Dossier spécial "Air de Paris" (format PDF - 18,31 Mo )

Chasseurs d’odeurs
DES ÉMANATIONS DE PEINTURE UN PEU TROP FORTES, DES PARFUMS
PLUS QU’ENIVRANTS ET C’EST UNE AVALANCHE DE PLAINTES. DÈS LORS
QU’ELLES PROVIENNENT D’UNE ENTREPRISE, LA PRÉFECTURE DE POLICE SUIT
L’AFFAIRE…
«
Quand j’ouvre mes fenêtres, une
odeur de laque envahit mon
appartement. C’est le coiffeur
du dessous… » ; « Chez moi
ça sent l’huile de moteur » ;
« Depuis qu’un salon de beauté s’est ouvert
à côté de chez moi, je respire une
drôle d’odeur toute la journée ». Des
plaintes de ce type, le bureau des actions
contre les nuisances de la direction
des transports et de la protection
du public en reçoit plusieurs milliers
chaque année. Sans parler de celles
relative aux bruits, puisque ce service
de la préfecture de police est spécialisé
dans l’instruction des nuisances sonores
et olfactives. Toutes les récriminations
adressées aux commissariats,
aux élus ou aux juges atterrissent là,
mais seules celles qui concernent des
activités commerciales sont prises en
compte. Les plaintes relatives aux
installations classées sont transmises
au service technique chargé de leur
contrôle, le service technique interdépartemental
d’inspection des installations
classées (STIIIC). Les conflits
entre particuliers sont mis de côté :
le plaignant est, selon les cas, invité à
contacter son syndic, son copropriétaire
ou un service de police. « Dans
tous les autres cas, notre premier réflexe
est d’envoyer un inspecteur de contrôle
chez le plaignant pour constater la gêne
et identifier sa provenance. Y compris
lorsqu’il s’agit d’une odeur a priori plutôt
agréable comme celle du pain ou du
café mais qui peut devenir incommodante
lorsqu’elle devient permanente »,
explique Gisèle Lalut, chef du bureau
des actions contre les nuisances. La
bible de l’inspecteur : le règlement
sanitaire départemental qui énonce
qu’aucune activité ne doit causer de
gêne à autrui et qui impose notamment
un système d’évacuation des
fumées situé à moins de huit mètres
de tout ouvrant (porte ou fenêtre).
Lorsque des odeurs de cuisine viennent
d’un restaurant (les trois quarts
des plaintes), l’inspecteur vérifie la
présence d’une hotte au-dessus de la
plaque de cuisson ; s’il s’agit d’un atelier
de peinture artisanal, il contrôle le
système de ventilation, etc. « Lorsque
la réglementation n’est pas respectée,
nous mettons l’exploitant en demeure
de faire des travaux nécessaires dans un
certain délai, deux mois en moyenne »,
poursuit Gisèle Lalut.
DES PIÈGES À EFFLUVES
Quand l’exploitant est en règle et
que l’odeur n’est manifestement pas
nocive – pain, café –, nous lui expliquons
que nous ne pouvons rien faire
de plus. Mais quand nous la soupçonnons
de contenir des produits
polluants, nous demandons au laboratoire
central de mesurer sa concentration
dans l’air. « Dans ce cas, nous
installons des capteurs chez le plaignant
pour mettre la nuisance en évidence.
Ensuite, nous comparons les concentrations
de polluants aux normes réglementaires
lorsqu’elles existent ou à celles de
de l’OMS, qui ne sont pas obligatoires.
Si les quantités trouvées sont excessives,
nous incitons l’exploitant pollueur à
faire des travaux complémentaires pour
le confort de ses voisins », précise Gislaine
Goupil.
Au terme de cette période, le gérant
reçoit une nouvelle visite d’inspection.
Si les prescriptions n’ont pas été
suivies, un procès verbal est dressé
contre lui et transmis au Procureur
de la République. Si les travaux
n’ont pas commencé, il écope d’une
amende de troisième catégorie et peut
être condamné à payer des dommages
et intérêts au plaignant si celui-ci se
porte partie civile. AC
Les odeurs de pressing engendrent
plusieurs dizaines de plaintes
chaque année.
412 plaintes reçues par la préfecture
de police en 2008 dont :
81% restaurants et commerces
de bouche et 8,5 % ateliers,
pressings, salons d’esthétique,
coiffeurs.
LIAISONS 95 l 46-47