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Un monde meilleur - Théâtre de Bourg-en-Bresse

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Etablissem<strong>en</strong>t public <strong>de</strong> coopération culturelle<br />

DOSSIER SPECTACLE<br />

<strong>Un</strong> <strong>mon<strong>de</strong></strong> <strong>meilleur</strong><br />

Sébasti<strong>en</strong> Joanniez / Jean-Michel Baudoin<br />

Compagnie Lalasonge<br />

Jeudi 4 et v<strong>en</strong>dredi 5 octobre à 20h30<br />

Au <strong>Théâtre</strong><br />

Durée estimée (<strong>en</strong> création) : 1h20<br />

Contact scolaires :<br />

Marie-Line Lachassagne<br />

04 74 50 40 06<br />

ml.lachassagne@theatre-bourg.com<br />

EPCC <strong>Théâtre</strong> <strong>de</strong> <strong>Bourg</strong>-<strong>en</strong>-<strong>Bresse</strong><br />

11 place <strong>de</strong> la Gr<strong>en</strong>ette BP 146 01004 <strong>Bourg</strong>-<strong>en</strong>-<strong>Bresse</strong> ce<strong>de</strong>x<br />

(<strong>en</strong>trée du <strong>Théâtre</strong> : Esplana<strong>de</strong> <strong>de</strong> la Comédie)


Ce spectacle est sout<strong>en</strong>u par le Groupe <strong>de</strong>s 20 dans le cadre du projet « Saut <strong>en</strong> auteurs ».<br />

Le Groupe <strong>de</strong>s 20 qui réunit 26 théâtres <strong>de</strong> ville <strong>en</strong> Rhône-Alpes, a passé une comman<strong>de</strong><br />

d’écriture à six auteurs <strong>de</strong> théâtre, sur le thème <strong>Un</strong> Mon<strong>de</strong> <strong>meilleur</strong> ?<br />

6 courtes pièces <strong>en</strong> un acte sont nées !<br />

A l'issue d'un appel à projet auprès <strong>de</strong>s compagnies <strong>de</strong> la Région, la Compagnie Lalasonge a<br />

été ret<strong>en</strong>ue pour composer un spectacle à partir <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux pièces : La Fin du <strong>mon<strong>de</strong></strong> <strong>en</strong> mieux <strong>de</strong><br />

Sébasti<strong>en</strong> Joanniez et Arrêt sur zone tous feux éteints <strong>de</strong> Jean-Michel Baudoin.<br />

Création <strong>en</strong> rési<strong>de</strong>nce au <strong>Théâtre</strong> <strong>de</strong> <strong>Bourg</strong>-<strong>en</strong>-<strong>Bresse</strong><br />

Le metteur <strong>en</strong> scène, Aannabelle Simon, animera le stage PAF « THEATRE : VIDEO DANS<br />

LA MISE EN SCENE CONTEMPORAINE » (Thème : Action culturelle, Dispositif n°<br />

12A0100391) le mercredi 16 janvier 2013. Inscriptions sur http://www.aclyon.fr/paf/<strong>en</strong>seignants<br />

avant le 24 septembre.<br />

Le spectacle<br />

Des ouvriers sur un chantier, pris dans une lutte acharnée contre le temps, construis<strong>en</strong>t un<br />

c<strong>en</strong>tre <strong>de</strong> Thalassothérapie.<br />

<strong>Un</strong> prophète surgit. Telle une petite luciole dans la nuit, il incarne la t<strong>en</strong>tative d’un<br />

jaillissem<strong>en</strong>t poétique dans ce <strong>mon<strong>de</strong></strong> d’hommes-machines mais l’implacable mécanique <strong>de</strong><br />

ces automates va s’abattre sur lui. S’<strong>en</strong>gage alors la secon<strong>de</strong> pièce. <strong>Un</strong> microcosme <strong>en</strong> bord<br />

d’autoroute où les <strong>de</strong>stins d’un politici<strong>en</strong>, un chauffeur routier, une journaliste, une prostituée<br />

et un vigile vont se croiser.<br />

En faisant se suivre les <strong>de</strong>ux pièces ainsi <strong>de</strong> manière chronologique on verra comm<strong>en</strong>t <strong>de</strong><br />

simple pion au sein d’une <strong>en</strong>treprise <strong>de</strong> travaux, l’homme, est <strong>de</strong>v<strong>en</strong>u un rouage parmi tant<br />

d’autres dans la gran<strong>de</strong> machine europé<strong>en</strong>ne froi<strong>de</strong> et brutale. On fera surgir avec férocité ses<br />

fragiles lueurs d’espoir et <strong>de</strong> résistance qui se bris<strong>en</strong>t dans un <strong>mon<strong>de</strong></strong> cynique et dés<strong>en</strong>chanté.<br />

Utopie => u-topos (= lieu qui n’existe pas), qui fait fantasmer et/ou permet <strong>de</strong> rev<strong>en</strong>ir <strong>en</strong>suite<br />

à son propre <strong>mon<strong>de</strong></strong>. Thomas More, au XVIème siècle a <strong>en</strong>traîné cette réflexion sur un autre<br />

<strong>mon<strong>de</strong></strong>, imaginant alors que tout ce que nous connaissions pouvait être modifié voire remis <strong>en</strong><br />

cause. Rabelais, autre humaniste, recourt à ces sociétés « idéales » permettant <strong>de</strong> proposer une<br />

autre société, une autre éducation, ou « simplem<strong>en</strong>t » <strong>de</strong> voir le <strong>mon<strong>de</strong></strong> tel qu’il est. Ce <strong>mon<strong>de</strong></strong><br />

imaginaire, parfois merveilleux (comme chez Votlaire), <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t le lieu du questionnem<strong>en</strong>t : le<br />

<strong>mon<strong>de</strong></strong> dans lequel je vis est-il « le <strong>meilleur</strong> <strong>de</strong>s <strong>mon<strong>de</strong></strong>s » ? Par les progrès multiples, avonsnous<br />

<strong>en</strong>fin évolué et créée un <strong>mon<strong>de</strong></strong> mieux que … ? Par anticipation, d’autres auteurs ont usé<br />

<strong>de</strong> ce subterfuge littéraire afin <strong>de</strong> montrer ce vers quoi nous t<strong>en</strong>dions si nous ne pr<strong>en</strong>ions pas<br />

gar<strong>de</strong>. Ainsi, les dystopies d’Orwell et d’Huxley, par exemples, sont autant <strong>de</strong> réflexions sur<br />

l’av<strong>en</strong>ir possible et angoissant. Et aujourd’hui, alors… ? La question reste posée et est<br />

soulevée par ce spectacle composé <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux pièces contemporaines.<br />

Distribution<br />

Textes La fin du <strong>mon<strong>de</strong></strong> <strong>en</strong> mieux, <strong>de</strong> Sébasti<strong>en</strong> Joanniez<br />

Arrêt sur zone tous feux éteints, <strong>de</strong> Jean-Michel Baudoin<br />

Mise <strong>en</strong> scène Annabelle Simon<br />

Assistée <strong>de</strong> Marion Camy-Palou<br />

Avec Nelly Antignac, Yann Garnier, Lucas Olmedo, Chap Rodriguez, Aurélia Poirier


Scénographie Arnaud Verley<br />

Création lumière Maëlle Payonne<br />

Création son Christophe Provincial<br />

Vidéos, Graphisme Pierric Favret<br />

Costumes Antonin Boyot-Gellibert<br />

Note d’int<strong>en</strong>tion<br />

Je choisis <strong>de</strong> monter ces <strong>de</strong>ux textes car ils trait<strong>en</strong>t tous <strong>de</strong>ux <strong>de</strong> l’homme mo<strong>de</strong>rne piégé dans<br />

un système d’efficacité qu’ils ont eux-mêmes mis <strong>en</strong> place et dont ils ne peuv<strong>en</strong>t se libérer. Ils<br />

constitu<strong>en</strong>t, chacun avec leur spécificité, les 2 parties logiques d’un même spectacle. La<br />

transition d’une pièce à l’autre peut s’opérer à la fois chronologiquem<strong>en</strong>t, esthétiquem<strong>en</strong>t et<br />

métaphoriquem<strong>en</strong>t autour <strong>de</strong> la figure du prophète tué dans la première pièce et dont le<br />

cadavre raisonne bruyamm<strong>en</strong>t dans la secon<strong>de</strong>.<br />

Nous verrons comm<strong>en</strong>t les thématiques soulevées dans « La fin du <strong>mon<strong>de</strong></strong> <strong>en</strong> mieux »<br />

trouv<strong>en</strong>t une continuité percutante dans « Arrêt sur zone tout feux éteints », <strong>en</strong> décrivant un<br />

<strong>mon<strong>de</strong></strong> <strong>de</strong> plus <strong>en</strong> plus pragmatique, instantané et rétic<strong>en</strong>t à l’élaboration d’un <strong>mon<strong>de</strong></strong><br />

<strong>meilleur</strong>.<br />

I) De la farce loufoque a la réalité crue<br />

D’une théâtralité assumée et burlesque à un style réaliste et cinématographique.<br />

Dans la première pièce on assiste à la déshumanisation <strong>de</strong>s êtres au sein d’une <strong>en</strong>treprise <strong>de</strong><br />

bâtim<strong>en</strong>t. La pièce s’inscrit sous le ton <strong>de</strong> la comédie loufoque et décalée. Des ouvriers sur un<br />

chantier, construis<strong>en</strong>t un c<strong>en</strong>tre <strong>de</strong> Thalassothérapie.<br />

