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Le Monde en cuLottes courtes - Mondomix

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n vous êtes né à versailles. quel rapport avez-vous<br />

avec la musique algéri<strong>en</strong>ne ?<br />

AB : A la maison, les vedettes d’après-guerre, les vieux briscards<br />

du chaâbi, v<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t jouer chez mes par<strong>en</strong>ts. C’était vraim<strong>en</strong>t<br />

passionnant, parce qu’il y avait des tas de mélanges : des parties<br />

<strong>en</strong> français, des parties <strong>en</strong> arabe. <strong>Le</strong> chaâbi, c’est une musique<br />

du peuple, une musique des ports finalem<strong>en</strong>t. C’est une musique<br />

qui a du rythme, de l’humour, avec des interprètes exceptionnels<br />

et très souv<strong>en</strong>t autodidactes.<br />

n et vous aviez aussi à la maison le côté accordéonmusette<br />

?<br />

AB : quand j’ai comm<strong>en</strong>cé à faire de la musique, je jouais dans<br />

les dancings, les tripots. Je faisais les remplacem<strong>en</strong>ts de musici<strong>en</strong>s<br />

qui avai<strong>en</strong>t une maîtresse… et puis, j’ai fait les mariages.<br />

on appr<strong>en</strong>d beaucoup <strong>en</strong> jouant les tubes populaires. C’étai<strong>en</strong>t<br />

les débuts du rock, le jazz était intéressant… Maint<strong>en</strong>ant un peu<br />

moins, je trouve.<br />

n comme à la radio, <strong>en</strong>registré <strong>en</strong> 1970 avec<br />

l’art <strong>en</strong>semble de chicago, est considéré<br />

comme annonciateur de la world music, vous<br />

êtes d’accord ?<br />

AB : on jouait dans un même lieu, l’Art <strong>en</strong>semble de Chicago<br />

passait juste avant nous. et puis, un jour, on a décidé de<br />

faire quelque chose <strong>en</strong>semble. Mais « world music », c’est<br />

un bi<strong>en</strong> grand mot : hier comme aujourd’hui, tout reste à<br />

inv<strong>en</strong>ter. Il y a <strong>en</strong>core beaucoup de pièces rapportées, on<br />

mélange des instrum<strong>en</strong>ts, des timbres, mais ça manque de<br />

vérité. La musique est <strong>en</strong> évolution de toute façon et elle est prophétique<br />

de nos sociétés.<br />

n vous avez <strong>en</strong>suite démarré le théâtre, comm<strong>en</strong>t ça<br />

a pris ?<br />

AB : J’ai comm<strong>en</strong>cé par le théâtre de patronage. et puis après,<br />

avec Jacques Higelin, Brigitte Fontaine, Rufus, on a monté des<br />

spectacles qui étai<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> sympas d’ailleurs, quand j’y p<strong>en</strong>se.<br />

L’expression était vraim<strong>en</strong>t moderne. on faisait table rase de ce<br />

qui existait, on cherchait des tas de choses. Y’avait des raps,<br />

déjà, à l’époque. Brigitte écrivait les textes, Jacques montait les<br />

spectacles, je faisais la musique…<br />

n <strong>en</strong> musique, vous mélangiez les g<strong>en</strong>res, aussi ?<br />

AB : oui, c’est là où j’ai comm<strong>en</strong>cé à mélanger les g<strong>en</strong>res, parce<br />

que je ne sais pas faire autre chose. Sur mon album, j’ai mélangé<br />

des rythmes, des timbres, j’ai dé-formaté des choses, mais pas<br />

pour le faire, parce que ça me v<strong>en</strong>ait comme ça.<br />

le tandem prolixe<br />

Ils form<strong>en</strong>t l’un des couples les plus poétiques et loufoques<br />

de la création française contemporaine. Sur la scène d’un<br />

studio parisi<strong>en</strong>, ils s’échang<strong>en</strong>t un texte <strong>en</strong> prose devant<br />

une caméra. Brigitte Fontaine est debout, mini-jupe noire,<br />

casquette de cuir, Areski assis sur une chaise. L’histoire est<br />

simple mais pr<strong>en</strong>ante : celle d’un grand père du sud-ouest<br />

de la France, qui a bi<strong>en</strong> vécu, <strong>en</strong>tre son jardin, les levées<br />

de lune et les visites des proches. Théâtre ? Chanson<br />

? Un peu des deux. Mais Brigitte Fontaine interrompt<br />

l’<strong>en</strong>registrem<strong>en</strong>t. « on avait dit cinq minutes, c’est bon ? J’ai<br />

