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Avignon - Le Monde

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0 123<br />

Festival<br />

AVIGNON<br />

Souvenirs. Trois générations de critiques du <strong>Monde</strong> p. 5 à 10<br />

2006<br />

Découvertes. Stefan Kaegi et Oriza Hirata p. 4 et 11<br />

Entretien. Peter Brook, le théâtre et la vie p. 12 et 13<br />

<strong>Le</strong> chorégraphe Josef Nadj, artiste associé, donne<br />

le ton d’une programmation qui renoue avec le théâtre<br />

et les auteurs. Il fait l’ouverture dans la Cour d’honneur,<br />

avec Asobu (photo), création d’après l’œuvre<br />

d’Henri Michaux. En clôture de cette 60 e édition,<br />

CAHIER DU « MONDE » DATÉ JEUDI 6 JUILLET 2006, N O 19111. NE PEUT ÊTRE VENDU SÉPARÉMENT<br />

qui se tient du 6 au 27 juillet, Olivier Py dirigera,<br />

toujours dans la Cour d’honneur, une lecture<br />

de textes de Jean Vilar, en hommage au fondateur<br />

du Festival. <strong>Le</strong> <strong>Monde</strong> se souvient de cette histoire<br />

unique et exemplaire.


0 123 - Jeudi 6 juillet 2006 - page 2 AVIGNON 2006<br />

<strong>Le</strong>s présages<br />

d’un horizon<br />

apaisé<br />

Après Thomas<br />

Ostermeier, en 2004,<br />

et Jan Fabre, en 2005,<br />

Josef Nadj<br />

est l’artiste associé<br />

de la 3 e édition<br />

dirigée par Hortense<br />

Archambault<br />

et Vincent Baudriller<br />

J’ai fait à mon époque le théâtre<br />

de mon temps », disait<br />

Jean Vilar. C’est ainsi<br />

qu’en 1947 il fondait le<br />

Festival d’<strong>Avignon</strong>. Dans<br />

cet après-guerre où la France<br />

était à reconstruire, il<br />

bâtissait à l’ombre du Palais des<br />

papes une utopie : du théâtre en<br />

province, des grands textes en<br />

plein air, au service<br />

du plus grand nombre.<br />

En cette année<br />

2006, le Festival fête<br />

sa 60 e <strong>Le</strong> théâtre<br />

revient dans<br />

édition, qui a la Cour d’honneur,<br />

lieu du 6 au 27 juillet. d’où il était absent<br />

Soixante éditions, ce<br />

sont trois généra- en 2005. De quoi<br />

tions de spectateurs, apaiser plus<br />

des ruptures et des<br />

d’un esprit<br />

empoignades, des<br />

moments de grâce et<br />

des souvenirs pour demain. <strong>Le</strong><br />

<strong>Monde</strong> avait 2 ans quand le Festival<br />

est né. L’histoire du Festival,<br />

chaque année recommencée, c’est<br />

aussi la sienne, chaque jour réécrite.<br />

Trois générations de critiques<br />

en témoignent, à commencer par<br />

Michel Cournot, qui était à <strong>Avignon</strong><br />

en 1947.<br />

Pendant le Festival, cette<br />

60 e édition – en attendant les<br />

60 ans, pour 2007 – sera fêtée par<br />

plusieurs événements, dont une<br />

lecture de textes de Jean Vilar,<br />

sous la direction d’Olivier Py,<br />

dans la Cour d’honneur. Ce sera<br />

le 27 juillet, pour la clôture d’un<br />

Festival très attendu, après l’onde<br />

de choc de 2005.<br />

En effet, de toutes<br />

les crises qu’a<br />

connues <strong>Avignon</strong>, et<br />

elles sont nombreuses,<br />

celle de la 59 e édition<br />

fut une des plus<br />

virulentes. Elle est<br />

née de l’invitation<br />

lancée à Jan Fabre,<br />

artiste associé,<br />

autour duquel a été<br />

bâtie une programmation<br />

radicale qui a<br />

mis les nerfs à vif, tant du côté critique<br />

que public.<br />

La discussion a porté sur la<br />

modernité et ses formes, la place<br />

du théâtre et son enjeu, le pacte<br />

artistique et social. Vastes questions,<br />

que déjà Jean Vilar affronta.<br />

<strong>Avignon</strong> est ainsi fait qu’il se<br />

renouvelle dans le débat.<br />

« <strong>Le</strong>s Barbares », de Maxime Gorki, adaptation et mise en scène Eric Lacascade. PASCAL GÉLY/AGENCE BERNAND<br />

« Comment redéfinir l’enjeu<br />

théâtral ? », se demande Josef<br />

Nadj. C’est lui l’artiste associé de<br />

cette 60 e édition, qui s’annonce<br />

beaucoup plus calme que la précédente.<br />

<strong>Le</strong> chorégraphe d’origine<br />

hongroise présente dans la<br />

Cour d’honneur Asobu, une création<br />

inspirée par Henri Michaux.<br />

Eric Lacascade prend sa suite et<br />

fait entrer dans la Cour <strong>Le</strong>s Barbares,<br />

une pièce très peu connue de<br />

Gorki. Ainsi, le théâtre revient<br />

dans le saint des saints, d’où il<br />

était absent en 2005. De quoi<br />

apaiser plus d’un esprit.<br />

Autour de Josef Nadj, il y aura<br />

des arts plastiques, avec Barcelo,<br />

et beaucoup de musique, en particulier<br />

du jazz (dont un concert<br />

d’Archie Shepp, T. McClung et le<br />

Dresh Quartet, dans la Cour).<br />

Avec Bartabas, il y aura deux<br />

orchestres, un de cordes, l’autre<br />

de vents, pour entraîner le grand<br />

galop de Battuta, présenté pendant<br />

toute la durée du Festival.<br />

Peter Brook lui aussi reste<br />

trois semaines à <strong>Avignon</strong>, avec<br />

Sizwe Banzi est mort, une pièce<br />

qui nous emmène à Soweto dans<br />

les années de l’Apartheid. On va<br />

ainsi beaucoup voyager dans le<br />

temps et dans l’espace. Du<br />

Japon, où Ozira Hirata cherche le<br />

chemin d’un « théâtre calme », à<br />

Coordination : Brigitte Salino<br />

Edition : Christine Clessi<br />

Réalisation : Patricia Gauthier<br />

et Nadège Royer<br />

Direction artistique : Marc Touitou<br />

Iconographie : Laurence Lagrange<br />

b<br />

En couverture : « Asobu »,<br />

mise en scène et chorégraphie<br />

Josef Nadj.<br />

TRISTAN JEANNE-VALES/CIT’en scène<br />

la Suisse, d’où nous vient Stefan<br />

Kaegi, un jeune metteur en scène<br />

en quête d’un théâtre politique et<br />

documentaire.<br />

Hirata et Kaegi font partie des<br />

nouveaux venus au Festival, avec<br />

le Belge Guy Cassiers et les Français<br />

Joël Pommerat et Christophe<br />

Huysman. Beaucoup<br />

d’auteurs les accompagnent, de<br />

Copi à Koltès, de Marguerite<br />

Duras à Edward Bond.<br />

La danse, elle, se fait plutôt discrète,<br />

même si sont présents<br />

François Verret, Jan Lauwers,<br />

Alain Platel, Thierry Baë et <strong>Le</strong><br />

Sujet à vif, bien sûr. Mais il y aura<br />

beaucoup de lectures, de débats<br />

et de rencontres, en particulier<br />

trois jours pour parler d’« Une<br />

histoire en mouvement », celle<br />

d’<strong>Avignon</strong>, et vingt-quatre consacrées<br />

à la décentralisation.<br />

Et puis il y aura ces moments<br />

comme seul le Festival sait en<br />

offrir : une causerie de Pippo Delbono,<br />

ou un <strong>Le</strong>ver de soleil avec<br />

Bartabas et son cheval, à 5 h 30,<br />

à la Carrière Boulbon. a<br />

Brigitte Salino


2006 AVIGNON page 3 - Jeudi 6 juillet 2006 - 0 123<br />

Josef<br />

Nadj L’homme qui danse<br />

sa mémoire<br />

L’homme de Kanizsa, en Voïvodine,<br />

recherche un art global physique et musical<br />

Josef Nadj file entre les<br />

doigts. Appuyé à une table<br />

de café ou replié dans un<br />

bureau au Centre chorégraphique<br />

d’Orléans qu’il dirige<br />

depuis 1995, le chorégraphe<br />

aux grands cernes sombres,<br />

créateur d’une vingtaine de<br />

pièces en près de vingt ans, ne se<br />

pose que pour mieux s’échapper.<br />

La tête légèrement enfoncée<br />

dans les épaules, les mains occupées<br />

à rouler des cigarettes, il sembletoujours<br />

jaillir d’un rêve, en suspend<br />

le cours, l’espace d’un instant,<br />

pour mieux y replonger.<br />

Entre-temps, il aura fait défiler<br />

d’une voix sourde ses obsessions et<br />

fantasmes avec l’élégance nonchalante<br />

de celui qui est là sans y être<br />

tout à fait. Dans sa bulle, oiseau<br />

noctambule, Josef Nadj veille, tissant<br />

inlassablement la toile de sa<br />

géographie intime.<br />

<strong>Le</strong> cœur battant de cette spirale<br />

est une petite ville, Kanizsa, située<br />

en Voïvodine, enclave hongroise<br />

autrefois située en Yougoslavie,<br />

aujourd’hui en Serbie. Grâce au<br />

chorégraphe (né en 1957) pour<br />

lequel vie et œuvre sont inextricablement<br />

mêlées, cette bourgade de<br />

12 000 habitants, en passe de<br />

devenir un mythe, appartient<br />

désormais à l’imaginaire de tous<br />

les spectateurs de Josef Nadj.<br />

Kanizsa, coupée en deux par le<br />

fleuve Tisza, affluent du Danube,<br />

queleshirondelles frô-<br />

lent pendant qu’on<br />

s’y baigne. Kanizsa<br />

ouvrant sur une plaine<br />

si longue et si<br />

immense que le<br />

regard s’y perd. Sans<br />

mêmey êtreallé,Kanizsa<br />

« la ville que tout le<br />

monde rêve de quitter<br />

sans y réussir », làoù<br />

Josef Nadj possède<br />

une grande partie de<br />

sa bibliothèque, se dresse, pétrie<br />

d’histoires toutes plus fascinantes<br />

les unes que les autres.<br />

Dès 1987, la première pièce de<br />

Josef Nadj, présentée au Théâtre<br />

de la Bastille, ouvre l’album de souvenirs.<br />

Sur un ton surréaliste,<br />

Canard pékinois recomposait les<br />

souvenirs-éclairsd’un gamin nommé<br />

Nadj qui s’entraînait aux arts<br />

martiaux dans un théâtre où une<br />

troupe d’acteurs, rêvant de partir<br />

pour la Chine, finit par se suicider.<br />

Un an plus tard, Sept peaux de<br />

rhinocéros évoquait la mort du<br />

grand-pèredu chorégraphe. Et ainsi<br />

de suite. <strong>Le</strong>s Echelles d’Orphée,en<br />

1992, dépliait celles des pompiers<br />

de Kanjiza qui gagnèrent le championnat<br />

du monde des pompiers à<br />

Turin en 1911 et se livraient par<br />

ailleurs à des activités théâtrales en<br />

amateurs.<br />

Fiction ou réalité ? Impossible<br />

de vérifier et au fond peu importe.<br />

Oncroit dur comme fer à ces scénarios<br />

magiques d’une ville où tout<br />

peut arriver et que Nadj sait incarner<br />

sur scène. En conteur, en chaman,<br />

avec cette puissance à vif<br />

d’un être qui n’apas le choix,le chorégraphe<br />

qui « danse sa mémoire<br />

sur scène », puise dans les couches<br />

lesplus souterraines de son inconscient<br />

pour en rapporter une langue<br />

spectaculaire unique.<br />

Chaque pièce, en particulier les<br />

premières, socles de l’œuvre à<br />

venir, réactive le passé avec la puissance<br />

d’un exutoire. Chapitre<br />

après chapitre, Nadj déploie le<br />

roman de la vie d’un Européen<br />

nomade,fils d’uncharpentier, petitfils<br />

d’un paysan, qui tous deux désiraient<br />

ardemment que Josef suive<br />

leurs traces. Avec détermination, le<br />

chorégraphe a choisi de partir pour<br />

Chaque pièce,<br />

en particulier<br />

les premières,<br />

réactive<br />

le passé avec<br />

la puissance<br />

d’un exutoire<br />

bâtir un monde à la démesure de<br />

son décalage, de son désir de liberté,<br />

sans jamais rompre pourtant<br />

avec sa famille et ses racines.<br />

Celui qui à 11 ans exposait déjà<br />

ses premières peintures, commence<br />

des études aux Beaux-Arts de<br />

Novi Sad, puis à Budapest. <strong>Le</strong><br />

service militaire l’éloigne momentanément<br />

des arts plastiques avec<br />

lesquels il renouera en 1996 lors<br />

d’une exposition de sculptures au<br />

Carré Saint-Vincent à Orléans.<br />

De retour à Budapest, il découvre<br />

le théâtre du mouvement et raffine<br />

sa quête d’un art global, à la<br />

fois physique, visuel, musical. Arrivant<br />

à Paris en 1980, il s’initie au<br />

mime auprès de Decroux et Marceau,<br />

collabore à différents projets<br />

en tant que danseur avec les chorégraphes<br />

Catherine Diverrès, Mark<br />

Tompkins et François Verret.<br />

Cet amalgame de formations,<br />

de techniques, consolidé par un<br />

esprit viscéralement constructif et<br />

furieusement bosseur, a abouti à<br />

un style spectaculaire reconnaissable<br />

au premier coup d’œil. Sur fond<br />

d’engrenage théâtral ou de scénographiesen<br />

trompe-l’œil, le monde<br />

selon Nadj est peuplé d’hommespantins<br />

habillés tout en noir qui<br />

s’acharnent à extraire un sens<br />

momentané de l’obscure saga du<br />

destin.<br />

La gestuelle, hachée, butée aussi,<br />

parfois heureusement saisie par<br />

un tourbillon, dessine<br />

unepartition sophistiquée,<br />

féroce, que les<br />

danseurs subliment<br />

telle une superbe<br />

épreuve deforce. L’esprit<br />

des arts martiaux,<br />

et plus spécialement<br />

de la lutte grécoromaine,<br />

noyaute sa<br />

danse.<br />

Josef Nadj n’est-il<br />

jamais aussi près de<br />

chez lui que sur un plateau ? Parmi<br />

les repères scénographiques, la<br />

table, par exemple, renvoie à celle<br />

de son grand-père qui y dissimulait<br />

des livres sous un tissu. De ces<br />

premières lectures (de Kafka entre<br />

autres), Nadj a conservé une passion<br />

vorace pour la littérature. <strong>Le</strong>s<br />

écrivains sont ses compagnons de<br />

traversée, ses appuis mentaux. Kafka<br />

donc, mais aussi Büchner dont<br />

il a adapté Woyzeck en 1994, Bruno<br />

Schulz, Jorge Luis Borges, récemment<br />

Raymond Roussel pour<br />

Poussières de soleil, servent depuis<br />

quelques années de ferment à ses<br />

spectacles.<br />

De ces confrontations littéraires,<br />

Josef Nadj extrait le jus nécessaire<br />

pour relancer sa sarabande<br />

somnambulique, dégager d’autres<br />

voies à son labyrinthe personnel.<br />

En cheminant au coude-à-coude<br />

avec ces auteurs, il projette ses<br />

motifs intimes sur l’écran de leurs<br />

œuvres, déployant les différences<br />

mais surtout les points communs<br />

dans un réseau aux multiples<br />

résonances.<br />

Avec Henri Michaux, point de<br />

départ de la pièce Asobu, pour<br />

lequel il développe un intérêt puissant<br />

depuis de longues années,<br />

tant pour ses écrits que pour ses<br />

dessins, le voisinage se révèle une<br />

mine de correspondances. Tous<br />

deux dessinent, tous deux sont des<br />

voyageurs. <strong>Le</strong> Japon, ultime destination<br />

de Michaux avant la seconde<br />

guerre mondiale, se révèle l’un<br />

des pays de prédilection de Nadj.<br />

L’Ailleurs de l’un comme celui de<br />

l’autre n’est jamais qu’un détour<br />

pour rentrer chez soi. Partir pour<br />

mieux revenir. a<br />

Rosita Boisseau<br />

Voir programme Josef Nadj, page 14.<br />

Josef Nadj, directeur du Centre chorégraphique national d’Orléans.<br />

RAMON SENERA/CIT’en scene<br />

- Crédit photos : Getty images / J. Brooks - Tristan Jeanne-Valès<br />

La galaxie<br />

Nadj<br />

Thierry Baë, interprête<br />

et complice de Nadj<br />

(Canard pékinois et <strong>Le</strong>s<br />

Philosophes) présente<br />

Journal d’inquiétude, un<br />

solo sur le destin d’un<br />

danseur vieillissant.<br />

Miquel Barcelo, peintre<br />

vivant entre Marjorque,<br />

Paris et le Mali, partage<br />

ses outils de jeu<br />

(boue, sable,...) avec<br />

Nadj pour Paso Doble,<br />

une performance en<br />

duo.<br />

Akosh S., saxophoniste,<br />

né en Hongrie en<br />

1966, mêle musiques<br />

ethniques et free-jazz. Il<br />

a accompagné le groupe<br />

de rock Noir Désir. Il donne<br />

deux concerts.<br />

De haut en bas :<br />

Thierry Baë,<br />

ERIC BOUDET.<br />

Akosh S., DR.<br />

Miquel Barcelo,<br />

JÉROME CHATIN/L’EXPRESS/<br />

EDITIONGSERVER.COM


0 123 - Jeudi 6 juillet 2006 - page 4 AVIGNON 2006<br />

« Cargo Sofia-<strong>Avignon</strong> », de Stefan Kaegi. DAVID BALTZER/ZENIT<br />

