Données génétiques de la schizophrénie - Psychologie - M. Fouchey
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.<br />
dans <strong>de</strong>s ma<strong>la</strong>dies non psychiatriques (certains diabètes<br />
insulinodépendants, les formes familiales <strong>de</strong> cancer colique<br />
ou du sein).<br />
■ Recherche d’endophénotypes<br />
Une <strong>de</strong>s principales difficultés <strong>de</strong> <strong>la</strong> recherche en génétique<br />
dans <strong>la</strong> <strong>schizophrénie</strong> repose sur une mauvaise corré<strong>la</strong>tion entre<br />
le phénotype cliniquement observable (les symptômes schizophréniques)<br />
et le génotype. En effet, une partie <strong>de</strong>s <strong>schizophrénie</strong>s<br />
ne sont pas causées par les gènes étudiés (phénocopies)<br />
et, à l’inverse, <strong>de</strong>s sujets sains, en particulier au sein <strong>de</strong>s familles<br />
<strong>de</strong> schizophrènes, peuvent présenter <strong>de</strong>s facteurs <strong>génétiques</strong> <strong>de</strong><br />
susceptibilité sans traduction clinique observable. De nouvelles<br />
approches ont été développées pour i<strong>de</strong>ntifier <strong>de</strong>s traits infracliniques<br />
(ou endophénotypes), chez les patients et leurs apparentés,<br />
et ainsi, par l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> ces phénotypes plus élémentaires et<br />
mesurables, tenter <strong>de</strong> décroître <strong>la</strong> complexité génétique <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
ma<strong>la</strong>die. De nombreux candidats endophénotypes : neuropsychologiques,<br />
électrophysiologiques, biochimiques ou neuroanatomiques<br />
sont alors étudiés (pour revue [37] ). Les marqueurs<br />
étudiés doivent répondre aux caractéristiques suivantes pour<br />
obéir à <strong>la</strong> définition d’endophénotype : être associés à <strong>la</strong><br />
ma<strong>la</strong>die et transmis avec elle au sein <strong>de</strong>s familles, être stables<br />
sur une pério<strong>de</strong> temporelle définie et indépendants <strong>de</strong> l’évolution<br />
clinique, être présents chez les apparentés présentant une<br />
pathologie du spectre ou cliniquement sains avec une prévalence<br />
supérieure à celle observée dans <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion générale, et<br />
dans <strong>la</strong> mesure du possible, obéir à un déterminisme génétique<br />
simple (pour revue [38] ).<br />
Des perturbations électrophysiologiques ont ainsi été étudiées<br />
comme le déficit d’inhibition <strong>de</strong> l’on<strong>de</strong> P50 <strong>de</strong>s potentiels<br />
évoqués auditifs après stimu<strong>la</strong>tion auditive répétée traduisant<br />
un déficit du filtrage sensoriel (paradigme mis au point par<br />
l’équipe <strong>de</strong> Freedman) (pour revue [39] ). Des étu<strong>de</strong>s ont mis<br />
en évi<strong>de</strong>nce un déficit d’inhibition <strong>de</strong> l’on<strong>de</strong> P50 chez 90 %<br />
<strong>de</strong>s patients schizophrènes ainsi que chez 50 % <strong>de</strong> leurs<br />
apparentés sains du premier <strong>de</strong>gré. Les étu<strong>de</strong>s réalisées chez<br />
l’animal ont permis <strong>de</strong> préciser le rôle du système cholinergique<br />
septohippocampique, et en particulier <strong>de</strong> <strong>la</strong> sous-unité<br />
alpha 7 du récepteur nicotinique, dans ce déficit d’inhibition.<br />
Cette anomalie du filtrage sensoriel est transitoirement<br />
améliorée par <strong>la</strong> consommation <strong>de</strong> tabac. Plusieurs étu<strong>de</strong>s<br />
récentes ont suggéré l’implication du gène codant cette sousunité<br />
dans l’anomalie du filtrage sensoriel et peut-être dans le<br />
tabagisme chez les schizophrènes [40] . Des polymorphismes<br />
localisés dans <strong>la</strong> région promotrice du gène codant <strong>la</strong> sousunité<br />
alpha 7 ou dans le gène appelé alpha-7-like (duplicata<br />
du gène alpha 7 situé dans <strong>la</strong> même région chromosomique)<br />
sont associés à cette anomalie du filtrage sensoriel [41-43] , pour<br />