Ils sont pris dans une lutte acharnée contre le temps. C’est dans cette spirale infernale qu’un<br />

prophète <strong>en</strong> treillis et tee-shirt <strong>de</strong> foot surgit pour apporter la parole “divine”. Telle une petite<br />

luciole dans la nuit, il incarne la t<strong>en</strong>tative d’un jaillissem<strong>en</strong>t poétique dans ce <strong>mon<strong>de</strong></strong><br />

d’hommes-machines, mais l’implacable mécanique du chantier avec ces ouvriers automates<br />

va s’abattre sur lui. La théâtralité burlesque très affirmée dans l’écriture fait p<strong>en</strong>ser au film «<br />

Les temps mo<strong>de</strong>rnes » <strong>de</strong> Chaplin.<br />

Pour acc<strong>en</strong>tuer cette idée, nous verrons les comédi<strong>en</strong>s qui pourrai<strong>en</strong>t s’appar<strong>en</strong>ter aux<br />

technici<strong>en</strong>s du théâtre, <strong>en</strong> train <strong>de</strong> construire un espace, l’espace <strong>de</strong> jeu pour la secon<strong>de</strong> pièce<br />

qu’ils nomm<strong>en</strong>t Thalassothérapie. Cet espace qu’ils mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> forme est un cube dont ils<br />

assembl<strong>en</strong>t les parties et habill<strong>en</strong>t sous nos yeux <strong>de</strong> lamelles <strong>en</strong> plastiques et différ<strong>en</strong>ts objets.<br />

Les matériaux utilisés auront un double s<strong>en</strong>s, pouvant évoquer et le c<strong>en</strong>tre <strong>de</strong> thalasso thérapie<br />

et le complexe autoroutier qui servira à l’autre pièce. La direction d’acteurs s’ori<strong>en</strong>tera sur un<br />

co<strong>de</strong> <strong>de</strong> jeu très stylisé : les comédi<strong>en</strong>s incarnant les ouvriers auront <strong>de</strong>s costumes bruyant et<br />

chacun aura une attitu<strong>de</strong> et <strong>de</strong>s mouvem<strong>en</strong>ts marqués <strong>en</strong> contraste avec le prophète qui t<strong>en</strong>tera<br />

d’am<strong>en</strong>er un <strong>mon<strong>de</strong></strong> <strong>de</strong> sil<strong>en</strong>ce. La musique expérim<strong>en</strong>tale et industrielle comme celle du<br />

groupe allemand Neubaut<strong>en</strong> et les chorégraphies inspirées <strong>de</strong>s danses <strong>de</strong> Anna Teresa <strong>de</strong><br />

Keersmaker faites <strong>de</strong> mouvem<strong>en</strong>ts <strong>en</strong> spirale et <strong>de</strong> va et vi<strong>en</strong>t perpétuels seront nos points<br />

d’appuis. La lumière pourra s’appar<strong>en</strong>ter à un plein feu comme si les services étai<strong>en</strong>t restés<br />

allumés. Ainsi dans cette première partie du spectacle on est dans un espace unique, poétique<br />

et déréaliser. Dans la secon<strong>de</strong> le plateau sera fragm<strong>en</strong>té, réaliste et crue.<br />

Du <strong>mon<strong>de</strong></strong> du travail au sein d’une <strong>en</strong>treprise au <strong>mon<strong>de</strong></strong> du travail dans l’Europe.<br />

Dans la secon<strong>de</strong> pièce l’ambiance décrite, à la différ<strong>en</strong>ce du premier, a un côté plus<br />

docum<strong>en</strong>taire. En effet on se heurte à la réalité poisseuse et brutale <strong>de</strong> l’actualité. L’action se


situe aujourd’hui, au cœur <strong>de</strong> l’Europe. La construction <strong>de</strong> la pièce fait p<strong>en</strong>ser au scénario<br />

d’un film noir où l’on traverserait les <strong>de</strong>ssus et les <strong>de</strong>ssous d’un microcosme <strong>en</strong> bord<br />

d’autoroute.<br />

Chaque personnage a une langue singulière, avec un phrasé et un rythme qui donne<br />

immédiatem<strong>en</strong>t une couleur <strong>de</strong> jeu à celui qui s’<strong>en</strong> empare. L’ambiance inhospitalière <strong>de</strong><br />

l’autoroute, avec ban<strong>de</strong> d’arrêt d’urg<strong>en</strong>ce, camions et aire <strong>de</strong> repos <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t les lieux où se<br />

crois<strong>en</strong>t différ<strong>en</strong>tes couches sociales et corps <strong>de</strong> métier : un politici<strong>en</strong>, un chauffeur routier,<br />

une journaliste, une prostituée et un vigile. Les personnages dépeints <strong>de</strong> manière brute et sans<br />

fard donn<strong>en</strong>t l’impression d’insectes <strong>en</strong>lisés dans la boue. La pièce s’ouvre avec un conseiller<br />

ministériel qui prépare un discours sur l’interdiction <strong>de</strong> fumer dans tous les lieux publics.<br />

Cette loi sous couvert d’une éthique pour le bi<strong>en</strong>-être <strong>de</strong>s citoy<strong>en</strong>s au fur et à mesure du<br />

déroulem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la pièce va faire tomber les faux semblants et découvrir sa vraie nature. Ainsi<br />

le cube installé dans la première partie pourra créer différ<strong>en</strong>ts axes <strong>de</strong> vue pour suivre<br />

l’<strong>en</strong>quête. Il ai<strong>de</strong>ra à créer différ<strong>en</strong>ts espaces : fermé par <strong>de</strong>s lamelles <strong>en</strong> plastique il peut<br />

signifier l’arrière du camion <strong>de</strong> Kars, (le chauffeur routier qu’on soupçonne <strong>de</strong> transporter<br />

dans son camion <strong>de</strong>s contrefaçons <strong>de</strong> toute sorte et qui sert aussi <strong>de</strong> passeur à une jeune<br />

prostituée <strong>de</strong> 16 ans Paulya qui rêve d’aller à Londres) ; ouvert on peut imaginer le complexe<br />

autoroutier avec carrelage blanc, tv et chaise qui représ<strong>en</strong>te l’univers usuel du vigile ; le<br />

<strong>de</strong>ssus, peut signifier une sorte <strong>de</strong> salle <strong>de</strong> confér<strong>en</strong>ce pour le conseiller ministériel qui se<br />

situe symboliquem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> haut <strong>de</strong> l’échelle sociale ; à jardin on aura le bord <strong>de</strong> l’autoroute,<br />

zone non-définissable, dans l’obscurité, à peine éclairée par les vidéos d’ambiance <strong>de</strong> phare<br />

<strong>de</strong> camion… Dans cette pièce le son et la lumière vi<strong>en</strong>drait donc <strong>de</strong> l’intérieur du processus<br />

scénique pour am<strong>en</strong>er à plus <strong>de</strong> réalisme. En effet <strong>de</strong>s éclairages partiels et les sons prov<strong>en</strong>ant<br />

<strong>de</strong> l’intérieur du cube seront là pour sculpté l’espace <strong>de</strong> jeu. Le clair/obscur pour <strong>de</strong>ssiner ce<br />

lieu <strong>de</strong> passage, cette zone <strong>de</strong> contrôle où se trame les délits les plus sordi<strong>de</strong>s. Le cube peut<br />

aussi représ<strong>en</strong>ter une sorte <strong>de</strong> TV géante, une petite lucarne sur le <strong>mon<strong>de</strong></strong> où les images <strong>de</strong><br />

l’arrestation du chauffeur seront projetées à la une du journal télévisé «juste avant le loto»<br />

pour montrer l’exemple au <strong>mon<strong>de</strong></strong> comme le souhaite le conseiller ministériel.<br />

Le cube qu’on construit dans la première pièce qui représ<strong>en</strong>te la Thalassothérapie et puis le<br />

complexe autoroutier <strong>en</strong> plus d’éclater l’espace dans la secon<strong>de</strong> a un double s<strong>en</strong>s : il est<br />

d’abord le cercueil du prophète puis l’<strong>en</strong>droit où va se cacher la misère du <strong>mon<strong>de</strong></strong>.<br />

Symboliquem<strong>en</strong>t il <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t à la fois boîte <strong>de</strong> pandore, asc<strong>en</strong>seur social et miroir aux alouettes.<br />

II) <strong>Un</strong> <strong>mon<strong>de</strong></strong> sans valeur<br />

accoucheuse d’hommes sans gravité<br />

La mort du prophète.<br />

Il m’apparaît primordiale, pour la cohésion <strong>de</strong> l’<strong>en</strong>semble du spectacle <strong>de</strong> traiter la figure du<br />

prophète sous l’angle du poète, <strong>de</strong> l’artiste gar<strong>de</strong>-fou. Il est une fragile consci<strong>en</strong>ce, héritière<br />

<strong>de</strong>s horreurs du passé. Quand il arrive, il <strong>de</strong>sc<strong>en</strong>d d’une échelle, donc du ciel ou d’une<br />

montagne. Pour moi il incarne l’apaisem<strong>en</strong>t et le calme <strong>en</strong> contraste du brouhaha perpétuel<br />

que font les hommes du <strong>mon<strong>de</strong></strong>. Comme un grain <strong>de</strong> sable qui vi<strong>en</strong>t faire dérailler une<br />

machine le prophète <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t dérangeant. Il est l’autre celui qu’on ne connaît pas et qu’on ne<br />

veut pas connaître. <strong>Un</strong> <strong>de</strong>s ouvriers le rou<strong>en</strong>t <strong>de</strong> coup, l’assomme, puis l’emmure dans une<br />

coulée <strong>de</strong> béton. Avec sa mort disparaît alors cette lueur fragile qui pourrait <strong>de</strong>ssiner une vie<br />

plus fraternelle, un temps plus romantique et <strong>de</strong>s aspirations plus idéalistes que celles<br />

orchestrées par la loi du profit. Ainsi le cadavre du prophète, trouvera une résonance sour<strong>de</strong> et<br />

persistante dans le second texte. Si le prophète représ<strong>en</strong>tait le fragile espoir d’apporter « un


