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hélène lucas - Opéra de Lyon

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RÉCITAL<br />

STÉPHANE DEGOUT BARYTON<br />

HÉLÈNE LUCAS PIANO


CHARLES GOUNOD (1818-1893)<br />

Le Vallon (Alphonse <strong>de</strong> Lamartine)<br />

HENRI DUPARC (1848-1933)<br />

Elégie (Thomas Moore)<br />

L’Invitation au voyage (Charles Bau<strong>de</strong>laire)<br />

Lamento (Théophile Gautier)<br />

La Vie antérieure (Charles Bau<strong>de</strong>laire)<br />

FRANCIS POULENC (1899-1963)<br />

Banalités (Guillaume Apollinaire)<br />

I. Chanson d’Orkenise<br />

II. Hôtel<br />

III. Fagnes <strong>de</strong> Wallonie<br />

IV. Voyage à Paris<br />

V. Sanglots<br />

Entracte<br />

REYNALDO HAHN (1874-1947)<br />

Trois Jours <strong>de</strong> vendange (Alphonse Dau<strong>de</strong>t)<br />

Cimetière <strong>de</strong> campagne (Gabriel Vicaire)<br />

CAMILLE SAINT-SAËNS (1835-1921)<br />

Mélodies persanes (Armand Renaud) – extraits<br />

V. Le Cimetière<br />

VI. Le Tournoiement<br />

MAURICE RAVEL (1875-1937)<br />

Histoires naturelles (Jules Renard)<br />

I. Le Paon<br />

II. Le Grillon<br />

III. Le Cygne<br />

IV. Le Martin-pêcheur<br />

V. La Pinta<strong>de</strong><br />

Stéphane Degout baryton<br />

Hélène Lucas piano<br />

Dimanche 11 mars 2007 à 17h


Le Vallon<br />

Poème d’Alphonse Marie Louis <strong>de</strong> Lamartine (1790-1869)<br />

Musique <strong>de</strong> Charles Gounod<br />

Mon cœur, lassé <strong>de</strong> tout, même <strong>de</strong> l’espérance,<br />

N’ira plus <strong>de</strong> ses vœux importuner le sort ;<br />

Prêtez-moi seulement, vallons <strong>de</strong> mon enfance,<br />

Un asile d’un jour pour attendre la mort.<br />

D’ici je vois la vie, à travers un nuage,<br />

S’évanouir pour moi dans l’ombre du passé ;<br />

L’amour seul est resté : comme une gran<strong>de</strong> image<br />

Survit seule au réveil dans un songe effacé.<br />

Repose-toi, mon âme, en ce <strong>de</strong>rnier asile,<br />

Ainsi qu’un voyageur, qui, le cœur plein d’espoir,<br />

S’assied avant d’entrer aux portes <strong>de</strong> la ville,<br />

Et respire un moment l’air embaumé du soir.<br />

Tes jours, sombres et courts comme <strong>de</strong>s jours d’automne,<br />

Déclinent comme l’ombre au penchant <strong>de</strong>s coteaux ;<br />

L’amitié te trahit, la pitié t’abandonne,<br />

Et, seule, tu <strong>de</strong>scends le sentier <strong>de</strong>s tombeaux.<br />

Mais la nature est là qui t’invite et qui t’aime ;<br />

Plonge-toi dans son sein qu’elle t’ouvre toujours ;<br />

Quand tout change pour toi, la nature est la même,<br />

Et le même soleil se lève sur tes jours.<br />

Elégie<br />

D’après un poème <strong>de</strong> Thomas Moore (1779-1852)<br />

Musique d’Henri Duparc<br />

Oh ! ne murmurez pas son nom !<br />

Qu’il dorme dans l’ombre, où froi<strong>de</strong> et sans honneur<br />

Repose sa dépouille.<br />

Muettes, tristes, glacées, tombent nos larmes,<br />

Comme la rosée <strong>de</strong> la nuit,<br />

Qui sur sa tête humecte le gazon ;<br />

Mais la rosée <strong>de</strong> la nuit, bien qu’elle pleure, qu’elle pleure<br />

