QUI EST VRAIMENT ANGELA MERKEL? - La Tribune
QUI EST VRAIMENT ANGELA MERKEL? - La Tribune
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L 15174 - 48 - F: 3,00 €<br />
« LA TRIBUNE S’ENGAGE AVEC ECOFOLIO POUR LE RECYCLAGE DES PAPIERS. AVEC VOTRE G<strong>EST</strong>E DE TRI, VOTRE JOURNAL A PLUSIEURS VIES. »<br />
LES SUPPLÉMENTS<br />
DE LA SEMAINE<br />
www.latribune.fr<br />
L’auteur de Comment la<br />
Chine change le monde<br />
décrypte les conséquences<br />
de Légende. l’ascension du pays au<br />
rang [CRÉDIT] de première puissance<br />
économique mondiale.<br />
<strong>QUI</strong> <strong>EST</strong> <strong>VRAIMENT</strong><br />
<strong>ANGELA</strong> <strong>MERKEL</strong> ?<br />
DÉCRYPTAGE<br />
RAPPORT LESCURE :<br />
ENTRE SYMBOLES ET<br />
NOUVELLES TAXES PAGE 9<br />
LA TRIBUNE DES MÉTROPOLES<br />
Marseille-Provence : les 30 PME les plus innovantes<br />
DU VENDREDI 17 AU JEUDI 23 MAI 2013 – N O 48 France métropolitaine - 3 €<br />
ENQUÊTE<br />
GARY KLESCH AU<br />
CŒUR DU DÉSASTRE<br />
DE KEM ONE PAGES 12-13<br />
Charles-Édouard<br />
Bouée<br />
« Passer du rêve<br />
chinois au rêve<br />
de la Chine. »<br />
PAGE 26<br />
De la jeune fille<br />
de l’Est passée par<br />
les Jeunesses<br />
communistes à la<br />
chancelière « normale »<br />
d’une Allemagne<br />
conquérante, un récit<br />
pour comprendre<br />
comment Angela est<br />
devenue Merkel, reine<br />
d’Europe.<br />
PAGES 4 à 7<br />
INNOVATION<br />
CITÉ VERTE<br />
<strong>La</strong> nature réinvestit nos villes<br />
EXCLUSIF<br />
LES EXTRAITS DU LIVRE<br />
DE FLORENCE AUTRET :<br />
« <strong>ANGELA</strong> <strong>MERKEL</strong>, UNE<br />
ALLEMANDE (PRESQUE)<br />
COMME LES AUTRES »<br />
LA FRANCE REGARDE<br />
PASSER LE TRAIN DES<br />
FABLABS PAGES 14-15<br />
© SCHLUETER/DDP IMAGES EDITORIAL/SIPA<br />
-JEWEL SAMAD/AFP
© SARRAMON-CARDINALE/AFP<br />
VENDREDI 17 MAI 2013 LA TRIBUNE<br />
<strong>La</strong> Provence de Bernard Tapie face au site Marsactu.fr de l’entrepreneur local Pierre Boucaud.<br />
Le « pure player » défend une ligne éditoriale très indépendante et fait figure de contrepoids face<br />
aux appétits de l’homme d’aaires. Marsactu a reçu la visite d’Edwy Plenel (Mediapart), tandis que<br />
Xavier Niel et Pierre Bergé seraient sur les rangs pour le soutenir.<br />
<strong>La</strong> Roche de Solutré.<br />
Montebourg comme<br />
Mitterrand Le redressement<br />
productif est un chemin pavé de<br />
pierres. Arnaud Montebourg<br />
en sait quelque chose : il<br />
remettra, ce dimanche, le label<br />
« Grand site de France » au site<br />
de « Solutré Pouilly Vergisson »<br />
dans ses terres de Saône-et-<br />
Loire, en compagnie de<br />
Delphine Batho. Ce lieu<br />
mythique du socialisme –<br />
François Mitterrand en fit<br />
l’ascension, chaque dimanche de<br />
Pentecôte, à partir de 1946 – est<br />
aussi « l’un des principaux<br />
gisements préhistoriques de<br />
France » (sic), dixit le<br />
communiqué de Bercy. Il aura<br />
l’honneur de se voir fouler par<br />
Arnaud Montebourg pour une<br />
ascension très médiatique, après<br />
le déjeuner…<br />
TOUS UNIS SUR<br />
LA LOI FLORANGE Le<br />
projet de loi sur la reprise<br />
des sites rentables,<br />
dit « Florange », sera<br />
déposé par tous les<br />
groupes de la majorité.<br />
C’est une première :<br />
François Brottes et<br />
Guillaume Bachelay,<br />
les deux rédacteurs<br />
socialistes, ont reçu<br />
l’accord de EELV, du PRG<br />
et même des trois<br />
députés MRC. En<br />
revanche, ils ont été<br />
surpris des critiques<br />
de <strong>La</strong>urence Parisot sur<br />
le projet : la patronne<br />
du Medef ne les a jamais<br />
rencontrés et n’a pas<br />
lu ce texte qui n’est pas<br />
encore finalisé.<br />
SOMMAIRE<br />
© ERIC PIERMONT/AFP<br />
COULISSES<br />
3 > Orange et Dailymotion tournent la page Yahoo<br />
et « calment le jeu ».<br />
L’ÉVÉNEMENT<br />
4 - 7 Moi, Angela Merkel, reine d’Europe…<br />
Les bonnes feuilles du livre de Florence Autret,<br />
correspondante de <strong>La</strong> <strong>Tribune</strong> à Bruxelles.<br />
LE BUZZ<br />
8 L’ŒIL DE PHILIPPE MABILLE<br />
France de jeunes et Allemagne de vieux.<br />
Web TV de latribune.fr<br />
Pierre Moustial, DG des opérations de<br />
VivaSanté : « L’automédication,<br />
c’est 1 milliard d’euros d’économies. »<br />
9 Rapport Lescure : entre compromis,<br />
symboles… et nouvelles taxes !<br />
10 Vers un nouveau contre-choc pétrolier…<br />
11 Champion ! Quelles retombées<br />
économiques pour le PSG ?<br />
Orange et Dailymotion tournent<br />
la page Yahoo et « calment le jeu »<br />
Lors d’un conseil<br />
d’administration<br />
spécial ce jeudi 16<br />
mai, Orange et sa filiale<br />
Dailymotion ont ociellement<br />
tourné la page<br />
Yahoo.<br />
Après l’échec des discussions<br />
avec le portail<br />
américain rebuté par la<br />
défiance exprimée par le<br />
ministre du Redressement<br />
productif, Arnaud<br />
Montebourg, l’opérateur<br />
télécoms s’est résolu<br />
à réinjecter du cash dans<br />
le site de vidéos.<br />
« Il y avait un processus<br />
de sortie qui n’aboutira<br />
pas. On calme le jeu et on<br />
donne six mois à un an au<br />
management pour se<br />
reconcentrer sur le business<br />
avant de relancer le<br />
processus de vente », explique un dirigeant de<br />
l’opérateur de télécommunications.<br />
Dailymotion, qui a réalisé en 2012 un chire<br />
d’aaires de 36,8 millions d’euros (en doublement<br />
en deux ans) et un résultat brut d’exploi-<br />
Stéphane Richard,<br />
PDG de France Telecom.<br />
<strong>La</strong>urence Parisot prépare le coup d’après<br />
« <strong>La</strong>urence va mieux,<br />
elle a digéré son échec<br />
pour postuler à un<br />
troisième mandat.<br />
Elle est déjà dans le<br />
coup d’après », arme<br />
un cacique du Medef. Au siège de<br />
l’organisation patronale, on<br />
remarque que l’actuelle présidente<br />
(jusqu’au 3 juillet) a retrouvé le<br />
sourire. « Elle prépare un coup<br />
pour sa sortie, elle s’exprimera vers<br />
Orange reste<br />
pourtant convaincu<br />
que Dailymotion<br />
a besoin d’un<br />
partenaire industriel<br />
américain.<br />
L’ENQUÊTE<br />
12 Kem One, un désastre inévitable ?<br />
ENTREPRISES & INNOVATION<br />
14 <strong>La</strong> France regarde passer le train des Fab<strong>La</strong>bs.<br />
TERRITOIRES / FRANCE<br />
16 Bordeaux lance des bateaux-bus hybrides,<br />
uniques au monde.<br />
17 <strong>La</strong> Bretagne s’amarre au port numérique mutualisé.<br />
18 Strasbourg déroule le tapis rouge<br />
pour les start-up techmeds.<br />
TERRITOIRES / INTERNATIONAL<br />
19 En Grèce, la privatisation annoncée de Hellinikon<br />
exacerbe la fronde.<br />
20 Liverpool vend des logements sociaux<br />
délabrés pour 1 livre !<br />
> ON EN PARLE À BRUXELLES<br />
Après l’auberge espagnole, la gasthaus bavaroise.<br />
© ERIC PIERMONT/AFP<br />
tation pour la première<br />
fois légèrement positif,<br />
aurait besoin d’une augmentation<br />
de capital de<br />
quelques dizaines de<br />
millions d’euros pour<br />
acheter davantage de<br />
contenus de qualité.<br />
Orange « fera face à ses<br />
enjeux d’actionnaire »<br />
assure-t-il. Cependant, il<br />
considère qu’il n’a pas<br />
vocation à rester à 100 %<br />
et que Dailymotion<br />
demeure « un investissement<br />
financier » qu’il a<br />
fait à la demande de<br />
l’État quand le FSI a<br />
voulu sortir du capital.<br />
Orange reste convaincu<br />
qu’il faudra un partenaire<br />
industriel américain<br />
à Dailymotion car le<br />
site a « besoin d’audience<br />
qualifiée et de contenus premium et c’est aux<br />
États-Unis qu’on les trouve », fait valoir ce dirigeant<br />
qui ironise : « Si l’on veut vraiment que<br />
Dailymotion reste franco français, on peut aussi<br />
le rebaptiser le “mouvement quotidien”. » <br />
la mi-juin, précise ce même cadre.<br />
Peut-être la création<br />
d’un think tank patronal à forte<br />
dimension européenne. En tout<br />
cas, pas question pour elle de<br />
quitter les feux de la rampe ».<br />
Certains, comme Pierre Bellon,<br />
(Sodexho), proposent même<br />
de lui confier une « présidence<br />
d’honneur ». Un poste qui n’existe<br />
pas, sauf à changer… les statuts du<br />
Medef !<br />
COULISSES 3<br />
LES ANALYSES<br />
21 Sauvés par la hausse des salaires allemands ?<br />
22 Que peut-on attendre de la deuxième conférence<br />
sociale ?<br />
LES IDÉES / LES CHRONIQUES<br />
23 Pourquoi il est nécessaire de consolider le budget.<br />
24 Un grand tournant, à découper suivant les pointillés.<br />
25 Un besoin urgent : repenser les processus d’invention.<br />
> Oui, la France peut attirer les investisseurs.<br />
L’INTERVIEW<br />
26 Charles-Édouard Bouée, président de la région Asie,<br />
Groupe Roland Berger Strategy Consultants :<br />
« Xi Jinping veut passer du rêve chinois<br />
au rêve de la Chine. »<br />
Bernard Tapie.<br />
EURONEXT TRÈS<br />
COURTISÉ Les couteaux<br />
s’aiguisent pour prendre<br />
le contrôle d’Euronext,<br />
qui devrait être cédé au<br />
début<br />
de 2014 par le marché<br />
américain ICE à l’issue<br />
de son ore d’achat sur<br />
Nyse-Euronext. Alors que<br />
les banques françaises et<br />
la CDC, poussées le<br />
Trésor à faire leur devoir<br />
et à stabiliser<br />
le capital de la bourse<br />
européenne, traînent<br />
des pieds, des fonds de<br />
capital-investissement<br />
sont en train de monter<br />
un tour de table pour<br />
ramasser la mise. À quel<br />
prix ? Le LSE, Nasdaq<br />
OMX et même Deutsche<br />
Börse sont aussi aux<br />
aguets et pourraient faire<br />
monter les enchères.<br />
Aéroports : et si Ayrault<br />
vendait ADP… À l’inverse<br />
de ce qui s’est passé sur le site de<br />
Notre-Dame-des-<strong>La</strong>ndes, pas de<br />
risque pour Jean-Marc Ayrault<br />
de voir une chaîne humaine<br />
encercler Orly ou Roissy lorsque<br />
le gouvernement vendra en<br />
Bourse ses parts dans ADP,<br />
contrôlé à 60 % par l’État et le<br />
FSI, un groupe en bonne santé.<br />
Une cession qui contribuerait au<br />
financement du grand plan<br />
d’investissement numérique<br />
annoncé par François Hollande.<br />
Le Téléthon de la BPI<br />
CDC Entreprises, une entité de<br />
bpifrance, la Banque publique<br />
d’investissement, lancera<br />
le 21 mai le premier fonds<br />
d’amorçage dédié aux<br />
biothérapies et aux maladies<br />
rares. Il sera financé par<br />
l’AFM-Téléthon et le Fonds<br />
national d’amorçage.<br />
© JACQUES DEMARTHON/AFP
4<br />
L’ÉVÉNEMENT<br />
59 % c’est la<br />
proportion d’Allemands qui<br />
voteraient Angela Merkel si l’élection du<br />
chancelier se faisait au surage direct, selon le<br />
sondage DeutschlandTrend de la chaîne ARD<br />
du mois de mai. Son concurrent, Peer<br />
Steinbrück, ne recueillerait que 28 % des voix.<br />
FLORENCE AUTRET<br />
Il fallait s’y attendre. Le virus<br />
germanophobe qui frappe le<br />
sud de l’Europe est en train<br />
d’atteindre la France via la rue<br />
de Solferino. Après avoir été<br />
accusée de manquer de leadership<br />
européen, Angela Merkel se voit<br />
taxer d’« intransigeance égoïste »<br />
par les ténors du PS.<br />
Même si le parti socialiste prétend<br />
n’attaquer qu’une politique « de<br />
droite », celle de la coalition dirigée<br />
par la chancelière, il vise tout autant<br />
l’Allemagne, ses excédents insolents<br />
et son taux d’emploi à faire pâlir<br />
d’envie. Quel intérêt peut bien présenter<br />
la charge du PS, sinon de<br />
flatter une germanophobie latente ?<br />
On est désormais très au-delà des<br />
slogans du candidat Hollande<br />
quand il annonçait qu’il allait renégocier<br />
le traité budgétaire demandé<br />
par Berlin et signé par Nicolas<br />
Sarkozy. À l’époque, le PS n’avait<br />
pas été capable d’écrire la première<br />
ligne du « mémorandum » sur le<br />
fondement duquel il entendait discuter.<br />
Pas de substance, juste le slogan<br />
du « pacte pour la croissance »<br />
auquel les économistes n’accordent<br />
aucune portée concrète.<br />
<strong>La</strong> chancelière n’a certes aucune<br />
anité particulière avec la France<br />
et cela ne rend pas la tâche de Paris<br />
facile. Entre Hollande et Merkel se<br />
joue l’éternel malentendu francoallemand,<br />
dans les formes, autant<br />
que sur le fond. Le président a tenté<br />
en vain de la convier à un dîner en<br />
tête à tête. À chaque rencontre, il<br />
butte sur sa redoutable sachlichkeit,<br />
cette manière bien à elle d’être<br />
concrète et pratique. Quand il<br />
arrive avec un propos politique, elle<br />
le reçoit avec une liste soigneusement<br />
préparée de demandes et de<br />
sujets qu’elle coche méthodiquement<br />
au fur et à mesure de l’entretien.<br />
Ce n’est pas que le dialogue<br />
entre elle et le nouveau président<br />
ait été rompu : il n’a jamais été établi.<br />
Jamais en tout cas au niveau<br />
d’ambition et de… sachlichkeit qui<br />
serait nécessaire pour aborder le<br />
sujet légitimement soulevé par les<br />
socialistes : la conciliation du<br />
désendettement et de la croissance.<br />
Paris serait bien avisé de se demander<br />
pourquoi le concert européen<br />
qui se joue à Bruxelles a fini par<br />
ressembler à une finale de la Ligue<br />
© POOL / BERTRAND LANGLOIS/AFP<br />
des champions comme celle qui<br />
opposera fin mai le Bayern et le<br />
Borussia Dortmund, à Wembley au<br />
Royaume-Uni.<br />
<strong>La</strong> chancelière a fait il y a longtemps<br />
le constat que la gouvernance<br />
européenne ne fonctionnait<br />
pas, parce qu’elle forçait à se porter<br />
garant de pays sans maîtrise sur<br />
leurs choix politiques. Pour cette<br />
raison, elle a rapatrié les pouvoirs à<br />
Berlin, faisant du Bundestag un<br />
Parlement européen bis. Que le<br />
reste du continent trouve la situation<br />
déplaisante est assez compréhensible.<br />
En même temps, qui a mis<br />
une idée sur la table pour sortir de<br />
cette impasse, sinon, encore, Angela<br />
Merkel avec son traité budgétaire ?<br />
L’ÉLYSÉE <strong>EST</strong> DÉSEMPARÉ<br />
DEVANT L’ÉNIGME <strong>MERKEL</strong><br />
Les technostructures se parlent<br />
encore, certes. Au ministère des<br />
Finances à Berlin, on s’amuse du<br />
fait que Wolfgang Schäuble passe<br />
plus de temps à parler avec son<br />
homologue Pierre Moscovici<br />
qu’avec aucun des ministres de la<br />
coalition noire-jaune à laquelle il<br />
appartient. Mais les liens étroits qui<br />
avaient été noués entre 2008<br />
et 2012 se sont défaits au hasard des<br />
mutations et de l’alternance. Du<br />
quadrige Musca (ex-secrétaire<br />
général de l’Élysée de Sarkozy),<br />
Fernandez (directeur du Trésor),<br />
Asmussen (ex-secrétaire d’État aux<br />
Finances désormais à la BCE),<br />
Weidman (ex-conseiller écono-<br />
«L’amitié franco-allemande<br />
est indispensable pour<br />
redonner un nouvel élan au<br />
projet européen et trouver les<br />
voies du retour de la croissance. »<br />
TWEET DE JEAN-MARC AYRAULT.<br />
mique de Merkel parti à la Bundesbank),<br />
il ne reste que le deuxième<br />
cheval. Depuis l’alternance française,<br />
l’attelage n’existe plus.<br />
L’Élysée est désemparé devant<br />
l’énigme Merkel. Et Merkel ellemême<br />
est embarrassée de cette<br />
incompréhension. « Au moins, à<br />
vous, ce n’est pas la peine d’expliquer<br />
l’Allemagne », aurait-elle dit au Premier<br />
ministre Jean-Marc Ayrault<br />
lors de leur rencontre, fin 2012. C’est<br />
peu flatteur pour les autres. Et que<br />
peut Ayrault face au ressentiment<br />
qui monte ? Or, il va probablement<br />
falloir compter avec elle encore<br />
quelque temps. Elle a connu trois<br />
présidents français, autant de Premiers<br />
ministres britanniques. Tous<br />
passent. Elle reste. Candidate aux<br />
élections du 22 septembre 2013, elle<br />
part ultra-favorite. Non que son<br />
parti, la CDU, soit au mieux de sa<br />
forme. Les démocrates-chrétiens<br />
ont accumulé les défaites depuis<br />
cinq ans aux élections régionales.<br />
Mais la popularité de leur présidente<br />
est intacte et même renforcée<br />
par les bourdes de son adversaire<br />
social-démocrate Peer Steinbrück.<br />
Tenue par l’arithmétique parlementaire,<br />
elle ne choisira pas<br />
forcément son allié de gouvernement,<br />
mais l’option la plus probable<br />
reste une nouvelle grande coalition<br />
avec les sociaux-démocrates. Une<br />
immense majorité d’Allemands,<br />
même de gauche, veut garder<br />
Merkel. Il serait peut-être temps de<br />
décrocher son téléphone. <br />
1<br />
LA TRIBUNE VENDREDI 17 MAI 2013<br />
Sortie du nucléaire<br />
Le 6 juin 2011, Angela Merkel décide<br />
pour l’Allemagne d’une sortie<br />
unilatérale du nucléaire, dès 2022. En<br />
octobre 2010, elle avait décidé de<br />
prolonger la durée de vie des centrales<br />
atomiques. Entre-temps, la catastrophe<br />
de Fukushima a modifié son point de vue.<br />
MOI, <strong>ANGELA</strong> <strong>MERKEL</strong>,<br />
Angela Merkel, une Allemande<br />
(presque) comme les autres<br />
« Sur la façade jaune pâle d’une maison patricienne de<br />
Templin, où elle a grandi, dans la plaine monotone du<br />
Brandebourg, on peut lire cette maxime attribuée à Saint<br />
François d’Assise : “Commence par faire le nécessaire, puis<br />
fais ce qu’il est possible de faire et tu réaliseras l’impossible<br />
sans t’en apercevoir.” […] » Tout Angela Merkel est résumé<br />
dans cette phrase citée par notre correspondante à<br />
Bruxelles, qui signe Angela Merkel, une Allemande<br />
(presque) comme les autres, publié chez Tallandier en ce<br />
mois de mai. Alors que plusieurs biographies paraissent<br />
en Allemagne, notamment sur le passé aux Jeunesses<br />
communistes de la jeune Angela Kasner dans l’ex-RDA des années 1970,<br />
la lecture du livre de Florence Autret, dont nous publions en exclusivité<br />
quelques extraits, permet de mieux comprendre le parcours exceptionnel<br />
de cette femme politique aujourd’hui la plus puissante d’Europe.<br />
© DR<br />
Angela Kasner, petite fille, en 1958.<br />
Ses parents ont quitté Hambourg pour l’Allemagne<br />
de l’Est quand elle n’avait que quelques mois.<br />
[ULLSTEIN BILD / ROGER-VIOLLET]<br />
L’ENFANCE<br />
AUX JEUNESSES<br />
COMMUNISTES<br />
Grandir fille de pasteur dans la RDA anticléricale<br />
des années 1960 n’était pas une<br />
sinécure. Pour obtenir la reconnaissance à<br />
laquelle ses excellents résultats scolaires<br />
lui donnent droit, la jeune Angela développe<br />
des talents de stratège et convainc ses<br />
parents de la laisser s’inscrire aux Jeunesses<br />
communistes.<br />
«En septembre 1961, quand le Mur est érigé,<br />
Angela a sept ans. Elle entre en primaire.<br />
L’école Goethe de Templin n’a pas encore<br />
été rebaptisée “Hermann Matern”, en souvenir de<br />
ce politicien social-démocrate devenu résistant<br />
antinazi puis membre du parti communiste estallemand<br />
et qui mourra en 1971. C’est une enfant<br />
visiblement douée pour apprendre. Son excellence<br />
scolaire va de pair avec une maladresse tout aussi<br />
extraordinaire qui confine, pour tout dire, à l’infirmité.<br />
Elle se qualifie elle-même de “petite idiote du<br />
mouvement”. […] Marcher sur un terrain en pente,<br />
emprunter un escalier restera pendant des années<br />
une source d’embarras. Cela ne posait pas vraiment<br />
de problème en famille où la performance sportive<br />
n’était pas vraiment une valeur suprême. Mais à<br />
l’école, il en allait tout autrement. L’État est-allemand<br />
avait fait sienne la maxime mens sana in corpore<br />
sano. Il exigeait, en matière sportive, de réelles<br />
performances de ses futures élites. <strong>La</strong> gaucherie<br />
d’Angela aurait pu lui coûter très cher. “Même à
VENDREDI 17 MAI 2013 LA TRIBUNE<br />
11 % c’est le<br />
taux de chômage de<br />
l’Allemagne en octobre 2005,<br />
lorsque Angela Merkel est<br />
devenue chancelière. En avril<br />
2013, ce taux se situait à 7,1 %<br />
(méthode nationale).<br />
REINE D’EUROPE...<br />
l’université, on ne pouvait pas obtenir son diplôme<br />
si on ne courait pas le 100 mètres dans un temps<br />
imparti”, racontera-t-elle. Elle arrivera finalement,<br />
à force d’entraînement, à passer sous la barre des<br />
16 secondes. Eût-elle échoué aux épreuves<br />
sportives, elle n’eût pas poursuivi d’études supérieures<br />
et n’aurait peut-être pas embrassé une<br />
carrière politique.<br />
L’occasion d’armer ses choix face à ses parents<br />
ne tarde pas à se présenter. Dans le cercle familial,<br />
la question s’est déjà posée de participer – ou non –<br />
à la Freie Deutsche Jugend (FDJ), l’organisation<br />
de jeunesse communiste qui concurrence les organisations<br />
traditionnellement pilotées par les<br />
Églises et fait oce, selon la terminologie alors en<br />
vogue, de “réserve de combat du parti”.<br />
En être ou ne pas en être est une forme de “statement”<br />
politique, fût-il implicite. C’est une antichambre<br />
du parti et un lieu d’endoctrinement ou<br />
les parents Kasner n’ont guère envie de voir évoluer<br />
leurs enfants. Dans un premier temps, la toute<br />
jeune Angela est donc vigoureusement dissuadée<br />
d’y participer. Mais après la première année d’école,<br />
les choses se présentent diéremment. <strong>La</strong> discussion<br />
doit être rouverte. <strong>La</strong> petite fille a beau être<br />
première de la classe, elle se voit dénier les récompenses<br />
qu’elle estime mériter. Et cela lui pèse.<br />
L’injustice est si flagrante que le “premier de la<br />
classe en titre” interroge lui-même la maîtresse<br />
alors qu’il vient de recevoir son prix. “Et Angela ?”<br />
<strong>La</strong> maîtresse lui répond : “Mais tu es le meilleur<br />
pionnier.” Tout est dit. Les collections de “1”, la<br />
meilleure note, n’y suffiront jamais. Pour être<br />
reconnu, il ne faut pas juste être un bon élève mais<br />
aussi un pionnier exemplaire. Ses parents laissent<br />
le choix à Angela. Elle décide d’y aller, en partie<br />
pour ne pas être brimée, en partie aussi parce<br />
qu’elle est friande d’activités de groupe.<br />
Et ses parents ne s’y opposent pas. Elle pourra dès<br />
lors porter la blouse bleue des FDJ. Elle y restera<br />
active jusqu’à la chute du Mur, y compris pendant<br />
ses années à l’Académie des sciences à Berlin, mais<br />
sans jamais devenir membre du parti. Un pied<br />
dehors, un pied dedans. L’art du compromis sans la<br />
compromission. Le choix du pragmatisme, plutôt<br />
que de l’opposition. […] »<br />
© SEAN GALLUP/AFP<br />
PEER STEINBRÜCK A ÉTÉ<br />
NOMMÉ CANDIDAT DES<br />
SOCIAUX-DÉMOCRATES À<br />
LA CHANCELLERIE. Il peine<br />
beaucoup à convaincre dans la<br />
campagne électorale. Lorsqu’il<br />
était ministre des Finances dans<br />
le premier gouvernement Merkel<br />
de 2005 à 2009, il était réputé<br />
très proche de la chancelière.<br />
Angela Merkel et son deuxième mari, Joachim Sauer. À gauche, en<br />
1989, lors d’une université d’été pour étudiants en chimie, dans la<br />
ville polonaise de Bachotek ; à droite, en 2007, au palais<br />
présidentiel polonais, lors d’une visite au président Lech Kaczynski.<br />
[AFP PHOTO / BOGUMIL JEZIORSKI / JANEK SKARZYNSKI]<br />
2<br />
PREMIÈRES ANNÉES<br />
BERLINOISES<br />
Arrivée à Berlin-Est en 1978, à 24 ans, pour<br />
y préparer son doctorat de physique, la<br />
jeune femme y connaît l’épreuve de la<br />
solitude, de l’ennui et de l’oppression liée à<br />
l’omniprésence du Mur.<br />
«À Berlin, Angela se met en route vers 6 h 15,<br />
de nuit, d’octobre à mars. En chemin, elle<br />
tente de trouver <strong>La</strong> Pravda. Le quotidien<br />
soviétique, édité par le parti communiste, est sa<br />
fenêtre sur le monde, son Herald <strong>Tribune</strong> d’Est-Allemande.<br />
Sa curiosité reste généralement insatisfaite.<br />
Les rares exemplaires sont déjà partis ou n’ont pas<br />
été livrés. “Les meilleures choses étaient toujours déjà<br />
épuisées”, dira-t-elle.<br />
Il lui faut une petite heure pour aller de son domicile<br />
jusqu’au quartier d’Adlershof, où se trouvent les<br />
laboratoires de recherche de chimie et physique,<br />
L’ÉVÉNEMENT 5<br />
«Le projet communautaire est aujourd’hui<br />
meurtri par une alliance de circonstance<br />
entre les accents thatchériens de l’actuel Premier<br />
ministre britannique et l’intransigeance égoïste de<br />
la chancelière Merkel. »<br />
PROJET DE TEXTE (CONTROVERSÉ ET DONC CORRIGÉ DEPUIS) DE LA DIRECTION DU PS.<br />
aujourd’hui rattachés à l’université Humboldt. Friedrichstrasse,<br />
OstKreuz, Treptow : la ligne de S-Bahn<br />
court littéralement le long du Mur, vers le Sud-Est.<br />
“Le trajet quotidien m’oppressait”, dira-t-elle. À<br />
l’impression de buter partout sur le Mur s’ajoute un<br />
sentiment d’isolement.<br />
Pendant ses années à Adlershof, Angela Merkel<br />
appartient à la majorité silencieuse. Intimement,<br />
elle est déjà convaincue des limites du système et<br />
rejette ses fondements. Elle analyse la situation. Elle<br />
exerce son esprit critique. Elle ne ferme pas les yeux.<br />
Mais elle se tait. Elle participe aux Jeunesses communistes<br />
(FDJ), qui font partie de l’appareil du parti.<br />
Elle s’y engage autant que cela est nécessaire pour<br />
sa survie sociale et le bon déroulement de ses études<br />
et de sa carrière. C’est un choix à la fois banal et<br />
rationnel, compréhensible. Le cas Havemann [un<br />
chimiste dissident d’Allemagne de l’Est] est là pour<br />
montrer les risques immenses que représentait la<br />
critique en public du dogmatisme et des mensonges<br />
du pouvoir. Elle veut réussir dans le système sans<br />
chercher à le changer de l’intérieur. Son intégrité<br />
physique et morale est son horizon politique. Elle<br />
attend que le système meure de lui-même. Elle<br />
éprouve le tragique de la situation. Mais elle ne se<br />
révolte pas. Elle observe.<br />
Cependant, la dissidence est un peu plus, dans sa<br />
vie, qu’un arrière-plan lointain. L’éviction de Robert<br />
Havemann, la déchéance de nationalité de Wolf<br />
Biermann, le départ, en 1977, de l’écrivain Reiner<br />
Kunze qu’elle a rencontré près de Leipzig, sont<br />
discutés dans le milieu intellectuel dans lequel elle<br />
baigne, en plus d’être relayés par la télévision ouestallemande<br />
qu’elle regarde.<br />
Peu avant la mort de Robert Havemann, elle fait la<br />
connaissance de son fils Utz. On est en 1981. Elle<br />
vient de quitter le domicile conjugal et s’en va squatter<br />
un appartement désaecté de Prenzlauer Berg.<br />
Utz fait partie de la petite troupe qui va l’aider à<br />
rénover et aménager son “château”. Il fallait un<br />
certain culot pour quitter son logement dans le<br />
Berlin des années 1980. […] »
3<br />
6<br />
L’ÉVÉNEMENT<br />
MOI, <strong>ANGELA</strong> <strong>MERKEL</strong>,<br />
REINE D’EUROPE<br />
Le 10 avril 2000, trois mois et demi après avoir publié sa célèbre<br />
lettre ouverte où elle appelle son parti à rompre avec Helmut Kohl,<br />
Angela Merkel est élue présidente de la CDU, à 46 ans. [MARTIN GERTEN/AFP]<br />
UNE DISCRÈTE ENTRÉE<br />
EN POLITIQUE<br />
Après la chute du Mur, la physicienne<br />
adhère à un tout petit parti proche de<br />
l’Église protestante, le Renouveau Démocratique<br />
(RD), qui sombrera avec son président<br />
Wolfgang Schnur, compromis avec la<br />
Stasi. Novice en politique, elle se fait une<br />
place dans le gouvernement Maizière, en<br />
1990. Ce sera sa porte d’entrée pour la CDU.<br />
« Les<br />
élections [du 18 mars 1990] ont consacré<br />
la victoire du parti du chancelier Helmut<br />
Kohl. Son homme fort en RDA, Lothar de<br />
Maizière, est chargé de constituer un gouvernement.<br />
Des négociations ont été engagées pour former une<br />
grande coalition avec les sociaux-démocrates. Le porteparole<br />
désigné du futur gouvernement, l’ancien<br />
journaliste Matthias Gehler, se cherche un adjoint.<br />
L’attribution du poste à un adé du SPD aurait été<br />
logique. Mais Lothar de Maizière écarte cette option<br />
et préfère se tourner vers un « junior partner », moins<br />
encombrant. C’est alors que Rainer Eppelmann, la<br />
nouvelle figure de proue du RD, avance le nom d’une<br />
illustre inconnue : Angela Merkel. […]<br />
Angela Merkel a 35 ans et des joues rondes qui lui<br />
en font paraître quinze de moins. Elle porte de<br />
longues jupes cousues à la main et des sandales de<br />
pèlerin. Cet accoutrement ne sera pas un obstacle à<br />
sa fulgurante ascension, mais il va lui coller à la peau<br />
et forger son identité d’outsider est-allemande jusqu’à<br />
ce qu’elle arrive au firmament politique de l’Allemagne<br />
fédérale. Au point qu’en 2012, un cabaret<br />
berlinois continuait de colporter cette blague : “Tu<br />
4<br />
sais ce que fait Angela Merkel de ses vieux vêtements ?<br />
Elle les porte !” Avec l’ore de l’équipe Maizière, elle<br />
tient l’occasion de passer du statut d’observateur à<br />
celui d’acteur. Par chance, les élections ont été avancées<br />
de mai à mars si bien qu’il lui reste plus d’un mois<br />
de congé sabbatique. Elle peut se permettre de tenter<br />
l’expérience sans compromettre son poste à l’université.<br />
Pourtant, elle hésite.<br />
Finalement, plusieurs jours après avoir reçu la<br />
proposition de Gehler, elle lui écrit pour lui dire sa<br />
gratitude et son enthousiasme. C’est « oui » mais elle<br />
doit encore disposer de quelques jours de liberté avant<br />
de commencer. Elle a un plan plus urgent : passer un<br />
moment à Londres avec son compagnon Joachim<br />
Sauer. Désireuse de jouir de sa liberté nouvelle, elle<br />
s’ore le luxe de s’exonérer de la cérémonie d’investiture<br />
du gouvernement dont elle vient pourtant d’être<br />
nommée porte-parole adjointe !<br />
Tout Merkel, ou presque, se trouve déjà dans ces premières<br />
semaines en politique : son zèle et sa précision<br />
qui la font remarquer et apprécier, son sens du juste<br />
moment pour se placer, sa prudence à l’égard des appareils<br />
des partis, son goût de la communication, son art<br />
de passer inaperçue et de paraître inoensive, son sangfroid<br />
aussi, pendant le limogeage de Wolfgang Schnur,<br />
et même, à travers cette escapade londonienne, ce qui<br />
ressemble au regret, vite refoulé, de ne pouvoir se<br />
contenter du bonheur d’exister. […] »<br />
SOBRIÉTÉ ET IRONIE<br />
D’UNE CHANCELIÈRE<br />
Plus encore que le programme de son parti,<br />
c’est la personnalité de la chancelière qui<br />
explique sa popularité. Rarement on aura<br />
observé, au sommet de l’État, si peu de<br />
vanité et un sens de l’ironie aussi aiguisé.<br />
«À la chancellerie, Gerhard Schröder recevait<br />
souvent renversé en arrière dans son<br />
fauteuil, le cigare aux lèvres, impeccable dans<br />
son costume Brioni. Elle préfère faire s’asseoir ses<br />
visiteurs à la table de réunion située près de l’entrée de<br />
son immense bureau de 140 mètres carrés. Lui abordait<br />
souvent les sujets “à l’instinct”. Elle décortique minutieusement<br />
les notes de ses services avant la réunion,<br />
ce qui ne l’empêche pas de s’en remettre parfois à son<br />
sens aigu du pouvoir. Elle entame les réunions avec un<br />
ordre du jour précis sous les yeux. “Elle connaît tout,<br />
jusqu’au moindre détail” est la réflexion qui revient le<br />
plus souvent dans la bouche de ses interlocuteurs. Elle<br />
ne maîtrise pas seulement le fond des dossiers, mais<br />
aussi la position politique de ses interlocuteurs, leurs<br />
marges de manœuvre, et par conséquent la manière de<br />
les faire bouger. “Elle ne lâche jamais rien. C’est épuisant”,<br />
note une source française entre agacement et<br />
admiration. Les aimables échappées discursives sur le<br />
destin du monde ne lui disent rien. […]<br />
Les inconditionnels sont nombreux. Michel Barnier,<br />
qui l’a connue dans sa période “bonnoise” quand il était<br />
LA TRIBUNE VENDREDI 17 MAI 2013<br />
ministre de l’Environnement d’Édouard Balladur, ne<br />
tarit pas d’éloges sur sa connaissance des dossiers et<br />
son calme. Même admiration chez l’ancien ministre<br />
des Aaires européennes, Alain <strong>La</strong>massoure, un autre<br />
des rares fidèles français des réunions du PPE. “Elle<br />
est toujours très simple et pleine de sang-froid. Je n’ai<br />
jamais vu cette femme manifester un mouvement d’impatience.<br />
Elle a un très grand contrôle d’elle-même”,<br />
dit-il. […]<br />
Ceux qui la pratiquent dans les cercles européens<br />
ont d’abord été surpris par tant de sobriété et de<br />
sérieux. Ils s’y sont faits. C’est qu’elle sait aussi être<br />
irrésistiblement drôle. […] Pendant le sommet européen<br />
de décembre 2012, la chancelière est assise à la<br />
table du Conseil quand le Premier ministre néerlandais,<br />
Mark Rutte, vient prendre place à côté d’elle. Son<br />
carnet de notes marque un angle saillant dans la poche<br />
de son pantalon. Derrière eux, le cameraman chargé<br />
de filmer les arrivées surprend alors dans la bouche de<br />
la chancelière cette célèbre réplique de Mae West : “Is<br />
that a gun in your pocket, or are you just glad to see<br />
me ?” Le Batave reste interdit.<br />
Les blagues de Merkel sont meilleures que celles<br />
que l’on raconte à son sujet, assure la journaliste<br />
Evelyn Roll. Alors qu’elle est déjà présidente de la<br />
CDU, elle se fait mordre par un chien pendant une<br />
promenade à vélo. <strong>La</strong> voilà harcelée par la presse qui<br />
la soupçonne d’avoir monté cette aaire de toutes<br />
pièces pour attirer l’attention. <strong>La</strong>ssée de ces assauts,<br />
elle finit par lâcher : “À la fin, c’est à se demander si ce<br />
n’est pas moi qui ai mordu le chien.” Elle aime pardessus<br />
tout saisir l’ironie d’une situation. Pendant la<br />
crise bancaire, sa blague préférée est : “Quelle est la<br />
diérence entre le socialisme et le capitalisme ? Dans<br />
le socialisme, on commence par nationaliser et la ruine<br />
vient ensuite.”<br />
“Elle s’amuse”, pense un élu CDU. “Il y a bien sûr des<br />
moments d’agacement, des moments d’épuisement aussi<br />
naturellement, à cause du rythme eréné. Mais fondamentalement,<br />
elle s’amuse depuis ses débuts.” […] »<br />
Le 22 novembre 2005, elle parvient enfin à se faire<br />
élire chancelière par le Bundestag, à la tête d’une<br />
coalition avec les socio-démocrates. Gerhard<br />
Schröder lui passe le relais. [AKG-IMAGES / ULLSTEIN BILD]
VENDREDI 17 MAI 2013 LA TRIBUNE<br />
5LE CHOC DE LA CRISE<br />
FINANCIÈRE DE 2008<br />
Le jour même où elle saborde le premier<br />
sommet de crise européen organisé par<br />
Nicolas Sarkozy, la chancelière est rattrapée<br />
par la gravité de la situation bancaire<br />
en Allemagne.<br />
« Pendant ces terribles semaines de 2008 où<br />
l’économie mondiale menace de sombrer<br />
sous le choc que provoqueraient des faillites<br />
bancaires en chaîne, Nicolas Sarkozy assure la présidence<br />
de l’Union européenne. Il prend le taureau par<br />
les cornes et imagine de réunir à Paris les principaux<br />
dirigeants européens pour articuler une réponse<br />
politique à cette déferlante. François Pérol, secrétaire<br />
général adjoint de l’Élysée, et Xavier Musca, alors<br />
encore directeur du Trésor, sondent Berlin. L’accueil<br />
est glacial. <strong>La</strong> chancelière est “résolument hostile”,<br />
rapporte un des missi dominici du président. <strong>La</strong> chancelière<br />
ne voit pas l’utilité d’une réunion.<br />
Elle a besoin de temps pour réfléchir à la bonne<br />
manière de procéder. Elle est agacée par l’activisme de<br />
son homologue français. Sa plus proche conseillère,<br />
Beate Baumann, est totalement dépourvue d’expérience<br />
en matière financière. Berlin est loin des<br />
marchés. <strong>La</strong> chancelière ne sait pas ce qu’il faut décider.<br />
Elle sait que le problème est profond. Il va falloir éponger<br />
– on ne sait trop comment – l’immense mare fétide<br />
des non-valeurs cachées par paquets de centaines de<br />
milliards depuis quinze ans. Les pertes – on le<br />
pressent – seront immenses. Mais que faut-il faire<br />
maintenant face à un problème structurel ? Comment<br />
concilier le court et le long terme ? Paris pousse pour<br />
un plan d’ensemble pour le secteur bancaire européen,<br />
une action rapide, coordonnée, assise sur des moyens<br />
pratiquement illimités. […]<br />
Le 4 octobre, Angela Merkel arrive donc au premier<br />
sommet d’urgence convoqué par Nicolas Sarkozy,<br />
“convaincue qu’il faut absolument qu’elle résiste à tout<br />
plan”, raconte un participant. <strong>La</strong> rencontre entre le<br />
président de la Banque centrale européenne, Jean-<br />
Claude Trichet, celui de la Commission européenne,<br />
José Manuel Barroso, et les trois chefs de gouvernement<br />
des plus grands pays européens dont le Britannique<br />
Gordon Brown, ne débouche sur rien de concret.<br />
Elle exprime plus de stupeur que de détermination.<br />
Pourtant, quelque chose a changé cet après-midi du<br />
4 octobre. Vers 16 heures, pendant la conférence de<br />
presse finale, les portables des deux aides de la chancelière,<br />
Jens Weidmann [son conseiller économique<br />
et futur président de la Bundesbank] et Jörg Asmussen<br />
[secrétaire d’État aux Finances et futur membre du<br />
directoire de la Banque centrale européenne], se<br />
mettent à vibrer : HypoRealEstate, un holding de<br />
banques spécialisées dans le crédit immobilier, est en<br />
train de replonger et risque la faillite dans les heures à<br />
venir s’il ne reçoit pas de nouvelles injections de cash.<br />
Deux semaines plus tôt, HRE avait déjà absorbé une<br />
ligne de crédit de… 35 milliards d’euros débloquée en<br />
urgence par le gouvernement fédéral et un consortium<br />
de banques. De nouveau, rien ne va plus. “On était dans<br />
la m…”, rapporte un participant.<br />
Dans le vol qui la ramène à Berlin le samedi en fin<br />
d’après-midi, la chancelière écoute, consulte et s’informe.<br />
Elle sent la pression politique monter. Le<br />
dimanche des élections régionales se déroulent en<br />
Bavière et un sommet de la coalition avec les sociauxdémocrates<br />
à Berlin. Vu les sommes en jeu, la débandade<br />
bancaire est grosse d’une crise interne majeure si<br />
l’on continue à réagir au coup par coup. Le moment se<br />
rapproche d’une explication devant le Bundestag. Pour<br />
HRE l’urgence commande une rallonge. Ce sera la<br />
dernière, se promet-on à la chancellerie. Il faut un plan<br />
d’ensemble.<br />
En juin 2007, Angela Merkel reçoit les dirigeants du G8<br />
à Heiligendamm au bord de la Baltique. De gauche à droite :<br />
Nicolas Sarkozy, Vladimir Poutine, George W. Bush et Tony Blair.<br />
[AKG-IMAGES/RIA NOWOSTI]<br />
<strong>La</strong> chancelière laisse alors la main à son allié socialdémocrate<br />
