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QUI EST VRAIMENT ANGELA MERKEL? - La Tribune

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VENDREDI 17 MAIS 2013 LA TRIBUNE<br />

LE PROJET<br />

À RISQUE<br />

TERRITOIRES / INTERNATIONAL 19<br />

C’est l’une des privatisations les plus importantes mais aussi les plus polémiques en Grèce. Le site<br />

de l’ancien aéroport international de Hellinikon, près d’Athènes, pourrait rapporter des milliards à l’État.<br />

Quatre groupes sont en lice, mais certains habitants refusent la cession aux groupes privés.<br />

En Grèce, la privatisation annoncée<br />

de Hellinikon exacerbe la fronde<br />

ÉLISA PERRIGUEUR, À ATHÈNES<br />

Le long de la mer, des barbelés<br />

rouillés encadrent<br />

une immense surface<br />

bétonnée. Les mauvaises<br />

herbes ont recouvert<br />

le sol usé. Les fondations des<br />

nombreux bâtiments à l’abandon<br />

vacillent. En cet après-midi de<br />

chaleur écrasante, la présence<br />

humaine est rare : deux gamins<br />

jouent mollement au basket sur<br />

de vieilles infrastructures sportives.<br />

Un calme olympien règne<br />

dans la cité-fantôme baptisée<br />

« Hellinikon », située au sud de la<br />

bruyante Athènes.<br />

PRÈS D’ATHÈNES, UN SITE<br />

À VOCATION TOURISTIQUE<br />

Voici quinze ans pourtant, ce site<br />

était l’un des plus dynamiques de<br />

Grèce. Sur 620 hectares, soit trois<br />

fois la taille de Monaco, se<br />

côtoyaient alors le grand aéroport<br />

international du pays, une vaste<br />

marina avec un front de mer de<br />

3,5 kilomètres de long et une base<br />

aérienne militaire américaine.<br />

Puis tout, ou presque, s’est paralysé<br />

en 2001. L’aéroport, qui avait<br />

besoin de s’agrandir, a été transféré<br />

à l’est de la capitale. Hellinikon<br />

a sombré peu à peu dans le<br />

sommeil et l’oubli. À peine troublé<br />

en 2004, pendant quelques mois,<br />

lorsque Athènes a accueilli les<br />

Jeux olympiques.<br />

Ce trésor dormant a donc été<br />

soudainement redécouvert en<br />

juin 2011. Propriété de l’État grec,<br />

Hellinikon a été vite mis en bonne<br />

place dans la liste des biens<br />

publics de valeur que le gouvernement<br />

d’Athènes souhaite privatiser<br />

pour renflouer des caisses<br />

remplies de dettes. Faut-il rappeler<br />

que, sous la pression de<br />

l’Union européenne, la Grèce s’est<br />

en effet engagée à réaliser plus<br />

d’une centaine de privatisations<br />

d’ici à 2016, afin de faire rentrer<br />

quelque 19 milliards d’euros de<br />

recettes. Or, selon le gouvernement,<br />

la friche de Hellinikon vaudrait<br />

de l’or. À en croire les calculs<br />

enfiévrés des fonctionnaires grecs,<br />

le développement de ces 620 hectares<br />

pourrait contribuer à<br />

accroître le PIB de la Grèce de<br />

0,3 %. Pas moins…<br />

Un appel d’ores a donc été lancé<br />

en 2012 par l’agence des privatisations<br />

grecques (Tapeid), chargée de<br />

superviser l’ensemble des privatisations<br />

du pays. Sur le site Internet de<br />

cette structure, on peut voir des<br />

photos aériennes de l’ensemble de<br />

Hellinikon en tête du catalogue des<br />

biens grecs à vendre, tel un produit<br />

phare. « On pourrait y construire des<br />

Les opposants<br />

dénoncent un projet<br />

ultralibéral, contraire<br />

aux besoins<br />

d’espace public<br />

de la population.<br />

marinas, des hôtels, soit un développement<br />

fantastique comme on peut<br />

en voir à Doha, à Dubai ou à Singapour<br />

! » s’emballe Stelios Stavridis,<br />

patron du Tapeid.<br />

Depuis janvier, l’instance des<br />

privatisations a sélectionné<br />

quatre groupes : le qatari Real<br />

Estate, le britannique London &<br />

Regional Properties, le grec<br />

<strong>La</strong>mda Developpement et l’israélien<br />

Elbit Cochin. « L’un d’entre<br />

eux reprendra Hellinikon pour<br />

environ cinquante ans, mais leurs<br />

activités seront très surveillées,<br />

clarifie Stelios Stavridis. L’une<br />

des conditions est que l’architecte<br />

qui présentera les plans soit<br />

quelqu’un de connu. » Ces fameux<br />

plans de développement devront<br />