En silence, fera briller la verdure sur sa couche, et nos larmes,<br />

En secret répandues,<br />

Conserveront sa mémoire fraîche et verte dans nos cœurs.<br />

1<br />

L’Invitation au voyage<br />

Poème <strong>de</strong> Charles Bau<strong>de</strong>laire (1821-1867)<br />

Musique d’Henri Duparc<br />

Mon enfant, ma sœur,<br />

Songe à la douceur<br />

D’aller là-bas vivre ensemble,<br />

Aimer à loisir,<br />

Aimer et mourir<br />

Au pays qui te ressemble.<br />

Les soleils mouillés<br />

De ces ciels brouillés<br />

Pour mon esprit ont les charmes<br />

Si mystérieux<br />

De tes traîtres yeux,<br />

Brillant à travers leurs larmes.<br />

Là, tout n’est qu’ordre et beauté,<br />

Luxe, calme et volupté.<br />

Vois sur ces canaux<br />

Dormir ces vaisseaux<br />

Dont l’humeur est vagabon<strong>de</strong> ;<br />

C’est pour assouvir<br />

Ton moindre désir<br />

Qu’ils viennent du bout du mon<strong>de</strong>.<br />

Les soleils couchants<br />

Revêtent les champs,<br />

Les canaux, la ville entière,<br />

D’hyacinthe et d’or ;<br />

Le mon<strong>de</strong> s’endort<br />

Dans une chau<strong>de</strong> lumière !<br />

Là, tout n’est qu’ordre et beauté,<br />

Luxe, calme et volupté.<br />

2


Lamento<br />

Poème <strong>de</strong> Théophile Gautier (1811-1872)<br />

Musique d’Henri Duparc<br />

Connaissez-vous la blanche tombe,<br />

Où flotte avec un son plaintif<br />

L’ombre d’un if ?<br />

Sur l’if une pâle colombe,<br />

Triste et seule au soleil couchant,<br />

Chante son chant :<br />

On dirait que l’âme éveillée<br />

Pleure sous terre à l’unisson<br />

De la chanson,<br />

Et du malheur d’être oubliée<br />

Se plaint dans un roucoulement<br />

Bien doucement.<br />

Ah ! jamais plus près <strong>de</strong> la tombe,<br />

Je n’irai, quand <strong>de</strong>scend le soir<br />

Au manteau noir,<br />

Ecouter la pâle colombe<br />

Chanter sur la branche <strong>de</strong> l’if<br />

Son chant plaintif.<br />

La Vie antérieure<br />

Poème <strong>de</strong> Charles Bau<strong>de</strong>laire (1821-1867)<br />

Musique d’Henri Duparc<br />

J’ai longtemps habité sous <strong>de</strong> vastes portiques<br />

Que les soleils marins teignaient <strong>de</strong> mille feux,<br />

Et que leurs grands piliers, droits et majestueux,<br />

Rendaient pareils, le soir, aux grottes basaltiques.<br />

Les houles, en roulant les images <strong>de</strong>s cieux,<br />

Mêlaient d’une façon solennelle et mystique<br />

Les tout puissants accords <strong>de</strong> leur riche musique<br />

Aux couleurs du couchant reflété par mes yeux...<br />

C’est là, c’est là que j’ai vécu dans les voluptés calmes<br />

Au milieu <strong>de</strong> l’azur, <strong>de</strong>s vagues, <strong>de</strong>s splen<strong>de</strong>urs,<br />

Et <strong>de</strong>s esclaves nus tout imprégnés d’o<strong>de</strong>urs<br />

Qui me rafraîchissaient le front avec <strong>de</strong>s palmes,<br />

Et dont l’unique soin était d’approfondir<br />

Le secret douloureux qui me faisait languir.<br />

Banalités<br />

Poèmes <strong>de</strong> Guillaume Apollinaire<br />

Musique <strong>de</strong> Francis Poulenc<br />

I. Chanson d’Orkenise<br />

Par les portes d’Orkenise<br />

Veut entrer un charretier.<br />

Par les portes d’Orkenise<br />

Veut sortir un va-nu-pieds.<br />

Et les gar<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la ville<br />

Courant sus au va-nu-pieds :<br />

« Qu’emportes-tu <strong>de</strong> la ville ?<br />

— J’y laisse mon cœur entier. »<br />

Et les gar<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la ville<br />

Courant sus au charretier :<br />

« Qu’apportes-tu dans la ville ?<br />

— Mon cœur pour me marier. »<br />

Que <strong>de</strong> cœurs dans Orkenise !<br />

Les gar<strong>de</strong>s riaient, riaient,<br />

3 4


Va-nu-pieds, la route est grise,<br />

L’amour grise, ô charretier.<br />

Les beaux gar<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la ville<br />

Tricotaient superbement ;<br />

Puis les portes <strong>de</strong> la ville<br />

Se fermèrent lentement.<br />

II. Hôtel<br />

Ma chambre a la forme d’une cage,<br />

Le soleil passe son bras par la fenêtre.<br />

Mais moi qui veux fumer pour faire <strong>de</strong>s mirages<br />

J’allume au feu du jour ma cigarette.<br />

Je ne veux pas travailler – je veux fumer.<br />

III. Fagnes <strong>de</strong> Wallonie<br />

Tant <strong>de</strong> tristesses plénières<br />

Prirent mon cœur aux fagnes désolées<br />

Quand las j’ai reposé dans les sapinières<br />

Le poids <strong>de</strong>s kilomètres pendant que râlait<br />

Le vent d’ouest.<br />

J’avais quitté le joli bois<br />

Les écureuils y sont restés<br />

Ma pipe essayait <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>s nuages<br />

Au ciel<br />

Qui restait pur obstinément.<br />

Je n’ai confié aucun secret sinon une chanson énigmatique<br />

Aux tourbières humi<strong>de</strong>s<br />

Les bruyères fleurant le miel<br />

Attiraient les abeilles<br />

Et mes pieds endoloris<br />

Foulaient les myrtilles et les airelles<br />

Tendrement mariée<br />

Nord<br />

Nord<br />

La vie s’y tord<br />

En arbres forts<br />

Et tors.<br />

La vie y mord<br />

La mort<br />

A belles <strong>de</strong>nts<br />

Quand bruit le vent<br />

IV. Voyage à Paris<br />

Ah ! la charmante chose<br />

Quitter un pays morose<br />

Pour Paris<br />

Paris joli<br />

Qu’un jour dût créer l’Amour.<br />

V. Sanglots<br />

Notre amour est réglé par les calmes étoiles<br />

Or nous savons qu’en nous beaucoup d’hommes respirent<br />

Qui vinrent <strong>de</strong> très loin et sont un sous nos fronts<br />

C’est la chanson <strong>de</strong>s rêveurs<br />

Qui s’étaient arraché le cœur<br />

Et le portaient dans la main droite ...<br />

Souviens-t’en cher orgueil <strong>de</strong> tous ces souvenirs<br />

Des marins qui chantaient comme <strong>de</strong>s conquérants.<br />

Des gouffres <strong>de</strong> Thulé, <strong>de</strong>s tendres cieux d’Ophir<br />

Des mala<strong>de</strong>s maudits, <strong>de</strong> ceux qui fuient leur ombre<br />

Et du retour joyeux <strong>de</strong>s heureux émigrants.<br />

De ce cœur il coulait du sang<br />

Et le rêveur allait pensant<br />

A sa blessure délicate…<br />

Tu ne briseras pas la chaîne <strong>de</strong> ces causes…<br />

… Et douloureuse et nous disait :<br />

… Qui sont les effets d’autres causes<br />

Mon pauvre cœur, mon cœur brisé<br />

Pareil au cœur <strong>de</strong> tous les hommes...<br />

Voici nos mains que la vie fit esclaves<br />

… Est mort d’amour ou c’est tout comme<br />

Est mort d’amour et le voici.<br />

Ainsi vont toutes choses<br />

Arrachez donc le vôtre aussi !<br />

Et rien ne sera libre jusqu’à la fin <strong>de</strong>s temps<br />

Laissons tout aux morts<br />

Et cachons nos sanglots<br />

5 6


Trois Jours <strong>de</strong> vendange<br />

Poème d’Alphonse Dau<strong>de</strong>t (1840-1897)<br />

Musique <strong>de</strong> Reynaldo Hahn<br />

Je l’ai rencontrée un jour <strong>de</strong> vendange,<br />

La jupe troussée et le pied mignon ;<br />

Point <strong>de</strong> guimpe jaune et point <strong>de</strong> chignon :<br />