Peer Steinbrück. Tard dans la soirée de<br />
dimanche, le ministre des Finances planche, aux côtés<br />
du dirigeant du géant de l’assurance Allianz et ancien<br />
de Goldman Sachs, Paul Achleitner, de Martin Blessing,<br />
alors porte-parole de Commerzbank, de Jens Weidmann,<br />
du secrétaire d’État Jörg Asmussen et d’Axel<br />
Weber, le président de la Bundesbank. L’objet des<br />
discussions : un “bouclier” pouvant protéger tout le<br />
secteur, autrement dit une pompe à liquidité, sinon<br />
illimitée, au moins colossale.<br />
Le 5 octobre, lendemain du sommet de Paris, le<br />
ministre des Finances commence par convoquer la<br />
presse : l’État fédéral garantit l’épargne des Allemands,<br />
dit-il. <strong>La</strong> priorité est d’éloigner le risque de bank run.<br />
Puis il poursuit la préparation du plan de sauvetage,<br />
dans le plus grand secret et le plus vite possible, comme<br />
le lui demande la chancellerie.<br />
L’eet produit par la rechute de HRE n’a pas échappé<br />
à l’Élysée. Nicolas Sarkozy n’a pas renoncé à son plan<br />
européen. “Les Allemands avaient compris qu’ils<br />
avaient eux-mêmes un problème et que ce n’était pas<br />
une externalisation du problème français”, résume une<br />
source française. Le 12 octobre, un sommet des chefs<br />
d’État et de gouvernement de toute la zone euro, cette<br />
fois-ci, adopte un long communiqué en cinq pages<br />
déclinant l’ensemble des mesures à prendre pour<br />
calmer le jeu. […] »<br />
L’ÉVÉNEMENT 7<br />
6<br />
FACE À LA CRISE<br />
DE L’EURO<br />
Il est impossible de comprendre la « lenteur<br />
» de la chancelière sans mesurer sa<br />
défiance à l’égard du système européen.<br />
«Après le choc de décembre 2009, la chancelière<br />
décide de “s’imposer dans le système”.<br />
“Elle a cherché à calmer le jeu, pas pour<br />
contrôler le système, mais pour s’assurer qu’il aille à sa<br />
vitesse et à sa mesure”, raconte un observateur privilégié<br />
de ces années de tempête. Au début de 2010 “a<br />
commencé à apparaître, en termes communautaires, une<br />
diculté que les Français, les Italiens, les Anglais ne<br />
comprenaient pas, ce qu’ils ont appelé la lenteur<br />
allemande”, nourrie d’une profonde défiance à l’égard<br />
de Bruxelles. […]<br />
Angela Merkel est seule. Seule face à son allié de<br />
coalition, le FDP, qui commence à surfer sur la vague<br />
de l’euroscepticisme. Seule face à une Commission<br />
européenne en laquelle elle n’a pas confiance. Seule<br />
face au men’s club des dirigeants européens qui ont<br />
laissé pourrir la situation. Elle n’a pas confiance dans<br />
les solutions avancées par Paris. Elle est, enfin, désemparée<br />
face à une situation inédite. […]<br />
Elle commence par creuser le diagnostic, à sa<br />
manière, en rassemblant des données. Elle commande<br />
une analyse précise de la manière dont a été mis en<br />
œuvre le pacte de stabilité et de croissance et découvre<br />
à quel point il a été foulé aux pieds. “Ce n’est pas possible.<br />
À plus de 50 reprises, les échéances fixées dans le<br />
cadre du pacte de stabilité et de croissance [pour corriger<br />
les déficits] n’ont pas été respectées”, s’indignera-t-elle<br />
devant le Bundestag. […] Mais un constat ne fait pas<br />
une politique. Elle hésite. Elle ne sait comment<br />
convaincre son opinion qu’il faut garder la Grèce pour<br />
garder l’euro. Elle ne veut pas laisser la machine européenne<br />
passer hors de son contrôle, car perdre le pouvoir<br />
à Bruxelles, c’est le faire perdre au Bundestag,<br />
autrement dit signer son arrêt de mort politique. […]<br />
Le 8 juillet 2012, à Reims, la chancelière<br />
et le président Hollande recomposent,<br />
soixante ans après De Gaulle et Adenauer,<br />
le couple franco-allemand. [FRANCOIS NASCIMBENI/ POOL/AFP]<br />
Pendant les premiers mois de 2010, la réconciliation<br />
entre la contrainte interne et celle de la crise prend un<br />
nom : le cas de force majeure “Quand la Grèce ne peut<br />
plus se refinancer sur les marchés, ce n’est plus le problème<br />
de la Grèce, seulement, mais le point de départ de conséquences<br />
imprévisibles pour l’ensemble de la zone euro…<br />
En agissant nous protégeons notre monnaie”, explique la<br />
chancelière le 5 mai devant le Bundestag. […]<br />
Il a existé sur ce point une entente profonde entre elle<br />
et le président français, jusqu’à l’alternance de mai 2012<br />
en France. Nicolas Sarkozy a eu beau jouer le rôle<br />
d’aiguillon, il s’est plié au rythme et aux contraintes<br />
exaspérants de son homologue allemande. “<strong>La</strong> chancelière<br />
nous disait : ‘À supposer même que je fasse ces choses<br />
que je ne trouve pas totalement raisonnables, quelqu’un<br />
fera un recours devant la Cour constitutionnelle. Il<br />
gagnera et à ce moment-là, qu’est-ce qui se passera ?’ Sa<br />
vraie force a souvent été sa faiblesse”, dit l’ancien secrétaire<br />
général de l’Élysée, Xavier Musca […]. » <br />
FLORENCE AUTRET
8<br />
LE BUZZ<br />
IL A OSÉ LE DIRE<br />
LA TRIBUNE VENDREDI 17 MAI 2013<br />
« J’ai dirigé Bercy par le passé et c’est vrai que Bercy a besoin d’un patron.<br />
Là, vous [en] avez plusieurs et quelle que soit la qualité des hommes et des femmes et leur degré<br />
d’entente, je pense qu’une coordination plus forte serait utile. » LAURENT FABIUS, SUR RTL, LE 14 MAI 2013<br />
L’ŒIL DE PHILIPPE MABILLE<br />
DIRECTEUR ADJOINT DE LA RÉDACTION<br />
France de jeunes et Allemagne de vieux<br />
C ’est<br />
la nouvelle thèse à la mode au sein du<br />
parti socialiste qui inspire le discours antiallemand<br />
et anti-Merkel. Entre l’Allemagne<br />
et la France, on pourrait même dire entre<br />
l’Europe du Nord et l’Europe du Sud, les<br />
intérêts divergeraient de plus en plus parce que la démographie<br />
européenne est coupée en deux.<br />
En gros, comme l’a expliqué récemment<br />
Arnaud Montebourg devant une assemblée<br />
choisie – le dîner du Cercle de la<br />
Revue des deux mondes, présidé par<br />
Marc <strong>La</strong>dreit de <strong>La</strong>charrière, le 25 avril<br />
dernier –, un nouveau mur serait en<br />
train de s’ériger en Europe, entre les<br />
pays jeunes et les pays vieux.<br />
LE DIVORCE CROISSANT que l’on<br />
constate entre une Allemagne vieillissante<br />
tétanisée par la crainte d’une inflation,<br />
qui a besoin de taux d’intérêt élevés<br />
et d’une monnaie forte pour ses rentiers,<br />
et une France à la tête des pays « jeunes » du Sud, qui a besoin<br />
de taux bas et d’une monnaie « faible » pour relever son<br />
industrie, serait le nouvel horizon irréconciliable de la politique<br />
européenne. Cela va bien plus loin encore que la critique<br />
de l’austérité, réelle en Grèce, au Portugal, en Espagne<br />
et en Italie, encore largement supposée en France où, à part<br />
sur le plan fiscal, on cherche encore quelles mesures dures<br />
ont bien pu être prises par François Hollande depuis un an.<br />
Ce nouveau discours, dont les arguments démographiques<br />
sont fondés – l’Allemagne elle-même reconnaît que la politique<br />
familiale est la seule vraie réussite du modèle français<br />
«Les déficits, ce<br />
sont d’abord et<br />
avant tout des déficits<br />
d’emplois. Remporter<br />
cette bataille, comme<br />
l’Allemagne a su<br />
le faire, est le seul<br />
combat qui compte. »<br />
et constitue son principal échec – est intéressant. Mais il n’est<br />
guère opérant, sauf à en conclure un divorce inévitable à<br />
terme entre les deux pays, c’est-à-dire l’éclatement de l’euro<br />
par la sortie de l’un ou de l’autre des partenaires. Or, ni la<br />
France, ni l’Allemagne, qui fêtent cette année le cinquantième<br />
anniversaire du traité de l’Élysée, ne le souhaitent.<br />
L’avenir est plus constitué de ce qui nous<br />
rapproche que de ce qui nous divise.<br />
François Hollande, qui a rencontré mercredi<br />
15 mai toute la Commission européenne,<br />
avant de revenir à Paris défendre<br />
ses choix devant des parlementaires<br />
socialistes au bord de la rupture avec son<br />
gouvernement et de tenir sa deuxième<br />
conférence de presse à l’Élysée, va devoir<br />
lutter contre cette nouvelle doxa antiallemande,<br />
qui ne change rien à la réalité<br />
française. Avec ou sans l’Allemagne, avec<br />
ou sans l’euro, la France a une dette qui<br />
dépassera, avant le milieu de la décennie,<br />
les 100 % de sa richesse nationale, et des<br />
déficits qu’il faudra bien combler.<br />
Plutôt qu’à un divorce avec l’Allemagne, c’est plutôt à une<br />
explication de texte avec sa propre majorité que le chef de<br />
l’État est condamné pour les mois qui viennent. À moins qu’il<br />
ne soit d’accord avec Arnaud Montebourg, mais alors il va<br />
falloir qu’il le dise à Jean-Marc Ayrault ! Dans son combat<br />
pour réorienter l’Europe, François Hollande a pourtant déjà<br />
remporté une victoire inattendue puisque Bruxelles vient<br />
de donner deux ans à la France pour revenir sous les 3 % du<br />
PIB de déficit. Un cadeau inespéré qui montre que la commission<br />
de Bruxelles n’est pas aussi stupide et bornée qu’on<br />
WEB TV / LA TRIBUNE DES DÉCIDEURS en partenariat avec<br />
Le Premier ministre doit présenter<br />
un plan d’investissement pour la<br />
santé. Qu’en attendez-vous ?<br />
Il faut absolument que soit pris en compte<br />
le secteur du dispositif médical. <strong>La</strong> santé,<br />
ce n’est pas que les médicaments. Les pansements,<br />
la radioscopie, la visite à domicile…<br />
Toutes ces activités connaissent une<br />
croissance importante, et méritent l’attention<br />
des pouvoirs publics. De plus, en<br />
France l’innovation dans la santé est difficile<br />
: quand en Allemagne on peut lancer<br />
un produit innovant en un jour, en France,<br />
cela peut prendre jusqu’à deux ans, à cause<br />
d’une législation compliquée, parfois<br />
même contradictoire. Il faudrait mettre<br />
un grand coup de pied là-dedans, pour que<br />
les entreprises françaises puissent jouir<br />
de leur propre marché pour mieux exporter.<br />
Et mettre fin à ce que j’appelle les<br />
droits de douane à l’envers. De plus, nous<br />
avons en France la main-d’œuvre la plus<br />
chère du monde. Il faut donc faire les produits<br />
les plus innovants et les plus chers<br />
du monde.<br />
Comment faire des économies ?<br />
On travaille sur des solutions de télémédecine,<br />
adaptées au besoin croissant des patients<br />
à domicile. C’est un gisement d’économies<br />
énorme au regard du coût de<br />
l’hospitalisation. Cela peut également pas-<br />
ser par la création d’« aiguilleurs médicaux<br />
» qui éviteraient les erreurs de service,<br />
les transferts coûteux. Une autre voie serait<br />
la démocratisation de l’automédication<br />
pour les « petits risques » – rhumes, allergies…<br />
– car le pharmacien est compétent<br />
pour conseiller les patients sur ces pathologies.<br />
Cela éviterait le triple coût d’une<br />
visite chez le médecin, du soin et de l’absentéisme.<br />
On peut générer 1 milliard d’euros<br />
d’économies grâce à cette médication responsable.<br />
Comment voyez-vous l’avenir pour<br />
l’industrie pharmaceutique ?<br />
Il y a un réel potentiel de croissance en<br />
a bien voulu le dire, et que l’Allemagne de Merkel n’est ni<br />
intransigeante, ni égoïste. Elle est juste inquiète des retards<br />
français. Avec ce délai, le gouvernement Ayrault, même<br />
remanié avec enfin un vrai (et nouveau ?) patron à Bercy, a<br />
tout le temps nécessaire pour prendre les mesures internes<br />
susceptibles de ranimer une croissance défaillante.<br />
PRENONS LE DOSSIER DES RETRAITES, qui fait si peur<br />
qu’on semble s’orienter vers une simple réforme financière<br />
destinée à reboucher un trou de 20 milliards d’euros à<br />
l’horizon 2020. Redonner aux Français de la visibilité à<br />
long terme sur ce sujet clé est pourtant le meilleur moyen<br />
de ramener la confiance qui fait défaut à un pays en grande<br />
dépression. Les entreprises se plaignent de manquer de<br />
prévisibilité du fait d’une politique fiscale et sociale qui<br />
change tout le temps. Mais pour les ménages, c’est la même<br />
chose. Qui peut dire sérieusement qu’une réforme des<br />
retraites est une contrainte imposée par le grand méchant<br />
marché, le grand méchant Bruxelles et la grande méchante<br />
Merkel, dont nous racontons la vie dans ce numéro.<br />
C’est bien au contraire une opportunité pour remettre à<br />
plat un problème que nous sommes l’un des rares pays à<br />
devoir remettre sur la table tous les cinq ans, voire moins<br />
(2003, 2008, 2010). Pourtant, comme on l’a évoqué plus<br />
haut, la France bénéficie dans ce domaine d’une démographie<br />
bien plus favorable que celle de l’Allemagne. Mais<br />
une telle réforme n’est possible que si la France résout<br />
en même temps son problème d’emploi. Tout est lié. Les<br />
déficits, ce sont d’abord et avant tout des déficits d’emplois.<br />
Remporter cette bataille, comme l’Allemagne a su<br />
le faire avant nous, est le seul combat qui compte. Reste<br />
à s’en donner vraiment les moyens. <br />
« L’automédication, c’est 1 milliard d’euros d’économies »<br />
Pierre Moustial, DG des opérations de VivaSanté, et directeur des laboratoires Urgo,<br />
a répondu aux questions des internautes dans le cadre de l’émission de latribune.fr.<br />
France sur le secteur du dispositif médical.<br />
Les solutions techniques de start-up qui<br />
révolutionnent la biopsie par exemple, ou<br />
qui reconstituent des os avec des biomatériaux<br />
représentent, un levier incroyable.<br />
Il faut préserver les atouts de la France, ces<br />
PME, ces start-up qui sont bons et complémentaires<br />
en physique, en chimie, en<br />
biologie, en électronique. C’est cette<br />
alliance qui fait la diérence. Si on montre<br />
que l’on peut augmenter l’espérance de vie<br />
en gardant les gens en bonne santé, on<br />
réussira à changer l’image de l’industrie<br />
pharmaceutique. <br />
Interview réalisée par<br />
Thomas Blard et Philippe Mabille<br />
© DR<br />
© VIVASANTE
VENDREDI 17 MAI 2013 LA TRIBUNE<br />
LE BUZZ 9<br />
L’acte II de l’exception culturelle, le rapport remis lundi 13 mai par Pierre Lescure à la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti,<br />
propose de supprimer Hadopi et de confier au CSA sa mission de « réponse graduée » contre le piratage, dans une forme allégée. Il fait<br />
déjà polémique en lançant la piste de nouvelles taxes sur les smartphones et tablettes pour financer la culture à l’heure du numérique.<br />
Rapport Lescure : entre compromis,<br />
symboles… et nouvelles taxes<br />
« L’OPPOSITION ENTRE<br />
CULTURE ET NUMÉRIQUE <strong>EST</strong><br />
ARTIFICIELLE ET MORTI-<br />
FÈRE », arme Pierre Lescure.<br />
L’ancien patron de Canal+ a présenté<br />
lundi 13 mai au ministère de<br />
la Culture et de la Communication<br />
le rapport sur L’acte II de l’exception<br />
culturelle que lui avait confié<br />
la ministre, Aurélie Filippetti. Un<br />
rapport de près de 400 pages<br />
incluant 80 propositions visant à<br />
adapter la réglementation des<br />
industries culturelles aux bouleversements<br />
créés par le numérique,<br />
un exercice au demeurant<br />
assez réussi d’équilibre, de compromis<br />
et de donnant-donnant.<br />
LA COUPURE INTERNET<br />
COMME SANCTION, C’<strong>EST</strong> FINI<br />
Pierre Lescure a d’emblée<br />
confirmé la proposition la plus symbolique<br />
: la disparition de la Haute<br />
Autorité pour la diffusion des<br />
œuvres et la protection des droits<br />
sur Internet (Hadopi) et le maintien<br />
du dispositif de « réponse graduée<br />
» (succession d’avertissements)<br />
contre le piratage, dans une<br />
forme « allégée et aménagée ».<br />
Concrètement, le rapport préconise<br />
de supprimer la fameuse coupure<br />
de l’accès Internet, qui n’a jamais<br />
été appliquée mais avait suscité le<br />
plus de critiques, et de la remplacer<br />
par une amende au montant fortement<br />
réduit, ramené de 1 500 euros<br />
(maximum) à 60 euros. « Il ne<br />
semble pas souhaitable de maintenir<br />
une autorité administrative indépendante<br />
dont l’activité se limiterait à la<br />
lutte contre le téléchargement illicite<br />
», écrit le rapport.<br />
On sait que l’équipe de François<br />
Hollande voulait supprimer cette<br />
création de Nicolas Sarkozy. Les<br />
missions de l’Hadopi,<br />
dont la présidente,<br />
M a r i e - Fr a n ç o i s e >><br />
Marais, se « réjouit des<br />
recommandations de<br />
consolidation et d’évolution des missions<br />
», seraient confiées au Conseil<br />
supérieur de l’audiovisuel (CSA),<br />
qui deviendrait « le régulateur de<br />
l’ore culturelle numérique » (propositions<br />
56 et 57). Un membre de<br />
la mission confie que la mesure<br />
pourrait générer « des économies de<br />
plusieurs millions d’euros » (le budget<br />
2013 de l’Hadopi s’élève à 9 millions<br />
d’euros).<br />
Attendue, la suppression d’Hadopi,<br />
symbole de la lutte antipiratage,<br />
semble faire consensus, même<br />
Pierre Lescure espère qu’une cinquantaine des 80 propositions de son<br />
rapport – qu’il a rendu lundi 13 mai à la ministre de la Culture – seront<br />
retenues. [BERTRAND LANGLOIS/AFP]<br />
dans les milieux de la culture. Ainsi,<br />
la Sacem (société des auteurs, compositeurs<br />
et éditeurs de musique)<br />
considère que « confier l’ensemble<br />
de ces missions à une seule instance,<br />
le CSA, est une solution pragmatique<br />
et ecace ». En revanche, le<br />
Syndicat national de l’édition phonographique<br />
(Snep), qui représente<br />
les maisons de disques, a manifesté<br />
son mécontentement, fustigeant le<br />
faible montant de l’amende qui<br />
« décrédibilise sérieusement la pertinence<br />
de l’ensemble de l’édifice » de<br />
la réponse graduée. <strong>La</strong> ministre de<br />
la Culture a déclaré que l’abandon<br />
de la coupure Internet comme<br />
sanction serait mis en œuvre très<br />
rapidement, « en priorité ».<br />
LA POLÉMIQUE<br />
En parallèle, pour améliorer l’ore<br />
légale de contenus en ligne, Pierre<br />
Lescure propose d’assouplir significativement<br />
la fameuse « chronologie<br />
des médias », qui régit les<br />
fenêtres de diusion des films après<br />
leur sortie en salles (chaînes<br />
payantes, vidéo à la demande,<br />
chaînes gratuites, etc.), en avançant<br />
celle de la vidéo à la demande<br />
(VoD) à trois mois (contre quatre<br />
aujourd’hui et six mois en 2008), et<br />
à dix-huit mois celle de la VoD par<br />
abonnement à la Netflix (entreprise<br />
américaine qui propose des films en<br />
flux continu sur Internet), encore<br />
peu développée en France (Canal<br />
Play Infinity, VideoFutur, Jook<br />
Video), contre trois ans actuellement.<br />
« Trente-six mois, c’est une<br />
éternité sur Internet. Exhorter le<br />
public à la patience c’est le pousser<br />
dans les bras du piratage », a lancé<br />
Pierre Lescure, qui a appelé les professionnels<br />
à en discuter autour du<br />
Centre national du cinéma et de<br />
l’image animée (CNC), « sans<br />
attendre que Netflix ou Amazon<br />
arrivent… » Il suggère aussi de limiter<br />
les périodes où les films sont<br />
interdits de vidéo à la demande<br />
pendant une fenêtre de diusion à<br />
la télévision et d’assouplir aussi le<br />
calendrier pour les films à petit<br />
budget ou ayant mal fonctionné en<br />
salles. Il invite également les<br />
chaînes à diuser plus rapidement<br />
les séries américaines, sans<br />
attendre dix-huit mois après leur<br />
passage aux États-Unis, en accélérant<br />
la numérisation des processus<br />
de transmission.<br />
L’autre versant important, plus<br />
polémique, concerne la fiscalité et<br />
le financement des industries culturelles,<br />
ou « créatives », qui représentent<br />
« près de 3 % du PIB et<br />
autant d’emplois », a souligné la<br />
ministre. « L’objectif n’est pas de<br />
créer de nouvelles taxes », a armé<br />
Pierre Lescure. Mais son rapport en<br />
propose pourtant une flopée ! Par<br />
exemple, il propose d’étendre la<br />
taxe sur les éditeurs de services de<br />
télévision aux recettes de publicité<br />
issues de la télévision de rattrapage,<br />
d’essayer d’appliquer la taxe imposée<br />
sur la vidéo à la demande aux<br />
services gratuits financés par la<br />
publicité, comprendre YouTube et<br />
consorts, aux services non installés<br />
en France (Amazon, iTunes) et<br />
même aux constructeurs de « terminaux<br />
connectés ». Ces derniers<br />
sont particulièrement visés : le rapport<br />
propose en effet la création<br />
d’une « taxe sur les appareils<br />
connectés permettant de stocker ou<br />
de lire des contenus culturels »,<br />
smartphones, tablettes, mais aussi<br />
TV connectées et ordinateurs, indépendamment<br />
de la capacité de stockage.<br />
<strong>La</strong> ministre a minimisé ce qui<br />
serait « une contribution extrêmement<br />
faible », de l’ordre de 1 %.<br />
« C’est la redevance TV sur les ordinateurs<br />
qui revient par la fenêtre »,<br />
ironise un professionnel du secteur.<br />
« Plus simple à mettre en œuvre et<br />
plus facile à justifier qu’une taxe sur<br />
les moteurs de recherche ou la pub<br />
en ligne », ne cache pas le rapport.<br />
« En proposant une taxe sur la vente<br />
de tous les appareils connectés, le<br />
rapport ne propose rien d’autre<br />
«C’est la<br />
redevance TV<br />
sur les ordinateurs<br />
qui revient par<br />
la fenêtre. »<br />
UN PROFESSIONNEL DES NTIC<br />
qu’une nouvelle taxation massive<br />
[un taux de 1 % rapporterait 86 millions<br />
d’euros, ndlr] et aveugle, car<br />
sans considération de l’usage réel des<br />
appareils visés », a dénoncé l’association<br />
de consommateurs CLCV.<br />
« Cette proposition astucieuse<br />
pourrait se substituer à d’autres<br />
mesures fiscales ou parafiscales<br />
existantes », nuance-t-on à Bercy,<br />
comme la redevance copie privée,<br />
voire la redevance TV, à terme. Le<br />
rapport Lescure propose d’ailleurs<br />
une réflexion sur le système de la<br />
rémunération pour copie privée<br />
(disques durs, baladeurs, etc.) en<br />
prévision de l’évolution des usages,<br />
à l’ère de l’accès « n’importe quand,<br />
sur n’importe quel support » et de<br />
la lecture en flux (streaming), par<br />
le cloud. Mais « ce sont des propo-<br />
sitions. Aucun arbitrage n’a été<br />
rendu sur de nouvelles taxes »,<br />
insiste-t-on à Bercy. « On ne peut<br />
d’un côté dire qu’on ne veut plus<br />
râper sur les internautes et les racketter<br />
de l’autre », observe un bon<br />
connaisseur du dossier.<br />
LA FÉDÉRATION DES<br />
TÉLÉCOMS <strong>EST</strong> « ATTENTIVE »<br />
Les taxes proposées ne<br />
concernent pas que les ménages. <strong>La</strong><br />
Fédération française des télécoms<br />
a stoïquement salué le travail de la<br />
mission Lescure tout en se disant<br />
« très attentive » à ce que toute évolution<br />
se fasse « à enveloppe<br />
constante », car le rapport préconise<br />
une refonte de la taxe sur les services<br />
de télévision que les fournisseurs<br />
d’accès paient (dans les<br />
150 millions d’euros annuels), au<br />
profit d’une taxe sur le chire d’affaires.<br />
S’il est précisé que le taux<br />
serait calculé « de manière à ne pas<br />
alourdir la pression fiscale qui pèse<br />
sur eux », le rapport évoque d’élargir<br />
ladite taxe (TST-D, dans le jargon)<br />
afin de prendre en compte l’ensemble<br />
des services audiovisuels.<br />
Free, mais aussi SFR, ont contourné<br />
le dispositif en créant une option<br />
TV dans leurs abonnements ADSL<br />
pour minorer leur contribution.<br />
« Ce ne serait pas compatible avec<br />
l’engagement du président de la<br />
République de ne pas créer de nouvelles<br />
taxes sur les télécoms qui ne<br />
soient aectées au secteur », analyse<br />
un haut fonctionnaire.<br />
Maintenant, « ces propositions<br />
doivent être analysées et discutées »,<br />
souligne le ministère de la Culture.<br />
« Pierre Lescure s’est montré assez<br />
habile, en soumettant des propositions<br />
“gouvernables” et en jouant de<br />
ses qualités de médiateur », observe<br />
un participant au comité de pilotage<br />
interministériel. L’ancien patron de<br />
Canal+ a lui-même confié espérer<br />
que de 60 % à 70 % de ses propositions<br />
soient retenues… Mais s’agirat-il<br />
des plus importantes ou les plus<br />
anecdotiques ? DELPHINE CUNY<br />
L’ÉDITO<br />
DE PHILIPPE MABILLE<br />
TOUS LES VENDREDIS À 7H40<br />
DANS<br />
LCI MATIN<br />
WEEK-END
10<br />
LE BUZZ<br />
L’Agence internationale de l’énergie souligne la montée en puissance, beaucoup plus rapide que prévu, du<br />
pétrole non conventionnel. Cette production abondante va bouleverser l’équilibre du marché pétrolier, avec<br />
un aaiblissement du poids de l’Opep. Et sans doute accélérer une chute des prix, qui a déjà commencé.<br />
Vers un nouveau contre-choc pétrolier…<br />
LE PÉTROLE NON CONVEN-<br />
TIONNEL, extrait de la roche<br />
grâce aux techniques de fracturation<br />
hydraulique – à l’instar du gaz<br />
de schiste – avait jusqu’à maintenant<br />
un rôle marginal dans la production<br />
pétrolière mondiale. Aux<br />
États-Unis, zone<br />
principale d’extraction<br />
jusqu’à >><br />
maintenant, on<br />
en produisait<br />
110 000 barils par jour en 2001, et<br />
550 000 barils en 2011. Des prévisions<br />
à très long terme faisaient<br />
état d’une contribution plus élevée,<br />
puisque de 3 millions à 4 millions<br />
de barils par jour étaient attendus<br />
à l’horizon 2035.<br />
LE PRIX DU PÉTROLE EN<br />
BAISSE DE 40 % D’ICI À 2035<br />
Or, ce niveau de production sera<br />
atteint bien plus tôt qu’annoncé :<br />
demain, ou presque, estime<br />
l’Agence internationale de l’énergie<br />
(AIE), dans un rapport publié<br />
mardi 14 mai. <strong>La</strong> production américaine<br />
va augmenter de 3,9 millions<br />
de barils par jour d’ici à 2018,<br />
estiment les experts. Elle dépassera<br />
donc dans cinq ans le niveau encore<br />
attendu, voilà quelques semaines,<br />
pour 2035. Cette production non<br />
conventionnelle contribuera à elle<br />
seule, pour moitié, à la croissance<br />
de l’ore mondiale d’or noir hors<br />
Opep. « L’Amérique du Nord<br />
provoque actuellement un choc<br />
d’offre qui a des répercussions à<br />
travers le monde entier », arme<br />
Maria van der Hoeven, directrice<br />
exécutive de l’AIE.<br />
«L’Amérique<br />
du Nord<br />
provoque<br />
actuellement<br />
un choc d’ore qui<br />
a des répercussions<br />
à travers le monde<br />
entier. »<br />
MARIA VAN DER HOEVEN,<br />
DIRECTRICE EXÉCUTIVE DE L’AIE<br />
Cette croissance aurait lieu pour<br />
l’essentiel hors des pays de l’Opep,<br />
ce qui va bouleverser les équilibres<br />
géopolitiques. Grâce à une<br />
production intérieure croissante,<br />
les importations américaines de<br />
pétrole diminueront sensiblement<br />
(de 1 % par an en provenance<br />
de l’Opep). En 2018, les<br />
États-Unis n’importeraient plus<br />
que 1,7 million de barils par jour<br />
en provenance du Proche Orient,<br />
soit 37 % de moins qu’aujourd’hui.<br />
L’AIE souligne que le pétrole non<br />
conventionnel pourrait se développer<br />
rapidement dans d’autres<br />
pays, en Amérique latine, en<br />
Russie ou en Chine, où des possibilités<br />
existent.<br />
PÉTRO-RÉVOLUTION<br />
De quoi changer l’équilibre mondial<br />
du marché. À l’horizon 2018,<br />
la demande de pétrole atteindrait<br />
96,7 millions de barils par jour<br />
– compte tenu des projections de<br />
croissance économique, prudentes,<br />
du FMI –, tandis que<br />
l’ore atteindrait globalement<br />
103 millions de<br />
barils. L’AIE ne se prononce<br />
pas sur l’évolution<br />
des prix. Mais une étude récente<br />
de PricewaterhouseCoopers estimait<br />
que le prix du pétrole<br />
pourrait baisser de près de 40 %<br />
d’ici à 2035.<br />
<strong>La</strong> baisse a de bonnes chances<br />
d’être encore plus violente, et en<br />
tout cas plus rapide, compte tenu<br />
d’une montée en puissance exceptionnelle<br />
de la production non<br />
conventionnelle.<br />
LA TRIBUNE VENDREDI 17 MAI 2013<br />
Un véritable contre-choc pétrolier<br />
? Si le pétrole Brent passait<br />
d’une centaine de dollars le baril<br />
aujourd’hui à une cinquantaine de<br />
dollars dans quelques années, les<br />
eets économiques seraient, de<br />
fait, considérables. Le hic, c’est<br />
que si les prix chutent trop vite, ils<br />
tomberont sous les coûts de production<br />
du pétrole de schiste.<br />
Or, à l’inverse des champs pétrolifères<br />
traditionnels, l’extraction<br />
non conventionnelle peut être<br />
stoppée du jour au lendemain.<br />
Bien sûr, les techniques évoluent<br />
rapidement, autorisant une diminution<br />
des coûts. Mais on ne<br />
retrouvera pas de sitôt le pétrole<br />
à 20 dollars le baril. IVAN B<strong>EST</strong>
VENDREDI 17 MAI 2013 LA TRIBUNE<br />
Champion de France 2012-2013 de football, le PSG verra augmenter ses recettes<br />
sur les droits audiovisuels. Mais cela ne sura pas à combler son déficit.<br />
Champion ! Quelles retombées<br />
économiques pour le PSG ?<br />
« OUI, IL Y A PLUS DE MONDE<br />
QUE D’HABITUDE ! » Dès l’ouverture,<br />
lundi matin, l’auence était<br />
forte à la boutique des Champs-<br />
Élysées. Mais le Paris Saint-Germain<br />
peut-il vraiment s’attendre à<br />
voir ses recettes augmenter à la<br />
suite de sa victoire dimanche soir<br />
face à Lyon, lui orant pour la pre-<br />
mière fois depuis dix-neuf ans le<br />
titre de champion de France ?<br />
Le bonus de recettes que le club va<br />
en retirer passera surtout par… les<br />
droits télévisés. À condition que son<br />
image ne soit pas trop ternie par les<br />
émeutes qui ont gâché la fête des<br />
supporteurs le 13 mai. Ce poste<br />
représentait déjà 47 millions d’eu-<br />
ros de recettes pour le PSG sur la<br />
saison 2011-2012. Ces droits se distribuent<br />
selon le nombre de matchs<br />
diffusés, les résultats du club au<br />
cours des cinq dernières années et…<br />
son classement de l’année en cours.<br />
Deuxième du championnat en<br />
2011-2012, le PSG avait touché<br />
15 millions d’euros de droits<br />
audiovisuels à ce titre. Montpellier,<br />
arrivé premier, avait gagné<br />
18 millions d’euros. « On peut penser<br />
que le diérentiel sera comparable<br />
cette année », estime Didier<br />
Primault, économiste au Centre<br />
du droit et d’économie<br />
du sport. Le club<br />
devrait donc voir ses >><br />
droits audiovisuels<br />
augmenter cette année. Malgré la<br />
baisse générale du montant négocié<br />
par les chaînes (beIN Sport,<br />
Canal+), à 607 millions d’euros sur<br />
2012-2016, contre 668 millions<br />
sur 2008-2012. D’autant que sa<br />
victoire le qualifie pour la Champions<br />
League… ce qui augmente à<br />
nouveau ses droits télévisés.<br />
LE BUZZ 11<br />
Pour les autres revenus potentiels,<br />
Didier Primault n’y voit « pas forcément<br />
grand-chose » de substantiel.<br />
Les ventes de maillots ? « C’est difficile<br />
à dire, répond-il. Lorsque<br />
Montpellier avait gagné le titre l’an<br />
FOOTBUSINESS<br />
dernier, cela avait dû jouer parce que<br />
les joueurs, moins connus, avaient<br />
gagné en notoriété. Au PSG, l’impact<br />
était déjà fort lors des recrutements<br />
de joueurs stars » comme Ibrahimovic,<br />
Beckham…<br />
Le nombre de places ? Lui aussi<br />
avait augmenté à la suite des recrutements<br />
qataris. « Si c’est leur souhait,<br />
ils pourront augmenter le prix<br />
des places », évoque-t-il. Les sponsors<br />
? Cela tombe bien pour l’économiste,<br />
car « le PSG veut réduire le<br />
nombre de ses sponsors, mais en les<br />
faisant payer plus cher. Ce sera plus<br />
facile désormais… Cette victoire<br />
confirme qu’ils ont l’ambition, et les<br />
moyens d’être ambitieux. Ils pourront<br />
recruter des joueurs renommés<br />
plus facilement. C’est l’impact le plus<br />
important », souligne Didier Primault.<br />
Car face à ces recettes, cette<br />
victoire peut générer des coûts. En<br />
net, les droits audiovisuels seront<br />
amputés des primes promises aux<br />
joueurs. Un montant qui devrait<br />
s’élever à 400 000 euros.<br />
« AUCUNE CHANCE DE<br />
REPASSER DANS LE VERT… »<br />
« Avec des joueurs moins connus,<br />
pour les garder l’année suivante,<br />
certains clubs peuvent être amenés<br />
à augmenter les salaires. Cela<br />
s’était passé à Lille à la suite de son<br />
titre de Champion de France en<br />
2011, ajoute Didier Primault. Cela<br />
ne changera pas pour les joueurs<br />
stars du PSG, mais peut-être plus<br />
pour les autres, moins connus. »<br />
Alors, cette victoire est-elle une<br />
bonne ou une mauvaise nouvelle<br />
pour les comptes du PSG ? Le club<br />
n’a « aucune chance » de repasser<br />
dans le vert, estime Didier Primault.<br />
Ses dépenses devraient s’élever à<br />
300 millions d’euros cette année.<br />
En hausse par rapport à la saison<br />
2011-2012, du fait des nouveaux<br />
joueurs. Le club achait alors un<br />
déficit de 5,4 millions d’euros. Un<br />
montant qui aurait dû être bien<br />
plus élevé : fin 2012, le PSG a signé<br />
un contrat avec la Qatar Tourism<br />
Authority (QTA), pour les bénéfices<br />
apportés à l’image du Qatar<br />
par le club. Résultat : dans la<br />
colonne recettes, « autres produits<br />
» ache 125 millions d’euros.<br />
Mais cet apport ne permettra pas<br />
au PSG de satisfaire le fair-play<br />
financier demandé par l’UEFA : un<br />
club ne peut avoir un déficit supérieur<br />
à 45 millions d’euros, en<br />
cumulé, sur trois ans. Or, l’UEFA a<br />
prévenu que ce contrat avec la<br />
QTA n’était pas valable pour faire<br />
rentrer le club dans les clous. Et<br />
cette mesure doit s’appliquer dès<br />
l’an prochain. JESSICA DUBOIS
12<br />
L’ENQUÊTE<br />
LES FAITS Mal bâti, l’ancien<br />
pôle vinylique d’Arkema est<br />
tombé dans les mains d’un<br />
repreneur peu fiable qui n’a pas<br />
mis un euro dans l’aaire. Les<br />
candidats à la reprise doivent<br />
remettre leur ore le 14 juin.<br />
LES ENJEUX <strong>La</strong> chute de Kem<br />
One serait dramatique, car elle<br />
pourrait provoquer un eet<br />
domino susceptible d’entraîner<br />
toute la filière chimique<br />
française vers la débâcle. Un<br />
scénario qui inquiète aussi bien<br />
les syndicats que Bercy.<br />
MARIE-ANNICK DEPAGNEUX<br />
ET ODILE ESPOSITO<br />
«<br />
Gary Klesch,<br />
escroc. » Une<br />
photo à l’appui,<br />
les salariés<br />
de Kem One<br />
ne s’embarrassent pas de nuances<br />
ce mardi 9 avril 2013, fustigeant à<br />
nouveau leur actionnaire devant le<br />
palais de justice de Lyon où se tient<br />
une audience au tribunal de commerce.<br />
À l’ordre du jour, le financement<br />
de la période d’observation<br />
après le placement en redressement<br />
judiciaire, le 27 mars dernier, de la<br />
partie amont de l’ancien pôle vinylique<br />
d’Arkema concernant sept<br />
usines et 1 300 employés. Ceux-ci<br />
en veulent aussi au groupe présidé<br />
par Thierry Le Héna de les avoir<br />
vendus à cet homme d’aaires américain,<br />
installé à Genève. « C’est une<br />
machine à fermer des boîtes », martèle<br />
Grégory Benedetti, délégué<br />
syndical central FO à <strong>La</strong>vera, l’un<br />
des sites de Kem One.<br />
De fait, ce financier né en 1947<br />
dans l’Ohio s’est spécialisé peu à<br />
peu dans l’achat et le retournement<br />
d’entreprises ou d’activités en dicultés,<br />
un exercice forcément<br />
délicat auquel il s’essaiera aux<br />
États-Unis, à la fin des années 1970,<br />
en restructurant, pour le compte du<br />
Trésor américain, plusieurs compagnies<br />
ferroviaires. Puis, au début de<br />
la décennie 1990, il se tourne vers<br />
l’Europe. Comme actionnaire<br />
minoritaire, il joue les agitateurs<br />
dans les dossiers Eurotunnel ou<br />
Eurodisney.<br />
UN REPRENEUR PEU<br />
APPRÉCIÉ DES SYNDICATS<br />
En 1998 il met la main sur les<br />
chaussures Myrys et les collants<br />
Gerbe, avec une conviction : « Le<br />
label France est sous-évalué au<br />
regard de la qualité, de la création et<br />
des coûts de fabrication par rapport<br />
à ceux pratiqués en Allemagne ou<br />
aux États-Unis », explique-t-il à <strong>La</strong><br />
<strong>Tribune</strong>. Du Montebourg<br />
avant l’heure !<br />
<strong>La</strong>s, Klesch jettera<br />
l’éponge deux ans plus<br />
tard. Peu à peu, il<br />
s’oriente vers la<br />
reprise d’activités<br />
dont les grands<br />
groupes veulent se<br />
débarrasser : en 2007,<br />
le géant canadien de<br />
l’aluminium Alcan lui cède son<br />
usine néerlandaise de Vlissingen<br />
(700 salariés), héritée de Pechiney<br />
et pénalisée par la flambée des<br />
coûts de l’électricité. En 2009,<br />
Klesch persévère dans ce secteur en<br />
achetant à l’indien Tata Steel deux<br />
anciennes usines du Britannique<br />
Corus. Il jette aussi son dévolu sur<br />
des raneries et reprend en 2010 à<br />
Shell son unité de Heide, en Allemagne.<br />
Avant de s’intéresser, début<br />
2012, à… la ranerie Petroplus de<br />
Petit-Couronne, en Normandie.<br />
« Lorsque Gary Klesch est venu<br />
nous voir, fin 2010, pour s’informer<br />
sur notre pôle vinylique, il s’est présenté<br />
comme un spécialiste des<br />
grandes commodités, indique Gilles<br />
Galinier, directeur de la communication<br />
externe d’Arkema. Il avait<br />
fait des deals sérieux avec Alcan,<br />
Shell et Corus et n’était pas un<br />
inconnu des milieux d’aaires. » Les<br />
syndicats, eux, sont méfiants. D’autant<br />
qu’en décembre 2011, en pleine<br />
négociation avec Arkema, Klesch<br />
dépose le bilan de l’usine d’alumi-<br />
nium de Vlissingen, rebaptisée<br />
Zalco. « Cela nous a gênés dans le<br />
processus social », reconnaît Gilles<br />
Galinier. « <strong>La</strong> raison invoquée par<br />
Klesch est une taxation inattendue,<br />
imposée par le pays ou la région, sur<br />
le coût de transport de l’électricité »,<br />
a expliqué Bernard Boyer, le directeur<br />
de la stratégie d’Arkema,<br />
devant la Commission des aaires<br />
économiques de l’Assemblée nationale,<br />
le 3 avril dernier. Pas de quoi<br />
rassurer les salariés. Dans son<br />
rapport remis en mars 2012 au<br />
comité d’entreprise, le cabinet<br />
Secafi Alpha constate ainsi que,<br />
« malgré une présence affirmée<br />
depuis les années 1990 dans la<br />
reprise d’entreprises, Klesch n’est<br />
pas parvenu à s’imposer comme<br />
redresseur d’entreprises en diculté<br />
comme Butler Capital ou Caravelle,<br />
LA TRIBUNE VENDREDI 17 MAI 2013<br />
DÉSINDUSTRIALISATION Après la sidérurgie, c’est au tour de la filière chim<br />
KEM ONE, UN DÉSASTR<br />
Après les aaires<br />
Mittal et Dailymotion,<br />
le cas de Kem One<br />
relance le débat sur la<br />
