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La respiration : comparaison entre les représentations des élèves et l’évolution historique du concept Certains élèves semblent donc avoir une représentation de corps simple pour l’air. A la question demandant d’entourer ce que contient l’air que nous inspirons (uniquement de l’oxygène, uniquement du gaz carbonique, uniquement de l’azote ou les trois,...), seul un tiers des élèves de 4e primaire répond les trois à cette question qu’on pourrait trouver pourtant assez inductive. En 2e secondaire, il reste encore un quart des élèves qui ne choisit pas cette composition. - La différence entre air inspiré et expiré est loin d’être établie, surtout pour les élèves les plus jeunes. En effet 17% d’entre eux pensent qu’ils sont de même nature, que l’air reste le même parce qu’il passe dans le corps sans changer. Ils sont 27% à répondre de cette manière à la question à choix multiple portant sur ce point. Parmi ceux qui expliquent la différence entre les deux types d’air, près de 30% des élèves du secondaire utilisent une terminologie non scientifique pour parler de l’air inspiré qui est comparé à de l’air propre ou meilleur, ou pour qualifier l’air expiré d’air sale, pollué ou moins bon. Nos résultats montrent que ces images d’air bon ou d’air sale peuvent représenter un obstacle à la compréhension du processus. En effet, elles occultent la composition gazeuse de l’air et empêchent donc de donner du sens aux phénomènes d’échanges gazeux. Cette représentation est probablement à l’origine des conceptions de certains élèves qui pensent que l’air inspiré contient plus d’oxygène et plus de gaz carbonique (l’air inspiré est meilleur ou plus riche) et qu’à l’inverse l’air expiré contient moins d’oxygène et moins de gaz carbonique (l’air expiré est plus pauvre). - La présence de gaz carbonique dans les échanges gazeux est moins évidente que celle de l’oxygène. C’est un terme mal connu surtout des élèves plus jeunes. A la question portant sur la définition de la respiration avec 5 mots imposés, ce terme est un de ceux le moins souvent employés. De manière générale, les questions portant plus spécifiquement sur le gaz carbonique sont moins bien réussies que celles portant sur l’oxygène. Enfin, les élèves ont souvent une conception floue du rôle du sang dans les mécanismes respiratoires. A la question «à quoi sert le sang», les réponses des élèves du primaire et de 1re secondaire se répartissent entre «transporter», «faire battre le cœur», «faire bouger» ou tout simplement «vivre». Ce dernier type de réponse est le plus fréquent chez les élèves de 4e primaire. Seuls, les élèves de 2e secondaire répondent majoritairement que le sang sert à transporter de l’oxygène (68% des élèves). Lorsque les élèves ont été amenés à rédiger une phrase pour définir la respiration avec certains mots imposés, c’est le terme «sang» qui a été le plus mal utilisé. Certains pensent par exemple que c’est l’oxygène qui fait circuler le sang (6% des élèves de 1re et de 2e années du secondaire). Du point de vue des échanges gazeux, seule la moitié des élèves de 2e secondaire pense que la proposition «l’oxygène rentre dans le sang au niveau du poumon» est vraie. L’ensemble des réflexions qui précèdent montre que les élèves possèdent de nombreuses conceptions, parfois bien ancrées, à propos des concepts impliqués dans le système respiratoire. Cependant, les grandes tendances qui viennent d’être dégagées ne doivent pas laisser croire que les élèves sont cohérents et qu’ils présentent toujours la même conception pour répondre aux questions portant sur des concepts semblables. Il arrive parfois que des représentations contradictoires coexistent chez les élèves. Certains élèves peuvent par exemple entourer la catégorie «respirer sert à oxygéner les organes» pour expliquer à la question suivante que «la respiration sert à apporter de l’oxygène aux poumons». Les conceptions qui se dégagent des réponses des élèves peuvent être fortement influencées par le type de question posé. Joshua et Dupin (1993) soulignent à ce sujet «qu’à problème différent, les élèves mobilisent des conceptions différentes. Ceci peut amener à de très grandes contradictions logiques, mais peu importe puisque, dans le comportement d’un individu donné, la règle est celle de la cohabitation de conceptions différentes appelant des registres différents de fonctionnement cognitifs.» 24 Bulletin d’informations pédagogiques Janvier 2004 - N° 55
