Les importations parallèles et les licences non volontaires ... - ictsd
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PARTIE II<br />
6<br />
<strong>Les</strong> <strong>importations</strong> <strong>parallè<strong>les</strong></strong> <strong>et</strong> <strong>les</strong> <strong>licences</strong> <strong>non</strong><br />
CHAPITRE 6<br />
<strong>volontaires</strong> dans le nouveau droit des brev<strong>et</strong>s des<br />
Etats membres de l’OAPI<br />
Par Amadou TANKOANO (Niger)<br />
Professeur à la Faculté des sciences économiques <strong>et</strong> juridiques<br />
de l’Université Abdou MOUMOUNI de Niamey<br />
INTRODUCTION<br />
En signant <strong>et</strong> surtout en ratifiant l’Accord de Marrakech instituant l’Organisation Mondiale du<br />
Commerce (OMC), quinze Etats membres 1 de l’Organisation Africaine de la Propriété<br />
Intellectuelle (OAPI) 2 ont souscrit à des obligations contenues dans l’Accord sur <strong>les</strong> Droits de<br />
Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPIC) 3 ayant rendu incompatib<strong>les</strong> de<br />
nombreuses dispositions de l’Accord de Bangui avec plusieurs prescriptions de ce traité<br />
multilatéral liant tous <strong>les</strong> Etats membres de l’OMC. Pour se conformer aux nouvel<strong>les</strong><br />
dispositions de l’Accord sur <strong>les</strong> ADPIC, <strong>les</strong> membres de l’OAPI ont procédé à la révision de<br />
l’Accord de Bangui.<br />
Aux termes de l’article 43 de l’Accord de Bangui révisé 4 , celui-ci entrera en vigueur deux<br />
mois après la ratification par <strong>les</strong> deux tiers au moins des Etats signataires. Conformément à<br />
c<strong>et</strong>te disposition, l’annexe I de l’Accord de Bangui révisé traitant des brev<strong>et</strong>s est entré en<br />
vigueur le 28 février 2002.<br />
S’agissant de la délivrance des brev<strong>et</strong>s dans <strong>les</strong> pays membres de l’OAPI, elle est réglementée par<br />
l’Accord de Bangui ayant valeur de loi nationale pour tous <strong>les</strong> seize Etats. L’OAPI reçoit toutes <strong>les</strong><br />
demandes <strong>et</strong> délivre des brev<strong>et</strong>s régionaux engendrant automatiquement des eff<strong>et</strong>s dans tous <strong>les</strong> Etats<br />
membres. Cependant, <strong>les</strong> questions en aval relatives à la contrefaçon, aux <strong>licences</strong> obligatoires <strong>et</strong> <strong>non</strong><br />
<strong>volontaires</strong> sont réglées par <strong>les</strong> tribunaux civils de chaque pays membre. Néanmoins, <strong>les</strong> décisions<br />
rendues par ceux-ci sur la validité des brev<strong>et</strong>s dans un Etat membre s’imposent à tous <strong>les</strong> autres<br />
membres de l’OAPI, sauf cel<strong>les</strong> qui sont fondées sur l’ordre public <strong>et</strong> <strong>les</strong> bonnes mœurs.<br />
En ce qui concerne <strong>les</strong> brev<strong>et</strong>s, on peut r<strong>et</strong>enir deux séries de modifications majeures dans le nouveau<br />
traité signé le 24 février 1999 dans la capitale centrafricaine (Accord de Bangui révisé) intéressant<br />
l’épuisement des droits <strong>et</strong> <strong>les</strong> <strong>importations</strong> <strong>parallè<strong>les</strong></strong> (I) ainsi que <strong>les</strong> <strong>licences</strong> <strong>non</strong> <strong>volontaires</strong> (II).<br />
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COMMERCE, PI & DÉVELOPPEMENT DURABLE VUS DE L’AFRIQUE ICTSD, Enda, Solagral © 2002<br />
1. L’EPUISEMENT DES DROITS ET LES IMPORTATIONS PARALLELES<br />
L’OAPI a adopté l’épuisement régional 5 des droits qui est conforme aux dispositions de<br />
l’Accord sur <strong>les</strong> ADPIC. Cependant, l’épuisement communautaire des droits présente des<br />
inconvénients pour rendre <strong>les</strong> médicaments plus accessib<strong>les</strong> aux populations.<br />
L’adoption de l’épuisement communautaire des droits<br />
Selon l’Accord de Bangui <strong>non</strong> révisé, le titulaire du brev<strong>et</strong> avait le droit d’interdire à toute<br />
personne de « fabriquer, d’importer, d’offrir à la vente, de vendre <strong>et</strong> d’utiliser » le produit<br />
brev<strong>et</strong>é ou le produit résultant d’un procédé brev<strong>et</strong>é. S’agissant d’un brev<strong>et</strong> de procédé, le<br />
