br />

avec un coût moyen pour équiper les deux<br />

oreilles autour de 3 000 euros. <strong>La</strong> TPE<br />

espère conquérir 30 % des parts de marché<br />

sur les assistants d’écoute d’ici à 2015.<br />

SIS, LA SÛRETÉ<br />

DES RÉSEAUX DE GAZ<br />

Basée à Aubagne, la Scop<br />

Sevme Informatique et<br />

Services (SIS) a succédé<br />

en 2004 à une société<br />

familiale créée dans les<br />

années 1960 qui exploitait<br />

un savoir-faire peu ordinaire : la surveillance<br />

électronique à distance des installations<br />

techniques sur les réseaux de gaz.<br />

Et la coopérative (CA 2012 de<br />

3,20 M€, 22 salariés) figure aujourd’hui<br />

parmi les rares sociétés sur CE marché<br />

où le ticket d’entrée, très technique,<br />

DR<br />

5<br />

l’entreprise régionale innovante ?<br />

Elles sont à 90 % exportatrices. L’innovation<br />

« coûte » en temps et en argent.<br />

Elle a donc besoin de s’amortir sur le<br />

plus grand nombre de marchés possibles.<br />

Le tissu local sourait jusqu’à<br />

présent d’une lacune au niveau du financement<br />

de l’amorçage pour les tickets<br />

importants. Mais le nouveau fonds<br />

d’amorçage interrégional [en cours de<br />

closing sur Rhône-Alpes et Paca, ndlr],<br />

devrait combler ce manque. <br />

DR<br />

constitue un obstacle de taille. Suivi de<br />

pression, alarme, télé-relève, traitement<br />

et envoi des données pour automatiser<br />

la facturation… elle travaille pour les<br />

principaux opérateurs français (GR-<br />

Tgaz, GRDF et TIGF) et étrangers. Le<br />

durcissement des normes obligeant SIS<br />

à la course à l’innovation, sa R&D représente<br />

quelque 20 % de son CA annuel.<br />

MOULIN DU CALANQUET,<br />

DES HUILES D’OLIVE EN BERLINGOTS<br />

Elle a décroché le Grand<br />

Prix Innovation de l’édition<br />

2012 au Salon international<br />

de l’alimentaire<br />

(Sial) pour ses berlingots<br />

de 10 ml déclinés en 3 gammes : des huiles<br />

d’olive (5 monovariétales et une d’assemblage),<br />

des huiles aromatisées (morille,<br />

cèpe, basilic et true) et des vinaigrettes<br />

originales (kalamansi, framboise, mangue,<br />

tomate). « Nous voulons répondre à la<br />

demande croissante de produits nomades,<br />

pratiques et ludiques », explique Anne<br />

Brun, qui a créé l’entreprise en 2000 avec<br />

son frère Gilles.<br />

<strong>La</strong> société table sur ce produit pour lui<br />

ouvrir de nouveaux marchés à l’export où<br />

elle réalise déjà 35 % de son CA (1,13 M€<br />

en 2012, 12 personnes). Ces berlingots<br />

sont pour l’heure conditionnés dans le<br />

Maine-et-Loire mais la TPE va investir dès<br />

2013 pour maîtriser tout le processus.<br />

DIGDASH, UN LOGICIEL “BIG DATA”<br />

« Notre logiciel DigDash<br />

Enterprise est capable de<br />

gérer un grand nombre de<br />

données avec une restitution<br />

performante. Nous<br />

donnons la main à l’utilisateur<br />

qui peut facilement poser sa question<br />

au système comme dans une barre Google,<br />

et aussi bien sur smartphone ou tablette que<br />

sur ordinateur», explique Éric Gavoty,<br />

cofondateur de DigDash et vice-président<br />

des ventes et du marketing. Il aura fallu<br />

quatre années de R&D à la société (CA de<br />

1 M€, dont 30 % à l’export, 12 personnes)<br />

pour sortir ce logiciel, aujourd’hui vendu<br />

par un réseau de partenaires (Bull pour les<br />

collectivités territoriales) aussi bien aux<br />

grands comptes (Volkswagen, le CEA, ID<br />

