Données génétiques de la schizophrénie - Psychologie - M. Fouchey
Données génétiques de la schizophrénie - Psychologie - M. Fouchey
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facteurs <strong>de</strong> risque <strong>génétiques</strong> en nombre insuffisant ou encore<br />
l’existence <strong>de</strong> facteurs protecteurs pourraient atténuer le risque<br />
<strong>de</strong> développer <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die.<br />
Cependant le pourcentage <strong>de</strong> familles au sein <strong>de</strong>squelles<br />
plusieurs individus sont atteints <strong>de</strong>meure faible, environ 10 %<br />
<strong>de</strong>s cas. D’autres hypothèses ont été avancées pour expliquer <strong>la</strong><br />
forte prévalence <strong>de</strong> cas sporadiques. Lorsque le père est âgé <strong>de</strong><br />
plus <strong>de</strong> 50 ans au moment <strong>de</strong> <strong>la</strong> conception, le risque <strong>de</strong><br />
<strong>schizophrénie</strong> est augmenté d’environ 3 fois chez l’enfant<br />
comparativement au risque observé chez celui conçu par un<br />
père plus jeune. L’hypothèse <strong>de</strong> mutations survenant <strong>de</strong> novo<br />
dans les cellules germinales a été avancée pour expliquer ce<br />
phénomène [5] . Le phénomène d’anticipation pourrait également<br />
contribuer à expliquer <strong>la</strong> fréquence <strong>de</strong>s cas sporadiques, il<br />
sera détaillé plus loin dans le chapitre consacré à l’anticipation.<br />
■ I<strong>de</strong>ntification <strong>de</strong>s gènes<br />
impliqués<br />
De nombreux travaux ont bien sûr tenté <strong>de</strong> localiser et<br />
d’i<strong>de</strong>ntifier les gènes que l’on suppose impliqués dans l’étiologie<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>schizophrénie</strong>. Les analyses <strong>de</strong> liaison génétique ainsi que<br />
les étu<strong>de</strong>s d’association sont les <strong>de</strong>ux principaux types d’étu<strong>de</strong>s<br />
utilisés.<br />
Analyses <strong>de</strong> liaison génétique<br />
Elles sont réalisées à partir <strong>de</strong> familles <strong>de</strong> patients. Le principe<br />
est <strong>de</strong> tester si les allèles d’un marqueur <strong>de</strong> l’ADN, dont <strong>la</strong><br />
localisation chromosomique est connue, coségrègent avec le<br />
locus (emp<strong>la</strong>cement d’un segment d’ADN sur le chromosome)<br />
supposé <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die. Deux gènes situés sur le même chromosome<br />
auront en effet tendance à être transmis ensemble,<br />
probabilité d’autant plus forte que ces gènes sont proches et que<br />
<strong>la</strong> possibilité <strong>de</strong> crossing-over (échange réciproque <strong>de</strong> matériel<br />
génétique entre chromosomes homologues au moment <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
méiose) est faible. La métho<strong>de</strong> c<strong>la</strong>ssique utilisée pour tester <strong>la</strong><br />
vraisemb<strong>la</strong>nce d’une liaison entre un marqueur et un gène<br />
pathologique est celle <strong>de</strong>s Lod scores. Les résultats sont exprimés<br />
en logarithme du rapport <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux probabilités : celle <strong>de</strong><br />
l’hypothèse d’une liaison divisée par <strong>la</strong> probabilité d’observer<br />
l’hypothèse nulle d’absence <strong>de</strong> liaison. Un Lod score supérieur<br />
à 3 (score souvent retenu) signifie qu’une liaison est 1 000 fois<br />
plus probable qu’une absence <strong>de</strong> liaison.<br />
De nombreuses étu<strong>de</strong>s ont rapporté <strong>de</strong>s liaisons positives<br />
mais les valeurs <strong>de</strong> Lod scores ont toujours été mo<strong>de</strong>stes. Dans<br />
<strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s cas, les étu<strong>de</strong>s positives peinent à être répliquées.<br />
D’autres métho<strong>de</strong>s d’étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> liaison, à partir <strong>de</strong> fratries <strong>de</strong><br />
sujets schizophrènes, ont été utilisées mais un nombre considérable<br />
<strong>de</strong> fratries doit être étudié pour espérer obtenir un résultat<br />