titulaire pouvait en interdire l’emploi.<br />
Il résulte de c<strong>et</strong>te disposition de l’Accord de Bangui <strong>non</strong> révisé que <strong>les</strong> <strong>importations</strong> <strong>parallè<strong>les</strong></strong><br />
en dehors des Etats membres de l’OAPI, des produits brev<strong>et</strong>és ou issus des procédés brev<strong>et</strong>és<br />
semblaient prohiber sur le territoire des pays membres de c<strong>et</strong>te organisation.<br />
En eff<strong>et</strong>, dans la pratique, on a relevé que la plupart des brev<strong>et</strong>s délivrés ont été utilisés par<br />
leurs titulaires pour maintenir un monopole d’importation de leurs produits brev<strong>et</strong>és dans <strong>les</strong><br />
Etats membres de l’OAPI en dépit du fait que l’article 6 de l’Accord de Bangui <strong>non</strong> révisé<br />
subordonnait la prolongation de la durée de la protection d’un brev<strong>et</strong> à la condition que son<br />
titulaire devait prouver que son invention avait fait l’obj<strong>et</strong> d’une exploitation industrielle sur<br />
le territoire de l’un des pays membres de l’OAPI. C<strong>et</strong>te disposition ajoutait que l’importation<br />
ne constituait pas une excuse légitime 6 .<br />
Quant à la version de l’Accord de Bangui révisée, elle prévoit des limitations aux droits<br />
conférés aux brev<strong>et</strong>és. Ainsi, la première limitation est formulée comme suit :<br />
« <strong>les</strong> droits découlant du brev<strong>et</strong> ne s’étendent pas : a) aux actes relatifs aux obj<strong>et</strong>s mis dans le<br />
commerce d’un Etat membre par le titulaire du brev<strong>et</strong> ou avec son consentement » 7 .<br />
Ce libellé semble opter pour la notion d’épuisement régional 8 autorisant <strong>les</strong> <strong>importations</strong><br />
<strong>parallè<strong>les</strong></strong> entre <strong>les</strong> pays membres de l’OAPI. Autrement dit, on peut importer dans un Etat<br />
membre de l’OAPI un médicament brev<strong>et</strong>é qui serait vendu moins cher dans un autre pays<br />
membre de l’OAPI. Néanmoins, ce choix en faveur de l’épuisement communautaire des droits<br />
habilite le titulaire d’un brev<strong>et</strong> de s’opposer aux <strong>importations</strong> <strong>parallè<strong>les</strong></strong> de biens <strong>et</strong> services<br />
protégés provenant de pays <strong>non</strong> membres de l’OAPI. Bien que conforme à l’article 6 9 de<br />
l’Accord sur <strong>les</strong> ADPIC, l’adoption de l’épuisement régional présente certains inconvénients<br />
pour <strong>les</strong> Etats membres de l’OAPI.<br />
<strong>Les</strong> inconvénients de l’adoption de l’épuisement communautaire des droits<br />
La déclaration sur l’Accord sur <strong>les</strong> ADPIC <strong>et</strong> la santé publique adoptée par la dernière<br />
conférence ministérielle de Doha réaffirme que chaque Etat membre de l’OMC est libre de<br />
choisir son propre régime d’épuisement des droits, sous réserve des dispositions en matière
CHAPITRE 6<br />
de traitement de la nation la plus favorisée <strong>et</strong> de traitement national des artic<strong>les</strong> 3 <strong>et</strong> 4 10 de<br />
l’Accord sur <strong>les</strong> ADPIC.<br />
On peut regr<strong>et</strong>ter que l’OAPI n’ait pas saisi l’occasion de la révision de l’Accord de Bangui<br />
pour adopter le principe de l’épuisement international des droits qui est également compatible<br />
avec l’Accord sur <strong>les</strong> ADPIC.<br />
En eff<strong>et</strong>, l’adoption du principe de l’épuisement international 11 des droits pourrait procurer<br />
comme avantage à chaque Etat membre de l’OAPI de procéder à des <strong>importations</strong> <strong>parallè<strong>les</strong></strong><br />
de médicaments si ces derniers sont moins dispendieux dans un autre Etat membre de l’OMC.<br />
Nous pouvons donner un exemple pour illustrer un inconvénient de l’adoption de<br />
l’épuisement communautaire des droits dans la zone OAPI. Le Combivir qui a été créé par la<br />
firme pharmaceutique GlaxoSmithkline est une pilule combinant à la fois <strong>les</strong> deux<br />
antirétroviraux AZT <strong>et</strong> 3TC. Il est vendu à 1.96 dollar américain (US $) au Togo <strong>et</strong> 0.94 US $<br />
