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La Gran<strong>de</strong> Epreuve<br />
=<br />
(Journée mémorable racontée par un témoin qui l’a vécue)<br />
4 Mai L’aube du 4 mai ne tar<strong>de</strong> guère à poindre, brumeuse, l’Artillerie martèle en<br />
avant. Nos avions survolent la brume, la fumée, la mitraille et les nappes <strong>de</strong><br />
gaz.<br />
Le régiment est en place non sans <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s difficultés : passerelles détruites<br />
sur le canal, boyaux bombardés et encombrés, tir trop courts <strong>de</strong> notre Artillerie<br />
etc.<br />
Tout à coup c’est le calme, les canon français viennent <strong>de</strong> se taire, mais l’heure<br />
« H » est arrivée, il est exactement 6 h 50.<br />
D’un bond unanime les vagues d’assaut s’élancent mais sous un feu ennemi<br />
<strong>de</strong>s plus violents, elles sont hélas vite décimées, surtout par les mitrailleuses<br />
boches <strong>de</strong> la voie ferrée dominant le terrain, qui crachent la mort sans trêve.<br />
Ce champ <strong>de</strong> bataille et ces tranchées sont alors <strong>de</strong>venus un véritable enfer, les<br />
plus horribles visions s’y déroulent toute la journée et le sang coule à flots.<br />
Soudain <strong>de</strong>rrière les 4° et 5° bataillons en lambeaux qui poussent hardiment<br />
dans Berméricourt surgissent <strong>de</strong> forts groupes d’Allemands restés terrés<br />
jusque là dans les profonds abris <strong>de</strong> la voie ferrée (sous le pont <strong>de</strong><br />
Berméricourt) où la voie est une tranchée profon<strong>de</strong> <strong>de</strong> 18 mètres !<br />
Les grenadiers trop peu nombreux chargés <strong>de</strong> nettoyer ces abris sont vite<br />
submergés, les bataillons disloqués par la traversée du village se trouvent<br />
bientôt arrêtés <strong>de</strong> front et contre attaqués à revers. Ils sont hélas vite encerclés,<br />
on se bat dans les coins <strong>de</strong> rue à bout portant, par petits groupes et avec<br />
acharnement.<br />
La plupart <strong>de</strong>s Officiers sont tués, il ne reste bientôt plus que <strong>de</strong>s débris <strong>de</strong>s<br />
<strong>de</strong>ux bataillons si magnifiquement partis à l’attaque le matin.<br />
A la gauche du régiment, un sort analogue attendait le 170° R.I. dans le Bois<br />
du Champ du Seigneur.<br />
Le 6° Bataillon du 363 qui attaque dans l’intervalle parvient à s’établir sur son<br />
objectif : « la voie ferrée entre Berméricourt et le Bois du Seigneur mais<br />
découvert sur ses <strong>de</strong>ux flans il est bientôt en butte aux violentes contreattaques<br />
débouchant du Bois à sa gauche et <strong>de</strong> Berméricourt à droite.<br />
Le Lieutenant Colonel Dauphin averti <strong>de</strong> cette situation critique envoie vers 13<br />
h un ordre <strong>de</strong> repli au 6° Bataillon, mais le cycliste chargé <strong>de</strong> le porter ne peut<br />
y parvenir qu’après d’énormes difficultés. Il doit traverser le terrain battu par<br />
les mitrailleuses boches entre la tranchée <strong>de</strong> départ et le bataillon, il a le bras<br />
cassé par une balle, manque <strong>de</strong> tomber aux mains <strong>de</strong>s Allemands, la volonté<br />
héroïque <strong>de</strong> remplir son <strong>de</strong>voir le soutient jusqu’au bout, vers 15 h il parvient,<br />
poudreux, sanglant à remettre l’ordre dont il est porteur.<br />
Le 6° Bataillon vient à ce moment <strong>de</strong> refouler les éléments ennemis qui<br />
progressaient pied à pied à la grena<strong>de</strong> par <strong>de</strong>s boyaux convergents, le bataillon<br />
manque <strong>de</strong> grena<strong>de</strong>s pour les arrêter, il les a toutes dépensées au début du<br />
combat, il se borne à interdire les terre-pleins entre les boyaux à coups <strong>de</strong><br />
fusils et à coups <strong>de</strong> mitrailleuses, l’étreinte ennemie se resserre lentement<br />
autour du pauvre bataillon.<br />
Page 78 sur 136 <strong>Souviens</strong>-<strong>toi</strong>