<strong>mon<strong>de</strong></strong> <strong>meilleur</strong> » le fait que le second spectacle se construise sur son cadavre donne l’idée<br />

que notre époque se construit sur la mort <strong>de</strong> l’art et <strong>de</strong>s aspirations humanistes.<br />

Quand il disparaît son vague souv<strong>en</strong>ir peut s’incarner <strong>en</strong> la figure <strong>de</strong> la journaliste dans la<br />

<strong>de</strong>uxième pièce. En effet ce personnage n’arrive pas à s’épanouir dans ce <strong>mon<strong>de</strong></strong>-là. C’est une<br />

sorte d’artiste ratée <strong>de</strong>s temps mo<strong>de</strong>rne, rétrécie par les contradictions et contraintes <strong>de</strong> son<br />

métier. Le rapport à l’élévation et au temps du sil<strong>en</strong>ce est anéanti, et remplacé par un rapport<br />

horizontal au <strong>mon<strong>de</strong></strong>, noyés d’informations et <strong>de</strong> vitesse : « Notre époque voit <strong>de</strong> nombreux<br />

changem<strong>en</strong>ts structurels : l’individualisme pr<strong>en</strong>d le pas sur la notion <strong>de</strong> collectivisme, les<br />

micro-récits (l’anecdotique, le fait divers, le retour du « je ») sur les grands récits ; la durée se<br />

rétracte, le zapping <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t une fièvre ; les fêtes, même celle <strong>de</strong> l’art, remplac<strong>en</strong>t les<br />

manifestations politiques. » Philippe Roux.<br />

De l’accélération du temps et <strong>de</strong> l’information, <strong>de</strong> la difficulté <strong>de</strong> faire coïnci<strong>de</strong>r être et<br />

avoir.<br />

Dans la <strong>de</strong>uxième partie le cube servira aussi d’espace <strong>de</strong> projection. La réalité <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>dra<br />

alors plus impalpable plus complexe et poreuse par la prés<strong>en</strong>ce d’images vidéo. La<br />

comédi<strong>en</strong>ne qui incarnerait la journaliste aurait toujours à la main sa caméra comme un<br />

journal intime. Au lieu d’écrire ce qui lui arrive elle se filmerait lors <strong>de</strong> ses soliloques. Les<br />

images serai<strong>en</strong>t projetées <strong>en</strong> direct comme une volonté dérisoire et désespérée <strong>de</strong> laisser une<br />

trace. Nous nous servirons aussi <strong>de</strong> l’objet caméra comme d’une arme… Il sera c<strong>en</strong>tral, pas un<br />

accessoire anecdotique mais l’œil par lequel tout fait s<strong>en</strong>s et non-s<strong>en</strong>s. Il incarnera<br />

l’<strong>en</strong>ferm<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l’homme actuel dans le <strong>mon<strong>de</strong></strong> <strong>de</strong> l’instantané. Nous verrons comm<strong>en</strong>t les<br />

images ne sont jamais neutres et influ<strong>en</strong>t sur la manipulation <strong>de</strong>s idées et <strong>de</strong>s opinions. Les<br />

petites g<strong>en</strong>s qui t<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t <strong>de</strong> s’<strong>en</strong> sortir sont leurrés par <strong>de</strong>s représ<strong>en</strong>tations m<strong>en</strong>songères <strong>de</strong><br />

bi<strong>en</strong>-être, <strong>de</strong> richesse et <strong>de</strong> plénitu<strong>de</strong> véhiculé par la pub comme c’est le cas pour Paulya, la<br />

jeune prostituée. Nous t<strong>en</strong>terons <strong>de</strong> faire surgir la thématique c<strong>en</strong>trale <strong>de</strong> la pièce, à savoir :<br />

comm<strong>en</strong>t la révolution informationnelle et les nouvelles technologies ont complètem<strong>en</strong>t<br />

transformé notre rapport aux autres et à nos ambitions. En synchronisant nos opinions et nos<br />

émotions elles font t<strong>en</strong>dre l’homme vers moins <strong>de</strong> réflexion. C’est une nouvelle forme <strong>de</strong><br />

dictature et <strong>de</strong> nivellem<strong>en</strong>t par le bas qui produit une uniformisation <strong>de</strong>s désirs dans l’avoir ou<br />

le paraître plutôt que dans l’être.<br />

Ainsi le discours hygiéniste que fait le conseiller ministériel au début et le coup <strong>de</strong> théâtre<br />

télévisuel <strong>de</strong> la !n ne serve qu’à cacher la lai<strong>de</strong>ur du <strong>mon<strong>de</strong></strong> et nous <strong>en</strong>fermer dans plus <strong>de</strong><br />

faux semblant et d’inculture.<br />

L’idée que le mal du siècle naît du manque <strong>de</strong> consci<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> l’homme mo<strong>de</strong>rne et <strong>de</strong> sa perte<br />

<strong>de</strong> rapport au réel Hannah Ar<strong>en</strong>dt l’avait très bi<strong>en</strong> décrit dans son livre «Eishman à<br />

Jérusalem». Cette étu<strong>de</strong> sur les ressorts du mal t<strong>en</strong>te <strong>de</strong> compr<strong>en</strong>dre ce qui a r<strong>en</strong>dus possibles<br />

les camps <strong>de</strong> conc<strong>en</strong>trations. Elle perçoit, cet Eishman, haut fonctionnaire nazi qui s’occupait<br />

<strong>de</strong> l’évacuation <strong>de</strong>s juifs et <strong>de</strong> la logistique <strong>de</strong> la solution finale, non pas comme un barbare<br />

sanguinaire mais comme un fonctionnaire s’occupant <strong>de</strong> chiffre incapable <strong>de</strong> jugem<strong>en</strong>t morale<br />

ou <strong>de</strong> faire appel à sa consci<strong>en</strong>ce… Le progrès <strong>de</strong>s nouvelles technologies sans consci<strong>en</strong>ce ou<br />

éthique se retourne contre l’homme lui même au lieu d’être le lieu <strong>de</strong> sa liberté : il <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t une<br />

forme vicieuse d’<strong>en</strong>fermem<strong>en</strong>t.<br />

Finalem<strong>en</strong>t à partir du même décor et <strong>de</strong>s mêmes acteurs <strong>en</strong> passant d’un théâtre burlesque à<br />

un théâtre docum<strong>en</strong>taire, d’un lieu unique à un espace fragm<strong>en</strong>té, ces 2 pièces ne sont-elles<br />

pas les viatiques inespérés pour parler <strong>de</strong> notre époque <strong>en</strong> perte <strong>de</strong> valeurs ? Nous t<strong>en</strong>terons, à<br />

partir <strong>de</strong>s costumes et <strong>de</strong> la direction d’acteur <strong>de</strong> poser un regard s<strong>en</strong>sible sur l’Homme, cet


être qui a perdu son humanisme et où relégué à la fonction <strong>de</strong> figurant du <strong>mon<strong>de</strong></strong> du travail<br />

dans la première pièce à pion sur l’échiquier europé<strong>en</strong> dans la <strong>de</strong>uxième, il <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t une figure<br />

sans gravité. Avec le travail à la vidéo nous questionnerons la manipulation <strong>de</strong>s images et la<br />

légitimité <strong>de</strong> leur objectivité.<br />

Premières étu<strong>de</strong>s scénographiques<br />

<strong>Un</strong> espace modulable afin <strong>de</strong> passer du chantier à l’ambiance inhospitalière du bord<br />

d’autoroute.<br />

Photo <strong>de</strong> maquette préparatoire<br />

Dans la première pièce <strong>de</strong>s grilles <strong>de</strong> chantier cach<strong>en</strong>t l’élém<strong>en</strong>t principal du décor <strong>de</strong> la<br />

secon<strong>de</strong>. <strong>Un</strong>e scénographie à la façon <strong>de</strong> boîtes gigognes.<br />

Photo <strong>de</strong> maquette préparatoire<br />

Les grilles serv<strong>en</strong>t à la projection <strong>de</strong> la vidéo, soit <strong>de</strong> manière ciblée, soit <strong>de</strong> manière diffuse.


Photo <strong>de</strong> maquette préparatoire<br />

Le décor <strong>de</strong> la secon<strong>de</strong> pièce ouvre une polyphonie <strong>de</strong> s<strong>en</strong>s : station ess<strong>en</strong>ce, frontière, lieu <strong>de</strong><br />

passage...<br />

La fin du <strong>mon<strong>de</strong></strong> <strong>en</strong> mieux<br />

Costumes<br />

Les travailleurs port<strong>en</strong>t une blouse cintrée inspirée <strong>de</strong>s vêtem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> travail bicolores, pour<br />

souligner l’aspect robotique. Nous utiliserons <strong>de</strong>s couleurs fluoresc<strong>en</strong>tes portées par exemple<br />

par les membres du groupe Kraftwerk, connu pour son travail sur les hommes-machines.<br />

Cette blouse comportera un scratch sur le milieu <strong>de</strong>vant afin d’acc<strong>en</strong>tuer l’atmosphère<br />

bruyante <strong>de</strong>s ouvriers. Ces ouvriers sont aussi <strong>de</strong>s machinistes du théâtre qui construis<strong>en</strong>t le<br />

décor pour la pièce suivante, voilà pourquoi le mot «régie» sera peut-être indiqué sur le dos.<br />