au Sénégal. On s’accorde à reconnaître que ce dernier prix est le plus bas dans <strong>les</strong> Etats<br />
membres de l’OAPI. Par contre en Inde, on peut l’ach<strong>et</strong>er à un coût n<strong>et</strong>tement moindre, à<br />
savoir 0.65 US $. Si l’OAPI avait adopté l’épuisement international des droits, le Togo <strong>et</strong> <strong>les</strong><br />
autres membres intéressés de c<strong>et</strong>te organisation auraient pu l’importer en provenance de<br />
l’Inde afin de le rendre disponible aux patients à un prix plus abordable, c’est-à-dire 45%<br />
moins élevé que le Combivir vendu au Sénégal 12 .<br />
En outre, la consécration de l’épuisement international des droits <strong>et</strong> sa mise en œuvre sont<br />
conformes aux prescriptions de l’article XI du GATT qui interdit <strong>les</strong> restrictions quantitatives<br />
entre <strong>les</strong> pays membres de l’OMC.<br />
Au regard de ce qui précède, compte tenu du fait que <strong>les</strong> Etats membres de l’OAPI ne sont pas<br />
de grands producteurs de médicaments, l’adoption de l’épuisement international des droits<br />
pourrait favoriser des <strong>importations</strong> <strong>parallè<strong>les</strong></strong> de médicaments pour <strong>les</strong> vendre à des prix plus<br />
abordab<strong>les</strong> 13 aux populations africaines le plus souvent démunies pour enrayer <strong>les</strong> maladies<br />
endémiques en s’inscrivant dans une stratégie plus globale de lutte contre la pauvr<strong>et</strong>é pour un<br />
développement humain durable.<br />
Enfin, la consécration du principe de l’épuisement international des droits semble plus<br />
conforme avec la logique de l’OMC prônant la libéralisation du commerce mondial 14 <strong>et</strong><br />
surtout de son corollaire, à savoir la libre circulation des marchandises.<br />
S’agissant d’une autre limitation des droits conférés au titulaire du brev<strong>et</strong>, l’Accord de<br />
Bangui révisé ajoute que « <strong>les</strong> droits découlant du brev<strong>et</strong> ne s’étendent pas… aux actes relatifs<br />
à une invention brev<strong>et</strong>ée accomplis à des fins expérimenta<strong>les</strong> dans le cadre de la recherche<br />
scientifique <strong>et</strong> technique » 15 . En d’autres termes, <strong>les</strong> expérimentations réalisées par<br />
d’éventuels fabricants de médicaments génériques pour <strong>les</strong> vendre après l’extinction du<br />
brev<strong>et</strong> 16 ne semblent pas être interdites par l’Accord de Bangui révisé.<br />
L’accord de Bangui révisé ne concerne pas seulement la question de l’épuisement des droits<br />
<strong>et</strong> des <strong>importations</strong> <strong>parallè<strong>les</strong></strong>, il traite également des <strong>licences</strong> <strong>non</strong> <strong>volontaires</strong>.<br />
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2. LES LICENCES NON VOLONTAIRES<br />
En se fondant sur <strong>les</strong> artic<strong>les</strong> 8 <strong>et</strong> 31 de l’accord sur <strong>les</strong> ADPIC, le titre IV de l’annexe I de<br />
l’OAPI prévoit l’octroi des <strong>licences</strong> <strong>non</strong> <strong>volontaires</strong> pour répondre à l’intérêt général en<br />
matière d’exploitation des inventions brev<strong>et</strong>ées, notamment <strong>les</strong> brev<strong>et</strong>s de médicaments.<br />
S’agissant des <strong>licences</strong> <strong>non</strong> <strong>volontaires</strong>, il convient de distinguer, d’une part, <strong>les</strong> <strong>licences</strong><br />
d’origine judiciaire <strong>et</strong>, d’autre part, <strong>les</strong> <strong>licences</strong> d’office. Cependant, le recours aux <strong>licences</strong><br />
<strong>non</strong> <strong>volontaires</strong> ne constitue pas une panacée. En eff<strong>et</strong>, en ce qui concerne, <strong>les</strong> Etats de<br />
l’OAPI, sa concrétisation est entravée par des limites importantes.<br />
<strong>Les</strong> <strong>licences</strong> d’origine judiciaire<br />
Ces <strong>licences</strong> sont octroyées à la demande de toute personne intéressée par le tribunal civil<br />
compétent en matière de brev<strong>et</strong>. El<strong>les</strong> sanctionnent d’une part, le défaut injustifié<br />