Stefan Kaegi<br />

spécialiste suisse<br />

<strong>Avignon</strong> le découvre :<br />

Stefan Kaegi, un<br />

Suisse de 33 ans<br />

dont la réputation<br />

n’est plus à faire<br />

outre-Rhin, surtout<br />

dans la génération des jeunes<br />

spectateurs. C’est un garçon à la<br />

drôle de voix, un peu cassée, qui<br />

aime s’asseoir dans des endroits<br />

qu’il ne connaît pas pour écouter<br />

les gens. Il ne conduit pas, mais il<br />

a sillonné l’Europe en camion ou<br />

à vélo. Il n’a plus d’adresse depuis<br />

cinq ans, mais il va de ville en ville<br />

avec un sac de vingt-cinq kilos. A<br />

l’intérieur, il y a un ordinateur et<br />

des cartes, ses attributs de géographe<br />

de la modernité.<br />

Avec cela, il porte le nom d’un<br />

chocolat suisse connu. Mais il n’a<br />

rien à voir avec. Son père est un<br />

ingénieur, qui, au moment où les<br />

montres Swatch sont sorties, travaillait<br />

dans une entreprise qui a<br />

voulu lancer des téléphones en<br />

plastique « super bon marché<br />

mais pop », sur le modèle des<br />

montres. « Ça n’a pas marché du<br />

tout. Et c’était lui qui était chargé<br />

du projet », dit Stefan Kaegi.<br />

Cette histoire l’amuse beaucoup,<br />

comme tout ce qui déraille un<br />

peu.<br />

Lui-même a étudié en zig-zag.<br />

« J’ai commencé par la philosophie,<br />

mais je ne me suis pas accommodé<br />

de la rectitude universitaire.<br />

» Alors il fait l’école d’art<br />

de Zurich, dont il s’échappe avant<br />

le diplôme. Il part pour Giessen,<br />

en Allemagne, et s’inscrit dans<br />

une école de théâtre qui lie la pratique<br />

et la théorie. A ce momentlà,<br />

Stefan Kaegi veut être écrivain.<br />

Il rédige de nombreux textes, des<br />

nouvelles surtout, qui sont refusés<br />

par les éditeurs.<br />

« Comme personne ne voulait<br />

les imprimer, je les ai lus devant des<br />

gens. Mais je trouvais ça un peu<br />

ennuyeux. J’ai commencé à utiliser<br />

toutes sortes de machines pour<br />

déformer le son de ma voix et intro-<br />

duire d’autres sons. Ça a très bien<br />

marché. <strong>Le</strong> premier texte racontait<br />

l’histoire d’un homme qui reste<br />

chez lui, avec une immense carte. Il<br />

veut comprendre comment marche<br />

le monde sans sortir de sa<br />

maison. »<br />

Stefan Kaegi ne termine pas<br />

ses études de théâtre, parce qu’il<br />

n’aime « pas trop » lire des pièces.<br />

Il préfère déjà « lire les journaux<br />

ou écouter des gens qui ont<br />

une raison de parler ». C’est en partant<br />

de là qu’il signe son premier<br />

spectacle, à l’université de Giessen<br />

: « Giessen est une ville très<br />

connue pour son école vétérinaire.<br />

Il y a là, au milieu de l’Allemagne,<br />

toutes sortes de chameaux et d’animaux<br />

très étranges. J’ai connu un<br />

spécialiste de l’élevage des poulets<br />

qui donnait des conférences pour<br />

les jeunes cultivateurs. Je l’ai invité<br />

à venir en faire une, sur la scène de<br />

l’université. On a dessiné une affiche<br />

sur laquelle était écrit Peter<br />

Heller va venir parler de l’élevage<br />

Ce metteur en scène<br />

de 33 ans<br />

renouvelle<br />

le théâtre<br />

documentaire<br />

et politique<br />

La maman bohême et Médée Dario Fo et Franca<br />

Rame / Didier Bezace La Mère Bertolt Brecht / Jean-Louis Benoit<br />

Chair de ma chair Ilka Schönbein Antigone, Hors<br />

la loi Anne Théron Dissident, il va sans dire Michel<br />

Vinaver / Laurent Hatat May Hanif Kureishi / Didier Bezace<br />

Spectacles Jeune public <strong>Le</strong> Petit Chaperon rouge /<br />

un froid de kronos / Petit Navire / La Forme d'une ville...<br />

et d'autres spectacles, des lectures, des Dîners, le Festival Ici et là...<br />

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01 48 33 16 16<br />

theatredelacommune.com<br />

des poulets, avec une date. <strong>Le</strong>s<br />

gens ont cru qu’on allait faire du<br />

Handke, à cause de la longueur du<br />

titre. Ils ont été très surpris. »<br />

« Je ne dirai pas que ce Peter<br />

Heller… était une œuvre, reconnaît<br />

Stéphane Kaegi. Mais c’était une<br />

expérience qui montrait qu’on peut<br />

recontextualiser la réalité avec les<br />

moyens du théâtre. » Après, les pièces<br />

du jeune Suisse sont devenues<br />

« beaucoup plus sophistiquées ».<br />

D’abord, il y a eu celles qu’il a faites<br />

avec Hygiene Heute, sa première<br />

compagnie.<br />

PROTOCOLE<br />

DIPLOMATIQUE<br />

Stéphane Kaegi a organisé un<br />

Congrès des cochons d’Inde, à<br />

Vienne, ou un Etat des fourmis,<br />

dans une galerie. Dans les deux<br />

cas, il s’agissait de voir comment<br />

le comportement animal est un<br />

miroir du comportement social.<br />

Puis il est passé à l’observation<br />

directe quand, avec deux amis, il<br />

Théâtre de la Commune - Direction Didier Bezace - 2 rue Edouard Poisson - 93300 Aubervilliers<br />

illustration Marc Daniau<br />

Guy Cassiers. Né en<br />

1960 à Anvers (Belgique),<br />

où il vient de prendre la<br />

direction du Toneelhuis, il<br />

fait découvrir Rouge décanté,<br />

le récit autobiographique<br />

d’un auteur flamand,<br />

Jeroen Brouwers, qui,<br />

enfant, a passé deux ans<br />

dans un camp d’internement<br />

japonais.<br />

Christophe Huysman.<br />

Acteur, auteur et metteur<br />

en scène, c’est une tête<br />

chercheuse qui explore les<br />

domaines du cirque et du<br />

multimédia. Il présente à la<br />

Chartreuse Human, La<br />

Course au désastre et <strong>Le</strong>s<br />

Eclaireurs, une pièce pour<br />

un haut-parleur.<br />

Joël Pommerat. <strong>Le</strong>s<br />

deux pièces, Au monde et<br />

<strong>Le</strong>s Marchands, qu’il a écrites<br />

et mises en scène,<br />

appartiennent à une trilogie<br />

qui donne une parole à<br />

ceux qui n’en ont pas, les<br />

exclus du monde du travail.<br />

De haut en bas :<br />

Guy Cassiers, PATRICK DE<br />

SPIEGELAERE. Christophe<br />

Huysman, VINCENT PONTET.<br />

Joël Pommerat, YANNICK<br />

BUTEL<br />

a fondé une nouvelle compagnie,<br />

Rimini Protokoll, en 2000. (Ne<br />

cherchez pas le sens de Rimini, ils<br />

voulaient trois « i » pour répondre<br />

aux « o » de protocole.)<br />

Un de leurs premiers spectacles<br />

concernait le protocole diplomatique,<br />

raconté par des spécialistes,<br />

dont un ambassadeur<br />

d’Autriche, invités sur la prestigieuse<br />

scène du Burgtheater de<br />

Vienne. Un autre les a menés à<br />

Hanovre, où ils ont ausculté le<br />

désir d’ordre du pouvoir, à travers<br />

des caméras de surveillance<br />

installées sur la place principale<br />

de la ville.<br />

Stéphane Kaegi n’aime pas<br />

raconter ses spectacles, parce que<br />

cela les rend anecdotiques, quand<br />

il revendique une démarche nettement<br />

politique. « En Allemagne,<br />

le fait d’être politique a encore une<br />

connotation années 1970. La référence<br />

reste celle d’auteurs comme<br />

Peter Weiss, Rolf Hochhut ou Heiner<br />

Müller. Je n’ai rien à voir avec<br />

Ils viennent pour<br />

la première fois<br />

ça. Etre politique aujourd’hui,<br />

pour moi, c’est être documentaire.<br />

Dans ce domaine, le théâtre a pris<br />

beaucoup de retard sur les arts<br />

visuels. Il s’occupe encore de l’idéologie,<br />

alors que, depuis une dizaine<br />

d’années, les arts visuels s’intéressent<br />

à l’économie. »<br />

C’est ce théâtre-là, politique et<br />

sensible, qu’<strong>Avignon</strong> va découvrir,<br />

avec deux spectacles : le premier<br />

Mnemopark, montre ce que<br />

cache la beauté de la Suisse, vue<br />

par des modélistes qui construisent<br />

des trains. Il se donne dans<br />

une salle. <strong>Le</strong> second, Cargo Sofia-<br />

<strong>Avignon</strong>, emmène les spectateurs<br />

dans un bus, à la découverte de ce<br />

que cache le décor d’<strong>Avignon</strong>,<br />

hors des remparts, sur le réseau<br />

des camions qui sillonnent l’Europe<br />

d’aujourd’hui. a<br />

Brigitte Salino<br />

Mnemopark, les 12, 13, 14 juillet, salle<br />

Benoît-VII. Cargo Sofia-<strong>Avignon</strong>,du20<br />

au 25 (relâche le 23).


2006 AVIGNON page 5 - Jeudi 6 juillet 2006 - 0 123<br />

« <strong>Le</strong> Soulier de satin », de Paul<br />

Claudel, mis en scène par Antoine<br />

Vitez, dans la Cour d’honneur,<br />

en 1987. MARC ENGUERAND<br />

Notre histoire,<br />

c’est celle d’un festival,<br />

né en 1947<br />

et d’un journal,<br />

né en 1945.<br />

Trois générations<br />

de critiques du <strong>Monde</strong><br />

se sont succédé<br />

à <strong>Avignon</strong>.<br />

Elles témoignent ici<br />

Agauche du Palais,<br />

des marches à monter.Notre-Dame-des-<br />

Doms. Puis un jardin,<br />

il ne bouge pas,<br />

il est là depuis la première<br />

année du Festival, et bien<br />

avant. <strong>Le</strong> 17 décembre 1914, Paul<br />

Claudel, qui venait d’embrasser sa<br />

sœur Camille à l’asile de Montdevergues,<br />

passe par <strong>Avignon</strong> et s’arrête<br />

dans ce jardin : « <strong>Le</strong> délicieux<br />

parc. Vue admirable sur le Ventoux,<br />

la plus longue, la plus belle, la plus<br />

harmonieuse ligne de montagnes<br />

que j’aie vue de ma vie. » Il avait<br />

pourtant beaucoup voyagé, déjà.<br />

Dans ce parc, de nos jours, en<br />

juillet, autant dire personne. Et<br />

rues et places d’<strong>Avignon</strong> bondées.<br />

En 1946, l’éditeur d’art parisien<br />

Christian Zervos décide de créer,<br />

dans l’enceinte du Palais, une<br />

« Semaine d’Art » : peinture,<br />

musique, théâtre. Il propose à Jean<br />

Vilar de venir jouer dans la grande<br />

cour Meurtre dans la cathédrale de<br />

T.S. Eliot, une réussite très<br />

brillante de Vilar, qui répond :<br />

« C’est un lieu informe, je ne parle<br />

pas des murs, mais du sol ; techni-<br />

Par Michel Cournot<br />

quement, c’est un lieu théâtral<br />

impossible, et c’est aussi un mauvais<br />

lieu théâtral parce que l’Histoire y<br />

est trop présente. »<br />

Cependant, Vilar est tenté de<br />

jouer quelque chose, dans ce<br />

palais si beau ; quinze jours de<br />

réflexion, et, tranquille, il déclare :<br />

« Ce palais est peut-être de tous les<br />

lieux du monde le plus apte à nous<br />

soutenir dans notre engagement. »<br />

Il reste que le sol de la cour, toute<br />

en pentes, excavations, talus, est<br />

« injouable ».<br />

Intervient l’homme providentiel,<br />

communiste, grand Résistant,<br />

le maire d’<strong>Avignon</strong>, Georges<br />

Pons : il soutient Zervos et Vilar, et<br />

il demande aux soldats du régiment<br />

du 7 e Génie de venir aplanir<br />

le redoutable sol. <strong>Le</strong>s militaires<br />

sont enthousiastes. Vilar va<br />

annexer aussi, de l’autre côté du<br />

Palais, le jardin d’Urbain V, une<br />

forêt enchantée, une jungle de<br />

fleurs et d’insectes. La grande chapelle<br />

abritera l’exposition d’art,<br />

Picasso, Braque, Matisse, Giacometti,<br />

Léger, Klee…<br />

La « Semaine d’Art » va devenir<br />

le « Festival d’<strong>Avignon</strong> ». Ce<br />

maccreteil.com / 01 45 13 19 19<br />

L’honneur<br />

de la mémoire<br />

une saison avec nous<br />

,<br />

qui n’est alors pas prévu, c’est<br />

qu’aux quelques œuvres de théâtre<br />

du Festival officiel viendront se<br />

greffer, dans des lieux de fortune,<br />

des pièces de fortune, aujourd’hui<br />

en 2006 elles sont plus de six<br />

cents, et ce sont elles que choisissent,<br />

venus de la France et de l’Europe<br />

entière, les spectateurs en<br />

grande majorité (souvent ils<br />

louent d’avance, en supplément,<br />

une place pour l’une des choses<br />

jouées dans la grande Cour).<br />

Oublieuse mémoire ! Des centaines<br />

de chefs-d’œuvre donnés<br />

par le Festival officiel depuis<br />

60 ans dans la grande Cour et<br />

ailleurs, duquel surtout se souvenir<br />

? Quand Paul Claudel découvrit<br />

du haut d’<strong>Avignon</strong> « la plus belle<br />

ligne de montagnes », il s’écria :<br />

« O adorable lumière ! soleil, je<br />

n’aime que toi ! »<br />

DE LA PEUR<br />

À L’APAISEMENT<br />

Choisissons l’inverse, les ténèbres,<br />

la nuit, le noir. C’était en<br />

1993. Dix-huit aveugles d’<strong>Avignon</strong><br />

et de la région faisaient<br />

entrer, par groupe de dix, les spec-<br />

tateurs, dans une caverne noire,<br />

noire absolument. La visite durait<br />

trois quarts d’heure. <strong>Le</strong>s spectateurs<br />

avaient une canne, mais<br />

avançaient surtout en portant les<br />

mains en avant ou en tâtant le sol<br />

avec leurs pieds.<br />

Dans le noir la substance des<br />

parois, lisses, rugueuses, spongieuses,<br />

et celle des sols, durs ou<br />

mousseux, gravier ou tapis, ou<br />

macadam, calment un peu notre<br />

angoisse, notre vertige. Ce granité<br />

d’un mur à main gauche, ce sable<br />

sous la plante des pieds, nous<br />

disent quelque chose : en un sens,<br />

un tout petit sens, nous les<br />

« voyons ». Nous allons reconnaître<br />

l’écorce d’un arbre, ses<br />

aiguilles, les planches et la balustrade<br />

d’un petit pont en dos d’âne,<br />

il y a aussi le son puisque nous<br />

allons entendre, avant de la toucher,<br />

l’eau d’une fontaine.<br />

<strong>Le</strong> sentier tourne, la main palpe<br />

des rondeurs, des arêtes, des<br />

creux : le visage d’une statue. Des<br />

marches à franchir, le métal d’un<br />

capot de voiture, le bord d’un trottoir<br />

: la ville. Aboiements de chien,<br />

motocyclettes, passage d’un avion<br />

assez bas, tables et chaises sur une<br />

terrasse. Puis la proche campagne,<br />

les faubourgs, un dancing,<br />

l’ovale d’une bouteille de Coca ou<br />

de Perrier, le bord strié d’une pièce<br />

de monnaie. Un talus abrupt<br />

pas facile à descendre, une lueur<br />

là devant : c’est la fin !<br />

<strong>Le</strong> jour. Nous nous regardons,<br />

un peu autrement. Ce n’était rien,<br />

juste un jeu. Nous sommes passés<br />

d’une peur à un apaisement.<br />

D’une maladresse entière à un<br />

accommodement. Nous avons<br />

« vu », avec les doigts, avec l’ouïe,<br />

un tout petit peu de choses. Mais<br />

ce qui l’emporte, de beaucoup,<br />

c’est notre regard sur la guide,<br />

vraie aveugle, elle qui a conduit<br />

notre file de dix voyants à l’aveuglette.<br />

Son visage est serein, souriant.<br />

Nous fixons ses yeux qui ne<br />

voient pas.<br />

Cette jeune femme, claire, belle,<br />

est dans sa nuit. Plus cruelle<br />

que nos jours. Je pense à ces mots<br />

de René Char, que je ne comprends<br />

pas mais qui me suivent :<br />

« Cette part de l’obscur comme une<br />

grande rame plongeant dans les<br />

eaux. » a<br />

<strong>Le</strong>s cinq<br />

directions<br />

De haut en bas :<br />

Jean Vilar (1947-1971),<br />

AGNÈS VARDA AGENCE ENGUERAND.<br />

Paul Puaux (1971-1979),<br />

MARC ENGUERAND.<br />

Alain Crombecque<br />

(1985-1992),<br />

MARC ENGUERAND.<br />

Bernard Faivre d’Arcier<br />

(1980-1984 et 1993-2003),<br />

TRISTAN JEANNE-VALES<br />

AGENCE ENGUERAND.<br />

Hortense Archambault<br />

et Vincent Baudriller<br />

(depuis 2003),<br />

MARC ENGUERAND.