fiabilité d’actionnaires<br />
sans aectio societatis.<br />
© DR<br />
Né en 1947 dans l’Ohio, le financier Gary Klesch, repreneur du pôle vinylique d’Arkema,<br />
s’est spécialisé dans le rachat d’entreprises en diculté. [ DENIS BALIBOUSE / REUTERS]<br />
«Gary Klesch<br />
[le repreneur<br />
de Kem One] est<br />
une machine à<br />
fermer des boîtes. »<br />
GRÉGORY BENEDETTI,<br />
DÉLÉGUÉ SYNDICAL<br />
CENTRAL FO À LAVERA<br />
«Gary Klesch<br />
n’était<br />
pas un inconnu<br />
des milieux<br />
d’aaires. »<br />
GILLES GALINIER, DIRECTEUR<br />
DE LA COMMUNICATION EXTERNE<br />
D’ARKEMA<br />
ni à constituer un petit groupe composé<br />
de sociétés qu’il aurait souhaité<br />
conserver plusieurs années ».<br />
Malgré ces réserves, Arkema<br />
boucle la cession en juillet 2012. Le<br />
pôle, rebaptisé Kem One, se compose<br />
de deux entités juridiques,<br />
l’une regroupant l’activité amont de<br />
fabrication de chlore, de soude et de<br />
PVC, et l’autre la production de profilés,<br />
tubes et mélanges (compounds),<br />
à destination surtout du<br />
bâtiment et de l’automobile. Très<br />
vite, toutefois, l’amont connaît des<br />
dicultés, jusqu’au dépôt de bilan<br />
de la fin de mars. Les deux camps se<br />
rejettent mutuellement la responsabilité<br />
de la débâcle.<br />
Gary Klesch « a acheté cette<br />
branche sur la base d’un budget<br />
prévisionnel non conforme à la réalité<br />
», assure Alain Ribeyre, avocat<br />
© HEXIMAGE/ARKEMA
VENDREDI 17 MAI 2013 LA TRIBUNE<br />
de Kem One. « Convaincu d’avoir<br />
aaire à des professionnels sérieux,<br />
il pensait donc que ce business<br />
atteindrait l’équilibre financier rapidement.<br />
» L’affaire a été portée<br />
devant le tribunal arbitral et Gary<br />
Klesch réclame 310 millions d’indemnités.<br />
Des accusations évidemment<br />
réfutées par Arkema : « En<br />
dix-huit mois de discussions, il a eu<br />
le temps de tout analyser », rétorque<br />
Gilles Galinier.<br />
UNE CESSION GÉNÉREUSE<br />
ET TROP HÂTIVE ?<br />
Une opération menée trop rapidement<br />
? Un des grands acteurs du<br />
métier dit sa surprise : « Arkema a<br />
eectué cette cession trop vite et de<br />
manière un peu irresponsable car ils<br />
avaient laissé cet actif se détériorer. »<br />
Pour autant, « cette opération ne<br />
nous a pas surpris sur le fond car elle<br />
entrait dans la stratégie du groupe.<br />
Il n’avait certainement pas en tête de<br />
tromper qui que ce soit ».<br />
D’ailleurs, Arkema s’est montré<br />
généreux, cédant pour 1 euro cette<br />
division pesant, en 2012, 1,1 milliard<br />
d’euros de chire d’aaires et comptant<br />
22 usines. Il avait au préalable<br />
nettoyé le bilan des dizaines de millions<br />
de dettes – la branche est déficitaire<br />
depuis 2008 – et apporté<br />
99,5 millions d’euros : 60 millions<br />
en trésorerie et près de 40 millions<br />
de garanties vis-à-vis de Total, fournisseur<br />
de premier rang de Kem<br />
One pour l’éthylène, indispensable<br />
à la fabrication de PVC et produit<br />
par le vapocraqueur de <strong>La</strong>vera.<br />
Autant d’argent qui, selon la coordination<br />
syndicale CGT de Kem<br />
One, « a été soustrait par Klesch ».<br />
« En l’état, il est faux de dire que des<br />
remontées de cash auraient été faites<br />
au profit de sociétés au-dessus,<br />
rétorque M e Ribeyre. Il est dans l’air<br />
du temps de jeter l’opprobre sur ces<br />
Américains qui prendraient l’oseille<br />
et s’en iraient. »<br />
Qui dit vrai ? L’expert judiciaire<br />
désigné par le tribunal « est là pour<br />
clarifier les choses », observe Bruno<br />
Sapin, l’administrateur judiciaire.<br />
Et le cas échéant, le procureur de la<br />
République pourrait déposer une<br />
plainte. Même réponse d’Yves<br />
Chavent, président du tribunal de<br />
commerce, qui s’interroge « sur une<br />
telle déconfiture en si peu de temps ».<br />
Le passif global en cours d’évaluation<br />
s’établirait autour de 200 millions<br />
à 250 millions d’euros.<br />
« Aux arrêts quinquennaux programmés<br />
de notre usine pétrochi-<br />
mique de Fos, et du vapocraqueur<br />
Total de <strong>La</strong>vera, en octobre et<br />
novembre, s’est ajouté l’incendie de<br />
ce vapocraqueur le 22 décembre.<br />
Deux mois durant, nous n’avons été<br />
approvisionnés en éthylène qu’à hauteur<br />
de la moitié de nos besoins »,<br />
indique Didier Le Vely, secrétaire<br />
général de Kem One. Peut-être<br />
l’incident de trop pour Gary Klesch<br />
dont la devise est : « <strong>La</strong> lumière au<br />
bout du tunnel. » Trois jours après<br />
avoir pris possession de cette<br />
branche, il avait dû déplorer le<br />
départ subit et non expliqué d’Otto<br />
Takken, le patron du pôle vinylique<br />
d’Arkema, son interlocuteur privilégié<br />
tout au long des tractations,<br />
qui devait occuper les fonctions de<br />
PDG. Depuis lors, Gary Klesch<br />
assurait lui-même la gestion de<br />
l’entreprise française, dont il ignorait<br />
tout du métier.<br />
RUMEURS D’UN DÉCOUPAGE<br />
PAR APPARTEMENTS<br />
Sur le plan financier, contrairement<br />
à ce qu’il avait annoncé,<br />
l’homme d’aaires « n’a pas dépensé<br />
un seul euro », assurent en chœur<br />
les acteurs du dossier. Il n’a pas<br />
lancé le plan d’investissements de<br />
400 millions d’euros promis dans<br />
cette activité très consommatrice<br />
d’énergie, qui nécessite des optimisations<br />
régulières pour réduire la<br />
facture en la matière.<br />
Le 27 mars, les juges ont confié à<br />
M e Sapin une mission<br />
totale d’administration,<br />
assisté de <strong>La</strong>urence Dessertois,<br />
laquelle avait<br />
tenté une conciliation à la<br />
fin de janvier. Dans le<br />
même temps, ils ont retiré<br />
à Gary Klesch la gestion<br />
opérationnelle « pour éviter<br />
les problèmes dus à la<br />
défiance ». Le 9 avril, ils<br />
ont entériné le financement<br />
jusqu’au 30 juin de<br />
la période d’observation,<br />
initialement fixée jusqu’au 27 septembre.<br />
« Cette date est perfectible »,<br />
de l’avis de M e Ribeyre. Arkema s’est<br />
engagé à contribuer à hauteur de<br />
68,7 millions d’euros : 30 millions<br />
en cash et le reste en reconstitution<br />
de garanties diverses. De son côté,<br />
Kem One Trésorerie met 12 millions<br />
issus de l’apport initial<br />
d’Arkema. Total a, lui, concédé des<br />
abattements sur les prix de l’éthylène<br />
équivalant à une économie de<br />
« 7 à 10 millions d’euros », selon<br />
Didier Le Vely.<br />
Les candidats à la reprise doivent<br />
remettre leur ore le 14 juin et le<br />
tribunal les examinera le 9 juillet.<br />
« Ces délais très courts, certainement<br />
dus au problème de trésorerie,<br />
L’ENQUÊTE 13<br />
ique française d’être menacée. En cause : un repreneur qui n’investit pas…<br />
E INÉVITABLE ?<br />
© JOHANNA LEGUERRE/AFP<br />
«C’est dans l’air<br />
du temps : jeter<br />
l’opprobre sur ces<br />
Américains qui<br />
prendraient l’oseille<br />
et s’en iraient. »<br />
M E RIBEYRE, AVOCAT DE KEM ONE<br />
© JDR<br />
Le site Kem One de Fos-sur-Mer<br />
(Bouches-du-Rhône). [DR]<br />
«<strong>La</strong> chute de<br />
ce pôle serait<br />
dramatique pour<br />
la filière chimique<br />
française. »<br />
DIDIER LE VELY,<br />
SECRÉTAIRE GÉNÉRAL<br />
DE KEM ONE<br />
400<br />
millions<br />
d’euros, c’est<br />
ce que Gary<br />
Klesh, le<br />
repreneur,<br />
avait promis<br />
d’investir. En<br />
fait, « il n’a pas<br />
dépensé un<br />
seul euro ».<br />
nous inquiètent fortement »,<br />
déplore la CFDT. « À ce jour tous<br />
les signaux sont au rouge, les salariés<br />
perdent confiance sur la possibilité<br />
d’un repreneur pour toute<br />
l’activité. Les rumeurs vont bon<br />
train sur la possibilité d’un découpage<br />
par appartements. »<br />
« TOTAL ET ARKEMA<br />
SONT DES PARTENAIRES »<br />
Le futur de Kem One risque fort<br />
d’être encore plus compliqué après<br />
l’annonce, le 7 mai dernier, par l’anglais<br />
Ineos, leader européen du secteur,<br />
et son rival franco-belge Solvay,<br />
de leur intention de rapprocher<br />
leurs activités chloro-vinyliques<br />
respectives dans une coentreprise à<br />
50/50. Et ce, pour donner naissance<br />
à un champion d’envergure mondiale,<br />
pesant 4,3 milliards d’euros de<br />
chire d’aaires (pro-forma 2012).<br />
<strong>La</strong> lettre d’intention prévoit que,<br />
dans un délai de quatre à six ans,<br />
Ineos acquière les 50 % de Solvay<br />
qui n’a jamais caché son intention<br />
de se retirer de ce métier.<br />
Ce faisant, il s’agit pour les partenaires<br />
de cette future JV d’optimiser<br />
leur consommation d’énergie et<br />
les achats de matières premières<br />
(éthylène), deux postes de dépenses<br />
cruciaux. Aussi bien Ineos que<br />
Solvay ont un pied dans un vapocraqueur,<br />
ce qui n’est pas le cas de Kem<br />
One. Quand il a « externalisé » sa<br />
chimie pour créer Arkema, en<br />
2004, Total a choisi, en<br />
eet, de conserver la raf-<br />
finerie de <strong>La</strong>vera, prenant<br />
le risque de donner naissance<br />
à une entité fragile.<br />
Dans un marché européen<br />
du PVC en surcapacité,<br />
du fait d’une baisse<br />
de la consommation<br />
depuis le début de la crise,<br />
l’effet ciseau s’est exacerbé<br />
: « Nous n’arrivons<br />
pas à répercuter les<br />
hausses des tarifs de<br />
l’éthylène et de l’énergie. Ces<br />
derniers pèsent pour 75 % à 80 %<br />
sur les prix de vente de nos PVC »,<br />
précise Didier Le Vely. « Nous<br />
demandons aujourd’hui un juste<br />
partage des marges. Par ailleurs,<br />
Total et Arkema, avec lesquels<br />
nous cohabitons sur certains sites,<br />
sont des partenaires incontournables<br />
dans la recherche de solutions,<br />
martèle le secrétaire général<br />
de Kem One. <strong>La</strong> chute de ce pôle<br />
serait dramatique pour la filière<br />
chimique française en raison de<br />
l’interdépendance de la filière. »<br />
Un possible effet domino qui<br />
inquiète aussi bien les syndicats que<br />
Bercy, où l’on cherche à éviter un<br />
nouveau désastre industriel.
14<br />
ENTREPRISES & INNOVATION<br />
LA TRIBUNE VENDREDI 17 MAI 2013<br />
<strong>La</strong> France regarde passer<br />
le train des Fab<strong>La</strong>bs<br />
FAITES-LE VOUS-MÊMES Inventés pas les Californiens, les<br />
Fab<strong>La</strong>bs se développent partout dans le monde, mais pas dans<br />
l’Hexagone. Ces ateliers numériques permettent pourtant à<br />
n’importe qui de tester son idée et de créer son prototype. C’est<br />
une conception totalement nouvelle des modes de production que<br />
le gouvernement voudrait développer. Mais c’est lent… très lent.<br />
JEAN-PIERRE GONGUET<br />
Vu de loin, cela ressemble<br />
à un garage<br />
pour bidouilleurs.<br />
Vu de près, c’en est<br />
exactement un.<br />
C’est d’ailleurs pourquoi les<br />
Fab<strong>La</strong>bs croissent et se multiplient<br />
en Californie. Là où l’université<br />
Stanford les a inventés et<br />
codifiés il y a plus de dix ans. Là<br />
où, dans d’autres garages à<br />
bidouilleurs, s’est construite la<br />
Silicon Valley. Question de<br />
culture. À Manchester, à Malmoe,<br />
à Tel Aviv, au Caire ou à Barcelone,<br />
les Fab<strong>La</strong>bs fleurissent. Ils<br />
décollent un peu partout dans le<br />
monde, mais les Français,<br />
empreints de leur habituel scepticisme,<br />
réfléchissent encore.<br />
Nicolas Sarkozy a essayé d’accélérer<br />
leur développement avec le<br />
grand emprunt ; Jean-Marc<br />
Ayrault a, lui, symboliquement<br />
prononcé son discours sur le<br />
numérique dans le « Fac<strong>La</strong>b » de<br />
l’université de Cergy Pontoise<br />
(Fac<strong>La</strong>b, pour laboratoire de<br />
faculté), et Fleur Pellerin a twitté<br />
le 10 décembre 2012 « Oui, nous<br />
FOCUS<br />
voulons des #fablab partout en<br />
France ». Mais le décollage est<br />
poussif. Fleur Pellerin aimerait<br />
beaucoup, dit-on, que les espaces<br />
publics numériques (EPN) se<br />
transforment en Fab<strong>La</strong>bs, mais<br />
ce n’est pas gagné. Pourtant, un<br />
Fab<strong>La</strong>b, ce n’est ni cher ni<br />
compliqué. Le Fab<strong>La</strong>b est un<br />
atelier totalement ouvert dans<br />
lequel chacun peut trouver des<br />
machines à commandes numériques<br />
et fabriquer un objet. <strong>La</strong><br />
liste des machines possibles est<br />
très longue et l’université Stanford<br />
les recense en permanence.<br />
Mais un bon Fab<strong>La</strong>b peut fonctionner<br />
avec une configuration<br />
relativement simple : découpeuses<br />
laser, fraiseuses numériques,<br />
imprimantes 3D et tout<br />
un tas de petits instruments pour<br />
bidouiller. Entre 60 000 et<br />
80 000 euros de matériel, pas<br />
plus. Après, le principe est<br />
simple. Il se résume à trois lettres<br />
emblématiques de la culture californienne<br />
: DIY, « Do It Yourself<br />
». Avec un bon logiciel de<br />
CAO pour virtualiser une idée,<br />
une imprimante 3D peut tout<br />
faire, des jouets comme des bras<br />
articulés, une reproduction de la<br />
Barcelone, la FabCity en Open Source<br />
Tomas Diez est né à Caracas, a étudié au MIT<br />
et à <strong>La</strong> Havane. Il a inventé un réseau social<br />
(Ouishare), dirigé le Fab<strong>La</strong>b de Lima, et s’occupe<br />
désormais du Fab<strong>La</strong>b le plus ambitieux<br />
d’Europe, celui de Barcelone. Son idée ?<br />
Transformer Barcelone en « FabCity », une<br />
immense communauté interconnectée de<br />
Fab<strong>La</strong>bs implantés dans tous les quartiers. Avec<br />
le très créatif Institut catalan d’architecture<br />
avancée (IAAC), il s’est mis en tête de réinventer<br />
Barcelone autour des Fab<strong>La</strong>bs et du numérique.<br />
Un peu comme en 1992 lorsque<br />
Barcelone avait été totalement reconfigurée<br />
avec les JO. Il y en aura partout, y compris dans<br />
les endroits les plus défavorisés de la capitale<br />
catalane. À chaque quartier son Fab<strong>La</strong>b, les<br />
Venus de Milo ou un robot faucheur<br />
de maïs. « DIY », mais<br />
aussi, explique Fabien Eychenne,<br />
chef de projet à la Fondation<br />
Internet nouvelle génération<br />
(FING), qui est allé visiter ce qui<br />
se faisait de mieux dans le monde<br />
du Fab<strong>La</strong>b, « DIWO », « Do It<br />
With Others ».<br />
UNE R&D À BON MARCHÉ<br />
POUR LES GRANDS GROUPES<br />
« Le Fab<strong>La</strong>b, c’est transdisciplinaire,<br />
explique Nathalie Routin<br />
de la FING, elle aussi. Le numérique<br />
permet de tout faire, mais ce<br />
ne sont pas les machines qui sont<br />
les plus importantes. C’est la<br />
manière dont on travaille<br />
ensemble, dont on se frotte aux<br />
autres. On arrive dans le Fab<strong>La</strong>b<br />
avec son idée. Elle n’est pas forcément<br />
entièrement formalisée, mais<br />
le numérique permet de passer au<br />
prototype quasi immédiatement et<br />
de tester, de discuter, de peaufiner.<br />
Les grandes entreprises ont réalisé<br />
que l’innovation ne venait plus<br />
d’elles, mais de petites structures,<br />
et ont parfaitement compris l’intérêt<br />
des Fab<strong>La</strong>bs. Renault en a initié<br />
un en interne : n’importe qui<br />
peut aller y bidouiller et tester. »<br />
habitants les géreront eux-mêmes. Chacun travaillera<br />
pour ses besoins locaux, mais ils auront<br />
une spécificité, comme le « Fab<strong>La</strong>b green » pour<br />
les matières premières. D’après Tomas Diez,<br />
dans cinq ans, tout le monde aura ou pourra<br />
avoir une imprimante 3D chez soi. Certaines ne<br />
valent que 1 800 euros, d’autres 800 ou même<br />
500 euros livrées en kit. Chacun pourra devenir<br />
producteur, faire ses verres, réparer son aspirateur<br />
ou inventer un piquet de tente révolutionnaire.<br />
Le Fab<strong>La</strong>b barcelonais s’est ainsi fait<br />
connaître pour sa Fab<strong>La</strong>bHouse : les plans sont<br />
sur le Web, libres et tout le monde peut la<br />
construire. Il vient aussi de créer des chaussures<br />
biodégradables mais ne va peut-être pas<br />
les faire breveter. Open source. <br />
Renault a, comme toutes les<br />
grosses structures, des services de<br />
recherche et développement trop<br />
lourds et trop lents. Le constructeur<br />
a donc entrepris de favoriser<br />
l’innovation en interne et, avec les<br />
outils des Fab<strong>La</strong>bs, cela va beaucoup<br />
plus vite tout en étant nettement<br />
moins cher. Le groupe<br />
s’est peut-être inspiré de l’expérience<br />
de Ford, qui passe beaucoup<br />
de temps dans le TechShop<br />
de Detroit pour voir les « makers »<br />
bidouiller leurs innovations.<br />
Fabien Eychenne cite d’ailleurs le<br />
PDG de Ford, Bill Coughlin, qui<br />
explique comment son entreprise<br />
suit ces bidouilleurs – souvent de<br />
très bons inventeurs mais pas<br />
forcément de bon commerciaux<br />
ou gestionnaires –, et comment<br />
Ford les aide (en achetant éventuellement<br />
les idées qui l’intéressent).<br />
Dans un autre registre,<br />
les biscuits Poult, le numéro un<br />
des biscuits en marque blanche<br />
(et inventeur du biscuit antistress),<br />
ont adopté la même<br />
démarche. Le groupe SEB avec<br />
EM Lyon vient aussi de se lancer<br />
dans l’aventure Fab<strong>La</strong>b et Airbus<br />
travaille avec le Fab<strong>La</strong>b de<br />
Toulouse, Artilect.<br />
Fabrication d’imprimantes 3D RepRap dans un atelier<br />
Fab<strong>La</strong>b à l’IAAC de Barcelone. [ BAFLAB BARCELONA IAAC]<br />
D’ailleurs de manière assez étonnante,<br />
les ruraux semblent parfois<br />
plus intéressés que les urbains.<br />
Didier Galet est maire de Savins,<br />
446 habitants dans la Seine-et-<br />
Marne, dont le dernier café vient<br />
de fermer. Le numérique, c’est la<br />
survie possible de son village dortoir<br />
pour travailleurs parisiens.<br />
Lui en est à l’étape Living<strong>La</strong>b :<br />
espace de 220 m 2 entièrement<br />
connecté, ouvert jour et nuit,<br />
dédié au télétravail, à la formation<br />
à distance. Il est de plus en plus<br />
fréquenté, les gens réfléchissent,<br />
discutent ensemble, initient des<br />
projets. Savins est dans un parc<br />
régional et commence à travailler<br />
sur la filière chanvre, lance des<br />
projets sur la télémédecine, sur les<br />
filières locales de bois…<br />
QUAND UN VILLAGE ISOLÉ<br />
DEVIENT « THE PLACE TO BE »<br />
Au fur et à mesure, les habitants<br />
vont vouloir faire et Savins passera<br />
logiquement au Fab<strong>La</strong>b. <strong>La</strong><br />
volonté de Didier Galet est d’apporter<br />
des solutions locales à des<br />
problèmes locaux. Tout en travaillant<br />
en réseau avec les grands<br />
de ce monde : le maire de Savins<br />
a même passé un accord avec les<br />
Fab<strong>La</strong>bs de Barcelone et de Malmoe<br />
! « Il faut aller voir à Barcelone<br />
comme cela fourmille,<br />
explique-t-il. Il n’existe aucun<br />
préjugé dans le Fab<strong>La</strong>b catalan.<br />
Tout le monde se fiche de connaître<br />
la taille de Savins, seule les intéressait<br />
l’idée sur laquelle nous<br />
s o u h a i t i o n s t ra va i l l e r. E n<br />
revanche, chez nous, il faut se<br />
battre constamment pour faire<br />
comprendre notre logique économique.<br />
Même auprès de l’agence
VENDREDI 17 MAI 2013 LA TRIBUNE<br />
À Biarne, dans le Jura, l’association Net-Iki<br />
a ouvert le premier Fab<strong>La</strong>b rural. [DR]<br />
de développement économique. »<br />
Et il soupire sur « la capacité de<br />
nuisance économique phénoménale<br />
chez les institutionnels ».<br />
Autre cas, Biarne, village du<br />
Jura, à 40 kilomètres de Besançon,<br />
encore plus petit que Savins :<br />
363 habitants. Mais c’est « Le »<br />
lieu où il faut être : le premier<br />
Fab<strong>La</strong>b rural. Créé par l’associa-<br />
Avec les Fab<strong>La</strong>bs,<br />
il devient presque<br />
facile de trouver son<br />
petit marché et<br />
d’amortir un produit.<br />
tion Net-Iki – constituée en 2008<br />
parce que Biarne était en zone<br />
blanche –, c’est le premier Fab<strong>La</strong>b<br />
rural qui essaime. Sept autres sont<br />
actuellement en gestation, dont<br />
un à Dijon : Kelle Fabrik sur la<br />
broderie et les bijoux. Certes, le<br />
conseil général n’a accordé que<br />
5 000 euros de subventions ;<br />
certes, il a fallu se servir d’une<br />
salle de classe inutilisée pour installer<br />
le matériel, mais presque<br />
tout y est (il faut quand même<br />
faire quelques kilomètres pour<br />
utiliser la fraiseuse numérique<br />
d’un artisan du coin). Désormais,<br />
à Biarne, on bricole sévère. Et,<br />
malgré le faible débit de 2 mégabits,<br />
Biarne a organisé sa première<br />
journée internationale de travail,<br />
le 6 mai, avec une quinzaine de<br />
Fab<strong>La</strong>bs européens connectés.<br />
Tout cela reste balbutiant. Au<br />
niveau industriel comme au niveau<br />
rural. Mais l’idée est là et pour peu<br />
qu’un ou deux bidouilleurs fassent<br />
fortune (le Chinois qui a inventé<br />
l’aspirateur sans manche dirigeable<br />
avec Bluetooth ?), les<br />
Fab<strong>La</strong>bs devraient logiquement<br />
exploser. Aux États-Unis, un professeur<br />
de robotique a, lui, très<br />
rapidement compris qu’il y avait<br />
une idée et un marché. Il a lancé en<br />
2006 le premier TechShop. Même<br />
principe que le Fab<strong>La</strong>b, mais en<br />
version commerciale et<br />
business : une grande<br />
surface de 1 500 m 2<br />
bourrée de machines<br />
numériques, une adhésion<br />
pas trop chère et<br />
un slogan « What do<br />
you want to make ? » Ce<br />
« Qu’avez-vous envie de<br />
créer ? » a marché et une dizaine<br />
de Tech Shops ont depuis été<br />
ouverts de San Francisco à New<br />
York en passant par les citées<br />
industrielles Detroit et Pittsburgh.<br />
LA COQUE POUR IPAD <strong>EST</strong><br />
NÉE DANS UN TECHSHOP<br />
Ces TechShops permettent la<br />
croissance d’une économie de<br />
niche dont les entreprises ne<br />
peuvent s’occuper : avec cette<br />
réduction à trois fois rien du<br />
temps et du coût du prototypage<br />
d’une idée, il devient presque<br />
facile de trouver son petit marché<br />
et d’amortir un produit. Et les<br />
coûts ne peuvent que baisser.<br />
L’inventeur de la « Dodocase » (la<br />
coque pour iPad) a ainsi créé son<br />
premier modèle dans un Tech-<br />
Shop pour 500 dollars. Il a testé<br />
le marché, puis a embauché des<br />
gens qui sont allés produire<br />
d’autres Dodocase dans d’autres<br />
TechShops. Et quand son business<br />
ENTREPRISES & INNOVATION 15<br />
Avec une imprimante 3D, un Fab<strong>La</strong>b peut concrétiser n’importe quelle idée. Les grands groupes<br />
travaillent de plus en plus avec ces ateliers. Ainsi, Airbus, avec Artilect, à Toulouse. [ARTILECT]<br />
a vraiment décollé, il a lancé la<br />
production massive en Chine de<br />
Dodocase qu’il vend 80 dollars.<br />
C’<strong>EST</strong> LE RÈGNE<br />
DU CIRCUIT COURT<br />
Une deuxième révolution technique<br />
est à l’œuvre. Les Fab<strong>La</strong>bs<br />
utilisent des outils numériques<br />
qui n’ont pas été conçus pour eux,<br />
mais qui, petit à petit, produisent<br />
en interne les machines dont ils<br />
ont besoin. Le meilleur exemple<br />
est l’imprimante 3D RepRap : elle<br />
est composée de pièces qui ont été<br />
construites par l’imprimante précédente.<br />
Cette RepRap va bientôt<br />
être capable de produire la totalité<br />
du futur modèle de la RepRap.<br />
C’est le Fab<strong>La</strong>b 3.0. Il existera<br />
vraisemblablement avant 2020.<br />
Puis, selon le MIT et le CEA, arriveront<br />
les Fab<strong>La</strong>bs 4.0, où l’on<br />
parlera de la matière elle-même.<br />
L’immense avantage des Fab<strong>La</strong>bs<br />
est donc, dans un monde en crise<br />
économique et avec des matières<br />
premières et une énergie de plus<br />
en plus chères, de pouvoir<br />
répondre de manière quasi gratuite<br />
à des demandes précises et<br />
locales. C’est le règne du circuit<br />
court et c’est ce que Barcelone a<br />
compris (lire encadré).<br />
L’immense désavantage des<br />
Fab<strong>La</strong>bs c’est le DIY. Les Français<br />
ne sont pas du tout habitués à ce<br />
type de comportement, à ce type<br />
de production. Hormis quelques<br />
artistes spécialisés dans le numérique<br />
ou quelques ingénieurs fréquentant<br />
les Summer<strong>La</strong>bs<br />
(grandes réunions de bidouilleurs,<br />
de hackers, d’ingénieurs, la prochaine<br />
aura lieu à Nantes, début<br />
juillet), les Français regardent la<br />
chose avec la même méfiance que<br />
les super-technos du Minitel<br />
considéraient les garages de la<br />
Silicon Valley du début des années<br />
1990. Comme le disait un étudiant<br />
du Fac<strong>La</strong>b de Cergy Pontoise lors<br />
de la visite de Jean-Marc Ayrault :<br />
« On est dans la même situation<br />
qu’il y a quinze ou vingt ans,<br />
l o rs q u e l ’A N P E a va i t d e s<br />
demandes de webmasters et n’avait<br />
aucune idée de ce que cela pouvait<br />
être. En 2013, l’université et Pôle<br />
Emploi ont le même problème avec<br />
les FabManagers. »
16<br />
TERRITOIRES / FRANCE<br />
NAVIGUER EN VILLE Disparues depuis plus de soixante ans, les<br />
navettes fluviales font leur retour sur les rives de la Garonne, dans<br />
la capitale aquitaine. Ce serait banal si ces bateaux-bus futuristes<br />
n’étaient pas à la pointe de la technologie : ils peuvent fonctionner<br />
en mode hybride, électrique ou diesel. Une innovation mondiale.<br />
NICOLAS CÉSAR, À BORDEAUX,<br />
OBJECTIF A<strong>QUI</strong>TAINE<br />
« <strong>La</strong> d e r n i è r e<br />
navette fluviale<br />
à B o rd e a u x<br />
remonte à 1947.<br />
Cela fait dixhuit<br />
ans que je propose de faire<br />
revivre ce fleuve », s’enthousiasme<br />
Philippe Dorthe, conseiller général<br />
(PS) de Gironde. Le combat a été<br />
long. Plusieurs projets ont échoué.<br />
Mais celui-là a tous les atouts pour<br />
séduire, y compris d’autres villes<br />
dans le monde, bordées ou traversées<br />
par un fleuve, tant la nouvelle<br />
navette, baptisée Batcub, mise en<br />
service début mai par la Communauté<br />
urbaine de Bordeaux (CUB)<br />
est innovante. Ce navire « doux »,<br />
long de 19 mètres, peut voguer<br />
trois heures en tout électrique et<br />
se recharge pendant la navigation<br />
en « mode hybride ». « Je ne<br />
connais pas d’autres bateaux qui<br />
proposent à la fois l’hybride, l’électrique,<br />
le diesel et sont capables de<br />
naviguer à 15 nœuds », avance<br />
Emmanuel Martin, le patron du<br />
chantier Dubourdieu.<br />
UNE VITRINE POUR<br />
LE SAVOIR-FAIRE BORDELAIS<br />
Autre spécificité, « c’est un catamaran,<br />
qui, grâce à des carènes très<br />
fines, coupe l’eau, ne rebondit pas,<br />
ce qui assure un certain confort de<br />
navigation sur un fleuve réputé difficile<br />
», ajoute-t-il.<br />
Un concept qui a vocation à s’exporter.<br />
Pour Bordeaux, c’est une<br />
vitrine de son savoir-faire dans le<br />
nautisme. Car ces innovations ont<br />
été réalisées par un groupement<br />
d’entreprises locales, piloté par le<br />
chantier Dubourdieu (2 millions<br />
d’euros de chiffre d’affaires),<br />
entreprise basée à Gujan-Mestras<br />
sur le bassin d’Arcachon, spécialiste<br />
des pinasses depuis un siècle.<br />
Constructions Aluminium Inox,<br />
également à Gujan-Mestras, en a<br />
fabriqué les coques, Orion Naval<br />
Engineering (Canéjan) en a réalisé<br />
les études, tandis que Saft, qui<br />
a une usine et un centre de<br />
recherche mondial à Bordeaux, a<br />
développé les batteries lithiumion.<br />
Dans ce consortium girondin,<br />
un Nantais, ECA-EN, groupe français<br />
de robotique et d’aéronautique,<br />
apporte son savoir-faire<br />
pour la propulsion.<br />
« <strong>La</strong> traversée avec cette navette<br />
coûte le prix d’un ticket de tramway<br />
», souligne Vincent Feltesse,<br />
le président de la CUB. Ce bateaubus<br />
est intégré au réseau de transport<br />
de la CUB et a vocation à<br />
devenir le quatrième maillon du<br />
système de transports en commun<br />
de la collectivité.<br />
<strong>La</strong> navette assure deux liaisons<br />
rapides toutes les 15 minutes aux<br />
heures de pointe (7 h-10 h et<br />
16 h-19 h) entre le Bas Lormont-<br />
Claveau et Stalingrad-Quinconces.<br />
Les traversées s’eectuent<br />
en 4 minutes, contre 20 minutes<br />
en tramway. Le reste de la journée<br />
et les week-ends, une liaison de<br />
cabotage avec une fréquence de<br />
45 minutes est assurée entre le<br />
Bas Lormont et la place Stalingrad<br />
en 40 minutes, avec cinq<br />
escales. Elle devrait séduire les<br />
touristes, mais aussi les Bordelais<br />
désireux de voir leur ville « autrement<br />
». Chaque bateau-bus<br />
pourra transporter 45 passagers<br />
et six vélos. 200 000 voyageurs<br />
par an sont attendus.<br />
LA TRIBUNE VENDREDI 17 MAI 2013<br />
Bordeaux lance des bateaux-bus<br />
hybrides, uniques au monde<br />
Batcub, la nouvelle navette hybride, dispose de 3 heures<br />
d’autonomie et se recharge pendant la navigation. [LACUB]<br />
!"#$%&'()!)*+'<br />
Repères<br />
1,8 MILLION D’EUROS ( Le coût<br />
total des deux bateaux-bus.<br />
1,4 EURO ( Le prix par voyage,<br />
comme pour les tramway et bus.<br />
4 MINUTES ( Durée de la traversée.<br />
45 PLACES ( dont 30 assises ;<br />
emplacements pour deux fauteuils<br />
roulants et six vélos.<br />
2 LIAISONS RAPIDES ( Toutes les<br />
15 minutes aux heures<br />
de pointe (7 h-10 h / 16 h-19 h)<br />
1 LIAISON CABOTAGE ( Lormont-<br />
Hangars-Quinconces-Stalingrad, du<br />
lundi au vendredi de 10 h à 16 h.<br />
Week-end, j. fériés : 8 h 30 à 19 h.<br />
200 000 ( Le nombre de passagers<br />
attendus par an.<br />
Un vrai pari pour Keolis, la filiale<br />
de la SNCF qui exploite aussi le<br />
réseau de tramway, car l’investissement<br />
n’est pas négligeable : les deux<br />
navettes construites ont coûté<br />
1,8 million d’euros et leur utilisation,<br />
confiée à l’association Gens<br />
d’Estuaire, a permis de créer<br />
12 emplois. Pour autant, lorsque<br />
Nantes avait lancé sa navette fluviale<br />
sur la Loire en 2005, le Navibus<br />
avait démarré lentement, avec<br />
80 000 usagers par an. Aujourd’hui,<br />
c’est un vrai succès : 511 000 passagers<br />
l’empruntent, pour aller travailler<br />
dans 80 % des cas.<br />
UN PLUS POUR UNE<br />
MÉTROPOLE « DURABLE »<br />
« Quand on va travailler en<br />
bateau, on n’aborde pas la journée<br />
de la même manière », souligne<br />
Philippe Dorthe. Il faut dire aussi<br />
que la communauté urbaine de<br />
Bordeaux, connue pour ses<br />
embouteillages, a tout intérêt à<br />
diversifier les modes de transport.<br />
D’ici à 2030, elle veut faire croître<br />
sa population de 750 000 habitants<br />
à un million pour atteindre<br />
le statut de métropole européenne.<br />
Une métropole, qui se<br />
« veut durable » et a de nombreux<br />
projets importants pour les prochaines<br />
années : quartier d’aaires<br />
Euratlantique, arrivée de la LGV<br />
en 2017 qui mettra Bordeaux à<br />
deux heures de Paris…<br />
Le Batcub devrait aussi devenir un<br />
plus touristique, un élément supplémentaire<br />
d’attractivité de Bordeaux,<br />
une ville qui a de beaux<br />
atouts et est classée depuis 2007 au<br />
patrimoine mondial de l’Unesco.<br />
Selon une enquête réalisée par<br />
l’institut de sondages BVA pour la<br />
presse quotidienne régionale, la<br />
capitale de l’Aquitaine est la deuxième<br />
ville préférée des Français,<br />
après Paris. Mais le plus important,<br />
c’est peut-être que Bordeaux<br />
renoue aujourd’hui avec son<br />
fleuve. Car la ville, qui a longtemps<br />
dénigré sa rive droite, construit<br />
désormais son avenir en regardant<br />
des deux côtés de la Garonne. Et<br />
cela, c’est loin d’être anodin. <br />
Et si la prochaine lauréate<br />
des <strong>Tribune</strong> Women's Awards, c'était vous ?<br />
Candidatez ou recommandez jusqu'au 30 juin sur<br />
www.latribunewomensawards.fr
VENDREDI 17 MAI 2013 LA TRIBUNE<br />
TERRITOIRES / FRANCE 17<br />
<strong>La</strong> Bretagne s’amarre au<br />
port numérique mutualisé<br />
LOGISTIQUE Pour gérer le trafic et les données administratives<br />
de manière plus ecace, la Région Bretagne met en œuvre son port<br />
numérique. D’ici à 2014, ce système d’information portuaire<br />
dématérialisé mutualisera les données des ports de Lorient, Brest et<br />
Saint-Malo. Un plus pour la compétitivité de l’ensemble de la filière.<br />
PASCALE PAOLI-LEBAILLY<br />
Regrouper sur un<br />
même serveur toutes<br />
les données administratives<br />
et de renseignements<br />
non confidentielles<br />
(tonnages, douanes,<br />
accostage, statistiques…) sur les<br />
ports de Lorient, Brest et Saint-<br />
Malo : c’est le chantier auquel s’attelle<br />
la Région Bretagne pour 2014.<br />
En mutualisant des données<br />
jusqu’alors éparpillées par secteur<br />
d’activité, le port numérique de<br />
Bretagne doit à terme faciliter la<br />
tâche des douanes, des gestionnaires<br />
portuaires, des capitaineries<br />
mais aussi des importateurs et des<br />
bateaux entrants.<br />
« Il s’agit de rendre plus ecace la<br />
gestion du trafic et des opérations<br />
administratives, souligne Gérard<br />
<strong>La</strong>hellec, vice-président chargé de<br />
la mobilité et des transports au<br />
conseil régional. Là où l’on met<br />
17 heures actuellement, il n’en faudra<br />
que deux. »<br />
Concrètement, le port numérique<br />
va permettre aux diérents acteurs<br />
de dématérialiser l’ensemble des<br />
procédures administratives et commerciales<br />
s’appliquant à leurs trafics,<br />
en entrée comme en sortie. À<br />
l’arrivée, se profile un gain en productivité<br />
et en compétitivité, ainsi<br />
qu’une meilleure insertion dans la<br />
chaîne logistique et de transport<br />
européenne, voire mondiale. Avec<br />
le port numérique, les places portuaires<br />
bretonnes respecteront<br />
aussi l’obligation européenne de<br />
mise en place prévue d’un guichet<br />
unique portuaire en 2015 entre les<br />
diérents membres de l’UE.<br />
À la suite de l’Acte II de la décentralisation,<br />
la Région Bretagne est<br />
devenue propriétaire et autorité<br />
portuaire des ports de commerce<br />
de Brest, Lorient et Saint-Malo le<br />
1 er janvier 2007. Depuis 2010, elle<br />
Le port de Brest bénéficie d’un programme d’investissement<br />
régional de 160 M€ sur dix ans. [MICHEL SETBOUN/AFP]<br />
a adopté une stratégie fondée sur<br />
le rôle pivot des ports dans la<br />
logistique des filières économiques<br />
bretonnes.<br />
LE CHOIX STRATÉGIQUE<br />
DU MAILLAGE DES DONNÉES<br />
L’accélération du passage de la<br />
marchandise dans les ports grâce<br />
à un système d’information numérique<br />
participe de cette politique<br />
de modernisation.<br />
Dans cette procédure, la Bretagne,<br />
qui est assistée par la société<br />
de conseil et informatique en logistique,<br />
Marseille Gyptis International<br />
(MGI), a investi dans des études<br />
de faisabilité : 49 000 euros ht pour<br />
une étude financière et juridique,<br />
74 000 euros ht pour une étude<br />
technique. Outre les moyens<br />
humains internes qui seront<br />
alloués à ce projet, la Région prendra<br />
aussi en charge la réalisation du<br />
logiciel dont le montant n’est pas<br />
encore chiré.<br />
« Des ports numériques, gérés par<br />
des prestataires, existent à Marseille,<br />
Bordeaux Le Havre. <strong>La</strong><br />
Bretagne a choisi un système de<br />
mutualisation des données, qui<br />
s’appuie sur les besoins et la spécificité<br />
bretonne de nos ports. Ceux-ci<br />
sont de petite taille. Or, si la Région<br />
n’organise pas le maillage des données,<br />
le port numérique n’existera<br />
pas de manière efficace », assure<br />
Gérard <strong>La</strong>hellec.<br />
Via cette avancée technologique,<br />
la Bretagne veut pousser le futur<br />
développement de ses trois places<br />
portuaires dans un contexte d’inflation<br />
des obligations relatives à<br />
la traçabilité et à la sécurité du<br />
transport de marchandises.<br />
Jalouse de ses prérogatives et<br />
missions, ne voulant « devenir<br />
l’appendice de personne », la<br />
Région mise sur l’activité portuaire<br />
pour développer l’économie régionale<br />
: 50 % de son activité portuaire<br />
est réalisée à Lorient, spé-<br />
cialisé dans le vrac agroalimentaire<br />
et deuxième port de pêche français,<br />
tandis que Brest s’est orienté<br />
vers les containers. Elle participe<br />
aussi aux projets d’investissement<br />
des ports de Rosco et de Saint-<br />
Brieuc, et mise sur la complémentarité<br />
avec le futur aéroport de<br />
Notre-Dame-des-<strong>La</strong>ndes et le port<br />
de Nantes-Saint-Nazaire.<br />
LES MOYENS D’UNE<br />
AMBITION <strong>QUI</strong> S’AFFIRME<br />
Au fil des années, les ambitions<br />
portuaires bretonnes ont gonflé en<br />
proportion des sommes investies :<br />
15 millions d’euros engagés par<br />
l’État de 1997 à 2007, 82 millions<br />
d’euros déployés ces cinq dernières<br />
années par la Région (budget global<br />
2013 de 1,3 milliard d’euros).<br />
<strong>La</strong> Région Bretagne participe<br />
ainsi à hauteur de 30 à 40 millions<br />
d’euros à la rénovation des ports de<br />
Lorient (aménagement de la rive<br />
gauche du Scor ), de Saint-Malo<br />
(réorganisation des espaces portuaires<br />
au profit des entreprises<br />
implantées sur le port) et de Brest<br />
(amélioration des profondeurs des<br />
accès et adaptation des quais aux<br />
gros navires). Le programme d’investissement<br />
sur Brest s’élève à<br />
160 millions d’euros sur dix ans.<br />
« Tous les flux ont leur place en<br />
Bretagne et nous prospectons<br />
toutes les filières, poursuit Gérard<br />
<strong>La</strong>hellec. L’accroissement du trafic<br />
et de l’activité de commerce est bon<br />
pour l’économie régionale et pour<br />
le développement durable. Dans<br />
cette optique, il était indispensable<br />
de se doter d’un port numérique. »<br />
Et dans un contexte de forte<br />
volatilité des règles du commerce,<br />
c’est également une manière de<br />
fidéliser les clients.<br />
Repères<br />
L’ACTIVITÉ DES PORTS BRETONS<br />
7,6 MILLIONS DE TONNES ( Les<br />
marchandises transportées en<br />
2011, avec un fort développement<br />
du secteur de l’agroalimentaire<br />
et des containers.<br />
4 500 EMPLOIS ( recensés<br />
dans le transport maritime.<br />
645 EMPLOIS ( occupés<br />
dans la réparation navale.<br />
5 171 EMPLOIS DIRECTS ( civils<br />
et militaires, répertoriés<br />
dans la construction navale.<br />
1 157 163 PASSAGERS ( ont<br />
transité par Saint-Malo en 2011,<br />
dont 33 326 croisiéristes (+ 94, 8 %).