être remis le 31 octobre prochain<br />

au plus tard. Puis le Tapeid désignera<br />

le repreneur. « Ce sera évidemment<br />

un lieu touristique, quoi<br />

d’autre ? assure le patron du<br />

Tapeid. Cela devrait<br />

générer au minimum<br />

10 000 emplois. » En<br />

revanche, aucune<br />

indication sur le<br />

coût du terrain :<br />

« Trop difficile de<br />

faire une estimation,<br />

cela dépendra des<br />

projets proposés. »<br />

Certes. D’autant<br />

qu’en Grèce, la vie n’est pas un<br />

long fleuve tranquille. Et d’ailleurs,<br />

s’il n’y a pas vraiment de<br />

fleuve dans la péninsule hellénique,<br />

en revanche ce ne sont pas<br />

les montagnes et les obstacles qui<br />

manquent. Et les contradicteurs.<br />

LE MÉCONTENTEMENT DES<br />

MUNICIPALITÉS VOISINES<br />

Les premières à mener la fronde<br />

contre ce projet de privatisation<br />

ont été les municipalités voisines<br />

du site, Elleniko-Argyroupolis,<br />

Alimos et Glyfada. Bientôt<br />

rejointes par l’Union des municipalités<br />

d’Attiki. « Le Tapeid est<br />

ultralibéral, il veut supprimer l’un<br />

des rares espaces vides de la capitale<br />

alors que nous en manquons,<br />

il faut le protéger », plaide la jeune<br />

Fereniki Vatavali, employée à la<br />

mairie d’Elleniko-Argyroupolis,<br />

qui verrait bien en lieu et place du<br />

site un espace « entièrement public<br />

avec des infrastructures sportives<br />

gratuites, des associations, des<br />

espaces verts… » Bref, le Club<br />

Med, mais version open bar.<br />

Toutefois, côté finances, la jeune<br />

grecque concède que les municipalités<br />

n’ont pas le budget pour un<br />

tel projet. « Mais l’État doit faire<br />

les travaux de rénovation, réhabiliter<br />

les réseaux d’électricité, d’eau<br />

avant de céder le terrain. » Un coût<br />

« énorme », fulmine-t-elle : « Et<br />

c’est la société qui va payer pour<br />

tout ça, et ça ne profitera au final<br />

qu’au secteur privé ! »<br />

Sur le vaste site abandonné, une<br />

centaine de contestataires n’ont<br />

pas hésité à franchir les barbelés<br />

vieillots pour y installer leurs quartiers<br />

ces dernières années. Soutenus<br />

par les municipalités alentours,<br />

ces irréductibles fourmillent<br />

d’idées et rendent bien des services<br />

aux habitants des communes<br />

voisines, avec des clubs sportifs,<br />

des associations et même un<br />

dispensaire autogéré avec soins<br />

gratuits. Mary Sideris y est infirmière.<br />

Et face au projet de « priva-<br />

tisation », elle est bien amère.<br />

« Bien sûr que je suis contre ! Nous<br />

avons 9 000 patients qui viennent<br />

ici chaque semaine, si nous partons<br />

demain, ils n’auront plus rien. Nous<br />

n’avons nulle part où aller. »<br />

Tranquilles pendant des années,<br />

tous ces résistants ont toutefois<br />

reçu une lettre d’éviction il y a un<br />

an de la part du gouvernement.<br />

Aucun n’a quitté les lieux pour<br />

autant. Une occupation qui n’inquiète<br />

pas outre mesure Stelios<br />

Stavridis. « C’est le bazar sur place<br />

aujourd’hui, mais ils partiront,<br />

avance-t-il avant de lancer : Ceux<br />

qui ne veulent pas de la privatisation<br />

choisissent d’avoir Kaboul ! »<br />

« Début mars, arme de son côté<br />

la jeune employée de mairie, nous<br />

avons déposé un recours devant la<br />

Cour suprême. Nous aurons une<br />

réponse début juin… Ce n’est que le<br />

début. » Tout le monde sait que la<br />

mairie d’Elleniko-Argyroupolis<br />

peut se montrer déterminée. Dans<br />

cette petite commune de banlieue,<br />

personne n’oublie qu’en 2007 son<br />

maire (indépendant), Christos<br />

Kortzidis, avait engagé une grève<br />

de la faim. Il luttait déjà contre la<br />

privatisation qui visait alors la<br />

plage de Hellinikon. Trois<br />

semaines plus tard et avec<br />

quelques kilos en moins, l’élu avait<br />

obtenu l’abandon du projet.<br />

Les 620 hectares du site de Hellinikon figurent en tête de liste des possibles<br />

privatisations sélectionnées par l’État grec pour renflouer ses caisses. [ARIS MESSINIS/AFP]

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