RICHARD STRAUSS, FRANCIS POULENC ... - Opéra de Lyon

RICHARD STRAUSS, FRANCIS POULENC,
REYNALDO HAHN, OSCAR STRAUS

RICHARD STRAUSS (1864-1949)
● Einerlei (Uniformité), op. 69, n°1
● Der Stern (L’Etoile), op. 69, n°3
● Schlechtes Wetter (Mauvais temps), op. 69, n°5
● Ruhe, meine Seele (Repose-toi, mon âme), op. 27, n°1
● Das Rosenband (Le lien de roses), op. 36, n° 1
● Waldseligkeit (Félicité de la forêt), op. 49, n°1
● Zueignung (Dédicace), op. 10, n°1
FRANCIS POULENC (1899-1963)
● Voyage à Paris (extrait de Banalités)
● Montparnasse
● Hôtel (extrait de Banalités)
● A sa guitare
● Trois poèmes de Louise Lalanne :
Le Présent, Chanson, Hier
● Deux poèmes de Louis Aragon :
C, Fêtes Galantes
Entracte
REYNALDO HAHN (1874-1947)
● Rêverie
● Si mes vers avaient des ailes
● Chanson d’Automne
● C’est sa banlieue (extrait de Ciboulette)
● Air de la lettre (extrait de Mozart)
● C’est très vilain (extrait de O mon bel inconnu)
OSCAR STRAUS (1870-1954)
● Adieu mon amour adoré (extrait de Mariette)
● Jede Frau hat irgendeine Sehnsucht (Chaque femme a quelque désir)
● Warum soll eine Frau kein Verhältnis haben?
(Pourquoi une femme n’aurait-elle pas une liaison ?)
● Je ne suis pas ce que l’on pense (extrait des Trois Valses)
● C’est la saison d’amour (extrait des Trois Valses)
Felicity Lott, soprano
Graham Johnson, piano
Jeudi 10 avril 2008 à 20 heures 30

RICHARD STRAUSS
Einerlei
Texte de Achim von Arnim (1781-1831)
Ihr Mund ist stets derselbe,
Sein Kuß mir immer neu,
Ihr Auge noch dasselbe,
Sein freier Blick mir treu;
O du liebes Einerlei,
Wie wird aus dir so mancherlei !
Der Stern
Texte de Achim von Arnim (1781-1831)
Ich sehe ihn wieder den lieblichen Stern;
Er winket hernieder, er nahte mir gern;
Er wärmet und funkelt, je näher er kömmt,
Die andern verdunkelt, die Herzen beklemmt.
Die Haare im Fliegen er eilet mir zu,
Das Volk träumt von Siegen, ich träume von Ruh.
Die andern sich deuten die Zukunft daraus,
Vergangene Zeiten mir leuchten ins Haus.
Das ist ein schlechtes Wetter
Heinrich Heine (1797-1856)
Das ist ein schlechtes Wetter,
Es regnet und stürmt und schneit;
Ich sitze am Fenster und schaue
Hinaus in die Dunkelheit.
Da schimmert ein einsames Lichtchen,
Das wandelt langsam fort;
Ein Mütterchen mit dem Laternchen
Wankt über die Straße dort.
Ich glaube, Mehl und Eier
Und Butter kaufte sie ein;
Sie will einen Kuchen backen
Für’s große Töchterlein.
Die liegt zu Hause im Lehnstuhl
Und blinzelt schläfrig ins Licht;
Die goldnen Locken wallen
Über das süße Gesicht.
Uniformité
Texte de Achim von Arnim (1781-1831)
Sa bouche est toujours la même,
Son baiser m’est toujours nouveau,
Ses yeux sont toujours les mêmes,
Son regard franc m’est fidèle ;
O chère uniformité,
En toi quelle diversité !
L’Etoile
Texte de Achim von Arnim (1781-1831)
Je la vois à nouveau, l’étoile chérie ;
D’en haut elle me fait signe, elle vient près de moi ;
Elle réchauffe et scintillle, plus elle se rapproche
Les autres s’assombrissent, les cœurs se serrent.
Les cheveux aux vents, elle se hâte vers moi,
Les gens rêvent de victoire, je rêve de paix.
Les autres cherchent à y lire l’avenir,
Dans ma maison, les temps passés brillent pour moi.
Mauvais temps
Heinrich Heine (1797-1856)
Il fait mauvais temps,
Il pleut, il vente, il neige ;
Assis à la fenêtre, je regarde
Au-dehors, dans les ténèbres.
Là brille une petite lumière esseulée,
Qui s’éloigne lentement ;
Une maman et sa petite lanterne
Trottine là, dans la rue.
Je pense qu’elle a acheté
De la farine, des œufs, du beurre ;
Elle veut faire un gâteau
Pour sa grande fillette.
Celle-ci est à la maison dans un fauteuil
Ensommeillée, elle cligne des yeux, à la lumière ;
Ses boucles dorées ondulent
Sur son doux visage.
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Ruhe, meine Seele!
Texte de Karl Friedrich Henckell (1864-1929)
Nicht ein Lüftchen regt sich leise,
Sanft entschlummert ruht der Hain;
Durch der Blätter dunkle Hülle
Stiehlt sich lichter Sonnenschein.
Ruhe, ruhe, meine Seele,
Deine Stürme gingen wild,
Hast getobt und hast gezittert,
Wie die Brandung, wenn sie schwillt.
Diese Zeiten sind gewaltig,
Bringen Herz und Hirn in Not –
Ruhe, ruhe, meine Seele,
Und vergiß, was dich bedroht!
Das Rosenband
Texte de Friedrich Gottlieb Klopstock (1724-1803)
Im Frühlingsschatten fand ich sie,
Da band ich sie mit Rosenbändern:
Sie fühlt’ es nicht und schlummerte.
Ich sah sie an; mein Leben hing
Mit diesem Blick an ihrem Leben:
Ich fühlt’ es wohl und wußt’ es nicht.
Doch lispelt’ ich ihr sprachlos zu
Und rauschte mit den Rosenbändern.
Da wachte sie vom Schlummer auf.