d’exploitation du brev<strong>et</strong> <strong>et</strong>, d’autre part, le refus d’accorder une licence dite de brev<strong>et</strong> de<br />
dépendance.<br />
La licence pour défaut d’exploitation<br />
Aux termes de l’article 46 de l’Annexe I relatif aux brev<strong>et</strong>s d’invention, toute personne peut,<br />
après expiration d’un délai de quatre ans à compter de la date du dépôt de la demande de<br />
brev<strong>et</strong> ou de trois ans à compter de la délivrance du brev<strong>et</strong>, le délai qui expire le plus tard<br />
devant être appliqué, peut obtenir une licence <strong>non</strong> volontaire si l’une ou plusieurs des<br />
conditions ci-après sont remplies :<br />
<br />
<br />
<br />
L’invention brev<strong>et</strong>ée n’est pas exploitée sur le territoire de l’un des Etats membres de<br />
l’OAPI, au moment où la requête est présentée ; ou<br />
L’exploitation, sur le territoire susvisé, de l’invention brev<strong>et</strong>ée ne satisfait pas à des<br />
conditions raisonnab<strong>les</strong> à la demande du produit protégé ;<br />
En raison du refus du titulaire de brev<strong>et</strong> d’accorder des <strong>licences</strong> à des conditions <strong>et</strong><br />
modalités commercia<strong>les</strong> raisonnab<strong>les</strong>, l’établissement ou le développement d’activités<br />
industriel<strong>les</strong> ou commercia<strong>les</strong>, sur le territoire susvisé, subissent injustement ou<br />
substantiellement un préjudice.<br />
Toutefois, le titulaire d’un brev<strong>et</strong> qui justifie d’excuses légitimes 17 au défaut d’exploitation,<br />
n’est pas tenu d’accorder une licence <strong>non</strong> volontaire.<br />
Il importe de rappeler que le nouvel Accord de Bangui révisé a supprimé l’exigence d’une<br />
exploitation industrielle locale pour maintenir la protection octroyée au brev<strong>et</strong>é pour se<br />
conformer à l’Accord sur <strong>les</strong> ADPIC qui ne r<strong>et</strong>ient pas c<strong>et</strong>te obligation. Autrement dit,<br />
l’exploitation de l’invention peut désormais être satisfaite par l’importation. De ce fait, si le<br />
marché est suffisamment approvisionné par l’importation, le défaut d’exploitation du produit<br />
brev<strong>et</strong>é ne constitue plus une condition pour octroyer une licence <strong>non</strong> volontaire 18 .
CHAPITRE 6<br />
La licence <strong>non</strong> volontaire pour brev<strong>et</strong> de dépendance 19<br />
La licence de dépendance est destinée à éviter qu’un brev<strong>et</strong> en position dominante par rapport<br />
à un brev<strong>et</strong> de perfectionnement ne soit utilisé par son détenteur pour empêcher l’exploitation<br />
dudit perfectionnement. En eff<strong>et</strong>, si une invention protégée par un brev<strong>et</strong> ne peut être<br />
exploitée sans qu’il soit porté atteinte aux droits attachés à un brev<strong>et</strong> antérieur dont le titulaire<br />
refuse l’autorisation d’utilisation à des conditions <strong>et</strong> modalités commercia<strong>les</strong> raisonnab<strong>les</strong>, le<br />
détenteur du brev<strong>et</strong> ultérieur peut obtenir du tribunal une licence <strong>non</strong> volontaire pour c<strong>et</strong>te<br />
utilisation, aux mêmes conditions que cel<strong>les</strong> qui s’appliquent aux <strong>licences</strong> <strong>non</strong> <strong>volontaires</strong><br />
accordées en vertu de l’article 46 ainsi qu’aux conditions additionnel<strong>les</strong> suivantes 20 .<br />
Tout d’abord, il faut que l’invention revendiquée dans le brev<strong>et</strong> ultérieur représente un<br />
progrès technique important, d’un intérêt économique considérable, par rapport à l’invention<br />
revendiquée dans le brev<strong>et</strong> antérieur. Ensuite, le titulaire du brev<strong>et</strong> antérieur a droit à une<br />
licence réciproque à des conditions raisonnab<strong>les</strong> pour utiliser l’invention revendiquée dans le<br />
brev<strong>et</strong> de dépendance. Enfin, l’utilisation autorisée en rapport avec le brev<strong>et</strong> antérieur est<br />
incessible sauf si le brev<strong>et</strong> ultérieur est également cédé. La licence pour défaut d’exploitation<br />
<strong>et</strong> la licence de dépendance sont <strong>non</strong> exclusives. Pourtant, la licence pour défaut<br />
