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Un paysage dans lequel<br />
on est heureux contient<br />
assurément un cheval.<br />
Déjà présent sur terre<br />
quand l’homme y est<br />
arrivé, l’animal est devenu sa plus<br />
belle conquête et lui a ren<strong>du</strong> de fieffés<br />
services. L’homme a essayé de<br />
les lui rendre en s’occupant de lui,<br />
de sa "monture", dont les pieds,<br />
c’est l’évidence, ont une importance<br />
dont il faut être privé pour l’estimer<br />
à sa juste valeur. Un homme de<br />
métier s’est plus particulièrement<br />
chargé des pieds <strong>du</strong> cheval : le<br />
maréchal-ferrant…<br />
Le terme "maréchal" trouve son origine<br />
dans le mot "marhskalk" qui,<br />
en ancien francisque, désignait un<br />
domestique soignant les chevaux.<br />
On en rencontre l’équivalent vers<br />
1086 en anglo-normand avec le<br />
mot "marescal", puis, ailleurs, les<br />
termes "marical", "marescaut",<br />
"marchal", d’autres encore.<br />
L’homme, surtout le guerrier, s’était<br />
ren<strong>du</strong> compte de la force <strong>du</strong> cheval<br />
et de son aptitude à courir avec<br />
quelque "emplâtre" sur le dos. Mais<br />
il fallait ré<strong>du</strong>ire l’usure de la corne<br />
de son pied formant sabot. L’idée <strong>du</strong><br />
ferrage arriva assez rapidement, en<br />
tout cas plus rapidement, par<br />
exemple, que l’étrier et la selle<br />
empruntés aux arabes, redoutables<br />
cavaliers devant Mahomet.<br />
Du fer et <strong>du</strong> feu, voilà les deux composantes<br />
indispensables au premier<br />
maréchal, à qui, bien vite aussi, on<br />
allait ajouter le terme de "ferrant"<br />
pour distinguer sa profession, voire<br />
pour ne pas le confondre avec certains<br />
grades militaires.<br />
Le maréchal-ferrant, que l’on retrouve<br />
vers 1627, comme second <strong>du</strong><br />
connétable, s’était rapidement ren<strong>du</strong><br />
indispensable. Jouhandeau le signale<br />
en écrivant : "Le vétérinaire était si<br />
rare, que le maréchal-ferrant le suppléait,<br />
même dans les villes, usur-<br />
MARÉCHAL… VOUS REVOILÀ !<br />
Jean-Eric D’Andréa<br />
pant en même temps qu’un peu de<br />
son art, un peu de sa dignité".<br />
Le qualificatif d’usurpateur est totalement<br />
contestable, là où précisément<br />
le vétérinaire était totalement<br />
absent. Presque de partout par<br />
conséquent. Le maréchal-ferrant<br />
était seul pour s’occuper des dents<br />
<strong>du</strong> cheval, de ses maux divers, de<br />
ses coliques et de la pratique de la<br />
saignée.<br />
C’est si vrai que beaucoup, au fil <strong>du</strong><br />
temps, lui ont attribué des facultés<br />
soignantes relevant de la sorcellerie.<br />
Comme toujours quand le mystère<br />
prévaut.<br />
Mais pour ce qui est de la dignité, le<br />
maréchal-ferrant n’a jamais eu<br />
besoin d’emprunter celle <strong>du</strong> vétérinaire<br />
: il s’est forgé la sienne propre.<br />
Par tous les temps, par tous les terrains,<br />
sous la mitraille, sous les bombardements,<br />
le maréchal-ferrant a<br />
accompli sa tâche en l’ennoblissant<br />
de ses sacrifices.<br />
Car le cheval a toujours été une personnalité<br />
globale dont il ne suffit pas<br />
de regarder les pieds. De tout temps,<br />
le maréchal-ferrant a été l’un de ses<br />
plus proches confidents. On retrouve<br />
ses traces dès l’origine, alors que la<br />
première école vétérinaire a vu le<br />
jour… en 1825.<br />
Magazine Bavar 177/8<br />
LE VAR À <strong>CHEVAL</strong><br />
Texte et photos : Pierre Nembrini<br />
Maréchal itinérant<br />
L’homme que j’ai rencontré à La<br />
Crau, près de Hyères, est le dernier<br />
descendant <strong>du</strong> maréchal-ferrant. Il<br />
habite à Marseille, est originaire de<br />
Cannes, et a des attaches territoriales<br />
à Ramatuelle. Il porte l’itinérance<br />
dans ses veines. Amoureux<br />
des chevaux, il travaille à Grimaud,<br />
on le voit dans le haut <strong>Var</strong>, dans le<br />
moyen <strong>Var</strong>, et le littoral l’accueille<br />
presque chaque jour.<br />
Jean-Eric D’Andréa est un maréchal-ferrant<br />
moderne qui, tel l’escargot,<br />
transporte sa forge et ses outils<br />
"sur son dos", dans une camionnet-<br />
te rapide dont l’intérieur ressemble à<br />
celui d’une fusée habitée.<br />
Tout est là, tout est à sa place à portée<br />
de main.<br />
Pétri de connaissance équine,<br />
presque de la complicité, (rappelezvous<br />
<strong>du</strong> film "Un homme nommé<br />
cheval"), il reconnaît que les vieux<br />
maréchaux, ses devanciers, s’éteignent<br />
avec le métier. Mais aujourd’hui<br />
il en constate et décrit le renouveau<br />
auquel il participe :<br />
"À l’époque, dit-il, quand le cheval<br />
n’allait plus aux champs, on le tuait<br />
et on le mangeait. Il n’avait pas de<br />
valeur financière. Les beaux étalons<br />
étaient réservés à une clientèle de<br />
riches et aux militaires. De nos jours,<br />
les choses ont évolué en se démocratisant.<br />
Tout le monde veut et surtout<br />
peut faire <strong>du</strong> cheval. Les clubs<br />
hippiques, les compétiteurs, mais<br />
aussi les simples promeneurs peuvent<br />
s’adonner au plaisir de monter<br />
sur un cheval. Dès lors, le maréchalferrant<br />
a dû également évoluer, et<br />
devenir autre chose qu’un accrocheur<br />
de fers".<br />
Qu’est-il donc devenu ce maréchalferrant<br />
? Il suffit de regarder Jean-<br />
Eric accomplir sa tâche.<br />
Âgé d’une quarantaine d’années, le<br />
maréchal D’Andréa se déplace de<br />
club en relais, de ferme en particulier,<br />
pour ferrer à tour de rôle les<br />
chevaux qu’on lui confie. Finie la<br />
forge <strong>du</strong> village où on amenait les<br />
bêtes à ferrer. Aujourd’hui, c’est le<br />
maréchal-ferrant qui bouge.<br />
Notre homme est vêtu d’un pantalon<br />
militaire de camouflage sur lequel il<br />
boucle une sorte de cuissière de cuir<br />
épais, destinée à le protéger, comme<br />
jadis le tablier, de l’ensemble agressif<br />
sabot, fer et clous.<br />
Il est chaussé "solidement", d’une<br />
paire de rangers qui l’assure d’une<br />
protection minimum dans le cas où<br />
le cheval lui poserait négligemment<br />
le sabot sur les orteils.<br />
Puis vient la mise en œuvre des outils