18<br />
LE GRAND<br />
CHANTIER<br />
TERRITOIRES / FRANCE<br />
LA TRIBUNE VENDREDI 17 MAI 2013<br />
Les pépinières d’entreprises spécialisées se multiplient, en plein centre de l’agglomération strasbourgeoise,<br />
au bénéfice d’inventeurs d’équipements médicaux et des sciences de la vie. <strong>La</strong> collectivité investit aux côtés<br />
des industriels pour s’inscrire, au niveau mondial, parmi les pôles d’excellence.<br />
Strasbourg déroule le tapis rouge<br />
pour les start-up techmeds<br />
OLIVIER MIRGUET, À STRASBOURG<br />
Les chirurgiens sont<br />
invités à dîner dans<br />
l’Écurie royale ! Le<br />
chantier de réhabilitation<br />
des anciens haras<br />
de Strasbourg, ensemble patrimonial<br />
classé du XVIII e siècle, est en<br />
voie d’achèvement. Sur 8 000 m 2 ,<br />
dans cet écrin en pierres de taille<br />
et à portée de vue de la cathédrale,<br />
les inventeurs viendront dès le<br />
mois d’octobre développer des<br />
start-up « techmeds ».<br />
L’aile gauche du haras, un ancien<br />
manège équestre, sera aménagée<br />
en hôtel d’entreprises, un biocluster<br />
prévu pour accueillir une<br />
vingtaine de PME. Au centre, derrière<br />
une façade en pierres de<br />
taille, les praticiens franchiront<br />
un portail monumental pour se<br />
restaurer et se reposer dans un<br />
environnement luxueux, décoré<br />
de cuir sellier et de bois. En cuisine,<br />
le chef étoilé Marc Haeberlin<br />
animera une brasserie de<br />
160 places. Cinquante-cinq chambres<br />
d’un hôtel 4 étoiles accueilleront<br />
les chirurgiens de passage<br />
à Strasbourg, stagiaires de l’Institut<br />
de recherche contre les cancers<br />
de l’appareil digestif (Ircad).<br />
TRANSFORMER EN BUSINESS<br />
LES AC<strong>QUI</strong>S UNIVERSITAIRES<br />
Ce projet à 25 millions d’euros,<br />
financé par l’Ircad sur fonds privés<br />
et par endettement, doit beaucoup<br />
au soutien politique de la<br />
collectivité. « Grâce à cet institut,<br />
on a la chance d’être en avance<br />
dans la recherche médicale, reconnaît<br />
Roland Ries, sénateur et<br />
maire (PS) de Strasbourg. Il y a<br />
4 000 chirurgiens de haut niveau<br />
qui viennent chaque année se<br />
former aux techniques de chirurgie<br />
mini-invasive. Ces gens-là, on ne<br />
les fait pas dormir dans un deuxétoiles<br />
! »<br />
Craignant de voir l’Ircad se<br />
développer dans des filiales à<br />
Taïwan et à São Paulo, au détriment<br />
de Strasbourg, Roland Ries<br />
a écarté toutes les propositions<br />
concurrentes de réaectation des<br />
haras, à l’abandon depuis plus de<br />
dix ans.<br />
Des défenseurs du patrimoine se<br />
sont élevés contre cette privatisation.<br />
Des amateurs de chevaux et<br />
de poneys rêvaient de réintroduire<br />
des clubs d’équitation en<br />
Ces anciens haras, ensemble patrimonial classé du XVIII e siècle réaménagé en hôtel d’entreprises,<br />
accueilleront dès le mois d’octobre les chirurgiens de passage à Strasbourg, stagiaires de l’Institut<br />
de recherche contre les cancers de l’appareil digestif (Ircad). [ DENU-PARADON ARCHITECTES]<br />
«Quand<br />
les créateurs<br />
ne sont pas<br />
accompagnés,<br />
ils peuvent<br />
être aspirés ailleurs.<br />
Il faut se battre<br />
pour les garder. »<br />
ROLAND RIES, SÉNATEUR<br />
ET MAIRE (PS) DE STRASBOURG<br />
centre-ville. L’Ircad, porteur d’un<br />
projet de développement économique<br />
en ligne avec les stratégies<br />
d’innovation des collectivités,<br />
proposait d’encaisser une partie<br />
des bénéfices de l’hôtel et du restaurant<br />
pour rembourser son<br />
emprunt. Banco : Roland Ries a<br />
accordé un bail emphytéotique de<br />
cinquante-deux ans à l’institut de<br />
recherche. « L’enjeu est d’assurer<br />
la traduction économique de ce<br />
développement universitaire largement<br />
reconnu, comme en témoigne<br />
le prix Nobel de médecine obtenu<br />
par Jules Hoffmann en 2011 »,<br />
explique le maire. Le chirurgien<br />
et fondateur de l’Ircad, Jacques<br />
Marescaux promet 150 emplois,<br />
dès l’ouverture en octobre.<br />
Fourni par les spécialistes allemands<br />
Karl Storz et Siemens en<br />
équipements hybrides pour des<br />
opérations robotisées mini-invasives<br />
et guidées par l’image, l’Ircad<br />
est devenue la référence mondiale<br />
dans les développements<br />
high-tech de la chirurgie laparoscopique,<br />
une spécialité née en<br />
France, déjà, en 1988. Jacques<br />
Marescaux veut faire éclore à<br />
Strasbourg des nuées de jeunes<br />
champions, comme Insimo, startup<br />
incubée à l’hôpital, porteuse<br />
d’un projet de simulation du corps<br />
humain en 3D, ou Protip, inventeur<br />
strasbourgeois d’un larynx<br />
artificiel en titane poreux.<br />
LES JEUNES POUSSES<br />
JOUXTERONT DES GÉANTS<br />
À quelques centaines de mètres<br />
des haras, sur le site de l’hôpital<br />
civil, le chirurgien-businessman<br />
porte depuis avril 2011 le projet<br />
de l’Institut hospitalo-universitaire<br />
(IHU) dédié à la chirurgie<br />
mini-invasive guidée par l’image.<br />
Ce bâtiment, une construction<br />
neuve sur 10 500 m 2 (26 millions<br />
d’euros de financements publics),<br />
sera prêt en 2015, doté par Karl<br />
Storz et Siemens de sept salles<br />
d’opération expérimentales. Un<br />
étage sera réservé à l’hébergement<br />
de trente autres start-up.<br />
« Les jeunes pousses vont se<br />
retrouver parmi des géants.<br />
Quand un projet est bon, il ne rencontre<br />
pas de problème de financement<br />
», estime Jacques Marescaux,<br />
écartant les critiques<br />
récurrentes sur la faiblesse des<br />
structures de capital-développement<br />
en Alsace.<br />
DES FONDS RÉGIONAUX<br />
CONSOLIDÉS<br />
Le volet financier de l’accompagnement<br />
des start-up biotech et<br />
médicales posait en eet un problème<br />
dans la région, malgré la<br />
labellisation en 2005 du pôle de<br />
compétitivité « Innovations thérapeutiques<br />
», devenu « Alsace<br />
Biovalley », et ses 2 000 emplois<br />
déjà créés. <strong>La</strong> Sodiv, société de<br />
diversification de l’ex-bassin<br />
potassique dans la périphérie de<br />
Mulhouse, et le fonds régional<br />
Alsace Création n’ont jamais<br />
investi massivement dans ce<br />
secteur jugé trop risqué.<br />
<strong>La</strong> création en 2011 de Conectus,<br />
structure de maturation et de<br />
valorisation au sein des universités,<br />
pose de nouvelles bases dans<br />
le financement de l’innovation.<br />
« <strong>La</strong> santé, dans nos opérations,<br />
représente les deux tiers des brevets,<br />
contrats et licences, calcule<br />
Nicolas Carboni, président de<br />
Conectus. <strong>La</strong> faille entre la<br />
recherche publique et l’entreprise<br />
va être comblée à la fin de 2013<br />
avec la restructuration et la consolidation<br />
de diérents fonds régionaux<br />
d’innovation, autour d’une<br />
structure de gestion dédiée. »<br />
Pour éviter l’embouteillage à la<br />
sortie des labos, la ville de Strasbourg<br />
participe à la création<br />
d’autres lieux d’accueil des startup.<br />
Le bâtiment pH8, un<br />
immeuble loué précédemment à<br />
l’École nationale d’administration,<br />
a été requalifié en pépinière<br />
d’entreprises, pour 1 million d’euros,<br />
divisé en cellules d’une vingtaine<br />
de mètres carrés occupées<br />
par des jeunes pousses techmed<br />
et des sociétés de recherche.<br />
Cet hiver, la communauté<br />
urbaine a négocié le rachat, pour<br />
18 millions d’euros, d’une friche<br />
médicale, sur trois hectares, dans<br />
l’enceinte des hôpitaux universitaires.<br />
En 2017, elle promet d’y<br />
construire un technoparc qui<br />
orira, à terme, 30 000 m 2 à des<br />
centres de recherche dans les<br />
technologies médicales.<br />
« Quand les créateurs ne sont<br />
pas accompagnés, ils peuvent être<br />
aspirés ailleurs. Le danger, c’est la<br />
fuite des cerveaux. Il faut se battre<br />
pour les garder », martèle Roland<br />
Ries.
VENDREDI 17 MAIS 2013 LA TRIBUNE<br />
LE PROJET<br />
À RISQUE<br />
TERRITOIRES / INTERNATIONAL 19<br />
C’est l’une des privatisations les plus importantes mais aussi les plus polémiques en Grèce. Le site<br />
de l’ancien aéroport international de Hellinikon, près d’Athènes, pourrait rapporter des milliards à l’État.<br />
Quatre groupes sont en lice, mais certains habitants refusent la cession aux groupes privés.<br />
En Grèce, la privatisation annoncée<br />
de Hellinikon exacerbe la fronde<br />
ÉLISA PERRIGUEUR, À ATHÈNES<br />
Le long de la mer, des barbelés<br />
rouillés encadrent<br />
une immense surface<br />
bétonnée. Les mauvaises<br />
herbes ont recouvert<br />
le sol usé. Les fondations des<br />
nombreux bâtiments à l’abandon<br />
vacillent. En cet après-midi de<br />
chaleur écrasante, la présence<br />
humaine est rare : deux gamins<br />
jouent mollement au basket sur<br />
de vieilles infrastructures sportives.<br />
Un calme olympien règne<br />
dans la cité-fantôme baptisée<br />
« Hellinikon », située au sud de la<br />
bruyante Athènes.<br />
PRÈS D’ATHÈNES, UN SITE<br />
À VOCATION TOURISTIQUE<br />
Voici quinze ans pourtant, ce site<br />
était l’un des plus dynamiques de<br />
Grèce. Sur 620 hectares, soit trois<br />
fois la taille de Monaco, se<br />
côtoyaient alors le grand aéroport<br />
international du pays, une vaste<br />
marina avec un front de mer de<br />
3,5 kilomètres de long et une base<br />
aérienne militaire américaine.<br />
Puis tout, ou presque, s’est paralysé<br />
en 2001. L’aéroport, qui avait<br />
besoin de s’agrandir, a été transféré<br />
à l’est de la capitale. Hellinikon<br />
a sombré peu à peu dans le<br />
sommeil et l’oubli. À peine troublé<br />
en 2004, pendant quelques mois,<br />
lorsque Athènes a accueilli les<br />
Jeux olympiques.<br />
Ce trésor dormant a donc été<br />
soudainement redécouvert en<br />
juin 2011. Propriété de l’État grec,<br />
Hellinikon a été vite mis en bonne<br />
place dans la liste des biens<br />
publics de valeur que le gouvernement<br />
d’Athènes souhaite privatiser<br />
pour renflouer des caisses<br />
remplies de dettes. Faut-il rappeler<br />
que, sous la pression de<br />
l’Union européenne, la Grèce s’est<br />
en effet engagée à réaliser plus<br />
d’une centaine de privatisations<br />
d’ici à 2016, afin de faire rentrer<br />
quelque 19 milliards d’euros de<br />
recettes. Or, selon le gouvernement,<br />
la friche de Hellinikon vaudrait<br />
de l’or. À en croire les calculs<br />
enfiévrés des fonctionnaires grecs,<br />
le développement de ces 620 hectares<br />
pourrait contribuer à<br />
accroître le PIB de la Grèce de<br />
0,3 %. Pas moins…<br />
Un appel d’ores a donc été lancé<br />
en 2012 par l’agence des privatisations<br />
grecques (Tapeid), chargée de<br />
superviser l’ensemble des privatisations<br />
du pays. Sur le site Internet de<br />
cette structure, on peut voir des<br />
photos aériennes de l’ensemble de<br />
Hellinikon en tête du catalogue des<br />
biens grecs à vendre, tel un produit<br />
phare. « On pourrait y construire des<br />
Les opposants<br />
dénoncent un projet<br />
ultralibéral, contraire<br />
aux besoins<br />
d’espace public<br />
de la population.<br />
marinas, des hôtels, soit un développement<br />
fantastique comme on peut<br />
en voir à Doha, à Dubai ou à Singapour<br />
! » s’emballe Stelios Stavridis,<br />
patron du Tapeid.<br />
Depuis janvier, l’instance des<br />
privatisations a sélectionné<br />
quatre groupes : le qatari Real<br />
Estate, le britannique London &<br />
Regional Properties, le grec<br />
<strong>La</strong>mda Developpement et l’israélien<br />
Elbit Cochin. « L’un d’entre<br />
eux reprendra Hellinikon pour<br />
environ cinquante ans, mais leurs<br />
activités seront très surveillées,<br />
clarifie Stelios Stavridis. L’une<br />
des conditions est que l’architecte<br />
qui présentera les plans soit<br />
quelqu’un de connu. » Ces fameux<br />
plans de développement devront<br />
être remis le 31 octobre prochain<br />
au plus tard. Puis le Tapeid désignera<br />
le repreneur. « Ce sera évidemment<br />
un lieu touristique, quoi<br />
d’autre ? assure le patron du<br />
Tapeid. Cela devrait<br />
générer au minimum<br />
10 000 emplois. » En<br />
revanche, aucune<br />
indication sur le<br />
coût du terrain :<br />
« Trop difficile de<br />
faire une estimation,<br />
cela dépendra des<br />
projets proposés. »<br />
Certes. D’autant<br />
qu’en Grèce, la vie n’est pas un<br />
long fleuve tranquille. Et d’ailleurs,<br />
s’il n’y a pas vraiment de<br />
fleuve dans la péninsule hellénique,<br />
en revanche ce ne sont pas<br />
les montagnes et les obstacles qui<br />
manquent. Et les contradicteurs.<br />
LE MÉCONTENTEMENT DES<br />
MUNICIPALITÉS VOISINES<br />
Les premières à mener la fronde<br />
contre ce projet de privatisation<br />
ont été les municipalités voisines<br />
du site, Elleniko-Argyroupolis,<br />
Alimos et Glyfada. Bientôt<br />
rejointes par l’Union des municipalités<br />
d’Attiki. « Le Tapeid est<br />
ultralibéral, il veut supprimer l’un<br />
des rares espaces vides de la capitale<br />
alors que nous en manquons,<br />
il faut le protéger », plaide la jeune<br />
Fereniki Vatavali, employée à la<br />
mairie d’Elleniko-Argyroupolis,<br />
qui verrait bien en lieu et place du<br />
site un espace « entièrement public<br />
avec des infrastructures sportives<br />
gratuites, des associations, des<br />
espaces verts… » Bref, le Club<br />
Med, mais version open bar.<br />
Toutefois, côté finances, la jeune<br />
grecque concède que les municipalités<br />
n’ont pas le budget pour un<br />
tel projet. « Mais l’État doit faire<br />
les travaux de rénovation, réhabiliter<br />
les réseaux d’électricité, d’eau<br />
avant de céder le terrain. » Un coût<br />
« énorme », fulmine-t-elle : « Et<br />
c’est la société qui va payer pour<br />
tout ça, et ça ne profitera au final<br />
qu’au secteur privé ! »<br />
Sur le vaste site abandonné, une<br />
centaine de contestataires n’ont<br />
pas hésité à franchir les barbelés<br />
vieillots pour y installer leurs quartiers<br />
ces dernières années. Soutenus<br />
par les municipalités alentours,<br />
ces irréductibles fourmillent<br />
d’idées et rendent bien des services<br />
aux habitants des communes<br />
voisines, avec des clubs sportifs,<br />
des associations et même un<br />
dispensaire autogéré avec soins<br />
gratuits. Mary Sideris y est infirmière.<br />
Et face au projet de « priva-<br />
tisation », elle est bien amère.<br />
« Bien sûr que je suis contre ! Nous<br />
avons 9 000 patients qui viennent<br />
ici chaque semaine, si nous partons<br />
demain, ils n’auront plus rien. Nous<br />
n’avons nulle part où aller. »<br />
Tranquilles pendant des années,<br />
tous ces résistants ont toutefois<br />
reçu une lettre d’éviction il y a un<br />
an de la part du gouvernement.<br />
Aucun n’a quitté les lieux pour<br />
autant. Une occupation qui n’inquiète<br />
pas outre mesure Stelios<br />
Stavridis. « C’est le bazar sur place<br />
aujourd’hui, mais ils partiront,<br />
avance-t-il avant de lancer : Ceux<br />
qui ne veulent pas de la privatisation<br />
choisissent d’avoir Kaboul ! »<br />
« Début mars, arme de son côté<br />
la jeune employée de mairie, nous<br />
avons déposé un recours devant la<br />
Cour suprême. Nous aurons une<br />
réponse début juin… Ce n’est que le<br />
début. » Tout le monde sait que la<br />
mairie d’Elleniko-Argyroupolis<br />
peut se montrer déterminée. Dans<br />
cette petite commune de banlieue,<br />
personne n’oublie qu’en 2007 son<br />
maire (indépendant), Christos<br />
Kortzidis, avait engagé une grève<br />
de la faim. Il luttait déjà contre la<br />
privatisation qui visait alors la<br />
plage de Hellinikon. Trois<br />
semaines plus tard et avec<br />
quelques kilos en moins, l’élu avait<br />
obtenu l’abandon du projet.<br />
Les 620 hectares du site de Hellinikon figurent en tête de liste des possibles<br />
privatisations sélectionnées par l’État grec pour renflouer ses caisses. [ARIS MESSINIS/AFP]
20<br />
TERRITOIRES / INTERNATIONAL<br />
Liverpool vend des logements<br />
sociaux délabrés pour une livre !<br />
NOUVEAU ET<br />
INTÉRESSANT<br />
Le<br />
millier<br />
de résidents qui se<br />
sont portés candidats<br />
à l’acquisition d’une<br />
maison à une livre<br />
s’engagent à la rénover<br />
selon des critères<br />
gouvernementaux.<br />
TRISTAN DE BOURBON, À LONDRES<br />
<strong>La</strong> municipalité de Liverpool<br />
a trouvé un bon moyen<br />
p o u r n e p a s rénove r<br />
179 logements sociaux délabrés :<br />
elle vendra 20 d’entre eux pour<br />
une livre (1,50 euro) à « des résidents<br />
de la ville ayant une activité<br />
ou à des gens qui y travaillent » et<br />
donnera la majorité des autres à<br />
une association de la région<br />
spécialisée dans l’amélioration de<br />
quartiers.<br />
« Nous recherchons des manières<br />
innovantes pour réhabiliter des<br />
logements et pour attirer les gens<br />
dans nos quartiers, a expliqué Ann<br />
O’Byrne, membre du départe-<br />
ment logement de la municipalité.<br />
L’objectif est d’accélérer la rénovation<br />
de logements, d’investir dans<br />
le futur de nos communautés et de<br />
faire tout notre possible pour orir<br />
des logements à un tarif abordable<br />
et de bonne qualité aux gens qui en<br />
ont le plus besoin. » Leur rénovation<br />
coûterait environ 10 millions<br />
de livres.<br />
Pour devenir propriétaires, les<br />
c a n d i d a t s a u x m a i s o n s<br />
mitoyennes à une livre, en majorité<br />
construites avant 1919 et<br />
ON EN PARLE À BRUXELLES<br />
Des milliers de logements sociaux britanniques sont inhabités faute<br />
de moyens pour les rénover. [IAN FORSYTH/AFP]<br />
toutes situées à proximité du<br />
centre-ville, devront rénover leur<br />
logement selon des critères gouvernementaux<br />
: « Être dans un état<br />
de réparation raisonnable, disposer<br />
de services et installations raisonnablement<br />
modernes et être isolé<br />
contre le froid afin de fournir un<br />
degré de confort thermique raisonnable<br />
», précisent les textes ociels.<br />
Les nouveaux propriétaires<br />
devront y loger pendant cinq ans,<br />
durée pendant laquelle aucune<br />
location ne sera autorisée. « Le<br />
LE CARNET DE NOTRE CORRESPONDANTE, FLORENCE AUTRET<br />
dépôt des offres a pris fin lundi<br />
6 mai, nous a-t-on expliqué à la<br />
mairie. Nous en avons reçu environ<br />
un millier. Nous les étudions avec<br />
pour objectif de signer les contrats<br />
en juin. »<br />
L’association locative Riverside<br />
Group rénovera la plupart des<br />
maisons restantes avant de les<br />
mettre en vente à des prix inférieurs<br />
de 25 % à ceux du marché.<br />
Elle n’en est pas à son coup d’essai,<br />
puisque 250 autres logements ont<br />
déjà été vendus de la même<br />
Après l’auberge espagnole, la gasthaus bavaroise<br />
C ’était<br />
en 2002. Cédric Klapisch nous<br />
régalait de ses histoires d’étudiants<br />
sages et polyglottes auxquels une<br />
modeste bourse européenne permettait<br />
de découvrir la belle Barcelone en<br />
même temps que la vie. L’Auberge espagnole reste à ce<br />
jour un admirable film de propagande européenne<br />
involontaire dont n’auraient même pas osé rêver les<br />
technocrates bruxellois. Une divine surprise ! Hélas,<br />
ces dernières années, les Wendy, Soledad, <strong>La</strong>rs, Tobias<br />
et autres Isabelle ont eu de quoi perdre leur insouciance.<br />
L’Europe ploie sous le remords d’une cohorte<br />
de près d’un demi-million de jeunes au chômage en<br />
Espagne, lesquels s’ajoutent aux 730 000 Français et<br />
aux quatre autres millions sur le reste du continent.<br />
À L’HEURE DU SOUS-EMPLOI DE MASSE, le<br />
moment est plutôt venu de vanter les mérites de la<br />
gasthaus bavaroise. Viviane Reding s’y attelle avec<br />
certes moins de poésie que Klapisch, mais avec un certain<br />
sens pratique… et l’espoir de devenir la prochaine<br />
présidente de la Commission européenne. « Un jeune<br />
de Madrid qui ne trouve pas de travail en Espagne, mais<br />
qui sait qu’il en trouvera à Berlin, pourquoi ne pas le<br />
laisser s’inscrire au chômage à Berlin pour y chercher<br />
du travail, tout en lui permettant de toucher ses alloca-<br />
Repères<br />
tions de la part de l’Espagne ? », se demandait la viceprésidente<br />
de la Commission européenne.<br />
Bruxelles propose d’étendre de trois à six mois la<br />
durée pendant laquelle un chômeur – par exemple –<br />
portugais peut percevoir ses allocations – au hasard –<br />
à Munich. C’est une manière assez peu glamour de<br />
célébrer la fête de l’Europe. Pour le « non-résident »<br />
qui s’est frotté au monde kaaïen de l’administration<br />
fiscale, sociale et communale de n’importe lequel des<br />
pays de l’Union européenne, cette modeste mesure<br />
peut sembler dérisoire. Mais rien n’interdit d’y trouver<br />
une lueur d’espoir.<br />
BERLIN N’A PAS LE CHOIX. Poussé par la nécessité,<br />
le gouvernement fédéral s’est lancé dans une véritable<br />
opération séduction pour attirer des jeunes qualifiés.<br />
Son Mittelstand comme ses services médicaux<br />
sourent d’un manque criant de personnel. Certaines<br />
régions industrielles sont littéralement sinistrées… à<br />
cause du manque de main-d’œuvre. « Ce n’est pas du<br />
plein-emploi, c’est du trop-emploi », se lamentait dans<br />
les colonnes du magazine ParisBerlin un entrepreneur<br />
de Bavière où le taux de chômage a baissé à… 3,3 %.<br />
Informaticiens, ingénieurs, infirmières du monde<br />
entier : vous êtes les bienvenus ! Tel est le message de<br />
l’étonnant site www.make-it-in-germany.com lancé<br />
179 ( C’est le nombre de maisons<br />
mitoyennes proposées par la<br />
municipalité. Construites avant<br />
1919, elles sont situées dans trois<br />
quartiers proches du centre-ville.<br />
20 ( maisons seront vendues à<br />
une livre. <strong>La</strong> majorité des autres<br />
seront données à une association<br />
locative, une poignée sera<br />
éventuellement mise en vente<br />
aux plus offrants.<br />
1 000 ( Liverpool entend remettre<br />
en état 1 000 logements sociaux au<br />
cours des trois prochaines années.<br />
LA TRIBUNE VENDREDI 17 MAI 2013<br />
manière ces dernières années.<br />
Une poignée de maisons, situées<br />
dans des rues où la plupart des<br />
logements sont déjà privatisés,<br />
pourrait également être vendue<br />
directement à des particuliers.<br />
Ces derniers devront les remettre<br />
en état selon les mêmes critères<br />
dans les douze mois suivant la<br />
signature de leur acquisition.<br />
À L’ORIGINE, UNE SÉRIE<br />
DOCUMENTAIRE DE LA BBC<br />
Ces initiatives sont nées après la<br />
diffusion d’une série documentaire<br />
de la BBC intitulée Le scandale<br />
britannique du logement, dans<br />
laquelle le présentateur déplorait<br />
l’existence dans le pays de milliers<br />
de logements sociaux inhabités<br />
depuis la fin de 2011. Plusieurs<br />
quartiers de Liverpool ont directement<br />
été montrés du doigt, ainsi<br />
que la volonté de la municipalité<br />
de détruire ces logements jugés<br />
insalubres alors que des dizaines<br />
de personnes se disaient prêtes à<br />
y vivre après les avoir remises en<br />
état. Devant la pression de l’opinion<br />
publique, la municipalité a<br />
accordé un contrat de rénovation<br />
à un promoteur immobilier privé,<br />
qui a fini par jeter l’éponge en<br />
octobre dernier. <strong>La</strong> ville a<br />
annoncé récemment qu’elle allait<br />
remettre en état 1 000 logements<br />
inhabités au cours des trois prochaines<br />
années. <br />
cette année. On y apprend non seulement comment<br />
perfectionner son allemand, mais aussi que la qualité<br />
de vie dans la République fédérale n’a rien à envier au<br />
reste de l’Europe. On y trouve surtout toutes les pistes<br />
pour prospecter. Les communicants de l’Agence allemande<br />
pour l’emploi ont pris soin de sélectionner<br />
quelques modèles aux types physiques explicitement<br />
extra-européens. <strong>La</strong> première puissance économique<br />
du continent se rêve en terre d’immigration globale.<br />
Les Grecs, Portugais, Italiens et autres Espagnols qui<br />
trouvent leur place sur le marché du travail allemand<br />
sont certes de plus en plus nombreux (33 000 personnes<br />
en 2012, selon l’Agence allemande pour l’emploi),<br />
mais rapportés à la pénurie de main-d’œuvre<br />
allemande d’un côté et au chômage sud-européen de<br />
l’autre, on est loin du compte. « Ce dont nous manquons<br />
encore, c’est d’un véritable marché européen du travail<br />
», regrette Viviane Reding.<br />
ELLE PARLE D’OR. De la simplification des<br />
démarches administratives à la formation en langues,<br />
en passant par la reconnaissance des diplômes, ce<br />
chantier n’est pas seulement une nécessité économique.<br />
C’est aussi une planche de salut politique à<br />
l’heure où la tentation du repli national n’a jamais été<br />
aussi grande. <br />
© DR
© DR<br />
VENDRED 17 MAI 2013 LA TRIBUNE<br />
ROMARIC<br />
GODIN<br />
RÉDACTEUR EN CHEF<br />
ADJOINT<br />
SERVICE ÉCONOMIE<br />
LES ANALYSES 21<br />
SAUVÉS PAR LA HAUSSE<br />
DES SALAIRES ALLEMANDS ?<br />
L’accord salarial conclu mercredi dans la métallurgie est plutôt généreux. Un enjeu<br />
décisif pour la compétitivité allemande et la relance de la croissance en Europe.<br />
<strong>La</strong> pression se renforce sur le patronat<br />
allemand. Avant de conclure, mercredi<br />
15 mai, la dernière phase de négociations<br />
salariales dans la métallurgie,<br />
le syndicat IG-Metall a fait débrayer<br />
près de 10 000 employés dans les<br />
usines du sud de l’Allemagne. <strong>La</strong> mobilisation<br />
a été particulièrement forte dans les usines<br />
BMW de Munich, mais aussi chez Siemens. Le syndicat<br />
réclame pour les 3,7 millions de salariés concernés par<br />
ces négociations une hausse de 5,5 % des salaires sur<br />
douze mois. Le syndicat patronal, Gesamtmetall, qui<br />
voulait se limiter à 2,3 % sur treize mois, a fini par concéder<br />
une hausse des salaires en deux temps : + 3,4 % à<br />
partir du 1 er juillet, puis 2,2 % au 1 er mai 2014.<br />
Ce type de luttes est certes traditionnel mais, cette<br />
année, la situation est un peu diérente. D’abord, parce<br />
que le climat social se dégrade outre-Rhin. Le nombre<br />
de salariés grévistes a plus que doublé en 2012, passant<br />
de 14 259 à 35 702. Le nombre d’heures de travail<br />
perdues a augmenté d’un tiers. Les grèves qu’a connues<br />
la Lufthansa ces dernières semaines ont rappelé que<br />
les salariés allemands pouvaient aussi lutter pour leurs<br />
salaires avec une certaine détermination. Le chef du<br />
comité d’entreprise de Porsche, Uwe Hück, un des<br />
négociateurs d’IG-Metall, a promis dans les colonnes<br />
de la Bild-Zeitung un été de grèves en Allemagne.<br />
Le ton a changé depuis 2010. L’Allemagne sortait<br />
d’une des plus graves récessions de son histoire, avec<br />
un recul en 2009 du PIB de près de 5 %. IG-Metall avait<br />
alors décidé de donner la priorité au maintien de l’emploi<br />
et avait accepté une année « blanche », suivie d’une<br />
hausse modérée en 2011. En 2012, le patronat, fortement<br />
encouragé par le gouvernement fédéral, avait<br />
consenti à un « rattrapage » avec une hausse de 4,3 %<br />
des salaires, justifiée par deux années de forte<br />
croissance outre-Rhin. Cette fois, la situation est plus<br />
complexe, précisément parce que la récession européenne<br />
et le ralentissement allemand peuvent être<br />
utilisés par les deux camps.<br />
LA CONSOMMATION, UN DES PILIERS<br />
DE LA CROISSANCE QU’IL FAUT RENFORCER<br />
Du côté des syndicats, on veut poursuivre le rééquilibrage<br />
du partage de la valeur ajoutée qui est loin d’être<br />
achevé. Depuis 2005, dans l’industrie manufacturière,<br />
la productivité horaire a, selon Destatis, l’Insee allemand,<br />
progressé de 13 %, tandis que le salaire horaire<br />
n’a gagné que 4,8 %. À l’appui de leurs arguments, les<br />
syndicats avancent que la consommation est devenue<br />
un pilier de la conjoncture outre-Rhin et qu’il est dicile<br />
à la première économie européenne de s’en passer.<br />
C’est donc le moment de renforcer cette composante<br />
de la croissance par des augmentations de salaires.<br />
Enfin, il y a l’argument européen : en pleine crise, une<br />
relance de la demande intérieure allemande serait un<br />
élément profitable à tout le continent.<br />
Mais les employeurs allemands ne veulent pas s’en<br />
laisser conter. Le ralentissement de la croissance allemande<br />
cette année, qui passera à 0,4 % selon Bruxelles,<br />
s’explique par la déprime des investissements et par la<br />
baisse des exportations. En augmentant trop les<br />
salaires, on risque d’accélérer le report des investissements<br />
et de dégrader la compétitivité des produits<br />
allemands. Et au final, de dégrader l’emploi. D’autant<br />
que les employeurs savent que, passées les élections<br />
fédérales du 22 septembre prochain, ils devront comp-<br />
ter avec un nouveau salaire minimum – soit unique,<br />
comme le désire la SPD, soit par branches, comme le<br />
veut la CDU. Dans certains secteurs, en fonction des<br />
négociations politiques, la décision risque de peser sur<br />
les coûts des entreprises. Du coup, pour relancer la<br />
machine industrielle, le patronat réclame une augmentation<br />
des salaires moindre et plus diluée dans le temps.<br />
Il estime aussi qu’une relance de la consommation<br />
allemande ne sera guère utile aux autres économies<br />
européennes dont la politique de dévaluation interne<br />
concerne peu les produits de consommation.<br />
Les négociations seront serrées. Le gouvernement<br />
pourrait être tenté de défendre les positions extérieures<br />
des entreprises allemandes dans la mesure où la<br />
consommation devrait tenir. Sans prôner une modération<br />
salariale, comme dans les années 2000, Berlin<br />
pourrait souhaiter marquer symboliquement un coup<br />
d’arrêt aux exigences salariales. Par ailleurs, la pression<br />
politique est moins vive : la SPD ne décolle pas et le<br />
parti de gauche Die Linke ne dépasserait guère les 7 %<br />
des voix, contre 11 % en 2009. Enfin, l’acceptation par<br />
la CDU – et peut-être désormais les libéraux – du principe<br />
d’un salaire minimum doit permettre de faire<br />
accepter une certaine modération.<br />
Pourtant, une hausse des salaires allemands serait<br />
naturelle. Non pas parce qu’elle conduirait à une hausse<br />
de la consommation, mais bien parce qu’elle permettrait<br />
de rendre moins dicile le rattrapage engagé par les<br />
pays du Sud. En eet, une hausse des salaires, en pesant<br />
sur la compétitivité des entreprises allemandes, favoriserait<br />
leurs concurrents européens du Sud qui, eux,<br />
CANDIDATEZ<br />
pratiquent la dévaluation interne. Chacun se<br />
rapprocherait de l’autre. L’Allemagne n’y perdrait pas<br />
forcément en croissance, puisque la consommation des<br />
ménages pourrait prendre le relais et que sa compétitivité<br />
ne serait pas réduite à néant. Mais ce n’est pas là la<br />
logique du gouvernement allemand, qui estime que les<br />
pays du Sud doivent faire des eorts pour se dresser au<br />
niveau de compétitivité de l’Allemagne, sans que celleci<br />
ne renonce à sa position. Autrement dit, il réclame là<br />
une tâche impossible car, si les Allemands ne veulent<br />
pas perdre des parts de marché en rééquilibrant leur<br />
modèle économique, aucun plan d’austérité ni aucune<br />
réforme structurelle ne permettront aux Italiens ou aux<br />
Espagnols de rivaliser avec les Allemands par leurs<br />
propres forces. À moins d’accepter un coût social considérable.<br />
L’évolution des salaires en Allemagne sera une<br />
des clés de compréhension de l’Europe de demain. Et<br />
une des clés pour comprendre l’engagement réel de<br />
Berlin dans le rééquilibrage de la zone euro. <br />
aux Prix de l’Innovation des Placements Financiers.<br />
Le Prix Particulier récompense un produit grand public.<br />
Le Prix institutionnel récompense un produit destiné aux investisseurs avertis,<br />
institutionnels et/ou entreprises.<br />
Ce concours est ouvert à tous les promoteurs de fonds français et internationaux<br />
sur les produits lancés en france entre le début du second semestre 2011 et<br />
le 31 décembre 2012.<br />
Règlement et Conditions de participation sur :<br />
http://victoiresdessicav.latribune.fr ou prixinnovation.sgss@latribune.fr<br />
Dossiers à remettre au plus tard le 31 Mai 2013 : prixinnovation.sgss@latribune.fr<br />
Société Générale<br />
Cédric Santamaria<br />
GIMS/COM/PME<br />
189, rue d’Aubervilliers - 75886 Paris Cedex 18<br />
Le palmarès sera remis le 26 Juin 2013 à l’occasion des 17 emes Victoires des SICAV<br />
et détaillé dans le dossier spécial Victoires des Sicav du 28 juin prochain.<br />
es<br />
victoires<br />
17desSICAV<br />
2013<br />
Les derniers mouvements de grèves à la Lufthansa<br />
ont été particulièrement suivis. [R. ORLOWSKI/GETTY IMAGES/AFP]<br />
Un événement<br />
En partenariat avec
© DR<br />
22<br />
JEAN-<br />
CHRISTOPHE<br />
CHANUT<br />
JOURNALISTE<br />
SERVICE FRANCE<br />
LES ANALYSES<br />
LA TRIBUNE VENDREDI 17 MAI 2013<br />
QUE PEUT-ON ATTENDRE DE LA<br />
DEUXIÈME CONFÉRENCE SOCIALE ?<br />
<strong>La</strong> deuxième conférence sociale se tiendra les 20 et 21 juin. <strong>La</strong> dicile question<br />
des retraites est au cœur de cette rencontre. Le gouvernement veut aller vite pour<br />
résorber un besoin de financement estimé à près de 21 milliards d’euros à l’horizon<br />
2020. Pour y parvenir, les syndicats mettent la pression sur l’emploi.<br />
L ’ambiance<br />
risque d’être nettement<br />
morose les 20 et 21 juin prochains<br />
lorsque les délégations syndicales et<br />
patronales se retrouveront avec le gouvernement<br />
au siège du Conseil économique,<br />
social et environnemental,<br />
pour déterminer le prochain calendrier<br />
social et les réformes à mener, sur les retraites<br />
notamment. Côté syndical, plus question d’acher la<br />
sérénité d’il y a un an. Lors du premier sommet de juillet<br />
2012, CFDT et CGT ne cachaient alors pas leur satisfaction<br />
d’avoir vu Nicolas Sarkozy échouer à se maintenir<br />
à l’Élysée. Et l’accueil réservé à François Hollande<br />
fut plutôt chaleureux. Il faut dire que le nouveau président<br />
venait de tirer ses quelques (très rares) cartouches<br />
sociales qui caressaient les organisations syndicales<br />
dans le sens su poil : revalorisation du smic, de<br />
l’allocation de rentrée scolaire, décret sur la retraite à<br />
60 ans pour les carrières longues, etc. Même le Medef<br />
avait été satisfait d’entendre un gouvernement socialiste<br />
demander l’ouverture d’une négociation sur l’emploi.<br />
Qui a débouché sur l’accord du 11 janvier 2013 posant<br />
les jalons d’une flexisécurité à la française.<br />
C’était il y a un an… On dirait un siècle. Le climat n’était<br />
plus du tout à l’euphorie ce lundi 13 mai lorsque le Premier<br />
ministre, Jean-Marc Ayrault, a reçu à tour de rôle<br />
chacune des organisations patronales et syndicales pour<br />
préparer la conférence des 20 et 21 juin. Il faut reconnaître<br />
que le gouvernement n’a pas de bonnes nouvelles<br />
à annoncer, même si la France vient d’obtenir de la Com-<br />
Toute l’information économique et financière, où que vous soyez.<br />
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mission européenne un sursis de deux ans, jusqu’à la fin<br />
de 2015 pour rétablir l’équilibre des comptes publics.<br />
Mais, en échange, les autorités de Bruxelles ont été<br />
très claires : la France doit réaliser des réformes structurelles,<br />
notamment sur les retraites et le coût du travail.<br />
Sur ce dernier point, François Hollande peut répliquer<br />
qu’il a déjà fait une bonne partie du chemin avec<br />
le pacte de compétitivité et le crédit d’impôt compétitivité<br />
emploi (CICE) qui va permettre aux entreprises<br />
de baisser leurs coûts à hauteur de 20 milliards d’euros.<br />
LA RÉFORME DES RETRAITES,<br />
UN « DEVOIR » FIXÉ PAR BRUXELLES<br />
Reste l’épineux dossier des retraites. Le rapport du<br />
Conseil d’orientation des retraites (COR) estime à<br />
20,9 milliards d’euros le besoin de financement de l’ensemble<br />
des régimes à l’horizon 2020. Le gouvernement<br />
doit donc prendre des décisions diciles et forcément<br />
impopulaires, d’où la morosité des syndicats, voire leur<br />
franche opposition. Thierry Lepaon, le nouveau secrétaire<br />
de la CGT, tente de faire monter la pression en<br />
appelant les salariés à se mobiliser contre une éventuelle<br />
augmentation de la durée de cotisation. Selon la CGT,<br />
c’est par le biais de l’emploi, de la hausse des salaires et<br />
de la croissance que le sujet doit en premier lieu être<br />
abordé. Jean-Claude Mailly, son homologue de FO, également<br />
opposé à un allongement de la durée de cotisation,<br />
voit avec les retraites un sujet « conflictuel ».<br />
Dans le camp patronal, Medef en tête, on se félicite que<br />
le gouvernement ose aronter le sujet de l’allongement<br />
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------<br />
<br />
M. M me<br />
de la durée de vie… et donc de la durée de cotisation.<br />
<strong>La</strong>urence Parisot l’arme : « <strong>La</strong> durée de cotisation doit<br />
passer de 41 ans actuellement à 43 ans en 2020 et, à<br />
l’horizon 2030, l’âge légal du départ à la retraite doit être<br />
fixé à 65 ans. » Mais il aurait été plus facile pour le gouvernement<br />
de le faire avec une conjoncture moins dégradée.<br />
Or quoi qu’il décide – augmentation de la CSG de<br />
6,6 à 7,5 % sur les pensions de retraite, passage de 41 ans<br />
à 43 ou 44 ans de la durée de cotisation, désindexation<br />
partielle des pensions, fin de certains avantages liés aux<br />
familles nombreuses – les mesures seront impopulaires,<br />
surtout dans un contexte de croissance zéro.<br />
Le tout alors même que le chômage continue sa progression<br />
(la Commission européenne prévoit un taux<br />
de chômage de 10,6 % cette année puis de 10,9 % en<br />
2014) et que le pouvoir d’achat stagne. Surtout, le risque<br />
pour le gouvernement serait d’être accusé de mener une<br />
réforme « financière » des retraites dans le seul but de<br />
colmater les brèches. Il a d’ailleurs annoncé que la<br />
concertation serait menée au pas de charge et limitée à<br />
un gros mois. Il semble avoir renoncé, du moins dans<br />
un premier temps, à une réforme systémique, qui passerait<br />
par un rapprochement (à défaut d’une harmonisation)<br />
des règles en vigueur dans le public et le privé.<br />
Piste pourtant évoquée pendant la campagne électorale<br />
et fortement défendue par la CFDT.<br />
<strong>La</strong> question sociale va donc devenir très épineuse pour<br />
François Hollande. Ce n’est pas avec cette conférence<br />
qu’il va regagner des points de popularité. Mais une<br />
réforme des retraites réussie sera très bénéfique pour<br />
l’image de la France sur les marchés et lui permettra de<br />
continuer d’emprunter à des taux exceptionnellement<br />
faibles. Sans parler du fait qu’il veut prouver que la<br />
France tient ses engagements européens, une exemplarité<br />
indispensable pour lui permettre de réorienter la<br />
politique européenne. <br />
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VENDREDI 17 MAI 2013 LA TRIBUNE<br />
MICHAEL<br />
BOSKIN<br />
ANCIEN DIRECTEUR<br />
DU BUREAU DES<br />
CONSEILLERS<br />
ÉCONOMIQUES DU<br />
PRÉSIDENT GEORGE<br />
H.W. BUSH<br />
DE 1989 À 1993.<br />
PROFESSEUR<br />
D’ÉCONOMIE<br />
À L’UNIVERSITÉ<br />
STANFORD<br />
ET MEMBRE<br />
DE L’INSTITUTION<br />
HOOVER.<br />
LES IDÉES 23<br />
POURQUOI IL <strong>EST</strong> NÉCESSAIRE<br />
DE CONSOLIDER LE BUDGET<br />
Partout dans le monde, les débats dans la sphère politique et les opinions publiques<br />
font rage et divisent quant à savoir s’il faut, et le cas échéant, quand, comment et jusqu’à<br />
quel point, réduire les lourds déficits budgétaires et les niveaux élevés de dettes<br />
souveraines. Chacun y va de ses mesures ou de ses propositions en matière fiscale,<br />
monétaire, de régulation et de dépenses, souvent diamétralement opposées.<br />
<strong>La</strong> gauche politique en appelle à plus<br />
de dépenses, plus d’impôts sur les<br />
hauts revenus, préférant reporter la<br />
consolidation budgétaire. L’économiste<br />
et éditorialiste du New York<br />
Times Paul Krugman propose par<br />
exemple d’attendre dix à quinze ans.<br />
Ces mêmes personnes avaient rejeté pour des raisons<br />
similaires les mesures de désinflation de la Réserve<br />
Fédérale, pourtant un succès, au début des années<br />
1980. <strong>La</strong> droite politique demande une réduction plus<br />
rapide du déficit par des coupes budgétaires. En<br />
Europe, les responsables, dont la Banque centrale européenne<br />
(BCE), exigent la consolidation pour les pays<br />
fortement endettés, mais sont flexibles dans les négociations<br />
; les électeurs, cependant, la rejettent – comme<br />
récemment en Italie.<br />
Aux États-Unis, les Républicains proposent d’équilibrer<br />
le budget en dix ans par une réforme des droits<br />
sociaux et des impôts, en limitant<br />
les exemptions, les déductions et<br />
le crédit garantissant les revenus<br />
nécessaires pour diminuer les<br />
taux d’imposition des particuliers<br />
et le taux des entreprises, qui est,<br />
à 35 %, le plus élevé de l’OCDE.<br />
Les sénateurs démocrates proposent<br />
1 500 milliards de dollars en<br />
hausse d’impôts sur dix ans (en supplément<br />
des 600 milliards de dollars<br />
déjà votés au début du mois de<br />
janvier), 100 milliards de dollars (le<br />
double pour les députés démocrates)<br />
dans le cadre d’un nouveau<br />
plan de relance par les dépenses, et de modestes coupes<br />
dans les dépenses sur le plus long terme. Leur version<br />
de la réforme fiscale impliquerait de limiter les déductions<br />
pour les riches et les entreprises, sans réduction<br />
des taux.<br />
Quels seraient les coûts et les bénéfices respectifs<br />
probables de la relance et de la consolidation ? Et quelle<br />
est la meilleure combinaison de réductions des<br />
dépenses et de hausses fiscales ?<br />
À Madrid, le 16 mars 2013, une manifestation<br />
des « Indignés » espagnols,<br />
« pour une Europe des peuples, contre<br />
l’Europe des marchés ». [ CURTO DE LA TORRE / AFP]<br />
«Les eets<br />
d’une hausse<br />
des dépenses<br />
publiques peuvent<br />
être compensés par<br />
le fait que les gens<br />
s’attendent à une<br />
hausse d’impôt. »<br />
Les économistes s’accordent sur le fait qu’en période<br />
de plein-emploi, la hausse des dépenses publiques<br />
décourage les dépenses privées. Les modèles keynésiens<br />
prétendant qu’une relance rapide est possible<br />
grâce à une hausse des dépenses publiques en période<br />
de sous-emploi, montrent que l’eet s’inverse rapidement.<br />
Ce processus doit donc être répété sans cesse,<br />
comme une drogue, pour maintenir l’économie. Cette<br />
stratégie a accablé le Japon, avec le ratio dette/PIB le<br />
plus élevé au monde, et de bien modestes bénéfices.<br />
Bien sûr, une étude récente suggère que l’augmentation<br />
des dépenses publiques peut être ecace pour relancer<br />
temporairement la production et l’emploi au cours de<br />
sévères récessions de longue durée, lorsque la banque<br />
centrale réduit son taux directeur à court terme à zéro.<br />
Mais cette même étude suggère aussi que le multiplicateur<br />
des dépenses publiques est susceptible d’être<br />
faible voire négatif en maintes circonstances, et diminuerait<br />
de toute façon rapidement.<br />
Ces circonstances incluent, d’abord,<br />
un ratio dette/PIB élevé, avec des<br />
taux d’intérêt qui freinent la croissance.<br />
De même, en période d’expansion,<br />
il est plus probable que<br />
l’augmentation des dépenses<br />
publiques entraîne une diminution<br />
des dépenses privées. Les dépenses<br />
en paiements de transferts et/ou en<br />
achats non militaires – qui peuvent<br />
être consolidés ou acquis moins<br />
cher à l’étranger – produisent plus<br />
certainement un faible multiplicateur.<br />
Et lorsque dans une économie,<br />
les taux de change sont flexibles, si<br />
les dépenses publiques entraînent une hausse des taux<br />
d’intérêt, la monnaie se renforce, provoquant une baisse<br />
des investissements et des exportations nettes. Enfin,<br />
les eets d’une hausse des dépenses publiques peuvent<br />
être compensés par le fait que les gens s’attendent à une<br />
hausse d’impôt une fois que la Banque centrale remonte<br />
les taux d’intérêt (les poussant à moins dépenser).<br />
Ces considérations s’appliquent aux États-Unis et à certains<br />
pays européens aujourd’hui. Et combinées à une<br />
mauvaise conception, elles expliquent pourquoi le plan<br />
de relance américain de 2009 a coûté des centaines de<br />
milliers de dollars par emploi temporaire créé.<br />
Cette récente étude révèle aussi que parmi les pays de<br />
l’OCDE depuis la Deuxième Guerre mondiale, une<br />
consolidation budgétaire réussie – qui se définit par<br />
une stabilisation du budget tout en évitant la récession<br />
– a représenté l’équivalent de 5 à 6 dollars de coupes<br />
budgétaires actuelles par dollar prélevé en hausse<br />
d’impôt. Les coupes dans les dépenses, surtout en<br />
matière de prestations et de transferts, étaient bien<br />
moins susceptibles de causer des récessions que ne<br />
l’était une augmentation des impôts. Malheureusement,<br />
les récents plans de consolidation de nombreux<br />
pays européens ont principalement consisté en hausses<br />
d’impôts, y compris le plan de sauvetage de Chypre.<br />
LES RÉFORMES STRUCTURELLES<br />
SONT LES PLUS CRÉDIBLES<br />
Bien sûr, il faut rester prudent pour éviter de donner<br />
trop de crédit aux bénéfices d’une consolidation rapide.<br />
Après tout, la situation des économies américaine et<br />
européenne actuelles dière en bien des points des<br />
circonstances d’après-guerre – taille, consolidation<br />
simultanée dans de nombreux pays, taux d’intérêt déjà<br />
faibles, et un statut du dollar comme principale monnaie<br />
de réserve mondiale. Mais à l’exception des cas de<br />
récessions sévères, la validité de l’argument keynésien,<br />
selon lequel il est nécessaire de retarder les coupes dans<br />
les dépenses pour éviter de saper l’économie, est au<br />
mieux incertaine, et signifierait que le contrôle des<br />
dépenses ne pourrait se faire qu’en période de plein<br />
essor prolongé. Les lourds déficits et les niveaux de<br />
dette importants réduisent les perspectives d’un essor<br />
de longue durée. Il est en outre dicile de ralentir de<br />
manière crédible les réductions de dépenses au gré du<br />
rétablissement de l’économie, compte tenu de l’économie<br />
politique du budget et de l’incapacité d’une législature<br />
à faire le lien avec la suivante.<br />
Pis encore, la décision de reporter la consolidation et<br />
l’accroissement des déficits et de la dette représentent<br />
un coût énorme. Par exemple, sans réforme majeure<br />
des programmes sociaux américains – dont l’ampleur<br />
explose en conséquence des bénéfices réels croissants<br />
par bénéficiaire et d’une population vieillissante – la<br />
prochaine génération peut s’attendre à une baisse des<br />
niveaux de vie de l’ordre de 20 %.<br />
Les réformes les plus crédibles sont structurelles – par<br />
exemple, un report de l’âge de la retraite et une modification<br />
des formules de calculs des prestations – et<br />
difficiles à modifier une fois mises en œuvre. Se<br />
contenter d’établir un objectif de réduction budgétaire<br />
en dollar (ou en livre ou en euro) est nettement moins<br />
ecace parce que cet objectif peut facilement être<br />
révisé – et les coupes inversées – pour éviter des difficultés<br />
politiques. S’il existait un plan de relance<br />
rapide qui soit opportun et susceptible de relancer la<br />
production et l’emploi à un prix à long terme raisonnable,<br />
je le soutiendrais sans hésitation. Mais à l’évidence,<br />
une politique budgétaire réellement très ecace,<br />
même avec des taux d’intérêt proches de zéro,<br />
ne fonctionne au mieux qu’en théorie, et est sujette à<br />
des contraintes politiques majeures. <strong>La</strong> consolidation<br />
peut impliquer certains coûts à court terme, surtout<br />
en situation de récession, mais les coûts d’un report<br />
à long terme sont lourds. Il serait préférable de mettre<br />
en place un programme de consolidation crédible de<br />
manière progressive – mais cette consolidation doit<br />
néanmoins avoir lieu – et principalement par le<br />
contrôle des dépenses. <br />
© Project Syndicate 2013.