0 123 - Jeudi 6 juillet 2006 - page 6 AVIGNON 2006<br />

C’était le temps<br />

de Jean Vilar<br />

Juillet 1952. <strong>Le</strong>s vacances…<br />

J’avais décidé, sans<br />

le dire à personne, d’aller<br />

à <strong>Avignon</strong>, parce que<br />

j’avais appris qu’il existait<br />

là, depuis cinq ans, un<br />

festival en plein air. Il me<br />

fallait revoir chez lui, au sud, ce<br />

Jean Vilar qui m’avait tant impressionnée<br />

deux ans plus tôt dans<br />

Henri IV, de Pirandello, à l’Atelier,<br />

ou en Destin des Portes de la<br />

nuit, et qui, lointain successeur de<br />

Firmin Gémier, venait d’être nommé<br />

directeur du Théâtre national<br />

populaire. Avec un Cid inoubliable<br />

à Chaillot. Une salle souterraine<br />

impossible et démesurée de<br />

2 800 places que l’ONU venait<br />

seulement de libérer, où l’on arrivait<br />

par un interminable escalier<br />

mécanique alors que résonnaient<br />

les trompettes de Maurice Jarre.<br />

J’avais 19 ans, et le théâtre était<br />

pour moi une autre vie, un portillon<br />

entrouvert sur le monde, sur<br />

la politique, sur la littérature.<br />

J’aurais pu me qualifier de spectateur<br />

professionnel. Je découpais<br />

les critiques de Robert Kemp, de<br />

Jean-Jacques Gautier et de Jacques<br />

<strong>Le</strong>marchand ! Avant, j’avais<br />

connu, comme un prolongement<br />

SAISON 2006 / 2007<br />

LE MANUEL D’EPICTETE / Sami FREY<br />

LE SUICIDÉ<br />

Nicolaï ERDMAN / Jacques NICHET - TNT<br />

du 6 au 22 octobre – Première en Ile-de-France<br />

Jazz / Kora Jazz Trio<br />

Jazz / Sixun<br />

La Périchole/Offenbach/Julie Brochen/Création Fest. Aix-en-Provence<br />

Danse / Carmen / Ballet Antonio Gadès<br />

Concert Bal / Caratini Jazz Ensemble et ses invités<br />

Rock / Louis Bertignac<br />

IPHIGENIE, SUITE ET FIN<br />

EURIPIDE et Yannis RITSOS / Guillaume DELAVEAU<br />

du 30 nov. au 17 décembre – Première en Ile-de-France<br />

Premier Prix du Concours “Jazz à La Défense 2006“<br />

Jazz / Renaud Garcia-Fons et Sylvain Luc Duo – Création<br />

Jazz / Patrice Caratini Jazz Ensemble – Création<br />

RENCONTRES EXCEPTIONNELLES<br />

autour du spectacle “<strong>Le</strong> dialogue improbable”<br />

14 et 16 janvier<br />

LE DIALOGUE IMPROBABLE<br />

Eliane GAUTHIER et Paul-Jean FRANCESCHINI /<br />

Patrice KERBRAT<br />

du 18 janvier au 4 février - Création<br />

Jazz / Aldo Romano chante<br />

HEDDA GABLER<br />

Henrik IBSEN / Thomas OSTERMEIER (Berlin)<br />

du 31 janvier au 11 février - Première en France<br />

Jazz / Elisabeth Kontomanou Quartet<br />

CYMBELINE<br />

SHAKESPEARE / Declan DONNELLAN (Londres)<br />

du 7 au 25 mars – Première en France<br />

Jazz / Stéphane Belmondo - Antoine Hervé duo – Création<br />

Jazz / Orchestre National de Jazz / Franck Tortiller<br />

LES RENDEZ-VOUS CHOREGRAPHIQUES<br />

DE SCEAUX – du 27 avril au 30 mai<br />

Maryse Delente, Frédéric Flamand/Dominique Perrault,<br />

Abou Lagraa, Angelin Preljocaj,<br />

Russell Maliphant (Londres) - Première en France<br />

Rufus<br />

Jazz / Bojan Z Trio<br />

Par Nicole Zand<br />

TÉL. 01 46 61 36 67<br />

du lycée, les abonnements<br />

classiques du jeudi de la Comédie-<br />

Française, Jean Yonnel et Vera<br />

Korène, Horace et Arlequin, le<br />

point-rencontre près de cette statue<br />

d’Alfred de Musset qui a<br />

disparu dans le recoin de la<br />

colonnade…<br />

J’avais choisi de faire un<br />

mémoire de fin d’études intitulé<br />

« <strong>Le</strong> Théâtre à la recherche de son<br />

public », ce qui ne parut pas<br />

sérieux à la direction d’HEC-JF<br />

(en ce temps-là, les études hautement<br />

commerciales n’étaient pas<br />

mixtes…). Puis j’avais découvert<br />

qu’il existait aussi une autre sorte<br />

de théâtre : l’avant-garde, disaiton,<br />

Ionesco et Adamov, Beckett...<br />

J’avais vu deux fois En attendant<br />

Godot dans une salle bizarre<br />

qui s’ouvrait dans un porche d’immeuble<br />

du boulevard Raspail, où<br />

un homme myope à fines lunettes<br />

cerclées de fer et en chemise russe<br />

brodée qui aurait pu jouer dans la<br />

pièce – c’était Jean-Marie Serreau<br />

– vendait les billets avant le<br />

spectacle de Roger Blin, l’homme<br />

de théâtre le plus important, selon<br />

moi, de cet après-guerre. Avec<br />

Jean-Louis Barrault. Et Jean<br />

Vilar !<br />

Au petit matin, ce fut d’abord<br />

pour la première fois, depuis la<br />

gare, la marche vers le Palais, que<br />

je n’avais jamais vu. Sur les murs<br />

de la rue de la République, des affiches<br />

grises annonçant le « Festival<br />

d’art dramatique au Palais des<br />

papes » balisaient discrètement<br />

le chemin ; les trois clés et les lettres<br />

au pochoir de Jacno n’apparaîtraient<br />

qu’en 1954, l’année du<br />

Don Juan.<br />

C’était le 6 e Festival. Avec deux<br />

pièces dont le choix était déjà un<br />

manifeste : <strong>Le</strong> Prince de Hombourg,<br />

de Heinrich von Kleist<br />

(une reprise de l’an dernier), et<br />

une création, Lorenzaccio, d’Alfred<br />

de Musset, mis en scène et<br />

interprété par Gérard Philipe<br />

dans un rôle qui, après Sarah<br />

Bernhardt, n’avait jamais été joué<br />

par un interprète masculin. Deux<br />

personnages romantiques : un<br />

patricien débauché qui aspire à<br />

libérer Florence en assassinant le<br />

tyran, son cousin Médicis ; et un<br />

somnambule Hohenzollern prêt à<br />

accepter la mort les yeux bandés.<br />

Spectacles inoubliables pour<br />

les rares spectateurs qui peuvent<br />

s’en souvenir. Images iconiques<br />

heureusement conservées grâce<br />

aux images immobiles d’Agnès<br />

Varda qui ont nourri la mémoire<br />

de générations DéVéDéphages.<br />

Sétoise comme la famille Vilar,<br />

photographe débutante, Varda faisait<br />

partie de « la tribu », et elle<br />

était partout, aux spectacles comme<br />

aux répétitions, à l’Auberge de<br />

France, créant ces photos noir et<br />

blanc qui nourrissent la mémoire,<br />

même de ceux qui n’étaient pas là.<br />

Comme cela ne lui suffisait pas,<br />

entre deux festivals, elle s’essaya<br />

au cinéma chez elle, près de<br />

l’étang de Thau, avec des comédiens<br />

de théâtre, Sylvia Montfort<br />

et Philippe Noiret ; c’était La Pointe<br />

courte (1955), le premier film de<br />

la Nouvelle Vague.<br />

J’avais décidé de revenir tous<br />

les ans.<br />

<strong>Avignon</strong>, c’était la maison de<br />

famille que je n’avais pas. Mon<br />

« université » selon Gorki. Etu-<br />

ON SE SOUVIENT<br />

1951. LE PRINCE DE HOMBOURG<br />

ET LE CID. Gérard Philipe joue<br />

pour la première fois à <strong>Avignon</strong>.<br />

Jean Vilar lui a proposé le Cid,de<br />

Corneille, et <strong>Le</strong> Prince de Hombourg,<br />

de Heinrich von Kleist.<br />

C’est le triomphe. Gérard Philipe<br />

donne une jeunesse éblouissante<br />

à Corneille et suscite l’émerveillement.<br />

Son prince de Hombourg<br />

est rêveur et somnambule.<br />

Aucun de ceux qui l’ont vu n’a<br />

oublié sa chemise blanche flottant<br />

dans le mistral.<br />

1954. MACBETH. Shakespeare<br />

est présent depuis le début du<br />

Festival. Mais avec Macbeth, il<br />

unit deux visages inoubliables :<br />

ceux de Maria Casarès et de Jean<br />

Vilar, qui jouent Lady Macbeth et<br />

Macbeth. <strong>Le</strong> jeu de Maria Casarès<br />

porte la mise en scène de Jean<br />

Vilar qui déploie le drame shakespearien<br />

comme une liturgie.<br />

1967. MESSE POUR LE TEMPS<br />

PRÉSENT ET LA CHINOISE. <strong>Le</strong> cinéma<br />

entre pour la première fois<br />

dans la Cour d’honneur, avec la<br />

projection en première mondiale<br />

du film culte de Jean-Luc Godard.<br />

Quant à Béjart, il donne ce qui restera<br />

une de ses plus grandes chorégraphies,<br />

La Messe pour le<br />

temps présent, dont la musique<br />

est signée de Pierre Henry.<br />

« <strong>Le</strong> Cid », de Pierre Corneille, mise en scène Jean Vilar, avec Gérard Philipe et Maria Casarès, 1958.<br />

