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J »" LE 7 AVRIL 1929 »»..■.. iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii iiiiiiiiiniiiiiiii 7 uiiiiiiiiiiiiiiuiiiiuiiuiiiiiMiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii nu i iiiiiiiiiiiii DIMANCHE-ILLUSTRÉ «""•<br />
UN CONTE D'AVENTURE<br />
UNE NUIT DE TERREUR A DAMAS<br />
DES émotions, s'écria Marshall, le<br />
correspondant spécial d'un journal t<br />
sensatiomialiste d'Amérique, il y<br />
a longtemps que je n'en éprouve<br />
plus !<br />
Je regardai ce petit homme dont<br />
l'apparence insignifiante était si peu en rapport<br />
avec sa réputation.<br />
— Vous devez avoir eu une vie bien intéressante,<br />
lui dis-je avec, peut-être, une nuance<br />
de doute dans la voix.<br />
— Pas du tout. Les révolutions et les tremblements<br />
de terre me sont aussi communs que<br />
peuvent vous l'être des promenades en autobus.<br />
— Attendez-vous l'un ou l'autre à Damas<br />
en ce moment ? questionnai-je d'un ton aussi<br />
respectueux que possible.<br />
— Mon Dieu, non ! Le plus que nous puissions<br />
espérer est un massacre. — Ses yeux<br />
incolores me regardaient sans que le moindre<br />
clignement vînt démentir son air sérieux. —<br />
L'hôtel possède une porte blindée qu'on<br />
abaisse comme une herse, de sorfe que vous<br />
pouvez vous sentir tout à fait en sécurité.<br />
Je souriais en pensant à ce bout de conversation<br />
en montant l'escalier qui conduisait à<br />
ma chambre surmeublée, où trois lits recouverts<br />
de tapis et une pléthore de tables de<br />
marqueterie donnaient l'impression d'une<br />
salle des ventes. Des fenêtres, placées si haut<br />
dans le mm que j'étais obligée de monter sur<br />
un des lits pour regarder au dehors, la ville<br />
semblait d'argent au milieu de l'indigo de ses<br />
jardins d'abricotiers. Le clair de lune était si<br />
limpide que je m'endormis et rêvai que je<br />
voguais sur une mer tranquille et toute<br />
blanche. Soudain, une tempête s'éleva et je fus<br />
assourdie par le tumulte des vagues. Je<br />
m'éveillai dans l'atmosphère étouffante de la<br />
chambre et crus que mon rêve se continuait,<br />
car des clameurs parvenaient jusqu'à moi.<br />
Tout d'abord, je ne pus me rendre compte<br />
d'où cela provenait, mais, le tumulte grandissant,<br />
je grimpai sur les oreillers et j'essayai<br />
d'ouvrir les fenêtres hermétiquement closes.<br />
Dehors, la nuit était opaque. Elle paraissait<br />
être étrangement pesante, et je me demandai<br />
à quelle heure la lune s'était couchée. Des<br />
vagues de bruits battaient mes oreilles, et il<br />
y avait quelque chose de familier dans leurs<br />
craquements intermittents.' Dans un éclair, je<br />
me revis en France, penchée au-dessus des<br />
roues d'ime voiture d'ambulance, d'où des<br />
bruits semblables partaient entre les phares<br />
maculés de boue. « Des coups de fusil ! »<br />
m'écriai-je, et mon cœur sursauta d'excitation.<br />
« Marshall doit être à son affaire », pensaije,<br />
et je me demandai si je pouvais me donner<br />
de la lumière ou si, ce faisant, je n'allais pas<br />
devenir de suite une cible pour celui qui dirigeait<br />
le massacre. De loin, me parvenait le<br />
bruit des Maxims ; je m'inquiétai de quel<br />
parti les soldats s'étaient mis et quelles étaient<br />
les victimes.<br />
La lumière s'alluma et vint éclairer une<br />
étrange apparition. Pour une seconde, je ne<br />
reconnus pas mon journaliste. Le petit homme,<br />
qui, plus que jamais, ressemblait à un lapin<br />
blanc, était vêtu d'un pyjama tellement grand<br />
qu'une paire de raies rouges et blanches suffisait<br />
à l'éclipser.<br />
Levez-vous de suite, ordonna mon visiteur.<br />
Il y a un soulèvement général dans la<br />
ville ; les fugitifs se réfugient dans l'hôtel dans<br />
