Données génétiques de la schizophrénie - Psychologie - M. Fouchey
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que le syndrome du X fragile, il existe préa<strong>la</strong>blement à <strong>la</strong><br />
mutation, un sta<strong>de</strong> <strong>de</strong> prémutation. Chez le sujet normal, <strong>la</strong><br />
longueur <strong>de</strong>s répétitions <strong>de</strong> triplets reste inférieure à une valeur<br />
seuil et est transmise sans changement aux générations suivantes.<br />
Lors <strong>de</strong> l’apparition d’une prémutation chez un individu, <strong>la</strong><br />
longueur <strong>de</strong>s répétitions <strong>de</strong> triplets augmente légèrement,<br />
conférant une instabilité à <strong>la</strong> séquence <strong>de</strong> l’ADN qui peut ainsi<br />
continuer à croître lors <strong>de</strong>s méioses successives. Dans <strong>de</strong> rares<br />
cas, le nombre <strong>de</strong> répétitions peut décroître et le phénotype du<br />
sujet porteur peut re<strong>de</strong>venir normal à <strong>la</strong> génération suivante.<br />
Cependant le plus souvent, le nombre <strong>de</strong> répétitions s’accroît et<br />
<strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die <strong>de</strong>vient <strong>de</strong> plus en plus sévère ou <strong>de</strong> plus en plus<br />
précoce au cours <strong>de</strong>s générations successives au sein d’une<br />
même famille.<br />
En général, les ma<strong>la</strong>dies liées à <strong>de</strong>s expansions <strong>de</strong> triplets sont<br />
c<strong>la</strong>ssées selon le type <strong>de</strong> répétition et selon leur traduction<br />
éventuelle. La gran<strong>de</strong> majorité <strong>de</strong>s ma<strong>la</strong>dies résultant d’expansions<br />
<strong>de</strong> trinucléoti<strong>de</strong>s touche le système nerveux central et a<br />
pour conséquence un retard mental ou <strong>de</strong>s troubles cognitifs.<br />
Ces ma<strong>la</strong>dies sont fréquemment associées à <strong>de</strong>s symptômes<br />
psychiatriques comme les troubles affectifs ou schizophréniques.<br />
Dans nombre <strong>de</strong> ces ma<strong>la</strong>dies, <strong>la</strong> longueur <strong>de</strong>s séquences <strong>de</strong><br />
répétitions <strong>de</strong> triplets est corrélée avec <strong>la</strong> sévérité ou l’âge <strong>de</strong><br />
début <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die. Cependant le lien entre ces mutations<br />
dynamiques et les symptômes psychotiques associés <strong>de</strong>meure<br />
mal compris. Plusieurs équipes ont alors recherché l’existence <strong>de</strong><br />
ces mutations dynamiques chez <strong>de</strong>s sujets schizophrènes en<br />
l’absence <strong>de</strong> ma<strong>la</strong>die neurologique. En effet, <strong>la</strong> découverte<br />
récente <strong>de</strong> ces mutations a conduit à reconsidérer <strong>la</strong> question <strong>de</strong><br />
l’anticipation clinique initialement observée dans les pathologies<br />
psychiatriques.<br />
Anticipation et <strong>schizophrénie</strong><br />
Il convient d’abord <strong>de</strong> citer le travail déjà ancien <strong>de</strong> Penrose<br />
qui a examiné 3 000 schizophrènes appartenant à <strong>de</strong>s familles<br />
comportant plusieurs sujets atteints, au sein <strong>de</strong> plusieurs<br />
générations successives, à <strong>la</strong> recherche d’un phénomène d’anticipation.<br />
Il a observé une diminution significative <strong>de</strong> l’âge <strong>de</strong><br />
début <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die au fur et à mesure <strong>de</strong>s générations successives.<br />
Cependant, il attribuait ce phénomène d’anticipation à<br />
<strong>de</strong>s biais d’analyse :<br />
choix préférentiel <strong>de</strong> familles au sein <strong>de</strong>squelles les parents<br />
ont un âge <strong>de</strong> début tardif. En effet, les parents dont l’âge <strong>de</strong><br />
début est plus précoce auraient, du fait <strong>de</strong> leur pathologie,<br />
une fertilité réduite. Des biais <strong>de</strong> remémoration pourraient<br />
également intervenir dans <strong>la</strong> détermination rétrospective <strong>de</strong><br />
l’âge <strong>de</strong> début ;<br />
choix préférentiel <strong>de</strong> familles dont <strong>la</strong> <strong>de</strong>scendance à un âge<br />
<strong>de</strong> début précoce. Il pourrait s’agir alors <strong>de</strong>s formes les plus<br />
sévères qui pourraient être plus facilement dépistées. Les cas<br />
