QUI EST VRAIMENT ANGELA MERKEL? - La Tribune
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VENDREDI 17 MAI 2013 LA TRIBUNE<br />
11 % c’est le<br />
taux de chômage de<br />
l’Allemagne en octobre 2005,<br />
lorsque Angela Merkel est<br />
devenue chancelière. En avril<br />
2013, ce taux se situait à 7,1 %<br />
(méthode nationale).<br />
REINE D’EUROPE...<br />
l’université, on ne pouvait pas obtenir son diplôme<br />
si on ne courait pas le 100 mètres dans un temps<br />
imparti”, racontera-t-elle. Elle arrivera finalement,<br />
à force d’entraînement, à passer sous la barre des<br />
16 secondes. Eût-elle échoué aux épreuves<br />
sportives, elle n’eût pas poursuivi d’études supérieures<br />
et n’aurait peut-être pas embrassé une<br />
carrière politique.<br />
L’occasion d’armer ses choix face à ses parents<br />
ne tarde pas à se présenter. Dans le cercle familial,<br />
la question s’est déjà posée de participer – ou non –<br />
à la Freie Deutsche Jugend (FDJ), l’organisation<br />
de jeunesse communiste qui concurrence les organisations<br />
traditionnellement pilotées par les<br />
Églises et fait oce, selon la terminologie alors en<br />
vogue, de “réserve de combat du parti”.<br />
En être ou ne pas en être est une forme de “statement”<br />
politique, fût-il implicite. C’est une antichambre<br />
du parti et un lieu d’endoctrinement ou<br />
les parents Kasner n’ont guère envie de voir évoluer<br />
leurs enfants. Dans un premier temps, la toute<br />
jeune Angela est donc vigoureusement dissuadée<br />
d’y participer. Mais après la première année d’école,<br />
les choses se présentent diéremment. <strong>La</strong> discussion<br />
doit être rouverte. <strong>La</strong> petite fille a beau être<br />
première de la classe, elle se voit dénier les récompenses<br />
qu’elle estime mériter. Et cela lui pèse.<br />
L’injustice est si flagrante que le “premier de la<br />
classe en titre” interroge lui-même la maîtresse<br />
alors qu’il vient de recevoir son prix. “Et Angela ?”<br />
<strong>La</strong> maîtresse lui répond : “Mais tu es le meilleur<br />
pionnier.” Tout est dit. Les collections de “1”, la<br />
meilleure note, n’y suffiront jamais. Pour être<br />
reconnu, il ne faut pas juste être un bon élève mais<br />
aussi un pionnier exemplaire. Ses parents laissent<br />
le choix à Angela. Elle décide d’y aller, en partie<br />
pour ne pas être brimée, en partie aussi parce<br />
qu’elle est friande d’activités de groupe.<br />
Et ses parents ne s’y opposent pas. Elle pourra dès<br />
lors porter la blouse bleue des FDJ. Elle y restera<br />
active jusqu’à la chute du Mur, y compris pendant<br />
ses années à l’Académie des sciences à Berlin, mais<br />
sans jamais devenir membre du parti. Un pied<br />
dehors, un pied dedans. L’art du compromis sans la<br />
compromission. Le choix du pragmatisme, plutôt<br />
que de l’opposition. […] »<br />
© SEAN GALLUP/AFP<br />
PEER STEINBRÜCK A ÉTÉ<br />
NOMMÉ CANDIDAT DES<br />
SOCIAUX-DÉMOCRATES À<br />
LA CHANCELLERIE. Il peine<br />
beaucoup à convaincre dans la<br />
campagne électorale. Lorsqu’il<br />
était ministre des Finances dans<br />
le premier gouvernement Merkel<br />
de 2005 à 2009, il était réputé<br />
très proche de la chancelière.<br />
Angela Merkel et son deuxième mari, Joachim Sauer. À gauche, en<br />
1989, lors d’une université d’été pour étudiants en chimie, dans la<br />
ville polonaise de Bachotek ; à droite, en 2007, au palais<br />
présidentiel polonais, lors d’une visite au président Lech Kaczynski.<br />
[AFP PHOTO / BOGUMIL JEZIORSKI / JANEK SKARZYNSKI]<br />