L’air d’une bacchante et les yeux d’un ange.<br />

Suspendue au bras d’un doux compagnon,<br />

Je l’ai rencontrée aux champs d’Avignon,<br />

Un jour <strong>de</strong> vendange.<br />

Je l’ai rencontrée un jour <strong>de</strong> vendange.<br />

La plaine était morne et le ciel brûlant ;<br />

Elle marchait seule et d’un pas tremblant,<br />

Son regard brillait d’une flamme étrange.<br />

Je frisonne encore en me rappelant<br />

Comme je te vis, cher fantôme blanc,<br />

Un jour <strong>de</strong> vendange.<br />

Je l’ai rencontrée un jour <strong>de</strong> vendange,<br />

Et j’en rêve encore presque tous les jours.<br />

Le cercueil était couvert en velours,<br />

Le drap noir avait une double frange.<br />

Les sœurs d’Avignon pleuraient tout autour…<br />

La vigne avait trop <strong>de</strong> raisins ; l’amour<br />

A fait la vendange.<br />

Cimetière <strong>de</strong> campagne<br />

Poème <strong>de</strong> Gabriel Vicaire (1848-1900)<br />

Musique <strong>de</strong> Reynaldo Hahn<br />

J’ai revu le cimetière<br />

Du beau pays d’Ambérieux<br />

Qui m’a fait le cœur joyeux<br />

Pour la vie entière,<br />

Et sous la mousse et le thym,<br />

Près <strong>de</strong>s arbres <strong>de</strong> la cure,<br />

J’ai marqué la place obscure<br />

Où, quelque matin,<br />

Libre enfin <strong>de</strong> tout far<strong>de</strong>au,<br />

J’irai, tranquillement faire,<br />

Entre mon père et ma mère,<br />

Mon <strong>de</strong>rnier dodo.<br />

Pas d’épitaphe superbe,<br />

Pas le moindre tralala,<br />

Seulement, par-ci, par-là,<br />

Des roses dans l’herbe,<br />

Et <strong>de</strong> la mousse à foison,<br />

De la luzerne fleurie,<br />

Avec un bout <strong>de</strong> prairie<br />

A mon horizon !<br />

L’église <strong>de</strong> ma jeunesse,<br />

L’église au blanc badigeon,<br />

Où jadis, petit clergeon,<br />

J’ai servi la messe,<br />

L’église est encore là, tout près,<br />

Qui monte sa vieille gar<strong>de</strong><br />

Et, sans se troubler, regar<strong>de</strong><br />

Les rangs <strong>de</strong> cyprès.<br />

Entouré <strong>de</strong> tous mes proches,<br />

Sur le bourg, comme autrefois,<br />

J’entendrai courir la voix<br />

Légère <strong>de</strong>s cloches...<br />

Elles ont vu mes vingt ans!<br />

Et n’en sont pas plus moroses.<br />

Elles me diront <strong>de</strong>s choses<br />

Pour passer le temps.<br />

Mélodies persanes<br />

Poèmes d’Armand Renaud (1836-1895)<br />

Musique <strong>de</strong> Camille Saint-Saëns<br />

V. Au cimetière<br />

Assis sur cette blanche tombe<br />

Ouvrons notre cœur !<br />

Du marbre, sous la nuit qui tombe,<br />

Le charme est vainqueur.<br />

Au murmure <strong>de</strong> nos paroles,<br />

Le mort vibrera :<br />

Nous effeuillerons <strong>de</strong>s corolles<br />

Sur son Sahara.<br />

S’il eut, avant sa <strong>de</strong>rnière heure,<br />

7 8


L’amour <strong>de</strong> quelqu’un,<br />

Il croira, du passé qu’il pleure,<br />

Sentir le parfum.<br />

S’il vécut, sans avoir envie<br />

D’un cœur pour le sien,<br />

Il dira : J’ai perdu ma vie,<br />

N’ayant aimé rien.<br />

Toi, tu feras sonner, ma belle,<br />

Tes ornements d’or,<br />

Pour que mon désir ouvre l’aile<br />

Quand l’oiseau s’endort.<br />

Et sans nous tourmenter <strong>de</strong>s choses<br />

Pour mourir après,<br />

Nous dirons : Aujourd’hui les roses,<br />

Demain les cyprès !<br />

VI. Tournoiement, Songe d’opium<br />

Sans que nulle part je séjourne,<br />

Sur la pointe du gros orteil,<br />

Je tourne, je tourne, je tourne,<br />

A la feuille morte pareil.<br />

Comme à l’instant où l’on trépasse,<br />

La terre, l’océan, l’espace,<br />

Devant mes yeux troublés tout passe,<br />

Jetant une même lueur.<br />

Et ce mouvement circulaire,<br />

Toujours, toujours je l’accélère,<br />

Sans plaisir comme sans colère,<br />

Frissonnant malgré ma sueur.<br />

Dans les antres où l’eau s’enfourne,<br />

Sur les inaccessibles rocs,<br />

Je tourne, je tourne, je tourne,<br />

Sans le moindre souci <strong>de</strong>s chocs.<br />

Dans les forêts, sur les rivages;<br />

A travers les bêtes sauvages<br />

Et leurs émules en ravages,<br />

Les soldats qui vont sabre au poing,<br />

Au milieu <strong>de</strong>s marchés d’esclaves,<br />

Au bord <strong>de</strong>s volcans pleins <strong>de</strong> laves,<br />

9<br />

Chez les Mogols et chez les Slaves,<br />

De tourner je ne cesse point.<br />

Soumis aux lois que rien n’ajourne,<br />

Aux lois que suit l’astre en son vol,<br />

Je tourne, je tourne, je tourne,<br />

Mes pieds ne touchent plus le sol.<br />

Je monte au firmament nocturne,<br />

Devant la lune taciturne,<br />

Devant Jupiter et Saturne<br />

Je passe avec un sifflement,<br />

Et je franchis le Capricorne,<br />

Et je m’abîme au gouffre morne<br />

De la nuit complète et sans borne<br />

Où je tourne éternellement.<br />

Histoires naturelles<br />

Poème <strong>de</strong> Jules Renard (1864-1910)<br />

Musique <strong>de</strong> Maurice Ravel<br />

I. Le Paon<br />

Il va sûrement se marier aujourd’hui. Ce <strong>de</strong>vait être pour hier. En habit<br />

