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Données génétiques de la schizophrénie - Psychologie - M. Fouchey

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d’étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> transcriptome et d’étu<strong>de</strong>s d’association a été réalisée<br />

pour l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> quelques gènes candidats dans <strong>la</strong> <strong>schizophrénie</strong><br />

comme les gènes RGS4, dysbindin, NRG1 ; ces <strong>de</strong>rniers ont <strong>de</strong>s<br />

niveaux d’expression altérés dans le tissu cérébral post mortem,<br />

parfois même en l’absence <strong>de</strong> l’allèle <strong>de</strong> susceptibilité considéré.<br />

En fait, une modification <strong>de</strong> l’expression d’un gène dans un<br />

tissu donné peut être due au polymorphisme du gène luimême<br />

ou bien à <strong>de</strong>s interactions entre les gènes qui ont lieu en<br />

amont.<br />

Les comparaisons <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> transcriptome entre les<br />

différents <strong>la</strong>boratoires sont cependant difficiles parce que les<br />

méthodologies utilisées peuvent être très différentes, les patients<br />

analysés post mortem sont très hétérogènes, le nombre <strong>de</strong><br />

cerveaux analysés est souvent faible, les effets <strong>de</strong>s traitements<br />

reçus avant le décès sur le niveau d’expression <strong>de</strong>s gènes est très<br />

difficile à contrôler, <strong>la</strong> comorbidité entre <strong>la</strong> <strong>schizophrénie</strong> et<br />

d’autres pathologies chez les sujets étudiés est souvent mal<br />

connue et enfin, le risque d’erreur statistique <strong>de</strong> type II est élevé<br />

(pour revue <strong>de</strong> ces problèmes méthodologiques [68] ). La spécificité<br />

<strong>de</strong>s résultats obtenus et le caractère primaire ou secondaire<br />

<strong>de</strong>s altérations d’expression observées sont souvent difficiles à<br />

interpréter. Enfin, pour conclure, <strong>la</strong> concordance entre les<br />

données issues <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> transcriptome et celles issues <strong>de</strong>s<br />

étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> protéomique (c’est-à-dire du niveau <strong>de</strong> traduction <strong>de</strong><br />

l’ARNm en protéines) est souvent faible. En effet, <strong>de</strong> nombreuses<br />

modifications peuvent intervenir au niveau <strong>de</strong> <strong>la</strong> traduction<br />

elle-même ou en aval <strong>de</strong> <strong>la</strong> traduction et ces modifications<br />

peuvent représenter <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> régu<strong>la</strong>tion biologiques<br />

importants qui échappent ainsi totalement à l’analyse isolée du<br />

transcriptome.<br />

Des ARN ne codant pas <strong>de</strong> protéines (c’est-à-dire non traduits)<br />

(non protein coding RNA ou ncRNA) peuvent être impliqués<br />

dans <strong>la</strong> régu<strong>la</strong>tion du niveau <strong>de</strong> traduction d’autres ARNm en<br />

protéines. Un sous-groupe particulier d’ARN <strong>de</strong> petite taille <strong>de</strong><br />

ce type appelé microARN intervient ainsi dans <strong>la</strong> régu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong><br />

l’expression <strong>de</strong>s gènes après <strong>la</strong> transcription en supprimant par<br />

exemple <strong>la</strong> traduction <strong>de</strong> l’ARNm ou en le rendant instable et<br />

peut ainsi jouer un rôle important lors du développement<br />

cérébral [69] . Le rôle potentiel <strong>de</strong> ces ARN non codants peut être<br />

suggéré indirectement par le fait que <strong>la</strong> complexité d’un<br />

organisme n’est pas directement corrélée au nombre <strong>de</strong> gènes<br />

traduits ; en effet, chez l’homme, seul un faible pourcentage <strong>de</strong>s<br />

gènes transcrits en ARNm est traduit sous forme <strong>de</strong> protéines<br />