Sie sah mich an; ihr Leben hing
Mit diesem Blick an meinem Leben,
Und um uns ward Elysium.
Waldseligkeit
Texte de Richard Dehmel (1863-1920)
Der Wald beginnt zu rauschen,
Den Bäumen naht die Nacht,
Als ob sie selig lauschen
Berühren sie sich sacht.
Und unter ihren Zweigen
Da bin ich ganz allein,
Da bin ich ganz dein eigen
Ganz nur dein
Repose-toi mon âme !
Texte de Karl Friedrich Henckell (1864-1929)
Il n’y pas un souffle d’air,
Dans un doux sommeil, le bois repose ;
Par les sombres frondaisons
Se glisse un clair rayon de soleil.
Paix, repose-toi mon âme,
Tu as traversé de rudes tempêtes
Tu as grondé, tu as tremblé
Comme la vague quand elle se brise.
Ces temps sont violents,
Qui mettent le cœur et l’esprit en détresse –
Paix, repose-toi mon âme,
Et oublie ce qui te menace !
Le lien de roses
Texte de Friedrich Gottlieb Klopstock (1724-1803)
Je la trouvai dans l’ombre du printemps,
Et je la liai avec des liens de roses ;
Elle ne le sentit pas, elle dormait.
Je la regardai ; ma vie était suspendue,
Par ce regard, à sa vie :
Je le sentais bien, je ne le savais point.
Mais muet je chuchotai à son oreille,
Et faisais murmurer les liens de roses.
Alors elle s’éveilla de son sommeil.
Elle me regarda ; sa vie était suspendue,
Par ce regard, à ma vie,
Autour de nous, ce fut le paradis.
Félicité de la forêt
Texte de Richard Dehmel (1863-1920)
La forêt commence à murmurer,
Alors que la nuit s’approche des arbres
Comme s’ils l’écoutaient, heureux
Les effleurer doucement.
Et sous leurs branches
Je suis tout seul,
Je suis tout à toi
Rien qu’à toi !
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Zueignung
Texte de Hermann von Gilm zu Rosenegg (1812-1864)
Ja, du weißt es, teure Seele,
Daß ich fern von dir mich quäle,
Liebe macht die Herzen krank,
Habe Dank.
Einst hielt ich, der Freiheit Zecher,
Hoch den Amethysten-Becher,
Und du segnetest den Trank,
Habe Dank.
Und beschworst darin die Bösen,
Bis ich, was ich nie gewesen,
heilig, heilig an’s Herz dir sank,
Habe Dank.
Dédicace
Texte de Hermann von Gilm zu Rosenegg (1812-1864)
Oui, tu le sais, chère âme,
Que loin de toi je me tourmente.
L’amour rend les cœurs malades,
Sois remerciée.
Jadis, assoiffé de liberté
Je levai haut le gobelet d’améthyste,
Et tu as béni le breuvage,
Sois remerciée.
Et tu as écarté les mauvais esprits
Jusqu’à ce que – je ne l’avais jamais fait –
Je repose saintement sur ton coeur,
Sois remerciée.
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FRANCIS POULENC
Voyage à Paris
Texte de Guillaume Apollinaire (1880-1918)
Ah ! la charmante chose
Quitter un pays morose
Pour Paris
Paris joli
Qu’un jour
dût créer l’Amour.
Ah ! la charmante chose
Quitter un pays morose
Pour Paris
Montparnasse
Texte de Guillaume Apollinaire
O porte de l’hôtel avec deux plantes vertes
Vertes qui jamais
Ne porteront de fleurs
Où sont mes fruits ? Où me planté-je ?
O porte de l’hôtel un ange est devant toi
Distribuant des prospectus
On n’a jamais si bien défendu la vertu
Donnez-moi pour toujours une chambre à la semaine
Ange barbu vous êtes en réalité
Un poète lyrique d’Allemagne
Qui voulez connaître Paris
Vous connaissez de son pavé
Ces raies sur lesquelles il ne faut pas que l’on marche
Et vous rêvez
D’aller passer votre Dimanche à Garches
Il fait un peu lourd et vos cheveux sont longs
Ô bon petit poète un peu bête et trop blond
Vos yeux ressemblent tant à ces deux grands ballons
Qui s’en vont dans l’air pur
À l’aventure
Hôtel
Texte de Guillaume Apollinaire.
Ma chambre a la forme d’une cage
Le soleil passe son bras par la fenêtre
Mais moi qui veux fumer pour faire des mirages,
J’allume au feu du jour ma cigarette
Je ne veux pas travailler je veux fumer
À sa guitare
Texte de Pierre de Ronsard (1524-1585)
Ma guitare, je te chante,
Par qui seule je déçois,
Je déçois, je romps, j’enchante
Les amours que je reçois.
Au son de ton harmonie
Je rafraîchis ma chaleur,
Ma chaleur, flamme infinie,
Naissante d’un beau malheur.
Trois poèmes de Louise Lalanne
(pseudonyme de Guillaume Apollinaire)
Le Présent
Si tu veux je te donnerai
Mon matin, mon matin gai
Avec tous mes clairs cheveux
Que tu aimes;
Mes yeux verts
Et dorés
Si tu veux,
Je te donnerai tout le bruit
Qui se fait
Quand le matin s’éveille
Au soleil
Et l’eau qui coule
Dans la fontaine
Tout auprès!
Et puis encor le soir qui viendra vite
Le soir de mon âme triste
A pleurer
Et mes mains toutes petites
Avec mon coeur qu’il faudra près du tien
Garder.
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Chanson
Les myrtilles sont pour la dame
Qui n’est pas là
La marjolaine est pour mon âme
Tra-la-la!
Le chèvrefeuille est pour la belle
Irrésolue.
Quand cueillerons-nous les airelles
Lanturlu.
Mais laissons pousser sur la tombe,
O folle! O fou!
Le romarin en touffes sombres
Laïtou
Hier
Hier, c’est ce chapeau fané
Que j’ai longtemps traîné.
Hier, c’est une pauvre robe
Qui n’est plus à la mode.
Hier, c’était le beau couvent
Si vide maintenant
Et la rose mélancolie
Des cours de jeunes filles
Hier, c’est mon cœur mal donné
Une autre, une autre année !