<strong>de</strong> gala, il était prêt. Il n’attendait que sa fiancée. Elle n’est pas venue.<br />

Elle ne peut tar<strong>de</strong>r. Glorieux, il se promène avec une allure <strong>de</strong> prince<br />

indien et porte sur lui les riches présents d’usage. L’amour avive l’éclat <strong>de</strong><br />

ses couleurs et son aigrette tremble comme une lyre. La fiancée n’arrive<br />

pas. Il monte au haut du toit et regar<strong>de</strong> du côté du soleil. Il jette son cri<br />

diabolique : Léon ! Léon ! C’est ainsi qu’il appelle sa fiancée. Il ne voit<br />

rien venir et personne ne répond. Les volailles habituées ne lèvent même<br />

point la tête. Elles sont lasses <strong>de</strong> l’admirer. Il re<strong>de</strong>scend dans la cour, si<br />

sûr d’être beau qu’il est incapable <strong>de</strong> rancune. Son mariage sera pour<br />

<strong>de</strong>main. Et, ne sachant que faire du reste <strong>de</strong> la journée, il se dirige vers<br />

le perron. Il gravit les marches, comme <strong>de</strong>s marches <strong>de</strong> temple, d’un pas<br />

officiel. Il relève sa robe à queue toute lour<strong>de</strong> <strong>de</strong>s yeux qui n’ont pu se<br />

détacher d’elle. Il répète encore une fois la cérémonie.<br />

II. Le Grillon<br />

C’est l’heure où, las d’errer, l’insecte nègre revient <strong>de</strong> promena<strong>de</strong> et répare<br />

avec soin le désordre <strong>de</strong> son domaine. D’abord il ratisse ses étroites allées<br />

<strong>de</strong> sable. Il fait du bran <strong>de</strong> scie qu’il écarte au seuil <strong>de</strong> sa retraite. Il lime<br />

la racine <strong>de</strong> cette gran<strong>de</strong> herbe propre à le harceler. Il se repose. Puis il<br />

remonte sa minuscule montre. A-t-il fini ? est-elle cassée ? Il se repose<br />

encore un peu. Il rentre chez lui et ferme sa porte. Longtemps il tourne<br />

10


sa clef dans la serrure délicate. Et il écoute : point d’alarme <strong>de</strong>hors. Mais<br />

il ne se trouve pas en sûreté. Et comme par une chaînette dont la poulie<br />

grince, il <strong>de</strong>scend jusqu’au fond <strong>de</strong> la terre. On n’entend plus rien. Dans<br />

la campagne muette, les peupliers se dressent comme <strong>de</strong>s doigts en l’air<br />

et désignent la lune.<br />

III. Le Cygne<br />

Il glisse sur le bassin, comme un traîneau blanc, du nuage en nuage. Car<br />

il n’a faim que <strong>de</strong>s nuages floconneux qu’il voit naître, bouger, et se perdre<br />

dans l’eau. C’est l’un d’eux qu’il désire. Il le vise du bec, et il plonge<br />

tout à coup son col vêtu <strong>de</strong> neige. Puis, tel un bras <strong>de</strong> femme sort d’une<br />

manche, il le retire. Il n’a rien. Il regar<strong>de</strong> : les nuages effarouchés ont<br />

disparu. Il ne reste qu’un instant désabusé, car les nuages tar<strong>de</strong>nt peu à<br />

revenir, et, là-bas, où meurent les ondulations <strong>de</strong> l’eau, en voici un qui<br />

se reforme. Doucement, sur son léger coussin <strong>de</strong> plumes, le cygne rame<br />

et s’approche… Il s’épuise à pêcher <strong>de</strong> vains reflets, et peut-être qu’il<br />

mourra, victime <strong>de</strong> cette illusion, avant d’attraper un seul morceau <strong>de</strong><br />

nuage. Mais qu’est-ce que je dis ? Chaque fois qu’il plonge, il fouille du<br />

bec la vase nourrissante et ramène un ver. Il engraisse comme une oie.<br />

IV. Le Martin-pêcheur<br />

Ça n’a pas mordu, ce soir, mais je rapporte une rare émotion. Comme je<br />

tenais ma perche <strong>de</strong> ligne tendue, un martin-pêcheur est venu s’y poser.<br />

Nous n’avons pas d’oiseau plus éclatant. Il semblait une grosse fleur bleue<br />

au bout d’une longue tige. La perche pliait sous le poids. Je ne respirais<br />

plus, tout fier d’être pris pour un arbre par un martin-pêcheur. Et je suis<br />

sûr qu’il ne s’est pas envolé <strong>de</strong> peur, mais qu’il a cru qu’il ne faisait que<br />

passer d’une branche à une autre.<br />

V. La Pinta<strong>de</strong><br />

C’est la bossue <strong>de</strong> ma cour. Elle ne rêve que plaies à cause <strong>de</strong> sa bosse. Les<br />

poules ne lui disent rien : brusquement, elle se précipite et les harcèle.<br />

Puis elle baisse sa tête, penche le corps, et, <strong>de</strong> toute la vitesse <strong>de</strong> ses<br />

pattes maigres, elle court frapper, <strong>de</strong> son bec dur, juste au centre <strong>de</strong> la roue<br />

d’une din<strong>de</strong>. Cette poseuse l’agaçait. Ainsi, la tête bleuie, ses barbillons à<br />

vif, cocardière, elle rage du matin au soir. Elle se bat sans motif, peut-être<br />

parce qu’elle s’imagine toujours qu’on se moque <strong>de</strong> sa taille, <strong>de</strong> son crâne<br />

chauve et <strong>de</strong> sa queue basse. Et elle ne cesse <strong>de</strong> jeter un cri discordant qui<br />

perce l’aire comme un pointe. Parfois elle quitte la cour et disparaît. Elle<br />

laisse aux volailles pacifiques un moment <strong>de</strong> répit. Mais elle revient plus<br />

turbulente et plus criar<strong>de</strong>. Et, frénétique, elle se vautre par terre. Qu’at-elle<br />