AGNÈS VARDA AGENCE ENGUERAND<br />

diante anonyme (je ne suis venue<br />

pour <strong>Le</strong> <strong>Monde</strong> qu’après l964), je<br />

ne connaissais personne, j’achetais<br />

mes places, je lisais assidument<br />

la revue Théâtre populaire<br />

(Roland Barthes, Guy Dumur,<br />

Morvan <strong>Le</strong>besque), j’apercevais<br />

les acteurs de loin dans les rues ou<br />

sur la place de l’Horloge, je les<br />

approchais lors des rencontres<br />

dans le délicieux Verger d’Urbain<br />

V ou au bar de la Civette, où<br />

la troupe prenait un café avant la<br />

représentation.<br />

LA RÈGLE<br />

DES TROIS UNITÉS<br />

J’avais trouvé à dormir à<br />

l’Auberge de jeunesse, dans l’ile<br />

de la Barthelasse – qui disparut<br />

bientôt –, puis à la Magnaneraie,<br />

une belle demeure familiale<br />

au-delà de Villeneuve, où j’allais à<br />

vélo. Surtout, j’attendais le soir<br />

quand, la nuit tombée, la place de<br />

l’Horloge se vidait et quand toute<br />

une ville marchait vers les remparts<br />

de cet édifice fabuleux, magique,<br />

qui était déjà un décor de<br />

théâtre. Je ne peux oublier la première<br />

fois où je suis entrée dans la<br />

cour.<br />

La Cour ! C’était avant<br />

Malraux. Brut de décoffrage, elle<br />

n’avait pas encore subi de ravalement<br />

et gardait des traces de la<br />

caserne qui l’avait longtemps<br />

occupée. Une gouttière barra éga-<br />

lement pendant longtemps le<br />

noble mur qui, comme dans le<br />

théâtre grec ou romain, était le<br />

seul décor avec les drapeaux<br />

multicolores, sans doute une<br />

référence aux joutes sétoises. Un<br />

arbrisseau subsista lontemps<br />

près de la scène, côté jardin. On<br />

sut, un jour, que, pendant une<br />

répétition, Gérard Philipe était<br />

tombé sous le plateau et qu’il y<br />

avait là un puits béant. Contusionné,<br />

il fut le soir le prince de Hombourg<br />

aux côtés de Jeanne<br />

Moreau. <strong>Le</strong> mistral ne soufflait<br />

pas trop fort cette nuit-là.<br />

Pendant « mes » années d’<strong>Avignon</strong>,<br />

le Festival avait respecté<br />

une règle des trois unités : un<br />

« patron », une troupe, un seul<br />

lieu. Cette rigueur protestante<br />

sans bondieuserie me satisfaisait.<br />

Deux ou trois spectacles par<br />

année : Macbeth avec une Maria<br />

Casarès inoubliable, Dom Juan,<br />

Marie Tudor, Mère courage, <strong>Le</strong>s<br />

Caprices de Marianne, tant<br />

d’autres, jusqu’à Thomas More ou<br />

l’homme seul, en 1963, la dernière<br />

mise en scène de Vilar, qui venait<br />

de quitter la direction du TNP en<br />

conservant la direction d’<strong>Avignon</strong>.<br />

<strong>Le</strong> deuxième âge du Festival<br />

commençait. En réaction à la routine<br />

avec l’invitation faite à<br />

d’autres metteurs en scène (Planchon,<br />

Lavelli, Bourseiller), l’ouver-<br />

ture à d’autres arts (la danse, avec<br />

Maurice Béjart, en 1966, le cinéma,<br />

avec une unique projection<br />

de La Chinoise, le 3 août 1967),<br />

avec d’autres lieux (cloître des<br />

Carmes, cloître des Célestins...).<br />

Ce fut au cloître des Carmes,<br />

où était programmé le spectacle<br />

du Living Theatre, Paradise Now,<br />

fin juillet 1968, qu’eut lieu l’altercation<br />

historique de Julian Beck<br />

exigeant de Vilar… la révolution.<br />

<strong>Le</strong> monde avait changé. <strong>Le</strong> théâtre<br />

aussi : des guerres d’indépendance<br />

avaient éclaté, une<br />

III e République était morte, une<br />

IV e était née dans la douleur, des<br />

centres de recherche et des revendications<br />

sociales donnaient<br />

matière à des colloques, des étudiants<br />

révoltés contestaient un<br />

peu partout. <strong>Le</strong> Festival de 1968<br />

s’ouvrait dans l’inquiétude. Vilar<br />

fut balayé et ne s’en releva pas.<br />

Avec la prise de pouvoir du<br />

« off », rendez-vous de compagnies<br />

de partout, une vitalité nouvelle<br />

du théâtre s’était emparée de<br />

la ville où les « festivaliers » pris<br />

de fringale comme dans un supermarché<br />

et les agents français et<br />

internationaux pouvaient ausculter<br />

des centaines de spectacles<br />

pour établir leur programmation.<br />

C’était la mondialisaton d’<strong>Avignon</strong>.<br />

Je ne suis jamais revenue au<br />

Festival. a


2006 AVIGNON page 7 - Jeudi 6 juillet 2006 - 0 123<br />

Histoire<br />

d’une<br />

parenthèse<br />

<strong>Le</strong>s armoiries des villes<br />

évoquent plus souvent<br />

des rêves que<br />

des réalités. Au lieu<br />

des trois clefs stylisées<br />

qui parlent d’avenir<br />

à ouvrir durablement, d’éternité,<br />

d’absolu, le blason d’<strong>Avignon</strong><br />

devrait s’inspirer de son fameux<br />

pont coupé, symbole de transition<br />

interrompue. Deux dates<br />

enferment ce qui n’aura été<br />

qu’une parenthèse, comme sur<br />

les tombes : 1947-1968. Vingt et<br />

un ans : la belle âge pour une utopie<br />

! Deux guerres nous ont blindés<br />

contre le scandale de jeunesses<br />

saccagées en pleine fleur.<br />

1947. L’ancêtre du TGV – le<br />

bien nommé « Mistral » – met<br />

déjà les platanes de Provence et<br />

leurs écorces pâles comme des<br />

guerriers scythes (dixit Valéry) à<br />

sept heures de la gare de Lyon.<br />

Sous une photo d’Antibes, sa<br />

patrie, Audiberti, crâne de<br />

bagnard. Son tour viendra d’être<br />

joué à la Mecque théâtrale qu’annonce<br />

le tout nouveau Festival.<br />

Pour l’heure, il somnole, pas son<br />

genre.<br />

La montée vers la muraille du<br />

château prend d’emblée l’allure<br />

d’un pèlerinage. La pierraille de<br />

la Cour d’honneur attire et attise<br />

les ferveurs, comme Chartres,<br />

Vézelay ou le Mont-Saint-Michel<br />

Et Alain Crombecque est arrivé<br />

Comment ça se passe,<br />

<strong>Avignon</strong> ? », avait<br />

demandé la critique<br />

débutante. « C’est<br />

simple, lui avait-on<br />

répondu, tu sors de la<br />

gare, tu franchis les remparts, tu<br />

remontes la rue de la République,<br />

tu arrives place de l’Horloge et tu<br />

vas à la Civette. Tu verras, tout le<br />

monde est là. » C’était au début<br />

des années 1980, et la Civette<br />

était le bar où les metteurs en scène<br />

de la Cour dégrisaient leur<br />

inquiétude, où les comédiens croisaient<br />

leurs rôles, où les paris<br />

s’ouvraient. Juste à côté, l’Auberge<br />

de France où Vilar avait eu ses<br />

Par Bertrand Poirot-Delpech<br />

Par Brigitte Salino<br />

aperçus de loin par les croyants<br />

en marche. <strong>Le</strong> haut lieu a déjà son<br />

archange Gabriel : Gérard<br />

Philipe, blancheur frémissante<br />

que rien n’arrête.<br />

La conviction qui unit scène et<br />

salle vient de loin, dès avant 36.<br />

De Michelet à Jaurès, de Gémier à<br />

Romain Rolland, Copeau et Dullin,<br />

il n’a pas manqué de tribuns<br />

et de comédiens pour rêver de rendre<br />

le répertoire classique à la<br />

multitude qui l’a suscité (voir l’essai<br />

récent de Chantal Meyer-Plantureux,<br />

Théâtre populaire, enjeux<br />

politiques. De Jaurès à Malraux,<br />

Ed. Complexe). <strong>Le</strong>s classes laborieuses<br />

ne sont pas vraiment au<br />

rendez-vous de 1947, mais elles<br />

ne se sentent plus les invitées des<br />

bourgeois férus d’adultères en<br />

écrins de velours rouge.<br />

« VILAR<br />

ÉGALE SALAZAR ! »<br />

<strong>Le</strong>s servants du nouveau culte<br />

s’appellent Dort, Barthes, et une<br />

certaine Jeanne Laurent, fonctionnaire<br />

de la Rue de Valois. Et si<br />

l’art dramatique devenait une mission<br />

de l’Etat, à l’égal de l’instruction<br />

? Il arrivait donc que l’administration<br />

visionne l’avenir ! Comment<br />

résister au coup de foudre, à<br />

l’assaut de la foi nouvelle, quand<br />

les troupes, au moment des bravos,<br />

s’élancent en courant vers la<br />

habitudes, affichait une façade<br />

refaite peu avant, au désespoir de<br />

nostalgiques qui aimaient s’asseoir<br />

à la table du « Patron ».<br />

Ainsi, de la place où maintenant<br />

trône un manège dont le<br />

mouvement va dans le sens<br />

inverse des aiguilles d’une montre,<br />

la critique débutante découvrait<br />

une vie en même temps<br />

qu’une ville : celle du Festival, qui<br />

désormais serait un temps hors<br />

du temps dans l’année. <strong>Avignon</strong><br />

deviendrait l’endroit où, comme<br />

nulle part ailleurs, on peut penser,<br />

ne serait-ce qu’un instant,<br />

qu’il n’y a rien de plus important<br />

au monde que le théâtre.<br />

salle, au risque d’y chuter ! Toute<br />

cette confiance illuminée, cependant<br />

que le maître des lieux, à<br />

l’ombre d’un portant, savoure ce<br />

triomphe d’une vie, pasteur d’une<br />

morale ascétique dans son flamboiement<br />

!<br />

1968. <strong>Le</strong> « Mistral » est en grève.<br />

<strong>Le</strong>s pompes à essence sont à<br />

sec. <strong>Le</strong>s émeutiers du Quartier<br />

latin cherchent d’ultimes cibles<br />

pour leurs « happenings » antitout.<br />

Une génération a suffi pour<br />

que la « nouveauté » du TNP et<br />

d’<strong>Avignon</strong> semble une vieillerie,<br />

une ruse du « grand capital »<br />

pour désarmer les masses. La<br />

mode s’installe des slogans dont<br />

les rimes approximatives tiennent<br />

lieu de pensée politique. « Vilar<br />

égale Salazar ! » Prétexte au chahut<br />

: une troupe new-yorkaise, le<br />

Living Theatre, qui prône la révolte<br />

par le nu en montrant ses fesses<br />

au Cloître des Carmes. <strong>Le</strong> prolétariat<br />

attendra ; libérer les sexualités<br />

d’abord, sans la médiation<br />

vieillotte des grands textes ! <strong>Le</strong><br />

droit à n’importe quoi pour tous !<br />

Sur la démagogie de ces provocations,<br />

Régis Debray a exercé<br />

son talent de pamphlétaire (Sur le<br />

pont d’<strong>Avignon</strong>, collection Café<br />

Voltaire, Flammarion). En gros :<br />

Kleist et Büchner, Corneille et<br />

Musset, ce n’est pas si ringard. Ça<br />

dit plus de choses que la partouze<br />

<strong>Le</strong>s années passeraient, le monde<br />

changerait, mais rien ne viendrait<br />

contredire cette première<br />

impression. Si forte d’ailleurs<br />

qu’elle s’accommode mal des souvenirs<br />

personnels, qui paraissent<br />

toujours inconvenants. Pourtant,<br />

ils sont là, dans une nuit souvent<br />

lumineuse traversée d’amis morts<br />

et d’enfants à naître, de ralentis et<br />

d’échappées belles. Comme est là<br />

cette sensation de la rosée sous les<br />

pieds, quand, l’écriture de l’article<br />

terminée, vient le temps béni où<br />

l’on regarde le jour se lever sur<br />

une terrasse dominant la ville.<br />

A <strong>Avignon</strong>, tout se confond<br />

dans une durée qui n’a qu’un<br />

objet : le théâtre. La ville y perd<br />

ses repères. Même le Rhône, si<br />

beau quand il est lisse et que les<br />

murs du Palais se reflètent en lui,<br />

joue les figurants fugaces. L’on en<br />

viendrait presque à douter que certains<br />

jours, on a vu les femmes de<br />

prisonniers parler à leurs compagnons,<br />

elles en haut du jardin des<br />

Doms, eux en contrebas, dans la<br />

cour de la prison. Elles criaient<br />

pour se faire entendre. Des grillages<br />

avaient été posés pour qu’elles<br />

ne puissent plus envoyer de colis.<br />

UN SILENCE<br />

CLANDESTIN<br />

La prison est aujourd’hui vide,<br />

comme l’endroit qui fut le plus<br />

rêveur d’<strong>Avignon</strong>, le verger<br />

Urbain-V, là où des photos montrent<br />

Vilar sur une estrade de<br />

bois, débattant avec le public. Il y<br />

avait l’herbe et des arbres, et il est<br />

arrivé d’y passer une nuit entière<br />

à écouter un récit de L’Odyssée où<br />

des poèmes à l’attention de<br />

Vaclav Havel, une nouvelle fois<br />

mis en prison pour avoir milité<br />

pour la liberté en son pays, la<br />

Tchécoslovaquie.<br />

« Paradise now », par le Living Theatre, en 1968. MAURICE COSTA<br />

importée d’« off Broadway » !<br />

L’universalité, camarade ! Et le<br />

Charme, la Beauté, que Bourdieu<br />

n’a peut-être pas eu raison de suspecter<br />

!<br />

Après le spectacle, les cafés de<br />

la place d’<strong>Avignon</strong> ont perdu leur<br />

gaîeté. A l’ombre d’une auberge,<br />

Vilar s’interroge, seul. Gérard<br />

n’est plus. <strong>Le</strong>s fils du TNP qui<br />

poursuivent le rêve en province<br />

n’ont pas bondi au secours de leur<br />

inspirateur. Seuls les machinistes<br />

CGT ont eu le réflexe de défendre<br />

physiquement le patron. L’amertume<br />

de ce dernier est visible, on<br />

la dirait inguérissable.<br />

Voilà qui nous ramène à ces<br />

années 1980. En ce temps-là, un<br />

nouveau directeur est arrivé, qui<br />

allait donner un cours très particulier<br />

au Festival : Alain Crombecque<br />

sut introduire un silence clandestin<br />

dans le brouhaha d’<strong>Avignon</strong>.<br />

Il avait toujours un livre<br />

sous le bras, il écoutait plus qu’il<br />

ne parlait. Avec lui, <strong>Avignon</strong><br />

signait un pacte avec la littérature,<br />

plus proche de René Char que<br />

de Jean Vilar.<br />

Laissons monter de ce tempslà<br />

les souvenirs, serrés comme la<br />

foule entrant dans la Cour. Au premier<br />

rang vient celui d’un visage :<br />

une vieille dame, merveilleuse et<br />

intimidante, à l’ombre d’un<br />

feuillage. C’est Nathalie Sarraute,<br />

à laquelle un hommage est rendu.<br />

Puis vient un autre visage, impérial<br />

celui-là : Harold Pinter, qui<br />

livre à <strong>Avignon</strong> sa première pièce<br />

politique. Deux visages dans un<br />

temps lumineux qui vit, pour ne<br />

citer qu’eux, <strong>Le</strong> Soulier de satin<br />

par Antoine Vitez, Roaratorio par<br />

Merce Cuningham, Répons par<br />

Pierre Boulez.<br />

Et puis, il y a cet après-midi où<br />

nous étions quelques-uns dans<br />

une petite cour ombragée. André<br />

Marcon est arrivé, comme un marcheur<br />

venu de loin, et il s’est engagé<br />

dans une lecture qui allait prendre<br />

la forme d’un corps-à-corps.<br />

Il faisait entendre pour la première<br />

fois Pour Louis de Funès, de<br />

Valère Novarina. Il chantait des<br />

mots inouïs. A la fin, il a jeté les<br />

feuilles au vent, du geste ample<br />

d’un semeur. Ce jour-là, comme<br />

tant d’autres, une voix a été entendue.<br />

Un auteur, un acteur : c’était<br />

le théâtre dans sa nudité même.<br />

Celle qui reste quand rien n’a été<br />

oublié. C’est ainsi que cela se passe,<br />

à <strong>Avignon</strong>. a<br />

De se savoir chahuté, lui et son<br />

idéal, par des fils de famille en<br />

mal de criailleries et de rodomontades,<br />

en attendant de monnayer<br />

dans la « com’ » leur pratique de<br />

la manipulation, cette imposture<br />

en marche le consterne. En quoi<br />

le slogan de la créativité pour tous<br />

devrait remplacer le Beau ? <strong>Le</strong>s<br />

saluts interminables de la Cour<br />

d’honneur, n’était-ce donc<br />

qu’une survivance, un rite bientôt<br />

risible ?<br />

Vilar allait mourir quelques<br />

mois plus tard, comme si le désaveu<br />

inique de 68 l’avait atteint<br />

dans sa chair ! a<br />

ON SE SOUVIENT<br />

1972. RITUEL POUR UN RÊVE<br />

MORT. Carolyn Carlson, chorégraphe<br />

américaine, est l’enfant<br />

chéri des Français depuis que<br />

Rolf Liebermann lui a confié la<br />

mission d’introduire la danse<br />

contemporaine à l’Opéra de<br />

Paris. A <strong>Avignon</strong>, elle danse<br />

dans la compagnie d’Anne<br />

Bérenger et tous les spectateurs<br />

ne voient qu’elle.<br />

Injuste ? Sa silhouette est sa<br />

signature.<br />

1976. EINSTEIN ON THE BEACH.<br />

Bob Wilson vient pour la première<br />

et la seule fois à<br />

<strong>Avignon</strong>, avec Einstein on the<br />

Beach, classé dans un genre<br />

aujourd’hui délaissé : le théâtre<br />

musical. Phil Glass signe la<br />

musique et Andrew Degroat la<br />

chorégraphie de cet « opéra »<br />

inoubliable inspiré par une photo<br />

d’Einstein sur une plage : un<br />

voyage en apnée dans le<br />

temps mortellement blanc de<br />

l’explosion atomique, que<br />

Wilson travaille en prodigieux<br />

plasticien.<br />

1978. EN ATTENDANT GODOT.<br />

Géant au crâne rasé, Tchèque<br />

privé de son théâtre en son<br />

pays, pour des raisons<br />

politiques, Otomar Krejca<br />

introduit un Godot céleste et fragile<br />

dans la Cour d’honneur<br />

avec, pour le servir, Michel Bouquet,<br />

Rufus, Georges Wilson et<br />

José-Maria Flotats. La foule<br />

applaudit.<br />

1981. MARIE WOYZECK. Manfred<br />

Karge et Matthias<br />

Langhoff, transfuges de l’Est,<br />

ont rebaptisé le Woyzeck de<br />

Büchner en Marie Woyzeck :<br />

deux individus à la recherche<br />

d’une improbable liberté,<br />

jouets d’une société meurtrière<br />

de ses enfants. Du théâtre<br />

cinglant, terrible et burlesque.


0 123 - Jeudi 6 juillet 2006 - page 8 AVIGNON 2006<br />

Impressions<br />

entre émotion<br />

et sortilège<br />

Par Olivier Schmitt<br />

Au cloître des Carmes se<br />

jouaient La Mission et Au Perroquet<br />

vert, marche joyeuse, révolutionnaire,<br />

vers la mort. Matthias<br />

Langhoff, metteur en scène,<br />

porte le génie comme d’autres le<br />

chapeau.<br />

Ce petit homme au visage<br />

fermé, concentré, mal aimable,<br />

traverse la place de l’Horloge sur<br />

son Solex. Alain Crombecque,<br />

directeur du Festival de 1985 à<br />

1992, gagne à être connu, sur ses<br />

deux pieds.<br />

Quelques voix de femmes<br />

dans <strong>Avignon</strong> : Marthe Keller,<br />

Maria Casarès, Marilù Marini,<br />

Anne Alvaro, Ludmila Mikaël,<br />

Valérie Dréville, Jeanne Moreau,<br />

Isabelle Huppert, Denise Gence,<br />

Evelyne Didi, Christine<br />

Gagneux, Isabelle Sadoyan,<br />

Mireille Mossé, Michèle Oppenot,<br />

Irina Dalle, Elizabeth<br />

Mazev, Yolande Moreau, Dominique<br />

Valadié, Marianne Hoppe,<br />

Christine Fersen, Michelle<br />

Marquais, Marief Guittier,<br />

Christine Murillo, Anouk<br />

Grinberg, Norah Krief.<br />

Cet après-midi-là, Heiner<br />

Müller parlait. Bien. Mille personnes<br />

étaient rassemblées dans<br />

la cour surchauffée de l’ancien<br />

archevêché à l’invitation d’un<br />

journal. Beaucoup dormaient. <strong>Le</strong><br />

théâtre ne devrait pas être<br />

obligatoire.<br />

J’ai vu pour la première fois<br />

les Petits contes nègres, de Jean-<br />

Luc Courcoult et de son Royal de<br />

luxe, dans un village à la frontière<br />

du Nigeria et du Cameroun.<br />

L’éruption d’un volcan minuscule<br />

avait fait fuir les villageois. A<br />

<strong>Avignon</strong>, tout le monde est resté.<br />

Magie, ici et là.<br />

Il peut faire chaud à <strong>Avignon</strong>,<br />

très chaud, trop chaud. La<br />

température était de plus de 40 o<br />

dans la Baraque Chabran quand<br />

a commencé la première représentation<br />

de Shoppen & Ficken,<br />

de Mark Ravenhill, dans une<br />

mise en scène de Thomas<br />

Ostermeier. <strong>Le</strong> lieu a été<br />

raisonnablement abandonné<br />

depuis. Personne n’a oublié<br />

Ostermeier.<br />

Quatre heures du matin, au<br />

bar de l’Hôtel d’Europe. Théâtres<br />

fermés, articles expédiés à<br />

Paris. Un verre de vin, rouge,<br />

avec Catherine Clément. L’écrivaine<br />

avait vu ce soir-là le regard<br />

bleu d’Œdipe.<br />

Si le festival n’existait pas, il<br />

faudrait l’inventer pour Olivier<br />

Py, ses textes, ses mises en scène<br />

et ses récitals, quand il décide de<br />

se travestir en Miss Knife. Cet<br />

homme-là sait tous les coups du<br />

théâtre, du plaisir aussi.<br />

« Bernadetje », d’Arne Sierens<br />

et d’Alain Platel, a définitivement<br />

ringardisé la plupart des<br />

productions théâtrales, à <strong>Avignon</strong><br />

et ailleurs.<br />

<strong>Le</strong>s deux spectacles les plus<br />

bêtes jamais présentés à <strong>Avignon</strong><br />

partageaient la tête d’affiche<br />

de la triste édition 2005 :<br />

L’Histoire des larmes, de Jan<br />

Fabre, et B.#03 Berlin, de Romeo<br />

Castellucci. Je n’en suis pas encore<br />

totalement remis.<br />

Cela s’appelait <strong>Le</strong> Bourrichon,<br />

pas folichon pour un titre<br />

de pièce. Cela se jouait derrière<br />

le Palais des papes, entre un mur<br />

immense et un platane reliés par<br />

une guirlande lumineuse multicolore.<br />

Joël Jouanneau s’installait<br />

en poète radical sur la scène<br />

du théâtre français.<br />

C’était il y a presque<br />

vingt ans, Salle Benoît-XII. Un<br />

très jeune homme jouait O’Neill<br />

à l’invitation d’Alain Françon.<br />

(0,34¤/mn)<br />

« Marie Woyzeck », de Büchner, mise en scène de Karge et Langhoff, 1981. AGENCE ENGUERAND/BERNAND<br />