Ils sont donc <strong>en</strong> même temps <strong>de</strong>s ouvriers et <strong>de</strong>s machinistes du théâtre. Pour souligner le<br />

contraste <strong>en</strong>tre le prophète et les ouvriers, la blouse <strong>de</strong> travail sera saturée <strong>de</strong> couleurs vives et<br />

fluoresc<strong>en</strong>tes marquant l’aspect saturé <strong>de</strong> leur travail, le prophète étant un être <strong>de</strong> sil<strong>en</strong>ce<br />

portera comme cela est indiqué dans les didascalies un T-shirt <strong>de</strong> football et un treillis<br />

retravaillé. Ses vêtem<strong>en</strong>ts seront traités dans <strong>de</strong>s couleurs sour<strong>de</strong>s et délicates comme le<br />

sil<strong>en</strong>ce qu’il amène.<br />

Arrêt sur zone tous feux éteints<br />

Les costumes sont noir et blanc, les personnages ont tous leurs zones d’ombres symbolisées<br />

par <strong>de</strong>s poignets, cols et poches <strong>de</strong> couleur noire, ces détails détonn<strong>en</strong>t sur <strong>de</strong>s costumes<br />

<strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t blanc. Nous pr<strong>en</strong>ons donc le parti <strong>de</strong> créer <strong>de</strong>s costumes très graphiques où les<br />

détails sont acc<strong>en</strong>tués afin <strong>de</strong> symboliser pour les poignets, l’action, pour les poches, l’avoir et<br />

pour le col, le paraître. Le personnage <strong>de</strong> la jeune fille laisse transparaître une séduction et une<br />

agressivité. La matière <strong>de</strong> son manteau sera légèrem<strong>en</strong>t transpar<strong>en</strong>te. Les personnages <strong>de</strong><br />

pouvoir se distingu<strong>en</strong>t, pour le conseiller par le choix d’un complet veston au large col et aux<br />

épaulettes marquées, pour le vigile par un costume acc<strong>en</strong>tuant sa force physique avec <strong>de</strong>s<br />

r<strong>en</strong>forcem<strong>en</strong>ts aux épaules, une ceinture rigi<strong>de</strong> et <strong>de</strong>s découpes r<strong>en</strong>forcées aux g<strong>en</strong>oux. Le<br />

chauffeur routier porte un T-shirt miteux et la journaliste porte <strong>de</strong>s vêtem<strong>en</strong>ts d’adolesc<strong>en</strong>te<br />

attardée.


Vidéos<br />

Il existe différ<strong>en</strong>ts champs possibles pour l’utilisation <strong>de</strong> ce médium dans la pièce Arrêt sur<br />

zone tous feux éteints.<br />

Le premier : Utilisation <strong>de</strong> la vidéo comme ambiance lumineuse.<br />

Elle habillerait la scène d’une nappe <strong>de</strong> lumière mouvante. Elle serait utilisée ici, comme<br />

élém<strong>en</strong>t complém<strong>en</strong>taire <strong>de</strong>s autres éclairages plus traditionnels, elle permettra <strong>de</strong>s balayages<br />

simplifiés <strong>de</strong> l’intégralité <strong>de</strong> la scène et <strong>de</strong> son décor.<br />

Ces projections vidéo <strong>de</strong> phares, gyrophares et autres événem<strong>en</strong>ts lumineux évoqueront le lieu<br />

où se déroule l’action <strong>de</strong> la pièce, l’aire d’autoroute sorte <strong>de</strong> non-lieu, <strong>de</strong> « No man’s land »<br />

où la notion <strong>de</strong> passage et <strong>de</strong> transit essayeront d’avoir une matérialisation concrète par<br />

l’interv<strong>en</strong>tion <strong>de</strong> l’image <strong>en</strong> mouvem<strong>en</strong>t.<br />

Fabrique et manipulation <strong>de</strong> l’image médiatique <strong>en</strong> direct.<br />

La journaliste sera toujours accompagnée <strong>de</strong> sa caméra vidéo qu’elle utilise comme objet<br />

d’<strong>en</strong>registrem<strong>en</strong>t du réel, sorte <strong>de</strong> prolongem<strong>en</strong>t technologique <strong>de</strong> son propre regard et <strong>de</strong> sa<br />

propre mémoire. La caméra ne dévoilera que par étape ces images. La projection<br />

retransmettra alors <strong>en</strong> direct les images cadrées par la reporter. Elle sera utilisée comme<br />

journal intime et comme <strong>en</strong>registrem<strong>en</strong>t du réelle (off politique, interviews,…). <strong>Un</strong> cadrage<br />

qui nous donnera <strong>de</strong>s indications précieuses sur la façon dont elle pose son regard et sur ces<br />

int<strong>en</strong>tions <strong>en</strong> tant que passeur <strong>de</strong> l’information. Comme le dit Jean Luc Godard « le travelling<br />

c’est une question <strong>de</strong> morale ».<br />

Critique et prolongem<strong>en</strong>t du propos <strong>de</strong> la pièce.<br />

Le métalangage vidéographique sera diffusé sur scène par l’intermédiaire <strong>de</strong> projection ou<br />

d’une télévision prés<strong>en</strong>t comme accessoire au sein du cube. <strong>Un</strong> cocon fermé mais précaire<br />

proposant par le poste TV, une f<strong>en</strong>être ouverte sur un « certain <strong>mon<strong>de</strong></strong> ». Cet objet mo<strong>de</strong>rne<br />

est souv<strong>en</strong>t évoqué par les personnages <strong>de</strong> la pièce : le politique comme objet <strong>de</strong> pouvoir et <strong>de</strong><br />

propagan<strong>de</strong> pour ses idées et ses lois ; dans l’interview <strong>de</strong> la prostituée piégée dans une <strong>en</strong>vie<br />

<strong>de</strong> consommation insatiable <strong>de</strong>s produits occi<strong>de</strong>ntaux magnifiés par le relais <strong>de</strong> la publicité.<br />

Je propose déjà trois situations d’interv<strong>en</strong>tion <strong>de</strong> la vidéo pour appuyer cette démarche<br />

critique :<br />

Au début, lors <strong>de</strong> la répétition du discours sur la nouvelle loi anti- tabac : la projection au<strong>de</strong>ssus<br />

du conseiller politique appuiera la situation scénique du meeting politique. Seront<br />

diffusées <strong>en</strong> alternance, les images retour <strong>de</strong> la caméra, relai <strong>de</strong> la capture future du discourt et<br />

d’autre part, <strong>de</strong>s parodies <strong>de</strong> diaporama support communicationnel <strong>de</strong> meetings politiques<br />

(florilège d’« images d’Epinal » constitué <strong>de</strong> beaux paysages français et <strong>de</strong> citoy<strong>en</strong>s heureux,<br />

souriants). Le but est d’acc<strong>en</strong>tuer la lecture hygiéniste du discours par le biais <strong>de</strong> ces images<br />

formant une i<strong>de</strong>ntité visuelle très proche du vocabulaire iconographique <strong>de</strong> la propagan<strong>de</strong>.<br />

Dans un second temps, la télévision sera prés<strong>en</strong>te comme accessoire dans les décors. Elle<br />

déversera <strong>en</strong> continue aux conducteurs <strong>en</strong> pause un pot-pourri <strong>de</strong> publicités <strong>de</strong>s années 80. Le


choix <strong>de</strong>s années 80 pour ces publicités est <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t assumé, car il me semble que<br />

l’imagerie véhiculée par celles-ci est beaucoup plus viol<strong>en</strong>te, symbolique d’une société ultraconsumériste<br />

<strong>de</strong> cette déc<strong>en</strong>nie. <strong>Un</strong>e f<strong>en</strong>être qui ouvre sur un <strong>mon<strong>de</strong></strong> d’images superficielles<br />

qui r<strong>en</strong>voie à cette société fantasmée loin <strong>de</strong>s réalités <strong>de</strong>s personnages.<br />

A la fin <strong>de</strong> la pièce, au mom<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l’arrestation, <strong>de</strong>s images proches <strong>de</strong>s émissions<br />

docum<strong>en</strong>taires américaines comme « Cops » (télé-réalité) seront projetées. Des programmes<br />

très populaires outre-Atlantique qui ont pour concept <strong>de</strong> suivre <strong>de</strong>s policiers dans leurs<br />

missions musclées d’arrestation. Ici <strong>de</strong>s images, noir et blanc, <strong>de</strong> caméras nocturnes<br />

embarquées dans les hélicoptères <strong>de</strong> la police. Images brutes <strong>de</strong> cette « caméra/œil », aux<br />

textures <strong>de</strong> jeux vidéo qui pourtant montre une cruelle réalité du <strong>mon<strong>de</strong></strong> <strong>en</strong> direct. Ces images<br />

feront alors écho à la situation jouée sur scène <strong>de</strong> l’arrestation médiatisée <strong>de</strong> ce routier<br />

lituani<strong>en</strong>.<br />

Enrichissem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s suggestions déjà lancées dans le dossier :<br />

Dramaturgie<br />

Les <strong>de</strong>ux textes chacun à leur manière montr<strong>en</strong>t comm<strong>en</strong>t les fragiles lueurs <strong>de</strong> l’espoir et <strong>de</strong><br />

la résistance sont brisées face à un <strong>mon<strong>de</strong></strong> cynique et dés<strong>en</strong>chanté.<br />

L’<strong>en</strong>lisem<strong>en</strong>t dans les ténèbres autour <strong>de</strong> la figure <strong>de</strong> la luciole :<br />