(environ 2 à 3 % d’entre eux seulement).<br />

■ Interactions<br />

gènes-environnement<br />

L’impact <strong>de</strong>s variations <strong>génétiques</strong> chez un individu donné<br />

dépend du contexte dans lequel ces gènes s’expriment. Les<br />

gènes peuvent ainsi moduler l’effet <strong>de</strong> facteurs environnementaux<br />

pathogènes (cf. dans ce chapitre l’exemple du cannabis<br />

dans <strong>la</strong> <strong>schizophrénie</strong>) mais également accroître, pour un<br />

individu donné, le risque d’exposition à un facteur environnemental<br />

potentiellement pathogène (exemple le risque <strong>de</strong><br />

développer une dépendance au cannabis peut être majoré par <strong>la</strong><br />

présence <strong>de</strong> certains facteurs <strong>génétiques</strong> qui vont favoriser<br />

l’apparition d’une conduite addictive). L’intérêt récent suscité<br />

par ces interactions et le développement concomitant <strong>de</strong><br />

modèles statistiques nécessaires à leur analyse constituent un<br />

nouveau champ <strong>de</strong> recherche très prometteur (pour revue [70] ).<br />

Cependant l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> ces interactions nécessite l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong>rges<br />

cohortes. L’évaluation <strong>de</strong>s facteurs environnementaux auxquels<br />

le sujet a été exposé n’est pas toujours facile à réaliser et surtout<br />

à analyser dans le contexte d’interactions potentielles avec<br />

d’autres facteurs environnementaux pouvant également jouer<br />

un rôle dans <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die. En outre <strong>la</strong> multiplicité <strong>de</strong>s facteurs<br />

<strong>génétiques</strong> pouvant interagir avec les facteurs environnementaux<br />

peut conduire à <strong>de</strong>s faux positifs liés au hasard si un seul<br />

gène est étudié.<br />

Un exemple <strong>de</strong> ce type d’interactions nous est apporté par les<br />

interactions entre le génotype et le cannabis dans le risque <strong>de</strong><br />

Psychiatrie<br />

développer une pathologie schizophrénique. Certains polymorphismes<br />

présents sur le gène <strong>de</strong> <strong>la</strong> COMT (polymorphisme Val/<br />

Met) sont associés à un risque fortement accru <strong>de</strong> développer<br />

<strong>de</strong>s symptômes psychotiques à l’âge adulte lorsque le sujet a<br />

consommé du cannabis à l’adolescence (odds ratio 10,9 chez les<br />

sujets porteurs <strong>de</strong> l’allèle Val à l’état homozygote) (étu<strong>de</strong><br />

longitudinale <strong>de</strong> Caspi et al., [71] ).<br />

Un certain nombre d’autres facteurs environnementaux ont<br />

été i<strong>de</strong>ntifiés comme facteurs <strong>de</strong> risque dans l’apparition d’une<br />

<strong>schizophrénie</strong> à l’âge adulte, par exemple les complications<br />

obstétricales, les infections virales au cours du <strong>de</strong>uxième<br />

trimestre <strong>de</strong> <strong>la</strong> grossesse, <strong>la</strong> dénutrition au cours <strong>de</strong> <strong>la</strong> grossesse,<br />

le fait d’être élevé en milieu urbain, les traumatismes crâniens<br />

précoces (pour revue [72] ).<br />

L’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> modèles animaux (lignées <strong>de</strong> souris, animaux<br />

génétiquement modifiés par exemple souris knock-out pour un<br />

gène <strong>de</strong> susceptibilité) soumis à <strong>de</strong>s modifications environnementales<br />

contrôlées permettront peut-être <strong>de</strong> mieux appréhen<strong>de</strong>r<br />

ces interactions. À l’inverse, <strong>la</strong> recherche <strong>de</strong> gènes <strong>de</strong><br />

protection contre l’effet pathogène <strong>de</strong> certains facteurs environnementaux<br />

paraît également intéressante.<br />

■ Conclusion<br />

La <strong>schizophrénie</strong> est une ma<strong>la</strong>die complexe polygénique et<br />

multifactorielle à effet <strong>de</strong> seuil.<br />

De multiples facteurs <strong>de</strong> risque <strong>génétiques</strong> influencent le<br />

phénotype clinique. Considéré isolément, chacun <strong>de</strong> ces gènes<br />

n’est ni nécessaire ni suffisant pour induire le phénotype<br />

<strong>schizophrénie</strong>. L’association entre une variation génétique et <strong>la</strong><br />