Hier, n’est plus, ce soir, qu’une ombre
Près de moi dans ma chambre.
C
Texte de Louis Aragon (1897-1982)
J’ai traversé les ponts de Cé
C’est là que tout a commencé
Une chanson des temps passés
Parle d’un chevalier blessé
D’une rose sur la chaussée
Et d’un corsage délacé
Du chateau d’un duc insensé
Et des cygnes dans les fossés
De la prairie où vient danser
Une éternelle fiancée
Et j’ai bu comme un lait glacé
Le long lai des gloires faussées
La Loire emporte mes pensées
Avec les voitures versées
Et les armes désamorcées
Et les larmes mal effacées
Ô ma France, ô ma délaissée
J’ai traversé les ponts de Cé
Fêtes galantes
Texte de Louis Aragon
On voit des marquis sur des bicyclettes
On voit des marlous en cheval-jupon
On voit des morveux avec des voilettes
On voit des pompiers brûler les pompons
On voit des mots jetés à la voirie
On voit des mots élevés au pavois
On voit les pieds des enfants de Marie
On voit le dos des diseuses à voix
On voit des voitures à gazogène
On voit aussi des voitures à bras
On voit des lascars que les longs nez gênent
On voit des coïons de dix-huit carats.
On voit ici ce que l’on voit ailleurs
On voit des demoiselles dévoyées
On voit des voyous, on voit des voyeurs
On voit sous les ponts passer des noyés
On voit chômer les marchands de chaussures
On voit mourir d’ennui les mireurs d’œufs
On voit péricliter les valeurs sûres
Et fuir la vie à la six-quatre-deux
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REYNALDO HAHN
Rêverie
Texte de Victor Hugo (1802-1885)
Puisqu’ici-bas toute âme
Donne à quelqu’un
Sa musique, sa flamme,
Ou son parfum ;
Puisqu’ici chaque chose
Donne toujours
Son épine ou sa rose
A ses amours ;
Puisqu’avril donne aux chênes
Un bruit charmant ;
Que la nuit donne aux peines
L’oubli dormant.
Puisque l’air à la branche
Donne l’oiseau ;
Que l’aube à la pervenche
Donne un peu d’eau ;
Puisque, lorsqu’elle arrive
S’y reposer,
L’onde amère à la rive
Donne un baiser ;
Je te donne, à cette heure,
Penché sur toi,
La chose la meilleure
Que j’ai en moi !
Reçois donc ma pensée,
Triste d’ailleurs,
Qui, comme une rosée,
T’arrive en pleurs !
Reçois mes voeux sans nombre,
O mes amours !
Reçois la flamme ou l’ombre
De tous mes jours !
Mes transports pleins d’ivresses,
Purs de soupçons,
Et toutes les caresses
De mes chansons !
Mon esprit qui sans voile
Vogue au hasard,
Et qui n’a pour étoile
Que ton regard !
Ma muse, que les heures
Bercent rêvant
Qui, pleurant quand tu pleures,
Pleure souvent !
Reçois, mon bien céleste,
O ma beauté,
Mon coeur, dont rien ne reste,
L’amour ôté !
Si mes vers avaient des ailes,
Texte de Victor Hugo
Mes vers fuiraient, doux et frêles,
Vers votre jardin si beau,
Si mes vers avaient des ailes,
Des ailes comme l’oiseau.
Ils voleraient, étincelles,
Vers votre foyer qui rit,
Si mes vers avaient des ailes,
Des ailes comme l’esprit.
Près de vous, purs et fidèles,
Ils accourraient, nuit et jour,
Si mes vers avaient des ailes,
Des ailes comme l’amour !
Chanson d’automne
Texte de Paul Verlaine (1844-1896)
Les sanglots longs
Des violons
De l’automne
Blessent mon coeur
D’une langueur
Monotone.
Tout suffocant
Et blême, quand
Sonne l’heure,
Je me souviens
Des jours anciens,
Et je pleure
Et je m’en vais
Au vent mauvais
Qui m’emporte
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Deçà, delà,
Pareil à la
Feuille morte...
C’est sa banlieue…
Extrait de Ciboulette.
Livret de Robert de Flers et Francis de Croisset.
Y’a des arbres, des maisons,
Y’a l’église et la mairie.
Y’a des filles, des garçons,
Y’a tout c’qui faut pour qu’on s’marie.
On n’y jargonne aucun patois,
La grand’ville est à quelques lieues !
Mi parisien, mi villageois,
C’est pas Paris, c’est sa banlieue.
Quand on s’aim’ c’est pour toujours,
La campagne c’est plein d’innocence !
Mais parfois ça n’dure pas huit jours :
La grand’ville, c’est plein d’inconstance !
Alors ça fait un compromis :
On cultive la p’tit’ fleur bleue,
On la cueille en changeant d’ami :
C’est pas l’amour, c’est sa banlieue.
Pourtant y’a bien des rancœurs,
Plus d’un pleure et s’ mont’ la tête.
A la campagne les pein’ de cœur
Durent plus longtemps car on s’embête !
Mais c’est si près, si gai, Paris,
Que l’souci fait tête à queue :
Sam’di l’on pleure, dimanch’ l’on rit !
C’est pas l’chagrin, c’est sa banlieue.
Air de la lettre
Extrait de Mozart.
Livret de Sacha Guitry
« Depuis ton départ, mon amour,
Depuis, hélas, de si longs jours,
Ma pensée ne te quitte pas. »
C’est de ma fiancée
Que j’ai laissée là-bas.
« Porte-toi bien, travaille bien
Et puis aussi amuse-toi, certainement.
Mais, je t’en prie, quand tu m’écris,
Dis-moi toujours que tu t’ennuies
Horriblement !
Depuis ton départ, mon amour,
Ta pensée ne me quitte pas. »
C’est très vilain d’être infidèle
Extrait de O mon bel inconnu.
Livret de Sacha Guitry
C’est très vilain d’être infidèle,
C’est infâme, c’est révoltant :
Voilà la chose sur laquelle
On est d’accord depuis longtemps.
