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QUI EST VRAIMENT ANGELA MERKEL? - La Tribune

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VENDREDI 17 MAI 2013 LA TRIBUNE<br />

5LE CHOC DE LA CRISE<br />

FINANCIÈRE DE 2008<br />

Le jour même où elle saborde le premier<br />

sommet de crise européen organisé par<br />

Nicolas Sarkozy, la chancelière est rattrapée<br />

par la gravité de la situation bancaire<br />

en Allemagne.<br />

« Pendant ces terribles semaines de 2008 où<br />

l’économie mondiale menace de sombrer<br />

sous le choc que provoqueraient des faillites<br />

bancaires en chaîne, Nicolas Sarkozy assure la présidence<br />

de l’Union européenne. Il prend le taureau par<br />

les cornes et imagine de réunir à Paris les principaux<br />

dirigeants européens pour articuler une réponse<br />

politique à cette déferlante. François Pérol, secrétaire<br />

général adjoint de l’Élysée, et Xavier Musca, alors<br />

encore directeur du Trésor, sondent Berlin. L’accueil<br />

est glacial. <strong>La</strong> chancelière est “résolument hostile”,<br />

rapporte un des missi dominici du président. <strong>La</strong> chancelière<br />

ne voit pas l’utilité d’une réunion.<br />

Elle a besoin de temps pour réfléchir à la bonne<br />

manière de procéder. Elle est agacée par l’activisme de<br />

son homologue français. Sa plus proche conseillère,<br />

Beate Baumann, est totalement dépourvue d’expérience<br />

en matière financière. Berlin est loin des<br />

marchés. <strong>La</strong> chancelière ne sait pas ce qu’il faut décider.<br />

Elle sait que le problème est profond. Il va falloir éponger<br />

– on ne sait trop comment – l’immense mare fétide<br />

des non-valeurs cachées par paquets de centaines de<br />

milliards depuis quinze ans. Les pertes – on le<br />

pressent – seront immenses. Mais que faut-il faire<br />

maintenant face à un problème structurel ? Comment<br />

concilier le court et le long terme ? Paris pousse pour<br />

un plan d’ensemble pour le secteur bancaire européen,<br />

une action rapide, coordonnée, assise sur des moyens<br />

pratiquement illimités. […]<br />

Le 4 octobre, Angela Merkel arrive donc au premier<br />

sommet d’urgence convoqué par Nicolas Sarkozy,<br />

“convaincue qu’il faut absolument qu’elle résiste à tout<br />

plan”, raconte un participant. <strong>La</strong> rencontre entre le<br />

président de la Banque centrale européenne, Jean-<br />

Claude Trichet, celui de la Commission européenne,<br />

José Manuel Barroso, et les trois chefs de gouvernement<br />

des plus grands pays européens dont le Britannique<br />

Gordon Brown, ne débouche sur rien de concret.<br />

Elle exprime plus de stupeur que de détermination.<br />

Pourtant, quelque chose a changé cet après-midi du<br />

4 octobre. Vers 16 heures, pendant la conférence de<br />

presse finale, les portables des deux aides de la chancelière,<br />

Jens Weidmann [son conseiller économique<br />

et futur président de la Bundesbank] et Jörg Asmussen<br />

[secrétaire d’État aux Finances et futur membre du<br />

directoire de la Banque centrale européenne], se<br />

mettent à vibrer : HypoRealEstate, un holding de<br />

banques spécialisées dans le crédit immobilier, est en<br />

train de replonger et risque la faillite dans les heures à<br />

venir s’il ne reçoit pas de nouvelles injections de cash.<br />

Deux semaines plus tôt, HRE avait déjà absorbé une<br />

ligne de crédit de… 35 milliards d’euros débloquée en<br />

urgence par le gouvernement fédéral et un consortium<br />

de banques. De nouveau, rien ne va plus. “On était dans<br />

la m…”, rapporte un participant.<br />

Dans le vol qui la ramène à Berlin le samedi en fin<br />

d’après-midi, la chancelière écoute, consulte et s’informe.<br />

Elle sent la pression politique monter. Le<br />

dimanche des élections régionales se déroulent en<br />

Bavière et un sommet de la coalition avec les sociauxdémocrates<br />

à Berlin. Vu les sommes en jeu, la débandade<br />

bancaire est grosse d’une crise interne majeure si<br />

l’on continue à réagir au coup par coup. Le moment se<br />

rapproche d’une explication devant le Bundestag. Pour<br />

HRE l’urgence commande une rallonge. Ce sera la<br />

dernière, se promet-on à la chancellerie. Il faut un plan<br />

d’ensemble.<br />

En juin 2007, Angela Merkel reçoit les dirigeants du G8<br />

à Heiligendamm au bord de la Baltique. De gauche à droite :<br />

Nicolas Sarkozy, Vladimir Poutine, George W. Bush et Tony Blair.<br />

[AKG-IMAGES/RIA NOWOSTI]<br />

<strong>La</strong> chancelière laisse alors la main à son allié socialdémocrate<br />