Une apparition. Aujourd’hui, on<br />

ne compte plus les cinéastes qui<br />

s’arrachent la nouvelle coqueluche<br />

des écrans, Clovis Cornillac.<br />

Cour d’honneur, Platonov.<br />

Quoi de plus beau que le feu d’artifice<br />

de papier d’Eric Lacascade<br />

dans les lumières de Philippe<br />

Berthomé ?<br />

Premier entracte de Vole,<br />

mon dragon, d’Hervé Guibert,<br />

dans la mise en scène fleuve (et<br />

remarquable) de Stanislas Nordey<br />

à la Chartreuse. Un homme<br />

demande à un autre : « Comment<br />

ça va ? » L’autre répond :<br />

« Comme quelqu’un qui vient de<br />

prendre des coups de zézette dans<br />

la figure pendant une plombe. »<br />

Vraisemblablement s’agissait-il<br />

de l’appendice de Laurent Sauvage.<br />

Ne jamais s’asseoir au premier<br />

rang.<br />

Quelques voix d’hommes<br />

dans <strong>Avignon</strong> : Jean-Paul Roussillon,<br />

Sami Frey, Lambert Wilson,<br />

Jean-Michel Dupuis, Philippe<br />

Clévenot, Aurélien Recoing,<br />

Jean Bouise, André Marcon,<br />

Didier Sandre, Charles Berling,<br />

Jean-François Sivadier, Philippe<br />

Torreton, Daniel Znyk, Martin<br />

Wüttke, Philippe Caubère, Domi-<br />

Par Fabienne Darge<br />

nique Pinon, Denis Lavant, Marcial<br />

di Fonzo Bo, Michel Fau, Philippe<br />

Demarle, Michel Piccoli,<br />

Jean-Quentin Châtelain, Robin<br />

Renucci.<br />

<strong>Le</strong> plus beau couple d’<strong>Avignon</strong><br />

est incontestablement<br />

celui que forment tous les étés la<br />

comédienne Martine Pascal et<br />

notre confrère Michel Cournot.<br />

Eternels amoureux, ils reçoivent<br />

à l’ombre du vieux platane de la<br />

Ferme Jamet, et aussitôt, on se<br />

sent bien.<br />

Didier-Georges Gabily fut<br />

un auteur hors pair. Un jour que<br />

je devais écrire sur l’une de ses<br />

pièces, Enfonçures, je lui ai<br />

donné rendez-vous dans les<br />

jardins de la Chartreuse, car je<br />

n’avais pas compris toute la<br />

portée de ce texte. Nous nous<br />

sommes expliqués. Tout était<br />

clair avec lui.<br />

J’ai aimé <strong>Le</strong> Tartuffe recréé<br />

par Ariane Mnouchkine.<br />

D’autant plus que beaucoup –<br />

les mêmes qui certainement se<br />

défient ailleurs de toute xénophobie<br />

– contestaient la diction<br />

d’une Dorine portugaise, Juliana<br />

Carneiro da Cunha, que j’ai trouvée<br />

sensationnelle.<br />

Avec Olivier Py<br />

dans son voyage<br />

au bout de la nuit<br />

<strong>Avignon</strong> 1995, Olivier<br />

Py, un iconoclaste de<br />

30 ans que l’on ne<br />

connaît pas, présente<br />

La Servante au Gymnase<br />

Aubanel. Vingtquatre<br />

heures de théâtre ! On est un<br />

petit groupe – c’était avant d’être<br />

« critique », et quelque chose est né<br />

là, c’est sûr –, on n’a pas 30 ans, ou à<br />

peine, on se dit : « On y va, ensemble<br />

», comme on aurait décidé d’aller<br />

ensemble à la mer ou au bout du<br />

monde. On va voir ce qu’il a à nous<br />

dire, ce garçon qui a le même âge<br />

que nous et se permet de faire vingtquatre<br />

heures de théâtre en boucle<br />

pendant 7 jours : cinq pièces et<br />

divers dramaticules, pendant sept<br />

jours, dans ce même GymnaseAubanel<br />

où déjà, en 1993, Dark/Noir<br />

nous avait décrassé le regard en<br />

nous plongeant dans la nuit.<br />

On y va sans savoir si l’on ira au<br />

bout du voyage : on a pris des<br />

places pour les deux premières<br />

pièces, comme on aurait pris un<br />

billet de car pour Salamanque en<br />

sachant qu’on pousserait peut-être,<br />

on verra, on ne veut pas décider à<br />

l’avance, jusqu’aux pueblos brûlés<br />

d’Andalousie.<br />

Et comme dans tout voyage, certains<br />

partiraient en cours de route,<br />

s’arrêteraient à Salamanque ou à<br />

Tolède, et d’autres iraient au bout<br />

de la route, jusqu’à la mer, jusqu’au<br />

matin – était-ce bien le matin ? Et<br />

comme dans tout voyage, pour ceux<br />

qui iraient jusqu’à la fin de cette histoire<br />

sans fin, il y aurait les haltes et<br />

les pauses : les dramaticules où l’on<br />

sort manger un sandwich, les flottements.<br />

Et les moments où la tête se<br />

fait lourde, où l’on se cale au mieux<br />

dans son fauteuil, où l’on s’endort<br />

et on rêve.<br />

Qu’a-t-on entendu de La Servante<br />

dans ce sommeil, dans ces rêves ?<br />

On dit toujours qu’il ne faut pas<br />

dormir au théâtre. Rester attentif.<br />

Mais songez : ce dont on se souvient<br />

d’un voyage, n’est-ce pas de<br />

ces moments où, par exemple, vous<br />

êtes dans un village d’Espagne, à<br />

l’heure où il n’y a plus dans les rues<br />

qu’un vieux chien pelé, et vous<br />

vous sentez totalement absent à<br />

vous-même, vacant, aveuglé par la<br />

lumière éblouissante ? Et c’est plus<br />

tard que vous savez que vous avez<br />

vécu là quelque chose. Quelque chose<br />

de bien plus fort que, au hasard,<br />

la visite de l’Alhambra de Grenade<br />

– et pourtant, c’est très beau,<br />

l’Alhambra.<br />

On serait bien incapable, aujourd’hui,<br />

de raconter l’histoire de La<br />

Servante. Mais ce dont on se souvient<br />

avec un sentiment très précis,<br />

c’est de ces acteurs qui nous<br />

avaient menés jusqu’au bout de la<br />

nuit, dans un jour renaissant. Et<br />

parmi ceux-là, les acteurs, il y en<br />

avait trois – pourquoi ces trois-là,<br />

c’est injuste, oui, ou alors c’est le<br />

talent – que l’on retrouverait onze<br />

ans plus tard, quand l’illusion comique<br />

d’Olivier Py serait passée au<br />

pluriel : Michel Fau, Philippe<br />

Girard, Elisabeth Mazev. Il y avait<br />

aussi la chienne Flipotte, qui entretemps<br />

aurait été remplacée par le<br />

chien Concept, mais cela, c’est une<br />

autre histoire, un diverticule que<br />

l’on explorera dans un autre<br />

papier, un autre voyage.<br />

Ce petit-matin-là, on le sait<br />

maintenant, ces trois acteurs-là,<br />

hâves et heureux comme nous<br />

l’étions à l’issue de cette odyssée<br />

accomplie ensemble, oui, ces troislà<br />

nous avaient appris quelque chose.<br />

Quelque chose sur la vie, qu’on<br />

ne regarde peut-être jamais si bien<br />

que dans la nuit du théâtre, du<br />

moment que dans cette nuit brille<br />

une servante. a<br />

Pour avoir animé de nombreuses<br />

Rencontres du <strong>Monde</strong> au<br />

Cloître Saint-Louis, les dieux de<br />

la scène m’ont récompensé en<br />

me permettant de voisiner<br />

quelques heures avec l’une des<br />

plus belles femmes du monde.<br />

Cette année-là, Kristin Scott<br />

Thomas jouait Bérénice et est<br />

venue en parler avec les lecteurs<br />

du journal.<br />

Un après-midi, attablés dans<br />

la cour de l’Hôtel d’Europe, Patrice<br />

Chéreau et Bernard-Marie<br />

Koltès trinquaient avec Jacqueline<br />

Maillan. Un verre transgenre<br />

dont il faut regretter qu’il soit si<br />

rare.<br />

J’ai pleuré deux fois à <strong>Avignon</strong>.<br />

Quand Ludmila Mikaël<br />

chantait <strong>Le</strong> Soulier de Satin dans<br />

la mise en scène d’Antoine Vitez<br />

et lors du finale de Chimère, le<br />

chef-d’œuvre de Bartabas et de<br />

son cheval noir, Zingaro.<br />

Carrière de Boulbon. La<br />

nuit est tombée. Pierre Boulez<br />

rejoint son pupitre à la tête de<br />

l’Ensemble Intercontemporain.<br />

De la main, il chasse un<br />

papillon et ouvre la partition de<br />

Répons. Comme par enchantement.<br />

a<br />

ON SE SOUVIENT<br />

1981. KONTAKTHOF. Pina Bausch<br />

a tout compris. Exactement<br />

le genre de spectacle qu’on<br />

attendait et qui n’était pas prévu.<br />

Meryl Tankard et Jo Ann<br />

Endicott für immer. Dominique<br />

Mercy, Malou Airaudo, Mechtilde<br />

Grossmann. Après la mort<br />

de Rolf Borzick, Peter Pabst a<br />

pris en main la scénographie.<br />

La costumière Marion Cito va<br />

faire de la robe Pina Bausch une<br />

icône de mode.<br />

1982. RICHARD II. Ariane Mnouchkine<br />

inaugure une Cour<br />

d’honneur refaite avec un Shakespeare<br />

placé sous le signe<br />

des samouraïs. <strong>Le</strong>s chevaliers<br />

du royaume d’Angleterre sont<br />

frères des guerriers de Kagemusha.<br />

La force du rite magnifie<br />

la splendeur des images.<br />

1984. RICHARD III. Un soleil noir<br />

envoûte la Cour : Ariel Garcia Valdès<br />

joue Richard III, dans la mise<br />

en scène noir flamboyant de<br />

Georges Lavaudant. Du roi nabot<br />

et assassin il fait un homme en<br />

mal d’absolu, un enfant enivré de<br />

lui-même. Sa séduction vénéneuse<br />

signe la rencontre légendaire<br />

d’un acteur et d’un rôle.<br />

1985. ROARATORIO ET LE<br />

MAHABHARATA. Merce Cunningham<br />

et John Cage s’invitent<br />

dans la tête et les textes de<br />

James Joyce. Des musiciens<br />

traditionnels accompagnent ce<br />

nocturne irlandais. On tangue<br />

comme dans un pub. Comme<br />

toujours la moitié du public crie<br />

son désarroi. C’est l’invention<br />

permanente. Merce en faune<br />

étourdissant.<br />

Peter Brook voulait un endroit<br />

pour réinventer le monde. Il a<br />

découvert la carrière Boulbon, à<br />

jamais liée à la création du Mahabharata.<br />

Cette immense fresque<br />

inspirée du poème épique indien<br />

se déploie dans une nuit d’or où<br />

le langage en sa simplicité est roi.


2006 AVIGNON page 9 - Jeudi 6 juillet 2006 - 0 123<br />

Lost<br />

in <strong>Avignon</strong><br />

<strong>Avignon</strong>, c’est la<br />

nuit. Même le jour,<br />

c’est la nuit. De dix<br />

heures du matin à<br />

dix heures du soir,<br />

on plonge dans des<br />

salles obscures. Si bien qu’entre<br />

les spectacles, on se sent zombie,<br />

asséché par la lumière trop blanche<br />

du Sud. Pas seulement parce<br />

qu’on se couche tard. Pas seulement<br />

parce que parfois le soleil<br />

tape dur. Non, il s’agit d’un tout<br />

autre phénomène.<br />

A force d’entrer sans interruption<br />

dans l’imaginaire et l’inconscient<br />

des auteurs de théâtre<br />

et des chorégraphes, de partager<br />

avec les acteurs et les danseurs le<br />

poids et les drames des personnages<br />

auxquels ils donnent vie, on<br />

pénètre dans des zones d’ombre<br />

qui sont aussi les nôtres ou qui le<br />

deviennent. <strong>Avignon</strong> squatte<br />

nos têtes et nos rêves. Il faut être<br />

résistant.<br />

<strong>Avignon</strong>, c’est la jeunesse. Celle<br />

d’une première fois. D’un<br />

groupe d’amis qui se retrouve<br />

dans une location, rue Victor-<br />

Hugo, à l’ombre des remparts.<br />

C’est Fritz qui descend à bicyclette<br />

de Paris, après un détour par<br />

Saint-Claude, où il achète des<br />

pipes (qui ont fait la renommée<br />

de la ville). Il les revendra au<br />

marché hippy et paiera ainsi son<br />

séjour. Tout est possible. <strong>Le</strong><br />

temps explose. La vie jusqu’où<br />

bout de la nuit, avec ce plaisir<br />

enfantin d’assister aux<br />

premières lueurs du jour. Il faut<br />

avoir 20 ans.<br />

<strong>Avignon</strong>, c’est une drogue.<br />

Une dure. De celle qui vous harponne<br />

dès la première prise. Et<br />

qui ne vous lâche plus. C’est la<br />

silhouette de Carolyn Carlson<br />

qui hante le mur du fond de la<br />

Cour d’honneur dans Onirocri,le<br />

théâtre musical vu par Antoine<br />

Bourseiller.<br />

Essayez aujourd’hui de programmer<br />

ce genre d’ovni à <strong>Avignon</strong><br />

! De surcroît dans le saint<br />

des saints. On n’y supporte<br />

même plus le talent d’un Jan<br />

Fabre. Quelque part au « off »,<br />

peut-être était-ce au Théâtre du<br />

Chapeau-Rouge, les danseurs<br />

Lila Green et Mark Tompkins<br />

donnaient l’illusion de se battre<br />

sur un ring de boxe. On découvrait<br />

la danse-contact…<br />

C’est l’allégresse d’un coup de<br />

massue. Celui reçu par le Kontakthof<br />

de Pina Bausch. <strong>Le</strong> corps<br />

et l’esprit en lévitation, l’événement<br />

arrosé comme il convenait<br />

: c’est-à-dire toute la nuit.<br />

Et encore le lendemain. Et tous<br />

les autres jours. C’est qu’il fallait<br />

Par Dominique Frétard<br />

s’en remettre – à l’époque, on ne<br />

jurait que par les Américains,<br />

la trinité Merce-Trisha-Lucinda.<br />

Vingt-cinq ans après, « son<br />

sens du suspense qui ne sert à rien<br />

qu’à énerver », comme l’écrivait<br />

si justement François Weyergans<br />

dans <strong>Le</strong> <strong>Monde</strong>, Pina nous<br />

tient toujours sous sa coupe. Et<br />

plus que jamais avec cet éclatant<br />

Rough Cuts qu’elle présentait, en<br />

juin, au Théâtre de la Ville, à<br />

Paris. Il y a ceux qui aiment Pina<br />

Bausch. Et les autres.<br />

Puis, un jour, vient l’écriture.<br />

Ecrire tout de suite en sortant<br />

des spectacles pour être « dans<br />

le journal » dès le lendemain.<br />

Etre critique. Rendre compte.<br />

Pas grave, croyait-on, puisqu’on<br />

était déjà rodé à dormir si peu.<br />

L’adrénaline de la nuit. <strong>Le</strong> corps<br />

vidé par la fatigue. L’aube<br />

encore. <strong>Le</strong> désordre des tasses<br />

de café. L’impression d’être sous<br />

acide.<br />

UNE VIE<br />

EN « JET LAG »<br />

Mais ceci est une autre histoire.<br />

Une vie en jet lag permanent.<br />

Probablement la seule façon<br />

d’aimer, peut-être même de supporter,<br />

ce trop-plein de spectacles.<br />

N’allez jamais à <strong>Avignon</strong><br />

avec un compagnon, ou une compagne,<br />

qui dort la nuit. Ou qui<br />

déprime. Tant de passion environnante<br />

achèvera de l’anéantir.<br />

<strong>Avignon</strong> grossit et exagère<br />

tous les états, toutes les émotions.<br />

C’est l’Australienne<br />

Jo-Ann Endicott qui dans le phénoménal<br />

Walzer de Pina Bausch<br />

se goinfre tout en détaillant les<br />

parties d’un corps qu’elle déteste.<br />

<strong>Le</strong>s 2 293 bruits répertoriés<br />

par John Cage dans le<br />

Finnegan’s Wake de James Joyce<br />

que le compositeur est allé collecter<br />

à Dublin pour écrire la<br />

partition de Roaratorio, une des<br />

multiples splendeurs de Merce<br />

Cunningham.<br />

La parade nocturne, inquiétante<br />

de Zingaro, Bartabas tournoyant<br />

dans la ville sur son cheval<br />

cabré. La chevelure blanche<br />

de l’impérieuse Chandralekha,<br />

chorégraphe rebelle de Madras.<br />

<strong>Le</strong> Mahabharata étoilé de Peter<br />

Brook et Jean-Claude Carrière.<br />

<strong>Le</strong>s rêves morts des hommes<br />

monochromes, de Lloyd Newson,<br />

toutes les folies Jan Fabre, y<br />

compris celles qui choquent le<br />

bobo, la fugue japonaise de<br />

Susan Buirge, le Ram Dam de<br />

Maguy Marin, l’Adieu de<br />

François Raffinot…<br />

Mais laissons là l’exercice des<br />

best-sellers. Car un paradoxe<br />

s’impose avec le recul : <strong>Avignon</strong>,<br />

c’est moins des spectacles que le<br />

souvenir des chemins parcourus<br />

dans la ville pour se rendre d’un<br />

théâtre à un autre. C’est la superposition<br />

en mille-feuille des<br />

vivants et des morts. L’émotion<br />

de penser que dans chaque<br />

hangar transformé en théâtre se<br />

cache sûrement un étonnant<br />

talent.<br />

C’est se sentir parfois comme<br />

ces touristes qui dans la Cité des<br />

papes ne vont jamais au spectacle,<br />

et qui pourtant diront : « Cet<br />

été je suis allé au Festival d’<strong>Avignon</strong><br />

». Ils ne mentent pas. <strong>Le</strong><br />

théâtre s’infiltre jusque dans les<br />

veines de ceux qui ne font que<br />

passer. <strong>Avignon</strong> peut être une<br />

possession. Qui a à voir avec les<br />

esprits des artistes, leur souffle,<br />

la chimie des mots et des corps,<br />

le mistral. Tant de mystères et<br />

d’impostures. Tant de courage<br />

et de fulgurance.<br />

<strong>Le</strong> Festival est un jeu de pistes.<br />

<strong>Le</strong> temple de la rumeur et du<br />

bouche-à-oreille. Telle pièce est<br />

« à chier », telle autre « la seule<br />

chose à voir ». Il y a ceux qui ont<br />

tout vu avant tout le monde, et<br />

qui affirment, y compris à ceux<br />

ON SE SOUVIENT<br />

1987. LE SOULIER DE SATIN.<br />

S’il n’en reste qu’un, pour beaucoup<br />

de spectateurs, c’est ce<br />

souvenir-là : la création de l’intégrale<br />

du Soulier de satin, de<br />

Paul Claudel, mis en scène par<br />

Antoine Vitez dans la Cour<br />

d’honneur. Douze heures de<br />

spectacle, une inoubliable<br />

traversée de la nuit, avec<br />

Rodrigue (Didier Sandre) et<br />

Prouhèze (Ludmila Mikaël), les<br />

amants déchirés d’un théâtre à<br />

son zénith.<br />

1988. RÉPONS. La Carrière<br />

Boulbon n’avait jamais vu<br />

cela : un ordinateur monstre et<br />

des batteries de hautparleurs,<br />

associés aux musiciens<br />

de l’Ensemble intercontemporain.<br />

C’était pour la création<br />

de Répons, de et dirigée<br />

par Pierre Boulez : une mécanique<br />

céleste dans un cadre de<br />

rêve.<br />

1994. VOLE MON DRAGON. Un<br />

jeune homme et un homme,<br />

unis par un amour raconté par<br />

Hervé Guibert, dans les années<br />

1980. <strong>Le</strong> metteur en scène<br />

Stanislas Nordey a confié le<br />

texte à des acteurs sourds et<br />

d’autres qui ne le sont pas.<br />

Ensemble, ils font le voyage de<br />

cet amour, qui dure le temps<br />

d’une nuit de théâtre. Un<br />

moment comme seul <strong>Avignon</strong><br />

sait en offrir : neuf heures d’où<br />

l’on ressort perclus d’émotions.<br />

1996. LA RÉSISTIBLE ASCEN-<br />

SION D’ARTURO UI. C’est la<br />

dernière mise en scène signée<br />

par Heiner Müller avant sa<br />

mort, en 1995. Un spectacle<br />

historique. Müller fait de la<br />

pièce de Brecht – une métaphore<br />

sur la montée du nazisme<br />

– une opérette sanglante,<br />

une farce poussée à son<br />

extrême. Tout <strong>Avignon</strong> devient<br />

fou d’un acteur d’exception :<br />

Martin Wuttke, dans le rôle<br />

d’Arturo Ui.<br />

« Nelken », chorégraphie de Pina Bausch, 1983. MARC ENGUERAND<br />

qui s’en contrefichent, que<br />

« c’était bien mieux à Berlin » ou<br />

à New York. Foire aux vanités à<br />

laquelle chacun participe à sa<br />

manière. Certains plus que<br />

d’autres. C’est ceux-là qu’il faut<br />

fuir.<br />

On se dit parfois, mais c’est<br />

une utopie, que le Festival d’<strong>Avignon</strong><br />

devrait être réservé au<br />

public et vivement déconseillé à<br />

ceux qui forment ce qu’on appelle<br />

« le milieu » du spectacle<br />

vivant, et qui fréquentent à titre<br />

professionnel les théâtres tout le<br />

reste de l’année. <strong>Le</strong>s programmations<br />

gagneraient en concision.<br />

Festival ne voudrait plus dire<br />

catalogue mais choix essentiels.<br />

<strong>Avignon</strong>, c’est le temps intercalaire.<br />

Un mois de juillet auquel<br />

on aurait rajouté des jours.<br />

Quand, dans ce temps entre<br />

parenthèses, surgit, brutale, la<br />

réalité de la grève des intermittents<br />

de juillet 2003, le Festival,<br />

qui repose sur un contrat tacite<br />

censé unir la grande famille du<br />

spectacle, s’effondre sur luimême,<br />

trop âgé, trop colossal, et<br />

ne s’en remet pas. <strong>Avignon</strong> est<br />

une fiction. Qu’il faut réinventer<br />

d’urgence. a


0 123 - Jeudi 6 juillet 2006 - page 10 AVIGNON 2006<br />

La Cour,<br />

un défi unique<br />

au monde<br />

Par Colette Godard<br />

Souvenirs ? D’abord<br />

des images de nuit, de<br />

ciel, de murailles : la<br />

Cour d’honneur.<br />

Inoubliable magie de<br />

l’immense espace<br />

entièrement offert aux fleurs par<br />

Pina Bausch : Nelken, « <strong>Le</strong>s<br />

Œillets », en 1983. Et puis l’étrange<br />

cosmos intemporel où Otomar<br />

Krjeka envoyait les « clochards<br />

métaphysiques » de Beckett attendre<br />

Godot, en 1978. Fragiles silhouettes<br />

en perdition, menacées<br />

par une sorte de lune blanche,<br />

oblique, naufragée.<br />

Parfois, c’est la religion du<br />

« peu » qui met en valeur la démesure<br />

du lieu. Sinon, les tentatives<br />

pour atteindre le niveau peuvent,<br />

à grand renfort de savants éclairages,<br />

trouvailles compliquées,<br />

décors ajoutés, aboutir à de lourdes<br />

acrobaties scéniques.<br />

D’autant plus aléatoires que le<br />

mistral est toujours possible.<br />

Auquel cas, devant la foule grelottante,<br />

tels des marins au cœur de<br />

la tempête, comédiens ou dan-<br />

seurs n’ont d’autre préoccupation<br />

que lutter pour tenir jusqu’au<br />

bout du voyage. Beauté du risque.<br />

Quoi qu’il en soit, la Cour<br />

d’honneur propose un défi scénographique,<br />

historique, mythique,<br />

sans doute unique au monde. Et<br />

qui, par une sorte de sortilège<br />

imprévisible, peut magnifier un<br />

spectacle : Nelken, ici, a trouvé<br />

une dimension sauvage qu’aucune<br />

salle n’a pu lui donner. Et le<br />

Richard II pour lequel Ariane<br />

Mnouchkine s’est inspirée du<br />

théâtre traditionnel japonais,<br />

dans tous ses décalages de codes,<br />

d’époques, d’environnement, a<br />

gagné la violence d’un souffle<br />

baroque magnifiquement shakespearien.<br />

<strong>Le</strong> spectacle inaugurait une<br />

« nouvelle » Cour d’honneur, en<br />

1982. Régulièrement, on essaie<br />

de la moderniser. Pourtant, estce<br />

que l’essentiel ne serait pas le<br />

hors temps du mur, de ses ogives,<br />

de ses fantômes ?<br />

Shakespeare, c’est vrai, y est<br />

comme chez lui. En tout cas, bien<br />

des metteurs en scène l’y ont cherché.<br />

Certains l’ont rencontré :<br />

Georges Lavaudant, en 1984,<br />

quand il a monté Richard III et<br />

confié le rôle du roi boiteux à Ariel<br />

Garcia-Valdès, tout jeune,<br />

régnant sur la Cour comme sur<br />

un terrain de jeux, jouant de son<br />

charme d’enfant despote. Un<br />

autre charmeur a marqué le personnage<br />

du méchant Richard :<br />

Marcial di Fonzo Bo, et il est cette<br />

année au lycée Mistral avec Copi.<br />

UN MONDE<br />

DÉVASTÉ<br />

A priori, rien à voir. En fait,<br />

deux façons de renverser la normalité<br />

sens dessus dessous. Car Shakespeare<br />

était trituré par Matthias<br />

Langhoff, qui le faisait parler d’un<br />

monde déchiqueté. Cela se passait<br />

en 1995 dans l’espace confiné des<br />

Pénitents-Blancs, inauguré, longtemps<br />

occupé par les « mises en<br />

espace » de Théâtre Ouvert. <strong>Le</strong><br />

titre entier était Gloucester-matériau-Shakespeare-Richard<br />

III, le<br />

mot « matériau » paraissant le<br />

« Richard III », de William Shakespeare, mise en scène Georges Lavaudant, en 1984. BRIGITTE ENGUERAND<br />