© DR<br />
24<br />
FRANÇOIS<br />
LECLERC<br />
ANCIEN CONSEILLER<br />
AU DÉVELOPPEMENT<br />
DE L’AGENCE<br />
FRANCE-PRESSE<br />
Il tient la chronique<br />
de « L’actualité<br />
de la crise » sur le<br />
blog de Paul Jorion.<br />
Il est l’auteur de<br />
Chroniques de la<br />
grande perdition<br />
(éditions Osez la<br />
République Sociale !,<br />
2012, 168 p.,<br />
8,50 euros).<br />
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LA TRIBUNE VENDREDI 17 MAI 2013<br />
UN GRAND TOURNANT,<br />
À DÉCOUPER<br />
SUIVANT LES POINTILLÉS…<br />
L’époque n’est pas aux réjouissances. Une succession ininterrompue de scandales financiers<br />
et de corruption, de santé publique, environnementaux ou alimentaires suscite un malaise<br />
et une défiance qui s’étendent. Les conflits sociaux prennent l’aspect de luttes désespérées<br />
et sans issue, et les échéances électorales sont l’occasion de comportements hors normes.<br />
<strong>La</strong> crise n’est pas seulement financière,<br />
elle est devenue globale dans<br />
ses manifestations comme dans sa<br />
perception. Les banques ne sont<br />
pas désignées seules coupables,<br />
l’État ne joue plus le rôle qui lui est<br />
alloué face à une économie de marché<br />
porteuse de dysfonctionnements à répétition,<br />
avec toujours la même origine : l’argent, dont l’accumulation<br />
prend le pas sur toute autre considération.<br />
Le sentiment d’insécurité s’est en conséquence<br />
élargi à de nouveaux domaines de la vie, rendant la<br />
société anxiogène. Le constat est partagé : l’avenir a<br />
cessé d’être porteur de promesses, aux vertus du<br />
progrès a succédé la prise de conscience de déséquilibres<br />
menaçants de toutes natures, qui s’accentuent<br />
: destruction de l’environnement, disproportion<br />
de la sphère financière par rapport à l’économie,<br />
distribution inégale de la richesse.<br />
LE DÉPHASAGE ENTRE LES INSTITUTIONS<br />
RIGIDIFIÉES ET L’INNOVATION SOCIÉTALE<br />
Au besoin de changement, il n’est pas apporté de<br />
réponse satisfaisante. Dans la pratique, l’impuissance<br />
des dirigeants domine et leurs discours sont<br />
ressentis comme velléitaires. Partout, leurs indices<br />
de confiance chutent, tandis que des décisions<br />
majeures sont prises par des instances hors de portée<br />
et sans mandat électif.<br />
<strong>La</strong> Banque centrale européenne, dont le rôle est<br />
déterminant et l’indépendance absolue érigée en<br />
principe, est le symbole de cette situation malsaine.<br />
Faut-il le rappeler, celle-ci résulte de la constatation<br />
que l’on ne peut pas faire confiance aux gouvernements<br />
! <strong>La</strong> crise est désormais promise comme allant<br />
encore durer dix ans, mais la pensée économique<br />
dominante reste crispée sur ses recettes dogmatiques<br />
qui la prolongent jusqu’à on ne sait quand.<br />
Il y a malaise : les mesures libérales qui sont préconisées<br />
s’inscrivent dans la continuité de celles qui<br />
ont suscité une crise aux origines oubliées, comme<br />
s’il ne fallait pas s’y arrêter. Les mesures de régulation,<br />
toujours en chantier, n’ont comme objectif que<br />
de mieux maîtriser le prochain épisode, considéré<br />
comme inévitable, des régulateurs de plus en plus<br />
nombreux doutant que cela soit même possible.<br />
<strong>La</strong> société est entrée dans une phase de recherche<br />
et d’innovations. De nouvelles logiques économiques<br />
sont élaborées (collaborative, circulaire, contributive…)<br />
afin de prendre à bras-le-corps les dysfonctionnements<br />
constatés. Des pratiques sociales novatrices<br />
apparaissent, qui s’en inspirent ou les<br />
Dans nos sociétés anxiogènes, l’avenir n’est plus<br />
perçu comme porteur d’espérance. [MISSMEDIA/FOTOLIA]<br />
préfigurent : mutualisations de moyens, prêts,<br />
échanges, recyclages, circuits courts de distribution,<br />
ateliers de production 3D…<br />
Sur Internet et avec le mouvement des licences<br />
libres la sphère des rapports non marchands s’est élargie,<br />
abolissant le principe sacré de la propriété. Chacun<br />
à leur manière, les réseaux sociaux et la vie associative<br />
traduisent le besoin de recréer un lien social<br />
et une convivialité raréfiés. Un courant profond mais<br />
naissant parcourt la société, ébauchant<br />
les contours flous d’un nou-<br />
veau paradigme et témoignant<br />
d’aspirations partagées qui ne se<br />
reconnaissent pas dans une société<br />
dont le déclin est entamé. C’est<br />
toujours ainsi que les grands tournants<br />
s’annoncent, par petites<br />
touches annonciatrices – ou pas –<br />
d’un changement d’ampleur.<br />
Parallèlement, des réflexions<br />
sont approfondies, des mécanismes<br />
sont démontés pour être remontés autrement,<br />
dans les domaines les plus variés : énergie et<br />
environnement, santé et éducation, fiscalité, ou<br />
encore chômage, retraites et partage du travail en<br />
général… à chaque fois qu’il est fait état de<br />
contraintes incontournables pour justifier un choix<br />
qui ne peut être refusé. Des mesures « non conventionnelles<br />
» se précisent, à l’image de celles que<br />
prennent les banques centrales quand toutes les<br />
«Le réalisme<br />
a changé<br />
de camp, l’utopie<br />
est passée<br />
dans celui<br />
du conservatisme. »<br />
autres ont échoué. Elles s’appuient sur les connaissances<br />
et les expériences acquises au sein de la société<br />
civile, qui trouve ainsi une voie exemplaire pour s’exprimer<br />
– ni en tant qu’électeur, ni comme consommateur<br />
– refondant cette citoyenneté dont il est fait grand cas<br />
mais en définitive peu d’usage. Instituant les prémices<br />
d’une sorte de version moderne et informelle des États<br />
Généraux. Il n’est opposé à cette perspective créatrice<br />
qu’une pauvre théorie, dont l’image la plus proche est<br />
celle du culbuto, selon laquelle tout redeviendra<br />
comme avant. Mais le réalisme a changé de camp, l’utopie<br />
est passée dans celui du conservatisme.<br />
LE MARCHÉ N’ASSURE PAS LA MEILLEURE<br />
ALLOCATION POSSIBLE DES RESSOURCES<br />
Dérangeante, une même question traverse toutes<br />
les problématiques : celle de la rareté, et donc celle du<br />
partage. Le partage des ressources de la planète, dont<br />
nous mesurons mieux la finitude et qui est porteuse<br />
de conflits annoncés, celui du travail, dans nos sociétés<br />
au chômage « structurel » établi et aux emplois<br />
perdus que l’on ne retrouvera pas en raison des progrès<br />
technologiques, et enfin celui d’une richesse qui<br />
ne cesse d’être de plus en plus inégalement distribuée.<br />
C’est le moins que l’on puisse dire : dans aucun de ces<br />
trois cas de figure le marché ne se révèle être à l’origine<br />
de la meilleure allocation possible des ressources,<br />
celle qui a pour but de favoriser le bien-être, la seule<br />
raison d’être de l’activité économique.<br />
Le procès de l’État et de ses vices n’étant plus à faire,<br />
par quels autres mécanismes pourrait-elle être optimisée<br />
? L’enjeu sous-jacent est de donner à la démocratie<br />
– la souveraineté du peuple – un moyen de<br />
s’exercer en accord avec l’époque, ses exigences et sa<br />
complexité. En déprofessionnalisant la politique, qui<br />
est devenue une caricature, en l’élargissant là où elle<br />
n’a pas eu jusqu’à maintenant droit de cité : le fonctionnement<br />
de l’économie. En la<br />
généralisant au niveau local<br />
comme à l’échelle mondiale, plutôt<br />
qu’en se remettant à l’État ou au<br />
marché, ces démiurges auxquels il<br />
a été donné leur chance, avec les<br />
résultats que l’on sait. Une nouvelle<br />
génération d’institutions<br />
démocratiques serait appelée à<br />
succéder à celles qui ont été créées<br />
aux lendemains des Première et<br />
Seconde Guerres mondiales.<br />
Pour ne pas s’arrêter en si bon chemin, une réforme<br />
d’un système monétaire international – qui n’est pas<br />
davantage immuable – pourrait l’accompagner, ainsi<br />
qu’une réflexion approfondie sur les modèles de<br />
développement, afin de généraliser les réflexions<br />
engagées, puis interrompues, sur la mesure de la<br />
richesse et par voie de conséquence sur la croissance.<br />
Le luxe qui consisterait à en faire l’économie est-il<br />
dans nos moyens ? <br />
Marketing des ventes au numéro :<br />
Agence Bo conseil A.M.E / Otto Borscha<br />
oborscha@ame-presse.com (01 40 27 00 18).<br />
Deux suppléments gratuits – MÉTROPOLES et<br />
CITÉ VERTE – sont insérés dans cette édition.<br />
Imprimeries IPS, ZA du Chant des Oiseaux,<br />
80800 Fouilloy. N o de commission paritaire :<br />
0514 C 85607. ISSN : 1277-2380.
© DR<br />
© DR<br />
© DR<br />
VENDREDI 17 MAI 2013 LA TRIBUNE<br />
FRANCIS<br />
PISANI<br />
CHRONIQUEUR<br />
INDÉPENDANT,<br />
AUTEUR, EXPERT<br />
INTERNATIONAL<br />
EN INNOVATION,<br />
CONFÉRENCIER.<br />
SON BLOG :<br />
FRANCISPISANI.NET<br />
JACQUES<br />
SOPPELSA<br />
PRÉSIDENT<br />
HONORAIRE<br />
DE L’UNIVERSITÉ<br />
PARIS I, PROFESSEUR<br />
EN SORBONNE<br />
FRANCK<br />
LADRIÈRE<br />
PDG D’AXONE INV<strong>EST</strong><br />
LES CHRONIQUES 25<br />
UN BESOIN URGENT : REPENSER<br />
LES PROCESSUS D’INVENTION<br />
AU CŒUR DE <strong>La</strong> <strong>Tribune</strong> lance une nouvelle chronique, tenue par Francis<br />
Pisani, longtemps journaliste au Monde. Elle fera le point<br />
L’INNOVATION sur les grandes inventions de notre temps. Car l’avenir, notre<br />
avenir, se dessine aujourd’hui, dans notre capacité à innover, qui reste finalement une<br />
des grandes libertés de l’être humain. À condition de ne pas se tromper de combat.<br />
<strong>La</strong> France se targue volontiers de<br />
faire de la prose même quand elle<br />
l’ignore, d’avoir des idées quand elle<br />
n’a pas de pétrole. Un de ses problèmes<br />
est, au contraire, qu’elle<br />
innove moins qu’elle ne croit. Mais<br />
ceux qui en sont convaincus – ils ne<br />
manquent pas – ont une réponse trop facile : si nous<br />
n’innovons pas, c’est « la faute de l’État », c’est-à-dire<br />
« de l’autre ». Jamais la nôtre.<br />
L’absence (relative) d’innovation<br />
a d’abord une dimension culturelle.<br />
Nous la partageons tous, futce<br />
à des degrés divers. Et trop<br />
d’entreprises qui croient innover<br />
le font en dépit du bon sens.<br />
Parmi la longue liste des problèmes<br />
qui paralysent la plupart<br />
d’entre nous (pas tous, j’insiste), il<br />
y a la peur de l’échec incrustée<br />
dans nos cerveaux dès l’école et le<br />
stigmate des mauvaises notes.<br />
Commune à la plupart des<br />
cultures (mais exacerbée en<br />
France par notre style d’enseignement), elle est<br />
aujourd’hui l’avantage indiscutable (plus que l’abondance<br />
de capital-risque et d’universités de haut<br />
niveau) qui met la Silicon Valley hors du lot. Plus<br />
profond, il y a la préférence presque atavique (encou-<br />
ragée par les succès des mouvements sociaux à l’ère<br />
industrielle) pour la défense des avantages durement<br />
acquis face au changement et à la prise de risque. Ou,<br />
pour reprendre les termes d’un article publié par The<br />
Economist en novembre dernier, le fait que « Paris<br />
et la France préfèrent une culture de la préservation<br />
à celle de l’innovation ».<br />
L’importance de l’État et la relation que nous<br />
entretenons avec lui aggravent ce tableau déjà peu<br />
encourageant. Les Français n’ont de leçons à recevoir<br />
de personne quand il s’agit de<br />
protester mais, trop souvent, nos<br />
revendications consistent à<br />
demander aux autorités d’intervenir<br />
plutôt que de prendre les<br />
choses en main et d’agir.<br />
Ajoutons la méfiance, toutes<br />
tendances politiques confondues,<br />
face à l’entrepreneur. <strong>La</strong> gauche<br />
tend à confondre « entreprise »,<br />
que ses troupes combattent, et<br />
« entreprendre ». Dans ce terme,<br />
elle a le plus grand mal à reconnaître<br />
la valeur de changement<br />
qu’implique le fait de mobiliser des ressources pour<br />
les utiliser de façon plus ecace (la définition de<br />
Jean-Baptiste Say).<br />
<strong>La</strong> droite, quant à elle, ne distingue pas susamment<br />
« gestionnaire » et « entrepreneur ». Elle tend<br />
même à privilégier ceux qui conservent face à ceux<br />
qui font bouger. Pire encore, elle ne reconnaît pas la<br />
valeur croissante de ceux qui entreprennent avec<br />
des objectifs sociaux.<br />
Et comme il serait trop facile d’imputer toute la<br />
faute aux autres, je reconnais volontiers la part de<br />
responsabilité des médias dans la couverture des<br />
thèmes liés à la technologie et à l’innovation. Depuis<br />
vingt ans, trop d’articles tablent sur l’ignorance et le<br />
mépris, quand ça n’est pas le combat bille en tête, avec<br />
l’espoir d’enrayer l’évolution.<br />
UN GRAND NOMBRE D’INDIVIDUS ET DE PETITS<br />
GROUPES INNOVENT DANS LEUR COIN<br />
Je ne prendrai pour exemples de couverture négative<br />
que les innombrables insanités avancées jusqu’à ces<br />
derniers temps pour nous convaincre du manque d’intérêt,<br />
voire du danger des textes électroniques. Un<br />
courant auquel nous ferions beaucoup d’honneur en<br />
lui rappelant que Socrate était contre l’écriture parce<br />
qu’elle débilite la mémoire. Puis nous passons d’un<br />
bond, mais toujours tard, au panégyrique, comme on<br />
le voit dans certaines couvertures des médias sociaux.<br />
Les passionnés, comme moi, abordent rarement les<br />
problèmes posés par un bilan qu’ils estiment « globalement<br />
positif ». Entre les deux on trouve trop peu<br />
d’informations fouillées et d’analyses utiles à l’apprentissage<br />
et à la compréhension.<br />
Malgré ce contexte dicile, un grand nombre d’individus<br />
et de petits groupes innovent dans leur coin.<br />
Quant aux entreprises, trop d’entre elles pensent innover<br />
– souvent en circuit fermé – pour la seule raison<br />
que c’est ce qu’elles devraient faire. Et elles s’en satisfont<br />
sans remettre en question leurs process. Nous<br />
avons tous besoins d’innovation dans l’innovation et<br />
d’en débattre. J’y reviendrai…<br />
OUI, LA FRANCE PEUT ATTIRER LES INV<strong>EST</strong>ISSEURS !<br />
AU CŒUR DES<br />
TERRITOIRES<br />
Le 9 janvier dernier, le conseil des<br />
ministres adoptait une résolution<br />
relative à l’attractivité, « une ambition<br />
partagée pour renforcer l’emploi et<br />
l’investissement en France ». Un<br />
Conseil stratégique de l’attractivité<br />
devrait remettre un rapport à la fin<br />
du semestre, et un « Passeport Talent » est initié. En<br />
fait, dès 2009, le gouvernement Fillon validait la « carte<br />
de résident pour contribution économique exceptionnelle<br />
». Sa cible : les entrepreneurs non européens.<br />
Ces entrepreneurs disposent de moyens de financement<br />
conséquents et souhaitent investir en France<br />
dans des actifs productifs, pérennes et non spéculatifs.<br />
En contrepartie, certains souhaitent bénéficier de la<br />
carte de résident économique, véritable « passeport<br />
pour les aaires », pour se rendre librement en France,<br />
ouvrir des comptes bancaires, créer des sociétés, s’intéresser<br />
à des biens productifs créateurs d’emplois. Force<br />
est de constater que certains ont malheureusement<br />
décidé de donner une suite favorable… à des programmes<br />
concurrents.<br />
Premier constat : pour attirer l’épargne internationale<br />
afin de financer ses investissements productifs,<br />
la France a besoin d’améliorer ses dispositifs existants.<br />
«Dans la longue<br />
liste des<br />
problèmes qui<br />
paralysent les<br />
Français, il y a la<br />
peur de l’échec<br />
incrustée dans nos<br />
têtes dès l’école. »<br />
Avec un programme adapté, le potentiel d’investissement<br />
des entrepreneurs non européens pourrait être compris entre<br />
5 et 10 milliards d’euros.<br />
De nombreux programmes existent dans le monde<br />
pour attirer les investissements. Par exemple, le Wall<br />
Street Journal annonçait en mars dernier que<br />
150 000 Chinois avaient bénéficié de ce type de dispositifs<br />
et avaient investi dans les pays qui en faisaient la<br />
promotion (pour l’essentiel, les États-Unis, le Canada<br />
et le Royaume-Uni). Depuis la création du principe de<br />
carte de résident économique pour contribution exceptionnelle,<br />
la première diculté pour un candidat non<br />
européen est de trouver une banque française acceptant<br />
de s’investir dans la procédure « Lutte antiblanchiment<br />
» pour justifier de l’origine de ses fonds.<br />
Dans le prolongement des rapports Gallois et Berger-<br />
Lefebvre, la mise en avant d’un dispositif d’incitation<br />
pour orienter l’épargne des pays émergents vers le noncoté<br />
français et une impulsion politique forte pour le<br />
promouvoir à l’international peuvent débloquer le<br />
secteur du capital investissement dont la situation<br />
actuelle met en péril la capacité de la France à lancer<br />
les projets d’entreprise audacieux.<br />
Second constat : les banques françaises refusent<br />
presque systématiquement ce type de demandes si le<br />
candidat ne s’engage pas à transférer des capitaux significatifs<br />
sous gestion en plus de l’investissement qu’il<br />
souhaite réaliser dans notre économie. En eet, pour-<br />
quoi une banque irait engager sa responsabilité pour<br />
servir de « boîte aux lettres » pour investir dans des<br />
biens productifs qui ne lui rapporteront rien. Or, si<br />
l’attractivité de la France pour les entrepreneurs non<br />
européens est indiscutable, leur accueil est très loin de<br />
la réputation historique de notre pays et fait les beaux<br />
jours des économies anglo-saxonnes.<br />
EN L’ÉTAT, LA « CARTE DE RÉSIDENT<br />
ÉCONOMIQUE » <strong>EST</strong> INEFFICACE<br />
Troisième constat : beaucoup de moyens existent<br />
pour accueillir des entreprises, mais les entrepreneurs<br />
eux-mêmes ont été oubliés. Il nous semble donc pertinent<br />
de mettre en œuvre une présentation claire du<br />
dispositif, de centraliser les candidatures à travers un<br />
guichet unique, et d’adapter l’accueil en rapport avec le<br />
montant des investissements.<br />
En conclusion, au plan théorique, le programme français<br />
de carte de résident économique est attractif. Nous<br />
avons eu l’occasion de le vérifier lors du Forum de Dubai<br />
du 20 novembre dernier. Mais, en pratique, notre programme<br />
est en l’état inecace en tant que véritable outil<br />
de financement de notre économie. Avec un programme<br />
adapté, le potentiel de candidats investisseurs non européens<br />
pourrait être raisonnablement évalué à 3 000 par<br />
an. Et les investissements qui seraient réalisés pourraient<br />
être compris entre 5 et 10 milliards d’euros. Le<br />
gouvernement vient d’acher sa volonté d’actualiser<br />
ces programmes. Il serait plus que dommageable de<br />
manquer semblable opportunité.
