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QUI EST VRAIMENT ANGELA MERKEL? - La Tribune

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L’ÉVÉNEMENT<br />

MOI, <strong>ANGELA</strong> <strong>MERKEL</strong>,<br />

REINE D’EUROPE<br />

Le 10 avril 2000, trois mois et demi après avoir publié sa célèbre<br />

lettre ouverte où elle appelle son parti à rompre avec Helmut Kohl,<br />

Angela Merkel est élue présidente de la CDU, à 46 ans. [MARTIN GERTEN/AFP]<br />

UNE DISCRÈTE ENTRÉE<br />

EN POLITIQUE<br />

Après la chute du Mur, la physicienne<br />

adhère à un tout petit parti proche de<br />

l’Église protestante, le Renouveau Démocratique<br />

(RD), qui sombrera avec son président<br />

Wolfgang Schnur, compromis avec la<br />

Stasi. Novice en politique, elle se fait une<br />

place dans le gouvernement Maizière, en<br />

1990. Ce sera sa porte d’entrée pour la CDU.<br />

« Les<br />

élections [du 18 mars 1990] ont consacré<br />

la victoire du parti du chancelier Helmut<br />

Kohl. Son homme fort en RDA, Lothar de<br />

Maizière, est chargé de constituer un gouvernement.<br />

Des négociations ont été engagées pour former une<br />

grande coalition avec les sociaux-démocrates. Le porteparole<br />

désigné du futur gouvernement, l’ancien<br />

journaliste Matthias Gehler, se cherche un adjoint.<br />

L’attribution du poste à un adé du SPD aurait été<br />

logique. Mais Lothar de Maizière écarte cette option<br />

et préfère se tourner vers un « junior partner », moins<br />

encombrant. C’est alors que Rainer Eppelmann, la<br />

nouvelle figure de proue du RD, avance le nom d’une<br />

illustre inconnue : Angela Merkel. […]<br />

Angela Merkel a 35 ans et des joues rondes qui lui<br />

en font paraître quinze de moins. Elle porte de<br />

longues jupes cousues à la main et des sandales de<br />

pèlerin. Cet accoutrement ne sera pas un obstacle à<br />

sa fulgurante ascension, mais il va lui coller à la peau<br />

et forger son identité d’outsider est-allemande jusqu’à<br />

ce qu’elle arrive au firmament politique de l’Allemagne<br />

fédérale. Au point qu’en 2012, un cabaret<br />

berlinois continuait de colporter cette blague : “Tu<br />

4<br />

sais ce que fait Angela Merkel de ses vieux vêtements ?<br />

Elle les porte !” Avec l’ore de l’équipe Maizière, elle<br />

tient l’occasion de passer du statut d’observateur à<br />

celui d’acteur. Par chance, les élections ont été avancées<br />

de mai à mars si bien qu’il lui reste plus d’un mois<br />

de congé sabbatique. Elle peut se permettre de tenter<br />

l’expérience sans compromettre son poste à l’université.<br />

Pourtant, elle hésite.<br />

Finalement, plusieurs jours après avoir reçu la<br />

proposition de Gehler, elle lui écrit pour lui dire sa<br />

gratitude et son enthousiasme. C’est « oui » mais elle<br />

doit encore disposer de quelques jours de liberté avant<br />

de commencer. Elle a un plan plus urgent : passer un<br />

moment à Londres avec son compagnon Joachim<br />

Sauer. Désireuse de jouir de sa liberté nouvelle, elle<br />

s’ore le luxe de s’exonérer de la cérémonie d’investiture<br />

du gouvernement dont elle vient pourtant d’être<br />

nommée porte-parole adjointe !<br />

Tout Merkel, ou presque, se trouve déjà dans ces premières<br />

semaines en politique : son zèle et sa précision<br />

qui la font remarquer et apprécier, son sens du juste<br />

moment pour se placer, sa prudence à l’égard des appareils<br />

des partis, son goût de la communication, son art<br />

de passer inaperçue et de paraître inoensive, son sangfroid<br />

aussi, pendant le limogeage de Wolfgang Schnur,<br />

et même, à travers cette escapade londonienne, ce qui<br />

ressemble au regret, vite refoulé, de ne pouvoir se<br />

contenter du bonheur d’exister. […] »<br />

SOBRIÉTÉ ET IRONIE<br />

D’UNE CHANCELIÈRE<br />

Plus encore que le programme de son parti,<br />

c’est la personnalité de la chancelière qui<br />

explique sa popularité. Rarement on aura<br />

