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PEER GYNT : LE CONTE ? (SUITE)<br />
Norvège, après le quatrième acte, comme un personnage <strong>de</strong> conte, mort et légendaire. Alors défilent à<br />
ses oreilles et aux nôtres les aventures qui lui sont arrivées au premier acte, mais dans une pure<br />
perspective <strong>de</strong> conte :<br />
Un autre (avec une tête <strong>de</strong> renne) : Le voilà, le bouc qui a porté <strong>Peer</strong> <strong>Gynt</strong> sur la crête <strong>de</strong> Gendin!...<br />
Un quatrième (les mains vi<strong>de</strong>s) : Mads Moen, eh ! Mads Moen, le voilà, le manteau qui rend invisible.<br />
C'est bien là-<strong>de</strong>dans, non, que <strong>Peer</strong> <strong>Gynt</strong> et Ingrid se sont envolés ! (V,3)<br />
Plus fascinant encore, le <strong>Peer</strong> <strong>Gynt</strong> <strong>de</strong> théâtre récupère à ce moment-là les exploits et les objets<br />
magiques du <strong>Peer</strong> <strong>Gynt</strong> d'Asbjörnsen :<br />
Un garçon (avec une peau d'ours) : Je l’ai le chat <strong>de</strong> Dovre ! Enfin j'ai sa peau. Les chat qui<br />
faisaient fuir les trolls le soir <strong>de</strong> Noël... Un troisième (avec un manteau, criant à l'homme en<br />
<strong>de</strong>uil) : Eh! Aslak, Tu le reconnais le manteau ? Ce n'est pas celui que tu avais quand le diable a<br />
fendu le mur? (V, 3)<br />
A contrario, en tant que conteur - lecteur, <strong>Peer</strong> <strong>Gynt</strong> est aussi un déchiffreur, un décrypteur <strong>de</strong> contes :<br />
Non ! Mais c’est sûr que j’ai rencontré ce croque-mitaine quelque part. Mais où ? C’est comme<br />
un vague souvenir... Est-ce que c’est une personne?... L'autre, Memnon - ça m'est revenu<br />
<strong>de</strong>puis - ressemblait à nos soi-disant rois <strong>de</strong> Dovre… Mais cette tête bizarre, hybri<strong>de</strong>, cette<br />
fausse couche moitié lion, moitié femme j'ai dû la tirer d'un conte <strong>de</strong> fées?<br />
Ou d'un souvenir réel ? D'un conte ? Ça y est je le remets, ce type, c'est tout à fait Courbe à qui<br />
j'ai cogné le crâne. (IV,12)<br />
Lecteur, décrypteur, c'est-à-dire critique du conte, <strong>Peer</strong> <strong>Gynt</strong> peut soit dénier toute réalité aux situations<br />
magiques dans lesquelles il s'est trouvé pris comme simple personnage sur la scène en disant qu'il ne<br />
s'agissait que d’un rêve, d'une fièvre (IV, 10), ou encore, plus directement, formuler une critique du conte.<br />
Dans les <strong>de</strong>ux cas, comme énonciateur du conte dans le conte ou comme critique et renégat, il y a en<br />
quelque sorte une présence du conte, une « mise en abyme » dans et par le théâtre — il y a à l'évi<strong>de</strong>nce,<br />
une présence problématique du co<strong>de</strong> du conte dans <strong>Peer</strong> <strong>Gynt</strong>.<br />
III - Donc, <strong>de</strong>ux co<strong>de</strong>s se chevauchent mais il y a plus complexe : à dire vrai et à y bien regar<strong>de</strong>r, <strong>Peer</strong><br />
<strong>Gynt</strong> est encore plus souvent traité <strong>de</strong> menteur qu’il n'est caractérisé comme conteur. On y voit plus clair<br />
lorsque <strong>Peer</strong> se voit plongé dans le mon<strong>de</strong> du conte sans qu'il en maîtrise le fil narratif : la première fois,<br />
c'est précisément après qu'il se fût heurté au pan <strong>de</strong> rocher, le prenant pour sa maison, à l'acte II — il y<br />
rencontre La Femme en vert, fille du Roi <strong>de</strong> Dovre, Roi <strong>de</strong>s Trolls. La différence entre la parole mensongère<br />
(<strong>Peer</strong>) et la parole fabuleuse (la femme) rési<strong>de</strong> dans le fait que la première croit ne pas être tenue<br />
aux exigences du réel, c'est-à-dire qu'elle est sans co<strong>de</strong>, se croit tout permis, se croit sans retombées,<br />
sans conséquences, croit à son impunité, tandis que la secon<strong>de</strong> est une parole performative (qui accomplit<br />
ce qu'elle dit), c'est-à-dire une parole qui tient au réel: entre les <strong>de</strong>ux va se nouer un dialogue étrange<br />
et complexe, eu égard au statut du conte dans <strong>Peer</strong> <strong>Gynt</strong>. D'un côté la Femme en vert, qui perçoit bien la<br />
différence <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux mon<strong>de</strong>s, <strong>de</strong> l'autre un système anarchique <strong>de</strong> signes, qui ne prolifèrent que par la<br />
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