26<br />
L’INTERVIEW<br />
CHARLES-ÉDOUARD BOUÉE<br />
PRÉSIDENT DE LA RÉGION ASIE,<br />
GROUPE ROLAND BERGER STRATEGY CONSULTANTS<br />
« Xi Jinping veut<br />
passer du rêve chinois<br />
au rêve de la Chine »<br />
Membre du comité exécutif du groupe international de conseil Roland Berger Strategy<br />
Consultants, et président de la région Asie, Charles-Édouard Bouée vit à Shanghai depuis<br />
2006. Il vient de publier Comment la Chine change le monde (Éditions Dialogues).<br />
Ce spécialiste reconnu de l’empire du Milieu décrypte les conséquences de l’ascension de la<br />
Chine au rang de première puissance économique mondiale. Pour nous comme pour la planète,<br />
l’enjeu, c’est bien de comprendre la Chine, qui s’apprête à connaître de nouvelles<br />
transformations majeures dont ses nouveaux dirigeants veulent maîtriser le rythme.<br />
PROPOS RECUEILLIS PAR PHILIPPE MABILLE<br />
( LA TRIBUNE – Comment expliquez-vous la faiblesse des<br />
relations commerciales de la France avec la Chine, dont on a eu<br />
une nouvelle démonstration lors du récent voyage éclair de<br />
François Hollande à Pékin ?<br />
CHARLES-ÉDOUARD BOUÉE – N’exagérons pas. Les entreprises<br />
françaises ont une longue expérience de la Chine et<br />
les dirigeants chinois se souviennent que la France du général<br />
de Gaulle a été la première à reconnaître la Chine populaire<br />
de Mao. Pour François Hollande, selon le mot de<br />
l’ambassadeur de Chine en France, cela a été « un voyagedécouverte<br />
» puisque le président de la République n’y était<br />
encore jamais allé. C’est vrai que lorsque Angela Merkel va<br />
en Chine, elle y reste plus longtemps. Mais on peut gager<br />
que François Hollande y retournera, il l’a d’ailleurs promis.<br />
<strong>La</strong> France a pénétré le marché chinois plus tardivement que<br />
l’Allemagne, ce qui explique la diérence de performances<br />
commerciales entre les deux pays. Mais il faut bien comprendre<br />
que la Chine est le pays le plus compétitif au monde,<br />
dans tous les secteurs. C’est un peuple de commerçants :<br />
tant qu’il reste un renminbi de marge, ils se battent. Y compris<br />
entre eux. <strong>La</strong> question que les entreprises françaises<br />
doivent donc se poser pour réussir en Chine, c’est : « Est-ce<br />
que la Chine a besoin de moi ? » On le voit dans l’automobile<br />
où les grands constructeurs français ont tardé à se plier aux<br />
demandes du client chinois. Ils l’ont enfin compris, comme<br />
on l’a remarqué au récent salon de Shanghai. Ce n’est pas le<br />
surfeur qui fait la vague, mais bien l’inverse.<br />
( Pour l’opinion française, l’idée dominante, souvent reprise<br />
par les responsables politiques, demeure que la Chine nous<br />
menace par sa puissance et son dumping monétaire et social…<br />
C’est une idée du passé. <strong>La</strong> bataille du low cost a été perdue<br />
depuis longtemps, avec toutes les conséquences négatives<br />
sur l’industrie occidentale. <strong>La</strong> vraie nouveauté, c’est que<br />
la Chine est menacée à son tour. Ainsi, la société Foxconn,<br />
qui assemble les iPhone d’Apple et emploie 1,2 million<br />
d’ouvriers chinois, vient de commander 1 million de<br />
robots ! C’est un défi aussi pour les fournisseurs traditionnels<br />
de la Chine, États-Unis et Allemagne, parce que la<br />
Chine, en passant des machines-outils aux robots, va changer<br />
de modèle. Les Chinois savent qu’ils vont perdre leur<br />
avantage concurrentiel avec des salaires et une monnaie<br />
faible en accédant au statut de superpuissance. C’est pour<br />
cela que dans leur nouveau plan décennal, ils veulent devenir<br />
une économie de services et développer le commerce,<br />
les services de santé, la banque et le numérique. On voit<br />
même apparaître une économie quaternaire ! En Chine, il<br />
y a plus de téléphones mobiles que d’ordinateurs. Comme<br />
les Chinois aiment beaucoup jouer, on emploie des joueurs<br />
professionnels pour animer les jeux en ligne 24 heures sur<br />
24. De nouveaux métiers sont en train de naître.<br />
( En fait, la Chine va connaître les mêmes problèmes que nous !<br />
Exactement. Elle va devoir faire face à l’énorme défi du<br />
vieillissement accéléré dû à la politique de l’enfant<br />
unique. Et les dirigeants chinois savent qu’ils vont<br />
devoir gérer à marche forcée l’atterrissage vers une<br />
économie moderne, avec toutes les conséquences<br />
sociales et politiques que cela implique. Les vingt<br />
prochaines années vont être marquées par le déplacement<br />
massif des paysans vers les villes, le développement<br />
d’une agriculture intensive pour apporter<br />
l’autosusance alimentaire, la transformation<br />
de l’industrie vers l’innovation et le tertiaire, avec<br />
l’apparition de nouveaux métiers et services. C’est<br />
pour cela qu’ils ont tellement besoin de rééquilibrer<br />
leur développement économique, de lutter contre la<br />
corruption des élites qui se sont enrichies pendant<br />
des années, afin de faire émerger une classe moyenne<br />
qui doit devenir le nouveau pivot de la société. Ils vont<br />
devoir inventer une sécurité sociale, un système de<br />
retraite et de redistribution.<br />
( Que veulent les nouveaux dirigeants chinois, qui semblent<br />
encore énigmatiques sur leurs intentions ?<br />
Ils ne sont pas si énigmatiques que cela. Au<br />
contraire. En Chine, tout est sur la table,<br />
ou plutôt dans le Plan. <strong>La</strong> direction<br />
chinoise a défini une stratégie très<br />
claire pour l’horizon 2030, date à<br />
laquelle elle veut boucler un<br />
cycle vieux de 200 ans, et<br />
renouer avec la situation de<br />
1830, où elle était la première<br />
puissance économique du<br />
monde. Ce qui ne veut pas dire<br />
que la Chine a une volonté<br />
hégémonique. Elle veut être<br />
dominante chez elle, dans sa<br />
zone d’influence, en Asie, mais<br />
au niveau mondial, elle<br />
recherche un équilibre dans<br />
son face-à-face avec les États-<br />
Unis. Malheureusement, la<br />
faiblesse et la désorganisation<br />
de l’Europe ne lui permettent<br />
pas encore de jouer un rôle<br />
LA TRIBUNE VENDREDI 17 MAI 2013<br />
de contre-pouvoir. <strong>La</strong> théorie de l’empire du Milieu, c’est<br />
que tous ceux qui sont sur les bords sont des vassaux. C’est<br />
ce que j’appelle la « Glo-sinisation ». <strong>La</strong> Chine se pense<br />
comme la dernière nation-civilisation. C’est une force par<br />
rapport à nous et aux États-Unis qui sommes sur le déclin.<br />
Les dirigeants chinois savent où ils veulent aller mais ils<br />
savent aussi que cela<br />
va passer par quelques<br />
frottements. Pour<br />
comprendre où va la<br />
Chine, il sut d’écouter<br />
ce que dit le président<br />
Xi Jinping. Il<br />
veut passer du rêve<br />
chinois au « rêve de la<br />
Chine ». C’est très<br />
explicite et diverge du<br />
modèle de l’« American<br />
Dream ». Ce n’est pas le<br />
« Chinese Dream »,<br />
mais bien le « China<br />
Dream » qu’ambitionne<br />
«D’ici à 2030,<br />
la Chine<br />
veut renouer<br />
avec la situation<br />
de 1830, où elle<br />
était la première<br />
puissance<br />
économique<br />
du monde. »<br />
la nouvelle équipe. Ne pas en tenir compte est s’exposer à<br />
une incompréhension mutuelle. Ce rêve de la Chine repose<br />
sur trois ambitions : retrouver sa place historique de première<br />
grande puissance ; passer d’un modèle individualiste<br />
à l’américaine à un modèle plus altruiste. Il ne peut pas y<br />
avoir 1,3 milliard de millionnaires en Chine ! Enfin, résoudre<br />
les défis du développement et de l’urbanisation.<br />
( Et si la Chine échouait ? <strong>La</strong> croissance déjà s’essoue et les<br />
risques de crédit s’accumulent dans les banques…<br />
C’est le grand danger. L’équilibre mondial s’est rompu<br />
depuis la crise de 2008. L’Occident est en crise et sans la<br />
demande des pays développés, la Chine soure à son tour.<br />
Nous sommes donc interdépendants<br />
et nous avons tous<br />
intérêt à ce que la Chine<br />
réussisse. Vous connaissez<br />
la formule : « Si tu<br />
dois 10 000 euros à<br />
ton banquier, tu dors<br />
mal, si tu lui dois<br />
10 millions, c’est lui<br />
qui dort mal. » <strong>La</strong><br />
Chine, c’est une<br />
banque de plusieurs<br />
milliers de<br />
milliards de dollars…<br />
<br />
Retrouvez Charles-<br />
Édouard Bouée sur latribune.fr<br />
dans le blog « <strong>La</strong><br />
Chine et la transformation du<br />
monde ».<br />
Pour Charles-Édouard Bouée, « il faut bien comprendre que<br />
la Chine est le pays le plus compétitif au monde, dans tous les<br />
secteurs. C’est un peuple de commerçants : tant qu’il reste un<br />
renminbi de marge, ils se battent. Y compris entre eux ». [CGPME]
« LA TRIBUNE S’ENGAGE AVEC ECOFOLIO POUR LE RECYCLAGE DES PAPIERS. AVEC VOTRE G<strong>EST</strong>E DE TRI, VOTRE JOURNAL A PLUSIEURS VIES. »<br />
VENDREDI 17 MAI 2013 www.latribune.fr<br />
Supplément au N° 48 - Ne peut être vendu séparément<br />
CITÉ VERTE<br />
ÉDITO Touche pas à mes parcs et jardins…<br />
PHILIPPE HOLLIER<br />
En 2030, c’est-à-dire dans moins de deux décennies,<br />
5 milliards de Terriens sur les 8,5 milliards<br />
que comptera alors la planète vivront dans des<br />
villes. L’espace urbain aura alors triplé de surface<br />
par rapport à l’an 2000 et occupera 1,2 million de kilomètres<br />
carrés, soit deux fois plus que la superficie de la<br />
France métropolitaine. Cette évolution est normale : la<br />
ville attire, elle est un lieu de création de richesse, d’emploi,<br />
de lien social. Mais elle peut aussi se transformer en enfer<br />
lorsqu’elle engendre la surpopulation, la pollution, le bruit,<br />
la violence. Du coup, partout dans le monde, on réfléchit<br />
activement à ce qui pourrait rendre les mégalopoles et les<br />
HEBDOMADAIRE<br />
LA NATURE<br />
RÉINV<strong>EST</strong>IT<br />
NOS VILLES<br />
Le projet du Grand Lyon de réconciliation de la ville avec le Rhône répond aux besoins de détente<br />
des habitants grâce à la création d’espaces de verdure accueillants sur les berges du fleuve.<br />
métropoles de demain vivables, accueillantes, propices aux<br />
échanges et à l’épanouissement de ceux qui y vivront et y<br />
travailleront. L’une des idées qui s’imposent est d’installer<br />
ou de préserver la nature dans la ville. <strong>La</strong> France est un<br />
acteur important de cette réflexion parce que la tendance<br />
à l’urbanisation des territoires est forte, mais aussi parce<br />
qu’elle a la chance d’abriter des paysages divers, uniques,<br />
recherchés par les visiteurs du monde entier.<br />
<strong>La</strong> conception des villes de demain est l’aaire des architectes<br />
et des urbanistes. C’est vrai, mais pas seulement. <strong>La</strong><br />
présence de la nature dans les villes, la création de parcs,<br />
de jardins, voire de forêts dans les zones urbaines est surtout<br />
l’aaire des professionnels du paysage, une filière riche<br />
de 50 000 entreprises et de 160 000 salariés en France qui<br />
se battent pour « verdir » la ville et créer un cadre de vie<br />
qui enrichisse la relation sociale, procure de la paix et du<br />
repos en préservant la santé des citadins. C’est la raison<br />
pour laquelle Val’hor – association interprofessionnelle<br />
de l’horticulture, de la fleuristerie et du paysage –, a développé<br />
l’initiative Cité Verte, à partir des conclusions d’un<br />
cercle de réflexion et de prospective qui vient de publier<br />
un Manifeste pour une Cité verte à l’intention des élus et<br />
de l’ensemble des décideurs locaux. Afin de mettre en<br />
lumière les enjeux du végétal dans la ville, Cité Verte entreprend<br />
dans les semaines qui viennent un tour de France<br />
des métropoles afin de rencontrer les élus, d’écouter leurs<br />
besoins et de proposer des solutions. En partenariat avec<br />
<strong>La</strong> <strong>Tribune</strong>, ce numéro spécial présente les enjeux clés de<br />
la filière du paysage en France et les actions qu’elle mène<br />
pour être mieux reconnue et davantage valorisée. &<br />
© VAL'HOR
DR<br />
2<br />
CITÉ VERTE<br />
FAIRE POUSSER<br />
LA CAMPAGNE<br />
DANS LES VILLES<br />
Savoir-faire <strong>La</strong>ncée à l’initiative des professionnels<br />
du paysage, Cité Verte travaille à la promotion<br />
de la nature en ville et à la préservation d’une filière<br />
d’exception qui réunit 50 000 entreprises et emploie<br />
plus de 160 000 personnes à travers la France.<br />
À<br />
quoi ressembleront<br />
les villes de demain<br />
? Cette question<br />
n’est pas anecdotique.<br />
Elle va<br />
concerner un nombre croissant<br />
d’habitants de la planète, si les projections<br />
des experts sont justes.<br />
L’urbanisation est un phénomène<br />
mondial. En France, où 80 % de la<br />
population habite déjà en zone<br />
urbaine, les projets de métropoles<br />
commencent à prendre forme, ils<br />
attireront de plus en plus d’habitants<br />
dans et à proximité des villes<br />
ou au sein de réseaux d’agglomérations.<br />
<strong>La</strong> ville attire, en même<br />
L’environnement<br />
végétal est au cœur<br />
du développement<br />
économique et social.<br />
temps qu’elle fait peur. Elle séduit<br />
par son dynamisme, par la diversité<br />
des activités qu’elle permet, par<br />
son rôle de lien social, par la densité<br />
de son offre culturelle et de<br />
Erik Orsenna, philosophe, économiste, ancien<br />
président de l’école nationale supérieure du<br />
paysage, se mobilise pour faire entrer la nature<br />
dans l’espace urbain. Pour lui, « c’est une<br />
question de lien social et de santé mentale ».<br />
loisirs. Elle fait peur à cause des<br />
difficultés de transport, de logement,<br />
des risques d’atteinte à la<br />
qualité de la vie et à l’environnement.<br />
Or, il existe un élément essentiel<br />
susceptible de rassurer et<br />
d’apporter davantage de sérénité<br />
aux habitants des villes : le végétal.<br />
Alphonse Allais voulait mettre les<br />
villes à la campagne. C’est le<br />
contraire qu’il faut faire : apporter<br />
des éléments de la campagne en<br />
ville, c’est-à-dire des paysages et de<br />
la verdure, sous des formes très<br />
diverses, parcs, jardins, plantations,<br />
fleurs, mise en scène des rapports<br />
de la nature et de l’eau…<br />
L’ensemble des<br />
professionnels de<br />
la filière paysage,<br />
réunis au sein de<br />
Val’hor, ont décidé<br />
en 2005 de lancer<br />
une grande initiative<br />
en France,<br />
baptisée Cité Verte. De quoi s’agitil<br />
? De promouvoir la présence de<br />
la nature dans la ville ainsi que les<br />
entreprises de la filière (50 000<br />
sociétés, 11 milliards d’euros de<br />
ERIK ORSENNA<br />
ÉCONOMISTE, ACADÉMICIEN ET PRÉSIDENT DU CERCLE CITÉ VERTE<br />
« Le jardin est une leçon<br />
permanente de philosophie »<br />
« Je me suis impliqué dans la<br />
démarche Cité Verte parce que je<br />
suis passionné par l’articulation<br />
entre la nature et l’être humain.<br />
J’aime cette collaboration. Pour<br />
moi, une ville sans végétal est une<br />
aberration. C’est pourquoi il faut<br />
faire entrer la nature dans l’espace<br />
urbain. C’est une question de lien<br />
social et de santé mentale. Le jardin<br />
est une leçon permanente de<br />
philosophie visible. J’ai toujours<br />
l’impression, lorsque je me promène<br />
dans un jardin, que je suis<br />
chire d’aaires, 160 000 emplois).<br />
Non par des actions commerciales<br />
ou publicitaires, mais dans le cadre<br />
d’une démarche de réflexion sur les<br />
moyens et décisions à mettre en<br />
œuvre pour que le végétal soit davantage<br />
présent dans la ville et que<br />
la production et le savoir-faire français<br />
dans ce domaine soient mieux<br />
valorisés auprès des décideurs locaux.<br />
Au cours de ces deux dernières<br />
années, Cité Verte, animée par un<br />
cercle de membres permanents présidé<br />
par l’écrivain et académicien<br />
Erik Orsenna et composé de professionnels<br />
de la filière et d’experts,<br />
d’économistes, d’architectes et de<br />
philosophes, a tenu des réunions de<br />
travail au cours desquelles ont été<br />
auditionnées de nombreuses personnalités<br />
extérieures, pour explorer<br />
les voies d’une meilleure intégration<br />
de la nature dans la ville.<br />
UN MANIF<strong>EST</strong>E DE 70<br />
PROPOSITIONS CONCRÈTES<br />
De ce travail de fond a émergé un<br />
Manifeste pour une Cité verte, largement<br />
diffusé auprès des pouvoirs<br />
publics, des élus locaux, et<br />
en train de lire ou d’écrire ! Dans<br />
notre monde pris en otage par la<br />
tyrannie du court terme, le jardin<br />
rappelle que le temps existe et<br />
qu’il mérite le respect. C’est un<br />
lieu d’équilibre entre la volonté et<br />
l’humilité.<br />
Mais la mission de Cité Verte<br />
c’est aussi de faire comprendre la<br />
dimension économique du paysage<br />
et du végétal. Ils nous<br />
rendent au centuple ce que nous<br />
leur donnons. Or, la situation économique<br />
de la filière est inquié-<br />
des professionnels, qui s’articule<br />
autour de convictions fortes : les<br />
jardins et les paysages sont des éléments<br />
essentiels de nos vies et de<br />
nos villes ; les entreprises de la filière<br />
disposent de savoirs-faire exceptionnels<br />
; les jardins et paysages<br />
sont au cœur du développement<br />
économique et social ; tous les acteurs,<br />
y compris la puissance publique,<br />
doivent se mobiliser pour<br />
soutenir une filière professionnelle<br />
d’excellence mais fragilisée par une<br />
tante, notamment pour les producteurs<br />
de végétaux. Et d’autres<br />
questions sont en suspens, comme<br />
celle de la réglementation européenne<br />
en matière d’appels<br />
d’ores. Quand vous n’avez pas le<br />
droit de privilégier les produits<br />
locaux, les conséquences économiques,<br />
sociales, culturelles, sont<br />
dramatiques.<br />
Mais je crois que l’économie est<br />
en train de redevenir intelligente.<br />
Pendant longtemps, elle fut une<br />
science véritablement humaine,<br />
LA TRIBUNE VENDREDI 17 MAI 2013<br />
Les espaces paysagers, un moyen de recréer du lien social dans les<br />
grands ensembles urbains, comme sur le plateau de Haye, à Nancy.<br />
concurrence qui n’est pas toujours<br />
juste. Ce manifeste propose dix<br />
actions prioritaires, parmi lesquelles<br />
faire en sorte que chaque<br />
citoyen bénéficie d’un parc ou d’un<br />
jardin à moins de 300 mètres de son<br />
domicile ; consacrer au moins 5 %<br />
de chaque projet urbain à la création<br />
d’aménagements paysagers ;<br />
favoriser les filières courtes dans les<br />
achats de végétaux ; développer des<br />
indicateurs pour mesurer les services<br />
environnementaux, écono-<br />
liée à l’histoire, à la géographie, à<br />
l’anthropologie, à la sociologie.<br />
Les grands économistes classiques<br />
comme Smith ou Ricardo<br />
avaient une vision globale de la<br />
société. Puis on a voulu faire de<br />
l’économie une science « dure »<br />
et la réduire à de pauvres mathématiques.<br />
Or, cela ne marche pas.<br />
Il faut mesurer la richesse avec<br />
d’autres outils que notre PIB. Il<br />
faut y introduire des éléments de<br />
bien-être, de santé, d’accomplissement.<br />
Le paysage et le végétal<br />
ont toute leur place dans cette<br />
conception nouvelle. Ajoutons<br />
qu’ils nous rappellent à l’exigence<br />
d’un développement vraiment<br />
durable où l’on apprend ce qu’est<br />
le respect, ce que peut le recyclage,<br />
et la part d’invisible, de<br />
modeste et d’obstiné derrière tout<br />
ce qu’on voit. »&
LA TRIBUNE VENDREDI 17 MAI 2013<br />
miques et culturels que rendent les<br />
jardins et végétaux ; redonner ses<br />
lettres de noblesse à la connaissance<br />
des plantes ; renforcer la<br />
solidarité au sein des professionnels,<br />
concepteurs, producteurs,<br />
entrepreneurs. Enfin, le manifeste<br />
a élaboré 70 propositions<br />
concrètes pour une Cité verte, qui<br />
précisent et détaillent ces 10 actions<br />
prioritaires.<br />
<strong>La</strong> première partie de la mission<br />
d’origine a donc été menée<br />
à bien. Les pouvoirs publics ont<br />
été saisis à tous les niveaux, y<br />
compris à l’Élysée, puisque rien<br />
n’est possible dans ce domaine<br />
sans une mobilisation des plus<br />
hauts échelons de l’État.<br />
SENSIBILISER<br />
LES DÉCIDEURS LOCAUX<br />
Mais le développement du végétal,<br />
des espaces verts, des jardins<br />
est aussi une affaire de décisions<br />
locales. C’est la raison pour<br />
laquelle Val’hor, qui était déjà<br />
partenaire du 95 e Congrès des<br />
maires en novembre 2012, souhaite<br />
maintenant sensibiliser,<br />
sur le terrain, les décideurs économiques<br />
et les élus, en organisant<br />
une sorte de tour de France<br />
des métropoles, le Grand Tour<br />
FOCUS<br />
Première étape :<br />
Marne-la-Vallée<br />
Le 14 mai, Marne-la-Vallée accueille la première<br />
étape du Grand Tour Cité Verte. Presque une évidence<br />
pour une ville qui s'auto-proclame la métropole<br />
du développement durable. Elle a d’ailleurs<br />
lancé un certain nombre d’opérations<br />
exemplaires comme l’aménagement des berges<br />
et des pontons des bords de Marne. L’agglomération<br />
a mis au point un schéma de cohérence et<br />
d’orientation paysagère (SCOP), véritable outil<br />
stratégique de gestion du paysage, en combinant<br />
les enjeux environnementaux, culturels, sociaux<br />
et économiques.&<br />
© MYRIAM TISSERAND<br />
Cité Verte. Il se déroulera dans<br />
une dizaine des plus grandes<br />
villes françaises, la plupart<br />
d’entre elles se trouvant d’ailleurs<br />
au cœur de projets de pôles<br />
métropolitains. Dans chacune de<br />
ces villes, et dès le 14 mai à<br />
Marne-la-Vallée (lire ci-dessous),<br />
avec le concours de <strong>La</strong><br />
<strong>Tribune</strong>, des débats seront organisés<br />
avec les maires et les élus,<br />
les professionnels de la filière,<br />
les décideurs économiques, sous<br />
la houlette de Dominique<br />
Douard, président de Val’hor et<br />
d’Erik Orsenna, président du<br />
cercle Cité Verte. &<br />
Les berges de la Marne réaménagées<br />
pour revaloriser leur biodiversité.<br />
DR<br />
DR<br />
CITÉ VERTE<br />
3<br />
DOMINIQUE DOUARD<br />
PRÉSIDENT DE VAL’HOR<br />
« Notre filière insue<br />
beauté et bien-être »<br />
Entrepreneur du Paysage dans la<br />
région de Perpignan, Dominique<br />
Douard préside Val’hor, association<br />
interprofessionnelle de l’horticulture,<br />
du paysage et de la fleuristerie<br />
qui a lancé Cité Verte comme une<br />
démarche citoyenne. Il en explique<br />
les motivations et les résultats.<br />
( LA TRIBUNE – Pourquoi avezvous<br />
lancé cette initiative Cité Verte ?<br />
DOMINIQUE DOUARD – Nous<br />
avons créé Cité Verte avec l’idée que<br />
ce devait être l’aaire de l’interprofession<br />
du paysage, pour sensibiliser<br />
l’ensemble des acteurs publics, mais<br />
aussi l’opinion, sur la nécessité de<br />
promouvoir le végétal dans les villes,<br />
d’autant plus que dans les années qui<br />
viennent l’urbanisation va se poursuivre,<br />
des projets ambitieux pour<br />
constituer des pôles métropolitains<br />
sont en cours.<br />
Nous avons conçu Cité Verte comme<br />
une démarche de réflexion lancée<br />
par la profession mais ouverte à des<br />
personnalités extérieures, économistes,<br />
philosophes, sociologues,<br />
médecins, architectes, qui avaient un<br />
rapport ou des opinions sur la place<br />
du végétal dans l’espace urbain.<br />
J’insiste sur le fait que cette démarche<br />
est entièrement financée par<br />
l’interprofession, sans recours à des<br />
partenaires économiques, car nous<br />
voulions que cette initiative soit totalement<br />
prise en charge par ceux<br />
qui travaillent chaque jour sur le<br />
sujet, qu’ils soient paysagistesconcepteurs<br />
ou entrepreneurs, producteurs<br />
ou distributeurs de végétaux.<br />
Nous avons cherché une<br />
personnalité indépendante pour<br />
présider le cercle de réflexion Cité<br />
Verte. Erik Orsenna est à la fois économiste<br />
mais aussi grand connaisseur<br />
de nos métiers puisqu’il a présidé<br />
l’École nationale supérieure du<br />
paysage de Versailles.<br />
( LA TRIBUNE – Quel est aujourd’hui<br />
le fruit de ce travail ?<br />
Nous avons abouti à la rédaction<br />
d’un Manifeste pour une Cité Verte,<br />
énonçant dix actions prioritaires et<br />
70 propositions pour développer le<br />
végétal dans la ville. Il s’agit de mener<br />
une démarche d’intérêt général,<br />
au service du public. Les dix actions<br />
prioritaires sur lesquelles nous<br />
avons mis l’accent constituent le<br />
socle de notre mission, nous les<br />
avons présentées aux plus hautes<br />
autorités de l’État. Je ne vais pas<br />
toutes les citer, mais nous souhaitons,<br />
par exemple, que la recommandation<br />
de l’Agence européenne de<br />
l’environnement – chaque citoyen<br />
doit bénéficier, à moins de 300<br />
mètres de son habitation, d’un parc<br />
ou d’un jardin –, soit mise en œuvre.<br />
Nous ne voulons pas que le dialogue<br />
soit cantonné à Paris, entre les représentants<br />
de la profession et le gouvernement,<br />
mais qu’il s’enrichisse<br />
dans les régions et les territoires. <strong>La</strong><br />
façon dont se tisse la relation entre<br />
le citoyen et le végétal n’est pas la<br />
même partout en France, ni dans<br />
toutes les villes. C’est la raison pour<br />
laquelle nous organisons le Grand<br />
Tour Cité Verte. Il nous conduira<br />
dans dix villes qui seront demain au<br />
cœur de pôles métropolitains, au<br />
sein desquels la question du végétal<br />
se posera en termes nouveaux.<br />
( LA TRIBUNE – Que voulez-vous<br />
démontrer avec le Grand Tour Cité<br />
Verte ?<br />
L’objectif est de sensibiliser les décideurs<br />
locaux, élus, chefs d’entreprise,<br />
spécialistes de l’urbanisme, sur<br />
l’importance du végétal dans les<br />
villes, et sur le rôle essentiel qu’ils<br />
peuvent jouer dans le développement<br />
de la filière française du paysage.<br />
Nos voisins et concurrents<br />
européens, hollandais, allemands,<br />
italiens pour ne citer qu’eux, ont<br />
développé des filières d’exportation,<br />
des réseaux logistiques, des circuits<br />
de distribution, qui servent à diuser<br />
largement leurs productions sur le<br />
territoire français, alors qu’il y a<br />
quelques décennies, c’étaient les<br />
végétaux français qui conquéraient<br />
l’Europe. Nous voulons inverser la<br />
tendance actuelle.<br />
( LA TRIBUNE –Vous voulez donc que<br />
les collectivités achètent davantage<br />
français, lorsqu’il s’agit de végétaux ?<br />
Absolument. Nous croyons possible<br />
d’inverser les flux, en convainquant<br />
les acheteurs de limiter le recours<br />
aux importations, ce qui est bon<br />
pour le bilan carbone, bon pour<br />
l’emploi puisque l’argent public servirait<br />
moins à financer des importations<br />
et donc des destructions de<br />
postes en France. Avec une commande<br />
de 50 000 euros, je finance<br />
un emploi à temps plein pendant un<br />
an… PROPOS RECUEILLIS PAR<br />
PHILIPPE HOLLIER
4<br />
CITÉ VERTE<br />
LA TRIBUNE VENDREDI 17 MAI 2013<br />
UN SECTEUR EN QUÊTE<br />
DE VALORISATION<br />
ET DE RECONNAISSANCE<br />
Compétitivité Face à la concurrence<br />
européenne, les professionnels<br />
français se mobilisent pour revaloriser<br />
leur filière auprès des acteurs locaux.<br />
D<br />
errière les espaces<br />
verts, parcs et jardins<br />
de nos villes, il y a une<br />
filière professionnelle<br />
qui embrasse des métiers<br />
très divers. Horticulteurs, fleuristes,<br />
entrepreneurs du paysage,<br />
paysagistes-concepteurs, distributeurs<br />
forment un ensemble de<br />
50 000 entreprises qui assurent la<br />
production, l’agencement ou la<br />
vente de végétaux d’ornement.<br />
Ce sont les entreprises du paysage<br />
qui fournissent le plus gros<br />
contingent (26 500 sociétés), devant<br />
les fleuristes (14 840 magasins),<br />
les horticulteurs (5 050 entreprises),<br />
les jardineries et<br />
graineteries (1 790), auxquelles il<br />
faut ajouter 1 700 libres-services<br />
agricoles et 762 entreprises de<br />
commerce de gros. L’ensemble de<br />
la profession, regroupée au sein de<br />
Val’hor, réalise un chire d’aaires<br />
annuel de l’ordre de 11 milliards<br />
d’euros, dont les entreprises du<br />
paysage réalisent près de la moitié.<br />
Les dépenses des particuliers en<br />
végétaux d’ornement dépassent les<br />
3 milliards d’euros par an (19 millions<br />
de foyers en France possèdent<br />
un jardin ou une terrasse).<br />
DÉCRYPTAGE<br />
L’activité de la filière est surtout<br />
concentrée sur le marché français<br />
(6 % du chire d’aaires est réalisé<br />
à l’exportation) et celle des entreprises<br />
du paysage se déploie essentiellement<br />
au niveau local et régional<br />
(près de 70 % des ventes). Mais<br />
la problématique principale du<br />
secteur est celle de la concurrence<br />
étrangère. Sa balance commerciale<br />
est très déséquilibrée : 71 millions<br />
d’euros d’exportations de fleurs et<br />
plantes ornementales fraîches, pour<br />
881 millions d’importations…<br />
UNE DÉSASTREUSE COURSE<br />
AUX PRIX BAS<br />
Cette situation est l’une des fragilités<br />
de la profession, comme le<br />
souligne Dominique Douard, président<br />
de Val’hor (lire interview<br />
page 3). Elle est due au fait que les<br />
entreprises hollandaises et allemandes<br />
se sont organisées dans<br />
l’objectif de conquérir les marchés<br />
européens, et ont mis en place des<br />
organisations de production et de<br />
logistique qui leur permettent de<br />
pratiquer des prix très bas.<br />
Toute la profession est donc mobilisée<br />
pour inverser cette tendance.<br />
Le dernier bulletin de conjoncture<br />
« L’approche durable<br />
a tout changé »<br />
Lorsqu’en 2003, Olivier Véron devient formateur pour des apprentis<br />
en BTSA Aménagements paysagers à Hortithèque, le centre<br />
de formation horticole de Seine-Maritime, la gestion des eaux<br />
pluviales et le recyclage des déchets sont encore des terres<br />
– presque – inconnues dans l’enseignement. À l’époque, l’école est<br />
la seule à proposer cette pédagogie dans le nord-ouest de la France.<br />
« Depuis cinq ans, l’approche durable a tout changé, explique l’ancien<br />
paysagiste devenu formateur. Les paysagistes doivent appréhender<br />
cette dimension environnementale, que ce soient les toitures<br />
végétalisées ou les lotissements écologiques. Et nos élèves sont déjà<br />
sensibilisés au développement durable. » En septembre 2013, l’école<br />
changera d’ère en adoptant un nouveau référentiel de formation<br />
de l’enseignement technique pour l’aménagement paysager. Car<br />
l’avenir n’est plus seulement à la conception et à la création, mais<br />
surtout à la gestion et à l’entretien des paysages. &<br />
En France, les dépenses des particuliers en végétaux<br />
d’ornement dépassent les 3 milliards d’euros par an.<br />
établi par Val’hor pour le quatrième<br />
trimestre de 2012 indique la poursuite<br />
d’une croissance modérée<br />
pour la filière, même si le taux de<br />
« transformation » des devis tend à<br />
baisser dans les collectivités et chez<br />
les particuliers, de même que le prix<br />
moyen des opérations. D’où la nécessité<br />
de valoriser la filière auprès<br />
des collectivités locales. Une enquête<br />
réalisée dans le cadre de Cité<br />
Verte montre que 73,5 % des collectivités<br />
locales de plus de 5 000 habi-<br />
Olivier Véron, formateur<br />
en aménagement paysager.<br />
DR<br />
tants ont des projets de rénovation<br />
urbaine, 50,8 %, des projets d’écocité<br />
ou d’écoquartier, 30,6 % ont mis<br />
en place des plans de restauration<br />
et de valorisation de la nature en<br />
ville. Même si la mise en chantier<br />
de logements neufs est en baisse, le<br />
marché des collectivités reste dynamique,<br />
car pour les élus, la valorisation<br />
de la nature est un facteur<br />
d’amélioration des conditions de vie<br />
dans l’espace urbain, elle facilite le<br />
lien social. Autant de sujets auxquels<br />
ils sont très attentifs.<br />
Comment faire en sorte que la filière<br />
française du paysage soit<br />
mieux reconnue et valorisée par les<br />
décideurs locaux ? Val’hor a lancé<br />
depuis plusieurs années toute une<br />
Il y a urgence à<br />
récompenser la qualité<br />
des prestations des<br />
entreprises françaises.<br />
série d’actions de sensibilisation<br />
(les Victoires du paysage, le cercle<br />
Cité Verte, prix de la diversité végétale,<br />
participation aux finales internationales<br />
des Olympiades des<br />
métiers, lancement de la campagne<br />
et du slogan « Les végétaux, design<br />
par nature », participation à la Semaine<br />
du jardinage dans les écoles,<br />
création du Fonds d’initiative d’actions<br />
locales qui finance des opérations<br />
mettant en avant les métiers<br />
et les acteurs de la filière…). Mais il<br />
faut agir aussi sur les conditions<br />
d’accès aux marchés publics des<br />
collectivités, comme le souligne<br />
Michel Le Borgne, patron des pépinières<br />
Drappier, dans le Nord-Pasde-Calais.<br />
Dans son blog, <strong>La</strong> Voix<br />
des Racines, il rappelle que la pratique<br />
systématique du « moins-disant<br />
» dans les appels d’ores des<br />
collectivités produit un eet désastreux<br />
sur les producteurs français<br />
de plantes. Ces pratiques, écrit<br />
Michel Le Borgne, « éliminent petit<br />
à petit les fournisseurs sérieux qui ne<br />
veulent pas brader le travail de leurs<br />
salariés et maintenir la qualité de<br />
leurs prestations ». Et il poursuit :<br />
« Dans une filière comme celle du<br />
paysage, quelles sont les entreprises<br />
qui finissent par financerdouloureu-<br />
sement une part des<br />
investissements<br />
publics achetés en<br />
deçà du prix de revient<br />
? Ce sont les<br />
entreprises de production<br />
de plantes, les pépiniéristes<br />
et les horticulteurs, premiers maillons<br />
de la filière. »<br />
Il y a urgence à faire en sorte que<br />
la filière du paysage français voie<br />
récompensée la qualité de ses productions<br />
et de ses prestations, que<br />
les collectivités privilégient l’emploi<br />
local dans leurs décisions d’investissements.<br />
Un combat qui s’annonce<br />
long et difficile, mais dont dépendent<br />
quelques dizaines de milliers<br />
d’emplois dans les régions. &<br />
DR
© GAUTIER STEPHANE © JEROME DELAHAYE<br />
LA TRIBUNE VENDREDI 17 MAI 2013<br />
Dans les entreprises du paysage, la moyenne d’âge est de 35 ans<br />
et le niveau de formation est en constante augmentation.<br />
UNE FILIÈRE <strong>QUI</strong><br />
CRÉE DE L’EMPLOI<br />
Métiers Les perspectives d’embauche sont<br />
nombreuses dans un secteur qui participe<br />
à consolider le tissu économique de proximité.<br />
<strong>La</strong> filière du végétal représente<br />
quelque 160 000 emplois en<br />
France. Près de la moitié des salariés<br />
travaillent dans les entreprises<br />
du paysage (85 050 actifs), 25 000<br />
dans des entreprises de production de végétaux.<br />
Une caractéristique essentielle de ces<br />
emplois est d’être locaux, donc dédiés au<br />
tissu économique de proximité. Ces salariés<br />
sont plutôt jeunes (la moyenne d’âge dans les<br />
entreprises du paysage est de 35 ans) et 90 %<br />
des employés travaillent dans des sociétés de<br />
moins de cinq collaborateurs. Le niveau de<br />
formation est en constante augmentation,<br />
notamment dans les entreprises du paysage,<br />
où la proportion de salariés qualifiés est passée<br />
de 23 % en 2004 à 26 % en 2010. Certes,<br />
cela peut paraître faible par rapport à d’autres<br />
JACQUES PÉLISSARD<br />
PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE (AMF)<br />
« la ville est un<br />
espace où la nature<br />
a toute sa place »<br />
Le président de l’AMF, député du<br />
Jura, maire de Lons-le-Saulnier, est<br />
un ardent défenseur du végétal dans<br />
la cité. Il s’en explique à <strong>La</strong> <strong>Tribune</strong>.<br />
( LA TRIBUNE – Quelle importance<br />
les maires des villes de France accordent-ils<br />
à la présence du végétal<br />
dans la cité ?<br />
JACQUES PÉLISSARD – Aujour d’hui,<br />
plus de 80 % de la population française<br />
vit en milieu urbain. De nombreuses<br />
enquêtes ou sondages,<br />
réalisés ces dernières années, démontrent<br />
l’importance pour les<br />
habitants de la nature en ville. Le<br />
végétal permet, en eet, de créer au<br />
cœur des paysages urbains des espaces<br />
ouverts, comme des respirations<br />
qui rappellent que la ville ne<br />
se substitue pas à la nature, mais<br />
doit se conjuguer avec elle.<br />
( LA TRIBUNE – Comment inciter<br />
les responsables de ces villes à mieux<br />
intégrer le végétal dans leurs projets ?<br />
Des paysagistes prennent bien souvent<br />
part à la conception des projets<br />
d’aménagement des espaces<br />
urbains pour une meilleure intégration<br />
du végétal en ville. Il n’en<br />
demeure pas moins que de nombreux<br />
maires peuvent méconnaître<br />
l’étendue de ce métier, ses compétences<br />
et ses qualifications. Il serait<br />
intéressant de les sensibiliser à<br />
cette dimension professionnelle, en<br />
travaillant sur la plus-value végétal-paysage.<br />
Néanmoins, des progrès<br />
en la matière<br />
ont été accomplis<br />
ces dernières années.<br />
Par exemple,<br />
la Charte des<br />
maires pour l’environnement,élaborée<br />
par l’AMF en<br />
2007, encourage<br />
les élus à protéger la biodiversité en<br />
mettant en œuvre des actions variées<br />
liées notamment au développement<br />
des espaces verts dans les<br />
zones urbanisées.<br />
( LA TRIBUNE – Comment le végétal<br />
s’inscrit-il dans les enjeux futurs de<br />
l’urbanisation et de la création des<br />
pôles métropolitains ?<br />
Au-delà des enjeux de loisirs et<br />
d’esthétique, le végétal constitue un<br />
élément essentiel du développement<br />
durable en milieu urbain. Ces<br />
dernières années, les diérents travaux<br />
nationaux (Grenelle de l’environnement<br />
et Conférence environnementale<br />
de 2012) ont démontré<br />
l’importance de lier les actions<br />
d’aménagement et de développement<br />
durable des territoires. Ainsi,<br />
filières, mais la tendance à l’amélioration des<br />
compétences est réelle de même que le besoin<br />
en cadres techniques et en ingénieurs<br />
spécialisés. 19 % des entreprises avaient, en<br />
2010, procédé à des investissements en formation<br />
au-delà de l’obligation légale.<br />
QUATRE ENTREPRISES SUR DIX<br />
ONT DU MAL À RECRUTER<br />
De véritables centres d’excellence en matière<br />
de formation se sont développés en<br />
France, comme Hortithèque à Fauville-en-<br />
Caux, un établissement public du ministère<br />
de l’Agriculture, mais aussi un centre de formation<br />
aux métiers de l’horticulture, du paysage<br />
et du commerce en animalerie et en<br />
jardinerie, avec un Centre de formation<br />
d’apprentis (CFA) et un centre de formation<br />
professionnelle pour adultes (CFPPA). Néanmoins,<br />
beaucoup d’entreprises de la filière<br />
éprouvent des dicultés à recruter des salariés<br />
de niveau agent de maîtrise ou cadre.<br />
Dans le secteur des entreprises du paysage,<br />
près de quatre sociétés sur dix indiquent des<br />
dicultés à recruter (étude de l’Union nationale<br />
des entreprises du paysage). Il faut souligner<br />
en outre l’importance que jouent les<br />
entreprises de la filière en matière d’insertion<br />
des jeunes.<br />
Afin d’attirer les vocations et de favoriser le<br />
recrutement, Val’hor a lancé de nombreuses<br />
initiatives de valorisation des métiers et des<br />
savoir-faire comme son soutien au comité<br />
français des Olympiades des métiers, le<br />
concours Innovert dans le cadre du salon du<br />
végétal, le parrainage du Carré des Jardiniers<br />
du salon Paysalia, son action dans le domaine<br />
de la reconnaissance des végétaux (lire cicontre)<br />
ou son site Web Ton avenir en vert.<br />
<strong>La</strong> filière du paysage est donc en mutation.<br />
Ses besoins évoluent à mesure que les technologies<br />
progressent. Les métiers d’entrepre-<br />
la ville de demain doit, dès aujourd’hui,<br />
répondre à des objectifs<br />
de lutte contre les changements<br />
climatiques, contre un étalement<br />
urbain sans maîtrise et sans<br />
contrôle et assurer la protection de<br />
la biodiversité.<br />
«<strong>La</strong> cité de demain<br />
doit répondre,<br />
dès aujourd’hui,<br />
à des objectifs<br />
de biodiversité. »<br />
Dans ce cadre,<br />
la place du végétal<br />
permet de<br />
constituer une<br />
vision intégrée,<br />
à la fois environnementale<br />
et durable de la<br />
conception des futurs projets d’urbanisation<br />
des espaces.<br />
Nous pouvons citer deux exemples<br />
concrets permettant d’inscrire le<br />
végétal dans les projets d’urbanisation.<br />
Le premier, ce sont les travaux<br />
réalisés ces dernières années sur la<br />
trame verte et bleue. L’AMF a ainsi<br />
porté une attention toute particulière<br />
à sa mise en œuvre opérationnelle<br />
prévue dans le cadre des engag<br />
e m e n t s d u G renelle d e<br />
l’environnement. Cette trame verte<br />
et bleue a pour objectif d’assurer<br />
une continuité biologique entre les<br />
grands ensembles naturels pour<br />
permettre notamment la circulation<br />
des espèces naturelles. <strong>La</strong> végétalisation<br />
des villes et pôles métropolitains<br />
tient à cet effet un rôle<br />
important pour répondre à ces ob-<br />
CITÉ VERTE<br />
5<br />
neur du paysage, de producteur de végétaux<br />
pour ne parler que d’eux sont en train de<br />
connaître de nombreuses évolutions techniques,<br />
qu’il s’agisse de méthodes de culture<br />