L’idée que l’homme est piégé dans un système d’efficacité qu’il a lui-même mis <strong>en</strong> place et<br />

dont il peut difficilem<strong>en</strong>t s’échapper est inhér<strong>en</strong>te au <strong>de</strong>ux pièces. Pire, <strong>en</strong> les faisant se suivre<br />

ainsi <strong>de</strong> manière chronologique on voit comm<strong>en</strong>t <strong>de</strong> simple pion au sein d’une <strong>en</strong>treprise <strong>de</strong><br />

travaux, l’homme, est <strong>de</strong>v<strong>en</strong>u un rouage parmi tant d’autres dans la gran<strong>de</strong> machine<br />

europé<strong>en</strong>ne froi<strong>de</strong> et brutale.<br />

La jonction s’opère autour <strong>de</strong> la figure du prophète vu comme le poète, l’artiste gar<strong>de</strong> fou, la<br />

part d’humanité <strong>en</strong> chacun <strong>de</strong> nous qui résiste comme une petite luciole dans les ténèbres. Je<br />

m’appuie notamm<strong>en</strong>t sur la structure du livre la survivance <strong>de</strong>s lucioles <strong>de</strong> George Didi<br />

Huberman pour construire l’ossature du spectacle.<br />

En 1974, dans ses Ecrits corsaires, Pasolini fait une métaphore écologico/poétique. Il parle<br />

<strong>de</strong>s lucioles qui ont disparues <strong>de</strong>s campagnes du sud <strong>de</strong> l’Italie, lucioles comme « <strong>de</strong>s signaux<br />

humains <strong>de</strong> l’innoc<strong>en</strong>ce perdu». Il compare ses lucioles aux paysans qui sous l’influ<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> la<br />

télévision per<strong>de</strong>nt leur auth<strong>en</strong>ticité et leurs traditions. Il fait un constat cinglant : « La tragédie<br />

c’est qu’il n’existe plus d’êtres humains ». Quand le prophète est tué dans la pièce La fin du<br />

<strong>mon<strong>de</strong></strong> <strong>en</strong> mieux, assommé par un coup <strong>de</strong> pelle puis coulé dans le béton, on sait que la<br />

<strong>de</strong>uxième pièce va se construire sur son cadavre.<br />

Après un <strong>de</strong>uxième meurtre, l’ouvrier à la pelle dit : « On aura bi<strong>en</strong>tôt plus <strong>de</strong> place dans les<br />

murs » ce à quoi l’ouvrier à la brouette rétorque : « Il faudra les <strong>en</strong>terrer dans le plafond ». Si<br />

le ciel <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t un plafond <strong>de</strong> cadavre cela annonce qu’il n’y a plus d’horizon ou que l’av<strong>en</strong>ir<br />

est bouché. Le texte <strong>de</strong> Baudoin Arrêt sur zone tous feux éteints s’ouvre sur le discours que<br />

prépare le conseiller ministériel pour sa cli<strong>en</strong>te qui s’apprête à passer <strong>de</strong>vant les médias. Dans<br />

Le règne et la gloire Giorgio Agamb<strong>en</strong> poursuit l’idée <strong>de</strong> Pasolini <strong>en</strong> disant que la lumière <strong>de</strong>s<br />

projecteurs, la gloire médiatique et la télévision contribu<strong>en</strong>t à faire <strong>de</strong> nous <strong>de</strong>s êtres asservis.<br />

La capacité à voir dans la moindre luciole une résistance, une lumière pour la p<strong>en</strong>sée n’est pas<br />

morte mais est étouffée et agonisante dans les lumières superficielles du <strong>mon<strong>de</strong></strong> contemporain.<br />

« Couleur sombre, gris acier, d’une consci<strong>en</strong>ce malheureuse condamné à son propre horizon,<br />

à sa propre clôture ».


Dans la pièce <strong>de</strong> Baudoin, on trouve une résurg<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> la « luciole » <strong>en</strong> la figure <strong>de</strong> la<br />

journaliste. Elle <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t le relai, à son échelle, du prophète. Elle est la lumière du contre<br />

pouvoir alors que tous les autres personnages sembl<strong>en</strong>t <strong>en</strong>fermés dans leur fonction. Lorsque<br />

Kars, le chauffeur routier <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à ce qu’on le laisse partir, Trouvert, le vigile, lui répond :<br />

« Impossible. G<strong>en</strong>darmes et voleurs : Faut jouer le jeu. » Ainsi même si la journaliste semble<br />

rétrécie par les contraintes et contradictions <strong>de</strong> son métier elle est la seule qui t<strong>en</strong>te une petite<br />

résistance. Elle <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t une petite luciole qui t<strong>en</strong>te d’émettre à son <strong>en</strong>droit une faible lueur.<br />

D’où la phrase <strong>de</strong> Pascal : « Nul ne meurt si pauvre, qu’il ne laisse quelque chose ». Les<br />

dispositifs <strong>de</strong> contrôle peuv<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> réglem<strong>en</strong>ter nos vie, la fragile lumière <strong>de</strong>s contrepouvoirs<br />

est toujours là.<br />

<strong>Un</strong> spectacle <strong>en</strong> miroir inversé autour d’un même sujet :<br />

Même si l’univers et le style d’écriture diffère d’une pièce à l’autre, elles s’<strong>en</strong>richiss<strong>en</strong>t et se<br />

complèt<strong>en</strong>t, formant les <strong>de</strong>ux parties logiques d’un même spectacle.<br />

En effet, dans la première, celle <strong>de</strong> Sébasti<strong>en</strong> Joanniez, la langue est quasi quotidi<strong>en</strong>ne mais<br />

les situations t<strong>en</strong><strong>de</strong>nt vers une certaine folie, un décalage absur<strong>de</strong> évi<strong>de</strong>nt. Dans la secon<strong>de</strong>,<br />

celle <strong>de</strong> Jean-Michel Baudoin, le rythme et les effets <strong>de</strong> style très travaillés donn<strong>en</strong>t<br />

immédiatem<strong>en</strong>t une contrainte <strong>de</strong> jeu forte à l’acteur qui s’<strong>en</strong> empare, mais les situations sont<br />

elles criantes <strong>de</strong> réalisme. Ainsi les <strong>de</strong>ux pièces se projette l’une dans l’autre comme un<br />

miroir inversé.<br />

Pour traduire cela au plateau, la première partie sera très stylisée dans le jeu <strong>de</strong>s acteurs mais<br />

aussi dans leur plastique, il y aura une vraie transformation <strong>de</strong>s corps et <strong>de</strong>s visages. Les<br />

acteurs porteront <strong>de</strong>s masques ou <strong>de</strong>s postiches et évolueront dans un univers où l’esthétisme<br />

s’inspirera <strong>de</strong>s performances <strong>de</strong> Paul Mac Carty (artiste américain <strong>de</strong>s années 80). Sophie<br />

Botte, qui m’assiste et qui a joué dans 2 spectacles d’Omar Porras, se chargera <strong>de</strong>s trainings et<br />

m’ai<strong>de</strong>ra à faire adv<strong>en</strong>ir ses créatures étranges. L’espace sera donc unique, déréalisé et<br />

poétique. La poésie dans le s<strong>en</strong>s où elle est « l’art <strong>de</strong> fracturer le langage, <strong>de</strong> briser les<br />

appar<strong>en</strong>ces, <strong>de</strong> désassembler l’unité du temps » Georges Didi Huberman. Je voudrais que les<br />

personnages soi<strong>en</strong>t <strong>en</strong> contact avec la matière, utiliser <strong>de</strong>s matériaux salissants. La lai<strong>de</strong>ur sera<br />

visible dans la saleté et le bruit que fait le <strong>mon<strong>de</strong></strong> pour passer à un espace cliniquem<strong>en</strong>t propre<br />

sous vidéo dans la <strong>de</strong>uxième.<br />

Je veux faire adv<strong>en</strong>ir <strong>de</strong>ux troublants objets plastiques complètem<strong>en</strong>t à l’opposé dans la<br />

forme. Si dans la première partie l’espace sera unique, déréalisé et sale dans la <strong>de</strong>uxième<br />

moitié il sera fragm<strong>en</strong>té, docum<strong>en</strong>taire et clinique. On travaillera l’épaisseur psychologique<br />

<strong>de</strong>s personnages, l’introspection <strong>de</strong> manière crue et sans fard. Pierric Favret (artiste vidéaste<br />

contemporain) sera à mes côtés p<strong>en</strong>dant les répétitions pour trouver une manière <strong>de</strong> travailler<br />

avec l’image et la caméra comme un part<strong>en</strong>aire. On expérim<strong>en</strong>tera par le biais <strong>de</strong> di#ér<strong>en</strong>ts<br />

exercices tous les possibles qu’offre cet outil. La journaliste s’<strong>en</strong> servira comme journal <strong>de</strong><br />

bord mais aussi comme arme pour essayer <strong>de</strong> capter ce qu’il y a sous les masques <strong>de</strong> chair.<br />

J’<strong>en</strong>visage que la transformation <strong>de</strong>s corps <strong>en</strong>tre La fin du <strong>mon<strong>de</strong></strong> <strong>en</strong> mieux et Arrêt sur zone<br />

tous feux éteints se fasse à vue, constituant un mom<strong>en</strong>t à part <strong>en</strong>tière du spectacle. Dans la<br />

première partie se construira une chorégraphie <strong>de</strong> gestes quotidi<strong>en</strong>s qui n’apparaîtra pour le<br />

public qu’après la mort du prophète. En effet, l’agitation et le bruit ambiant masqueront cette<br />

mécanique pour mieux la révéler lors <strong>de</strong> la transition. On verra alors les comédi<strong>en</strong>s quitter<br />

leur masque comme pour dévoiler la part d’humanité qu’il leur reste. On compr<strong>en</strong>dra par la<br />

suite que sur ces visages plus humains se trouve un autre masque, celui du paraître social.


