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Témoignage - Malgré-Nous

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<strong>Témoignage</strong>s<br />

Les incorporés de force face à leur destin<br />

454<br />

de foire. J’estimais le moment venu, pour<br />

assurer ma sécurité, d’entreprendre une<br />

retraite stratégique. Après avoir rampé sur<br />

environ deux cents mètres, à travers un terrain<br />

déboisé, je réussis à me faufiler entre<br />

deux chars russes attendant à la lisière de la<br />

forêt le moment d’ouvrir le feu. Je fis encore<br />

quelques dizaines de mètres, lorsque le feuillage<br />

s’écarta devant moi: un jeune de mon<br />

âge me cria, en me menaçant de sa mitraillette:<br />

„Stoï stoï, stoï!“. Je levais les bras en l’air:<br />

„Niet streljatj, niet Germanski, Franzuski!“.<br />

Je n’avais pas terminé qu’il avait déjà vidé<br />

mes poches.<br />

Prisonnier des Russes<br />

Suivirent de longues marche, le passage de la<br />

Bérézina, puis du Dniepr, enfin l’embarquement<br />

dans des wagons à bestiaux, destination...?<br />

Moscou où nous arrivâmes le 14<br />

juillet 1944. Le 17, Staline faisait défiler<br />

57600 prisonniers, généraux en tête, à travers<br />

la ville de Moscou en liesse. Le lendemain,<br />

nous étions éparpillés à travers l’Union<br />

Soviétique. Après un long voyage de près<br />

d’un mois, je me suis retrouvé avec 90 autres<br />

Alsaciens-Lorrains dans le camp 123<br />

d’Ouriupinsk, à environ 250km, à vol d’oiseau,<br />

au nord-ouest de Stalingrad, dans une<br />

région que les Allemands n’avaient pas<br />

atteint, sauf comme prisonniers.<br />

Après la bataille de Stalingrad, il y en avait<br />

70000 dans ce camp. Lorsque nous y sommes<br />

arrivés, un an et demi après, il y avait<br />

encore environ 3000 survivants. <strong>Nous</strong> nous<br />

trouvions dans une région au climat continental<br />

pénible. La nuit, on avait froid parce<br />

que notre seul habillement comprenait une<br />

chemise, une veste, un caleçon, une culotte<br />

et un calot. On se serrait les uns contre les<br />

autres pour tenter de se réchauffer. J’avais fait<br />

la connaissance de Laas, un bricoleur hors<br />

pair, doublé d’un sculpteur sur bois de grand<br />

talent, de profession modéliste en chaussures,<br />

auteur des trois têtes de pipes sculptées à<br />

l’aide d’un clou aplati et aiguisé par le frottement,<br />

pendant des jours, sur de la pierre.<br />

<strong>Nous</strong> nous étions réfugiés dans un bâtiment<br />

vide où nous dormions sur un sol en ciment,<br />

avec une brique recouverte du calot comme<br />

oreiller. Le jour, il faisait une chaleur torride<br />

et le sol sablonneux était brûlant, nous obligeant<br />

à enfoncer les pieds sous le sable pour

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