3 - À l'écoute de notre passé

Chapitre 6
Nutrition et santé
Certaines parties du phoque n’étaient consommées que par les femmes.
Y avait-il des morceaux réservés aux enfants ?
Uqsuralik : On gardait les côtes pour les enfants. Si un enfant venait à un banquet sans
sa mère, il attendait dans le porche d’entrée. Il ne montrait vraiment que son bras. On
lui donnait de la viande provenant de la partie ventrale, sans les os de la cage
thoracique. Certains enfants obtenaient deux parts, parce qu’ils tendaient d’abord une
main, puis l’autre. Ils partaient après avoir reçu leur morceau de viande. Dans la région
de Kinngait, les parties réservées aux femmes étaient les épaules, la section antérieure
de la cage thoracique, le cœur et le bas de la colonne vertébrale. On les mettait de côté
pour les femmes. Les longues côtes étaient réservées aux enfants. N’importe qui pouvait
consommer le foie. Je me souviens que quand j’étais petite, nous avons traversé des
périodes de disette. Quand les gens se réunissaient pour festoyer, l’iglu était toujours
plein de monde. Les petits garçons avaient des fouets jouets. Un jour, un garçonnet est
monté sur l’iglu et a descendu son fouet à l’intérieur par le qingaq, le trou de ventilation,
et quelqu’un a attaché de la viande au bout du fouet. C’est comme ça qu’il a eu sa part.
L’iglu était si plein qu’il n’y avait pas de place pour lui ; il est donc monté sur le toit.
Il y avait tellement de monde. Quelques femmes et enfants s’étaient assis sur la plateforme
de couchage après avoir enlevé leurs kamiik.
Parfois, on nous invitait à venir manger de la viande bouillie. Le même morceau de
viande circulait d’un convive à l’autre. On disait à la première personne qui prenait la
viande de s’en couper une part, puis de passer le morceau aux autres. La viande circulait
dans le même sens que la trajectoire du soleil. Vous pensiez parfois : « J’espère que
quand ce sera mon tour j’aurai l’os, de façon à pouvoir kikka-quer, gruger les morceaux
de viande rattachés à l’os. » Vous deviez faire circuler le morceau tant qu’il y avait de la
viande. On faisait aussi circuler la marmite avec le bouillon. De cette façon, il y en avait
pour tout le monde. Les enfants mangeaient séparément. On leur coupait la viande à
l’avance pour qu’ils puissent en avoir eux aussi.
Chaque fois que les gens se rassemblaient dans un iglu pour manger, l’iglu et le
porche se remplissaient rapidement de monde. Quand on donnait un morceau de
viande aux enfants, on leur disait de faire attention aux chiens. Bien sûr, les chiens
étaient affamés ; on disait donc aux enfants qui recevaient de la viande : « Ne te fais pas
mordre par les chiens. » On leur apprenait à ne pas laisser le morceau de viande pendre
de leurs mains, parce que les chiens pouvaient automatiquement penser qu’on les
nourrissait. Si vous laissiez de la viande pendre de votre main, les chiens s’en
emparaient tout de suite.
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