plus adapté au travail de déconstruction<br />

opéré sur le texte originel.<br />

Pratique courante chez les<br />

metteurs en scène allemands.<br />

Ainsi a-t-on vu la Nora d’Ibsen,<br />

parfaite incarnation de la<br />

« bobo » berlinoise dans sa Maison<br />

de poupée, abattre son mari au<br />

lieu de s’en aller. C’était la version<br />

Thomas Ostermeier, premier artiste<br />

associé désigné par la nouvelle<br />

direction, en 2004. Presque un<br />

habitué du Festival, parlant français,<br />

à l’aise partout, et dans l’incontournable<br />

Cour d’honneur, où<br />

son passionnant Woyzeck, interprétation<br />

racaille et rappeurs d’un<br />

héros quasi shakespearien au<br />

bord du gouffre, en a scandalisé<br />

plus d’un, en 2004. En 1981, Langhoff,<br />

en compagnie de Manfred<br />

Karge, avait lui aussi secoué en<br />

toute rudesse la pièce en fragments<br />

de Büchner : Marie Woyzeck<br />

au cloître des Carmes, autre<br />

lieu enchanté, le plus harmonieux<br />

de tous peut-être, où a été créé en<br />

1969 Orden (Bourgeade-Arrigo,<br />

Lavelli), premier essai de « théâ-<br />

tre musical », genre qui finalement<br />

a pris ses quartiers entre les<br />

deux arbres antiques du cloître<br />

des Carmes.<br />

Quelle ville offre une telle diversité<br />

d’espaces ouverts, vibrants,<br />

vivants ? La cour du lycée Saint-<br />

Joseph a engagé dans une dimension<br />

de tragédie les déchirements<br />

du transsexuel fassbinderien<br />

Charles Berling (L’Année des treize<br />

lunes, par Martinelli, en 1995), a<br />

fait régner sur les Pièces de guerre<br />

(Bond-Françon à nouveau réunis,<br />

en 1994) la désolation et la fureur<br />

d’un monde dévasté.<br />

Dans la cour de l’école Saint-<br />

Jean, les fanfares de Pippo Delbono<br />

(Silenzio, Guerra, La Rabbia,<br />

en 2002) ont arraché les cœurs,<br />

ramené les émotions brutes d’un<br />

théâtre éternel. Elles ont même<br />

investi l’immensité de la Carrière<br />

Boulbon (Urlo). C’est sans elles<br />

qu’il revient cette année, au<br />

Musée Calvet. A quand la Cour<br />

d’honneur ? A lui seul, il pourrait<br />

la tenir pendant des heures en<br />

haleine. a<br />

ON SE SOUVIENT<br />

2000. MY MOVEMENTS ARE ALO-<br />

NE LIKE STREETSDOGS. Erna<br />

Omarsdottir, Islandaise à faire<br />

fondre la banquise, mise en scène<br />

et en solo par Jan Fabre dans.<br />

Chiens empaillés, motte de beurre<br />

à tout faire, Léo Ferré à pleurer.<br />

Du Jan Fabre sublimé par<br />

une interprète jusqu’au-boutiste.<br />

2002. IL SILENZIO. Où l’on découvre<br />

l’Italien Pippo Delbono, avec<br />

trois spectacles, dont ce Silence<br />

inspirépar celui qui suit lestremblements<br />

de terre. La mort n’a jamais<br />

étéaussi vibrante, et vivante, qu’ici.<br />

2003. MAISON DE POUPÉE. Thomas<br />

Ostermeier, artiste associé,<br />

fait de Nora, l’héroïne d’Ibsen, une<br />

jeune femme, prise dans une<br />

imparable mécanique de la révolte<br />

et de la désillusion. Du théâtre<br />

pour aujourd’hui.


2006 AVIGNON page 11 - Jeudi 6 juillet 2006 - 0 123<br />

<strong>Le</strong> « théâtre calme »<br />

Dans « Gens de Séoul », l’auteur nippon,<br />

né en 1962, met en scène une famille banale<br />

pendant l’occupation de la Corée par le Japon<br />

D’abord, il y a son<br />

prénom, Oriza, un<br />

prénom qui peut<br />

sonner étrangement<br />

à nos oreilles<br />

occidentales, mais<br />

qui semble tout autant étrange à<br />

des Japonais, car O-ri-za est un<br />

takatana, c’est-à-dire une transcription<br />

d’un mot étranger.<br />

« Riz », en latin, tout simplement.<br />

En lui donnant ce prénom,<br />

les parents d’Oriza Hirata, ont<br />

voulu dès sa naissance, en 1962, le<br />

distinguer des autres et manifester<br />

une ouverture sur le monde,<br />

rare, dans un pays encore refermé<br />

sur son insularité. Ils ne croyaient<br />

sans doute pas si bien faire.<br />

Car ensuite, il y a ce voyage initiatique,<br />

à l’âge de 16 ans et demi,<br />

tout seul et à bicyclette, de quelque<br />

20 000 kilomètres à travers<br />

l’Europe. Un voyage difficile à<br />

envisager pour un gamin de cet<br />

âge, non seulement en raison<br />

d’éventuels périls, mais surtout<br />

parce que cela signifiait qu’il sortait<br />

du système scolaire, s’excluant<br />

ainsi de l’université.<br />

« Quand j’avais 13 ans, raconte-t-il,<br />

je rêvais de découvrir le monde<br />

entier. C’était fondamental, bien<br />

plus que d’aller au lycée. Au début<br />

mes parents ne me prenaient pas au<br />

sérieux. Mais quand je leur ai montré<br />

les billets d’avion que j’avais pu<br />

acheter en faisant des petits boulots,<br />

ils ne pouvaient plus rien dire. »De<br />

ce périple, il tirera son premier<br />

livre en 1981.<br />

En souriant, il explique que ce<br />

voyage n’a rien changé à sa vision<br />

du monde, parce que, à cet âge, il<br />

n’en avait pas. En revanche, dit-il<br />

« tout m’a influencé. J’ai appris<br />

très jeune que les valeurs de la vie<br />

peuvent être très variées, j’ai été<br />

enrichi par l’histoire européenne ou<br />

par l’art occidental, même si c’était<br />

assez conservateur ».<br />

Comme son prénom, il y a souvent<br />

dans ses textes (une trentai-<br />

ne à ce jour) des réminiscences<br />

venues de cet ailleurs : La Montagne<br />

magique ou <strong>Le</strong>s Buddenbrook,<br />

de Thomas Mann pour Nouvelles<br />

du plateau S et Tokyo Notes ;le<br />

film d’Ozu, Voyage à Tokyo, pour<br />

Gens de Séoul, la seule où les<br />

acteurs portent des kimonos.<br />

A son retour, il intègre l’International<br />

Christian University, à<br />

Tokyo, découvre le théâtre, écrit<br />

sa première pièce, fonde sa compagnie,<br />

Seinendan. Puis, doté d’une<br />

bourse, il va poursuivre ses études<br />

en Corée, autre fait rare pour quelqu’un<br />

de sa génération.<br />

A 25 ans, il commence à mettre<br />

en scène et en 1988, développe sa<br />

« méthode théâtrale », qu’il explique,<br />

« décrire la vie quotidienne<br />

avec des personnages ordinaires,<br />

que rien ne se passe, que le décor ne<br />

change pas, que la lumière ne change<br />

pas, qu’il n’y ait pas de musique,<br />

pas de coups de théâtre ». Ce que<br />

l’on qualifiera de « théâtre calme<br />

». Il ajoute : « Je savais que<br />

j’avais découvert une nouvelle<br />

méthode, mais je ne savais pas comment<br />

l’appliquer. Je perdais des<br />

spectateurs, personne ne comprenait<br />

ce que je voulais faire. »<br />

LE CRIME<br />

DE BONNE FOI<br />

Il fait son voyage de noces en<br />

France, en 1989, dix ans après son<br />

premier séjour, et c’est dans le<br />

TGV qui va à <strong>Avignon</strong> qu’il a<br />

l’idée de ce qui va devenir Gens de<br />

Séoul, « mais je ne pensais pas que<br />

ce serait un jour présenté au Festival.<br />

» Lors de la création, une seule<br />

critique paraît dans la presse<br />

disant en substance, « cette pièce<br />

n’a aucun sens. » Depuis, il s’est<br />

imposé, a écrit une suite, Gens de<br />

Séoul 1919 et travaille à une troisième,<br />

Gens de Séoul 1929.<br />

<strong>Le</strong> thème de la pièce (l’occupation<br />

de la Corée par le Japon, au<br />

début du siècle) est dérangeant<br />

pour ses compatriotes, mais le<br />

traitement qu’en donne Oriza<br />

Hirata est encore plus troublant.<br />

Il met en scène une famille japonaise<br />

banale, établie en Corée, qui<br />

selon ses propres termes, « sourit<br />

tout le temps et parle pendant une<br />

heure de l’occupation. » Certains y<br />

voient une pièce antiraciste,<br />

d’autres au contraire une justification<br />

du colonialisme japonais,<br />

« cela me fait plaisir que les réactions<br />

soient aussi variées, dit-il. L’essentiel,<br />

c’était de montrer que la<br />

colonisation, ce sont des gens qui<br />

occupent et des gens qui sont occu-<br />

d’Oriza<br />

Hirata<br />

« Gens de Séoul », d’Oriza Hirata, mis en scène par Frédéric Fisbach. KATSU MITYAUCHI<br />

pés. La question était donc, comment<br />

décrire le crime de bonne foi<br />

(comme les Américains convaincus<br />

du bien-fondé de l’invasion de<br />

l’Irak) commis par des gens<br />

ordinaires. »<br />

Comme le dit sa traductrice,<br />

Rose-Marie Makino Fayolle,<br />

« l’air de rien, il arrive à faire rire<br />

de choses très graves, et en riant,<br />

sans s’en rendre compte, on passe de<br />

l’autre côté ». Mais au-delà de la<br />

« méthode Hirata », il y a aussi le<br />

soin méticuleux qu’il apporte aux<br />

didascalies.<br />

Frédéric Fisbach qui avait mis<br />

en scène Tokyo Notes en 2000,<br />

avec lui – et qui monte cette fois<br />

Gens de Séoul – raconte qu’il travaillait<br />

à cette époque « sur la<br />

question d’un texte qui se présenterait<br />

sous la forme d’une partition<br />

pour l’interprète. C’est-à-dire qui<br />

poserait à l’acteur des questions<br />

d’exécution – le rapport à la forme<br />

du texte, sa rythmique, l’articulation,<br />

le souffle – avant même de penser<br />

à l’interprétation. Et je me<br />

retrouvais devant un texte qui se présentait<br />

non seulement sous la forme<br />

d’une partition pour la parole, mais<br />

aussi pour les corps. »<br />

M me Makino-Fayolle, elle,<br />

n’avait « jamais vu ça ! <strong>Le</strong> japonais<br />

s’écrit de droite à gauche et de<br />

façon verticale, or chaque page est<br />

coupée en deux, en haut un dialogue<br />

et en dessous, un autre dialogue,<br />

et partout des petits dessins,<br />

des numéros… » Il numérote par<br />

exemple chaque chaise et indique<br />

combien de temps un acteur s’y<br />

asseoit. Il y a, dit Frédéric Fisbach,<br />

« un aspect choral », les<br />

phrases courtes sont entrecoupées<br />

de oh ! de ah ! de eh !, qui<br />

montrent que l’interlocuteur<br />

écoute, d’autres personnages<br />

poursuivent en même temps une<br />

conversation différente… Une<br />

vingtaine de comédiens entrent et<br />

sortent, un nombre imposant,<br />

c’est que « l’Asie est très peuplée »,<br />

s’excuse-t-il.<br />

Si, au Japon, les acteurs appartiennent<br />

à une compagnie et ne<br />

travaillent que pour leur directeurmetteur<br />

en scène, lui, ouvre son<br />

théâtre aux autres et accepte que<br />

ses acteurs jouent ailleurs. Mais il<br />

les connaît bien et écrit en fonction<br />

de chacun, remaniant ses textes<br />

avec eux, encore et toujours.<br />

Toujours sur la brèche, toujours<br />

en mouvement, il est devenu également<br />

professeur, mais pas de<br />

théâtre…. de communication. a<br />

Martine Silber<br />

Gens de Séoul, du 21 au 26<br />

(relâche le 24), lycée Mistral.<br />

<strong>Le</strong>s pièces d’ Oriza Hirata sont publiées<br />

aux éditions des Solitaires intempestifs<br />

D’autres auteurs<br />

au programme<br />

Bernard-Marie Koltès.<br />

On entendra en anglais<br />

son Combat de nègres et<br />

de chiens (Black Battles<br />

with Dogs) qu’Arthur<br />

Nauzyciel a créé, en 2002,<br />

à Chicago avec des<br />

acteurs américains.<br />

Edward Bond, un des<br />

plus grands dramaturges<br />

britanniques contemporains,<br />

auteur d’un théâtre<br />

politique radical et prospectif.<br />

Depuis 1992, Alain<br />

Françon crée ses pièces<br />

en France. Il en présente<br />

trois (Naître, Chaise et Si<br />

ce n’est toi).<br />

Marguerite Duras.<br />

Dans Pluie d’été à Hiroshima,<br />

le metteur en scène<br />

Eric Vignier croise deux textes<br />

qui explorent l’intime et<br />

le spirituel La Pluie d’été et<br />

Hiroshima mon amour, le<br />

scénario que Marguerite<br />

Duras a écrit en 1960 pour<br />

Alain Resnais.<br />

De haut en bas :<br />

Bernard-Marie Koltes,<br />

MARC ENGUERAND. Edward<br />

Bond, MARC ENGUERAND.<br />

Marguerite Duras,<br />

JEAN-FRANÇOIS RAULT AGENCE<br />

ENGUERAND.


0 123 - Jeudi 6 juillet 2006 - page 12 AVIGNON 2006<br />

<strong>Le</strong> metteur en scène présente « Sizwe Banzi est mort », d’Athol Fugard, John Kani et Winston Ntshona<br />