donc ? La sournoise fait une farce. Elle est allée pondre son œuf à<br />

la campagne. Je peux le chercher si ça m’amuse. Et elle se roule dans la<br />

poussière comme une bossue.<br />

À PROPOS DES ŒUVRES<br />

Charles Gounod (1818-1893)<br />

Le Vallon (Alphonse <strong>de</strong> Lamartine)<br />

Publiées en 1820, les Méditations poétiques passent pour la première<br />

pierre majeure du romantisme littéraire français. Dans ce recueil qui fit<br />

sa célébrité, Lamartine pose les jalons d’une sensibilité nouvelle, qui<br />

place l’individu – être complexe et fragile – au cœur du grand tout. Les<br />

Méditations évoquent à la première personne le souvenir d’un amour perdu<br />

(Elvire, <strong>de</strong>rrière laquelle on s’accor<strong>de</strong> à reconnaître Julie Charles), mais<br />

aussi la fuite inexorable du temps. A cette dimension, Le Vallon ajoute<br />

celle – si chère également aux romantiques allemands – <strong>de</strong> la communion<br />

avec une Nature bienveillante et secourable, dans laquelle l’âme blessée<br />

trouve son ultime refuge. Des seize quatrains composant le célèbre poème<br />

<strong>de</strong> Lamartine, Gounod n’en retient que six, qu’il groupe en <strong>de</strong>ux couplets.<br />

Par ce choix, il gomme l’aspect panthéiste du poème : l’essence divine <strong>de</strong><br />

cette Nature, évoquée dans la <strong>de</strong>rnière strophe (Dieu, pour le concevoir, a<br />

fait l’intelligence / Sous la nature enfin découvre son auteur ! / Une voix<br />

à l’esprit parle dans son silence, / Qui n’a pas entendu cette voix dans son<br />

cœur ?). La mélodie <strong>de</strong> Gounod compte parmi ses premières réussites<br />

dans le genre exigeant <strong>de</strong> la mélodie française, dont Ravel voyait en lui le<br />

véritable créateur. Elle naquit à Rome, lors d’un séjour à la Villa Médicis<br />

(1840-1842) où il se lia avec le peintre Ingres et avec Fanny Hensel,<br />

la sœur du compositeur Felix Men<strong>de</strong>lssohn. Par l’intermédiaire <strong>de</strong> cette<br />

<strong>de</strong>rnière, il découvrit <strong>de</strong> nombreux Lie<strong>de</strong>r allemands qui déclenchèrent<br />

une salve <strong>de</strong> compositions.<br />

Henri Duparc (1848-1933)<br />

Elégie (Thomas Moore)<br />

L’Invitation au voyage (Charles Bau<strong>de</strong>laire)<br />

Lamento (Théophile Gautier)<br />

La Vie antérieure (Charles Bau<strong>de</strong>laire)<br />

Dix-sept mélodies et une poignée d’œuvres instrumentales, c’est tout ce<br />

qui reste <strong>de</strong> l’œuvre d’Henri Duparc, génie fulgurant et tragique. Dès ses<br />

vingt ans, il fit une irruption remarquée sur la scène musicale en publiant<br />

cinq mélodies qu’il allait bientôt rejeter, n’en sauvant que Soupir et<br />

Chanson triste. Le reste <strong>de</strong> sa carrière ne fut qu’une succession <strong>de</strong> lentes<br />

compositions, <strong>de</strong> pénibles remaniements et <strong>de</strong> brutales <strong>de</strong>structions,<br />

jusqu’au mutisme total et définitif dont il s’ouvrit en ces termes, dans une<br />

lettre <strong>de</strong> 1904, à l’écrivain Francis Jammes : « Ne me parlez pas <strong>de</strong> génie.<br />

[…] J’ai fait quelques mélodies dans lesquelles j’ai simplement mis mon<br />

11 12


âme avec sincérité : c’est leur seul mérite. Maintenant la petite source est<br />

tarie, voilà tout : ça ne manque qu’à moi, mais ça me manque beaucoup.<br />

[…] Pour moi, la musique inspirée par une poésie n’a <strong>de</strong> raison d’être que<br />

si elle ajoute quelque chose à cette poésie, si elle la rend plus touchante pour<br />

les âmes qu’émeut l’expression musicale ; mais il y a <strong>de</strong>s poésies parfaites et<br />

qui sont tellement… pleines, dirais-je, que la musique – même la plus belle,<br />

même celle que je ne peux pas faire — ne peut que les diminuer. »<br />

En 1911, dans un ultime effort créateur, Duparc publia treize mélodies, les<br />

treize « autorisées ». Ce mo<strong>de</strong>ste corpus suffit à l’inscrire au Panthéon <strong>de</strong>s<br />

compositeurs <strong>de</strong> mélodies, tant y transparaît d’une personnalité humaine<br />

et artistique hors du commun. Intensément poétiques, sublimement<br />

musicales, ces pages sont rendues d’autant plus précieuses par leur<br />

rareté.<br />

Duparc ne pouvait que se reconnaître en Bau<strong>de</strong>laire, le poète maudit.<br />

Il porta en musique <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>s plus beaux sonnets <strong>de</strong>s Fleurs du mal, un<br />

troisième (Recueillement) ayant fait les frais <strong>de</strong> ses pulsions annihilatrices.<br />

Composée en 1870-1871, orchestrée vers 1892, L’Invitation au voyage<br />

compte certainement parmi les plus belles mélodies jamais écrites, avec<br />

son piano bruissant, ses lignes aspirées vers l’aigu, comme en une quête<br />

désespérée <strong>de</strong> lumière, et son refrain à l’immobilité radieuse : « Là, tout<br />

n’est qu’ordre, beauté / Luxe, calme et volupté. » Ecrite en 1884, orchestrée<br />

quelques années plus tard, remaniée dans la souffrance pour l’édition <strong>de</strong><br />

1911, La Vie antérieure semble plus déclamatoire, avec son tempo initial<br />

« Lent et solennel ». Peu à peu, le piano s’agite en troublantes polyphonies<br />

et entraîne la voix dans sa course exaltée. Après cette vision fugitive d’un<br />

paradis inatteignable, le retour <strong>de</strong> la première manière enferme le poème<br />

dans la souffrance du « secret douloureux ».<br />

Elégie, sur la traduction en prose d’un poème <strong>de</strong> Thomas Moore, naquit en<br />