Logistics) qu’aux PME.<br />

DR DR<br />

© CLAUDE ALMODOVAR


DR<br />

6 LA TRIBUNE DES MÉTROPOLES<br />

COPPERNIC,<br />

LA TECHNOLOGIE<br />

AU SERVICE<br />

DE LA DÉMOCRATIE<br />

Depuis la création de la société fin 2008 à Aixen-Provence,<br />

Jacky Le Cuivre, fondateur et<br />

actuel PDG, a fait le choix d’un secteur d’activité<br />

en pleine croissance : la mobilité. L’entreprise<br />

(27 salariés, CA de 14,99 M€ en 2012) développe des<br />

terminaux mobiles pour les techniciens itinérants.<br />

Relève de compteurs, vérification d’identité, vérification<br />

de titres de transport, contrôle d’accès (sécurité<br />

des sites portuaires et aéroportuaires, contrôles<br />

routiers, sécurisation des chantiers BTP…), Coppernic<br />

dispose d’une large gamme de lecteurs mobiles<br />

capables de se connecter facilement aux réseaux disponibles<br />

afin de répondre à des besoins précis.<br />

Chacun des produits de Coppernic possède un dénominateur<br />

commun : le terminal. <strong>La</strong> PME l’achète<br />

auprès des grandes firmes du secteur, comme Motorola,<br />

avant d’adapter la machine aux besoins<br />

spécifiques du client : « On taille des costumes sur<br />

mesure dédiés à des appareils standards, ce qui nécessite<br />

de la R&D en permanence ! », résume Jacky<br />

Le Cuivre. Le dirigeant a structuré la société autour<br />

de deux équipes : les électroniciens eectuent les<br />

modifications sur la machine et les informaticiens<br />

développement les logiciels. Cette expertise a permis<br />

à Coppernic de remporter en 2012 un marché de<br />

8,50 M€ au Ghana dans un nouveau secteu : les élections.<br />

Elle a ainsi fourni 33 550 terminaux capables<br />

de vérifier instantanément l’identité des électeurs<br />

ghanéens grâce à leurs empreintes digitales. Le terminal<br />

lit le code-barres sur la liste d’émargement,<br />

vérifie l’empreinte digitale et ache le verdict. Lumière<br />

verte ou rouge : c’est instantané. Une innovation<br />

qui a permis à la start-up aixoise de doubler son<br />

chire d’aaires entre 2011 et 2012. Pour cette opération,<br />

les équipes aixoises ont développé entièrement<br />

le terminal : « Notre machine a permis de publier<br />

les résultats de l’élection ghanéenne dès le lendemain<br />

du vote ». Un succès qui en appelle d’autres : Coppernic<br />

compte mettre au point une machine multi confi-<br />

Vérification d’identité en temps<br />

réel par l’empreinte digitale.<br />

guration qui<br />

serait adaptable<br />

à tous les pays…<br />

qui souhaitent<br />

m ett re c ett e<br />

technologie au<br />

service de la démocratie.<br />

GRAFTYS, UN CIMENT INJECTABLE POUR<br />

RÉPARER L’OS MALADE OU TRAUMATISÉ<br />

Créée 2005 par 4 cofondateurs,<br />

dont Jean-Marc Ferrier<br />

et Alain Valet (deux anciens<br />

dirigeants du groupe Zimmer,<br />

leader mondial des prothèses<br />

orthopédiques) et Jean-<br />

Michel Bouler (chercheur à<br />

l’Inserm spécialisé dans les<br />

substituts osseux synthétiques),<br />

la société est à<br />

http://www.latribune.fr<br />

<strong>La</strong> <strong>Tribune</strong><br />

2, rue de Châteaudun - 75009 Paris<br />

Téléphone : 01 76 21 73 00.<br />

Pour joindre directement votre correspondant,<br />

composer le 01 76 21 suivi des 4 chiffres<br />

mentionnés entre parenthèses.<br />

l’origine d’une technologie<br />

destinée à prévenir les<br />

factures dues à l’ostéoporose.<br />

<strong>La</strong> société aixoise (CA de<br />