ou d’entretien des végétaux, mais aussi de<br />
sélection d’espèces, de qualité des sols, de<br />
culture sans intrants. Les entreprises vont<br />
devoir se doter de véritables experts et techniciens<br />
et développer les filières d’excellence<br />
dans leurs métiers. Une façon d’accroître<br />
encore la valorisation du secteur et de le<br />
rendre plus séduisant pour les jeunes à la<br />
recherche d’une spécialisation. &<br />
FOCUS<br />
Le b.a.-ba<br />
du végétal<br />
Se lancer dans les métiers du paysage<br />
implique d’être capable de nommer<br />
les végétaux. Savoir que le hêtre est<br />
un Fagus sylvatica et que le Convallaria<br />
majalis désigne le muguet de<br />
mai… C’est dans ce but que Val’hor a<br />
soutenu le premier concours national<br />
de reconnaissance des végétaux qui<br />
s’est tenu dans le cadre du salon Paysalia.<br />
Cette épreuve a pour objectif de<br />
promouvoir la connaissance de la<br />
botanique, de valoriser ses formations<br />
et ses métiers. Les participants<br />
au concours doivent reconnaître,<br />
pour les niveaux les plus élevés,<br />
40 plantes en 90 minutes ; sa deuxième<br />
édition est programmée en<br />
décembre 2013, à Lyon. &<br />
jectifs. Le deuxième exemple, ce<br />
sont les initiatives développées par<br />
Val’hor, telles que les Victoires du<br />
paysage, qui constituent une base<br />
d’exemples intéressants de partenariats<br />
réussis entre communes et<br />
professionnels du paysage dans la<br />
réalisation de projets d’aménagement<br />
paysager.<br />
( LA TRIBUNE – Que faudrait-il faire<br />
pour soutenir davantage la filière française<br />
du paysage ?<br />
L’AMF participe à de nombreux<br />
travaux en cours visant à favoriser<br />
l’insertion paysagère des bâtiments<br />
et, de manière plus générale,<br />
le renforcement des liens entre les<br />
villes et la nature. Ainsi, la prise de<br />
conscience généralisée des élus de<br />
l’importance des services rendus<br />
par la nature devrait les encourager<br />
à faire appel davantage à des<br />
professionnels du paysage. Cela<br />
passe par une plus grande communication<br />
rappelant à tous les acteurs<br />
concernés que la ville n’est<br />
pas une frontière sur laquelle<br />
s’arrête la nature mais constitue,<br />
bien au contraire, un espace où la<br />
nature s’intègre et a toute sa place.<br />
Ce lien essentiel fonde le besoin,<br />
de plus en plus ressenti par les<br />
équipes municipales et leurs services,<br />
d’un rapprochement fort<br />
entre eux et la filière du paysage. &
6<br />
CITÉ VERTE<br />
LE VÉGÉTAL<br />
COMME GARANT<br />
DE LA SANTÉ<br />
© ERIC LEFEUVRE<br />
Des preuves Des études récentes menées dans plusieurs pays – États-Unis,<br />
Royaume-Uni, France… – apportent la caution scientifique à une vérité de bon<br />
sens : on vit mieux et en meilleure santé dans un environnement plus herbacé…<br />
Pourra-t-on espérer un<br />
jour combler le trou de<br />
la sécurité sociale par la<br />
création de jardins et<br />
d’espaces verts » s’interrogeaient<br />
dans une tribune publiée<br />
par le journal Le Monde (parution<br />
du 28 juillet 2011) Jean-Marc<br />
Bouillon, Président de la Fédération<br />
française du paysage (FFP) et<br />
Emmanuel Mony, Président de<br />
l’Union nationale des entrepreneurs<br />
du paysage (UNEP). <strong>La</strong> question<br />
vaut d’être posée. « Tout le<br />
monde rêve d’un monde plus respectueux<br />
de la nature, de villes plantées<br />
d’arbres et de parcs, d’habitations<br />
qui font la part belle au jardin et au<br />
végétal. Nos enquêtes annuelles<br />
montrent que neuf Français sur dix<br />
expriment un besoin croissant de<br />
nature et sont convaincus de la nécessité<br />
de préserver l’environnement<br />
et de développer les espaces verts.<br />
Au-delà de ces aspirations sociales<br />
fortes, les eets concrets des espaces<br />
MICHEL AUDOUY<br />
PRÉSIDENT DE LA COMMISSION<br />
verts sur la santé – et donc sur les<br />
coûts évités pour la Sécurité Sociale<br />
– sont désormais établis », poursuivaient<br />
encore les auteurs.<br />
De fait, un grand nombre d’études<br />
publiées sur le sujet aboutissent<br />
toutes au même résultat : il existe<br />
un lien direct entre plantes, santé et<br />
bien-être des habitants des villes.<br />
Neuf Français sur dix<br />
expriment un besoin<br />
croissant de nature et<br />
d’espaces verts.<br />
L’Association européenne des entreprises<br />
du paysage (ELCA) a fait<br />
travailler un certain nombre de<br />
chercheurs dans le cadre de séminaires<br />
et d’ateliers. Sur le plan environnemental,<br />
la capacité d’absorption<br />
des feuilles des plantes durant<br />
leur processus de croissance améliore<br />
la qualité de l’air et réduit les<br />
DES MÉTIERS DU PAYSAGE DE VAL’HOR<br />
« L’enjeu, c’est l’harmonie »<br />
Architecte-paysagiste à Paris, Président<br />
de la Commission des métiers<br />
du paysage de Val’hor, Michel<br />
Audouy travaille sur de nombreux<br />
projets d’aménagement de jardins<br />
et d’espaces publics en France et à<br />
l’étranger. Il répond aux questions<br />
de <strong>La</strong> <strong>Tribune</strong>.<br />
( LA TRIBUNE – Quels sont les vrais<br />
enjeux du végétal en ville ?<br />
Michel Audouy – Il ne s’agit pas de<br />
repeindre tout en vert… Il s’agit de<br />
penser la ville avec son paysage, sa<br />
géographie, son histoire, son milieu<br />
naturel et humain, son écologie.<br />
Le végétal est une question<br />
qualitative, ce n’est pas un matériau<br />
comme le bois ou la pierre,<br />
c’est vivant, cela demande donc<br />
des conditions d’installation<br />
idéales, une qualité des lieux qui<br />
doivent l’accueillir. Lorsque l’on<br />
plante un arbre, par exemple, il<br />
faut s’assurer qu’il pourra se développer<br />
dans le sol et dans l’espace.<br />
De même pour les jardins, ils sont<br />
plus à leur aise sur des sols fermes<br />
que sur des dalles… Le végétal doit<br />
donc avoir sa place dès la conception<br />
des villes ou des quartiers.<br />
C’est un enjeu important pour que<br />
la société vive en harmonie.<br />
On sait maintenant, grâce aux<br />
études, tout ce que le végétal peut<br />
apporter de positif à la santé, mais<br />
déjà sous Haussmann, on plantait<br />
concentrations de dioxyde de carbone<br />
et autres gaz à eets de serre,<br />
et l’ombrage des arbres provoque<br />
une réduction des températures<br />
locales selon des études menées en<br />
Californie. Le professeur Sandrine<br />
Manusset spécialiste d’écologie<br />
humaine, écrit, dans une contribution<br />
aux travaux de l’ELCA : « plusieurs<br />
études ont<br />
révélé une corrélation<br />
entre la faible<br />
distance entre les<br />
parcs et les habitations<br />
et l’obésité infantile.<br />
»<br />
Il existe en effet<br />
un rapport direct entre la densité<br />
d’espaces verts et la pratique d’une<br />
activité physique en milieu urbain.<br />
Mais ce n’est pas tout : des psychologues<br />
de Chicago ont établi que la<br />
présence de seulement quelques<br />
arbres peut réduire la violence familiale<br />
en facilitant les relations<br />
sociales, en créant une atmosphère<br />
des arbres comme un moyen de<br />
lutter contre la densité de la ville.<br />
( Comment faire sa place à la nature<br />
dans les villes de demain ?<br />
C’est vrai qu’il y a beaucoup de débats<br />
autour des villes de demain, de<br />
la métropolisation des territoires.<br />
On va probablement vers une ville<br />
plus dense, mais qui devra intégrer<br />
des espaces ouverts, des morceaux<br />
d’agriculture pour répondre aux<br />
enjeux écologiques et sociaux.<br />
On travaille beaucoup aujourd’hui<br />
sur la question des frontières entre<br />
la ville et la campagne. Ce sont des<br />
espaces inter-<br />
«<strong>La</strong> tendance du<br />
retour au végétal<br />
relève d’une demande<br />
sociale puissante. »<br />
médiaires, des<br />
lisières entre<br />
l’urbain et le<br />
rural. Comment<br />
peut-on<br />
intégrer ces<br />
deux espaces<br />
de façon harmonieuse, préserver<br />
des activités agricoles tout en permettant<br />
aux citadins d’avoir accès<br />
à des chemins de promenades, des<br />
pistes cyclables, voilà une question<br />
intéressante pour tous ceux<br />
qui travaillent dans la filière du<br />
paysage.<br />
favorable à la communication. Les<br />
espaces verts sont donc les premiers<br />
acteurs d’une relation sociale.<br />
En eet, toujours selon les travaux<br />
de Sandrine Manusset, la présence<br />
d’arbres et de pelouses est proportionnellement<br />
liée à l’utilisation des<br />
espaces extérieurs, au taux d’activités<br />
sociales qui y ont lieu et à la<br />
quantité d’activités qu’ils orent.<br />
Les espaces verts influencent les<br />
contacts sociaux entre voisins et<br />
prouvent que la nature joue un rôle<br />
important dans la création de lien<br />
social. Le contact avec la nature est<br />
propice à l’abaissement du niveau<br />
de stress des urbains. Dans la revue<br />
Développement durable et territoire<br />
(décembre 2012), Sandrine Manusset<br />
écrit : « À l’origine de ces résultats<br />
de santé publique, est en jeu la<br />
régulation d’un processus psychologique<br />
bien connu, la “fatigue mentale”,<br />
qui se traduit par un état d’irritabilité<br />
de comportements violents et<br />
agressifs. Or les travaux des cher-<br />
( Cette tendance au retour du végétal<br />
vous semble-t-elle durable ?<br />
<strong>La</strong> tendance est forte, elle est portée<br />
par une demande sociale puissante<br />
qui doit être prise en compte par les<br />
élus et les dirigeants politiques.<br />
Cela ne veut pas dire que les pressions<br />
pour limiter les espaces verts<br />
au profit de la construction<br />
n’existent plus. Les grandes villes<br />
savent y résister peut-être mieux<br />
que les petites communes, car les<br />
premières ont les moyens de mettre<br />
en œuvre des schémas de cohérence<br />
territoriale, de s’appuyer sur<br />
des agences d’urbanisme.<br />
( Quels sont les<br />
sujets les plus importants<br />
de demain<br />
?<br />
Je pense aux<br />
villes petites ou<br />
moyennes dont<br />
les centres se vident progressivement<br />
ou se paupérisent, car les gens<br />
veulent habiter des maisons plus<br />
grandes, avec des jardins. <strong>La</strong> réhabilitation<br />
de ces centres, y faire<br />
entrer la lumière, créer des places,<br />
des espaces verts, des jardins, est un<br />
vrai défi. Cela permettrait de rame-<br />
LA TRIBUNE VENDREDI 17 MAI 2013<br />
© OLLY<br />
ner la population au cœur des villes<br />
et de limiter l’étalement urbain et<br />
de lutter contre la consommation<br />
des espaces agricoles. Mais il y a<br />
d’autres grands sujets qui intéressent<br />
les architectes paysagistes ,<br />
comme la densification des zones<br />
commerciales qui ont provoqué un<br />
grand gaspillage de surfaces, mais<br />
aussi le retour vers les rivières par<br />
la transformation des berges, leur<br />
ouverture à la promenade.<br />
C’est assez encourageant, car cela<br />
traduit la possibilité de penser la<br />
ville avec des éléments du paysage,<br />
bref, de construire la « cité verte ».<br />
Grâce aux Victoires du Paysage,<br />
nous parcourons beaucoup la<br />
France et nous y voyons des expériences<br />
passionnantes. Elles sont le<br />
fait de la commande de maîtres<br />
d’ouvrage qui ont fait des choix de<br />
qualité. Cette réflexion sur la place<br />
de la nature dans la ville, tout ce qui<br />
se développe autour du concept de<br />
trame bleue et verte me semblent<br />
ouvrir des opportunités formidables<br />
pour faire de la ville, demain,<br />
un espace plus écologique et plus<br />
respectueux des milieux naturels<br />
au cœur du végétal. & PROPOS<br />
RECUEILLIS PAR PHILIPPE HOLLIER
LA TRIBUNE VENDREDI 17 MAI 2013<br />
cheurs américains montrent par des<br />
observations in situ que la présence<br />
d’arbres induit une baisse des violences<br />
et des actes d’incivilité. (…)<br />
Cet impact anxiolytique du végétal<br />
chez l’homme est très fort dans la<br />
mesure où le même eet tranquillisant<br />
a été obtenu lors d’examens<br />
bronchoscopiques où la présence de<br />
tableaux représentant des paysages<br />
naturels a permis de diminuer l’état<br />
d’anxiété des patients et l’usage de<br />
tranquillisants médicamenteux. »<br />
Des chercheurs hollandais ont<br />
travaillé entre 2005 et 2010 sur un<br />
programme intitulé « Vitamine V »,<br />
où V signifie espaces verts, pour<br />
mesurer l’impact direct du végétal<br />
sur la santé physique des urbains.<br />
Les résultats de ces travaux sont<br />
sans appel. Ils prouvent que les espaces<br />
verts sont bien plus qu’un<br />
produit de luxe. Les personnes vivant<br />
dans un environnement plus<br />
http://www.latribune.fr<br />
<strong>La</strong> <strong>Tribune</strong><br />
2, rue de Châteaudun - 75009 Paris<br />
Téléphone : 01 76 21 73 00.<br />
Pour joindre directement votre correspondant,<br />
composer le 01 76 21 suivi des 4 chiffres<br />
mentionnés entre parenthèses.<br />
végétal se font diagnostiquer moins<br />
de maladies par leur médecin, ressentent<br />
moins de douleurs et<br />
semblent disposer d’une meilleure<br />
santé mentale. L’accessibilité des<br />
espaces verts est associée au sentiment<br />
d’être en meilleure santé. Ces<br />
découvertes prouvent donc que le<br />
développement du végétal en ville<br />
devrait occuper une place plus centrale<br />
dans les politiques relatives à<br />
la santé.<br />
UN INV<strong>EST</strong>ISSEMENT<br />
DOUBLEMENT RENTABLE<br />
Si l’on suit l’hypothèse émise par<br />
un groupe de chercheurs britanniques,<br />
dans une étude commandée<br />
par le gouvernement – selon laquelle<br />
le fait de disposer d’une habitation<br />
avec vue sur un espace vert<br />
économise 340 euros par an de<br />
dépenses de santé –, l’économie<br />
réalisée en France par la Sécurité<br />
SOCIÉTÉ ÉDITRICE<br />
LA TRIBUNE NOUVELLE. S.A.S.<br />
au capital de 3 200 000 euros.<br />
Établissement principal :<br />
2, rue de Châteaudun - 75009 Paris<br />
Siège social : 10, rue des Arts,<br />
31000 Toulouse. SIREN : 749 814 604<br />
Président,<br />
directeur de la publication<br />
Jean-Christophe Tortora.<br />
RÉDACTION<br />
Directeur de la rédaction Éric Walther.<br />
Sociale serait très importante si les<br />
15 millions de Français qui n’ont ni<br />
jardin ni terrasse, pouvaient disposer<br />
de l’une ou de l’autre…<br />
Les pays scandinaves l’ont compris<br />
depuis longtemps. À Stockholm,<br />
95 % des habitants vivent à<br />
moins de 300 mètres d’un parc. Et<br />
la Suède arrive au premier rang<br />
européen pour « l’espérance de vie<br />
en bonne santé », qui s’établit à 69<br />
ans, contre 63 ans en France.<br />
Que d’économies possibles en<br />
eet… <strong>La</strong> création d’espaces verts<br />
en ville est donc un investissement<br />
doublement rentable : il augmente<br />
l’attractivité d’un bassin de vie et<br />
renforce notamment la valeur du<br />
patrimoine foncier. Mais il produit<br />
aussi un effet bénéfique sur les<br />
dépenses de santé d’une façon très<br />
directe, et que l’on avait pas encore<br />
mesurée avant que toutes ces<br />
études soient menées. &<br />
Directeur adjoint de la rédaction<br />
Philippe Mabille.<br />
( Économie Rédacteur en chef : Robert Jules.<br />
Rédacteur en chef adjoint : Romaric Godin.<br />
Jean-Christophe Chanut, Fabien Piliu.<br />
( Entreprise Rédacteur en chef : Michel<br />
Cabirol. Rédacteurs en chef adjoints : Delphine<br />
Cuny, Fabrice Gliszczynski. Alain-Gabriel<br />
Verdevoye.<br />
( Finance Rédacteur en chef adjoint : Ivan<br />
Best. Christine Lejoux, Mathias Thepot.<br />
( Correspondants Florence Autret (Bruxelles).<br />
( Rédacteur en chef hebdo<br />
Jean-Louis Alcaïde. Jean-Pierre Gonguet.<br />
( <strong>La</strong>tribune.fr Rédactrice en chef<br />
Perrine Créquy.<br />
SUPPLÉMENT «CITÉ VERTE»<br />
Direction éditoriale François Roche.<br />
Coordination éditoriale pour Valhor/Le Grand<br />
Tour Cité Verte Jean-Marc Vasse,<br />
Emmanuelle Bougault.<br />
Rédaction Philippe Hollier, Antoine Bayle.<br />
Coordination Le Grand tour Cité Verte<br />
Les Rois Mages.<br />
DÉCRYPTAGE<br />
CITÉ VERTE<br />
Jean-Claude Antonini, Président d’Angers Loire métropole<br />
et de l’Association Plante & Cité [THIERRY BONNET / VILLE D’ANGERS]<br />
Réconcilier<br />
la plante et la ville<br />
En matière de promotion du<br />
végétal dans la ville, l’Association<br />
Plante & Cité joue un rôle<br />
important. Elle a été créée en<br />
2006 pour mettre en œuvre des<br />
expérimentations et partager les<br />
connaissances sur la gestion<br />
durable des espaces verts. Elle<br />
rassemble des collectivités locales,<br />
des professionnels de la<br />
filière du végétal, des organismes<br />
de recherche et<br />
«Plus nous<br />
allons vers<br />
l’urbanisation,<br />
plus nous devons<br />
être attentifs<br />
à la présence<br />
d’espaces verts. »<br />
des centres<br />
techniques partenaires,<br />
au total<br />
environ 500<br />
structures différentes<br />
en<br />
France. Siègent<br />
à son conseil<br />
d’administration<br />
plusieurs<br />
grandes villes comme Angers,<br />
Caen Le Havre, Lille, Montpellier,<br />
Perpignan, Rennes, Versailles,<br />
Vichy, Saumur, ainsi que<br />
le Conseil général de Seine<br />
Saint-Denis, mais aussi des entreprises<br />
de la filière du paysage,<br />
des établissements de recherche<br />
et d’enseignement, des fédérations<br />
professionnelles et des associations<br />
d’agents territoriaux<br />
gestionnaires d’espaces verts.<br />
Elle est présidée par Jean-<br />
Claude Antonini, Président<br />
d’Angers Loire métropole (il fut<br />
maire d’Angers de 1998 à 2012)<br />
qui regroupe 33 communes autour<br />
d’Angers. <strong>La</strong> 1 ère vice-présidence<br />
est assurée par François<br />
de Mazières, député-maire de<br />
Versailles, et la seconde par Éric<br />
RÉALISATION RELAXNEWS<br />
Secrétaire de rédaction Sarah Zegel.<br />
Graphisme Mathieu Momiron,<br />
Clotilde Vidal.<br />
ACTIONNAIRES<br />
Groupe Hima, Hi-media/Cyril Zimmerman,<br />
JCG Medias, SARL Communication<br />
Alain Ribet/SARL, RH Éditions/Denis <strong>La</strong>fay.<br />
MANAGEMENT<br />
Vice-président en charge des métropoles<br />
et des régions Jean-Claude Gallo. Conseiller<br />
7<br />
Le Quertier, entrepreneur du<br />
paysage à Saint Malo. Pour Jean-<br />
Claude Antonini : « Notre objectif<br />
est de réconcilier la plante et la<br />
ville, explique-t-il. Les villes françaises<br />
sont des réservoirs de biodiversité,<br />
et plus nous allons vers<br />
l’urbanisation plus nous devons<br />
être attentifs à la présence d’espaces<br />
verts dans les villes. Et pour<br />
atteindre cet objectif, nous avons<br />
réuni sous une<br />
même bannière<br />
les élus, les techniciens,<br />
les chefs<br />
d’entreprise, les<br />
chercheurs. »<br />
Sur quoi travaillent<br />
les<br />
membres et les<br />
partenaires de<br />
Plante & Cité ?<br />
« Sur tout ce qui peut améliorer<br />
la recherche en horticulture dans<br />
la ville » répond Jean-Claude<br />
Antonini.<br />
Parmi les principaux sujets<br />
explorés figurent la gestion écologique<br />
des espaces verts afin de<br />
trouver des alternatives au désherbage<br />
chimique, des modes de<br />
lutte biologique contre le tigre<br />
du platane (un insecte qui ravage<br />
ces arbres) et les chenilles processionnaires<br />
qui s’attaquent aux<br />
pins, mais aussi les gammes de<br />
végétaux qui peuvent entrer<br />
dans la confection des toitures<br />
végétalisées. Plante & Cité travaille<br />
également à l’élaboration<br />
des indicateurs qui pourront<br />
mesurer les bienfaits du végétal<br />
en ville. &<br />
©THIERRY BONNET/VILLE D’ANGERS<br />
éditorial François Roche. Directrice Stratégie<br />
et Développement Aziliz de Veyrinas (73 26).<br />
Directrice de publicité Clarisse Nicot (73 28).<br />
Directeur nouveaux médias<br />
Thomas Loignon (73 07).<br />
Abonnements Aurélie Cresson (73 17).<br />
Marketing des ventes au numéro :<br />
Agence Bo conseil A.M.E / Otto Borscha<br />
oborscha@ame-presse.com (01 40 27 00 18).<br />
Imprimeries IPS, ZA du Chant des Oiseaux,<br />
80800 Fouilloy. N o de commission paritaire :<br />
0514 C 85607. ISSN : 1277-2380.
8<br />
CITÉ VERTE<br />
(LE HAVRE<br />
LES JARDINS SUSPENDUS<br />
Dominant de sa hauteur le site de<br />
l’estuaire de la Seine, l’ancien fort<br />
militaire de Sainte-Adresse a été<br />
transformé en parc urbain de<br />
17 hectares. Les jardins suspendus<br />
composent un ensemble de vocation<br />
à la fois paysagère et jardinée<br />
sur deux niveaux : une cour partagée<br />
entre des serres de cultures,<br />
d’expositions, des tapis verts, des<br />
carrés fleuris, des esplanades sablées<br />
et la promenade haute of-<br />
frant un paysage exceptionnel<br />
depuis le jardin des explorateurs<br />
jusqu’à celui des plantes australes.<br />
Avec une vue magnifique sur l’estuaire<br />
de la Seine.<br />
( TOULOUSE<br />
L’ÉCHARPE VERTE ET LES CINQ<br />
COURS D’ANDROMÈDE<br />
Achevé en 2011, Andromède est<br />
la création, au cœur d’une ZAC<br />
de 210 hectares, d’un parc urbain<br />
et d’un écoquartier faisant office<br />
de corridor écologique pour<br />
l’agglomération toulousaine. Le<br />
parc urbain s’organise autour<br />
des espaces publics majeurs présents<br />
sur le site : les cours, lieux<br />
de rassemblement et de loisirs<br />
et la coulée verte (« écharpe<br />
verte »), espace de rencontre<br />
avec la nature. Le parti pris paysager<br />
a été de travailler sur trois<br />
axes : l’approche climatique et la<br />
gestion de l’eau ; l’insertion paysagère<br />
et la biodiversité facilitée<br />
par une palette végétale diversifiée<br />
en complément des essences<br />
utilisées pour le parc.<br />
( LYON<br />
LES BERGES DU RHÔNE ET<br />
LE PARC DES BERGES DU RHÔNE<br />
« <strong>La</strong> réconciliation de la ville<br />
avec le Rhône et la reconstitution<br />
d’un écrin de nature au<br />
cœur de la ville. » C’est l’image<br />
même des rives du Rhône et du<br />
quartier qui a été transformée<br />
par ces deux projets menés par<br />
le Grand Lyon. Dans un premier<br />
temps, les berges ont été renaturalisées<br />
par la technique du génie<br />
végétal : 10 hectares de parc<br />
promenade en plein centre-ville<br />
ont ainsi été aménagés pour<br />
rendre les berges aux piétons et<br />
aux cyclistes. Dans un deuxième<br />
temps, c’est un espace de verdure<br />
accueillant répondant aux<br />
besoins de détente des habitants<br />
qui a été aménagé.<br />
( RENNES<br />
LES QUARTIERS DES RIVES<br />
DU BLOSNE<br />
C’est une ville-parc où s’imbriquent<br />
le grand et le petit paysage.<br />
Une trame bleue et verte<br />
constitue l’ossature de ce projet<br />
et met en avant le concept de<br />
ville parc dans lequel chacun des<br />
cinq quartiers développés possède<br />
une identité propre définie<br />
autour d’espaces naturels préservés.<br />
60 % de la superficie est<br />
occupée par les espaces verts<br />
offrant de réels lieux de vie et de<br />
DR<br />
© OPPIDEA – SEM D’AMÉNAGEMENT DU GRAND TOULOUSE<br />
LE GRAND TOUR<br />
DE FRANCE DES<br />
VILLES NATURE<br />
Dominant l’estuaire de la Seine,<br />
les jardins suspendus du Havre<br />
orent au promeneur<br />
un paysage exceptionnel.<br />
Le parc urbain d’Andromède, au cœur d’une ZAC<br />
de 210 hectares, est un corridor écologique pour<br />
l’agglomération toulousaine.<br />
promenade aux habitants du<br />
quartier. L’espace public se décline<br />
ainsi en seuils, en cours<br />
jardins, en entrées terrasses, en<br />
cours clairières, en prairies<br />
parcs, en jardins lisières, en<br />
mails, en allées bocages, en placettes<br />
jardins pour constituer<br />
une cité-parc.<br />
( NANCY<br />
LA FORÊT DU PLATEAU DE HAYE<br />
Nancy cultive une relation ancienne<br />
avec les parcs et les jardins.<br />
Son jardin botanique, créé<br />
par Stanislas en 1765, est l’un<br />
des plus visités de France. Quant<br />
au projet structurant le plus significatif,<br />
il s’agit de l’aménagement<br />
du plateau de Haye, autour<br />
du thème « Habiter la Forêt » et<br />
r é a l i s é p a r l ’a r c h i t e c t e<br />
Alexandre Chemetov. Ce réaménagement<br />
comprend en particulier<br />
la création d’un jardin botanique<br />
forestier de 18 hectares,<br />
boisé par des espèces endémiques.<br />
Le plateau est au cœur<br />
d’un réseau de parcs et cheminements<br />
piétonniers qui fédèrent<br />
la population autour de la présence<br />
d’une nature « sauvage »<br />
en ville.<br />
( MARNE-LA-VALLÉE<br />
L’AMÉNAGEMENT DES BERGES<br />
DE LA MARNE.<br />
L’un des projets les plus emblématiques<br />
de l’agglomération de<br />
Marne-la-Vallée est la réhabilitation<br />
des rives de la Marne et<br />
des pontons. Il s’agit d’un site<br />
exceptionnel en raison de la diversité<br />
de l’environnement<br />
Dans les Alpes-Maritimes, la route départementale<br />
6 202 bis s’est transformée en jardin paysager.<br />
Les cinq quartiers des rives du Blosne,<br />
à Rennes sont organisés autour d’espaces<br />
naturels préservés.<br />
Panorama Dans les dix villes de France qui accueilleront<br />
le Grand Tour Cité Verte, la présence du végétal est un sujet<br />
central. <strong>La</strong> plupart des projets sur lesquels elles travaillent<br />
ont été récompensés par les Victoires du Paysage.<br />
(prairies, espaces boisés…). Un<br />
double travail de consolidation<br />
et de mise en valeur des berges a<br />
donc été réalisé, certains arbres<br />
ont été élagués pour ouvrir des<br />
fenêtres sur la rivière et sur ses<br />
paysages. Huit pontons et belvédères<br />
ont été rénovés. Et on y<br />
trouve aujourd’hui de nombreuses<br />
espèces végétales et animales.<br />
( LILLE<br />
LA NOUVELLE JEUNESSE<br />
DES RIVES DE LA HAUTE-DEÛLE<br />
<strong>La</strong> métropole du Nord a entrepris<br />
en 2009 la rénovation d’une<br />
ancienne friche industrielle textile,<br />
sur les rives de la Deûle<br />
pour en faire une réalisation<br />
exemplaire en matière d’écoquartier<br />
mais en y intégrant<br />
LA TRIBUNE VENDREDI 17 MAI 2013<br />
© EMILIE VIALET<br />
© FRANCOIS MARCHAND<br />
aussi des activités économiques<br />
avec l’implantation d’EuraTechnologies,<br />
un cluster d’entreprises<br />
de hautes technologies.<br />
Dans ce projet, les espaces verts<br />
ont été privilégiés, avec une<br />
priorité donnée aux espèces locales.<br />
Des jardins ont été créés,<br />
et la proximité avec l’eau permet<br />
de bâtir des activités en rapport<br />
avec l’eau et la nature.<br />
( GRENOBLE<br />
LE CHAMP DE LA ROUSSE<br />
À ÉCHIROLLES<br />
Échirolles a créé un nouveau jardin,<br />
baptisé le Champ de la<br />
Rousse, pour concrétiser les<br />
valeurs écologiques de la ville.<br />
Cet espace est composé d’essences<br />
multiples, il est économe<br />
en arrosage, c’est aussi un lieu<br />
pédagogique. Jardin public, il<br />
s’intègre à un enchevêtrement<br />
de promenades et de verdure. Il<br />
donne la priorité au végétal, à la<br />
luxuriance, à l’imagination autour<br />
de l’eau, de l’ombre et de la<br />
lumière. Différentes ambiances<br />
végétales cohabitent : jardin<br />
d’agrément, jardin des saveurs,<br />
zone d’arbres et prairie. Des<br />
zones ombragées (arbres, fontaines)<br />
voisinent avec des zones<br />
plus ouvertes.<br />
( NICE<br />
LA ROUTE DÉPARTEMENTALE<br />
6 202 BIS<br />
À nouvelle voie, nouveau paysage,<br />
ou comment faire d’un axe<br />
routier un espace paysager que<br />
l’automobiliste peut découvrir<br />
au gré de sa vitesse ! C’était le<br />
pari de l’aménagement paysager<br />
de cette route départementale<br />
des Alpes-Maritimes avec des<br />
enjeux forts : mettre en relation<br />
la route, les collines provençales,<br />
les berges du Var et les villages<br />
perchés, mettre en valeur la vallée<br />
du Var et en respecter l’histoire,<br />
créer un point de liaison<br />
entre les rives gauche et droite<br />
du fleuve. C’est ainsi que la route<br />
départementale 6 202 bis s’est<br />
transformée en jardin paysager<br />
intégré à son environnement, à<br />
forte valeur esthétique, écologique<br />
et culturelle.<br />
( BORDEAUX<br />
LA RENAISSANCE DES QUAIS<br />
DE LA GARONNE<br />
<strong>La</strong> façon dont Bordeaux s’est<br />
réapproprié la Garonne fait aujourd’hui<br />
partie des grandes réalisations<br />
de ce type en France et<br />
en Europe. Le but était d’aménager<br />
les quais comme un jardin,<br />
entre les façades urbaines et le<br />
fleuve, de diminuer la présence<br />
de véhicules, de partager l’espace<br />
entre les différents modes<br />
de déplacements et de mettre en<br />
valeur la beauté évidente du site.<br />
Ouvert à tous, cet immense espace<br />
public, qui s’étend sur près<br />
de 4,5 km de long, a permis de<br />
réhabiliter dans l’agglomération<br />
les notions de convivialité et<br />
d’hospitalité urbaine.
« LA TRIBUNE S’ENGAGE AVEC ECOFOLIO POUR LE RECYCLAGE DES PAPIERS. AVEC VOTRE G<strong>EST</strong>E DE TRI, VOTRE JOURNAL A PLUSIEURS VIES. »<br />
VENDREDI 17 MAI 2013 www.latribune.fr<br />
Supplément au N° 48 - Ne peut être vendu séparément<br />
HEBDOMADAIRE<br />
DES METROPOLES<br />
MARSEILLE - PROVENCE<br />
LES 30 PME<br />
LES PLUS INNOVANTES<br />
ADELINE DESCAMPS<br />
<strong>La</strong> région Paca a longtemps<br />
accusé des failles dans son ore<br />
de financement aux entreprises<br />
innovantes. Les maux sont connus<br />
– carences sur les segments de<br />
l’amorçage et du refinancement,<br />
et concentration des opérateurs<br />
sur des tickets inférieurs à 500 K€ –<br />
et ont fait l’objet de plusieurs<br />
diagnostics ces dernières<br />
années. Ceux-ci ont notamment<br />
servi de support à l’élaboration<br />
d’une stratégie régionale<br />
de l’innovation.<br />
C’ invitent à repasser plus tard. Je cherche donc en per-<br />
est une partie de poker à chaque fois que vous présentez<br />
votre projet à des investisseurs. Vous avez<br />
besoin d’1 M€, ils vous en donnent 100 000 et vous<br />
manence des fonds. Nous sommes comme Steve Jobs, qui a commencé<br />
dans son garage. À la diérence que les fonds sont nettement<br />
plus diciles à lever et… que nous ne pouvons pas travailler<br />
dans un garage ! ».<br />
Pablo Gluschankof, qui a créé la biotech marseillaise Amikana<br />
Biologics, parvient à mettre des mots d’humour sur le vécu de<br />
bon nombre d’entrepreneurs qui ont souvent l’impression de<br />
survivre en territoire hostile. Et pour autant, ils rêvent tous d’un<br />
destin à la Steve Jobs, avec ses performances qui leur paraissent<br />
indépassables. Une chose est sûre : la course à l’innovation produit<br />
mécaniquement de la fragilité. Et le territoire a longtemps<br />
accusé des carences dans le financement de l’innovation. C’est<br />
en partie pour les combler que la Région a initié « Paca Investissement<br />
», un fonds de cofinancement au capital de 15,45 M€<br />
(dont 6 millions du Feder). Depuis son lancement en septembre<br />
2011, il a soutenu 14 projets totalisant 4,85 M€.<br />
Essai sous vide thermique pour simuler<br />
l’environnement spatial et tester des pièces<br />
d’optique de SPIRE, embarqué sur le satellite<br />
Herschel de l’Agence Spatiale Européenne.<br />
ÉDITO Renforcer les capacités de financement<br />
« Nous avons du retard si l’on compare nos instruments à d’autres<br />
régions. Mais nous le rattrapons, comme l’illustre “R2V”, le fonds<br />
inter-régional d’amorçage entre Rhône-Alpes et Paca » (en cours de<br />
closing, ndlr), analyse Patrick Siri, le président de Provence Business<br />
Angels. Le réseau a créé en 2012 sa propre société de capital-risque<br />
(CPBA), dotée d’1,2 M€, avec la participation de la Société<br />
Marseillaise de Crédit et Viveris Amorçage. « On peut ainsi parvenir<br />
à lever 500 K€ et ensuite solliciter Paca Investissement pour atteindre<br />
le million d’euros ». En 2012, PBA et CPBA ont financé 7 projets pour<br />
667 K€, qui ont permis de lever 2,3 M€.<br />
Le dispositif « Jeremie », géré par le Fonds européen d’investissement<br />
et doté de 20 M€ (apportés à parité par la Région et le Feder)<br />
pour un portefeuille de prêts de 122 M€ sur trois ans, était également<br />
très attendu quand il a été annoncé en décembre. Opérationnel<br />
depuis près de deux ans, il a alloué 31,4 M€ à 330 entreprises.<br />
Sans être Apple, Impika, une pépite high-tech de l’impression basée<br />
à Aubagne, a été acquise en mars dernier par l’américain Xerox.<br />
Quant à Neurelec, spécialiste des implants cochléaires de Sophia<br />
Antipolis, elle vient de se faire acheter par un groupe danois pour<br />
57,5 M€. Faut-il s’en émouvoir ou s’en réjouir ? <br />
© CNRS PHOTOTHÈQUE / INSU / LAM / E. PERRIN
2 LA TRIBUNE DES MÉTROPOLES<br />
LA LA TRIBUNE VENDREDI 5 17 AVRIL MAI 2013<br />
LES TRENTE PME<br />
LES PLUS INNOVANTES<br />
CHAMPIONS. Elles créent de l’emploi dans un climat économique morose et gonflent<br />
leur chire d’aaires à coups d’innovations... Zoom sur les 30 PME qui bougent dans<br />
la région, et dont beaucoup deviendront des champions à l’international.<br />
DOSSIER RÉALISÉ PAR ADELINE DESCAMPS, DAMIEN FROSSARD ET CHARLOTTE HENRY<br />
MICROVITAE<br />
CAPTER L’ACTIVITÉ<br />
DU CERVEAU<br />
<strong>La</strong> PME de Gardanne, spécialiste de la bioélectronique<br />
a mis au point une puce totalement<br />
biocompatible qui présente un intérêt immédiat<br />
pour la neurochirurgie des tumeurs et le diagnostic<br />
de l’épilepsie ou du diabète.<br />
Une petite révolution dans le domaine médical, des<br />
neurosciences et de la recherche fondamentale et<br />
qui a été saluée par la revue Nature Communications.<br />
Spécialiste de la bioélectronique, la société<br />
Microvitae Technologies (CA de 42 500 K€ en 2011)<br />
créée par Thierry Hervé en 2002 à Gardanne, entre<br />
Marseille et Aix-en-Provence, vient de développer,<br />
avec le département de Bioélectronique de l’École<br />
des Mines de Saint-Étienne et des chercheurs de<br />
l’Institut de neurosciences des systèmes du CHU de<br />
la Timone à Marseille, une puce destinée à capter<br />
l’activité du cerveau, innovante parce que 100 %<br />
biocompatible.<br />
Actuellement,<br />
Une petite<br />
révolution dans<br />
le monde des<br />
neurosciences<br />
les capteurs<br />
utilisés pour<br />
enregistrer l’activité<br />
cérébrale<br />
« n’ont pas évolué<br />
depuis une<br />
quinzaine d’années», précise Thierry Hervé, le fondateur<br />
de la société. Ils auraient tendance à interférer<br />
avec le milieu avec lequel ils sont en contact et à<br />
provoquer une réaction de défense des tissus se<br />
soldant par une perte de signal.<br />
<strong>La</strong> puce développée par la société gardannaise, qui<br />
prend la forme d’un patch électrode, est épaisse de<br />
quelques microns, fine et souple comme de la cellophane,<br />
très résistante, avec une qualité de signaux<br />
DR<br />
IDEOL REFONDE L’ÉOLIEN OFFSHORE<br />
L’éolien en mer pourrait connaître<br />
une évolution majeure avec<br />
la solution de fondation flottante<br />
brevetée d’Ideol, start-up créée<br />
en juin 2010 à <strong>La</strong> Ciotat<br />
DR<br />
(16 personnes, pas encore de CA)<br />
par Paul de la Guérinière et Pierre<br />
Coulombeau. « <strong>La</strong> spécificité<br />
de notre solution tient à la forme<br />
particulière du flotteur en anneau,<br />
avec une<br />
piscine<br />
intérieure<br />
dimensionnée<br />
pour que les<br />
eorts sur les<br />
bords dus au<br />
ballottement<br />
de l’eau soient<br />
opposés à<br />
ceux induits<br />
par la houle,<br />
Microvitae a mis au point une puce biocompatible,<br />
capable de capter l’activité cérébrale.<br />
dix fois supérieure. <strong>La</strong> technologie, qui reste à industrialiser,<br />
présente un intérêt immédiat pour la neurochirurgie<br />
des tumeurs et le diagnostic de l’épilepsie<br />
ou du diabète. À plus long terme, ces capteurs<br />
pourraient aussi jouer un rôle clé en matière d’interface<br />
cerveau-machine, en permettant par exemple<br />
pour les personnes paralysées de commander, depuis<br />
le cerveau, les jambes ou bras artificiels.<br />
« On est en train de préparer plusieurs gammes de<br />
puces électrodes par marché. Si l’on ne prend que<br />
l’exemple de la surveillance cardiaque, qui représente<br />
25 % des dépenses de santé en France et un<br />
million de personnes, Microvitae est en mesure de<br />
proposer un système de surveillance ambulatoire<br />
qui permettrait de rester à domicile. Globalement,<br />
nous sommes sur un potentiel de marché de plusieurs<br />
centaines de millions d’euros », précise l’ingénieur<br />
physicien-électronicien et docteur en électronique<br />
de l’Institut national polytechnique de<br />
Grenoble. Pour assurer son besoin en fonds de<br />
roulement, la société, titulaire de quatre brevets,<br />
développe et commercialise des appareils de diagnostic<br />
ORL pour Amplifon. Elle est en négociations<br />
très avancées pour lever 3 M €.<br />
permettant d’atténuer<br />
les mouvements du flotteur,<br />
explique Paul de la Guérinière,<br />
président d’Ideol. L’éolien en mer<br />
va naturellement aller vers du<br />
flottant, avec des projets loin<br />
des côtes, sans impact visuel et<br />
où les vents sont plus forts ».<br />
Toute l’installation se fait à quai,<br />
puis la fondation avec son<br />
éolienne est remorquée sur site.<br />
<strong>La</strong> construction du<br />
démonstrateur devrait débuter<br />
au 2 e trimestre 2014, pour une<br />
mise à l’eau prévue début 2015.<br />
Coût estimé d’une fondation<br />
flottante : 1 M€ par mégawatt.<br />
DR<br />
BAZILE TELECOM, PREMIER<br />
OPÉRATEUR DE TÉLÉPHONIE<br />
MOBILE POUR SENIORS<br />
Créée en 2005,<br />
la PME aixoise<br />
Bazile Telecom<br />
(CA à fin septembre<br />
2012 de<br />
1,83 M €, 30<br />
salariés) est le<br />
premier opérateur<br />
français de téléphonie mobile<br />
pour seniors avec 10 000 abonnés.<br />
Elle s’est lancée en 2009 avec<br />
Orange après avoir levé 1 M€ auprès<br />
de 12 business angels. Ses forfaits (à<br />
partir de 9 € /mois) incluent l’accès<br />
à une téléopératrice 24 h/24 et proposent<br />
l’accès à de multiples services<br />
(0,38 €/minute) de conciergerie<br />
(réservation de taxi ou de billets<br />
de train, réveil…). 40 % des abonnés<br />
souscrivent au service de téléassistance<br />
(12 €/mois), qui permet de<br />
prévenir un proche ou les services<br />
appropriés en cas d’urgence.<br />
L’opérateur espère franchir le cap<br />
des 50 000 abonnés d’ici 4 ans, son<br />
point d’équilibre devant être atteint<br />
en 2014 avec 25 000 abonnés.<br />
SP3H, LE « FUEL PROFILER »<br />
DR<br />
Pour schématiser<br />
la<br />
technologie<br />
du capteur<br />
optique que<br />
p e a u f i n e<br />
SP3H, on parlera de sa capacité à<br />
analyser l’ADN d’un carburant,<br />
constitué d’un millier de molécules.<br />
Autrement dit, à pouvoir décrire en<br />
temps réel sa composition moléculaire<br />
(essence, diesel, biodiesel,<br />
éthanol, etc.) afin d’optimiser les<br />
réglages des moteurs thermiques. À<br />
la clé, une réduction jusqu’à 15 %<br />
des émissions polluantes (NOx,<br />
CO2, particules), ainsi qu’une baisse<br />
de la consommation de carburant<br />
(jusqu’à 5 %).<br />
<strong>La</strong> société aixoise (12 salariés) est<br />
entrée dans les dernières phases de<br />
validation des prototypes industriels<br />
chez les constructeurs automobiles<br />
et camions et a déposé 12<br />
brevets internationaux. Si la PME<br />
parvient à équiper 25 % du marché,<br />
elle pourrait alors atteindre 50 millions<br />
d’euros de CA d’ici à 2025.<br />
VOX INZEBOX, CRÉATEUR<br />
DE CONTENUS<br />
« Une bonne idée<br />
vaut 1 dollar, un<br />
bon plan, 10 dollars<br />
et une bonne<br />
équipe, 1 million<br />
de dollars »,<br />
amorce Yann Le<br />
Fichant, cofondateur<br />
avec son actuel directeur<br />
général, Dominique Soler, de Vox<br />
inzebox, une société marseillaise<br />
créée en 2000 (CA de 1 M€, 11 salariés)<br />
et qui produit et diuse des<br />
contenus audio et vidéo sur les<br />
lieux, monuments, événements ou<br />
œuvres. Depuis sa première production<br />
sur le téléphone service en<br />
2001, plus de 4 500 contenus sont<br />
disponibles à ce jour en plusieurs<br />
langues, plus de 18 millions ont été<br />
téléchargés depuis 2006, et plus de<br />
100 applications ont été créées.<br />
L’entreprise a bien géré les diérentes<br />
vagues high-tech avec un<br />
business model fondé sur la vente<br />
aux collectivités locales et aux institutionnels<br />
de contenus vidéo et<br />
audio dont elle reste propriétaire, la<br />
diusion via 180 partenaires (dont<br />
Voyages-sncf, Orange, FNAC, Cityvox…)<br />
sur les divers canaux numériques<br />
et la création d’applications<br />
pour iPhone, iPad, androïd.<br />
TECHNOFIRST, RÉDUIRE LE<br />
BRUIT PAR LE CONTRE-BRUIT<br />
Réduire le bruit en créant un<br />
contre-bruit. Sur le papier, le principe<br />
est simple. Dans les faits, personne<br />
n’y était parvenu avant Christian<br />
Carme. Et c’est précisément<br />
pour exploiter son brevet, déposé<br />
au titre de chercheur au CNRS, qu’il<br />
a créé Technofirst en 1990.<br />
Installée à Aubagne, la société (CA<br />
de 5,10 M€ en 2012, 15 salariés en<br />
France, 4 aux États-Unis et 2 au<br />
Brésil), est positionnée sur les marchés<br />
des transports, du bâtiment et<br />
de l’industrie. Avec 20 brevets déposés<br />
à ce jour, elle n’a jamais cessé<br />
d’innover. Le dernier en date (septembre<br />
2012), partagé avec Porsche,<br />
permet de réduire le volume sonore<br />
des échappements tout en recréant<br />
le son d’origine de la marque. En<br />
2012, Technofirst a encore réinvesti<br />
52 % de son CA en R&D.<br />
DR
DR<br />
VENDREDI 5 17 AVRIL MAI 2013 LA LA TRIBUNE<br />
SUPERSONIC IMAGE,<br />
UN SYSTÈME<br />