fiable et reproductible, ce qui contraint les équipes à <strong>la</strong> constitution<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong>rges cohortes internationales et accroît le risque<br />
d’hétérogénéité.<br />
En fait, les étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> liaison (ou <strong>de</strong> linkage) sont peu adaptées<br />
à l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s ma<strong>la</strong>dies complexes telles que <strong>la</strong> <strong>schizophrénie</strong><br />
pour plusieurs raisons :<br />
absence <strong>de</strong> certitu<strong>de</strong> quant au statut clinique <strong>de</strong>s apparentés<br />
(ma<strong>la</strong><strong>de</strong>s ou sains) ;<br />
hétérogénéité génétique très probable <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>schizophrénie</strong> ;<br />
pénétrance incomplète : en interagissant avec l’environnement,<br />
le génotype peut conduire à l’expression d’un phénotype<br />
clinique correspondant à <strong>la</strong> <strong>schizophrénie</strong> ou encore à<br />
certains symptômes <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die ou à un trouble <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
personnalité appartenant au spectre clinique <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die<br />
(phénotype clinique incomplet) ou bien finalement ne pas<br />
avoir <strong>de</strong> traduction clinique observable ;<br />
les phénocopies correspon<strong>de</strong>nt à <strong>de</strong>s patients schizophrènes<br />
qui ne présenteraient pas les gènes d’intérêt pour <strong>la</strong> <strong>schizophrénie</strong><br />
;<br />
il s’agit d’une métho<strong>de</strong> dite paramétrique nécessitant <strong>de</strong><br />
connaître le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> transmission <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die, ce qui est<br />
donc peu adapté à <strong>la</strong> recherche en génétique dans <strong>la</strong> schi-<br />
Psychiatrie<br />
zophrénie. L’utilisation d’un modèle génétique peu adapté<br />
peut conduire à <strong>de</strong>s erreurs dans les étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> liaison multipoint<br />
;<br />
il y a très peu <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s familles comportant <strong>de</strong> nombreux<br />
sujets schizophrènes (pour revue [6] ).<br />
Bien que les analyses <strong>de</strong> liaison réalisées à partir <strong>de</strong> sib-pairs<br />
permettent <strong>de</strong> s’affranchir <strong>de</strong> certaines difficultés méthodologiques<br />
rencontrées dans les étu<strong>de</strong>s c<strong>la</strong>ssiques <strong>de</strong> liaison, telles que<br />
l’estimation <strong>de</strong> <strong>la</strong> pénétrance <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die, cette métho<strong>de</strong> <strong>de</strong>s<br />
sib-pairs présente également ses propres limites, elle est en effet<br />
plus puissante dans <strong>de</strong>s conditions d’hétérogénéité génétique<br />
modérée <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die étudiée.<br />
Ces étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> liaison peuvent être menées sur le génome<br />
entier en recherchant <strong>de</strong>s régions candidates ou bien directement<br />
à partir <strong>de</strong> gènes candidats préa<strong>la</strong>blement i<strong>de</strong>ntifiés. Un<br />
gène est considéré comme candidat lorsque sa fonction suggère<br />
qu’il joue un rôle dans l’étiopathogénie <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die. Ces gènes<br />
d’intérêt sont alors examinés afin <strong>de</strong> rechercher <strong>de</strong>s variations<br />
d’ADN ayant, dans <strong>la</strong> mesure du possible, un impact fonctionnel<br />
lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> transcription du gène.<br />
Étu<strong>de</strong>s d’association<br />
<strong>Données</strong> <strong>génétiques</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>schizophrénie</strong> 37-285-A-16<br />
On recherche une association entre <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die et un polymorphisme<br />
(variation dans le gène) localisé sur un gène en<br />
comparant les fréquences alléliques <strong>de</strong> ces polymorphismes<br />
