QUI EST VRAIMENT ANGELA MERKEL? - La Tribune
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© DR<br />
VENDREDI 17 MAI 2013 LA TRIBUNE<br />
MICHAEL<br />
BOSKIN<br />
ANCIEN DIRECTEUR<br />
DU BUREAU DES<br />
CONSEILLERS<br />
ÉCONOMIQUES DU<br />
PRÉSIDENT GEORGE<br />
H.W. BUSH<br />
DE 1989 À 1993.<br />
PROFESSEUR<br />
D’ÉCONOMIE<br />
À L’UNIVERSITÉ<br />
STANFORD<br />
ET MEMBRE<br />
DE L’INSTITUTION<br />
HOOVER.<br />
LES IDÉES 23<br />
POURQUOI IL <strong>EST</strong> NÉCESSAIRE<br />
DE CONSOLIDER LE BUDGET<br />
Partout dans le monde, les débats dans la sphère politique et les opinions publiques<br />
font rage et divisent quant à savoir s’il faut, et le cas échéant, quand, comment et jusqu’à<br />
quel point, réduire les lourds déficits budgétaires et les niveaux élevés de dettes<br />
souveraines. Chacun y va de ses mesures ou de ses propositions en matière fiscale,<br />
monétaire, de régulation et de dépenses, souvent diamétralement opposées.<br />
<strong>La</strong> gauche politique en appelle à plus<br />
de dépenses, plus d’impôts sur les<br />
hauts revenus, préférant reporter la<br />
consolidation budgétaire. L’économiste<br />
et éditorialiste du New York<br />
Times Paul Krugman propose par<br />
exemple d’attendre dix à quinze ans.<br />
Ces mêmes personnes avaient rejeté pour des raisons<br />
similaires les mesures de désinflation de la Réserve<br />
Fédérale, pourtant un succès, au début des années<br />
1980. <strong>La</strong> droite politique demande une réduction plus<br />
rapide du déficit par des coupes budgétaires. En<br />
Europe, les responsables, dont la Banque centrale européenne<br />
(BCE), exigent la consolidation pour les pays<br />
fortement endettés, mais sont flexibles dans les négociations<br />
; les électeurs, cependant, la rejettent – comme<br />
récemment en Italie.<br />
Aux États-Unis, les Républicains proposent d’équilibrer<br />
le budget en dix ans par une réforme des droits<br />
sociaux et des impôts, en limitant<br />
les exemptions, les déductions et<br />
le crédit garantissant les revenus<br />
nécessaires pour diminuer les<br />
taux d’imposition des particuliers<br />
et le taux des entreprises, qui est,<br />
à 35 %, le plus élevé de l’OCDE.<br />
Les sénateurs démocrates proposent<br />
1 500 milliards de dollars en<br />
hausse d’impôts sur dix ans (en supplément<br />
des 600 milliards de dollars<br />
déjà votés au début du mois de<br />
janvier), 100 milliards de dollars (le<br />
double pour les députés démocrates)<br />
dans le cadre d’un nouveau<br />
plan de relance par les dépenses, et de modestes coupes<br />
dans les dépenses sur le plus long terme. Leur version<br />
de la réforme fiscale impliquerait de limiter les déductions<br />
pour les riches et les entreprises, sans réduction<br />
des taux.<br />
Quels seraient les coûts et les bénéfices respectifs<br />
probables de la relance et de la consolidation ? Et quelle<br />
est la meilleure combinaison de réductions des<br />
dépenses et de hausses fiscales ?<br />
À Madrid, le 16 mars 2013, une manifestation<br />
des « Indignés » espagnols,<br />
« pour une Europe des peuples, contre<br />
l’Europe des marchés ». [ CURTO DE LA TORRE / AFP]<br />
«Les eets<br />
d’une hausse<br />
des dépenses<br />
publiques peuvent<br />
être compensés par<br />
le fait que les gens<br />
s’attendent à une<br />
hausse d’impôt. »<br />
Les économistes s’accordent sur le fait qu’en période<br />
de plein-emploi, la hausse des dépenses publiques<br />
décourage les dépenses privées. Les modèles keynésiens<br />
prétendant qu’une relance rapide est possible<br />
grâce à une hausse des dépenses publiques en période<br />
de sous-emploi, montrent que l’eet s’inverse rapidement.<br />
Ce processus doit donc être répété sans cesse,<br />
comme une drogue, pour maintenir l’économie. Cette<br />
stratégie a accablé le Japon, avec le ratio dette/PIB le<br />
plus élevé au monde, et de bien modestes bénéfices.<br />
Bien sûr, une étude récente suggère que l’augmentation<br />
des dépenses publiques peut être ecace pour relancer<br />
temporairement la production et l’emploi au cours de<br />
sévères récessions de longue durée, lorsque la banque<br />
centrale réduit son taux directeur à court terme à zéro.<br />
Mais cette même étude suggère aussi que le multiplicateur<br />
des dépenses publiques est susceptible d’être<br />
faible voire négatif en maintes circonstances, et diminuerait<br />
de toute façon rapidement.<br />
Ces circonstances incluent, d’abord,<br />
un ratio dette/PIB élevé, avec des<br />
taux d’intérêt qui freinent la croissance.<br />
De même, en période d’expansion,<br />
il est plus probable que<br />
l’augmentation des dépenses<br />
publiques entraîne une diminution<br />
des dépenses privées. Les dépenses<br />