2<br />
PREMIÈRES ANNÉES<br />
BERLINOISES<br />
Arrivée à Berlin-Est en 1978, à 24 ans, pour<br />
y préparer son doctorat de physique, la<br />
jeune femme y connaît l’épreuve de la<br />
solitude, de l’ennui et de l’oppression liée à<br />
l’omniprésence du Mur.<br />
«À Berlin, Angela se met en route vers 6 h 15,<br />
de nuit, d’octobre à mars. En chemin, elle<br />
tente de trouver <strong>La</strong> Pravda. Le quotidien<br />
soviétique, édité par le parti communiste, est sa<br />
fenêtre sur le monde, son Herald <strong>Tribune</strong> d’Est-Allemande.<br />
Sa curiosité reste généralement insatisfaite.<br />
Les rares exemplaires sont déjà partis ou n’ont pas<br />
été livrés. “Les meilleures choses étaient toujours déjà<br />
épuisées”, dira-t-elle.<br />
Il lui faut une petite heure pour aller de son domicile<br />
jusqu’au quartier d’Adlershof, où se trouvent les<br />
laboratoires de recherche de chimie et physique,<br />
L’ÉVÉNEMENT 5<br />
«Le projet communautaire est aujourd’hui<br />
meurtri par une alliance de circonstance<br />
entre les accents thatchériens de l’actuel Premier<br />
ministre britannique et l’intransigeance égoïste de<br />
la chancelière Merkel. »<br />
PROJET DE TEXTE (CONTROVERSÉ ET DONC CORRIGÉ DEPUIS) DE LA DIRECTION DU PS.<br />
aujourd’hui rattachés à l’université Humboldt. Friedrichstrasse,<br />
OstKreuz, Treptow : la ligne de S-Bahn<br />
court littéralement le long du Mur, vers le Sud-Est.<br />
“Le trajet quotidien m’oppressait”, dira-t-elle. À<br />
l’impression de buter partout sur le Mur s’ajoute un<br />
sentiment d’isolement.<br />
Pendant ses années à Adlershof, Angela Merkel<br />
appartient à la majorité silencieuse. Intimement,<br />
elle est déjà convaincue des limites du système et<br />
rejette ses fondements. Elle analyse la situation. Elle<br />
exerce son esprit critique. Elle ne ferme pas les yeux.<br />
Mais elle se tait. Elle participe aux Jeunesses communistes<br />
(FDJ), qui font partie de l’appareil du parti.<br />
Elle s’y engage autant que cela est nécessaire pour<br />
sa survie sociale et le bon déroulement de ses études<br />
et de sa carrière. C’est un choix à la fois banal et<br />
rationnel, compréhensible. Le cas Havemann [un<br />
chimiste dissident d’Allemagne de l’Est] est là pour<br />
montrer les risques immenses que représentait la<br />
critique en public du dogmatisme et des mensonges<br />
du pouvoir. Elle veut réussir dans le système sans<br />
chercher à le changer de l’intérieur. Son intégrité<br />
physique et morale est son horizon politique. Elle<br />
attend que le système meure de lui-même. Elle<br />
éprouve le tragique de la situation. Mais elle ne se<br />
révolte pas. Elle observe.<br />
Cependant, la dissidence est un peu plus, dans sa<br />
vie, qu’un arrière-plan lointain. L’éviction de Robert<br />
Havemann, la déchéance de nationalité de Wolf<br />
Biermann, le départ, en 1977, de l’écrivain Reiner<br />
Kunze qu’elle a rencontré près de Leipzig, sont<br />
discutés dans le milieu intellectuel dans lequel elle<br />
baigne, en plus d’être relayés par la télévision ouestallemande<br />
qu’elle regarde.<br />
Peu avant la mort de Robert Havemann, elle fait la<br />
connaissance de son fils Utz. On est en 1981. Elle<br />
vient de quitter le domicile conjugal et s’en va squatter<br />
un appartement désaecté de Prenzlauer Berg.<br />
Utz fait partie de la petite troupe qui va l’aider à<br />
rénover et aménager son “château”. Il fallait un<br />
certain culot pour quitter son logement dans le<br />
Berlin des années 1980. […] »