entre une popu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> patients et une popu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> témoins.<br />
Cet échantillon <strong>de</strong> témoins doit être le plus précisément<br />
possible apparié à <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> ma<strong>la</strong><strong>de</strong>s, l’origine ethnique<br />
étant particulièrement importante, afin d’éviter le principal biais<br />
<strong>de</strong> ce type d’étu<strong>de</strong> lié à une stratification <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion. La<br />
stratification correspond à une différence <strong>de</strong> fréquence allélique<br />
pour un polymorphisme donné entre <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion d’où<br />
provient le patient et celle d’où provient le témoin. Afin <strong>de</strong><br />
s’affranchir <strong>de</strong> cette difficulté, <strong>de</strong>s familles sont parfois utilisées<br />
pour réaliser ces étu<strong>de</strong>s d’association. Le test utilisé est celui du<br />
déséquilibre <strong>de</strong> transmission (Transmission Disequilibrium Test)<br />
qui étudie s’il existe une transmission préférentielle d’un allèle,<br />
<strong>de</strong>s parents à un enfant schizophrène, pour un marqueur<br />
donné. Ce test peut être utilisé même lorsque <strong>de</strong>s stratifications<br />
<strong>de</strong> popu<strong>la</strong>tion existent. Cependant les étu<strong>de</strong>s d’association,<br />
surtout celles réalisées à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> nombreux single nucleoti<strong>de</strong><br />
polymorphisms (SNP) localisés à différents endroits dans le<br />
génome, se heurtent à <strong>de</strong> nombreux biais méthodologiques<br />
(tests statistiques multiples et risque <strong>de</strong> faux positifs...). De plus,<br />
l’hétérogénéité <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions analysées, les différentes<br />
métho<strong>de</strong>s statistiques utilisées ou encore les différents polymorphismes<br />
ou haplotypes testés pour le même gène ren<strong>de</strong>nt les<br />
étu<strong>de</strong>s difficiles à comparer entre elles. Enfin, <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s<br />
étu<strong>de</strong>s négatives ne sont pas publiées. Parfois l’association peut<br />
être positive avec certaines caractéristiques cliniques <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
ma<strong>la</strong>die mais pas avec le phénotype <strong>schizophrénie</strong> ; ce type <strong>de</strong><br />
résultat pose toujours <strong>la</strong> question <strong>de</strong>s faux positifs <strong>de</strong> par le<br />
nombre <strong>de</strong> tests statistiques utilisés pour <strong>la</strong> même popu<strong>la</strong>tion.<br />
Ioannidis et al. [7] et Delisi et Faraone [8] ont publié récemment<br />
une liste <strong>de</strong> recommandations pour les étu<strong>de</strong>s d’association<br />
dans le cas <strong>de</strong>s ma<strong>la</strong>dies complexes comportant une<br />
hétérogénéité allélique telles que <strong>la</strong> <strong>schizophrénie</strong> (pour revue<br />
voir également [9] ). La pru<strong>de</strong>nce est d’autant plus importante<br />
que l’on teste <strong>de</strong>s polymorphismes rares qui sont parfois plus<br />
fréquemment observés dans certaines ethnies, indépendamment<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> pathologie étudiée [10] . La World Fe<strong>de</strong>ration of Societies for<br />
Biological Psychiatry (WFSBP) établit également <strong>de</strong>s recommandations<br />
dans ce domaine (www.wfsbp.org).<br />
Résultats <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s réalisées sur le génome<br />
entier<br />
Deux méta-analyses récentes <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> liaison réalisées<br />
sur le génome entier ont confirmé, en utilisant <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s<br />
statistiques différentes, que les régions 1q, 6p, 8p, 13q et 22q ou<br />
encore, à un <strong>de</strong>gré moindre, les régions 2p12-q22, 5q, 3p, 11q,<br />
2q, 20p, 14q comportaient un ou plusieurs gènes <strong>de</strong> susceptibilité<br />
à <strong>la</strong> <strong>schizophrénie</strong> [11, 12] . Ceci signifie qu’une bonne dizaine<br />
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