besoin de fumer une cigarette ». depuis 1960, les univers<br />

MUSIQUES<br />

Musiques<br />

n c’est votre double culture qui parle ?<br />

AB : Je ne crois pas à ces trucs de double culture. Pour moi,<br />

c’est bidon. on peut toujours inv<strong>en</strong>ter des tas de choses, mais<br />

la culture d’une personne, ça ne se résume pas à une carte<br />

d’id<strong>en</strong>tité. on est fait de plein de choses, des r<strong>en</strong>contres… C’est<br />

une évolution perman<strong>en</strong>te ou alors la personne est dead, quoi.<br />

on ne parle plus de culture, mais de destin.<br />

n vous êtes quelqu’un de révolté ou vous poétisez la<br />

vie ?<br />

AB : Ce qui se passe <strong>en</strong> ce mom<strong>en</strong>t me fout <strong>en</strong> pétard. Vous<br />

vous r<strong>en</strong>dez compte : un pays qui a 2000 ans, vous allez lui parler<br />

d’id<strong>en</strong>tité nationale ? C’est n’importe quoi ! La déchéance de<br />

nationalité, non. Je ne compr<strong>en</strong>ds pas qu’on tire sur les flics,<br />

mais je ne compr<strong>en</strong>ds pas que les flics tir<strong>en</strong>t sur des g<strong>en</strong>s. Cette<br />

viol<strong>en</strong>ce, c’est nul. La nationalité française n’est pas une marchandise.<br />

« Je ne crois pas à ces trucs de double culture.<br />

Pour moi, c’est bidon.<br />

La culture d’une personne<br />

ne se résume pas à une carte d’id<strong>en</strong>tité »<br />

n dans vos chansons, pas de politique. aurai<strong>en</strong>telles<br />

pu être écrites il y a tr<strong>en</strong>te ans ?<br />

AB : Mon propos, c’est qu’on soit bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>semble, que les g<strong>en</strong>s<br />

ai<strong>en</strong>t <strong>en</strong>vie d’écouter mon disque. J’explore, <strong>en</strong> fait. <strong>Le</strong>s sphères,<br />

les mondes musicaux. dans la musique, il n’y a pas que la musique,<br />

mais une relation avec l’invisible.<br />

n avec ce deuxième album solo <strong>en</strong> quarante ans de<br />

carrière, vous avez appris de nouvelles choses ?<br />

AB : <strong>Le</strong> Triomphe de l’Amour m’a appris. C’est un beau texte,<br />

poétique, érotique, écrit par Brigitte Fontaine. Un piano/voix, très<br />

intéressant. Car je chante tout <strong>en</strong> direct. Je ne refais pas cinquante<br />

fois une prise, sinon je n’ai plus ri<strong>en</strong> à dire. C’est une question<br />

d’énergie, de conc<strong>en</strong>tration, de travail. et puis j’aime théâtraliser<br />

la musique, donc tous les instrum<strong>en</strong>ts sont aussi prés<strong>en</strong>ts que<br />

ma voix. Je trouve que c’est normal, c’est mon goût.<br />

de Brigitte Fontaine et Areski Belkacem s’emmêl<strong>en</strong>t,<br />

se déli<strong>en</strong>t ou se retrouv<strong>en</strong>t avec bonheur. <strong>en</strong>tre 1970<br />

et 1985, ils ont formé un tandem artistique prolixe, où<br />

théâtre et musique cherchai<strong>en</strong>t, inv<strong>en</strong>tai<strong>en</strong>t de nouvelles<br />

formes d’expressions, radicalem<strong>en</strong>t modernes. <strong>en</strong><br />

1988, Brigitte Fontaine a repris sa carrière solo, mais<br />

Areski est resté son principal compositeur. on lui doit<br />

notamm<strong>en</strong>t la musique <strong>en</strong>traînante du nougat, l’un<br />

des succès les plus populaires de la Fontaine, interdit<br />

d’ant<strong>en</strong>ne sur plusieurs radios, début 90, à cause de la<br />

guerre du Golfe. Pour <strong>Le</strong> Triomphe de l’Amour d'Areski,<br />

Brigitte Fontaine a écrit plusieurs textes, notamm<strong>en</strong>t le<br />

morceau-titre, où le plaisir monte comme une marée et<br />

finit <strong>en</strong> tsunami. E.C.<br />

n°43 NOV/DEC 2010<br />

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