revue [44] . Ce paradigme a également été utilisé pour l’i<strong>de</strong>ntification<br />
d’un locus <strong>de</strong> susceptibilité à <strong>la</strong> <strong>schizophrénie</strong> dans<br />
<strong>la</strong> région 15q14, où se trouve localisé le gène codant <strong>la</strong> sousunité<br />
alpha 7 du récepteur nicotinique.<br />
Différents domaines cognitifs présentent à <strong>de</strong>s <strong>de</strong>grés variables<br />
<strong>de</strong>s dysfonctionnements chez les patients schizophrènes,<br />
les domaines les plus altérés étant <strong>la</strong> mémoire verbale, les<br />
fonctions exécutives et les capacités attentionnelles, c’est-àdire<br />
<strong>de</strong>s domaines associés au fonctionnement <strong>de</strong>s lobes<br />
frontaux et temporaux (pour revue [45] ). Certains <strong>de</strong> ces<br />
déficits cognitifs sont également présents, bien qu’à un <strong>de</strong>gré<br />
moindre, chez les apparentés et pourraient répondre aux<br />
critères <strong>de</strong> définition d’un endophénotype. Sitskoorn et al. [46]<br />
ont ainsi réalisé une méta-analyse à partir <strong>de</strong> 37 étu<strong>de</strong>s<br />
publiées dans ce domaine incluant 1 639 apparentés <strong>de</strong> sujets<br />
schizophrènes et 1 380 témoins sains. Les différences entre les<br />
<strong>de</strong>ux popu<strong>la</strong>tions sont significatives pour tous les tests étudiés<br />
(mémoire verbale, Trail Making Test part A et B, Digit Span,<br />
fluence verbale, Continuous Performance Test [CPT], Test <strong>de</strong><br />
Wisconsin, test <strong>de</strong> Stroop) (en moyenne -0,5 déviation<br />
standard). Les tailles d’effets les plus importantes sont<br />
observées avec <strong>la</strong> mémoire verbale et avec le Trail Making Test<br />
part B. La différence <strong>la</strong> plus faible est observée avec le test <strong>de</strong><br />
Stroop. Il existe cependant un chevauchement important <strong>de</strong>s<br />
Psychiatrie<br />
.<br />
<strong>Données</strong> <strong>génétiques</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>schizophrénie</strong> 37-285-A-16<br />
valeurs entre les <strong>de</strong>ux groupes. Szöke et al. [47] ont également<br />
réalisé une méta-analyse à partir <strong>de</strong> 25 étu<strong>de</strong>s en se focalisant<br />
sur les résultats <strong>de</strong> quatre tests analysant les fonctions<br />
exécutives (Wisconsin Card Sorting Test, Trail Making Test B,<br />
Stroop Test, fluence verbale). La taille <strong>de</strong> l’effet varie entre<br />
0,26 et 0,65 pour les tests étudiés sauf pour <strong>la</strong> fluence verbale<br />
sémantique pour <strong>la</strong>quelle <strong>la</strong> taille <strong>de</strong> l’effet atteint 0,87.<br />
Lorsque les apparentés sains sont comparés sur le p<strong>la</strong>n<br />
cognitif à <strong>de</strong>s sujets ayant été victimes d’un traumatisme<br />
crânien d’intensité modérée, les apparentés ont <strong>de</strong>s performances<br />
cognitives moindres dans leur ensemble.<br />
D’autres marqueurs peuvent également constituer <strong>de</strong>s candidats<br />
endophénotypes tels que l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s mouvements<br />
ocu<strong>la</strong>ires (poursuite ocu<strong>la</strong>ire lente et paradigme <strong>de</strong>s antisacca<strong>de</strong>s),<br />
<strong>la</strong> mesure du déficit attentionnel à l’ai<strong>de</strong> du CPT ou<br />
encore <strong>de</strong>s signes cliniques tels que l’anhédonie, <strong>la</strong> modification<br />
<strong>de</strong> sensibilité à <strong>la</strong> douleur ou l’existence <strong>de</strong> signes<br />
neurologiques mineurs [48] et enfin certains marqueurs neuroanatomiques<br />
comme par exemple <strong>la</strong> réduction <strong>de</strong> volume <strong>de</strong><br />
l’hippocampe. Cependant, <strong>la</strong> complexité <strong>de</strong> ces marqueurs<br />
rend difficile l’i<strong>de</strong>ntification rapi<strong>de</strong> <strong>de</strong> gènes candidats en<br />
<strong>de</strong>hors du cas <strong>de</strong>s perturbations <strong>de</strong>s mouvements ocu<strong>la</strong>ires.<br />