Peer Steinbrück. Tard dans la soirée de<br />

dimanche, le ministre des Finances planche, aux côtés<br />

du dirigeant du géant de l’assurance Allianz et ancien<br />

de Goldman Sachs, Paul Achleitner, de Martin Blessing,<br />

alors porte-parole de Commerzbank, de Jens Weidmann,<br />

du secrétaire d’État Jörg Asmussen et d’Axel<br />

Weber, le président de la Bundesbank. L’objet des<br />

discussions : un “bouclier” pouvant protéger tout le<br />

secteur, autrement dit une pompe à liquidité, sinon<br />

illimitée, au moins colossale.<br />

Le 5 octobre, lendemain du sommet de Paris, le<br />

ministre des Finances commence par convoquer la<br />

presse : l’État fédéral garantit l’épargne des Allemands,<br />

dit-il. <strong>La</strong> priorité est d’éloigner le risque de bank run.<br />

Puis il poursuit la préparation du plan de sauvetage,<br />

dans le plus grand secret et le plus vite possible, comme<br />

le lui demande la chancellerie.<br />

L’eet produit par la rechute de HRE n’a pas échappé<br />

à l’Élysée. Nicolas Sarkozy n’a pas renoncé à son plan<br />

européen. “Les Allemands avaient compris qu’ils<br />

avaient eux-mêmes un problème et que ce n’était pas<br />

une externalisation du problème français”, résume une<br />

source française. Le 12 octobre, un sommet des chefs<br />

d’État et de gouvernement de toute la zone euro, cette<br />

fois-ci, adopte un long communiqué en cinq pages<br />

déclinant l’ensemble des mesures à prendre pour<br />

calmer le jeu. […] »<br />

L’ÉVÉNEMENT 7<br />

6<br />

FACE À LA CRISE<br />

DE L’EURO<br />

Il est impossible de comprendre la « lenteur<br />

» de la chancelière sans mesurer sa<br />

défiance à l’égard du système européen.<br />

«Après le choc de décembre 2009, la chancelière<br />

décide de “s’imposer dans le système”.<br />

“Elle a cherché à calmer le jeu, pas pour<br />

contrôler le système, mais pour s’assurer qu’il aille à sa<br />

vitesse et à sa mesure”, raconte un observateur privilégié<br />

de ces années de tempête. Au début de 2010 “a<br />

commencé à apparaître, en termes communautaires, une<br />

diculté que les Français, les Italiens, les Anglais ne<br />

comprenaient pas, ce qu’ils ont appelé la lenteur<br />

allemande”, nourrie d’une profonde défiance à l’égard<br />

de Bruxelles. […]<br />

Angela Merkel est seule. Seule face à son allié de<br />

coalition, le FDP, qui commence à surfer sur la vague<br />

de l’euroscepticisme. Seule face à une Commission<br />

européenne en laquelle elle n’a pas confiance. Seule<br />

face au men’s club des dirigeants européens qui ont<br />

laissé pourrir la situation. Elle n’a pas confiance dans<br />

les solutions avancées par Paris. Elle est, enfin, désemparée<br />

face à une situation inédite. […]<br />

Elle commence par creuser le diagnostic, à sa<br />

manière, en rassemblant des données. Elle commande<br />

une analyse précise de la manière dont a été mis en<br />

œuvre le pacte de stabilité et de croissance et découvre<br />

à quel point il a été foulé aux pieds. “Ce n’est pas possible.<br />

À plus de 50 reprises, les échéances fixées dans le<br />

cadre du pacte de stabilité et de croissance [pour corriger<br />

les déficits] n’ont pas été respectées”, s’indignera-t-elle<br />

devant le Bundestag. […] Mais un constat ne fait pas<br />

une politique. Elle hésite. Elle ne sait comment<br />

convaincre son opinion qu’il faut garder la Grèce pour<br />

garder l’euro. Elle ne veut pas laisser la machine européenne<br />

passer hors de son contrôle, car perdre le pouvoir<br />

à Bruxelles, c’est le faire perdre au Bundestag,<br />

autrement dit signer son arrêt de mort politique. […]<br />

Le 8 juillet 2012, à Reims, la chancelière<br />

et le président Hollande recomposent,<br />

soixante ans après De Gaulle et Adenauer,<br />

le couple franco-allemand. [FRANCOIS NASCIMBENI/ POOL/AFP]<br />

Pendant les premiers mois de 2010, la réconciliation<br />

entre la contrainte interne et celle de la crise prend un<br />

nom : le cas de force majeure “Quand la Grèce ne peut<br />

plus se refinancer sur les marchés, ce n’est plus le problème<br />

de la Grèce, seulement, mais le point de départ de conséquences<br />

imprévisibles pour l’ensemble de la zone euro…<br />

En agissant nous protégeons notre monnaie”, explique la<br />

chancelière le 5 mai devant le Bundestag. […]<br />

Il a existé sur ce point une entente profonde entre elle<br />

et le président français, jusqu’à l’alternance de mai 2012<br />

en France. Nicolas Sarkozy a eu beau jouer le rôle<br />

d’aiguillon, il s’est plié au rythme et aux contraintes<br />

exaspérants de son homologue allemande. “<strong>La</strong> chancelière<br />

nous disait : ‘À supposer même que je fasse ces choses<br />

que je ne trouve pas totalement raisonnables, quelqu’un<br />

fera un recours devant la Cour constitutionnelle. Il<br />

gagnera et à ce moment-là, qu’est-ce qui se passera ?’ Sa<br />

vraie force a souvent été sa faiblesse”, dit l’ancien secrétaire<br />

général de l’Élysée, Xavier Musca […]. » <br />

FLORENCE AUTRET

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