Bien entendu !
D’ailleurs, c’est plus que révoltant,
C’est défendu.
C’est bien pour ça que c’est tentant.
Ah ! pauvres femmes que nous sommes,
Bien plus à plaindre qu’à blâmer,
Toujours à la merci des hommes.
Nous ne désirons qu’être aimées,
Et c’est ce qui parfois nous fait tomber
Sur Dieu sait qui.
Et c’est pour ça… et c’est pour ça que c’est exquis !
La conséquence de la chose –
Chagrin, remords, honte et douleur –
Auxquels l’infidèle s’expose,
Ah ! nous les connaissons par cœur.
Et nous savons ce que bien souvent nous perdons
Quand nous tombons.
Mais c’est pour ça… mais c’est pour ça que c’est si bon !
Combien de femmes à ma place,
Courageuses, ont résisté,
Mais qui plus tard – trop tard hélas ! –
Cruellement l’ont regretté.
Car les saisons ça passe
Et rien ne peut les arrêter.
Et c’est en vain qu’on crie : hélas !
L’automne vient après l’été !
Moi je ne veux pas vous connaître ;
Pleurs superflus, vains regrets.
Je ne veux pas, un jour, peut-être,
Me dire : pourquoi ne l’ai-je pas fait ?
Ce serait trop bête en effet…
Et c’est pour ça… et c’est pour ça que je le fais !
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OSCAR STRAUS
Valse des adieux
Texte de Sacha Guitry (1885-1957)
Adieu mon amour adoré,
Vous voyez, je tiens ma promesse !
Adieu mon amour adoré,
C’est l’air des adieux dans la pièce.
Puisqu’un jour on s’était juré
De se dire adieu sans pleurer,
Ne pleurons pas ni l’un ni l’autre.
Retirez de mes mains vos mains,
Laissez-moi passer mon chemin
Puisque vous poursuivez le vôtre !
Va-t’en sans bruit bien doucement
Car je voudrais chanter encore et te parler
Quand bien même déjà tu t’en serais allé,
Mon cher amant ! N’es-tu plus là,
Je n’ose pas me retourner
Pour te donner
Notre dernier baiser,
Je n’ose. Ah !
Jede Frau hat eine irgendeine Sehnsucht
Texte de Alfred Grünwald (1884-1951)
Wer weiß, was eine Frau sich denkt,
Wenn sie den Blick auch züchtig senkt,
Wenn noch so unnahbar sie dir von Fern’ erscheint.
Und sie ist noch so tugendrein,
Sagt sie auch immer wieder nein,
Wer weiß genau ob sie es wirklich auch so meint!
Jede Frau hat eine irgendeine Sehnsucht
Und einen Wunsch in Herzen ganz geheim,
Jede sucht das Glück und ihren Träumen
Und auf das Wörtchen « Liebe » einen Reim.
Jede Frau träumt einmal von der Sünde,
Von der schönsten Nacht, die kommen muß,
Jede Frau hat eine irgendeine Sehnsucht
Nach einem süßen und verbot’nen Kuß!
Wer kennt die Seele einer Frau ?
Man weiß ja leider nie genau,
Was in der Tiefe ihres Herzens sie bewegt!
Ruft sie empört “jamais” und “nie”, wer weiß,
Ob letzten Endes sie im Augenblick sich nicht
Chaque femme a quelque désir
Texte de Alfred Grünwald (1884-1951)
Qui sait ce que pense une femme,
Quand elle baisse pudiquement le regard,
Quand elle semble lointaine, si inaccessible.
Et même si elle est une vierge de vertu,
Même si elle répète toujours, non,
Qui sait exactement si elle le pense vraiment !
Chaque femme a quelque désir
Dans le cœur, un désir très secret,
Chacune, dans ses rêves, cherche le bonheur
Et une rime au petit mot « Amour ».
Chaque femme, une fois, rêve du péché,
De la plus belle nuit, qui doit arriver,
Chaque femme a quelque désir
D’un doux baiser interdit !
Qui connaît l’âme d’une femme ?
On ne sait pas vraiment hélas
Ce qui la touche au fond du cœur.
Si elle s’emporte et crie « jamais », qui sait
Si à la fin, elle ne va pas
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Die Sache überlegt!
Jede Frau hat eine irgendeine Sehnsucht
Und einen Wunsch im Herzen ganz geheim,
Jede sucht das Glück in ihren Träumen
Und auf das Wörtchen “Liebe” einen Reim.
Jede Frau träumt einmal von der Sünde,
Von der schönsten Nacht, die kommen muß,
Jede Frau hat eine irgendeine Sehnsucht
Nach einem süßen und verbot’nen Kuß!
Warum soll eine Frau kein Verhältnis haben?
Texte de Alfred Grünwald (1884-1951)
Was so die Gesellschaft redet zwischen Lunch und Dinner,
Nachmittags beim Five o’clock von Madame X und Madame U!
Am besten ist’s, man hör den Leuten gar nicht zu.
Die hat ihren Mann betrogen, die ist dem Chauffeur gewogen,
Und man urteilt ganz en bloc; mit Mister Z ist sie intim,
Er hat mit ihr etwas und sie hat was mit ihm.
Warum soll eine Frau kein Verhältnis haben?
Ist sie hübsch, wird man sagen: Na, die muß doch eins haben,
Na, die muß doch eins haben’s wär’ zu dumm!
Ja, und wenn man schon so redet und sie hat keins,
Na, dann ist es doch viel besser gleich, si hat eins!
Warum soll eine Frau kein Verhältnis haben?
Können Sie mir sagen: Warum?
Man lacht diskret und maliziös und so entsteht die ganze
« Chronique scandaleuse! »
Kennen Sie Frau Ypsilon, die große schlanke Blonde?
Wissen Sie, was man da sagt? Sie hat ‘ nen Mann,
Sie hat’ nen Freund und einen Onkel, der es sehr gut mit ihr meint.
Dann hat sie’ nen Löwenjäger
und sucht einen Ordenträger;
Donnerwetter, der Konsum!
Man sagt ihr nah, man tratscht herum:
Die ist doch außerdem ein bißchen anders’ rum.