Direction d’acteur<br />

Je ne souhaite pas réfléchir la réalité mais créer une réalité parallèle, comme un miroir<br />

déformant, soit <strong>en</strong> stylisant la forme, soit <strong>en</strong> montrant <strong>de</strong>s situations qui t<strong>en</strong><strong>de</strong>nt à <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir<br />

vraim<strong>en</strong>t grinçante par la t<strong>en</strong>sion et les <strong>en</strong>jeux soulevés.<br />

Ce qui compte c’est que l’espace soit une prolongation <strong>de</strong>s personnages et <strong>de</strong> leur mystère. De<br />

même qu’on <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>t un li<strong>en</strong> fort, une énergie avec les part<strong>en</strong>aires, les spectateurs et le texte,<br />

les acteurs doiv<strong>en</strong>t faire exister la forme plastique dans laquelle ils se situ<strong>en</strong>t. Le décor doit<br />

<strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir émotionnel. En parallèle aux personnages qui cach<strong>en</strong>t quelque chose <strong>de</strong> leur vie<br />

intime, les accessoires r<strong>en</strong>ferm<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s mystères inavoués. Ainsi l’espace n’est pas qu’un<br />

simple décor mais un support <strong>de</strong> l’univers s<strong>en</strong>sitif <strong>de</strong> la pièce <strong>en</strong> corrélation avec l’axe choisi<br />

pour chacun <strong>de</strong>s textes.<br />

La direction d’acteur est au c<strong>en</strong>tre <strong>de</strong> mon travail, l’atout majeur, ce autour <strong>de</strong> quoi tout<br />

converge et fait s<strong>en</strong>s.<br />

P<strong>en</strong>dant les répétitions je travaille comme un coach sportif à l’intérieur du processus <strong>de</strong><br />

création, au plateau avec les comédi<strong>en</strong>s pour capter leur énergie. Je m’appuie sur le terme<br />

ENTRETENIR pour parler du rapport qui lie acteurs, metteur <strong>en</strong> scène et spectateurs. Avec ce<br />

terme j’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>ds évi<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t le travail <strong>de</strong> training <strong>de</strong> l’acteur, l’<strong>en</strong>treti<strong>en</strong> <strong>de</strong> leur corps, la<br />

musculation <strong>de</strong> leur capacité émotionnelle et <strong>de</strong> leur expressivité par le biais <strong>de</strong> différ<strong>en</strong>ts<br />

exercices, mais surtout TENIR-ENTRE chaque être, une att<strong>en</strong>tion sout<strong>en</strong>ue. Je recherche<br />

comm<strong>en</strong>t faire pour que le public, où celui qui regar<strong>de</strong> trouve un mouvem<strong>en</strong>t à l’intérieur <strong>de</strong><br />

chaque personnage.<br />

Ainsi je m’intéresse surtout à ce qui existe ENTRE les lignes. Pour moi le rythme, l’int<strong>en</strong>sité<br />

et la température <strong>de</strong>s comédi<strong>en</strong>s doiv<strong>en</strong>t faire exploser le cadre du texte.<br />

Sébasti<strong>en</strong> Joanniez<br />

Les auteurs<br />

«D’abord urbain, auteur dramatique, comédi<strong>en</strong>, metteur <strong>en</strong> scène, puis RMIste, puis<br />

romancier, publié, poète, subv<strong>en</strong>tionné, puis néo-rural, puis père, mari, traduit, puis père<br />

<strong>en</strong>core, Sébasti<strong>en</strong> Joanniez est <strong>en</strong>fin né <strong>de</strong>puis tr<strong>en</strong>te-sept ans». Depuis 2002, il a écrit une<br />

douzaine <strong>de</strong> pièces qui, pour la plupart, ont fait l’objet <strong>de</strong> mises <strong>en</strong> scènes. Il écrit égalem<strong>en</strong>t<br />

pour la jeunesse <strong>de</strong>s romans, <strong>de</strong>s albums et <strong>de</strong> la poésie.<br />

Bibliographie<br />

Aux Editions du Rouergue : Marabout d'ficelle (2002, roman) - Terminus Noël (2002, roman)<br />

- C'est loin d'aller où (2003, roman) - Même les nuages je sais pas d'où ils vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t (2005,<br />

roman) - Entrez (2010, poésie) - Noir grand (2012, roman)<br />

Aux Editions Sarbacane : Je fais ce que je peux (2004, poésie) - Fred et Fred (2005, poésie) -<br />

Treizième av<strong>en</strong>ir (2006, roman)<br />

Aux Editions Espaces 34 : Des lambeaux noirs dans l'eau du bain (2005, théâtre) - Désarmés<br />

(2007, théâtre) - Le petit matin <strong>de</strong> mourir (2010, théâtre)<br />

Aux Editions Color Gang : Trop tard c'est bi<strong>en</strong>tôt (2007, théâtre) - Dans quels déserts tu<br />

ranges tes soifs ? (2007, théâtre) - Cluemo (2010, essai) / Aux Editions Poivre et Sel :<br />

Animalerie (2013, BD)


Jean-Michel Baudoin<br />

Jean-Michel Baudoin est né à Nice <strong>en</strong> 1950 et a passé son <strong>en</strong>fance <strong>en</strong> Algérie et <strong>en</strong> Corse.<br />

Après l’obt<strong>en</strong>tion <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux diplômes d’ingénieur, sa r<strong>en</strong>contre avec Ariane Mnouchkine et le<br />

<strong>Théâtre</strong> du Soleil, auprès <strong>de</strong> qui il passe une année <strong>de</strong> stage sera déterminante. Tour à tour<br />

comédi<strong>en</strong>, metteur <strong>en</strong> scène, animateur <strong>de</strong> compagnie, musici<strong>en</strong> <strong>de</strong> jazz, il passe «<strong>de</strong> l’autre<br />

côté <strong>de</strong> la barrière» et <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t directeur d’action culturelle, <strong>en</strong>core aujourd’hui à la tête du<br />

<strong>Théâtre</strong> municipal <strong>de</strong> Châtillon sur Seine <strong>en</strong> Côte d’Or. La passion <strong>de</strong> l’écriture chevillée au<br />

corps <strong>de</strong>puis toujours, il se résout néanmoins tardivem<strong>en</strong>t à <strong>en</strong>combrer ses contemporains <strong>de</strong><br />

ses écrits. Peu rancuniers, certains l’<strong>en</strong>courag<strong>en</strong>t, publi<strong>en</strong>t ou produis<strong>en</strong>t ses textes, voire<br />

même lui pass<strong>en</strong>t comman<strong>de</strong>, ou l’accueill<strong>en</strong>t <strong>en</strong> rési<strong>de</strong>nce. En peu d’années, il écrit plus<br />

d’une quarantaine <strong>de</strong> pièces <strong>de</strong> factures très diverses, allant du monologue au vau<strong>de</strong>ville à<br />

multiples personnages, alternant pièces pour marionnettes et vidéos, pièces pour jongleurs,<br />

scènes courtes, drames à résonance politiques, pièces pour ados ou pour très jeunes <strong>en</strong>fants.<br />

<strong>Un</strong>e tr<strong>en</strong>taine <strong>de</strong> ces pièces sont éditées chez quatre éditeurs principaux.<br />

Bibliographie<br />

Aux Editions La Fontaine (Lille) : « C’est quoi ton nom ? » / juin 2002 ; « Fuga (oratorio) » /<br />

mars 2005 ; « Quotidi<strong>en</strong>nes » / octobre 2005 ; « Maquillages » / juin 2008<br />

Aux Editions Lansman (Belgique) : « Station Liberté » / septembre 2009 dans « La scène aux<br />

ados » n° 5, ouvrage collectif<br />

Aux Editions Vermifuge (Nolay/Côte d’Or) : « La beauté du geste (masculine) » / janvier<br />

2010 ; « La Beauté du geste (féminine) » / janvier 2010<br />

Aux Editions <strong>de</strong> l’Amandier (Paris) : « La partie continue – Das Spiel geht weiter » / février<br />

2010<br />

La fin du <strong>mon<strong>de</strong></strong> <strong>en</strong> mieux<br />

Sébasti<strong>en</strong> Joanniez<br />

Extraits<br />

C’est donc un chantier pour comm<strong>en</strong>cer.<br />

Vaguem<strong>en</strong>t peut-être grésille une radio criblée <strong>de</strong> plâtre et sans ant<strong>en</strong>ne.<br />

Quelque part, une pancarte affiche : « Ici l’État investit pour votre av<strong>en</strong>ir – Nature <strong>de</strong>s<br />

Travaux : Complexe thalasso-thérapeutique ».<br />

Peu à peu apparaît Le prophète, t-shirt <strong>de</strong> footballeur et barbe longue sur un treillis militaire<br />

aux pieds nus, qui <strong>de</strong>sc<strong>en</strong>d d’une échelle.<br />

Le prophète : Vous avez coupé les arbres ?<br />

L’ouvrier à la pelle : Ça nous gênait.<br />

Le prophète : Vous avez construit quoi là ?<br />

L’ouvrier à la pelle : <strong>Un</strong>e piscine.<br />

Le prophète : Et là ?<br />

L’ouvrier à la pelle : C’est le gaz.<br />

Le prophète : Je vi<strong>en</strong>s d’arriver, je cherche quelqu’un pour annoncer la gran<strong>de</strong> nouvelle.<br />

L’ouvrier à la pelle : Je travaille, moi. J’ai pas le temps pour les sala<strong>de</strong>s.<br />

Le prophète : Vous connaissez quelqu’un ?<br />

L’ouvrier à la pelle : Ils sont tous comme moi, ils boss<strong>en</strong>t mon vieux. Tu te pointes et faut<br />

laisser tomber la pioche ?


