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Souviens-toi - MEMOIRE de RUGLES

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hommes sont placés. Fourbus, nous attendons, rivés au sol champenois qui<br />

tout à l’heure sera peut-être notre linceul.<br />

Des obus asphyxiants, presque inoffensifs dans leurs éclatements lancent avec<br />

un bruit étouffé <strong>de</strong> petits nuages meurtriers dont les vapeurs nous brûlent les<br />

yeux et la gorge « les gaz ». Vite les masques ! »<br />

Désormais on attendra, la tête emprisonnée comme le corps. De la crête notre<br />

Artillerie crache <strong>de</strong>s morceaux <strong>de</strong> ferraille et l’homme sa fragile carcasse,<br />

assiste à cette cruelle avalanche d’autant plus dangereuse que quelques<br />

« marmites » s’écrasent sur nos propres tirailleurs …<br />

Des fusées lancées pour <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r d’allonger le tir se per<strong>de</strong>nt dans les nuages<br />

<strong>de</strong> fumée et <strong>de</strong> poussière, impuissants, nous attendons toujours, receuillis et<br />

confiants.<br />

Un focker <strong>de</strong> teinte grisaille, avec ses larges croix noires, nous survole à basse<br />

altitu<strong>de</strong> et nous mitraille copieusement, <strong>de</strong>s poings se ten<strong>de</strong>nt, <strong>de</strong>s fusils se<br />

lèvent, mais dans ce combat inégal que peut le fantassin, sinon courber le dos,<br />

la rage au cœur, sous les balles qui sifflent ? …<br />

Le froid vif et pénétrant nous mordille, on peut cacher les mains et trouver<br />

pour elles un peu <strong>de</strong> chaleur. Mais les pieds, déjà inertes du fait d’une longue<br />

immobilité, vous arrachent <strong>de</strong>s cris <strong>de</strong> douleur. Va-t-on partir, enfin ! la mort<br />

soit … Mais au moins l’espace !.<br />

On remue vers la gauche, vers les tranchées <strong>de</strong> Trèves et <strong>de</strong> Pologne conquises<br />

le 16 Avril. D’homme à homme l’ordre arrive : « Heure H : 6H50 ! ».<br />

Un jour pâle se lève et le soleil printanier refuse même aux acteurs <strong>de</strong> ce<br />

drame émouvant la chaleur <strong>de</strong> ces rayons !<br />

Un nuage épais, poussiéreux, s’abat sur les occupants. On ne peut rien<br />

distinguer à 20 pas. Un regard sur la montre, l’aiguille <strong>de</strong>s secon<strong>de</strong>s qui tourne<br />

impitoyable dans sa course, semble agitée d’imperceptibles soubresauts sous le<br />

cadran vite terni par la buée. Vingt minutes encore…, la poignante attente <strong>de</strong><br />

ces hommes dont le cœur éclate dans la poitrine ! Plus que dix minutes… plus<br />

que cinq… plus qu’une… Déjà les mains nerveuses se cramponnent… dans le<br />

brouillard les <strong>de</strong>rnières secon<strong>de</strong>s… Vers la gauche, où la mer humaine déferle,<br />

un cri s’élève vite répété : « En avant… En avant ! » C’est la ruée hors <strong>de</strong>s<br />

trous…, la course dans l’espace libre.<br />

Comme vous êtes grands, ainsi alignés dans la plaine, amis qui paraissiez<br />

ratatinés dans la terre humi<strong>de</strong> et glacée. Vous redressez-vous ainsi pour mieux<br />

affronter la mort ?<br />

Grena<strong>de</strong>s en mains, on s’élance à la grâce <strong>de</strong> DIEU, au milieu <strong>de</strong> la fumée <strong>de</strong>s<br />

éclats et <strong>de</strong>s balles qui sifflent et hachent les pans <strong>de</strong>s capotes !<br />

Des blocs, déjà poussiéreux, luttent et avancent rageusement. Les vi<strong>de</strong>s<br />

s’accentuent, <strong>de</strong>s « poilus » tombent en tournoyant comme <strong>de</strong>s feuilles<br />

balayées par l’ouragan, d’autres, un genou à terre, en <strong>de</strong>s gestes lents et<br />

Page 89 sur 136 <strong>Souviens</strong>-<strong>toi</strong>

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