observé, au sommet de l’État, si peu de<br />

vanité et un sens de l’ironie aussi aiguisé.<br />

«À la chancellerie, Gerhard Schröder recevait<br />

souvent renversé en arrière dans son<br />

fauteuil, le cigare aux lèvres, impeccable dans<br />

son costume Brioni. Elle préfère faire s’asseoir ses<br />

visiteurs à la table de réunion située près de l’entrée de<br />

son immense bureau de 140 mètres carrés. Lui abordait<br />

souvent les sujets “à l’instinct”. Elle décortique minutieusement<br />

les notes de ses services avant la réunion,<br />

ce qui ne l’empêche pas de s’en remettre parfois à son<br />

sens aigu du pouvoir. Elle entame les réunions avec un<br />

ordre du jour précis sous les yeux. “Elle connaît tout,<br />

jusqu’au moindre détail” est la réflexion qui revient le<br />

plus souvent dans la bouche de ses interlocuteurs. Elle<br />

ne maîtrise pas seulement le fond des dossiers, mais<br />

aussi la position politique de ses interlocuteurs, leurs<br />

marges de manœuvre, et par conséquent la manière de<br />

les faire bouger. “Elle ne lâche jamais rien. C’est épuisant”,<br />

note une source française entre agacement et<br />

admiration. Les aimables échappées discursives sur le<br />

destin du monde ne lui disent rien. […]<br />

Les inconditionnels sont nombreux. Michel Barnier,<br />

qui l’a connue dans sa période “bonnoise” quand il était<br />

LA TRIBUNE VENDREDI 17 MAI 2013<br />

ministre de l’Environnement d’Édouard Balladur, ne<br />

tarit pas d’éloges sur sa connaissance des dossiers et<br />

son calme. Même admiration chez l’ancien ministre<br />

des Aaires européennes, Alain <strong>La</strong>massoure, un autre<br />

des rares fidèles français des réunions du PPE. “Elle<br />

est toujours très simple et pleine de sang-froid. Je n’ai<br />

jamais vu cette femme manifester un mouvement d’impatience.<br />

Elle a un très grand contrôle d’elle-même”,<br />

dit-il. […]<br />

Ceux qui la pratiquent dans les cercles européens<br />

ont d’abord été surpris par tant de sobriété et de<br />

sérieux. Ils s’y sont faits. C’est qu’elle sait aussi être<br />

irrésistiblement drôle. […] Pendant le sommet européen<br />

de décembre 2012, la chancelière est assise à la<br />

table du Conseil quand le Premier ministre néerlandais,<br />

Mark Rutte, vient prendre place à côté d’elle. Son<br />

carnet de notes marque un angle saillant dans la poche<br />

de son pantalon. Derrière eux, le cameraman chargé<br />

de filmer les arrivées surprend alors dans la bouche de<br />

la chancelière cette célèbre réplique de Mae West : “Is<br />

that a gun in your pocket, or are you just glad to see<br />

me ?” Le Batave reste interdit.<br />

Les blagues de Merkel sont meilleures que celles<br />

que l’on raconte à son sujet, assure la journaliste<br />

Evelyn Roll. Alors qu’elle est déjà présidente de la<br />

CDU, elle se fait mordre par un chien pendant une<br />

promenade à vélo. <strong>La</strong> voilà harcelée par la presse qui<br />

la soupçonne d’avoir monté cette aaire de toutes<br />

pièces pour attirer l’attention. <strong>La</strong>ssée de ces assauts,<br />

elle finit par lâcher : “À la fin, c’est à se demander si ce<br />

n’est pas moi qui ai mordu le chien.” Elle aime pardessus<br />

tout saisir l’ironie d’une situation. Pendant la<br />

crise bancaire, sa blague préférée est : “Quelle est la<br />

diérence entre le socialisme et le capitalisme ? Dans<br />

le socialisme, on commence par nationaliser et la ruine<br />

vient ensuite.”<br />

“Elle s’amuse”, pense un élu CDU. “Il y a bien sûr des<br />

moments d’agacement, des moments d’épuisement aussi<br />

naturellement, à cause du rythme eréné. Mais fondamentalement,<br />

elle s’amuse depuis ses débuts.” […] »<br />

Le 22 novembre 2005, elle parvient enfin à se faire<br />

élire chancelière par le Bundestag, à la tête d’une<br />

coalition avec les socio-démocrates. Gerhard<br />

Schröder lui passe le relais. [AKG-IMAGES / ULLSTEIN BILD]

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