1874. Les accords chargés et le chromatisme témoignent <strong>de</strong> l’admiration<br />

que Duparc vouait à Richard Wagner, dont il avait entendu la musique à<br />

Bayreuth dès 1869.<br />

Lamento, sur un poème <strong>de</strong> Gautier, est une autre merveille. Le<br />

dépouillement <strong>de</strong> ces lignes blafar<strong>de</strong>s, leur chromatisme insidieux<br />

traduisent admirablement le sinistre <strong>de</strong>s vers, à la beauté <strong>de</strong>squels Berlioz<br />

avait déjà succombé dans ses Nuits d’été (« Au cimetière »).<br />

Francis Poulenc (1899-1963)<br />

Banalités (Guillaume Apollinaire)<br />

Le talent <strong>de</strong> pianiste <strong>de</strong> Poulenc rejoignit son sens mélodique exceptionnel<br />

dans le corpus <strong>de</strong>s 137 mélodies – un ensemble <strong>de</strong>stiné, à partir <strong>de</strong> 1934,<br />

au duo qu’il forma à la ville comme à la scène avec le baryton Pierre<br />

Bernac. Depuis son adolescence, Poulenc se repaissait <strong>de</strong> poésie. Sa<br />

prédilection allait aux surréalistes, dont les vers laissaient une marge<br />

suffisante à l’expression <strong>de</strong> la musique. Il vouait à <strong>de</strong>ux d’entre eux une<br />

admiration particulière : « Si l’on mettait sur ma tombe : «Ci-gît Francis<br />

Poulenc, le musicien d’Apollinaire et d’Eluard», il me semble que ce serait<br />

mon plus beau titre <strong>de</strong> gloire », confia-t-il en 1945. Le timbre <strong>de</strong> la voix<br />

d’Apollinaire, explique Poulenc, « comme toute son œuvre, était à la fois<br />

mélancolique et joyeux. Il y avait parfois dans sa parole une pointe d’ironie,<br />

mais jamais le ton pince-sans-rire d’un Jules Renard. C’est pourquoi il faut<br />

chanter mes mélodies apollinariennes sans insister sur la cocasserie <strong>de</strong><br />

certains mots ».<br />

A leur manière pudique et charmeuse, les Banalités (1940) résument<br />

toute l’ambiguïté <strong>de</strong> Poulenc et Apollinaire, qui manient avec un art<br />

incomparable le coq-à-l’âne et l’amertume, la pu<strong>de</strong>ur et le sentimentalisme,<br />

toujours sur le fil du rasoir. Derrière l’aspect kaléidoscopique du cycle, on<br />

perçoit une forme en arche organisant habilement les contradictions. Au<br />

centre <strong>de</strong> l’édifice, « Fagnes <strong>de</strong> Wallonie » est le reflet d’une âme morne<br />

et secouée <strong>de</strong> bourrasques. De part et d’autre <strong>de</strong> ce cœur vibrant, Poulenc<br />

dispose <strong>de</strong>ux « récréations » : en secon<strong>de</strong> position la torpeur ouatée<br />

d’« Hôtel », éloge <strong>de</strong> la paresse à la lenteur fascinante ; en quatrième une<br />

valse-musette gouailleuse et faussement sentimentale, « Voyage à Paris ».<br />

Les mélodies extrêmes traitent <strong>de</strong> l’amour malheureux. La première,<br />

« Chanson d’Orkenise », adopte un ton ironique, sur fond d’une mélodie<br />

vaguement populaire. La <strong>de</strong>rnière, « Sanglots », est la plus développée <strong>de</strong>s<br />

cinq. Les brusques revirements <strong>de</strong> la musique soulignent la complexité du<br />

poème, où s’entrecroisent <strong>de</strong>ux voix : l’une sentencieuse et déclamatoire<br />

(principalement en alexandrins), l’autre lyrique et douloureuse (plutôt en<br />

octosyllabes).<br />

13 14


Reynaldo Hahn (1875-1947)<br />

Trois Jours <strong>de</strong> vendange (Alphonse Dau<strong>de</strong>t)<br />

Cimetière <strong>de</strong> campagne (Gabriel Vicaire)<br />

Reynaldo Hahn naquit à Caracas d’un père allemand et d’une mère<br />

vénézuélienne, d’origine espagnole. Sa nombreuse famille s’installa à<br />

Paris lorsqu’il avait quatre ans. C’est ainsi qu’il put <strong>de</strong>venir la coqueluche<br />

<strong>de</strong>s salons <strong>de</strong> la Belle Epoque. Ses mélodies firent l’admiration <strong>de</strong><br />

Mallarmé et <strong>de</strong> Proust, et cela <strong>de</strong>vrait suffire à écarter l’image <strong>de</strong> charmant<br />

compositeur <strong>de</strong> salon dont souffre généralement l’auteur <strong>de</strong> Ciboulette.<br />

Car, s’il exploita dans cette opérette une veine légère, il se révéla dans<br />

ses quelque cent vingt-cinq mélodies un auteur profond et inspiré. Ami<br />

<strong>de</strong>s poètes et <strong>de</strong>s écrivains, il était doué d’un sens inné du mot et <strong>de</strong><br />

la prosodie. Baryton au timbre lumineux, il avait l’art <strong>de</strong> traduire cette<br />

sensibilité en mélodies splendi<strong>de</strong>s et mélancoliques. Car Hahn, nous<br />

apprend Proust, avait « la voix la plus belle, la plus triste et la plus chau<strong>de</strong><br />

qui fut jamais ». Et, <strong>de</strong>rrière la séduction immédiate <strong>de</strong> ses mélodies, il<br />

est toujours une ombre qui plane.<br />

Composé en 1891, Trois jours <strong>de</strong> vendange est issu d’un recueil <strong>de</strong> Dau<strong>de</strong>t<br />

remontant à 1858, Les Amoureuses. Commencé dans le charme naïf d’une<br />

chanson populaire, cette mélodie s’infléchit progressivement vers une<br />

tristesse profon<strong>de</strong>, renforcée dans la <strong>de</strong>rnière strophe par l’irruption, dans<br />

l’aigu du piano, du « Dies iræ » <strong>de</strong> la Messe <strong>de</strong>s morts grégorienne : la<br />

jeune fille rencontrée par le poète est morte. Trois jours <strong>de</strong> vendange fut<br />

publié par l’éditeur Heugel en 1893 au sein d’un Recueils <strong>de</strong> chansons<br />

où figurait également Cimetière : autre œuvre troublante, évoquant la<br />

mort sans donner l’air d’y toucher, par petites touches inquiètes dans un<br />

discours tout <strong>de</strong> grâce et d’élégance.<br />

Camille Saint-Saëns (1835-1921)<br />

Mélodies persanes (extraits)<br />

Personnage éclectique, que passionnait l’astronomie autant que l’histoire<br />

ou l’acoustique, Camille Saint-Saëns fut un voyageur infatigable, et ses<br />

pas le portèrent à plusieurs reprises dans les pays du Maghreb et du<br />

Proche-Orient (il s’éteignit d’ailleurs à Alger). Il succomba plusieurs fois<br />