Le prophète : C’est que j’ai beaucoup voyagé, puis je vi<strong>en</strong>s donner la parole...<br />

Le chef : Gar<strong>de</strong>-à-vous ! C’est qui lui ?<br />

L’ouvrier à la pelle : <strong>Un</strong> nouveau, chef. Je sais pas qui. J’ai perdu <strong>de</strong>ux minutes mais je les<br />

rattraperai, c’est <strong>de</strong> sa faute chef, je l’ai pas assommé, il est arrivé par là, je l’ai pas vu v<strong>en</strong>ir,<br />

il m’a surpris. J’allais le cogner quand vous voilà.<br />

Le chef (au prophète) : Prés<strong>en</strong>tez-vous !<br />

Le prophète : J’ai tout paumé sur la route. Il y avait du v<strong>en</strong>t, <strong>de</strong> la pluie, le désert, la lune. Il y<br />

avait <strong>de</strong>s animaux, <strong>de</strong>s arbres, <strong>de</strong>s falaises. J’ai tout perdu. Je voulais tellem<strong>en</strong>t arriver vite<br />

que j’ai pas fait att<strong>en</strong>tion à mes affaires.<br />

Le chef : Je vous <strong>de</strong>man<strong>de</strong> pas l’épopée. J’ai besoin d’un nom pour vous i<strong>de</strong>ntifier.<br />

Le prophète : Appelez-moi comme vous voulez, je recomm<strong>en</strong>ce tout alors…<br />

Le chef : Ta gueule. Tu seras ri<strong>en</strong> si tu bavar<strong>de</strong>s comme ça le nouveau. Ici on la ferme et on<br />

bosse. Tu sais comm<strong>en</strong>t on creuse ?<br />

Le prophète : Oui.<br />

Le chef : Comm<strong>en</strong>t on se donne du mal pour bâtir quelque chose <strong>de</strong> grand ?<br />

Le prophète : Euh oui.<br />

Le chef : Et vers quels horizons nous marchons main dans la main ?<br />

Le prophète : Oui.<br />

Le chef : Tu crois à quelque chose ?<br />

Le prophète : Oui. Enfin, je crois bi<strong>en</strong>…<br />

Le chef : Tu veux participer à l’éternel ?<br />

Le prophète : B<strong>en</strong> oui. Justem<strong>en</strong>t je suis un <strong>en</strong>voyé <strong>de</strong>…<br />

Le chef : Tu réponds aux questions, c’est tout. À moins que tu cherches les embrouilles ?<br />

Le prophète : Non.<br />

Le chef : Alors tais-toi quand j’énonce les grands axes.<br />

Le prophète : Oui.<br />

L’ouvrier à la brouette : Chef c’est l’heure on arrête ?<br />

Le chef : Allez-y, repos !<br />

Les ouvriers <strong>en</strong> chœur : Longue vie à l’<strong>en</strong>treprise ! Longue vie à nos filiales !<br />

Le chef : Tu appr<strong>en</strong>dras les paroles plus tard. Bi<strong>en</strong>v<strong>en</strong>ue chez nous ! Demain matin sept<br />

heures, <strong>de</strong>bout mon vieux ! Demain tu <strong>en</strong>tres dans l’histoire !<br />

Le prophète : En att<strong>en</strong>dant je pourrais vous parler ?<br />

Ils sort<strong>en</strong>t tous et Le prophète reste.<br />

La lumière l<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t tombe sur sa silhouette solitaire et le soir <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t une nuit <strong>de</strong> plus.<br />

Le prophète : Je suis pas seul. Je suis pas seul. Je suis pas seul. Je suis…<br />

(…)<br />

Entre L’ouvrier à la brouette qui tombe nez à nez avec Le prophète couché. Il t<strong>en</strong>te <strong>de</strong> le<br />

soulever pour le jeter <strong>en</strong> coulisses, mais y r<strong>en</strong>once, tourne autour énervé, finit par l’insulter et<br />

le rouer <strong>de</strong> coups. Le prophète ne bouge plus. L’ouvrier à la brouette remplit une brouette <strong>de</strong><br />

sable et sort.<br />

La lumière se lève. Le chef et les ouvriers sont déjà là, groupés pour une réunion <strong>de</strong> chantier.<br />

Le chef : Vous vous souv<strong>en</strong>ez pour quoi on travaille ?<br />

L’ouvrier à la casquette : Oui, chef. Le futur !<br />

L’ouvrier à la pelle : Le progrès !<br />

L’ouvrier à la brouette : Le bi<strong>en</strong>-être <strong>de</strong> tous !<br />

Le chef : Va me chercher le nouveau !<br />

L’ouvrier à la brouette : Il est mort.


Le chef : Ah. On le coulera dans le mur. Quoi d’autre ?<br />

L’ouvrier à la casquette : On a besoin <strong>de</strong> parpaings. Et du sable.<br />

L’ouvrier à la pelle : Y’a besoin d’un escalier pour monter bosser au <strong>de</strong>uxième.<br />

L’ouvrier à la brouette : Et un quart d’heure <strong>de</strong> plus le midi pour casser la croûte.<br />

L’ouvrier à la casquette : Avec un micro-on<strong>de</strong>s.<br />

L’ouvrier à la brouette : <strong>Un</strong>e salle <strong>de</strong> repos chauffée.<br />

L’ouvrier à la casquette : Et une cafetière.<br />

L’ouvrier à la brouette : C’est possible <strong>de</strong> comm<strong>en</strong>cer plus tard le matin ?<br />

L’ouvrier à la casquette : De finir plus tôt le soir ? Avec les embouteillages…<br />

L’ouvrier à la pelle : Je serais bi<strong>en</strong> parti <strong>en</strong> vacances la semaine proch…<br />

Le chef : Vous vous foutez <strong>de</strong> ma gueule ?<br />

L’ouvrier à la brouette : C’est juste comme ça, <strong>de</strong>s questions… Chef, pr<strong>en</strong>ez pas la mouche…<br />

Le chef : Vous croyez que ça tourne comm<strong>en</strong>t la boutique ?<br />

L’ouvrier à la casquette : On voulait vous <strong>en</strong> parler…<br />

L’ouvrier à la brouette : Parce qu’on a <strong>de</strong>s bouches à nourrir, et le pain c’est cher <strong>de</strong> plus <strong>en</strong><br />

plus, et le salaire il bouge pas…<br />

L’ouvrier à la casquette : Même on a fait <strong>de</strong>s sacrifices…<br />

Le chef : La crise bor<strong>de</strong>l ! Faut sortir du chaos !<br />

L’ouvrier à la brouette : Ouais… Mais si on lâche un peu, on pourrait v<strong>en</strong>ir au boulot<br />

joyeux… Que là, c’est l’<strong>en</strong>fer…<br />

L’ouvrier à la pelle : Plus vite, toujours plus vite… On dirait qu’on pilote.<br />

L’ouvrier à la brouette : C’est trop dingue. À ce rythme, on aura pas le temps <strong>de</strong> se faire<br />

masser…<br />

Le chef : Vous êtes sérieux là ?<br />

L’ouvrier à la casquette : Oui et non…<br />

L’ouvrier à la pelle : C’est comme ça, on discute…<br />

Le chef : Parce que faut pas rester sinon… Je voudrais pas vous faire <strong>de</strong> la peine hein, vaut<br />

mieux trouver du boulot ailleurs… Y’a sûrem<strong>en</strong>t une boîte pour vous, plus sympa, avec une<br />

cafetière et tout…<br />

L’ouvrier à la casquette : Non mais la cafetière… On se fait du café instantané, c’est bi<strong>en</strong><br />

l’instantané non ?<br />

L’ouvrier à la pelle : B<strong>en</strong> oui, on a l’habitu<strong>de</strong>.<br />

L’ouvrier à la brouette : Même <strong>de</strong>s fois je préfère. Je pr<strong>en</strong>ds un café au bar, je le trouve moins<br />

bon.<br />

L’ouvrier à la casquette : Ouais, quand on a l’habitu<strong>de</strong>, on aime bi<strong>en</strong> finalem<strong>en</strong>t.<br />

Le chef : Et le quart d’heure <strong>de</strong> plus ?<br />

…<br />

Le chef : On oublie ? (Ils hoch<strong>en</strong>t la tête) Bi<strong>en</strong>. On peut bosser maint<strong>en</strong>ant ? (Ils hoch<strong>en</strong>t la<br />

tête)<br />

Ils se remett<strong>en</strong>t au travail et coul<strong>en</strong>t Le prophète <strong>de</strong>bout dans un mur.<br />

Arrêt sur zone tous feux éteints<br />

Jean-Michel Baudoin<br />

Personnages<br />

Flaag : conseiller ministériel, la cinquantaine <strong>en</strong>robante<br />

Kars : chauffeur routier, la tr<strong>en</strong>taine marquée<br />

L<strong>en</strong>n : femme journaliste, la quarantaine triste<br />

Trouvert : vigile, la quarantaine athlétique


Paulya : jeune fille, frêle et farouche<br />

***<br />

Flaag (répète le discours qu’il a écrit pour le Ministre, <strong>de</strong> temps à autre, il s’interrompt pour<br />

lui donner <strong>de</strong>s<br />

indications d’intonation et <strong>de</strong> jeu) : Mes chers concitoy<strong>en</strong>s – seul le Prési<strong>de</strong>nt a droit à «<br />

compatriotes », Madame le Ministre – mes chers concitoy<strong>en</strong>s, une fois <strong>de</strong> plus, ayant le<br />

courage <strong>de</strong> nos convictions et <strong>de</strong> nos actes, nous nous attaquons <strong>de</strong> front – l’emploi du prés<strong>en</strong>t<br />

plutôt que le futur donne une impression d’irrévocable dont l’énoncé décourage déjà<br />

l’opposition, Madame le Ministre – nous nous attaquons <strong>de</strong> front aux problèmes brûlants, et –<br />

légère susp<strong>en</strong>sion qui semble une concession, mais n’est <strong>de</strong>stinée qu’à mieux <strong>en</strong>foncer<br />

l’adversaire – et, quitte à nous r<strong>en</strong>dre impopulaires, nous éradiquons le mal, pour le bi<strong>en</strong>-être<br />