D’ÉCHOGRAPHIE PAR<br />
ULTRASONS,<br />
UNIQUE AU MONDE<br />
Le système Aixplorer® permet de mesurer<br />
l’élasticité des organes à l’intérieur du corps.<br />
Depuis la création de la société en 2005 par<br />
Jacques Souquet, qui dirigeait auparavant la<br />
R&D chez Philips Medical System, la société,<br />
basée à Aix-en-Provence dans les Bouches-du-<br />
Rhône (CA de 14 M€, dont 80 % à l’international ; +<br />
40 % par rapport à 2011, 120 personnes) a levé<br />
98,5 M€.<br />
Elle vient de finaliser sa quatrième levée de fonds<br />
de 28 M€ pour accélérer la distribution internationale<br />
de son système d’échographie par ultrasons,<br />
unique au monde. Il s’est déjà vendu aux hôpitaux,<br />
universités et radiologues privés, à plus de 500 exemplaires<br />
dans 54 pays où l’Aixoise est présente, via des<br />
bureaux commerciaux en propre ou par le biais de<br />
distributeurs.<br />
L’arrivée du Fonds d’investissement stratégique<br />
(FSI) au capital, pour 14 M€, et d’Alto Invest et<br />
KLSC, tandis que les actionnaires historiques* ont<br />
réitéré leur confiance, n’a rien d’anodin.<br />
Dans un marché dominé par les multinationales<br />
General Electric, Siemens et Philips, la société aixoise<br />
a réussi à s’imposer sur la scène internationale<br />
de l’imagerie mé-<br />
L’élastographie<br />
par ultrasons,<br />
une véritable<br />
innovation<br />
de rupture.<br />
dicale en apportant<br />
une véritable<br />
technologie de<br />
rupture.<br />
Avec son Aixplorer®exploitant<br />
un système<br />
breveté d’élasto-<br />
graphie par ultrasons, « Il est possible de réaliser une<br />
palpation électronique même sur les organes diciles<br />
à atteindre. Notre technologie est la seule capable<br />
aujourd’hui de quantifier de façon objective et de cartographier<br />
l’élasticité des tissus », explique Jacques<br />
Souquet, qui s’appuie sur une cinquantaine d’études<br />
cliniques.<br />
Après la caractérisation des lésions du sein, la PME<br />
a lancé celle de la thyroïde, de l’abdomen, de la prostate,<br />
du foie… si bien qu’elle est en mesure aujourd’hui<br />
de couvrir tout le champ radiologique.<br />
Le nouvel apport d’argent va lui permettre de s’atteler<br />
à la Chine, qui devrait représenter très vite 20 %<br />
du marché mondial et où elle a installé un bureau en<br />
novembre dernier. Pour y asseoir son développement,<br />
Supersonic Imagine a notamment recruté en<br />
avril 2012 le vice-président ultrasons et santé de<br />
Philips, Kurt Knell, qui a notamment développé le<br />
réseau chinois pour Philips (60 distributeurs).<br />
* Edmond de Rothschild Investment partners, Auriga Partners, Omnes<br />
Capital – anciennement Crédit Agricole Private Equity –, CDC Entreprises,<br />
NBGI Ventures, Wellington Partners, iXO Private Equity et<br />
Mérieux Développement<br />
INTERVIEW<br />
MARSEILLE - PROVENCE<br />
OXYTRONIC, ECRAN TACTILE MULTI-FONCTIONS À BORD<br />
Spécialiste de l’équipement électronique<br />
embarqué, la PME d’Aubagne<br />
(CA clôturé fin juin 2012 de 3,2 M€, 42<br />
personnes), a fait le pari du sur mesure<br />
pour développer son système phare,<br />
l’iCan, un écran tactile permettant aux<br />
passagers d’hélicoptères corporate ou<br />
privés, de commander de nombreux<br />
périphériques (téléphone, audio, vidéo,<br />
éclairage, climatisation) depuis leur<br />
siège. «Nous avons mis au point un système<br />
qui filtre le bruit ambiant de la<br />
FIRST LIGHT IMAGING,<br />
UNE CAMÉRA “ŒIL DE LYNX”<br />
Après deux<br />
années au sein<br />
de l’incubateur<br />
interuniversitaire<br />
Impulse à<br />
Marseille, First<br />
light imaging<br />
(580 K€ de CA en 2012, 2 salariés) a été<br />
créée en 2011 pour commercialiser une<br />
caméra ultrarapide (plus de 2 000 images<br />
par seconde dans sa version présentée fin<br />
mai), et capable de distinguer dans la nuit<br />
la plus sombre un objet jusqu’à une distance<br />
de 2 km.<br />
Cinq ingénieurs issus de trois laboratoires<br />
de recherche en astronomie sous<br />
la tutelle de l’université d’Aix-Marseille<br />
et du CNRS ont planché sur le projet<br />
dans le cadre du programme européen<br />
Optical Infrared coordination network.<br />
<strong>La</strong> société, qui a déjà équipé le télescope<br />
GranTeCan aux Canaries, doit livrer 6<br />
caméras à des laboratoires d’astronomie<br />
en 2013 (60 % de ses ventes en Chine).<br />
JIFMAR OFFSHORE SERVICES,<br />
LA PERLE HIGH-TECH DES MERS<br />
DR<br />
Spécialisée dans les services<br />
et assistance aux travaux<br />
maritimes et côtiers,<br />
la société (CA de 10,2 M€,<br />
70 personnes) basée à<br />
quelques encablures du<br />
port de l’Estaque, à Marseille, a été créée<br />
DR<br />
CHRISTIAN REY, DIRECTEUR MARSEILLE INNOVATION,<br />
<strong>QUI</strong> GÈRE TROIS PÉPINIÈRES TECHNOLOGIQUES À MARSEILLE<br />
« L’ingénierie financière ne fait pas tout »<br />
Le financement de l’amorçage a toujours<br />
été problématique ici…<br />
De nouveaux outils sont néanmoins<br />
apparus. <strong>La</strong> communauté urbaine Marseille<br />
Provence (MPM) vient de créer le<br />
FIMP (avec le CG 13, la Ville et l’État,<br />
ndlr) doté de 1,80 M€. <strong>La</strong> Région a initié<br />
Paca Investissement avec un capital de<br />
15,45 M€. Provence Business Angels a<br />
créé la structure de capital-risque CPBA<br />
dotée d’1,20 M€. Enfin, on travaille avec<br />
le fonds de crowdfunding Wiseed.<br />
Comment évoluent les entreprises<br />
sorties de vos pépinières ?<br />
Quand on donne la bonne impulsion au<br />
cabine en fonction du type d’hélicoptère,<br />
les dalles tactiles sont suspendues<br />
pour filtrer les vibrations et tout est<br />
personnalisable», complète Serge de<br />
Senti, président-fondateur.<br />
Oxytronic qui consacre 15 à 20 % de<br />
son C.A à la R&D, présentera une nouvelle<br />
version, dotée d’un écran plus<br />
léger, d’une dalle tactile et d’une<br />
connectivité améliorées, à l’occasion<br />
du Salon du Bourget qui se tiendra du<br />
17 au 23 juin 2013. CHARLOTTE HENRY<br />
en 2005 « parce qu’il n’y avait pas d’armateur<br />
spécialisé et qualitatif en Méditerranée<br />
», justifie Jean-Michel Berud, le PDG<br />
et cofondateur de l’entreprise avec Foad<br />
Zahedi, directeur général. Articulée autour<br />
de l’IMR (Inspection/Maintenance/Réparation)<br />
et DSR (Débris/Survey/Recovery),<br />
l’entreprise s’active également pour se positionner<br />
sur le marché de la maintenance<br />
des parcs éoliens en mer. Elle a d’ailleurs<br />
participé à l’appel à manifestation d’intérêt<br />
Navire du futur, lancé par l’Ademe dans le<br />
cadre des investissements d’avenir avec Jif<br />
crew cat, un catamaran de 25 mètres pour<br />
la maintenance des éoliennes oshore.<br />
MIOS, DES OUTILS INTELLIGENTS<br />
DE PILOTAGE À DISTANCE<br />
Historiquement<br />
spécialisée dans la<br />
gestion des bornes<br />
de secours des<br />
tunnels et autoroutes, la société aixoise<br />
créée en 1987 (2 M€ de CA en 2012, 22<br />
personnes) possède aujourd’hui une expertise<br />
dans les solutions matérielles et logicielles<br />
capables de gérer à distance tout<br />
autant la sécurité d’un oléoduc, d’un tunnel<br />
routier ou d’un site industriel et de ses travailleurs<br />
isolés, que de piloter l’optimisation<br />
énergétique d’un hôpital ou d’une<br />
école, et d’en assurer la traçabilité. Une<br />
orientation stratégique liée à l’arrivée à la<br />
tête de l’entreprise en 2007 de Xavier Bon,<br />
ancien directeur des ventes chez ST<br />
Microelectronics puis chez Gemplus, qui<br />
fonde alors le groupe Mobitech. <strong>La</strong> gamme<br />
départ, elles sont sur une rampe de lancement.<br />
Nous avons dans nos couloirs<br />
l’équivalent de 12 M€ de chire d’aaires<br />
(moyenne de 200 K€) avec 200 emplois<br />
et pour celles qui sont sorties ces 5 dernières<br />
années, 60 M€ de CA (moyenne<br />
1 M€) avec quelque 650 emplois. Il faut<br />
ensuite que l’écosystème leur permette<br />
de transformer l’essai. L’ingénierie financière<br />
ne fait pas tout. Des initiatives<br />
comme celles d’Eurocopter et de Daher,<br />
qui arriment des PME avec elles à l’international,<br />
ou de Nokia, qui a organisé<br />
à un hackathon autour du Windows<br />
Phone 8, sont des outils intéressants.<br />
DR<br />
3<br />
phare – la Miosbox, boîtier intelligent<br />
multi-protocoles – représente aujourd’hui<br />
30 à 40 % du CA.<br />
AP2E , LA HAUTE RÉSOLUTION<br />
SPECTRALE<br />
Après cinq ans de R&D, la société d’Aixen-Provence<br />
(3 M€ en 2012, 12 personnes),<br />
spécialisée dans les systèmes<br />
très pointus d’analyse de gaz pour l’industrie<br />
et la surveillance de l’environnement,<br />
passe à l’industrialisation.<br />
Sa technologie, basée sur la spectrométrie<br />
infrarouge, permet la mesure simultanée<br />
de plusieurs gaz à des concentrations<br />
très faibles, et avec des temps de<br />
réponse inférieurs à la seconde.<br />
Ces derniers temps, la start-up aixoise,<br />
dirigée depuis 2011 par Frédéric Lembert,<br />
a emporté quelques contrats significatifs<br />
: avec le géant naval DCNS pour<br />
fournir 400 appareils destinés à contrôler<br />
la qualité de l’air dans les sous-marins<br />
(un contrat de 3 ans d’une valeur d’1 M€).<br />
Et avec Sensors Inc., le principal fabricant<br />
américain d’équipements de test<br />
d’émissions de gaz en temps réel, pour la<br />
distribution de 500 analyseurs. Un<br />
contrat de 20 M$ sur cinq ans.<br />
Qu’attendez-vous de l’hôtel Technoptic<br />
inauguré en novembre ?<br />
Technoptic est un hôtel technologique<br />
avec pépinière et hôtel d’entreprises<br />
dans les secteurs de l’optique et photonique<br />
et en lien avec le pôle de compétitivité<br />
Optitec*. Cette filière régionale<br />
représente près de 20 % de la<br />
recherche nationale. Il faut capitaliser<br />
sur les forces du territoire. De même<br />
pour le Technocentre aéronautique, à<br />
Marignane. <br />
* Équipement de 7,5 M€, conancé par l’État,<br />
l’Europe, la Région, MPM.<br />
DR DR<br />
Oxytronic
4 LA TRIBUNE DES MÉTROPOLES<br />
INTERVIEW Alors que le projet<br />
de loi sur la décentralisation<br />
prévoit de mieux articuler les<br />
compétences des régions<br />
et des métropoles en matière<br />
économique, le président de Paca<br />
tient à ce que la prééminence du<br />
conseil régional soit conservée.<br />
PROPOS RECUEILLIS<br />
PAR JEAN-PIERRE GONGUET<br />
(<strong>La</strong> compétence de développement<br />
économique appartient à la Région<br />
mais elle sera peut-être partagée<br />
avec la Métropole si celle-ci voit le<br />
jour. Comment concevez-vous l’articulation<br />
Région-Métropole ?<br />
Le projet de loi de décentralisation<br />
et de réforme de l’action publique<br />
prévoit un accroissement des compétences<br />
des régions en matière de<br />
développement économique. <strong>La</strong><br />
Région Provence-Alpes-Côte d’Azur<br />
est spécifique dans la mesure où une<br />
métropole est déjà constituée sur<br />
son territoire : la métropole Nice-<br />
Côte d’Azur. Le projet de loi envisage<br />
d’instituer une autre métropole autour<br />
d’Aix-en-Provence et de Marseille,<br />
mais peut-être également<br />
autour de Toulon. Il est proposé par<br />
le gouvernement que les compétences<br />
en matière de développement<br />
économique de la Région et des<br />
Métropoles soient complémentaires<br />
et « articulées ».<br />
En l’occurrence,<br />
le sché-<br />
ma régional de<br />
développement<br />
économique,<br />
d’innovation et<br />
d’internationalisation<br />
des entreprises<br />
(SR-<br />
DEII),<br />
actuellement<br />
en cours d’élaboration par la Région,<br />
servira de cadre de référence<br />
de manière à développer une cohérence<br />
entre ces diérentes échelles<br />
territoriales. Dans ce cadre, je<br />
tiens, comme prévu dans le projet<br />
de loi, à ce que le rôle de « chef de<br />
file » de la région soit conservé.<br />
(Est-il raisonnable économiquement<br />
de refuser la création de<br />
cette Métropole ?<br />
<strong>La</strong> question ne se pose pas dans<br />
ces termes puisque l’objectif de la<br />
métropole, qui sera créée par la loi,<br />
est beaucoup plus vaste que le seul<br />
développement économique, lequel<br />
devra être organisé de manière<br />
à créer des synergies et des<br />
complémentarités entre les diérentes<br />
collectivités.<br />
(<strong>La</strong> Région a développé une démarche<br />
originale avec les pôles régionaux<br />
d’innovation et de développement<br />
économique solidaire<br />
(PRIDES) qui sont souvent complémentaires<br />
des pôles de compétitivité.<br />
Ces derniers vont être réorientés<br />
vers l’emploi, vers plus de<br />
productivité. Faut-il que les<br />
PRIDES fassent de même ? Faut-il<br />
restructurer les moins productifs ?<br />
Comment peuvent-ils être moteurs<br />
dans la refonte de l’économie régionale<br />
que souhaite la région ?<br />
<strong>La</strong> complémentarité<br />
entre<br />
pôles de compétitivité<br />
et pôles<br />
régionaux d’innovation<br />
et de<br />
développement<br />
économique<br />
solidaire doit<br />
être renforcée.<br />
Les PRIDES<br />
entrent maintenant dans une deuxième<br />
phase. Si depuis leur création,<br />
à partir de 2006, il était opportun<br />
de susciter une animation<br />
soutenue afin de constituer et structurer<br />
ces clusters, il convient maintenant<br />
de les orienter vers les projets<br />
collaboratifs concrets entre<br />
entreprises et avec les centres de<br />
recherche et d’innovation technologique,<br />
en lien avec les marchés<br />
émergents et les nouveaux usages.<br />
Le nouvel appel à projet, qui sera<br />
proposé au vote des élus régionaux<br />
en juin, va dans ce sens et rapprochera<br />
effectivement les logiques<br />
pôles de compétitivité et pôles régionaux<br />
d’innovation et de développement<br />
économique solidaire.<br />
( Les pôles de compétitivité<br />
s’orientent vers une mobilisation<br />
des financements privés beaucoup<br />
plus élevée que par le passé, tendant<br />
vers un équilibre financier<br />
public-privé. Est-ce possible en<br />
Provence-Alpes-Côte d’Azur pour<br />
les pôles ou même les PRIDES ?<br />
Oui, cela est possible et existe<br />
déjà en Provence-Alpes-Côte<br />
d’Azur. Les financements publics<br />
ont contribué à générer des dynamiques<br />
dont bénéficient directement<br />
les entreprises à travers les<br />
projets collaboratifs et les actions<br />
collectives. Il est donc normal que<br />
les entreprises contribuent directement<br />
au financement des actions<br />
proposées par les pôles régionaux<br />
d’innovation et de développement<br />
économique solidaire.<br />
(Vous avez été désigné par François<br />
Hollande pour étudier les<br />
conditions d’une politique de coopération<br />
décentralisée avec l’ensemble<br />
des pays méditerranéens.<br />
Quels types de chantier et de coopération<br />
pensez-vous pouvoir faire<br />
émerger rapidement?<br />
L’objet de ce rapport est beaucoup<br />
plus vaste que la coopération décentralisée.<br />
Je le remettrai au président<br />
de la République fin juin et<br />
il comportera des orientations et<br />
des propositions concernant, pour<br />
certaines, le développement de<br />
l’emploi et des entreprises, particulièrement<br />
les très petites entreprises<br />
et les PME classiques ou<br />
relevant de l’économie sociale et<br />
solidaire, proches des besoins des<br />
citoyens en ville et dans les régions<br />
rurales. Il faut également marquer<br />
l’intérêt des processus de co-développement<br />
entre entreprises des<br />
deux rives autour de projets communs<br />
générant de l’emploi et des<br />
richesses de part et d’autre. Mais<br />
les actions de coopération décen-<br />
LA LA TRIBUNE VENDREDI 5 17 AVRIL MAI 2013<br />
MICHEL VAUZELLE, président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur<br />
« LA RÉGION DOIT<br />
R<strong>EST</strong>ER CHEF DE FILE »<br />
«Créer des<br />
synergies et des<br />
complémentarités<br />
entre les diérentes<br />
collectivités. »<br />
tralisée peuvent aussi jouer un rôle<br />
dans le domaine du développement<br />
économique local. Il ne faut donc<br />
pas les oublier pour autant.<br />
( <strong>La</strong> Villa Méditerranée que la<br />
région a financé peut-elle avoir un<br />
rôle dans le développement économique<br />
de Marseille et de la Méditerranée<br />
?<br />
Comme l’a bien compris Martin<br />
Schulz, le président du Parlement<br />
européen et président de l’Assemblée<br />
parlementaire de l’UPM<br />
(Union pour la Méditerranée),<br />
lors de sa venue début avril à Marseille,<br />
la Villa Méditerranée est un<br />
« centre international pour le dialogue<br />
et les échanges en Méditerranée<br />
». L’objectif est donc de<br />
contribuer à la paix et au développement<br />
en Méditerranée. <strong>La</strong> situation<br />
de crise en Méditerranée<br />
du Nord, comme du Sud et de<br />
l’Est, ne peut se résoudre sans un<br />
développement de l’emploi au plus<br />
près des besoins des populations.<br />
C’est pourquoi la Villa Méditerranée<br />
pourra indéniablement jouer<br />
un rôle en matière de développement<br />
économique.<br />
DR - Région PACA
DR<br />
VENDREDI 5 17 AVRIL MAI 2013 LA LA TRIBUNE<br />
TRAVEL TECHNOLOGY<br />
INTERACTIVE,<br />
LA SOLUTION ZÉNITH<br />
Le progiciel Zenith gère toutes<br />
les activités d’une compagnie aérienne.<br />
Créée en 2002, la société marseillaise (CA de<br />
8,6 M€ en 2012), entrée en bourse sur le marché<br />
Alternext en 2006 puis en 2011 sur NYSE<br />
Alternext, édite des solutions de gestion dédiées au<br />
transport aérien. Avec, depuis les origines, un concept<br />
fondé sur l’utilisation des ressources du web afin que<br />
ses logiciels s’adaptent à tout ordinateur relié au<br />
réseau. En 2005, elle connaît un premier succès avec<br />
Aéropack, une solution qui permet d’émettre des billets<br />
électroniques aux normes IATA et qui lui ouvre<br />
les portes de l’international. Si bien qu’en 2008, elle a<br />
l’opportunité d’acquérir son principal concurrent brésilien<br />
spécialisé dans les compagnies low-cost et<br />
connu pour son système Reservaweb. Sept ans plus<br />
tard, elle crée de nouveau l’actualité en mettant sur le<br />
marché une nouvelle plate-forme de gestion, baptisée<br />
Zenith, qui fédère en une seule solution les atouts<br />
d’Aéropack et de Reservaweb.<br />
Inventaire, émission de billets (aux normes IATA),<br />
tarification ou réservation, la solution sortie en avril<br />
couvre désormais tout le spectre de l’activité d’une<br />
compagnie aérienne. Zenith se charge même du DCS<br />
(departure control system) afin de gérer les enregistrements<br />
et embarquements.<br />
Pour l’ensemble de ses développements, TTI a bénéficié<br />
du soutien d’Oséo : 315 K€ en avance remboursable<br />
en 2006, et un prêt de 940 K€ en 2012. TTI<br />
prévoit désormais d’y ajouter une seconde brique pour<br />
mettre sur pied une plate-forme qui s’étendrait à tous<br />
les services désormais associés aux compagnies aériennes<br />
: bagagerie au kilo, choix de son siège ou de<br />
son menu, réservation de taxi ou location de voiture,<br />
gestion du visa ou sélection d’un hôtel. « L’objectif est<br />
d’agréger toutes les ores de nos clients mais également<br />
celles de nos partenaires », détaille Grégoire<br />
Echalier, le directeur général de TTI. « Une première<br />
version, pilote, devrait voir le jour en 2014 ». TTI a<br />
consacré entre 10 et 16 % de son CA à la R&D ces trois<br />
dernières années.<br />
WYSIPS INVENTE LE MOBILE SOLAIRE<br />
What You See is Photovoltaic<br />
Surface. C’est l’acronyme de<br />
Wysips, un procédé breveté<br />
depuis 2006, capable<br />
de transformer tout support<br />
(verre, tissus, voiles,<br />
plastiques, composites, etc.)<br />
en surface productrice<br />
d’énergie grâce au soleil ou<br />
à la lumière artificielle.<br />
<strong>La</strong> PME d’Aix-en-Provence<br />
(CA de 2 M€ en 2012, 25<br />
salariés) cherche à aranchir<br />
nos portables de leur<br />
chargeur. Comment ? Grâce à<br />
une membrane photovoltaïque<br />
qui prend la forme<br />
d’un film transparent et fin<br />
de 0,1 mm, sans impact sur le<br />
design, sans altérer la qualité<br />
de l’image, et surtout sans<br />
coût supplémentaire pour<br />
le fabricant, puisqu’il s’intègre<br />
à l’écran tactile et ne modifie<br />
en rien la structure du<br />
téléphone. « On peut gagner<br />
jusqu’à 20 % d’autonomie,<br />
mais tout dépend de l’usage<br />
et de la luminosité. On peut<br />
avérer en tout cas qu’avec<br />
INTERVIEW<br />
MARSEILLE - PROVENCE<br />
JEAN-MARIE SUQUET, DIRECTEUR RÉGIONAL D’OSEO<br />
« Le nouveau fonds d’amorçage interrégional<br />
comblera les lacunes de l’ore »<br />
<strong>La</strong> région est-elle innovante ?<br />
En 2012, le montant du financement de<br />
l’innovation en Paca a représenté 8 %<br />
de l’ensemble national. C’est comparable<br />
à son poids économique. En revanche,<br />
aucun secteur ne se détache<br />
vraiment. Seule la microélectronique<br />
est légèrement sur-représentée dans la<br />
création d’entreprises innovantes.<br />
En 2012, les entreprises régionales<br />
ont perçu 153 M€ pour l’innovation.<br />
Quelle fut la part d’Oseo ?<br />
INTUISENSE, DES DISTRIBUTEURS DE<br />
BOISSONS RENDUS INTELLIGENTS<br />
Imaginez un distributeur<br />
automatique qui vous<br />
reconnaîtrait et adapterait<br />
son offre commerciale.<br />
Équipé d’une caméra et<br />
d’un PC, il serait également<br />
capable d’obéir à vos gestes<br />
sans que vous le touchiez, exactement<br />
comme dans un jeu vidéo ! Une révolution<br />
technologique développée depuis<br />
décembre 2008 par IntuiSense (CA de<br />
200 K€ en 2012, 8 personnes).<br />
L’entreprise, dirigée par Régis Le Bras<br />
(un des 3 cofondateurs) a mis au point un<br />
procédé, qui avec ses interfaces interactives<br />
de reconnaissance du geste fondées<br />
sur le traitement d’image via des capteurs<br />
optiques, est doté d’une forme d’intelligence.<br />
Le but étant de se servir de l’image<br />
enregistrée pour eectuer des mesures<br />
d’audience afin d’adapter instantanément<br />
la proposition commerciale. IntuiSense,<br />
qui a déjà équipé les stations Agip en<br />
France, a passé ses premiers contrats avec<br />
Pepsi, Danone, Accor ou Microsoft.<br />
MADE, UN APPAREIL POUR<br />
DÉTECTER LES TUYAUX ENTERRÉS<br />
Créée en 1991, Made (CA de 6,90 M€ en<br />
septembre 2012, 36 personnes), basée à <strong>La</strong><br />
Farlède (Var), experte des réseaux (télécommunication,<br />
exploitation électrique,<br />
géodétection des réseaux enterrés, détec-<br />
DR<br />
une exposition de 6 heures<br />
au soleil, on recharge<br />
totalement », explique<br />
Ludovic Deblois, cofondateur<br />
avec Joël Gilbert de<br />
Sunpartner, la maison mère<br />
qui chapeaute les deux<br />
sociétés Axiosun (centrales<br />
photovoltaïques) et Wysips.<br />
DR<br />
Ce montant représente l’ensemble des<br />
financements que les accompagnements<br />
d’Oseo sous forme d’aides, de<br />
prêts, de garanties, ont permis de mobiliser<br />
autour des projets innovants. Le<br />
budget régional de notre intervention<br />
directe était de 29,90 M€ en 2012 pour<br />
229 entreprises contre 27,30 M€ en<br />
2011 pour 243 bénéficiaires. Les<br />
Bouches-du-Rhône en ont absorbé plus<br />
de la moitié.<br />
Existe-t-il un profil type de<br />
tion des lignes haute tension pour les<br />
engins élévateurs et défense) a lancé en<br />
2003 le Gas Tracker, « un produit unique<br />
au monde », selon Érick Papillon, le DG et<br />
un des quatre cofondateurs de Made.<br />
Développé en partenariat avec GDF, le<br />
détecteur acoustique « permet de localiser<br />
et de tracer les tuyaux de gaz en polyéthylène<br />
enterrés ». <strong>La</strong> société, qui consacre<br />
15 % de son chire d’aaires à la R&D (10<br />
brevets déposés) prévoit de sortir un produit<br />
capable de détecter tous types de canalisations<br />
enterrées, quels que soient les<br />
matériaux ou le fluide, d’ici trois ans.<br />
TINTEO, LA TECHNOLOGIE<br />
DU CONFORT AUDITIF<br />
Créée en 2008, la TPE,<br />
basée à Meyreuil dans les<br />
Bouches-du-Rhône (7<br />
personnes, CA non significatif<br />
) développe des<br />
technologies innovantes capables d’améliorer<br />
le confort auditif. Après avoir lancé<br />
il y a deux ans, un casque anti bruit innovant<br />
– par la technologie de réduction<br />
active de bruit, qui détecte et élimine le<br />
bruit ambiant, mais aussi par son prix, à<br />
moins de 100 € –, elle vient de présenter<br />
un casque télé sans fil et avec amplificateur<br />
d’écoute intelligent, à moins de 300 euros.<br />
Avec Teo Duo, la jeune société (2 brevets<br />
déposés), vise le marché des malentendants<br />
légers (les plus de 55 ans), pour l’instant<br />
dominé par les audioprothésistes –<br />
avec un coût moyen pour équiper les deux<br />
oreilles autour de 3 000 euros. <strong>La</strong> TPE<br />
espère conquérir 30 % des parts de marché<br />
sur les assistants d’écoute d’ici à 2015.<br />
SIS, LA SÛRETÉ<br />
DES RÉSEAUX DE GAZ<br />
Basée à Aubagne, la Scop<br />
Sevme Informatique et<br />
Services (SIS) a succédé<br />
en 2004 à une société<br />
familiale créée dans les<br />
années 1960 qui exploitait<br />
un savoir-faire peu ordinaire : la surveillance<br />
électronique à distance des installations<br />
techniques sur les réseaux de gaz.<br />
Et la coopérative (CA 2012 de<br />
3,20 M€, 22 salariés) figure aujourd’hui<br />
parmi les rares sociétés sur CE marché<br />
où le ticket d’entrée, très technique,<br />
DR<br />
5<br />
l’entreprise régionale innovante ?<br />
Elles sont à 90 % exportatrices. L’innovation<br />
« coûte » en temps et en argent.<br />
Elle a donc besoin de s’amortir sur le<br />
plus grand nombre de marchés possibles.<br />
Le tissu local sourait jusqu’à<br />
présent d’une lacune au niveau du financement<br />
de l’amorçage pour les tickets<br />
importants. Mais le nouveau fonds<br />
d’amorçage interrégional [en cours de<br />
closing sur Rhône-Alpes et Paca, ndlr],<br />
devrait combler ce manque. <br />
DR<br />
constitue un obstacle de taille. Suivi de<br />
pression, alarme, télé-relève, traitement<br />
et envoi des données pour automatiser<br />
la facturation… elle travaille pour les<br />
principaux opérateurs français (GR-<br />
Tgaz, GRDF et TIGF) et étrangers. Le<br />
durcissement des normes obligeant SIS<br />
à la course à l’innovation, sa R&D représente<br />
quelque 20 % de son CA annuel.<br />
MOULIN DU CALANQUET,<br />
DES HUILES D’OLIVE EN BERLINGOTS<br />
Elle a décroché le Grand<br />
Prix Innovation de l’édition<br />
2012 au Salon international<br />
de l’alimentaire<br />
(Sial) pour ses berlingots<br />
de 10 ml déclinés en 3 gammes : des huiles<br />
d’olive (5 monovariétales et une d’assemblage),<br />
des huiles aromatisées (morille,<br />
cèpe, basilic et true) et des vinaigrettes<br />
originales (kalamansi, framboise, mangue,<br />
tomate). « Nous voulons répondre à la<br />
demande croissante de produits nomades,<br />
pratiques et ludiques », explique Anne<br />
Brun, qui a créé l’entreprise en 2000 avec<br />
son frère Gilles.<br />
<strong>La</strong> société table sur ce produit pour lui<br />
ouvrir de nouveaux marchés à l’export où<br />
elle réalise déjà 35 % de son CA (1,13 M€<br />
en 2012, 12 personnes). Ces berlingots<br />
sont pour l’heure conditionnés dans le<br />
Maine-et-Loire mais la TPE va investir dès<br />
2013 pour maîtriser tout le processus.<br />
DIGDASH, UN LOGICIEL “BIG DATA”<br />
« Notre logiciel DigDash<br />
Enterprise est capable de<br />
gérer un grand nombre de<br />
données avec une restitution<br />
performante. Nous<br />
donnons la main à l’utilisateur<br />
qui peut facilement poser sa question<br />
au système comme dans une barre Google,<br />
et aussi bien sur smartphone ou tablette que<br />
sur ordinateur», explique Éric Gavoty,<br />
cofondateur de DigDash et vice-président<br />
des ventes et du marketing. Il aura fallu<br />
quatre années de R&D à la société (CA de<br />
1 M€, dont 30 % à l’export, 12 personnes)<br />
pour sortir ce logiciel, aujourd’hui vendu<br />
par un réseau de partenaires (Bull pour les<br />
collectivités territoriales) aussi bien aux<br />
grands comptes (Volkswagen, le CEA, ID<br />
Logistics) qu’aux PME.<br />
DR DR<br />
© CLAUDE ALMODOVAR
DR<br />
6 LA TRIBUNE DES MÉTROPOLES<br />
COPPERNIC,<br />
LA TECHNOLOGIE<br />
AU SERVICE<br />
DE LA DÉMOCRATIE<br />
Depuis la création de la société fin 2008 à Aixen-Provence,<br />
Jacky Le Cuivre, fondateur et<br />
actuel PDG, a fait le choix d’un secteur d’activité<br />
en pleine croissance : la mobilité. L’entreprise<br />
(27 salariés, CA de 14,99 M€ en 2012) développe des<br />
terminaux mobiles pour les techniciens itinérants.<br />
Relève de compteurs, vérification d’identité, vérification<br />
de titres de transport, contrôle d’accès (sécurité<br />
des sites portuaires et aéroportuaires, contrôles<br />
routiers, sécurisation des chantiers BTP…), Coppernic<br />
dispose d’une large gamme de lecteurs mobiles<br />
capables de se connecter facilement aux réseaux disponibles<br />
afin de répondre à des besoins précis.<br />
Chacun des produits de Coppernic possède un dénominateur<br />
commun : le terminal. <strong>La</strong> PME l’achète<br />
auprès des grandes firmes du secteur, comme Motorola,<br />
avant d’adapter la machine aux besoins<br />
spécifiques du client : « On taille des costumes sur<br />
mesure dédiés à des appareils standards, ce qui nécessite<br />
de la R&D en permanence ! », résume Jacky<br />
Le Cuivre. Le dirigeant a structuré la société autour<br />
de deux équipes : les électroniciens eectuent les<br />
modifications sur la machine et les informaticiens<br />
développement les logiciels. Cette expertise a permis<br />
à Coppernic de remporter en 2012 un marché de<br />
8,50 M€ au Ghana dans un nouveau secteu : les élections.<br />
Elle a ainsi fourni 33 550 terminaux capables<br />
de vérifier instantanément l’identité des électeurs<br />
ghanéens grâce à leurs empreintes digitales. Le terminal<br />
lit le code-barres sur la liste d’émargement,<br />
vérifie l’empreinte digitale et ache le verdict. Lumière<br />
verte ou rouge : c’est instantané. Une innovation<br />
qui a permis à la start-up aixoise de doubler son<br />
chire d’aaires entre 2011 et 2012. Pour cette opération,<br />
les équipes aixoises ont développé entièrement<br />
le terminal : « Notre machine a permis de publier<br />
les résultats de l’élection ghanéenne dès le lendemain<br />
du vote ». Un succès qui en appelle d’autres : Coppernic<br />
compte mettre au point une machine multi confi-<br />
Vérification d’identité en temps<br />
réel par l’empreinte digitale.<br />
guration qui<br />
serait adaptable<br />
à tous les pays…<br />
qui souhaitent<br />
m ett re c ett e<br />
technologie au<br />
service de la démocratie.<br />
GRAFTYS, UN CIMENT INJECTABLE POUR<br />
RÉPARER L’OS MALADE OU TRAUMATISÉ<br />
Créée 2005 par 4 cofondateurs,<br />
dont Jean-Marc Ferrier<br />
et Alain Valet (deux anciens<br />
dirigeants du groupe Zimmer,<br />
leader mondial des prothèses<br />
orthopédiques) et Jean-<br />
Michel Bouler (chercheur à<br />
l’Inserm spécialisé dans les<br />
substituts osseux synthétiques),<br />
la société est à<br />
http://www.latribune.fr<br />
<strong>La</strong> <strong>Tribune</strong><br />
2, rue de Châteaudun - 75009 Paris<br />
Téléphone : 01 76 21 73 00.<br />
Pour joindre directement votre correspondant,<br />
composer le 01 76 21 suivi des 4 chiffres<br />
mentionnés entre parenthèses.<br />
l’origine d’une technologie<br />
destinée à prévenir les<br />
factures dues à l’ostéoporose.<br />
<strong>La</strong> société aixoise (CA de<br />
3,50 M€ en 2012, 29 personnes)<br />
a élaboré une<br />
technique pour injecter le<br />
phosphate de calcium de<br />
synthèse directement au<br />
cœur des os à réparer :<br />
SOCIÉTÉ ÉDITRICE<br />
LA TRIBUNE NOUVELLE. S.A.S.<br />
au capital de 3 200 000 euros.<br />
Établissement principal :<br />
2, rue de Châteaudun - 75009 Paris<br />
Siège social : 10, rue des Arts,<br />
31000 Toulouse. SIREN : 749 814 604<br />
Président,<br />
directeur de la publication<br />
Jean-Christophe Tortora.<br />
SOLUTION F : « GÉO TROUVETOUT »<br />
DE LA MOBILITÉ<br />
C’est parce qu’il est<br />
tombé tout petit dans la<br />
marmite du sport auto,<br />
qu’Éric Chantriaux<br />
affiche un goût inaltérable<br />
pour la performance.<br />
En 1985, l’ancien<br />
pilote créée la société<br />
d’ingénierie en sport automobile Solution<br />
F, pour répondre d’abord à des besoins précis<br />
en matière de carburation, acoustique,<br />
amortisseurs… Depuis 2005, la société,<br />
implantée à Venelles au nord d’Aix-en-Provence<br />
(CA de 7,20 M€ en 2012, 45 salariés)<br />
s’est diversifiée et innove tous azimuts.<br />
Elle a ainsi déposé des brevets pour le<br />
premier hélicoptère 100 % électrique au<br />
monde, un moteur hybride qui ne<br />
consomme que 2,6 l/100, une éolienne à<br />
axe vertical. Et elle possède le seul prototype<br />
mondial d’impression 3D grâce à un<br />
procédé de polymérisation avec un laser.<br />
SANOIA, LE E-DOSSIER MÉDICAL<br />
POUR LE PATIENT<br />
Hervé Servy, ingénieur informaticien, s’est<br />
associé à un docteur en biologie pour créer<br />
Sanoia (CA de 200 K€ en 2012, 3<br />
personnes), spécialisée dans les outils<br />
e-santé de type 3.0. Pour faire court, il est<br />
le génial inventeur du e-dossier médical<br />
pour le patient. L’idée ? Un service internet,<br />
anonyme et gratuit permettant au patient<br />
atteint d’une maladie chronique (150 000<br />
personnes identifiées et plusieurs<br />
centaines de maladies) de consigner dans<br />
une fiche ses informations de santé, qui<br />
profitent aux spécialistes qu’ils consultent<br />
mais aussi à la recherche scientifique et à<br />
l’industrie pharmaceutique afin d’en<br />
améliorer l’utilisation. Toutes ces données<br />
de santé sont accessibles contre un numéro<br />
identifiant délivré par le patient.<br />
SYNPROSIS : DES PEPTIDES<br />
EN SYNTHÈSE CHIMIQUE<br />
Créée en 2003, Synprosis (9 personnes, CA<br />
à fin mars 2012 de 1,1 M€), basée à Fuveau<br />
dans les Bouches-du-Rhône, a d’abord été<br />
reconnue pour son savoir-faire dans la réa-<br />
« Le ciment est injecté sous<br />
forme liquide, il va se durcir<br />
en quelques heures et se<br />
résorber pour laisser la place<br />
à un os reconstitué grâce à<br />
l’action du principe actif »,<br />
explique Alain Valet.<br />
RÉDACTION<br />
Directeur de la rédaction Éric Walther.<br />
Directeur adjoint de la rédaction<br />
Philippe Mabille.<br />
( Économie Rédacteur en chef : Robert Jules.<br />
Rédacteur en chef adjoint : Romaric Godin.<br />
Jean-Christophe Chanut, Fabien Piliu.<br />
( Entreprise Rédacteur en chef : Michel<br />
Cabirol. Rédacteurs en chef adjoints : Delphine<br />
Cuny, Fabrice Gliszczynski. Alain-Gabriel<br />
Verdevoye.<br />
( Finance Rédacteur en chef adjoint : Ivan<br />
DR<br />
DR<br />
© Jean-Bernard Stil<br />
lisation de vaccins synthétiques<br />
contre le VIH et le<br />
paludisme. <strong>La</strong> société a<br />
depuis développé d’autres<br />
produits actifs dans le traitement<br />
de la douleur ou<br />
des maladies neurodégénératives et a<br />
récemment mis au point une technique<br />
permettant de produire des peptides longs<br />
en synthèse chimique. « Le système classique<br />
de production des peptides est la bioproduction<br />
qui fait intervenir des cellules<br />
vivantes avec un process long et coûteux. <strong>La</strong><br />
synthèse chimique permet de baisser les<br />
coûts mais a toujours été limitée par son<br />
faible rendement. Notre technologie permet<br />
d’avoir des rendements importants avec un<br />
coût 30 à 40 % inférieur », indique Jean-<br />
Pierre Salles, PDG fondateur de Synprosis.<br />
IMPIKA, L’AVENIR<br />
À UN JET D’ENCRE<br />
« Le marché est<br />
devenu mondial et<br />
pour accompagner<br />
nos clients, en<br />
termes de ventes et<br />
de services, nous<br />
avions deux choix :<br />
créer notre propre réseau ou nous rapprocher<br />
d’un groupe international, leader dans<br />
son domaine ». Paul Morgavi, le PDG d’Impeka,<br />
société basée à Aubagne et spécialisée<br />
dans le matériel d’impression numérique<br />
par jet d’encre, est ravi : sa PME a été rachetée<br />
en douceur par le groupe américain<br />
Xerox dont elle va devenir le centre mondial<br />
des technologies à jet d’encre à base<br />
aqueuse.<br />
C’est la capacité d’innovation de cette<br />
PME (55 salariés dont 20 à la R&D), et sa<br />
technologie très spécifique qui ont séduit<br />
le géant de l’impression couleur. Impika<br />
table en 2013 sur une croissance à deux<br />
chires de son CA (16 millions d’euros en<br />
2012, dont 75 % à l’export).<br />
TROPHOS, UNE AVANCÉE MAJEURE<br />
POUR LA MALADIE DE CHARCOT<br />
L’olesoxime. C’est le nom de la molécule<br />
pour laquelle la PME marseillaise (27 personnes<br />
dont 14 titulaires d’un doctorat), a<br />
démarré en mars une étude clinique dont<br />
les résultats devraient être publiés cette<br />
année, et pour laquelle elle a décroché une<br />
subvention d’1 M€ du ministère de la<br />
Recherche. Mais ce n’est qu’à l’horizon<br />
2016 que Trophos, qui ne dégage toujours<br />
pas de chire d’aaires (80 M€ de financements<br />
par recours au capital-risque), sera<br />
fixée sur l’ecacité de sa molécule prometteuse<br />
pour limiter la progression de la sclérose<br />
en plaques. Connue sous le nom de<br />
Charcot, la maladie inflammatoire du système<br />
nerveux central toucherait deux millions<br />
de personnes dans le monde. Les<br />
traitements existants ne permettraient que<br />
d’espacer les crises. Le potentiel du marché<br />
est estimé entre 200 et 300 M$ par an.<br />
Best. Christine Lejoux, Mathias Thepot.<br />
( Correspondants Florence Autret (Bruxelles).<br />
( Rédacteur en chef hebdo<br />
Jean-Louis Alcaïde. Jean-Pierre Gonguet.<br />
( Rédactrice en chef de ce supplément<br />
« Métropoles » Adeline Descamps.<br />
RÉALISATION RELAXNEWS<br />
Rédaction en chef technique Alfred Mignot<br />
Edition Marion Clément, Séverine Lefebvre<br />
Graphisme Mathieu Momiron.<br />
LA LA TRIBUNE VENDREDI 5 17 AVRIL MAI 2013<br />
DR<br />
©CNRS / Emmanuel Perrin<br />
ACTIONNAIRES<br />
Groupe Hima, Hi-media/Cyril Zimmerman,<br />
JCG Medias, SARL Communication<br />
Alain Ribet/SARL, RH Éditions/Denis <strong>La</strong>fay.<br />
MANAGEMENT<br />
Vice-président en charge des métropoles<br />
et des régions Jean-Claude Gallo. Conseiller<br />
éditorial François Roche. Directrice Stratégie<br />
et Développement Aziliz de Veyrinas (73 26).<br />
Directrice de publicité Clarisse Nicot (73 28).<br />
Directeur nouveaux médias<br />
Thomas Loignon (73 07).<br />
AMIKANA BIOLOGICS, BOUCLIER<br />
CONTRE L’ÉCHEC THÉRAPEUTIQUE<br />
Créée en 2008, primée à<br />
deux reprises du Concours<br />
national de la création d’entreprise<br />
de technologie<br />
innovante (2005 et 2008), la<br />
société basée au CHU de la<br />
Timone à Marseille, utilise les propriétés<br />
de la levure, très proches des cellules<br />
humaines, pour analyser la résistance de<br />
protéines virales aux médicaments de certains<br />
virus tels que le VIH. L’objectif final :<br />
optimiser les traitements proposés aux<br />
malades. Après deux levées totalisant près<br />
d’1 M€ , la biotech de 5 personnes créée par<br />
Pablo Gluschankof, chercheur au CNRS (il<br />
a découvert la levure à l’Université de Stanford),<br />
est en phase de validation clinique et<br />
envisage de commercialiser d’ici la fin de<br />
l’année son premier kit de diagnostic de la<br />
résistance au traitement contre le VIH.<br />
NEUROSERVICE, T<strong>EST</strong>ER<br />
L’EFFICACITÉ DES MOLÉCULES SUR<br />
LE CERVEAU<br />
Créée en 2007, avec<br />
le soutien des<br />
incubateurs<br />
marseillais Impulse<br />
et Grand Luminy<br />
Technopôle,<br />
Neuroservice (CA en 2012 de 2,2 M€ dont<br />
95 % à l’export, 25 salariés) réalise des tests<br />
in vitro des molécules pour comprendre<br />
leurs effets, positifs ou négatifs, sur le<br />
cerveau et moelle épinière.<br />
Standardisés ou sur-mesure, ces tests<br />
sont vendus à parts égales à des grands<br />
groupes pharmaceutiques (Roche en<br />
Suisse ou Pfizer aux États-Unis) et à des<br />
biotechs travaillant sur les pathologies du<br />
système nerveux central et dans le traitement<br />
de la douleur. <strong>La</strong> PME, créée par<br />
Bruno Buisson, auparavant en charge du<br />
département pharmacologie chez Trophos,<br />
une autre biotech marseillaise, ambitionne<br />
de réaliser 10 M€ de CA d’ici à cinq ans.<br />
PROVEPHARM REMET LE BLEU<br />
DE MÉTHYLÈNE À L’HONNEUR<br />
Créée en 2007, la start-up marseillaise<br />
(CA 2012 de 2,50 M€, 10 personnes) est<br />
à l’origine du développement de l’unique<br />
principe actif au monde développé par<br />
la valorisation du bleu de méthylène. Le<br />
produit, qui a obtenu en 2011 les autorisations<br />
de mise sur le marché dans 27<br />
pays de l’UE, dispose de brevets valables<br />
jusqu’en 2027. L’entreprise, qui mise pour<br />
sa commercialisation sur des accords de<br />
licences avec des distributeurs par territoires<br />
et domaines (déclinaison du principe<br />
actif sur d’autres applications thérapeutiques<br />
comme la malaria), a signé des<br />
contrats dans plusieurs pays. Le potentiel<br />
commercial est estimé à quelque 40 M€<br />
par an, d’ici trois à cinq ans.<br />
Abonnements Aurélie Cresson (73 17).<br />
Marketing des ventes au numéro :<br />
Agence Bo conseil A.M.E / Otto Borscha<br />
oborscha@ame-presse.com (01 40 27 00 18).<br />
Imprimeries IPS, ZA du Chant des Oiseaux,<br />
80800 Fouilloy. N o de commission paritaire :<br />
0514 C 85607. ISSN : 1277-2380.<br />
DR
C<br />
M<br />
J<br />
CM<br />
MJ<br />
CJ<br />
CMJ<br />
N<br />
exe_MAF_256x363_M.Fauchille.pdf 1 13/05/13 16:35