à la vague orientaliste qui submergea l’Europe occi<strong>de</strong>ntale à la fin du<br />

XIX e siècle et au début du XX e . C’est ainsi que <strong>de</strong> 1870 à 1872, tandis<br />

qu’il travaillait à son opéra japonais, La Princesse jaune (1871), il mit en<br />

musique six poèmes un peu pompeux d’Armand Renaud sous le titre <strong>de</strong><br />

Mélodies persanes. L’exotisme y reste discret : il s’agit <strong>de</strong> piquer l’intérêt<br />

d’un public <strong>de</strong> salon, et non <strong>de</strong> faire œuvre d’ethnomusicologue. Mais<br />

cette Perse <strong>de</strong> pacotille n’est pas sans charme, et Saint-Saëns en était<br />

si conscient qu’il retravailla ce cycle <strong>de</strong> six mélodies sous la forme d’un<br />

mélodrame pour alto, ténor, chœur et orchestre sous le titre <strong>de</strong> Nuits<br />

persanes.<br />

Maurice Ravel (1875-1937)<br />

Histoires naturelles (Jules Renard)<br />

L’étrangeté pudique <strong>de</strong>s Histoires naturelles <strong>de</strong> Jules Renard sied si<br />

bien à Ravel qu’on a peine à imaginer, aujourd’hui, la controverse que<br />

suscita la création <strong>de</strong> ce cycle, en 1907, salle Erard à Paris. Jane Bathori<br />

y était accompagnée par le jeune compositeur, que ce succès au parfum<br />

<strong>de</strong> scandale acheva <strong>de</strong> propulser sur le <strong>de</strong>vant <strong>de</strong> la scène. Debussy<br />

s’offusqua <strong>de</strong> ce qu’on pût tenter <strong>de</strong> faire <strong>de</strong> l’humour en musique, goûtant<br />

peu cette poésie pittoresque et elliptique qui fait ressembler les volatiles<br />

si fort aux humains. Le poète lui-même se désintéressa <strong>de</strong> ces mélodies,<br />

qu’il refusa d’entendre, jugeant l’entreprise extravagante.<br />

Peut-être les premiers auditeurs furent-ils décontenancés par certains<br />

figuralismes frisant en apparence la caricature. Mais si Ravel semble<br />

parfois forcer le trait, c’est qu’il est convaincu du rôle primordial dévolu<br />

à la musique : c’est à elle <strong>de</strong> prendre en charge les effets ironiques<br />

du poème, et certainement pas au chanteur <strong>de</strong> faire son histrion. Le<br />

compositeur avait pris soin <strong>de</strong> prévenir le poète, à en croire son amie<br />

Hélène Jourdan-Morhange : « Un jour qu’il <strong>de</strong>mandait à Ravel ce que la<br />

musique pouvait ajouter à ses poèmes, Ravel lui répondit : “Mon <strong>de</strong>ssein<br />

n’était pas d’y ajouter, mais d’interpréter... Dire avec <strong>de</strong> la musique ce<br />

que vous dites avec <strong>de</strong>s mots.”» Le piano vole donc souvent la ve<strong>de</strong>tte au<br />

chant, lequel se débat avec une prosodie parfois inattendue, qui ajoute<br />

subtilement au caractère décalé <strong>de</strong> l’œuvre.<br />

Mais, <strong>de</strong>rrière cette ironie <strong>de</strong> faça<strong>de</strong>, Ravel donne une interprétation<br />

plus profon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s textes en prose <strong>de</strong> Renard. Ces animaux, <strong>de</strong>rrière<br />

leurs défauts, sont étonnamment touchants. Chaque mélodie <strong>de</strong>vient un<br />

petit drame et, <strong>de</strong>rrière l’amusement, pointe l’attendrissement. Par leur<br />

imagerie animalière, leur cocasserie pathétique et absur<strong>de</strong>, leur charme<br />

simple et touchant, les Histoires naturelles préfigurent ce qui reste l’un<br />

<strong>de</strong>s grands chefs-d’œuvre <strong>de</strong> Ravel, la fantaisie lyrique L’Enfant et les<br />

Sortilèges (1919-1925), sur un livret <strong>de</strong> Colette.<br />

15 16


BIOGRAPHIES<br />

STÉPHANE DEGOUT<br />

BARYTON<br />

Après <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s au Conservatoire national supérieur <strong>de</strong> musique et <strong>de</strong><br />

danse <strong>de</strong> <strong>Lyon</strong> dans la classe <strong>de</strong> Margreet Honig, Stéphane Degout entre<br />

à l’Atelier lyrique <strong>de</strong> l’<strong>Opéra</strong> <strong>de</strong> <strong>Lyon</strong>, où il se perfectionne notamment<br />

avec Gary Magby.<br />

Il s’affirme sur la scène internationale dès ses débuts triomphaux au<br />

Festival d’Aix-en-Provence en 1999, dans le rôle <strong>de</strong> Papageno. Il se produit<br />

ensuite à l’<strong>Opéra</strong> national <strong>de</strong> Paris (La Bohème, La Flûte enchantée, Ariane<br />

à Naxos, Così fan tutte), à la Staatsoper <strong>de</strong> Berlin (Orfeo), au Théâtre<br />

royal <strong>de</strong> la Monnaie <strong>de</strong> Bruxelles (Orfeo, Così fan tutte), au Metropolitan<br />