Peter Brook : « Je suis un appareil photo »<br />

ble voyageur Peter<br />

Brook poursuit<br />

son exploration du<br />

théâtre comme instrument<br />

de découverte<br />

de la vie dans ce qu’elle a<br />

de plus divers : une esthétique<br />

de la pluralité, une éthique de la<br />

curiosité et de l’ouverture qui<br />

l’amènent à monter une nouvelle<br />

fois ce « théâtre des<br />

townships » sud-africain avec<br />

Sizwe Banzi est mort, d’Athol<br />

Fugard, John Kani et Winston<br />

Ntshona. Entretien.<br />

Enfant, vous étiez surtout<br />

passionné par la photographie<br />

et le cinéma. Et c’est<br />

le théâtre qui vous a happé.<br />

Comment l’analysez-vous ?<br />

A partir du moment où j’ai<br />

commencé à ouvrir les yeux sur<br />

le monde autour de moi, j’ai trouvé<br />

tout ce que je voyais fasci-<br />

ByTheWayCreacom - Photo : Gettyimages A81 ans, l’infatiga-<br />

GROUPE BANQUE POPULAIRE<br />

nant. Je suis rentré dans la vie –<br />

et suis resté longtemps – avec<br />

cette fascination du voyageur,<br />

de l’aventurier : tout ce qui passait<br />

par les yeux était pour moi<br />

la nourriture de la vie. Mais si<br />

vous regardez la vie de cette<br />

manière, vous êtes dans une forme<br />

de solitude. Comme dans cette<br />

célèbre chanson anglaise :<br />

I’m a Camera.<br />

Donc, d’une certaine manière,<br />

c’est cela que je suis : un<br />

appareil photo. Pour moi, faire<br />

du cinéma, c’était vraiment mettre<br />

cet œil de la caméra personnelle<br />

derrière celui de l’objectif,<br />

pour pénétrer le monde avec.<br />

Mais si je suis un appareil photo,<br />

cela veut dire qu’il n’y a<br />

qu’une seule personne qui est<br />

au centre, celle qui est derrière<br />

l’objectif. Quand j’ai commencé<br />

à travailler dans le cinéma, en<br />

Angleterre, dans les années<br />

1940, je n’étais pas du tout anti-<br />

social, j’avais beaucoup de relations,<br />

mais c’était un chemin de<br />

vie purement individualiste.<br />

C’est ce constat<br />

qui vous a mené au théâtre ?<br />

Dans l’Angleterre extrêmement<br />

fermée et grise de ces<br />

années-là, je me suis d’abord<br />

intéressé au théâtre à cause de<br />

l’ambiance qui y régnait : une<br />

certaine énergie, une certaine<br />

excitation. <strong>Le</strong> théâtre lui-même<br />

était d’un ennui mortel, mais, à<br />

l’intérieur de cette forme artificielle,<br />

il y avait une grande vitalité.<br />

Je me suis donc rapproché de<br />

ce monde, j’ai commencé à monter<br />

des pièces, et là, en travaillant<br />

avec des acteurs, dans la<br />

relation entre le groupe d’acteurs<br />

et un groupe plus grand<br />

qui est le public, j’ai découvert<br />

plus que la joie, la vérité d’être<br />

dans un travail collectif. La satisfaction<br />

profonde d’accomplir,<br />

de partager quelque chose, du<br />

premier jour au moment tellement<br />

important et délicat des<br />

représentations.<br />

Je compare souvent le théâtre<br />

et la cuisine : les répétitions,<br />

c’est une préparation en vue du<br />

moment où le repas va être goûté<br />

ensemble avec les spectateurs.<br />

Et ce moment doit, à chaque<br />

fois, être totalement respecté.<br />

J’ai toujours pensé que tout<br />

travail théâtral qui méprise le<br />

public n’est pas du théâtre.<br />

Vous employez souvent<br />

des métaphores photographiques<br />

pour parler de votre<br />

travail. Et vous faites<br />

souvent référence<br />

à Henri Cartier-Bresson…<br />

En travaillant, j’ai appris que<br />

ce dont on doit se méfier le plus,<br />

c’est de la tentation d’imposer<br />

une forme sur une pièce. Pour<br />

moi, le travail théâtral doit per-<br />

Vous serez<br />

fiers<br />

de votre banque<br />

Coopérer, c'est faire ensemble. C'est donc partager.<br />

Une banque coopérative, c'est une banque qui a le<br />

sens du partage. Donc, qui ne ressemble à aucune<br />

autre banque. Pourtant, favoriser la coopération,<br />

c'est l'avenir pour plus d'une entreprise quelle que<br />

soit sa taille. Et pour l'emploi. Encourager l'activité<br />

des associations, c'est vital pour la santé, la culture,<br />

le sport, l'insertion, le logement. Entre autres. Créer<br />

des produits solidaires, comme la Carte Bleue Agir,<br />

c'est un moyen si simple de passer à l'action.<br />

Bienvenue au Crédit Coopératif.<br />

www.credit-cooperatif.coop<br />

mettre à la forme naturelle de la<br />

vie, qui est toujours cachée, de<br />

monter à la surface. Je trouve terrible<br />

d’arriver, en tant que metteur<br />

en scène qui va monter<br />

Hamlet ou n’importe quelle<br />

autre grande pièce, avec une<br />

idée déjà très fortement préparée<br />

: « ma » lecture de la pièce.<br />

Je n’ai pas le droit d’avoir une<br />

lecture à moi d’une telle pièce.<br />

Mais, en même temps, lire la pièce<br />

à haute voix ne suffit pas pour<br />

que sa vraie vie cachée monte à<br />

la surface.<br />

Tout le travail est là pour que<br />

ces courants invisibles – qui<br />

vont former les moments de vérité<br />

– puissent apparaître, avec<br />

notre aide, mais sans que ce soit<br />

quelque chose que nous avons<br />

décidé a priori, que nous imposons.<br />

C’est cela qui rejoint le<br />

travail de Cartier-Bresson ?<br />

Ce qui est extraordinaire,<br />

chez Cartier-Bresson, c’est qu’il<br />

avait développé une chose<br />

au-delà de la sensibilité : une<br />

forme de perception qui rendait<br />

naturel le fait que, étant là, son<br />

appareil à la main, avec des milliers<br />

et des milliers de formes de<br />

vie qui passaient à chaque seconde<br />

devant ses yeux, il pouvait<br />

sentir une milliseconde à l’avance<br />

qu’il allait y avoir un de ces<br />

moments où tous les éléments<br />

devant lui seraient liés d’une certaine<br />

manière.<br />

Un de ces moments où tous<br />

ces liens qui sont toujours là,<br />

souterrains, seraient subitement<br />

visibles. Et cette intuition<br />

lui donnait le temps de lever l’appareil,<br />

d’appuyer sur le déclic et<br />

de saisir ce qu’il appelait le<br />

moment juste, le moment<br />

vivant.<br />

Comment ce type<br />

de démarche peut-il<br />

se traduire au théâtre ?<br />

Nous avons souvent, en répétition,<br />

utilisé des photos pour<br />

que les acteurs puissent s’approcher<br />

d’une vie qui<br />

leur était lointaine,<br />

en se laissant envahir<br />

par ces images. A<br />

partir de là, un peu<br />

comme Cartier-Bresson,<br />

l’acteur doit sentir,<br />

trouver ce qui<br />

précède ce moment<br />

et ce qui vient après.<br />

On part de la recherche<br />

d’un moment<br />

juste, pour qu’il n’y<br />

ait pas qu’un<br />

moment juste, mais des mouvements<br />

justes, pour que ce soit la<br />

vie qui coule à travers cela.<br />

Qu’est-ce que ça veut dire,<br />

finalement, le travail de l’acteur<br />

? C’est mettre en relief ce<br />

qui normalement passe inaperçu<br />

: les impulsions, les réactions,<br />

tout ce qui chez l’être<br />

humain est caché.<br />

Habib Dembele, qui joue<br />

dans Sizwe Banzi, est un acteur<br />

qui regarde la vie comme Cartier-Bresson,<br />

avec un sens de<br />

l’observation et un humour<br />

incroyablemt aigus. Et quand il<br />

joue, parce qu’il a développé un<br />

corps qui répond à cela, toute<br />

cette observation, cette énergie,<br />

et en même temps ces sentiments<br />

de joie devant l’absurdité<br />

des choses, tout cela s’exprime,<br />

se met en relief. C’est bien plus<br />

que de l’expression corporelle,<br />

ce n’est pas de l’expression personnelle<br />

: il ne parle pas que de<br />

lui en faisant cela, il parle de<br />

quelqu’un d’autre.<br />

Vous dites toujours que<br />

ce qui est important, au théâtre,<br />

c’est la vie : pour cela, la<br />

mise en scène ne peut être<br />

qu’un processus organique ?<br />

Absolument.<br />

Il est très rare<br />

que l’on considère<br />

l’Afrique<br />

comme<br />

une civilisation<br />

réellement<br />

riche et profonde<br />

Pour vous, il y a trois<br />

sommets dans le théâtre :<br />

les Grecs, Shakespeare<br />

et Tchekhov…<br />

Beckett, aussi…<br />

Mais si Shakespeare est<br />

une colonne vertébrale<br />

dans votre parcours, vous<br />

avez finalement peu monté<br />

les Grecs, Tchekhov<br />

et Beckett…<br />

Etre metteur en scène n’a<br />

jamais été pour moi un but en<br />

soi. Je n’ai pas cherché à faire<br />

une carrière, avec des étapes<br />

obligées dans un parcours, etc.<br />

J’ai cherché à vivre d’une certaine<br />

manière, avec cette aide extraordinaire<br />

qu’est le fait d’œuvrer<br />

dans un champ aussi riche et<br />

merveilleux que le théâtre. Ce<br />

qui m’a toujours intéressé, c’est<br />

de découvrir, de suivre et de<br />

développer certaines lignes, ce<br />

qui est très différent de « monter<br />

» des pièces.<br />

Vous avez néanmoins<br />

mis en scène Shakespeare<br />

à de nombreuses reprises…<br />

La raison pour laquelle j’aime<br />

tellement Shakespeare, c’est<br />

qu’il n’a pas de point de vue. Personne<br />

ne peut dire, sur une de<br />

ses phrases : « Ah, là, on entend<br />

la voix de l’auteur, c’est cela<br />

qu’il a voulu dire... » Alors que<br />

chez la plupart des auteurs, à<br />

chaque instant on entend la voix<br />

et l’autorité du dramaturge, qui<br />

utilise cette forme collective<br />

comme un instrument personnel<br />

pour parler au monde.<br />

Quand j’ai monté Don Giovanni,<br />

de Mozart, je n’avais pas du tout<br />

l’impression que c’était un monde<br />

clos venant du cerveau, de<br />

l’esprit, d’un certain compositeur,<br />

non, c’était un matériel<br />

vivant, exactemt comme ce qui<br />

est derrière ce moment de<br />

Cartier-Bresson.<br />

La merveille de Shakespeare,<br />

c’est que cet homme ait pu très<br />

rapidement absorber toutes les<br />

impressions de la vie autour de<br />

lui, y compris ce qui<br />

était loin de lui,<br />

venant de classes<br />

sociales qu’il<br />

n’avait jamais<br />

côtoyées. Tout ce<br />

qu’il entendait, il<br />

l’enregistrait, et<br />

tout cela nourrissait<br />

cette extraordinaire<br />

ouverture qui<br />

lui a permis d’absorber<br />

la vie. Et puis,<br />

au moment de l’écriture,<br />

qui apparemment chez lui<br />

était d’une rapidité extraordinaire,<br />

toute la vie repassait à travers<br />

lui, avec les supports nécessaires<br />

: parce qu’il faut des histoires,<br />

il faut des personnages.<br />

Et ils étaient illuminés d’une<br />

manière extraordinaire par<br />

cette créativité absolue, venant<br />

d’un homme qui ne voulait pas<br />

s’imposer pour empêcher quelque<br />

chose au-delà de lui d’apparaître.<br />

Shakespeare, c’est un phénomène.<br />

Et Tchekhov ?<br />

Tchekhov aussi est un phénomène<br />

: un très grand écrivain,<br />

dont ce n’était pas le premier<br />

métier. En tant que médecin,<br />

tous les jours, tout le temps, il<br />

était en position d’observateur.<br />

Il était là, il absorbait la vie de<br />

gens de tous milieux sociaux.<br />

Mais c’est un observateur<br />

concerné, engagé, profondément<br />

touché par la souffrance<br />

humaine : il est allé à Sakhaline<br />

pour faire ce grand livre sur ce<br />

camp de relégation, par exemple…<br />

Mais il était engagé et détaché<br />

en même temps, et, dans les<br />

moments de détachement, il<br />

voyait l’absurdité de la vie. Pour<br />

lui, la tragédie, la tristesse, l’en-


2006 AVIGNON page 13 - Jeudi 6 juillet 2006 - 0 123<br />

Peter Brook et Abdou Ouologuem (qui signe le décor) en répétition de « Sizwe Banzi est mort ». PASCAL GELLY AGENCE BERNAND<br />

nui étaient omniprésents, mais<br />

pourtant il y a dans ses pièces, à<br />

l’intérieur même du petit univers<br />

qu’il décrit (c’est beaucoup<br />

plus limité que Shakespeare), le<br />

même intérêt que chez l’auteur<br />

d’Hamlet pour l’inconnu de la<br />

vie. C’est une vraie forme de<br />

générosité : laisser tomber ce<br />

qu’on veut dire pour accueillir<br />

les autres…<br />

Comment passe-t-on<br />

de cela à Beckett ?<br />

Beckett, c’est tout à fait extraordinaire.<br />

D’abord parce qu’il a<br />

eu une originalité réelle, une<br />

manière de regarder la vie et le<br />

théâtre avec des formes qui sont<br />

totalement de sa création. Des<br />

images, comme dans Oh les<br />

beaux jours ou comme l’arbre<br />

d’En attendant Godot. Et ces<br />

images en même temps sont<br />

inséparables d’un sens, de la<br />

musicalité qui lie la parole et le<br />

silence.<br />

Avec sa distance et son<br />

humour, avec ce refus de laisser<br />

la personnalité et l’émotion de<br />

l’acteur submerger son propre<br />

propos, avec ce combat douloureux<br />

pour que chaque phrase soit<br />

juste, il est entré profondément<br />

dans ce qui se passe continuellement<br />

à l’intérieur de cette boîte<br />

inconnue qu’est l’être humain.<br />

S’il ne voyait que misère et tragédie,<br />

c’est parce que nous sommes<br />

tous, à chaque instant, complètement<br />

prisonniers de notre passé.<br />

Regardez une pièce comme La<br />

Dernière Bande : il s’agit de quelqu’un<br />

qui, quels que soient ses<br />

efforts, ne peut pas sortir du fait<br />

que toute sa vie derrière lui est<br />

enregistrée et ne cesse de revenir.<br />

Et du coup il ne peut plus<br />

jamais être dans le présent : toujours,<br />

toujours, le présent c’est<br />

de retrouver la vieille bande.<br />

Vous voyez Beckett<br />

comme un pur tragique ?<br />

En montant Oh les beaux jours<br />

– je viens de le mettre en scène<br />

en allemand, à Berlin –, j’étais<br />

profondément touché par le fait<br />

qu’il ait décidé que le personnage<br />

central était une femme. Au<br />

milieu de toutes ces pièces<br />

terribles, remplies de clochards,<br />

il y a des choses beaucoup plus<br />

féminines, comme Berceuse, et<br />

puis cette grande pièce où l’homme<br />

a un rôle assez obscur et misérable.<br />

Mais la femme est aussi tragique<br />

: elle est tellement prisonnière<br />

de sa petite bande à elle,<br />

qu’elle rejoue tout le temps,<br />

tellement prisonnière de la<br />

banalité…<br />

En même temps – et c’est ce<br />

qui rend cette pièce tellement<br />

importante –, cette femme totalement<br />

engoncée dans le monde,<br />

dans la terre où elle s’enfonce, a<br />

aussi le désir d’être comme un<br />

oiseau, de monter vers le haut et<br />

de ne pas être absorbée par la terre.<br />

Derrière le bavardage de cette<br />

femme, des fissures s’ouvrent<br />

sur l’inconnu – et à ces momentslà<br />

on sent la grandeur de cette<br />

pièce, qui nous met devant l’intolérable,<br />

l’impossible, et puis il y a<br />

ces petits trous… C’est l’effet<br />

tragique qu’il y a dans les tragédies<br />

grecques, où, dans les pires<br />

moments, le public est<br />

subitement mis devant quelque<br />

chose d’au-delà de la misère<br />

humaine, d’au-delà de la<br />

cruauté, de la bestialité.<br />

Quel rôle joue l’Afrique<br />

dans votre théâtre ?<br />

A l’origine de la création du<br />

Centre international, il y avait<br />

cette conviction que notre petite<br />

culture arrogante et fermée avait<br />

tout à apprendre des autres. L’intérêt<br />

pour l’Afrique n’était pas<br />

plus grand que l’intérêt pour le<br />

Japon ou l’Inde, mais c’était<br />

moins connu. Je trouvais, et je<br />

trouve de plus en plus, les images<br />

de l’Afrique extrêmement<br />

partielles, même chez beaucoup<br />

de ceux qui disent aimer la<br />

culture africaine. Il est très rare<br />

que l’on considère l’Afrique comme<br />

une civilisation réellement<br />

riche et profonde. Et pour des raisons<br />

personnelles et humaines,<br />

mais aussi sociales, c’est une chose<br />

importante pour moi : le racisme<br />

tel que nous le connaissons<br />

aujourd’hui est une réalité qu’il<br />

faut combattre. Par l’exemple –<br />

parce que les déclarations, cela<br />

ne sert à rien.<br />

Mais ce n’est pas seulement<br />

cela. C’est aussi la conscience<br />

d’une richesse extraordinaire :<br />

l’Afrique, c’est l’humain. Et si<br />

vous voulez, dans votre théâtre,<br />

dire quelque chose sur l’humanité,<br />

vous ne pouvez pas le faire<br />

sans cet apport-là. C’est aussi<br />

simple que cela. C’est pourquoi<br />

j’ai fait La Tempête avec Sotigui<br />

Kouyaté dans le rôle de<br />

Prospero.<br />

C’est aussi lié pour vous<br />

à cette relation que l’Afrique<br />

noire entretient avec le récit,<br />

avec le conte ?<br />

Quand il s’agit de théâtre, la<br />

tradition orale, qui est d’ailleurs<br />

en train de disparaître, et que<br />

l’on retrouve dans ce théâtre des<br />

townships auquel appartient<br />

Sizwe Banzi, est toujours importante.<br />

C’est d’ailleurs un cliché<br />

de notre travail que de dire que le<br />

groupe d’acteurs, et tous ceux<br />

qui ont travaillé sur la pièce, sont<br />

un conteur à têtes multiples. <strong>Le</strong><br />

bon acteur africain – tout le monde<br />

n’est pas fait pour être acteur,<br />

y compris en Afrique ! – est d’emblée<br />

organique. Il n’a pas besoin<br />

pour cela d’un apprentissage,<br />

d’étudier le mime ou la commedia<br />

dell’arte : il a cette capacité<br />

de faire passer ses images intérieures<br />

dans son corps, sans technique<br />

particulière. Cette technique<br />

que les grands acteurs occidentaux<br />

travaillent parfois pendant<br />

des années… Cela donne<br />

aux acteurs africains un très<br />

grand naturel, qui ne s’est pas<br />

perdu dans ce travail sur la<br />

technique.<br />

Est-ce vrai qu’une de vos<br />

devises est cette phrase de<br />

Hamlet : « The readiness is<br />

all » – que l’on peut traduire<br />

par : « <strong>Le</strong> tout, c’est d’être<br />

prêt » ?<br />

Vous voyez, nous avons bouclé<br />

la boucle : on revient à<br />

Cartier-Bresson. Si tout le monde<br />

ne fait pas des photos comme<br />

les siennes, c’est parce que lui<br />

était à chaque instant « ready<br />

» : ouvert, prêt. a<br />

Propos recueillis par<br />

Fabienne Darge<br />

Sizwe Banzi est mort, du 9 au 27<br />

(relâche les 11, 14, 18 et 25),<br />

à l’Ecole de la Trillade.<br />

TROIS AUTEURS<br />

SUD-AFRICAINS<br />

Dans les années 1960, en Afrique<br />

du Sud, un certain nombre<br />

de Blancs comme l’auteur<br />

Athol Fugard (photo du centre)<br />

viennent travailler dans les<br />

townships – notamment à<br />

Soweto, le grand ghetto noir de<br />

Johannesburg – où s’est développé<br />

un théâtre directement<br />

issu de la réalité de l’apartheid,<br />

de la violence et de l’oppression.<br />

Ainsi naissent des pièces<br />

écrites et jouées en commun –<br />

clandestinement, puisque<br />

Noirs et Blancs n’ont pas le<br />

droit de travailler ensemble.<br />

C’est ce théâtre que Peter<br />

Brook a fortement contribué à<br />

faire connaître en France, en<br />

organisant d’abord une saison<br />

sud-africaine au Théâtre des<br />

Bouffes-du-Nord en 1999 : on<br />

avait pu y découvrir <strong>Le</strong> Costume,<br />

de Mothobi Mutloatse, The<br />

Island et Sizwe Banzi est mort,<br />

d’Athol Fugard, John Kani (photo<br />

du haut) et Winston Ntshona<br />

(photo du bas). Sizwe Banzi,<br />

dont Peter Brook livre aujourd’hui<br />

une nouvelle mise en scène<br />

portée par le formidable<br />

acteur malien Habib Dembélé.<br />

Photos : DR<br />

création & illustration : studio sur sud / détail photo :©APoupeney – PhotoScene.fr