d’exploitation <strong>et</strong> la licence de dépendance ne sont pas <strong>les</strong> seu<strong>les</strong> <strong>licences</strong> <strong>non</strong> <strong>volontaires</strong>. Il y<br />
a également <strong>les</strong> <strong>licences</strong> d’office.<br />
<strong>Les</strong> <strong>licences</strong> d’office<br />
El<strong>les</strong> sont au nombre de trois. El<strong>les</strong> sont prévues pour satisfaire l’intérêt de la santé publique,<br />
celui du développement économique <strong>et</strong> celui de la défense nationale.<br />
Aux termes de l’article 56 de l’Annexe I de l’OAPI, lorsque certains brev<strong>et</strong>s d’invention<br />
présentent un intérêt vital pour l’économie du pays, la santé publique ou la défense nationale<br />
ou que l’insuffisance de leur exploitation comprom<strong>et</strong> gravement la satisfaction des besoins du<br />
pays, ils peuvent être soumis par acte administratif du Ministre compétent de l’Etat membre<br />
en cause au régime de la licence <strong>non</strong> volontaire. C<strong>et</strong> acte détermine l’administration ou<br />
l’organisme bénéficiaire, <strong>les</strong> conditions de durée <strong>et</strong> le champ d’application de la licence <strong>non</strong><br />
volontaire <strong>et</strong> le montant des redevances.<br />
A défaut d’accord à l’amiable entre le titulaire du brev<strong>et</strong> <strong>et</strong> l’administration intéressée sur <strong>les</strong><br />
conditions susmentionnées, cel<strong>les</strong>-ci sont fixées par le tribunal civil.<br />
S’agissant des droits <strong>et</strong> obligations du bénéficiaire d’une licence <strong>non</strong> volontaire 21 , l’octroi<br />
d’une licence <strong>non</strong> volontaire autorise son bénéficiaire à exploiter l’invention brev<strong>et</strong>ée<br />
conformément aux conditions fixées dans la décision du tribunal civil ou dans la décision<br />
prise sur recours. Le bénéficiaire d’une licence <strong>non</strong> volontaire est tenu de verser au détenteur<br />
du brev<strong>et</strong> une compensation fixée dans <strong>les</strong> décisions susvisées.<br />
L’octroi de la licence <strong>non</strong> volontaire n’affecte ni <strong>les</strong> contrats de licence en vigueur ni <strong>les</strong><br />
<strong>licences</strong> <strong>non</strong> <strong>volontaires</strong> en vigueur <strong>et</strong> n’exclut ni la conclusion d’autres contrats de licence ni<br />
l’octroi d’autres <strong>licences</strong> <strong>non</strong> <strong>volontaires</strong>. Toutefois, le titulaire du brev<strong>et</strong> ne peut consentir à<br />
d’autres licenciés des conditions plus avantageuses que cel<strong>les</strong> de la licence <strong>non</strong> volontaire.<br />
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Au titre de la limitation de la licence <strong>non</strong> volontaire, le bénéficiaire de celle-ci ne peut, sans le<br />
consentement du détenteur du brev<strong>et</strong>, donner à un tiers l’autorisation d’accomplir <strong>les</strong> actes<br />
qu’il est autorisé à accomplir en vertu de ladite licence <strong>non</strong> volontaire. En dépit de c<strong>et</strong>te<br />
limitation, la licence <strong>non</strong> volontaire peut être transmise avec l’établissement du bénéficiaire<br />
de licence ou avec la partie de c<strong>et</strong> établissement qui exploite l’invention brev<strong>et</strong>ée. Une telle<br />
transmission n’est pas valable sans l’autorisation du tribunal civil.<br />
Avant d’accorder l’autorisation, le tribunal civil m<strong>et</strong> le titulaire du brev<strong>et</strong> en mesure de se<br />
faire entendre. Le tribunal civil communique l’autorisation à l’OAPI qui l’enregistre <strong>et</strong> la<br />
publie. Toute transmission autorisée a pour eff<strong>et</strong> que le nouveau bénéficiaire de la licence<br />
accepte <strong>les</strong> mêmes obligations que cel<strong>les</strong> qui incombaient à l’ancien bénéficiaire de la licence.<br />
En dépit de toutes ces dispositions prévues par le titre IV de l’Annexe I de l’Accord de<br />
Bangui révisé pour recourir aux <strong>licences</strong> <strong>non</strong> <strong>volontaires</strong>, force est de reconnaître que la mise<br />
en œuvre pratique de ces dispositions rencontre des difficultés considérab<strong>les</strong>.<br />