Warum soll eine Frau kein Verhältnis haben?
Ist sie hübsch, wird man sagen: Na, die muß doch eins haben,
Na, die muß doch eins haben’s wär’ zu dumm!
Ja, und wenn man schon so redet und sie hat keins,
Na, dann ist es doch viel besser gleich, sie hat eins!
Warum soll eine Frau kein Verhältnis haben?
Können Sie mir sagen: Warum?
Man lacht diskret und maliziös und so entsteht die ganze
« Chronique scandaleuse ! »
Changer d’avis !
Chaque femme a quelque désir
Dans le cœur, un désir très secret,
Chacune, dans ses rêves, cherche le bonheur
Et une rime au petit mot « Amour ».
Chaque femme, une fois, rêve du péché,
De la plus belle nuit, qui doit arriver,
Chaque femme a quelque désir
D’un doux baiser interdit !
Pourquoi une femme n’aurait-elle pas une liaison ?
Texte de Alfred Grünwald (1884-1951)
Qu’est-ce que les gens parlent entre le lunch et le dîner,
L’après-midi, à l’heure du thé, de Madame X et Madame U !
Le mieux est de ne pas les écouter.
Celle-ci a trompé son mari, celle-là aime son chauffeur,
Et l’on juge en bloc : elle est intime avec Mister Z,
Entre lui et elle, entre elle et lui, il y a quelque chose.
Pourquoi une femme n’aurait-elle pas une liaison ?
Si elle est belle, on dira : bon, elle doit en avoir une,
Bon, elle doit en avoir une, ce serait trop bête !
Oui, et si l’on parle ainsi et qu’elle n’en a pas,
Eh bien, ce serait bien mieux qu’elle en ait une !
Pourquoi une femme n’aurait-elle pas une liaison ?
Pouvez-vous me dire : pourquoi ?
On rit sous cape, malicieusement et ainsi naît la
Chronique scandaleuse !
Connaissez-vous Madame Y, la grande blonde élancée ?
Savez-vous ce qu’on dit ? Elle a un mari,
Elle a un ami et un oncle avec qui elle s’entend très bien.
Elle a aussi un chasseur de lions
Et recherche un médaillé ;
Tonnerre de Dieu, qu’est-ce qu’elle consomme !
On la dit intime, on bavarde à son sujet :
De plus, elle n’est pas tout à fait comme les autres.
Pourquoi une femme n’aurait-elle pas une liaison ?
Si elle est belle, on dira : bon, elle doit en avoir une,
Bon, elle doit en avoir une, ce serait trop bête !
Oui, et si l’on parle ainsi et qu’elle n’en a pas,
Eh bien, ce serait bien mieux qu’elle en ait une !
Pourquoi une femme n’aurait-elle pas une liaison ?
Pouvez-vous me dire : pourquoi ?
On rit sous cape, malicieusement et ainsi naît la
Chronique scandaleuse !
17 18

Je ne suis pas ce que l’on pense
Extrait des Trois valses.
Livret de Léopold Marchand et Albert Willemetz.
Que voulez-vous c’est obligé, par mon contrat je dois changer mes habitudes
Car malgré soi pour s’imposer il faut savoir se composer une attitude
Je ne suis pas ce que l’on pense
Je ne suis pas ce que l’on dit
Au cinéma, pour qu’on vous lance, être soi-même c’est interdit
Alors pour être dans l’ambiance, à chaque instant je m’étudie
Moi si rieuse, je dois jouer à la poseuse pour me poser
Mais je vous jure que ma nature a du mal à se maîtriser
On dit que j’ai des exigences, on pense que je fais des chichis
Je ne suis pas ce que l’on pense
Je ne suis pas ce que l’on dit
Quand je suis dans l’intimité, je reprends ma simplicité
J’en suis heureuse, je vis pour moi, je m’appartiens
Mais au studio, je redeviens l’enquiquineuse
Je ne suis pas ce que l’on pense
Je ne suis pas ce que l’on dit
Au cinéma quelle existence, être soi-même c’est interdit
Pour se donner de l’importance, il faut bluffer, ça réussit
Sur mon visage, je me compose un maquillage dur et moqueur
Pour que l’on m’aime, je dois de même, maquiller aussi tout mon corps
Ce n’est rien que pour l’apparence, qu’au fond je joue la comédie
Je ne suis pas ce que l’on pense
Je ne suis pas ce que l’on dit
C’est la saison d’amour
Extrait des Trois valses.
Livret de Léopold Marchand et Albert Willemetz.
Oui je suis, je m’en rends compte
En retard et j’en ai honte
Mais il faut que je vous conte
Ce qui vient de m’arriver
Je passais aux Tuileries
Quand dans une allée fleurie
Une voix s’est élevée
A moins que j’aie rêvé
Une voix qui me berçait
Et tout bas me disait :
C’est la saison d’amour
C’est le joyeux retour
Du soleil, du muguet, du lilas
Viens profiter de tout cela !
Viens fêter les beaux jours !
Car les beaux jours sont courts
Souviens-toi que plaisir d’amour
Ne dure pas toujours.
La chanson était si belle
Que ramiers et tourterelles
L’ont soudain reprise en cœur
Pour mieux troubler mon cœur
Et la voix qui m’enchantait
En me suivant chantait :
C’est la saison d’amour
C’est le joyeux retour
Du soleil, du muguet, du lilas
Viens profiter de tout cela !
Viens fêter les beaux jours !
Car les beaux jours sont courts
Souviens-toi que plaisir d’amour
Ne dure pas toujours.
19 20

NOTES SUR LES COMPOSITEURS ET LES ŒUVRES
RICHARD STRAUSS
Son amour pour la voix humaine – pour la voix féminine en particulier –
Strauss le montre dans son œuvre : ses opéras, bien sûr, mais aussi le corpus
constitué par plus de deux cents lieder. Tout au long de sa vie, parallèlement
à la composition de ses grands poèmes symphoniques et de ses opéras, il se
consacre à ces formes brèves, ces miniatures ; de 1870 à 1949, l’année où il
pose définitivement la plume avec les Quatre Derniers Lieder.