en paiements de transferts et/ou en<br />
achats non militaires – qui peuvent<br />
être consolidés ou acquis moins<br />
cher à l’étranger – produisent plus<br />
certainement un faible multiplicateur.<br />
Et lorsque dans une économie,<br />
les taux de change sont flexibles, si<br />
les dépenses publiques entraînent une hausse des taux<br />
d’intérêt, la monnaie se renforce, provoquant une baisse<br />
des investissements et des exportations nettes. Enfin,<br />
les eets d’une hausse des dépenses publiques peuvent<br />
être compensés par le fait que les gens s’attendent à une<br />
hausse d’impôt une fois que la Banque centrale remonte<br />
les taux d’intérêt (les poussant à moins dépenser).<br />
Ces considérations s’appliquent aux États-Unis et à certains<br />
pays européens aujourd’hui. Et combinées à une<br />
mauvaise conception, elles expliquent pourquoi le plan<br />
de relance américain de 2009 a coûté des centaines de<br />
milliers de dollars par emploi temporaire créé.<br />
Cette récente étude révèle aussi que parmi les pays de<br />
l’OCDE depuis la Deuxième Guerre mondiale, une<br />
consolidation budgétaire réussie – qui se définit par<br />
une stabilisation du budget tout en évitant la récession<br />
– a représenté l’équivalent de 5 à 6 dollars de coupes<br />
budgétaires actuelles par dollar prélevé en hausse<br />
d’impôt. Les coupes dans les dépenses, surtout en<br />
matière de prestations et de transferts, étaient bien<br />
moins susceptibles de causer des récessions que ne<br />
l’était une augmentation des impôts. Malheureusement,<br />
les récents plans de consolidation de nombreux<br />
pays européens ont principalement consisté en hausses<br />
d’impôts, y compris le plan de sauvetage de Chypre.<br />
LES RÉFORMES STRUCTURELLES<br />
SONT LES PLUS CRÉDIBLES<br />
Bien sûr, il faut rester prudent pour éviter de donner<br />
trop de crédit aux bénéfices d’une consolidation rapide.<br />
Après tout, la situation des économies américaine et<br />
européenne actuelles dière en bien des points des<br />
circonstances d’après-guerre – taille, consolidation<br />
simultanée dans de nombreux pays, taux d’intérêt déjà<br />
faibles, et un statut du dollar comme principale monnaie<br />
de réserve mondiale. Mais à l’exception des cas de<br />
récessions sévères, la validité de l’argument keynésien,<br />
selon lequel il est nécessaire de retarder les coupes dans<br />
les dépenses pour éviter de saper l’économie, est au<br />
mieux incertaine, et signifierait que le contrôle des<br />
dépenses ne pourrait se faire qu’en période de plein<br />
essor prolongé. Les lourds déficits et les niveaux de<br />
dette importants réduisent les perspectives d’un essor<br />
de longue durée. Il est en outre dicile de ralentir de<br />
manière crédible les réductions de dépenses au gré du<br />
rétablissement de l’économie, compte tenu de l’économie<br />
politique du budget et de l’incapacité d’une législature<br />
à faire le lien avec la suivante.<br />
Pis encore, la décision de reporter la consolidation et<br />
l’accroissement des déficits et de la dette représentent<br />
un coût énorme. Par exemple, sans réforme majeure<br />
des programmes sociaux américains – dont l’ampleur<br />
explose en conséquence des bénéfices réels croissants<br />
par bénéficiaire et d’une population vieillissante – la<br />
prochaine génération peut s’attendre à une baisse des<br />
niveaux de vie de l’ordre de 20 %.<br />
Les réformes les plus crédibles sont structurelles – par<br />
exemple, un report de l’âge de la retraite et une modification<br />
des formules de calculs des prestations – et<br />
difficiles à modifier une fois mises en œuvre. Se<br />
contenter d’établir un objectif de réduction budgétaire<br />
en dollar (ou en livre ou en euro) est nettement moins<br />
ecace parce que cet objectif peut facilement être<br />
révisé – et les coupes inversées – pour éviter des difficultés<br />
politiques. S’il existait un plan de relance<br />
rapide qui soit opportun et susceptible de relancer la<br />
production et l’emploi à un prix à long terme raisonnable,<br />
je le soutiendrais sans hésitation. Mais à l’évidence,<br />
une politique budgétaire réellement très ecace,<br />
même avec des taux d’intérêt proches de zéro,<br />
ne fonctionne au mieux qu’en théorie, et est sujette à<br />
des contraintes politiques majeures. <strong>La</strong> consolidation<br />
peut impliquer certains coûts à court terme, surtout<br />
en situation de récession, mais les coûts d’un report<br />
à long terme sont lourds. Il serait préférable de mettre<br />
en place un programme de consolidation crédible de<br />
manière progressive – mais cette consolidation doit<br />
néanmoins avoir lieu – et principalement par le<br />
contrôle des dépenses. <br />
© Project Syndicate 2013.