<strong>Les</strong> limites au recours aux <strong>licences</strong> <strong>non</strong> <strong>volontaires</strong><br />
La déclaration sur l’Accord sur <strong>les</strong> ADPIC <strong>et</strong> la santé publique 22 adoptée à Doha lors de la<br />
quatrième conférence ministérielle proclame la nécessité de protéger la santé publique <strong>et</strong> de<br />
promouvoir l’accès de tous aux médicaments.<br />
C<strong>et</strong>te déclaration qui a été adoptée par la conférence ministérielle de Doha commence par<br />
reconnaître la gravité des problèmes de santé publique qui touchent de nombreux PED <strong>et</strong><br />
PMA, en particulier ceux qui résultent du VIH/SIDA, de la tuberculose, du paludisme <strong>et</strong><br />
d’autres épidémies.<br />
En second lieu, <strong>les</strong> Etats membres de l’OMC soulignent que l’accord sur <strong>les</strong> ADPIC fait<br />
partie de l’action nationale <strong>et</strong> internationale plus large visant à remédier à ces problèmes.<br />
Tout en reconnaissant que la protection de la propriété intellectuelle est importante pour le<br />
développement de nouveaux médicaments, ils reconnaissent également <strong>les</strong> préoccupations<br />
concernant ses eff<strong>et</strong>s sur <strong>les</strong> prix.<br />
En troisième lieu, la déclaration souligne que l’accord sur <strong>les</strong> ADPIC n’empêche pas <strong>et</strong> ne<br />
devrait pas empêcher <strong>les</strong> membres de l’OMC de prendre des mesures pour protéger la santé<br />
publique. En conséquence, tout en réitérant leur attachement à l’accord sur <strong>les</strong> ADPIC, ils<br />
réaffirment que c<strong>et</strong>te convention peut <strong>et</strong> devrait être interprétée <strong>et</strong> mise en œuvre d’une<br />
manière qui appuie le droit des membres de l’OMC de protéger la santé publique <strong>et</strong>, en<br />
particulier, de promouvoir l’accès de tous aux médicaments. A ce suj<strong>et</strong>, la déclaration<br />
réaffirme le droit des membres de l’OMC de recourir pleinement aux dispositions 23 de<br />
l’accord sur <strong>les</strong> ADPIC ménageant une flexibilité à c<strong>et</strong> eff<strong>et</strong>.<br />
En conséquence <strong>et</strong> au regard du point précédent, tout en maintenant leurs engagements dans le<br />
cadre de l’Accord ADPIC, <strong>les</strong> Etats membres de l’OMC reconnaissent que ces flexibilités<br />
incluent ce qui suit :
CHAPITRE 6<br />
Dans l’application des règ<strong>les</strong> coutumières d’interprétation du droit international public,<br />
chaque disposition de l’Accord sur <strong>les</strong> ADPIC sera lue à la lumière de l’obj<strong>et</strong> <strong>et</strong> du but de<br />
l’accord tels qu’ils sont exprimés, en particulier, dans ses objectifs 24 <strong>et</strong> principes 25 .<br />
Chaque Etat membre a le droit d’accorder des <strong>licences</strong> obligatoires <strong>et</strong> la liberté de<br />
déterminer <strong>les</strong> motifs pour <strong>les</strong>quels de tel<strong>les</strong> <strong>licences</strong> sont accordées.<br />
Chaque Membre a le droit de déterminer ce qui constitue une situation d’urgence<br />
nationale ou d’autres circonstances d’extrême urgence, étant entendu que <strong>les</strong> crises dans<br />
le domaine de la santé publique, y compris cel<strong>les</strong> qui sont liées au VIH/SIDA, à la<br />
tuberculose <strong>et</strong> à d’autres épidémies, peuvent représenter une situation d’urgence nationale<br />
ou d’autres circonstances d’extrême urgence.<br />
Au regard de ce qui précède, il ressort que l’OAPI a prévu des dispositions sur <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> <strong>les</strong><br />
Etats membres peuvent se fonder pour accorder des <strong>licences</strong> obligatoires pour répondre à une<br />
situation d’urgence nationale ou d’autres circonstances d’extrême urgence.<br />
Cependant, comme le reconnaît la déclaration de Doha sur l’accord sur <strong>les</strong> ADPIC <strong>et</strong> la santé,<br />
de nombreux Etats membres de l’OMC ayant des capacités de fabrication insuffisantes ou<br />
n’en disposant pas dans le secteur pharmaceutique pourraient avoir des difficultés à recourir<br />
de manière effective aux <strong>licences</strong> obligatoires dans le cadre de l’accord sur <strong>les</strong> ADPIC. Tel est<br />