<strong>schizophrénie</strong> est infiniment plus complexe qu’une simple<br />

re<strong>la</strong>tion linéaire entre le dosage allélique à un locus donné et le<br />

risque d’apparition <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>schizophrénie</strong>. En effet, un même gène<br />

peut avoir <strong>de</strong>s effets multiples (pléiotropie). De plus, les<br />

interactions entre les différents gènes peuvent être additives ou<br />

épistatiques (un gène n’intervient dans l’expression <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

ma<strong>la</strong>die que si un autre gène a déjà exprimé sa contribution à<br />

<strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die). À titre d’exemple, notre équipe rouennaise vient <strong>de</strong><br />

mettre en évi<strong>de</strong>nce une interaction entre le gène COMT et<br />

d’autres gènes comme le gène PRODH dans l’apparition <strong>de</strong><br />

symptômes psychotiques chez les sujets atteints <strong>de</strong> délétion<br />

22q11 [64] . Un autre exemple provient <strong>de</strong> l’équipe <strong>de</strong> Weinberger,<br />

il s’agit d’une interaction entre le polymorphisme Val/Met<br />

du gène COMT et le gène GAD1 qui co<strong>de</strong> une enzyme nécessaire<br />

à <strong>la</strong> synthèse du GABA dans le risque d’apparition d’une<br />

<strong>schizophrénie</strong> [73] .<br />

Compte tenu <strong>de</strong>s difficultés rencontrées lors <strong>de</strong> l’utilisation<br />

<strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s c<strong>la</strong>ssiques <strong>de</strong> liaison et d’association pour <strong>la</strong> définition<br />

<strong>de</strong> régions d’intérêt ou <strong>de</strong> gènes candidats (hétérogénéité<br />

étiologique probable <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die, nombre élevé <strong>de</strong> facteurs<br />

<strong>génétiques</strong>, gran<strong>de</strong> variété <strong>de</strong>s combinaisons <strong>génétiques</strong> possibles...),<br />

certaines équipes ont proposé <strong>de</strong>s stratégies alternatives<br />

telles que l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s endophénotypes ou celle <strong>de</strong>s remaniements<br />

chromosomiques associés à <strong>de</strong>s symptômes psychotiques.<br />

Pourtant, jusqu’alors, aucun facteur génétique n’a été formellement<br />

i<strong>de</strong>ntifié comme étant un facteur causal dans <strong>la</strong> <strong>schizophrénie</strong>.<br />

Lorsque <strong>de</strong>s facteurs <strong>génétiques</strong> seront i<strong>de</strong>ntifiés, leur<br />

présence, chez un individu donné, n’aura cependant qu’une<br />

valeur prédictive très re<strong>la</strong>tive pour <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die. En effet, il s’agira<br />

alors d’une probabilité à l’échelon d’une popu<strong>la</strong>tion. De plus,<br />

l’interaction <strong>de</strong> ce facteur génétique avec les facteurs environnementaux<br />

ou avec les autres gènes pourra moduler son<br />

expression. Les interactions gènes-environnement, que l’on<br />

commence simplement à étudier, ajoutent en effet un niveau <strong>de</strong><br />

complexité supplémentaire dans <strong>la</strong> compréhension <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

physiopathologie <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>schizophrénie</strong>.<br />

■ Références<br />

<strong>Données</strong> <strong>génétiques</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>schizophrénie</strong> 37-285-A-16<br />

[1] Jablensky A. Epi<strong>de</strong>miology of schizophrenia: The global bur<strong>de</strong>n of<br />

disease and disability. Eur Arch Psychiatr Clin Neurosci 2000;250:<br />

274-85.<br />

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