3,50 M€ en 2012, 29 personnes)<br />

a élaboré une<br />

technique pour injecter le<br />

phosphate de calcium de<br />

synthèse directement au<br />

cœur des os à réparer :<br />

SOCIÉTÉ ÉDITRICE<br />

LA TRIBUNE NOUVELLE. S.A.S.<br />

au capital de 3 200 000 euros.<br />

Établissement principal :<br />

2, rue de Châteaudun - 75009 Paris<br />

Siège social : 10, rue des Arts,<br />

31000 Toulouse. SIREN : 749 814 604<br />

Président,<br />

directeur de la publication<br />

Jean-Christophe Tortora.<br />

SOLUTION F : « GÉO TROUVETOUT »<br />

DE LA MOBILITÉ<br />

C’est parce qu’il est<br />

tombé tout petit dans la<br />

marmite du sport auto,<br />

qu’Éric Chantriaux<br />

affiche un goût inaltérable<br />

pour la performance.<br />

En 1985, l’ancien<br />

pilote créée la société<br />

d’ingénierie en sport automobile Solution<br />

F, pour répondre d’abord à des besoins précis<br />

en matière de carburation, acoustique,<br />

amortisseurs… Depuis 2005, la société,<br />

implantée à Venelles au nord d’Aix-en-Provence<br />

(CA de 7,20 M€ en 2012, 45 salariés)<br />

s’est diversifiée et innove tous azimuts.<br />

Elle a ainsi déposé des brevets pour le<br />

premier hélicoptère 100 % électrique au<br />

monde, un moteur hybride qui ne<br />

consomme que 2,6 l/100, une éolienne à<br />

axe vertical. Et elle possède le seul prototype<br />

mondial d’impression 3D grâce à un<br />

procédé de polymérisation avec un laser.<br />

SANOIA, LE E-DOSSIER MÉDICAL<br />

POUR LE PATIENT<br />

Hervé Servy, ingénieur informaticien, s’est<br />

associé à un docteur en biologie pour créer<br />

Sanoia (CA de 200 K€ en 2012, 3<br />

personnes), spécialisée dans les outils<br />

e-santé de type 3.0. Pour faire court, il est<br />

le génial inventeur du e-dossier médical<br />

pour le patient. L’idée ? Un service internet,<br />

anonyme et gratuit permettant au patient<br />

atteint d’une maladie chronique (150 000<br />

personnes identifiées et plusieurs<br />

centaines de maladies) de consigner dans<br />

une fiche ses informations de santé, qui<br />

profitent aux spécialistes qu’ils consultent<br />

mais aussi à la recherche scientifique et à<br />

l’industrie pharmaceutique afin d’en<br />

améliorer l’utilisation. Toutes ces données<br />

de santé sont accessibles contre un numéro<br />

identifiant délivré par le patient.<br />

SYNPROSIS : DES PEPTIDES<br />

EN SYNTHÈSE CHIMIQUE<br />

Créée en 2003, Synprosis (9 personnes, CA<br />

à fin mars 2012 de 1,1 M€), basée à Fuveau<br />

dans les Bouches-du-Rhône, a d’abord été<br />

reconnue pour son savoir-faire dans la réa-<br />

« Le ciment est injecté sous<br />

forme liquide, il va se durcir<br />

en quelques heures et se<br />

résorber pour laisser la place<br />

à un os reconstitué grâce à<br />

l’action du principe actif »,<br />

explique Alain Valet.<br />

RÉDACTION<br />

Directeur de la rédaction Éric Walther.<br />

Directeur adjoint de la rédaction<br />

Philippe Mabille.<br />

( Économie Rédacteur en chef : Robert Jules.<br />

Rédacteur en chef adjoint : Romaric Godin.<br />

Jean-Christophe Chanut, Fabien Piliu.<br />

( Entreprise Rédacteur en chef : Michel<br />

Cabirol. Rédacteurs en chef adjoints : Delphine<br />

Cuny, Fabrice Gliszczynski. Alain-Gabriel<br />

Verdevoye.<br />

( Finance Rédacteur en chef adjoint : Ivan<br />

DR<br />

DR<br />

© Jean-Bernard Stil<br />

lisation de vaccins synthétiques<br />

contre le VIH et le<br />

paludisme. <strong>La</strong> société a<br />