le cas de la plupart des PMA membres de l’OAPI. C’est la raison pour laquelle la conférence<br />
ministérielle a donné pour instruction au conseil des ADPIC de trouver une solution rapide à<br />
ce problème <strong>et</strong> de faire rapport au conseil général avant la fin de 2002. En d’autres termes,<br />
l’utilisation effective des <strong>licences</strong> <strong>non</strong> <strong>volontaires</strong> comme instrument de politique publique<br />
exige au préalable, de remplir certaines conditions, notamment une expertise nationale <strong>et</strong> des<br />
ressources financières suffisantes pour fabriquer des médicaments.<br />
En eff<strong>et</strong>, en plus de l’insuffisance <strong>et</strong> de l’absence des capacités nationa<strong>les</strong> de production des<br />
médicaments, on s’accorde à reconnaître que ces dispositions relatives aux <strong>licences</strong> <strong>non</strong><br />
<strong>volontaires</strong> sont très complexes. Pour toutes ces raisons, force est de constater que ces<br />
dispositions n’ont pas encore été mises en œuvre dans l’un des Etats membres de l’OAPI.<br />
Dans c<strong>et</strong>te optique, la déclaration réaffirme l’engagement des pays développés membres<br />
d’offrir des incitations à leurs entreprises <strong>et</strong> institutions pour promouvoir <strong>et</strong> encourager le<br />
transfert de technologie vers <strong>les</strong> pays <strong>les</strong> moins avancés membres conformément à l’article<br />
66.2 de l’Accord sur <strong>les</strong> ADPIC.<br />
En se fondant sur la déclaration de la quatrième conférence ministérielle de Doha préconisant<br />
le réexamen de la mise en œuvre de l’Accord sur <strong>les</strong> ADPIC, <strong>les</strong> pays africains de concert<br />
avec <strong>les</strong> autres PED devraient saisir c<strong>et</strong>te occasion pour proposer, négocier <strong>et</strong> arrêter d’un<br />
commun accord avec <strong>les</strong> Etats développés <strong>les</strong> modalités concrètes d’octroi par ceux-ci des<br />
incitations aux entreprises <strong>et</strong> institutions situées sur leur territoire d’ici à la fin de 2002 au plus<br />
tard. Ceci afin que <strong>les</strong> pays développés s’acquittent de leur obligation internationale réitérée<br />
par la conférence ministérielle de Doha pour promouvoir <strong>et</strong> encourager un transfert effectif de<br />
technologie au profit des PMA dans le but de <strong>les</strong> doter concrètement d’une base<br />
technologique solide <strong>et</strong> viable.<br />
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Ainsi, <strong>les</strong> PMA africains pourraient développer une capacité locale de production <strong>et</strong> recourir<br />
de manière plus effective aux <strong>licences</strong> <strong>non</strong> <strong>volontaires</strong> pour rendre <strong>les</strong> médicaments plus<br />
accessib<strong>les</strong> aux patients afin de combattre efficacement <strong>les</strong> maladies comme le VIH/SIDA, la<br />
tuberculose, le paludisme <strong>et</strong> d’autres épidémies 26 .<br />
En plus de l’absence ou de l’insuffisance des capacités nationa<strong>les</strong> de production requises pour<br />
rendre <strong>les</strong> dispositions relatives aux <strong>licences</strong> <strong>non</strong> <strong>volontaires</strong> effectives, il importe de<br />
souligner deux autres contraintes qui limitent également le recours aux <strong>licences</strong> obligatoires,<br />
c’est-à-dire l’insuffisance du capital financier national <strong>et</strong> l’étroitesse des marchés nationaux.<br />
En eff<strong>et</strong>, selon l’article 31.f) de l’Accord sur <strong>les</strong> ADPIC, l’utilisation des <strong>licences</strong> obligatoires<br />
sera autorisée principalement pour l’approvisionnement intérieur du pays membre de l’OMC.<br />
Toutefois, il convient de souligner que l’article 31.k) 27 de l’Accord sur <strong>les</strong> ADPIC exempte un<br />
membre de l’OMC ayant accordé des <strong>licences</strong> obligatoires pour remédier aux pratiques<br />
anticoncurrentiel<strong>les</strong> de se conformer à l’obligation de l’article 31.f) prescrivant que <strong>les</strong><br />
<strong>licences</strong> <strong>non</strong> <strong>volontaires</strong> sont autorisées principalement pour l’approvisionnement intérieur du<br />