d’enfants dont l’âge <strong>de</strong> début <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die est tardif pourraient<br />
également être moins fréquents car, au moment <strong>de</strong><br />
l’étu<strong>de</strong>, ils n’auraient pas encore dépassé <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> dite à<br />
risque <strong>de</strong> développer <strong>la</strong> <strong>schizophrénie</strong> ;<br />
choix préférentiel <strong>de</strong> paires parents-enfants développant en<br />
même temps <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die dans une p<strong>la</strong>ge <strong>de</strong> temps donnée.<br />
Les étu<strong>de</strong>s récentes ont essayé <strong>de</strong> prendre en compte ces biais.<br />
La plupart <strong>de</strong> ces étu<strong>de</strong>s, sauf une réalisée à partir <strong>de</strong> familles<br />
issues d’un iso<strong>la</strong>t situé en Micronésie, a retrouvé un phénomène<br />
d’anticipation pour l’âge <strong>de</strong> début (6 à 18,5 ans soit 13 ans en<br />
moyenne) dans <strong>de</strong>s échantillons <strong>de</strong> familles dites unilinéales<br />
(un seul <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux parents est supposé transmettre <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die),<br />
comportant plusieurs sujets schizophrènes et incluant <strong>de</strong>ux à<br />
trois générations. Un total d’environ 900 familles a été analysé.<br />
Ainsi, par exemple, parmi les toutes premières étu<strong>de</strong>s, Thibaut<br />
et al. [28] ont analysé 26 familles et ont observé une diminution<br />
significative <strong>de</strong> l’âge <strong>de</strong> début <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>schizophrénie</strong> dans <strong>la</strong> jeune<br />
génération (en moyenne 10 ans), comparativement à <strong>la</strong> génération<br />
<strong>de</strong>s sujets plus âgés (parents, oncles et tantes). La prise en<br />
compte <strong>de</strong> certains biais d’analyse possibles (choix préférentiel<br />
<strong>de</strong> familles au sein <strong>de</strong>squelles les parents ont un âge <strong>de</strong> début<br />
tardif, effet <strong>de</strong> censure <strong>de</strong> l’âge auquel le sujet est analysé pour<br />
ce qui concerne <strong>la</strong> génération <strong>de</strong>s enfants) ne modifie pas les<br />
résultats. Yaw et al. (1996) (cité dans [27] ) ont étudié un petit<br />
Psychiatrie<br />
échantillon <strong>de</strong> 15 familles comportant chacune plusieurs sujets<br />
schizophrènes et ont analysé séparément les paires en fonction<br />
<strong>de</strong> l’âge <strong>de</strong> début précoce ou tardif <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>schizophrénie</strong> chez les<br />
parents. Ils ne trouvent pas d’anticipation au sein <strong>de</strong>s paires à<br />
âge <strong>de</strong> début précoce du parent (mais il s’agit <strong>de</strong> dix paires).<br />
D’autres biais, tels que <strong>la</strong> possibilité d’un effet cohorte dans<br />
<strong>la</strong> <strong>schizophrénie</strong> (modification <strong>de</strong> l’âge <strong>de</strong> début, <strong>de</strong> <strong>la</strong> sévérité<br />
ou <strong>de</strong> <strong>la</strong> fréquence d’une ma<strong>la</strong>die à l’échelle d’une popu<strong>la</strong>tion<br />
entière, au cours <strong>de</strong>s décennies successives), ont été récemment<br />
décrits [29] . La réduction <strong>de</strong> <strong>la</strong> fertilité, chez les schizophrènes les<br />
plus sévèrement et les plus précocement atteints, peut également<br />
introduire un biais dans l’analyse du phénomène d’anticipation.<br />
Enfin, <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s ont sélectionné <strong>de</strong>s<br />
familles à transmission unilinéale, ce qui n’exclut pas <strong>la</strong><br />
possibilité d’un appariement préférentiel, parmi les couples<br />
étudiés, avec une autre personne porteuse <strong>de</strong> gènes <strong>de</strong> susceptibilité,<br />
mais n’exprimant pas cliniquement <strong>la</strong> <strong>schizophrénie</strong>. La<br />
situation idéale serait l’inclusion systématique <strong>de</strong> probands,<br />
indépendamment <strong>de</strong> leur histoire familiale, et leur étu<strong>de</strong><br />
prospective jusqu’à ce que <strong>la</strong> génération <strong>de</strong>s parents et <strong>de</strong>s<br />
enfants atteigne <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> « à risque » <strong>de</strong> développer<br />
<strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die.<br />
En ce qui concerne l’accroissement <strong>de</strong> <strong>la</strong> sévérité <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