depuis développé d’autres<br />

produits actifs dans le traitement<br />

de la douleur ou<br />

des maladies neurodégénératives et a<br />

récemment mis au point une technique<br />

permettant de produire des peptides longs<br />

en synthèse chimique. « Le système classique<br />

de production des peptides est la bioproduction<br />

qui fait intervenir des cellules<br />

vivantes avec un process long et coûteux. <strong>La</strong><br />

synthèse chimique permet de baisser les<br />

coûts mais a toujours été limitée par son<br />

faible rendement. Notre technologie permet<br />

d’avoir des rendements importants avec un<br />

coût 30 à 40 % inférieur », indique Jean-<br />

Pierre Salles, PDG fondateur de Synprosis.<br />

IMPIKA, L’AVENIR<br />

À UN JET D’ENCRE<br />

« Le marché est<br />

devenu mondial et<br />

pour accompagner<br />

nos clients, en<br />

termes de ventes et<br />

de services, nous<br />

avions deux choix :<br />

créer notre propre réseau ou nous rapprocher<br />

d’un groupe international, leader dans<br />

son domaine ». Paul Morgavi, le PDG d’Impeka,<br />

société basée à Aubagne et spécialisée<br />

dans le matériel d’impression numérique<br />

par jet d’encre, est ravi : sa PME a été rachetée<br />

en douceur par le groupe américain<br />

Xerox dont elle va devenir le centre mondial<br />

des technologies à jet d’encre à base<br />

aqueuse.<br />

C’est la capacité d’innovation de cette<br />

PME (55 salariés dont 20 à la R&D), et sa<br />

technologie très spécifique qui ont séduit<br />

le géant de l’impression couleur. Impika<br />

table en 2013 sur une croissance à deux<br />

chires de son CA (16 millions d’euros en<br />

2012, dont 75 % à l’export).<br />

TROPHOS, UNE AVANCÉE MAJEURE<br />

POUR LA MALADIE DE CHARCOT<br />

L’olesoxime. C’est le nom de la molécule<br />

pour laquelle la PME marseillaise (27 personnes<br />

dont 14 titulaires d’un doctorat), a<br />

démarré en mars une étude clinique dont<br />

les résultats devraient être publiés cette<br />

année, et pour laquelle elle a décroché une<br />

subvention d’1 M€ du ministère de la<br />

Recherche. Mais ce n’est qu’à l’horizon<br />

2016 que Trophos, qui ne dégage toujours<br />

pas de chire d’aaires (80 M€ de financements<br />

par recours au capital-risque), sera<br />

fixée sur l’ecacité de sa molécule prometteuse<br />

pour limiter la progression de la sclérose<br />

en plaques. Connue sous le nom de<br />

Charcot, la maladie inflammatoire du système<br />

nerveux central toucherait deux millions<br />

de personnes dans le monde. Les<br />

traitements existants ne permettraient que<br />

d’espacer les crises. Le potentiel du marché<br />

est estimé entre 200 et 300 M$ par an.<br />

Best. Christine Lejoux, Mathias Thepot.<br />

( Correspondants Florence Autret (Bruxelles).<br />

( Rédacteur en chef hebdo<br />

Jean-Louis Alcaïde. Jean-Pierre Gonguet.<br />

( Rédactrice en chef de ce supplément<br />

« Métropoles » Adeline Descamps.<br />

RÉALISATION RELAXNEWS<br />

Rédaction en chef technique Alfred Mignot<br />

Edition Marion Clément, Séverine Lefebvre<br />

Graphisme Mathieu Momiron.<br />

LA LA TRIBUNE VENDREDI 5 17 AVRIL MAI 2013<br />

DR<br />

©CNRS / Emmanuel Perrin<br />

ACTIONNAIRES<br />

Groupe Hima, Hi-media/Cyril Zimmerman,<br />

JCG Medias, SARL Communication<br />

Alain Ribet/SARL, RH Éditions/Denis <strong>La</strong>fay.<br />

MANAGEMENT<br />

Vice-président en charge des métropoles<br />

et des régions Jean-Claude Gallo. Conseiller<br />

