Dossier spécial "Air de Paris" (format PDF - 18,31 Mo )

Le chardonneret élégant, qui se négocie
plusieurs centaines d’euros au marché noir.
LES AILES DU DÉLIRE
Mais ce ne sont pas forcément les oiseaux
les plus exotiques qui attirent le
plus de convoitise. La palme revient
au… chardonneret élégant, le chouchou
des volières, la star de la vente
sous le manteau. Ou encore au verdier,
bouvreuil, tarin des aulnes et jaseur
boréal, tous excellents chanteurs.
Ces espèces, que l’on trouve facilement
dans les jardins de banlieue, n’en
sont pas moins protégées. C’est donc
en toute illégalité qu’ils sont capturés
et revendus, notamment au marché
aux oiseaux qui se tient tous les dimanches
place Louis Lépine, dans le
4 e arrondissement.
Certains sont prêts à payer des sommes
astronomiques pour un chardonneret.
Ce genre de trafic peut rapporter gros :
dans les 30 000 euros par an pour un
individu interpellé par le Sarij 4*, qui a
placé le marché aux oiseaux sous haute
surveillance, remettant à l’honneur
une partie du code pénal en général
peu usitée : les articles L411/1 et suivants
du code de l’environnement, qui
constituent le délit de mise en vente
d’espèces protégées.
Une trentaine de personnes ont ainsi
été interpellées par la brigade anticriminalité
du 4 e . Toutes ont été
condamnées, un magistrat référent
ayant été nommé au Parquet de Paris.
Ce n’est pas toujours l’appât du
gain qui motive ces agissements,
mais le plaisir d’être au contact des
oiseaux, d’obtenir des mutations,
de les entendre chanter, souligne le
lieutenant Frédéric Audegon, chef
adjoint du Sarij du 4 e arrondissement.
« Si les interpellés appartiennent
à toutes les classes de la société,
la quasi-totalité sont originaires du
pourtour du bassin méditerranéen, Italiens,
Espagnols, Corses, Maghrébins,
Turcs… pays où la culture de l’oiseau
© S.R.Miller - Fotolia.com
est très forte. Ces personnes entretiennent
toutes un lien passionnel avec les
oiseaux, notamment avec leur chant ».
Certains cas relèvent carrément d’une
psychopathologie lourde, comme cet
homme, surnommé par les policiers
le « Hannibal Lecter des moineaux »,
qui ne conservait pas moins de
300 moineaux dans son congélateur.
Il en mangeait certains, comme pour
s’approprier les qualités de l’oiseau, et
revendait les autres.
OUVREZ LA CAGE AUX OISEAUX !
Le travail de l’équipe du Sarij a permis
de remettre en liberté plusieurs
centaines d’oiseaux, relâchés par la
Ligue de Protection des Oiseaux dans
les Bois de Vincennes et de Boulogne.
Ce qui a valu au commissariat du 4 e
de recevoir deux « Macareux d’or » des
mains d’Alain Bougrain-Dubourg en
2005. Aujourd’hui, le trafic a quasiment
disparu place Louis Lépine, et
le Sarij 4 est devenu le référent en
matière de trafics d’animaux : « Etant
les seuls à gérer ce problème sur Paris,
nous avons acquis une réelle spécialité à
partir du moment où nous avons traité
sérieusement le contentieux pénal du
trafic d’espèces protégées » observe le
lieutenant Audegon.
Un succès qui appellerait à la création
d’une brigade spécialisée dans la lutte
contre les trafics d’espèces protégées
au niveau de la capitale, voire d’une
brigade environnementale, spécialisée
dans la répression de toutes les
infractions en matière d’animaux, de
plantes ou de pollution. Au-delà de
l’enjeu de la protection des animaux,
le sujet recoupe la problématique du
travail dissimulé. Le trafic d’espèces
animales protégées est la troisième
source de revenus occultes au monde,
derrière la drogue et les armes et devant
les contrefaçons. LP
L’appartement d’une amie
des pigeons, recouvert de fientes.
QUE DIT
LA LOI ?
Les oiseaux exotiques
sont protégés par
la Convention de
Washington, accord
intergouvernemental
signé le 3 mars 1973
à Washington, qui fixe
un cadre juridique
et une série de
procédures pour
limiter le commerce
international de
34 000 espèces
sauvages. Elle est
aujourd’hui signée
par 165 pays.
Le trafic des espèces
protégées européennes
est sanctionné
par le code de l’environnement.
La peine
encourue pour vente
d’espèce protégée est
de 9 000 euros par
animal et six mois
de prison avec sursis.
*Sarij 4 : service d’accueil, de recherche et d’investigation
judiciaire du 4 e arrondissement.
LIAISONS 95 l 36-37