« Strauss, on y insiste, a donné par ailleurs, à l’orchestre, à l’opéra, assez de
preuves de sa hardiesse (s’agissant des thèmes) et de son jusqu’au-boutisme
(s’agissant du traitement des instruments, y compris la voix), pour qu’on
comprenne la sorte de congé qu’il donne à sa muse quand il reprend sa plume
et sa sensibilité d’auteur de lieder ; (…) prenant un doux plaisir et tâchant
d’en répandre autour de lui d’aussi grands. Les lieder de Strauss sont une
leçon de bonheur et de bienséance dans un monde qui est en train de casser
le bonheur et de moquer les bienséances. » (André Tubeuf in L’Offrande
musicale. Robert Laffont. 2007)
Einerlei (Uniformité), Der Stern (L’Etoile) et Schlechtes Wetter
(Mauvais temps) sont extraits des Fünf kleine Lieder (Cinq petits lieder) que
Strauss compose en 1918 sur des textes d’Achim von Arnim (1781-1831).
Dans Einerlei, la voix et le piano rivalisent de charme pour évoquer cette
bouche et ce regard aimés – toujours les mêmes, toujours nouveaux. Der
Stern, évoque le passage d’une comète en 1811, à la manière d’une chanson
populaire. Pour Schlechtes Wetter, le piano décrit la pluie, la grêle, la neige,
évoque la lumière isolée de la lanterne de la mère puis les cheveux blonds et
bouclés de la fille. Le lied se termine par un motif de valse.
Ruhe meine Seele (Repose-toi mon âme) fait partie du bouquet de l’opus 27 :
quatre lieder offerts en 1894 par Strauss en cadeau de mariage à sa femme, le
soprano Pauline de Ahna, qui sera aussi sa partenaire de récital privilégiée.
« Sur des accords sombres mystérieux, soutenus et lents, la voix semble flotter
en état d’apesanteur. La musique traduit à merveille l’immobilité de l’air. »
Un crescendo et le grondement des graves évoquent les turbulences de la vie
avant l’apaisement final : « le piano égrène des notes à l’infini, vers l’aigu. »
En 1897, sur un texte de Klopstock que Schubert, avait déjà mis en musique,
Strauss réalise avec Der Rosenband (Le lien de roses) « un bijou musical
aux harmonies sensuelles, aux modulations enjôleuses, au piano caressant, à
la ligne vocale se déployant splendidement. » L’évocation finale du paradis
« laisse libre cours à une de ces cantilènes-vocalises adorables dont Strauss
parsèmera ses opéras. »
Waldseligkeit (Félicité de la forêt) fait partie de l’opus 49 : huit lieder
composés en 1901 et parmi les plus beaux de Strauss. Ce lied, sur un
texte de Richard Dehmel, l’auteur de La Nuit transfigurée, évoque déjà les
Quatre Derniers Lieder ; Strauss en donne une version orchestrale en 1918.
Waldseligkeit est un « nocturne grave », au sein duquel « la voix ample, aux
longues tenues, donne l’impression de l’éternité. »
Composé en 1885, Zueignung (Dédicace) est le premier de l’opus 10 de
l’œuvre de Strauss : Acht Gedichte aus « Letzte Blätter » von Gilm (Huit
poèmes de Dernières Feuilles de von Gilm). L’amoureux souffre, loin de celle
qu’il aime. Lied passionné et fervent, Zueignung est construit par strophes
« librement variées », du calme initial à l’exaltation finale (en ut majeur), en
passant par un lyrique religioso.
FRANCIS POULENC
« Le talent de pianiste Poulenc rejoignit son sens mélodique exceptionnel
dans le corpus des 137 mélodies – un ensemble destiné, à partir de 1934,
au duo qu’il forma à la ville comme à la scène avec le baryton Pierre Bernac.
Depuis son adolescence, Poulenc se repaissait de poésie. Sa prédilection allait
aux surréalistes, dont les vers laissaient une marge suffisante à l’expression
de la musique. Il vouait à deux d’entre eux une admiration particulière : « Si
l’on mettait sur ma tombe : «Ci-gît Francis Poulenc, le musicien d’Apollinaire
et d’Eluard», il me semble que ce serait mon plus beau titre de gloire », confiat-il
en 1945.
A leur manière pudique et charmeuse, les Banalités (1940) résument toute
l’ambiguïté de Poulenc et Apollinaire, qui manient avec un art incomparable
le coq-à-l’âne et l’amertume, la pudeur et le sentimentalisme, toujours sur
le fil du rasoir. » Voyage à Paris et Hôtel forment, dans ce cycle de cinq
mélodies, quelque chose qui ressemble à des « récréations » : Hôtel et
sa « torpeur ouatée, éloge de la paresse à la lenteur fascinante ; Voyage à
Paris, une valse-musette gouailleuse et faussement sentimentale. » (Sophie
Gretzel).
Dans Montparnasse, Guillaume Apollinaire se souvient de son arrivée à Paris,
alors qu’il venait d’Allemagne. Poulenc met le texte en musique en pensant
aux peintres du Montparnasse d’alors, Picasso, Braque, Modigliani… « Des
images confuses prennent d’assaut le poète en quête d’identité et de rêves ;
images heureuses et douces sur lesquelles la musique semble vagabonder
librement. » Quatre ans furent nécessaires à Poulenc pour synthétiser et
traduire en musique ce que lui suggérait le poème, et pour composer ce qu’il
considérait comme une de ses meilleurs mélodies.
Composé en 1935, A sa guitare, sur un texte de Ronsard, est une mélodie de
Poulenc rarement entendue. Dix ans auparavant, le compositeur avait donné
un recueil de cinq mélodies s’inspirant déjà du grand poète français de la
Renaissance.
21 22

Les Trois poèmes de Louise Lalanne : Louise Lalanne n’a jamais existé
et ces poèmes – fruits d’une mystification littéraire – sont de Guillaume
Apollinaire et surtout, semble-t-il, extraits des « cahiers de jeune fille » de
Marie Laurencin qui vivait alors avec le poète.