éditorial François Roche. Directrice Stratégie<br />

et Développement Aziliz de Veyrinas (73 26).<br />

Directrice de publicité Clarisse Nicot (73 28).<br />

Directeur nouveaux médias<br />

Thomas Loignon (73 07).<br />

AMIKANA BIOLOGICS, BOUCLIER<br />

CONTRE L’ÉCHEC THÉRAPEUTIQUE<br />

Créée en 2008, primée à<br />

deux reprises du Concours<br />

national de la création d’entreprise<br />

de technologie<br />

innovante (2005 et 2008), la<br />

société basée au CHU de la<br />

Timone à Marseille, utilise les propriétés<br />

de la levure, très proches des cellules<br />

humaines, pour analyser la résistance de<br />

protéines virales aux médicaments de certains<br />

virus tels que le VIH. L’objectif final :<br />

optimiser les traitements proposés aux<br />

malades. Après deux levées totalisant près<br />

d’1 M€ , la biotech de 5 personnes créée par<br />

Pablo Gluschankof, chercheur au CNRS (il<br />

a découvert la levure à l’Université de Stanford),<br />

est en phase de validation clinique et<br />

envisage de commercialiser d’ici la fin de<br />

l’année son premier kit de diagnostic de la<br />

résistance au traitement contre le VIH.<br />

NEUROSERVICE, T<strong>EST</strong>ER<br />

L’EFFICACITÉ DES MOLÉCULES SUR<br />

LE CERVEAU<br />

Créée en 2007, avec<br />

le soutien des<br />

incubateurs<br />

marseillais Impulse<br />

et Grand Luminy<br />

Technopôle,<br />

Neuroservice (CA en 2012 de 2,2 M€ dont<br />

95 % à l’export, 25 salariés) réalise des tests<br />

in vitro des molécules pour comprendre<br />

leurs effets, positifs ou négatifs, sur le<br />

cerveau et moelle épinière.<br />

Standardisés ou sur-mesure, ces tests<br />

sont vendus à parts égales à des grands<br />

groupes pharmaceutiques (Roche en<br />

Suisse ou Pfizer aux États-Unis) et à des<br />

biotechs travaillant sur les pathologies du<br />

système nerveux central et dans le traitement<br />

de la douleur. <strong>La</strong> PME, créée par<br />

Bruno Buisson, auparavant en charge du<br />

département pharmacologie chez Trophos,<br />

une autre biotech marseillaise, ambitionne<br />

de réaliser 10 M€ de CA d’ici à cinq ans.<br />

PROVEPHARM REMET LE BLEU<br />

DE MÉTHYLÈNE À L’HONNEUR<br />

Créée en 2007, la start-up marseillaise<br />

(CA 2012 de 2,50 M€, 10 personnes) est<br />

à l’origine du développement de l’unique<br />

principe actif au monde développé par<br />

la valorisation du bleu de méthylène. Le<br />

produit, qui a obtenu en 2011 les autorisations<br />

de mise sur le marché dans 27<br />

pays de l’UE, dispose de brevets valables<br />

jusqu’en 2027. L’entreprise, qui mise pour<br />

sa commercialisation sur des accords de<br />

licences avec des distributeurs par territoires<br />

et domaines (déclinaison du principe<br />

actif sur d’autres applications thérapeutiques<br />

comme la malaria), a signé des<br />

contrats dans plusieurs pays. Le potentiel<br />

commercial est estimé à quelque 40 M€<br />

par an, d’ici trois à cinq ans.<br />

Abonnements Aurélie Cresson (73 17).<br />

Marketing des ventes au numéro :<br />

Agence Bo conseil A.M.E / Otto Borscha<br />

oborscha@ame-presse.com (01 40 27 00 18).<br />

Imprimeries IPS, ZA du Chant des Oiseaux,<br />

80800 Fouilloy. N o de commission paritaire :<br />

0514 C 85607. ISSN : 1277-2380.<br />

DR


C<br />

M<br />

J<br />

CM<br />

MJ<br />

CJ<br />

CMJ<br />

N<br />

exe_MAF_256x363_M.Fauchille.pdf 1 13/05/13 16:35

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