ma<strong>la</strong>die au cours <strong>de</strong>s générations successives, les données sont<br />
plus controversées, en partie à cause <strong>de</strong> <strong>la</strong> difficulté à établir <strong>de</strong>s<br />
critères stables <strong>de</strong> mesure <strong>de</strong> <strong>la</strong> sévérité <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die. Le<br />
nombre et <strong>la</strong> durée <strong>de</strong>s hospitalisations, parfois utilisés dans<br />
certaines étu<strong>de</strong>s, ne constituent pas un indice très fiable <strong>de</strong><br />
mesure <strong>de</strong> <strong>la</strong> sévérité.<br />
Petronis et Kennedy [30] ont réexaminé les données issues <strong>de</strong>s<br />
étu<strong>de</strong>s familiales, <strong>de</strong> jumeaux et d’adoption, dans <strong>la</strong> perspective<br />
<strong>de</strong> mutations instables. Ils montrent que certaines déviations,<br />
par rapport à un mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> transmission mendélien simple, qui<br />
sont habituellement considérées comme <strong>de</strong>s arguments en<br />
faveur d’une hérédité polygénique, peuvent s’interpréter avec<br />
un modèle <strong>de</strong> transmission <strong>de</strong> gènes instables. Cette explication<br />
permet <strong>de</strong> rendre compte <strong>de</strong> certains phénomènes inexpliqués,<br />
tels que le nombre élevé <strong>de</strong> formes apparaissant comme non<br />
familiales ; <strong>la</strong> discordance parfois observée chez les jumeaux<br />
monozygotes (qui peut être liée à <strong>de</strong>s expansions différentes<br />
pendant <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> postzygotique) ; l’i<strong>de</strong>ntité du taux <strong>de</strong><br />
psychose dans <strong>la</strong> <strong>de</strong>scendance <strong>de</strong> jumeaux monozygotes pour <strong>la</strong><br />
<strong>schizophrénie</strong> ; les variations importantes du phénotype à<br />
l’intérieur d’une même famille (pénétrance et expressivité<br />
variables liées à <strong>la</strong> taille plus ou moins gran<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’expansion ou<br />
encore à l’existence <strong>de</strong> mosaïques dans les cellules somatiques).<br />
Cependant, les mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> transmission inhabituels sont<br />
beaucoup plus fréquents dans les ma<strong>la</strong>dies psychiatriques que<br />
dans les ma<strong>la</strong>dies à expansions <strong>de</strong> répétitions, suggérant ainsi<br />
que les mutations dynamiques ne sont probablement pas le seul<br />
mécanisme génétique impliqué dans <strong>la</strong> <strong>schizophrénie</strong>.<br />
Empreinte génomique<br />
<strong>Données</strong> <strong>génétiques</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>schizophrénie</strong> 37-285-A-16<br />
L’empreinte génomique est observée lorsque <strong>la</strong> source parentale<br />
du matériel génétique influence l’expression phénotypique<br />
(âge <strong>de</strong> début, sévérité <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die, type <strong>de</strong> ma<strong>la</strong>die, pénétrance<br />
...) chez les enfants atteints. L’empreinte génomique a été<br />
décrite dans d’autres ma<strong>la</strong>dies à mutations dynamiques. Ce<br />
phénomène d’empreinte ne semble pas exister dans les familles<br />
<strong>de</strong>s schizophrènes qui ont été analysées, ce qui représente un<br />
échantillon total <strong>de</strong> 270 familles environ (cinq étu<strong>de</strong>s sont<br />
négatives, <strong>de</strong>ux seulement sont positives dont une sur un très<br />
petit échantillon <strong>de</strong> familles). Cependant, Husted et al. [31]<br />
rapportent, à partir d’un échantillon <strong>de</strong> 127 paires parentsenfants,<br />
une anticipation plus importante pour l’âge <strong>de</strong> début<br />
lorsque <strong>la</strong> transmission est paternelle.<br />
L’équipe <strong>de</strong> Ma<strong>la</strong>spina [5] a rapporté une fréquence plus<br />
importante <strong>de</strong> schizophrènes chez les enfants dont le père est<br />
âgé (âge supérieur à 50 ans), évoquant ainsi l’apparition<br />
possible, chez ces enfants, <strong>de</strong> nouvelles mutations ou d’expansions<br />
<strong>de</strong> triplets qui pourraient contribuer au maintien <strong>de</strong>s taux<br />
d’inci<strong>de</strong>nce <strong>de</strong>s formes sporadiques dans <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion générale.<br />
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