Inspiré – dit Poulenc lui-même – par le finale de la Sonate funèbre de Chopin,
Le Présent est d’une écriture véloce « une cavalcade » où la chanteuse doit
donner l’impression d’intensité d’un souffle court. »
Chanson ressemble à une comptine, une « chanson à compter : Am-stramgram,
pic-et-pic-et co-lé-gram » selon Poulenc. Rythme imperturbable,
« à jouer follement vite », pour une mélodie à la fois gaie, nerveuse et
insouciante.
« J’ai songé à un intérieur peint par Vuillard. Si on pense bien aux mots que
l’on dit, la couleur viendra d’elle-même. » dit Poulenc en évoquant Hier, une
mélodie teintée de douceur et de nostalgie.
Les Deux poèmes de Louis Aragon sont les deux seules mélodies composées
par Poulenc sur des textes du grand poète communiste français.
C est une déploration, une évocation poétique du passage de la Loire aux
Ponts-de-Cé par les foules tragiques fuyant l’envahisseur au printemps de
1940. Sur ce texte, Poulenc compose une de ses mélodies les plus sombres
et nostalgiques à la fois, dans la tonalité rare d’ut bémol mineur. On raconte
qu’à Bruxelles en 1944, toute la salle se leva sur l’avant-dernier vers : Ô ma
France, ô ma délaissée ».
Contraste absolu avec Fêtes galantes : c’est toujours l’occupation qui est
évoquée, mais de façon absurde, désinvolte, presque cynique. Sur le texte
d’Aragon, Poulenc – selon ses propres mots – compose une « musique
incroyablement vite, dans le style des chansons de café-concert » ; « une
musique de mouise pour un temps de mouise : Paris sous l’occupation. »
REYNALDO HAHN
« Reynaldo Hahn naquit à Caracas d’un père allemand et d’une mère
vénézuélienne, d’origine espagnole. Sa nombreuse famille s’installa à Paris
lorsqu’il avait quatre ans. C’est ainsi qu’il put devenir la coqueluche des
salons de la Belle Epoque. Ses mélodies firent l’admiration de Proust et de
Mallarmé, et cela devrait suffire à écarter l’image de charmant compositeur
de salon dont souffre généralement Reynaldo Hahn ; il se révéla dans ses
quelques cent vingt-cinq mélodies un auteur profond et inspiré. Ami des
poètes et des écrivains, il était doué d’un sens inné du mot et de la prosodie.
Baryton au timbre lumineux, il avait l’art de traduire cette sensibilité en
mélodies splendides et mélancoliques. Car Hahn, nous apprend Proust, avait
« la voix la plus belle, la plus triste et la plus chaude qui fut jamais ». Et,
derrière la séduction immédiate de ses mélodies, il est toujours une ombre
qui plane. » (Sophie Gretzel)
Sur des textes de Victor Hugo, Rêverie et Si mes vers avaient des ailes
font partie d’un premier recueil de vingt mélodies composées et éditées entre
1888 et 1900. Œuvres de jeunesse dont certaines témoignent déjà d’une
grande sensibilité et d’une inventivité certaine.
Chanson d’Automne fait partie d’un court cycle composé en 1893 sur
des textes de Verlaine : Chansons grises. Cette mélodie est construite sur
une alternance de passages déclamés par la voix, « à peine soutenus » et de
passages pianistiques plus denses.
Reynaldo Hahn sut aussi exploiter une veine plus légère. En témoigne ce
chef-d’œuvre de l’opérette qu’est Ciboulette, sur un livret de Robert de Flers
et Francis de Croisset. Dans l’air C’est sa banlieue, Ciboulette présente son
petit coin de campagne – Aubervilliers – à l’homme qu’elle finira par épouser
après bien des péripéties.
En témoignent également ses collaborations avec Sacha Guitry dont deux
comédies musicales brillantes et spirituelles : Mozart et O mon bel inconnu,
créées pour Madame Sacha Guitry, Yvonne Printemps, grande chanteuse
grande diseuse. En sont extraits, respectivement, l’Air de la lettre et C’est
très vilain d’être infidèle.
OSCAR STRAUS
Né à Vienne en 1870, Oscar Straus est chef d’orchestre – assistant de Mahler
à l’Opéra de Hambourg – et compositeur – il étudie avec Max Bruch. Il
travaille à Berlin pour le célèbre cabaret de l’Überbrettl : il y est pianiste et
compose plusieurs centaines de chansons. A Vienne, ses opérettes le rendent
aussi célèbre que Lehár (comme lui, il passera les dernières année de sa vie
à Bad Ischl). Fuyant le nazisme, il se réfugie à Paris qu’il connaît bien : il y
a travaillé avec Sacha Guitry pour Mariette, pièce créée en 1928 au Théâtre
Edouard VII avec Yvonne Printemps : la valse Adieu mon amour adoré
– délicieuse et émouvante – en est un extrait.
Jede Frau hat irgendeine Sehnsucht (Chaque femme a quelque désir)
et Warum soll eine Frau kein Verhältnis haben? (Pourquoi une femme
n’aurait-elle pas une liaison ?) sont de chansons écrites sur des textes
d’Alfred Grünwald, librettiste qui travailla avec Oscar Straus, mais aussi
Emmerich Kalman, Paul Abraham, Franz Lehár… Chansons pleines de sousentendus,
de séduction, de délices plus ou moins clandestines, de sourires et
de murmures amoureux.
Je ne suis pas ce que l’on pense et C’est la saison d’amour : deux airs
piquants, rêveurs ou joyeux extraits des Trois Valses, une des plus célèbres
opérettes d’Oscar Straus, sur un livret d’Albert Willemetz et Leopold Marchand :
c’est l’histoire de trois générations d’une famille d’artistes et d’une famille
d’aristocrates qui se sont rencontrées, sur les trois temps de la valse.
Sources et remerciements : Guide de la mélodie et du lied, Ed. Fayard ;
Sophie Gretzel
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BIOGRAPHIES
FELICITY LOTT
SOPRANO
Née à Cheltenham, Felicity Lott étudie le français au Royal Holloway College et le
chant à la Royal Academy of Music.