La respiration : comparaison entre les représentations des élèves et l’évolution historique du concept Quelles comparaisons peut-on établir entre l’évolution des conceptions des élèves et l’évolution historique du concept de la respiration ? Mettre en évidence des similarités entre le développement des individus et l’évolution historique des concepts peut présenter un intérêt important dans l’identification d’obstacles épistémologiques chez les élèves. Ce parallélisme existe-t-il ? Dans le domaine des sciences, la question est complexe, peut-être davantage encore que dans le domaine mathématique, par exemple. En effet, cette comparaison peut être brouillée par plusieurs facteurs : - Au cours de l’histoire, des notions ont été découvertes tardivement non parce qu’elles constituaient des obstacles cognitifs importants, mais parce que les savants ne disposaient pas de techniques suffisantes pour les observer 1 (voir par exemple, la mise en évidence de l’anatomie de l’appareil respiratoire). - Par ailleurs, les conceptions des élèves en sciences, plus que dans d’autres matières, sont influencées non seulement par l’enseignement, mais aussi par une médiatisation importante et la possibilité d’y avoir accès (émissions de télévision, sites Internet, CD-rom, ...). - Enfin, nos analyses ont porté sur un échantillon d’élèves réparti sur une période d’enseignement limitée pour les besoins de la recherche à cinq années (de la 4e primaire à la 2e secondaire), avec des élèves différents pour chaque niveau scolaire considéré. Cependant, les tendances générales qui viennent d’être développées peuvent certainement présenter certaines congruences avec la synthèse réalisée sur l’histoire de la respiration 2 . Voici pour chaque facette du système respiratoire envisagée (fonction-localisation-mécanismes), les comparaisons qui émergent de nos données. Fonction de la respiration Historiquement : Pendant des siècles, les savants ont pensé que la respiration servait à refroidir la chaleur interne du corps. L’idée de la respiration qui sert à produire de l’énergie est très récente puisqu’elle date du XIXe siècle. Dans notre échantillon : Aucun élève ne pense que la respiration sert à refroidir le corps ; or c’était une proposition reprise dans la question à choix multiple portant sur la fonction de la respiration. Les élèves qui pensent que la respiration sert à apporter de l’oxygène aux organes sont essentiellement ceux de 2e secondaire. Certains élèves plus jeunes présentent également cette conception, mais sont nettement moins nombreux. Par contre, beaucoup d’entre eux pensent que la respiration sert à faire battre le cœur. Localisation de la respiration Historiquement : Durant l’Antiquité, les savants pensaient que le lieu de réception du souffle était le cœur. Ensuite, pendant 3 siècles (du XVIIe au XIXe siècle), et grâce aux progrès de l’anatomie, les poumons ont été le centre de la respiration. Actuellement c’est au niveau cellulaire que sont situés les phénomènes de la respiration. Dans notre échantillon : - Pour beaucoup d’élèves, l’air (ou l’oxygène) doit passer par le cœur. Cette représentation diminue au fur et à mesure qu’on progresse dans le cursus scolaire. Il semble donc qu’à ce niveau un certain parallélisme puisse être effectué avec l’évolution historique du concept de respiration. - La localisation de la respiration aux poumons est également très répandue chez les élèves et principalement au primaire. On peut dire que cette représentation se partage avec celle situant la respiration au cœur. Cette centration de la respiration aux poumons semble également correspondre à une étape de l’histoire. Cependant, l’évolution «cœur - poumons – cellules» observée au fil des siècles ne se retrouve pas telle que chez les élèves ; on observe plutôt une évolution en deux temps avec tout d’abord, la localisation au cœur ou aux poumons (bien présente chez les plus jeunes), puis la localisation aux organes ou aux cellules (fort répandue chez les élèves de 2e secondaire). Bulletin d’informations pédagogiques Janvier 2004 - N° 55 25
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