l'espoir qu'il est à l'abri des balles.<br />
Un fracas violent nous arriva du bas.<br />
Vous entendez. Pour l'amour du ciel,<br />
dépêchez-vous 1 Qu'attendez-vous donc ?<br />
«c* o o<br />
TE regardais cette curieuse figure devant<br />
I moi, tandis qu'en pensée j'envisageais les<br />
I diverses possibilités d'échapper au péril. S'il<br />
devait y avoir un carnage, il serait d'autant<br />
plus grand en bas dans le hall surpeuplé,<br />
où pouvaient s'être réfugiés des malfaiteurs<br />
craignant à juste titre pour leur sort.<br />
Pour quoi faire me lever ? demandai-je<br />
brusquement. Je suis bien plus en sûreté ici.<br />
S'il y a réellement un massacre, ce n'est<br />
qu'une question de temps avant qu'ils puissent<br />
pénétrer dans l'hôtel. Us assassineront tous<br />
Çeux qui se trouveront dans le hall, mais<br />
s'intéresseront trop au pillage pour aller dans<br />
toutes les chambres de cette espèce de terrier<br />
de lapin.<br />
Les clameurs se rapprochaient. On percevait<br />
des cris sauvages* et des chansons hurlées. La<br />
lueur des torches se reflétait au plafond, faisant<br />
pâlir l'électricité. Le journaliste fit un<br />
dernier appel:<br />
— Je ne puis pas vous laisser seule ici. Je<br />
Vous en prie, levez-vous.<br />
par ROSITA FORBES<br />
Dans Damas la sainte, travaillée par de sourds ferments révolution-'<br />
naires, un rien suffit pour mettre l'étincelle aux poudres et déchaîner<br />
le combat. Va-t-il éclater cette nuit-là dont nous parlons?<br />
— Oh ! laissez-moi... répondis-je d'une<br />
voix étranglée et la gorge plutôt sèche.<br />
Le tumulte qui, à présent, se passait presque<br />
sous les fenêtres, avait quelque chose de<br />
bestialement déplaisant.<br />
Je décidai qu'une salle de bain peu fréquentée<br />
serait le refuge le plus sûr. Une baignoire<br />
en fer battu n'a rien qui puisse exciter<br />
la cupidité et, d'autre part, entre elle et le mur,<br />
se trouvait suffisamment d'espace pour y<br />
trouver un asile temporaire.<br />
De toute évidence, le journaliste se trouvait<br />
pris entre le devoir qu'il avait de protéger<br />
une compatriote isolée et ses instincts professionnels<br />
qui le poussaient à profiter des circonstances<br />
présentes. Il lui était impossible de<br />
demeurer dans la chambre d'une femme<br />
entêtée, quand son journal devait se délecter,<br />
par le compte rendu d'un témoin oculaire,<br />
des horreurs de la rue et de la place publique,<br />
Ses yeux errèrent sur la plume et l'encre qui se<br />
trouvaient sur l'une des tables de marqueterie,<br />
et les habitudes de toute une vie reprirent<br />
leurs droits. Il se dirigea vers la porte, trébuchant<br />
sur l'étoffe'poussiéreuse qu'il portait.<br />
— Que diable avez-vous là ? le rappellai-je,<br />
en me rendant compte enfin de l'inconvenance<br />
du tableau qu'il formait.<br />
— Je crois que c'est un véritable Ispahan,<br />
répliqua Marshall dignement. J'ai passé plus<br />
de quinze jours à le marchander, et je n'ai<br />
pas l'intention de me le faire piller.<br />
Pendant une accalmie des bruits du dehors,<br />
il caressa le tapis amoureusement et, au<br />
même moment, parut s'inquiéter de l'état de<br />
sa coiffure. Il essaya d'y remettre de l'ordre de<br />
la main avec laquelle il tenait son revolver.<br />
dont, fascinée, je suivais les girations. Puis la<br />
lumière s'éteignit et, ignominieusement, je me<br />
précipitai sous le lit.<br />
— Ne bougez pas. S'ils essaient d'entrer, je<br />
les verrai se détachant sur la lumière du couloir.<br />
La voix de Marshall était plus assurée.<br />
— Je ne crois pas qu'il y en ait encore,<br />
répondis-je d'un ton assourdi par l'accumulation<br />
de poussière de mon refuge. Le cornant<br />
a dû être coupé au secteur.<br />
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