0 123 - Jeudi 6 juillet 2006 - page 14 AVIGNON 2006<br />

PRATIQUE<br />

MÉMENTO<br />

Du 6 au 27 juillet.<br />

Places numérotées : Cour<br />

d’honneur, Cour du lycée<br />

Saint-Joseph, Théâtre municpal<br />

(cat. 1), Chapiteau Domaine de<br />

Roberty. Placement libre dans<br />

tous les autres lieux. Ouverture<br />

des portes de 15 à 30 minutes<br />

avant le début des spectacles.<br />

Cour d’honneur : de 13 ¤ à 36 ¤.<br />

Théâtre municipal : de 13 ¤ à<br />

25 ¤. De 13 ¤ à 25 ¤ pour la<br />

grande majorité des spectacles.<br />

RÉSERVATIONS<br />

Par téléphone : 04-90-14-14-14<br />

(de 9 heures à 13 heures<br />

et de 14 heures à 17 heures).<br />

Au bureau de location à <strong>Avignon</strong> :<br />

Cloître Saint-Louis, 20, rue du<br />

Portail-Bocquier, tous les jours<br />

de 11 heures à 19 h 30 (pour<br />

les spectacles du jour même,<br />

la location s’arrête trois heures<br />

avant le début de chaque<br />

représentation ; la vente<br />

reprend, dans la limite<br />

des places disponibles,<br />

à l’entrée des lieux de spectacle,<br />

45 minutes avant le début<br />

de la représentation).<br />

Par Internet (frais de location :<br />

1,60 ¤ par billet) :<br />

www.festival-avignon.com.<br />

Dans les Fnac (frais de location :<br />

1,60 ¤ par billet).<br />

Paris : Bastille, Etoile, Forum,<br />

Micro, Italiens, Montparnasse,<br />

Saint-Lazare, Italie II,<br />

Champs-Elysées.<br />

Région parisienne : Créteil, Cergy,<br />

La Défense, Evry, Noisy, Parly II,<br />

Parinor, Vélizy, Boulogne,<br />

Rosny II, Val d’Europe.<br />

Province : toutes les Fnac.<br />

Etranger : Fnac en Suisse<br />

et en Belgique.<br />

NUMÉROS UTILES<br />

Festival d’<strong>Avignon</strong>,<br />

renseignements :<br />

04-90-14-14-60.<br />

Chartreuse de Villeneuves-lès-<br />

<strong>Avignon</strong> : 04-90-15-24-24.<br />

Office de tourisme d’<strong>Avignon</strong> :<br />

04-32-74-32-74.<br />

Taxis (24h/24) : 04-90-82-20-20.<br />

ARTISTE ASSOCIÉ<br />

JOSEF NADJ<br />

Asobu. Théâtre-danse-musique.<br />

Chorégraphie et scénographie :<br />

Josef Nadj.<br />

Cour d’honneur du Palais des papes.<br />

Du 7 au 13, à 22 heures. Durée : 1 h 30.<br />

Photographies. Exposition de photos<br />

de Josef Nadj. Ecole d’art, du 7 au 27,<br />

de 12 heures à 18 heures.<br />

Dernier paysage. Film de Josef Nadj.<br />

Cinéma Utopia-Manutention, les 10 et<br />

21, à 14 heures.<br />

<strong>Le</strong>s Miniatures. Exposition de dessins<br />

à l’encre de Chine de Josef Nadj.<br />

Lieu et dates à préciser.<br />

Exposition. Vidéos et photographies<br />

retraçant le parcours personnel<br />

et artistique de Josef Nadj.<br />

Maison Jean-Vilar. Du 4 au 27,<br />

de 10 h 30 à 18 heures.<br />

Publications. <strong>Le</strong>s Tombeaux de Josef<br />

Nadj, par Myriam Blœdé, éd. L’Œil d’or<br />

(sortie en juillet).<br />

Un numéro spécial de la revue<br />

Alternatives théâtrales.<br />

Exposition d’Alexandre Hollan.<br />

Peintre né à Budapest en 1933.<br />

Ecole d’art, du 7 au 27,<br />

de 12 heures à 18 heures.<br />

<strong>Le</strong>cture par Valérie Dréville de poèmes<br />

d’Otto Tolnai. Poète de langue<br />

hongroise, né à Kanizasa en 1940.<br />

Musée Calvet, le 9 à 11 heures.<br />

Cycle de lectures d’auteurs<br />

des pays de l’ex-Yougoslavie.<br />

Sous la direction d’Hubert Colas.<br />

Jardin de la rue de Mons.<br />

Du 8 au 12, à 11 heures.<br />

Jazz et musique improvisée<br />

de Hongrie et d’ailleurs.<br />

Phil Minton et Sophie Agnel.<br />

Gymnase du lycée Saint-Joseph,<br />

le 10, à 19 heures.<br />

György Szabados,<br />

Théâtre municipal, le 12, à 18 heures.<br />

Akosh S. et Gildas Etenard,<br />

Gymnase du lycée Saint-Joseph,<br />

le 18, à 19 heures.<br />

Archie Shepp, Tom McClung<br />

et le Mihaly Dresch Quartet,<br />

Cour d’honneur, le 19, à 23 heures.<br />

Akosh S. et Joëlle Léandre,<br />

avec Szilard Mezei, Gymnase du lycée<br />

Saint-Joseph, le 21, à 19 heures.<br />

MIQUEL BARCELO ET JOSEF NADJ<br />

Paso Doble. Performance - arts plastiques.<br />

Conception : Miquel Barcelo,<br />

Josef Nadj. Eglise des Célestins.<br />

Du 16 au 27 (relâche les 19 et 24),<br />

à 18 heures. Durée : 1 heure.<br />

Expositions Miquel Barcelo : à l’église<br />

des Célestins, du 8 au 27, de 11 heures<br />

à 16 heures ; à la Collection Lambert,<br />

du 8 juillet au 1 er octobre, de 11 heures<br />

à 19 heures.<br />

THÉÂTRE ÉQUESTRE<br />

Battuta, par le Théâtre équestre<br />

Zingaro. Conception : Bartabas.<br />

Chapiteau domaine de Roberty, du 6<br />

au 27 (relâche les 9, 13, 17, 21 et 24),<br />

à 22 heures. Durée : 1 h 30.<br />

<strong>Le</strong>ver de soleil, par Bartabas. Carrière<br />

de Boulbon, du 22 au 27 (relâche le 24),<br />

à 5 h 30. Durée : 1 heure.<br />

THÉÂTRE<br />

COUR D’HONNEUR<br />

<strong>Le</strong>s Barbares, de Maxime Gorki.<br />

Mise en scène : Eric Lacascade. Cour<br />

d’honneur, du 17 au 25 (relâche le 19),<br />

à 22 heures. Durée : 3 h 30.<br />

EDWARD BOND<br />

Quatre pièces de l’auteur britannique<br />

Edward Bond dont trois mises en scène<br />

par Alain Françon : Naître, Cour du<br />

lycée Saint-Joseph, du 10 au 16 (relâche<br />

le 14), à 22 heures. Durée : 2 h 15. Chaise,<br />

Salle Benoît-XII, les 18, 19, 22, 24 et<br />

26 à 19 heures, les 21, 23 et 25 à 15 heures.<br />

Durée : 1 h 30. Si ce n’est toi, Salle<br />

Benoît-XII, les 19, 22, 24 et 26 à<br />

1 heure, les 21, 23 et 25 à 19 heures.<br />

Durée : 1 h 05. <strong>Le</strong> Numéro d’équilibre,<br />

mis en scène par Jérôme Hankins.<br />

Salle Franchet du lycée Saint-Joseph,<br />

du 9 au 13, à 15 heures. Durée : 1 h 45<br />

ANATOLI VASSILIEV<br />

Mozart et Salieri. Requiem. Mise en<br />

scène : Anatoli Vassiliev. Musique :<br />

Vladimir Martynov. Carrière de Boulbon,<br />

les 8, 9 et 10, à 22 heures.Durée : 2 h 20.<br />

<strong>Le</strong>s Funérailles de Patrocle. <strong>Le</strong>s Jeux,<br />

d’Homère. Composition collective. Mise<br />

en scène : Anatoli Vassiliev. Carrière de<br />

Boulbon, les 14, 16 et 17, à 22 heures.<br />

Durée : 2 h 40.<br />

Photokynèse. Exposition de photos<br />

d’Anatoli Vassiliev. Hôtel de la Mirande,<br />

du 7 au 27, de 10 heures à 20 heures.<br />

COPI/MARCIAL DI FONZO BO<br />

Trois mises en scène de pièces de Copi<br />

par Marcial Di Fonzo Bo.<br />

La Tour de la Défense, Lycée Mistral,<br />

du 9 au 16 (relâche le 14), à 19 heures.<br />

Durée : 1 h 20.<br />

<strong>Le</strong>s poulets n’ont pas de<br />

chaises/Loretta Strong, Cour du lycée<br />

Mistral, du 9 au 16 (relâche le 14), à<br />

22 h 30. Durée : 2 heures.<br />

Eva Peron, Rond-point de la Barthelasse,<br />

le 19, à 22 heures. Durée : 1 heure.<br />

JAN LAUWERS § NEEDCOMPANY<br />

<strong>Le</strong> Bazar du Homard. Texte et mise<br />

en scène : Jan Lauwers. Cloître des<br />

Célestins, du 9 au 15 (relâche le 14),<br />

à 22 heures. Durée : 2 heures.<br />

La Poursuite du vent,<br />

de Claire Goll. Par Viviane de Muynck.<br />

Théâtre municipal. Du 8 au 15,<br />

à 18 heures (le 14, à 15 heures).<br />

Durée : 1 h 15.<br />

JOËL POMMERAT<br />

Quatre spectacles écrits et mis<br />

en scène par Joël Pommerat :<br />

<strong>Le</strong>s Marchands, Théâtre municipal,<br />

du 20 au 25 (relâche le 23),<br />

à 19 heures. Durée : 2 heures.<br />

Au monde, Théâtre municipal,<br />

du 21 au 25 (relâche le 23), à 15 heures.<br />

Durée : 2 h 05. <strong>Le</strong> Petit chaperon<br />

rouge, Salle Benoît-XII, les 6, 7 et 8,<br />

à 11 heures et 18 heures.<br />

Durée : 45 minutes. Cet enfant,<br />

Rond-point de la Barthelasse,<br />

le 16, à 22 heures. Durée : 1 heure.<br />

01 44 85 40 40 / theatre-odeon.fr<br />

CHRISTOPHE HUYSMAN<br />

Trois spectacles écrits et mis en scène<br />

par Christophe Huysman :<br />

Human (articulations),<br />

Tinel de la Chartreuse, du 8 au 22<br />

(relâche les 12, 17, 18 et 19),<br />

à 18 heures. Durée : 1 h 15.<br />

La Course au désartre, Tinel de la Chartreuse,<br />

les 18 et 19, à 16 heures<br />

et 18 heures. Durée : 40 minutes.<br />

<strong>Le</strong>s Eclaireurs, Abside de l’église, Chartreuse,<br />

du 7 au 22, à 9 heures et 18 h 30.<br />

PETER BROOK<br />

Sizwe Banzi est mort, d’Athol Fugard,<br />

John Kani et Winston Ntshona.<br />

Mise en scène : Peter Brook.<br />

Ecole de la Trillade, du 8 au 27<br />

(relâche les 14, 18 et 25),<br />

à 22 heures, et le 14 à 23 heures.<br />

Pitcho, concert de Pitcho Womba<br />

Konga, acteur de Sizwe Banzi<br />

est mort, et musicien de rap.<br />

Gymnase du lycée Saint-Joseph,<br />

le 25, à 19 heures.<br />

STEFAN KAEGI<br />

Deux spectacles conçus par Stefan Kaegi<br />

: Mnemopark, Salle Benoît-XII, les 12,<br />

13 et 14, à 15 heures. Durée : 1 h 40 (en<br />

français et allemand surtitré).<br />

Cargo Sofia-<strong>Avignon</strong>,<br />

spectacle itinérant, départ devant<br />

la grande poste, dun 20 au 25<br />

(relâche le 23), à 11 heures<br />

et à 15 heures. Durée : 1 h 50.<br />

AUTRES SPECTACLES<br />

Pluie d’été à Hiroshima, d’après<br />

La Pluie d’été et Hiroshima mon amour.<br />

Mise en scène : Eric Vigner.<br />

Cloître des Carmes, du 11 au 24<br />

(relâche les 14 et 20), à 21 h 30.<br />

Durée : 3 h 30.<br />

Gens de Séoul, d’Oriza Hirata.<br />

Mise en scène : Frédéric Fisbach.<br />

Lycée Mistral, du 21 au 26 (relâche<br />

le 24), à 18 heures. Durée : 2 heures.<br />

© Dolorès Marat (détail) by courtesy of galerie Kamel Mennour<br />

Rouge décanté, d’après Jeroen<br />

Brouwers. Mise en scène : Guy Cassiers.<br />

Cloître des Célestins, du 19 au 24<br />

(relâche le 21), à 22 heures.<br />

Durée : 1 h 30.<br />

Combat de nègre et de chiens,<br />

de Bernard-Marie Koltès. Mise en<br />

scène : Arthur Nauzyciel. Gymnase<br />

Aubanel, du 9 au 14 (relâche le 11),<br />

à 18 heures. Durée : 2 h 30<br />

(en anglais surtitré)<br />

Depuis hier. Quatre habitants,<br />

de et par Michel Laubu. Jardin<br />

de la rue de Mons, du 15 au 23<br />

(relâche le 19), à 22 heures.<br />

Durée : 1 h 10.<br />

Récits de juin, de et par Pippo<br />

Delbono. Musée Calvet, du 17 au 20,<br />

à 19 heures. Durée : 1 h 30.<br />

DANSE<br />

Faut qu’on parle ! Spectacle<br />

conçu par Hamid Ben Nahi<br />

et Guy Alloucherie. Chapelle<br />

des Pénitents-Blancs,<br />

du 9 au 13 (relâche le 12), à 15 heures,<br />

et le 14, à 15 heures et à 20 heures.<br />

Durée : 1 heure. <strong>Le</strong> 20,<br />

Hamid ben Nahi présente Sekel,<br />

au Rond-point de la Barthelasse,<br />

à 23 heures. Durée : 1 heure.<br />

Journal d’inquiétude. Conception,<br />

interprétation et musique :<br />

Thierry Baë. Chapelle des Pénitents-<br />

Blancs, du 17 au 20, à 15 heures.<br />

Durée : 1 h 30.<br />

Sans retour. Spectacle interdisciplinaire<br />

mis en scène par François Verret.<br />

Gymnase Aubanel, du 18 au 25 (relâche<br />

le 22), à 18 heures. Durée : 1 h 10.<br />

vsprs, conçu et mis en scène<br />

par Alain Platel. Cour du lycée<br />

Saint-Joseph, du 20 au 26 (relâche<br />

le 23), à 22 heures. Durée : 1 h 35.<br />

<strong>Le</strong> Sujet à vif. Quatre spectacles nés<br />

d’une rencontre entre un chorégraphe<br />

et des danseurs et artistes.<br />

Jardin de la Vierge du lycée<br />

Saint-Joseph, du 17 au 25.<br />

A 11 heures : Contigo, par Joao<br />

Pereira dos Santos et Rui Horta ;<br />

Nunakt, par Karine Pointiès et Nicole<br />

Mossoux ; à 18 heures : Copyright,<br />

par Olivier Dubois et Claire Denis ;<br />

Mones, <strong>Monde</strong>, Junaid Jemal Sendi<br />

et Franck Micheletti.<br />

L’Eté des Hivernales, organisé<br />

par <strong>Le</strong>s Hivernales, centre<br />

de développement chorégraphique<br />

d’<strong>Avignon</strong>. Programmme<br />

sur www.hivernales-avignon.com<br />

ou tél. : 04-90-82-33-12<br />

CINÉMA<br />

<strong>Le</strong> Dernier Caravansérail (Odyssées),<br />

film réalisé par Ariane Mnouchkine<br />

d’après le spectacle du Théâtre du<br />

Soleil. Projection dans la Cour<br />

d’honneur, le 10, à 22 heures (5 h 15).<br />

MUSIQUE<br />

Cycle de musiques sacrées,<br />

du 7 au 27, à <strong>Avignon</strong> et dans la région.<br />

EXPOSITIONS<br />

Lune, exposition d’Hiroyuki Nakajima.<br />

Chapelle Saint-Charles, du 9 au 21<br />

(relâche le 15), de 12 heures<br />

à 16 heures. Avec une performance<br />

à 17 heures (environ 30 minutes)<br />

Métamorphoses du public.<br />

Maison Jean-Vilar, du 4 au 29,<br />

de 10 h 30 à 18 heures.<br />

Mémoire de scène, les costumes<br />

du Festival 1947-1963. Palais des<br />

papes, toute la durée du Festival,<br />

de 9 heures à 20 heures.<br />

<strong>Le</strong> Paradoxe du comédien,<br />

les figures de l’acteur. Collection<br />

Lambert en <strong>Avignon</strong>, jusqu’au<br />

1 er octobre, de 11 heures à 19 heures.<br />

<strong>Le</strong>s Maîtres du Nord. Musée Calvet,<br />

toute la durée du Festival, de 10 heures<br />

à 13 heures et de 14 heures à 18 heures.<br />

RENCONTRES<br />

Une journée particulière : 24 heures<br />

pour célébrer soixante années<br />

de décentralisation. <strong>Le</strong> 17,<br />

au Verger Urbain-V.<br />

Une histoire en mouvement<br />

Trois journées consacrées à<br />

l’histoire du Festival, Gymnase<br />

Saint-Joseph, les 13, 14 et 15.<br />

<strong>Le</strong>s leçons de l’université d’<strong>Avignon</strong>,<br />

avec Bartabas, le 12 ; Edward Bond,<br />

le 15 ; Anatoli Vassiliev, le 19.<br />

Université d’<strong>Avignon</strong>, à 11 heures.<br />

<strong>Le</strong> théâtre des idées. Rencontres<br />

avec des philosophes, des intellectuels<br />

et des scientifiques. Gymnase<br />

du lycée Saint-Joseph, les 8, 9, 11, 16, 19,<br />

20 et 22.<br />

0123<br />

Siège social : 80, bd Auguste-Blanqui<br />

75707 PARIS CEDEX 13<br />

Tél. : +33 (0)1-57-28-20-00<br />

Fax. : +33 (0)1-57-28-21-21<br />

Télex : 206 806 F<br />

Edité par la Société Editrice<br />

du <strong>Monde</strong>,<br />

président du directoire,<br />

directeur de la publication :<br />

Jean-Marie Colombani<br />

La reproduction de tout article est interdite sans<br />

l’accord de l’administration. Commission paritaire<br />

des journaux et publications n o 57 437.<br />

ISSN : 0395-2037<br />

Pré-presse <strong>Le</strong> <strong>Monde</strong><br />

Impression <strong>Le</strong> <strong>Monde</strong><br />

12, rue M.-Gunsbourg<br />

94852 Ivry Cedex<br />

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