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les civils en picardie pendant la grande guerre journal d'un ... - Epagny

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Ils sont passés, ont demandé de l’eau, et n’ont ri<strong>en</strong> dit, ri<strong>en</strong> fait de terrible, <strong>en</strong> passant <strong>la</strong><br />

ferme.<br />

Cette fois plus de doute : voici un peloton de casque à pointe. La panique repr<strong>en</strong>d de plus belle.<br />

On se cache, on craint à tout mom<strong>en</strong>t de voir le grand portail de <strong>la</strong> ferme défoncé et l’irruption<br />

de guerriers terrib<strong>les</strong> dans <strong>les</strong> cours se demandant <strong>la</strong> raison de ce grand rassemblem<strong>en</strong>t,<br />

brutalisant femmes et <strong>en</strong>fants, tuant <strong>les</strong> hommes, qui sait. Je ne me souvi<strong>en</strong>s plus exactem<strong>en</strong>t<br />

de ce que moi, j’ai imaginé à ce mom<strong>en</strong>t là. Je me souvi<strong>en</strong>s seulem<strong>en</strong>t que c’était terrible.<br />

"Cacher <strong>les</strong> <strong>en</strong>fants ! Que <strong>les</strong> jeunes g<strong>en</strong>s pass<strong>en</strong>t dans <strong>les</strong> jardins !"<br />

P<strong>en</strong>dant ce temps-là, grand’mère déjà à demi impot<strong>en</strong>te à cette époque et toujours à sa p<strong>la</strong>ce,<br />

seule <strong>en</strong> haut d’un grand chariot déserté. Jeanne et moi ne pouvant guère l’aider à desc<strong>en</strong>dre,<br />

ils sont si hauts. Nous cherchons un homme de bonne volonté. Hé<strong>la</strong>s, personne, <strong>la</strong> cour se vide.<br />

Tout le monde est prêt à se dévouer mais personne ne voit plus très bi<strong>en</strong> ce qu’il doit faire. On<br />

fuit, on se cache, on se tait, c’est tout. Toujours poussés par <strong>les</strong> autres à disparaître de cette<br />

vaste cour dangereuse, nous fuyons comme <strong>les</strong> autres dans <strong>les</strong> jardins. Grand’mère, résignée<br />

et priant et maint<strong>en</strong>ant presque seule dans <strong>la</strong> cour.<br />

A tout mom<strong>en</strong>t, des femmes croi<strong>en</strong>t <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre des bruits d’armes. On écoute, au dehors, <strong>les</strong> pas<br />

des chevaux de <strong>la</strong> cavalerie qui défile. On cherche à reconnaître <strong>la</strong> direction qu’elle pr<strong>en</strong>d. Un<br />

avion allemand évolue à faible altitude, il faut maint<strong>en</strong>ant se cacher sous <strong>les</strong> app<strong>en</strong>tis, <strong>les</strong> haies<br />

des fusains, de troènes. De temps <strong>en</strong> temps, on <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d de nouveau « <strong>en</strong> voilà <strong>en</strong>core ! ». Et<br />

l’on craint <strong>en</strong> <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> plein vil<strong>la</strong>ge. Même <strong>les</strong> <strong>en</strong>fants sembl<strong>en</strong>t s<strong>en</strong>tir le danger, aucun<br />

ne pleure tout haut. L’instinct de conservation fait agir <strong>en</strong> commun des personnes qui ne<br />

s’étai<strong>en</strong>t données aucun mot d’ordre, a qui aucune recommandation n’avait été faite tant on<br />

était loin d’imaginer une pareille surprise.<br />

Vers trois heures de l’après midi, le calme comm<strong>en</strong>ce à ce faire dans <strong>la</strong> ferme, mais on se<br />

cache toujours. Rev<strong>en</strong>us dans <strong>la</strong> cour, nous retrouvons grand’mère toujours perchée sur son<br />

chariot. Deux hommes cons<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t <strong>en</strong>fin à l’aider à desc<strong>en</strong>dre. Quelle joie de se retrouver tous<br />

sains et saufs après avoir craint le pire. La presque totalité des g<strong>en</strong>s prés<strong>en</strong>ts s’<strong>en</strong>tass<strong>en</strong>t alors<br />

dans une <strong>grande</strong> cuisine dont l’unique f<strong>en</strong>être donne sur <strong>la</strong> cour, ce qui empêche d’être vu du<br />

dehors. On craint toujours une apparition de <strong>la</strong>nces et de pistolets. Une femme poitrinaire se<br />

trouve mal, ajoutant une note de plus à <strong>la</strong> tristesse du mom<strong>en</strong>t. Les <strong>en</strong>fants effrayés par <strong>la</strong><br />

panique de leurs aînés se cach<strong>en</strong>t dans <strong>les</strong> cuviers restés dans l’arrière cuisine.<br />

P<strong>en</strong>dant ce temps, des vil<strong>la</strong>geois sont restés sur le pas de leur porte. Ils ont donné de l’eau aux<br />

allemands. Ceux ci comm<strong>en</strong>c<strong>en</strong>t à nous paraître un peu moins terrib<strong>les</strong> que nous l’avions<br />

supposé.<br />

Petit à petit, on comm<strong>en</strong>ce à se rassurer et l’on p<strong>en</strong>se <strong>en</strong>fin à regagner sa maison. Maint<strong>en</strong>ant,<br />

pourquoi quitter le vil<strong>la</strong>ge ? Mais on frémit <strong>en</strong> p<strong>en</strong>sant qu’il va falloir croiser des prussi<strong>en</strong>s avant<br />

de retrouver sa porte.<br />

Une voisine Jeanne et moi nous <strong>en</strong>hardissons à gagner <strong>la</strong> terrasse du jardin pour voir des<br />

allemands de loin et de haut avant de <strong>les</strong> affronter sur <strong>la</strong> route. De là découvrons <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce, et<br />

quelqu’un nous fait remarquer que <strong>les</strong> vitres du bureau de tabac ont été brisées. Notre peur se<br />

ravive, d’autant plus qu’une personne nous assure qu’ils se sont montrés méchants dans<br />

plusieurs boutiques.<br />

Nous nous p<strong>en</strong>chons pour voir le plus loin possible, car depuis que nous sommes là, nous<br />

n’avons pas <strong>en</strong>core vu un seul uniforme gris. Nous apercevons alors au bout du chemin qui<br />

longe <strong>la</strong> ferme, un groupe de cavaliers qui s’éloign<strong>en</strong>t. Nous <strong>en</strong> profitons pour <strong>les</strong> regarder à<br />

notre aise. Maint<strong>en</strong>ant, il nous faut nous résigner à quitter <strong>la</strong> ferme. Nous rejoignons<br />

grand’mère et après <strong>en</strong>core un bon quart-heure d’hésitation, nous sortons, remportant nos<br />

volumineux paquets. Nous avons le frisson à chaque apparition de soldats. Quand nous<br />

rejoignons <strong>la</strong> grand’route, un peloton assez important de cavaliers nous apparaît. Vite, nous<br />

<strong>en</strong>trons dans <strong>la</strong> cour de l’aubergiste. Là <strong>en</strong>core notre peur se ravive nous découvrons une<br />

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