01.07.2013 Views

La commande publique - Ordre des architectes du Québec (OAQ)

La commande publique - Ordre des architectes du Québec (OAQ)

La commande publique - Ordre des architectes du Québec (OAQ)

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

imaginons un patient qui doit subir une<br />

opération. Il écoute à peine le chirurgien qui<br />

explique son diagnostic et prodigue <strong>des</strong><br />

conseils postopératoires parce que, préoccupé par<br />

la prolifération <strong>des</strong> maladies nosocomiales, il veut<br />

plutôt s’assurer que son médecin signera bien un<br />

papier attestant qu’il s’est lavé les mains avant<br />

d’entrer au bloc. loin d’assurer la réussite de<br />

l’opération, cette précaution témoigne d’une<br />

relation malsaine : le patient ne fait clairement<br />

pas confiance à son médecin.<br />

Cet exemple illustre le rapport qui existe entre les<br />

donneurs d’ouvrage publics et les <strong>architectes</strong>. un<br />

contrat outrageusement détaillé, rédigé par <strong>des</strong><br />

juristes spécialisés et rempli de clauses tatillonnes<br />

et de pénalités potentielles pour protéger le client<br />

ne garantira jamais un projet réussi. Ce serait<br />

plutôt le contraire. Je ne plaide pas pour la<br />

suppression <strong>des</strong> documents contractuels, mais la<br />

clé <strong>du</strong> succès est ailleurs.<br />

les meilleurs projets, ceux qui satisfont le client<br />

et les usagers et qui rendent fiers les <strong>architectes</strong>,<br />

sont bâtis dans un climat de confiance<br />

réciproque où chacun est attentif aux attentes de<br />

l’autre, prêt à écouter ses arguments, ouvert à<br />

<strong>des</strong> discussions franches. l’information est<br />

partagée en toute trans parence afin de permettre<br />

<strong>des</strong> prises de décisions collectives assumées,<br />

dans le respect <strong>des</strong> rôles respectifs, en fonction<br />

de l’évolution <strong>du</strong> projet et de l’inévitable réalité<br />

<strong>du</strong> chantier et <strong>des</strong> budgets.<br />

malheureusement, par les temps qui courent, à<br />

tort ou à raison, la confiance entre le client et les<br />

professionnels s’effrite. Dès le départ, on se méfie<br />

de l’autre et, forcément, on tente de se protéger,<br />

sou vent maladroitement, que ce soit en proposant<br />

<strong>des</strong> contrats pointilleux, en instaurant <strong>des</strong><br />

con trôles constants ou en réclamant <strong>des</strong> serments<br />

de virginité.<br />

le cONtrAt Ne FAit<br />

PAs le BâtimeNt<br />

a n d r é b o u r a s s a , p r é s i d e n t<br />

Ces mesures bureaucratiques – qui justifient <strong>des</strong><br />

emplois au sein <strong>des</strong> contentieux – rassurent le<br />

client et lui évitent d’avoir à se poser <strong>des</strong><br />

questions, mais elles présentent <strong>des</strong> inconvénients<br />

majeurs. D’une part, on renvoie toutes<br />

les responsabilités à l’architecte, par exemple le<br />

respect <strong>des</strong> coûts et délais, y compris sur <strong>des</strong><br />

éléments qu’il ne maîtrise pas. D’autre part, on<br />

crée une fausse apparence de sécurité avec <strong>des</strong><br />

déclarations d’absence de conflit d’intérêts. Ces<br />

mesures ne constituent pas <strong>des</strong> barrières efficaces<br />

contre les dépassements de coûts et le non­respect<br />

<strong>des</strong> échéanciers, et elles n’offrent aucune immunité<br />

contre la collusion, la fraude fiscale ou<br />

l’apparence de conflit d’intérêts.<br />

le dossier de l’amphithéâtre de <strong>Québec</strong> illustre<br />

à lui seul les nombreuses dérives que connaît<br />

l’attribution de la <strong>commande</strong> <strong>publique</strong> aux<br />

professionnels. Sans doute pleine de bonne foi et<br />

d’enthousiasme, la ville a joué les apprentis<br />

sorciers et inventé un mélange <strong>des</strong> genres inédit.<br />

Cette expérimentation à tous crins démontre<br />

une incompréhension <strong>des</strong> étapes clés de la<br />

conception et de la construction d’un bâtiment.<br />

elle met de côté la qualité de l’architecture,<br />

constituée de fonctionnalité et de confort, de<br />

solidité et de <strong>du</strong>rabilité, d’harmonie et d’intégration<br />

urbaine.<br />

un récent compte ren<strong>du</strong> de la visite <strong>du</strong> maire de<br />

<strong>Québec</strong> à Pittsburgh paru dans Le Soleil<br />

l’atteste : « Conforté aussi dans la décision de<br />

mettre un maximum d’argent dans les<br />

équipements technologiques, audio et vidéo,<br />

qui vont contribuer à “l’expérience”, plutôt<br />

que dans l’enveloppe extérieure <strong>du</strong> bâtiment.<br />

m. labeaume sait qu’il risque ce faisant de<br />

provoquer la critique <strong>des</strong> <strong>architectes</strong>, mais le<br />

choix semble fait. » D’un côté comme de l’autre,<br />

voilà un discours inquiétant, qu’il s’agisse<br />

d’accorder une moindre importance à l’esthé­<br />

tique ou à l’efficacité énergétique. Surtout de la<br />

part d’un élu qui réclamait il y a peu <strong>du</strong> « beau »<br />

aux promoteurs, affichait son engouement pour<br />

les écoquartiers et affirme avoir le souci de<br />

l’argent public.<br />

Personne ne sait donc<br />

que le travail de<br />

l’architecte n’est pas<br />

terminé tant que le<br />

projet n’est pas<br />

construit ?<br />

Ailleurs, l’attribution <strong>des</strong> mandats et les mo<strong>des</strong><br />

de réalisation évoluent de façon moins<br />

spectaculaire, mais parfois insidieuse. Que<br />

penser de cette idée <strong>du</strong> gouvernement de<br />

séparer les mandats de conception de ceux de<br />

surveillance <strong>des</strong> travaux ? Cette mesure annoncée<br />

– qui irait à l’encontre <strong>des</strong> normes reconnues<br />

de bonne pratique – pose <strong>des</strong> problèmes de<br />

responsabilité que soulignent juristes et assureurs.<br />

Personne ne sait donc que le travail de<br />

l’architecte n’est pas terminé tant que le projet<br />

n’est pas construit ?<br />

l’ordre <strong>des</strong> <strong>architectes</strong> souhaite une lutte<br />

efficace contre la collusion et les conflits<br />

d’intérêts et a réclamé une commission d’enquête.<br />

À l’issue <strong>des</strong> travaux de la Commission<br />

Charbonneau, <strong>des</strong> modifications devront sans<br />

doute être apportées aux méca nismes d’attribution<br />

de la <strong>commande</strong> <strong>publique</strong>. laissons<br />

laissons la Commission travailler et réfléchissons<br />

posément aux conséquences <strong>des</strong><br />

mesures préconisées plutôt que d’agir dans la<br />

précipitation et en dépit <strong>du</strong> bon sens.<br />

éditOriAl<br />

5<br />

| printemps 2012 | ESQUISSES

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!