Napoléon III et Eugénie reçoivent à Fontainebleau - Office de ...
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<strong>Eugénie</strong>, Marie-Antoin<strong>et</strong>te <strong>et</strong> <strong>Fontainebleau</strong><br />
Xavier Salmon<br />
(extraits)<br />
Fille <strong>de</strong> Don Cipriano <strong>de</strong> Teba qui servit dans les armées napoléoniennes, <strong>et</strong> <strong>de</strong> Dona<br />
Manuela, comtesse <strong>de</strong> Montijo, elle naquit <strong>à</strong> Grena<strong>de</strong> au pied <strong>de</strong> l’Alhambra le 5 mai<br />
1826. Le jour où elle <strong>de</strong>vint impératrice <strong>de</strong>s Français, on la considéra donc comme<br />
une étrangère. Début 1853, lorsque tout Paris apprenait que <strong>Napoléon</strong> <strong>III</strong> l’avait choisie<br />
comme épouse, l’ambassa<strong>de</strong>ur autrichien, le comte Hübner écrivait <strong>à</strong> son propos :<br />
« Des personnes sérieuses <strong>et</strong> impartiales, (…) la jugeaient pleine <strong>de</strong> vivacité , coqu<strong>et</strong>te,<br />
curieuse, <strong>et</strong> bien assurée <strong>de</strong> plaire aux hommes dès qu’elle le voulait (…) Elle aime la<br />
nouveauté jusqu’<strong>à</strong> la folie, tout ce qui est merveilleux, exceptionnel, inattendu (…) Elle est<br />
capricieuse, excentrique, sans suite dans les idées mais d’une force <strong>de</strong> volonté, d’une audace<br />
peu communes (…) Elle est tout <strong>à</strong> fait créée pour plaire <strong>à</strong> un futur époux, le rendre fou<br />
<strong>et</strong> parfaitement capable d’avoir sur lui, dans le bien comme dans le mal, selon son caprice<br />
momentané , une gran<strong>de</strong> influence. » On la trouvait fière, avec trop <strong>de</strong> caractère. Jeune,<br />
elle aimait passer <strong>de</strong>s heures <strong>à</strong> cheval, nager <strong>à</strong> Biarritz, participer <strong>à</strong> quelques parties <strong>de</strong><br />
pêche. On l’avait également priée <strong>de</strong> monter sur scène pour divertir l’assemblée. Très<br />
vite, elle avait aussi manifesté une certaine indépendance, goûtant peu <strong>à</strong> Paris le cercle<br />
<strong>de</strong>s dames <strong>de</strong> l’Ancien Régime cultivé par sa mère. Luci<strong>de</strong>, elle concédait peu après son<br />
mariage : « Je vois tout ce <strong>à</strong> quoi j’ai renoncé pour toujours (…) En échange <strong>de</strong> cela, j’ai gagné<br />
une couronne, mais qu’est-ce que cela signifie, sinon que je suis la première esclave <strong>de</strong> mon<br />
royaume, isolée au milieu <strong>de</strong>s gens, sans une amie <strong>et</strong> il va sans dire sans un ami, jamais seule<br />
un instant ; vie insupportable. »<br />
Ces traits <strong>de</strong> caractère, ces attitu<strong>de</strong>s, ces jugements, c<strong>et</strong>te <strong>de</strong>stinée, <strong>Eugénie</strong> les partageait<br />
avec Marie-Antoin<strong>et</strong>te. Expliquaient-ils l’intérêt manifesté par l’impératrice pour la reine ?<br />
Peut-être. Témoignaient-ils d’une volonté d’i<strong>de</strong>ntification ? Sans doute pas, même si l’on<br />
a parfois évoqué un mimétisme poussé jusqu’au syncrétisme. Relevaient-ils du désir <strong>de</strong><br />
rendre hommage <strong>à</strong> celle qui l’avait précédée sur le trône en <strong>de</strong>s lieux qu’elle occupait <strong>à</strong><br />
son tour ? Plus certainement.<br />
Les premières preuves documentées <strong>de</strong> l’intérêt porté par <strong>Eugénie</strong> <strong>à</strong> Marie-Antoin<strong>et</strong>te<br />
ne semblent pas antérieures <strong>à</strong> 1852. C<strong>et</strong>te année-l<strong>à</strong>, Ma<strong>de</strong>moiselle <strong>de</strong> Montijo était<br />
invitée en novembre aux chasses <strong>de</strong> <strong>Fontainebleau</strong>. Après avoir chevauché avec hardiesse,<br />
elle manifestait le souhait <strong>de</strong> visiter les appartements autrefois occupés par la reine. Il<br />
ne s’agissait pas l<strong>à</strong> d’une curiosité passagère. Dès le len<strong>de</strong>main <strong>de</strong> son mariage, le 31<br />
janvier 1853, la toute nouvelle impératrice <strong>de</strong>mandait <strong>à</strong> découvrir Trianon <strong>et</strong> ainsi que<br />
le précisait Madame Car<strong>et</strong>te, sa modiste, se faisait expliquer sur place toute la vie <strong>de</strong> la<br />
reine <strong>à</strong> l’époque où elle était encore une heureuse jeune femme. Le 10 février suivant,<br />
tel que le relatait Horace <strong>de</strong> Viel-Castel, lors <strong>de</strong> l’inauguration du musée <strong>de</strong>s Souverains<br />
au Louvre, elle obtenait qu’on lui fit la lecture <strong>de</strong> la l<strong>et</strong>tre testament <strong>de</strong> Marie-Antoin<strong>et</strong>te<br />
<strong>à</strong> Madame Élisab<strong>et</strong>h, sa belle-sœur. Les larmes dans les yeux, elle avait écouté en silence<br />
les <strong>de</strong>rnières paroles d’une reine prête <strong>à</strong> monter sur l’échafaud. Comme pénétrée <strong>de</strong> ce<br />
<strong>de</strong>stin tragique, l’exemple <strong>de</strong> la martyre l’avait ensuite accompagnée au fil <strong>de</strong>s années, <strong>de</strong><br />
manière heureuse, <strong>et</strong> parfois malheureuse.<br />
Heureuse lorsqu’elle prenait Marie-Antoin<strong>et</strong>te en exemple afin <strong>de</strong> favoriser les arts <strong>de</strong><br />
son temps, ou lorsqu’elle s’attachait <strong>à</strong> réunir <strong>de</strong>s obj<strong>et</strong>s <strong>et</strong> <strong>de</strong>s œuvres qui lui avaient<br />
appartenu. Au château <strong>de</strong> Saint-Cloud, <strong>Eugénie</strong> faisait ainsi disposer dans son cabin<strong>et</strong><br />
<strong>de</strong> travail les dix sièges du meuble du cabin<strong>et</strong> intérieur <strong>de</strong> la reine commandés pour<br />
ce même palais, ainsi qu’un bureau <strong>de</strong> marqu<strong>et</strong>erie <strong>à</strong> cylindre censé lui avoir appartenu.<br />
Dans la chambre avaient pris place <strong>de</strong>ux splendi<strong>de</strong>s commo<strong>de</strong>s au chiffre <strong>de</strong> Marie-<br />
Antoin<strong>et</strong>te. Dans le grand salon <strong>de</strong> réception trônait le portrait en tapisserie <strong>de</strong> la reine