– non, mieux – pour le bonheur du peuple, à contre-courant du laxisme démagogique, nous<br />

décrétons – non, mieux – nous érigeons la totale interdiction <strong>de</strong> fumer dans les lieux publics –<br />

ici un sil<strong>en</strong>ce, accompagné d’un regard circulaire, vous savourez l’effet d’annonce, et vous<br />

portez l’estoca<strong>de</strong> <strong>en</strong> accélérant – par lieux publics nous <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dons tous lieux <strong>de</strong> partage et <strong>de</strong><br />

r<strong>en</strong>contre : gares aéroports trains navires avions lycées cafés restaurants théâtres dancings<br />

mairies <strong>en</strong>treprises bureaux ateliers usines, ainsi, nous sauvons la vie, bi<strong>en</strong> le plus précieux<br />

dont nous avons la charge morale et physique, et ce le plus souv<strong>en</strong>t contre le gré <strong>de</strong> celles et<br />

ceux qui <strong>en</strong> ont <strong>en</strong>core le souffle, pour combi<strong>en</strong> <strong>de</strong> temps ? – Ici, Madame le Ministre, ne<br />

craignez pas d’être pathétique, rajoutez-<strong>en</strong> dans le romantisme hugoli<strong>en</strong> – Si nous ne nous<br />

dressions <strong>en</strong> rempart militant pour terrasser le cauchemar du <strong>mon<strong>de</strong></strong> mo<strong>de</strong>rne, j’ai nommé le<br />

cancer <strong>de</strong>s voies respiratoires, oui, si vous, fumeurs, vous saviez dans quelles affreuses<br />

souffrances s’éteint celui qui, un jour, ayant allumé une fatale cigarette, se retrouve prisonnier<br />

<strong>de</strong> l’infernale spirale du tabagisme, conduisant à l’esclavage <strong>de</strong> l’addiction puis à la<br />

déchéance <strong>de</strong> la maladie, si vous saviez, dis-je – un grand geste <strong>de</strong>s bras sera du <strong>meilleur</strong> effet<br />

– vous applaudiriez à cette croisa<strong>de</strong> pour la vie, retrouvons, chers amis, un air pur, libéré <strong>de</strong>s<br />

fumées nocives, mes chers concitoy<strong>en</strong>s – dansez, Madame le Ministre, songez à Gauguin,<br />

Degas, Matisse – nous vous r<strong>en</strong>dons l’air libre, le mouvem<strong>en</strong>t libre, l’esprit libre, nous faisons<br />

votre bonheur, quitte à le faire malgré vous. <strong>Un</strong>e ère <strong>meilleur</strong>e s’ouvre, sachons, tous<br />

<strong>en</strong>semble <strong>en</strong> profiter à pleins poumons.<br />

***<br />

Paulya : Pas parler, mauvais.<br />

L<strong>en</strong>n : Amie. J’écris. Je ne dis pas ton nom pas ta ville pas ton pays je cache ton visage le<br />

<strong>mon<strong>de</strong></strong> doit savoir ce qui se passe dans ce camion. Quel âge as-tu ?<br />

Paulya : Sixte<strong>en</strong>.<br />

L<strong>en</strong>n : Partie <strong>de</strong>puis longtemps ?<br />

Paulya : Trois semaines. Bloquée <strong>de</strong>ux fois Transmanche. Mais forte, petite fille. Changé<br />

camion, repartie Kaunas, trouvé Kars.<br />

L<strong>en</strong>n : Pourquoi tu pars ?<br />

Paulya : Si toi pauvre, toi pas arg<strong>en</strong>t, toi dans ton village, avec copines tu regar<strong>de</strong>s TV<br />

beaucoup tu vois Londres Barcelone Paris Rotterdam bijoux Merce<strong>de</strong>s belles robes lumières<br />

partout tu veux ça pour toi coiffure chaussures manger <strong>de</strong>s glaces rire écouter concerts pop<br />

music danser parfum dans les cheveux travailler magasin gagner arg<strong>en</strong>t <strong>en</strong>voyer arg<strong>en</strong>t.<br />

L<strong>en</strong>n : Ta famille ?<br />

Paulya : Trop <strong>de</strong> <strong>mon<strong>de</strong></strong> pas assez manger la guerre les chefs <strong>de</strong> clans ma mère elle a v<strong>en</strong>du<br />

moi.


L<strong>en</strong>n : Quoi ? V<strong>en</strong>due ? À qui ?<br />

Paulya : Mé<strong>de</strong>cin. <strong>Un</strong> rein, c’est mille dollars et Paulya n’a plus qu’un. Tu veux voir cicatrice<br />

?<br />

L<strong>en</strong>n : Tais-toi.<br />

Paulya : Avec mes soeurs, tiré sort qui Londres la chance sur Paulya, et je trouvé passeurs.<br />

L<strong>en</strong>n : Ton pays ?<br />

Paulya : Belle campagne collines vertes forêts tout petit village électricité seulem<strong>en</strong>t quatre<br />

heures par jour seulem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>ux vaches et pas <strong>de</strong> manteau pour tous frères et soeurs.<br />

L<strong>en</strong>n : Ici nous avons trop <strong>de</strong> tout trop <strong>de</strong> voitures trop <strong>de</strong> richesses trop <strong>de</strong> fabriques trop <strong>de</strong><br />

confort trop d’images trop d’amour trop <strong>de</strong> progrès trop d’arg<strong>en</strong>t trop <strong>de</strong> nourriture il faut<br />

arrêter.<br />

Paulya : Mais non pas arrêter moi la robe moi les bijoux la voiture la fabrique moi l’amour je<br />

veux je ne suis pas fatiguée j’ai <strong>en</strong>vie je l’aurai t’es qui toi pour parler pour Paulya je veux<br />

plaisir là tout <strong>de</strong> suite avant trop tard morte rire danser bouffer être riche v<strong>en</strong>geance avoir <strong>de</strong>s<br />

esclaves blancs nous les <strong>en</strong>vahisseurs.<br />

L<strong>en</strong>n : Des milliards comme toi, veul<strong>en</strong>t leur part, ils sont là à notre porte, l’<strong>en</strong>fer à ma porte.<br />

Paulya : En att<strong>en</strong>dant je pute dans putain <strong>de</strong> camion arrêté sur putain d’autoroute et je gagne<br />

putain <strong>de</strong> dollars pour putain <strong>de</strong> Kars qui frappe.<br />

L<strong>en</strong>n : Arrête le massacre. Tu es belle, tu es jeune. Vi<strong>en</strong>s. Avec moi. Je serai ta bonne étoile.<br />

Paulya : Ici ? Franciya ?<br />

L<strong>en</strong>n : Je t’adopte je t’habille je te nourris je te trouve un vrai travail je t’obti<strong>en</strong>s <strong>de</strong>s papiers<br />

je te pacse je m’appelle L<strong>en</strong>n.<br />

Paulya : Et je couche avec toi ?<br />

L<strong>en</strong>n : C’est bi<strong>en</strong> aussi, tu verras.<br />

Paulya : Toi pas belle Frantciya pas belle mauvaise maison je Londres riche pas comme<br />

pauvre frantsouskaïa campagne pas belle.<br />

L<strong>en</strong>n : Très bi<strong>en</strong>, d’accord, oui, v<strong>en</strong>ge-toi, insulte-moi, salis-moi, crache-moi au visage, oui<br />

moi, la lai<strong>de</strong> la truie la grosse gangr<strong>en</strong>ée <strong>de</strong> graisse sale petite pute je te dénonce je te livre<br />

aux flics ils te r<strong>en</strong>voi<strong>en</strong>t dans ton village <strong>de</strong> mer<strong>de</strong> tant pis j’aurais été j’aurais pu être t<strong>en</strong>dre<br />

comme une maman.<br />

Paulya (un rasoir à la main) : Fous-le camp saleté ou on trouve toi morte égorgée bouffée par<br />

corbeaux poubelles autostrada ordure Kars revi<strong>en</strong>t camion part je m’<strong>en</strong> vais ne remets plus<br />

sale gueule ici.<br />

La compagnie Lalasonge<br />

J’aime au sein <strong>de</strong> la compagnie interroger la place <strong>de</strong> l’homme dans la société, ses<br />

maladresses, ses doutes, sa bizarrerie, ses viol<strong>en</strong>ces, ses brisures, ses manques. Je cherche<br />

dans chaque projet à confronter le plaisir du jeu et les réflexions partagées sur l’i<strong>de</strong>ntité pour<br />

parler <strong>de</strong> la richesse insondable <strong>de</strong>s personnes. Nous fouillons <strong>de</strong>s styles <strong>de</strong> jeu et <strong>de</strong>s formes<br />

dramatiques à chaque fois différ<strong>en</strong>tes, pour faire vivre une expéri<strong>en</strong>ce unique aux spectateurs<br />

et nous mettre à chaque fois <strong>en</strong> danger dans un rapport au travail aussi honnête qu’instructif.<br />

Nous souhaitons être accessible au plus grand nombre sans ri<strong>en</strong> abandonner <strong>de</strong> nos exig<strong>en</strong>ces.<br />

Contre un <strong>de</strong>spotisme du metteur <strong>en</strong> scène je cherche le rassemblem<strong>en</strong>t d’une intellig<strong>en</strong>ce<br />

commune où la lumière, la scénographie, les costumes, la musique et pourquoi pas la vidéo<br />

cohabit<strong>en</strong>t à part égale dans la création. Comme le dit Jean-Louis Hourdin : “La salle <strong>de</strong><br />

répétition est le lieu d’un langage <strong>de</strong> fraternité à inv<strong>en</strong>ter <strong>en</strong> commun.”<br />

Annabelle Simon, metteur <strong>en</strong> scène

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