Son répertoire d’opéra va de Haendel – Cléopâtre (Jules César) – à Stravinsky
– Anne Trulove (The Rake’s Progress) – mais elle a également bâti sa réputation
internationale comme interprète des grands rôles mozartiens – La Comtesse
(Les Noces de Figaro), Fiordiligi (Cosi fan tutte), Donna Elvira (Don Giovanni),
Pamina (La Flûte enchantée) – et straussiens : la Maréchale (Le Chevalier à la
rose), Arabella, Christine (Intermezzo), la Comtesse (Capriccio). Elle a incarné
ces personnages de Strauss à l’Opéra de Munich et au Staatsoper de Vienne, et
notamment la Maréchale sous la direction de Carlos Kleiber (publié en DVD),
chef qu’elle a retrouvé pour le même rôle au Japon et au Metropolitan Opera de
New York, où elle a également chanté Les Noces de Figaro avec James Levine.
Elle a beaucoup chanté au Covent Garden de Londres : Anne Trulove (The Rake’s
Progress, Stravinsky), Blanche (Dialogues des carmélites, Poulenc), Ellen Orford
(Peter Grimes, Britten), Eva (Les Maîtres-Chanteurs de Nuremberg, Wagner)…
avec des chefs tels que Charles Mackerras, Jeffrey Tate, Colin Davis et Bernard
Haitink ; et au Festival de Glyndebourne : The Rake’s Progress, La Flûte
enchantée, Don Giovanni, Le Chevalier à la rose (rôle d’Oktavian), Intermezzo,
Capriccio, Arabella.
En France, elle s’est produite à l’Opéra de Paris, à l’Opéra Comique et au Châtelet
où elle a notamment incarné les rôles-titres de La Belle Hélène de La Grande
Duchesse de Gerolstein d’Offenbach, sous la direction de Marc Minkowski et dans
des mises en scène de Laurent Pelly, qu’elle a retrouvé à l’Opéra de Lyon en 2007
pour La Voix humaine de Poulenc.
Au concert, elle a chanté avec l’Orchestre philharmonique de Vienne, l’Orchestre
philharmonique de Berlin, celui de Munich, l’Orchestre symphonique de Chicago,
l’Orchestre de Boston, l’Orchestre philharmonique de New York, l’Orchestre
de Cleveland, l’Orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam, l’Orchestre
philharmonique de Londres, l’Orchestre symphonique de la BBC, la Tonhalle
de Zurich, l’Orchestre de la Suisse romande… sous la direction de chefs tels
que Andrew Davis, Bernard Haitink, Armin Jordan, Philippe Jordan, Kurt Masur,
Zubin Mehta, Andre Previn, Simon Rattle, Georg Solti, Franz Welser-Moest.
Membre fondatrice avec Graham Johnson de The Songmakers’ Almanac, Felicity
Lott s’est produite en récital sur les plus grandes scènes dont les festivals de
Salzbourg, Prague, Aldeburgh, Edimbourg, Munich, ainsi qu’au Musikverein et
au Konzerthaus de Vienne, et à Paris : Salle Gaveau, Musée d’Orsay, Châtelet,
Théâtre des Champs Elysées. A Londres, elle entretient une étroite collaboration
avec le Wigmore Hall.
Parmi ses nombreuses distinctions : docteur honoris causa de l’université d’Oxford,
Dame de l’Empire britannique (1996) ; officier dans l’ordre des Arts et Lettres et
chevalier dans l’ordre de la Légion d’honneur.
GRAHAM JOHNSON
PIANO
Graham Johnson est aujourd’hui reconnu comme l’un des plus grands
pianistes accompagnateurs. Né en Rhodésie, il va suivre ses études à Londres
en 1967, à la Royal Academy of Music ainsi qu’avec Gerald Moore et Geoffrey
Parsons. En 1972, il est l’accompagnateur de la première master-classe de
Peter Pears à Aldeburgh ; sa rencontre avec Benjamin Britten renforce sa
vocation d’accompagnateur.
En 1976, pour explorer le répertoire de chant-piano il fonde le Songmakers’
Almanac avec Felicity Lott, Ann Murray, Anthony Rolfe Johnson et Richard
Jackson. Avec ces artistes, il a mené une collaboration féconde tant au concert
qu’au disque : environ 250 programmes ont été présentés au fil des saisons.
D’autre part, Graham Johnson a accompagné des chanteuses et des chanteurs
tels que : Elly Ameling, Arleen Auger, Victoria de los Angeles, Edith Mathis,
Lucia Popp, Margaret Price, Dorothea Röschmann, Kate Royal, Christine
Schäfer, Elisabeth Schwarzkopf ; Janet Baker, Brigitte Fassbaender, Angelika
Kirchschlager, Magdalena Kozena ; Ian Bostridge, Philip Langridge,
Christoph Prégardien, Peter Schreier ; Thomas Allen, Matthias Goerne,
Thomas Hampson, Simon Keenlyside, Serge Leiferkus, Christopher Maltman,
Thomas Quastoff…
Il est président du jury du Concours de chant du Wigmore Hall et professeur
d’accompagnement à la Guildhall School de Londres.
Dans le domaine du disque, il a établi un lien privilégié avec le label Hypérion
pour qui il a réalisé une intégrale des lieder de Schubert en 37 disques, une
pierre de touche dans l’histoire du disque.
Sur le même modèle, une intégrale Schumann est en cours, ainsi qu’une série
consacrée à la mélodie française, avec l’intégrale des mélodies de Chausson,
Chabrier, Fauré. Graham Johnson écrit également les textes d’accompagnement
de ces disques. Il a aussi enregistré pour Sony, BMG, Harmonia Mundi,
Forlane, EMI et DGG.
Graham Johnson a été décoré de l’ordre de l’Empire britannique en 1994, de
l’ordre des Arts et Lettre en 2002 ; il a été nommé musicien de l’année 1998
par la Société philharmonique royale. En juin 2000, il est élu à l’Académie
royale de musique de Suède.
Il est l’auteur de The Songmakers’Almanac; Twenty years of recitals in London;
de The French Song Companion (2000) et de The Vocal Music of Benjamin
Britten (2003).
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