pays membre de l’OMC qui <strong>les</strong> a accordées.<br />
Compte tenu du fait que <strong>les</strong> <strong>licences</strong> obligatoires ne peuvent être accordées que pour<br />
l’exploitation locale principalement, il sera difficile de <strong>les</strong> m<strong>et</strong>tre en pratique dans un pays<br />
membre pris isolément de l’OAPI. En eff<strong>et</strong>, ces pays pris individuellement constituent des<br />
marchés le plus souvent étroits. Ils ne représentent pas une économie d’échelle suffisante pour<br />
rentabiliser effectivement <strong>les</strong> investissements réalisés par <strong>les</strong> éventuels bénéficiaires de<br />
<strong>licences</strong> <strong>non</strong> <strong>volontaires</strong> pour produire localement <strong>les</strong> médicaments d’autant plus que le<br />
pouvoir d’achat des populations de ces Etats est généralement faible.<br />
Etant donné que c<strong>et</strong>te restriction imposée par l’article 31.f) de l’Accord sur <strong>les</strong> ADPIC<br />
constitue une entrave supplémentaire à l’accès aux médicaments des populations africaines, il<br />
convient de recommander d’amender l’Accord sur <strong>les</strong> ADPIC pour supprimer c<strong>et</strong>te<br />
disposition afin de perm<strong>et</strong>tre aux Etats membres de l’OAPI qui ont une capacité insuffisante<br />
ou inexistante de production locale de produits pharmaceutiques d’importer des médicaments<br />
moins dispendieux qui sont produits grâce à des <strong>licences</strong> obligatoires accordées par d’autres<br />
membres de l’OMC ayant <strong>les</strong> capacités requises pour fabriquer <strong>les</strong> médicaments 28 .<br />
Enfin, il convient de souligner que sur proposition du Conseil des ADPIC tenu <strong>les</strong> 25 au 27<br />
juin 2OO2, le Conseil général exerçant <strong>les</strong> fonctions de la conférence ministérielle dans<br />
l’intervalle entre <strong>les</strong> réunions a décidé le 8 juill<strong>et</strong> 2002 qu’il sera dérogé aux obligations des<br />
pays <strong>les</strong> moins avancés membres au titre du paragraphe 9 de l’article 70 29 de l’Accord sur <strong>les</strong><br />
ADPIC en ce qui concerne <strong>les</strong> produits pharmaceutiques jusqu’au 1 er janvier 2016. Notons<br />
toutefois que <strong>les</strong> PMA membres de l’OAPI ne bénéficieront vraisemblablement pas de c<strong>et</strong>te<br />
flexibilité dans la mesure où l’Annexe I de Accord de Bangui révisé est déjà entrée en<br />
vigueur.
CONCLUSION<br />
CHAPITRE 6<br />
<strong>Les</strong> développements précédents appellent deux remarques. Tout d’abord, l’adoption du<br />
principe de l’épuisement régional des droits par <strong>les</strong> Etats parties au traité de l’Accord de<br />
Bangui révisé est conforme à l’article 6 de l’Accord sur <strong>les</strong> ADPIC qui autorise <strong>les</strong> pays<br />
membres de l’OMC à choisir entre le principe de l’épuisement national, régional <strong>et</strong><br />
international des droits. Cependant, il convient de noter que l’adoption de l’épuisement<br />
communautaire des droits par l’OAPI constitue une entrave au détriment de ses Etats<br />
membres pour importer des médicaments moins onéreux en provenance d’autres pays<br />
appartenant à l’OMC.<br />
Ensuite, compte tenu de l’absence ou de l’insuffisance des capacités nationa<strong>les</strong> requises de<br />
production de produits pharmaceutiques, il est difficile de m<strong>et</strong>tre en œuvre <strong>les</strong> dispositions<br />
relatives aux <strong>licences</strong> <strong>non</strong> <strong>volontaires</strong> prévues par le titre IV de l’annexe I de l’Accord de<br />
Bangui révisé. En outre, la restriction imposée par l’article 31.f) de l’Accord sur <strong>les</strong> ADPIC<br />
d’utiliser <strong>les</strong> <strong>licences</strong> <strong>non</strong> <strong>volontaires</strong> pour approvisionner principalement le marché local<br />
réduit la possibilité d’avoir recours à des <strong>importations</strong> <strong>parallè<strong>les</strong></strong> de médicaments produits par<br />
des bénéficiaires de <strong>licences</strong> obligatoires accordées par d’autres pays membres de l’OMC.<br />
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