Concernant ces <strong>de</strong>rniers, une liaison positive a été publiée<br />
entre <strong>de</strong>s marqueurs situés sur le bras court du chromosome<br />
6 et le trouble <strong>de</strong> poursuite ocu<strong>la</strong>ire lente au sein <strong>de</strong> familles<br />
<strong>de</strong> schizophrènes [49] .<br />
Notre équipe a utilisé conjointement plusieurs marqueurs<br />
électrophysiologiques (poursuite ocu<strong>la</strong>ire lente, paradigme <strong>de</strong>s<br />
antisacca<strong>de</strong>s et paradigme <strong>de</strong> l’on<strong>de</strong> P50) chez <strong>de</strong>s sujets<br />
schizophrènes et leurs apparentés non schizophrènes comparativement<br />
à <strong>de</strong>s sujets sains. Le paradigme <strong>de</strong>s antisacca<strong>de</strong>s<br />
et celui <strong>de</strong> l’on<strong>de</strong> P50 semblent être les plus pertinents pour<br />
distinguer les sujets schizophrènes <strong>de</strong>s non schizophrènes [50] .<br />
■ Étu<strong>de</strong> d’anomalies<br />
chromosomiques associées<br />
à <strong>de</strong>s symptômes psychotiques<br />
Compte tenu <strong>de</strong>s nombreuses difficultés rencontrées avec les<br />
étu<strong>de</strong>s c<strong>la</strong>ssiques <strong>de</strong> liaison, certaines équipes ont opté pour <strong>de</strong>s<br />
stratégies alternatives à <strong>la</strong> recherche <strong>de</strong> gènes candidats.<br />
Lorsqu’une anomalie chromosomique est nécessaire et suffisante<br />
pour prédisposer à un phénotype psychiatrique comme <strong>la</strong><br />
psychose, l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s gènes impliqués dans cette pathologie<br />
constitue une stratégie intéressante pour i<strong>de</strong>ntifier <strong>de</strong>s gènes<br />
candidats pour <strong>la</strong> <strong>schizophrénie</strong>. Deux gènes candidats ont ainsi<br />
été i<strong>de</strong>ntifiés (DISC 1 situé sur le chromosome 1 et le gène<br />
PRODH situé dans <strong>la</strong> région 22q11 impliquée dans le syndrome<br />
vélo-cardio-facial).<br />
La mise en évi<strong>de</strong>nce du gène DISC1 (localisé sur le chromosome<br />
1q42) comme gène candidat dans <strong>la</strong> <strong>schizophrénie</strong><br />
provient <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>scription d’une translocation équilibrée (1:11)<br />
associée à <strong>la</strong> <strong>schizophrénie</strong>, au trouble bipo<strong>la</strong>ire et à <strong>la</strong> survenue<br />
d’épiso<strong>de</strong>s dépressifs récurrents chez différents individus au sein<br />
d’une même famille [51] . Bien qu’apparaissant comme un bon<br />
gène candidat dans <strong>la</strong> <strong>schizophrénie</strong>, sa fonction <strong>de</strong>meure<br />
inconnue [52, 53] , pour revue [54] .<br />
Le gène <strong>de</strong> <strong>la</strong> catéchol-O-méthyl transférase (COMT) est situé<br />
dans <strong>la</strong> région 22q11. Il est composé <strong>de</strong> six exons. Deux formes<br />
d’enzymes existent : une forme liée à <strong>la</strong> membrane (majoritaire<br />
dans le système nerveux central) et une forme soluble. La forme<br />
liée a une affinité pour <strong>la</strong> dopamine et <strong>la</strong> noradrénaline<br />
beaucoup plus forte que <strong>la</strong> forme soluble. Un <strong>de</strong>s polymorphismes<br />
fonctionnels les plus étudiés du gène est celui qui consiste<br />
en une substitution G/A résultant en une substitution <strong>de</strong> valine<br />
en méthionine en position 158 dans <strong>la</strong> forme liée à <strong>la</strong> membrane<br />
(108 pour <strong>la</strong> forme soluble). La forme Met158 présente<br />
une activité enzymatique moindre dans les conditions physiologiques<br />
(30 % <strong>de</strong> moins pour les homozygotes pour l’allèle<br />
Met). Il semble d’ailleurs qu’au cours <strong>de</strong> l’évolution, l’activité <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> COMT ait progressivement décru afin <strong>de</strong> permettre l’amélioration<br />
progressive <strong>de</strong>s performances du cortex préfrontal. En<br />
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