Opera <strong>de</strong> New York (Roméo et Juliette) et au Festival <strong>de</strong> Salzbourg (Così<br />

fan tutte).<br />

Tout aussi renommé en concert et récital, Stéphane Degout se produit avec<br />

l’Orchestre philharmonique <strong>de</strong> Radio France et l’Orchestre national <strong>de</strong><br />

France.<br />

Dans les saisons à venir, Stéphane Degout fera ses débuts au Festival <strong>de</strong><br />

Glyn<strong>de</strong>bourne (Così fan tutte), et à l’<strong>Opéra</strong> royal <strong>de</strong> Covent Gar<strong>de</strong>n, à<br />

Londres (La Cenerentola). Il retournera au Metropolitan Opera (La Flûte<br />

enchantée) et à l’<strong>Opéra</strong> national <strong>de</strong> Paris (Les Noces <strong>de</strong> Figaro).<br />

Stéphane Degout travaille le répertoire du Lied et <strong>de</strong> la mélodie auprès <strong>de</strong><br />

Ruben Lifschitz et Hélène Lucas, et se produit régulièrement en récital.<br />

Il a fait ses débuts américains au Lincoln Center en février 2004, dans le<br />

cadre <strong>de</strong> la série <strong>de</strong> récitals Walter Rea<strong>de</strong>.<br />

Stéphane Degout est lauréat du concours Voix nouvelles 1998 et il est<br />

soutenu par The Singers Development Foundation. En 2002, il a obtenu<br />

le <strong>de</strong>uxième prix du Concours Plácido-Domingo/Operalia, et, en 2007, le<br />

prix Gabriel-Dussurget à Aix-en-Provence.<br />

HÉLÈNE LUCAS<br />

PIANO<br />

Hélène Lucas obtient en 1984 un second prix <strong>de</strong> piano au Conservatoire<br />

national supérieur <strong>de</strong> musique et <strong>de</strong> danse (CNSMD) <strong>de</strong> Paris, dans la classe<br />

<strong>de</strong> Dominique Merlet, ainsi qu’un premier prix <strong>de</strong> musique <strong>de</strong> chambre.<br />

Elle travaille ensuite l’accompagnement avec Angéline Pon<strong>de</strong>peyre au<br />

Conservatoire national <strong>de</strong> région <strong>de</strong> Rueil-Malmaison et Suzy Bossard au<br />

CNSMD <strong>de</strong> <strong>Lyon</strong>, obtenant <strong>de</strong>ux premiers prix à l’unanimité.<br />

Diplômée d’Etat pour l’accompagnement, elle enseigne au Conservatoire<br />

<strong>de</strong> Valence <strong>de</strong> 1984 à 1992 et entre ensuite, en tant que chef <strong>de</strong> chant, à<br />

l’Atelier lyrique <strong>de</strong> l’<strong>Opéra</strong> <strong>de</strong> <strong>Lyon</strong> puis au CNSMD <strong>de</strong> cette même ville,<br />

où elle est aujourd’hui l’assistante <strong>de</strong> Françoise Pollet.<br />

Hélène Lucas se perfectionne dans le Lied et la mélodie auprès <strong>de</strong> Ruben<br />

Lifschitz, dont elle accompagne plusieurs stages. Depuis lors, elle est la<br />

partenaire <strong>de</strong> chanteurs tels que Stéphane Degout, Laurent Alvaro, Karine<br />

Deshayes lors <strong>de</strong> récitals en France et à l’étranger. En 1995, elle enregistre<br />

avec Cyrille Gerstenhaber <strong>de</strong>s mélodies <strong>de</strong> Théodore Gouvy, CD qui reçoit<br />

un accueil très favorable <strong>de</strong> la critique musicale. L’abbaye <strong>de</strong> Royaumont<br />

fait souvent appel à elle pour collaborer à <strong>de</strong>s stages animés par <strong>de</strong>s<br />

artistes <strong>de</strong> renommée internationale.<br />

Sa complicité avec Stéphane Degout <strong>de</strong>puis plusieurs années leur a permis<br />

d’explorer un large répertoire <strong>de</strong> Lie<strong>de</strong>r et <strong>de</strong> mélodies et <strong>de</strong> se produire<br />

en récital au Théâtre du Châtelet, à l’Auditorium du Louvre, à l’<strong>Opéra</strong> <strong>de</strong><br />

Lausanne, dans le cadre du festival Octobre en Normandie ou au Lincoln<br />

Center <strong>de</strong> New York.<br />

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L'OPÉRA NATIONAL DE LYON REMERCIE POUR LEUR GÉNÉREUX SOUTIEN, LES ENTREPRISES<br />

MÉCÈNES ET PARTENAIRES<br />

Mécènes principaux<br />

Fondation d'entreprise La Poste<br />

Partenaire du projet Kaléidoscope<br />

2006-2009<br />

CIC <strong>Lyon</strong>naise <strong>de</strong> Banque<br />

Les jeunes à l’<strong>Opéra</strong><br />

Mécène fondateur<br />

Club Entreprises <strong>de</strong> l'<strong>Opéra</strong> <strong>de</strong> <strong>Lyon</strong><br />

Caisse <strong>de</strong>s Dépôts<br />

Partenaire <strong>de</strong>s<br />

Journées Portes Ouvertes<br />

Membre fondateur Membres associés Membres amis<br />

Partenaires d’échange Partenaires médias<br />

CONTACT GERSENDE DE PONTBRIAND<br />

Tél. : 04 72 00 45 38<br />

g<strong>de</strong>pontbriand@opera-lyon.com<br />

Rédaction Sophie Gretzel<br />

<strong>Opéra</strong> national <strong>de</strong> <strong>Lyon</strong><br />

Directeur général : Serge Dorny<br />

Place <strong>de</strong> la Comédie 69001 <strong>Lyon</strong><br />

0 826 305 325 (0,15€/ mn)<br />

fax + 33 (0) 4 72 00 45 46<br />

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L’<strong>Opéra</strong> national <strong>de</strong> <strong>Lyon</strong> est conventionné par le ministère <strong>de</strong> la Culture et <strong>de</strong> la Communication, la Ville<br />

<strong>de</strong> <strong>Lyon</strong>, le conseil régional Rhône-Alpes et le conseil général du Rhône.

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