Expédition 2005
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L’HISTORIQUE<br />
Clipperton : Février – Mars <strong>2005</strong><br />
C’est en novembre 2002 que j’ai reçu un mail de<br />
Jean Louis Etienne me proposant de participer à<br />
une expédition sur Clipperton et me demandant<br />
de rédiger un descriptif de ce que je pourrais<br />
faire sur l’atoll. J’étais à ce moment à Mayotte et<br />
dès mon retour, je rédigeai un projet basé sur<br />
les cyanobactéries en proposant A Couté<br />
comme coéquipier pour cette aventure.<br />
C’est en 2004 que les choses ont vraiment<br />
avancé et que Patrice Cayré et A Sournia m’ont<br />
demandé de rédiger une demande de<br />
financement à la fondation Total incluant 5<br />
actions de l’IRD portées par 10 chercheurs dont<br />
2 du Muséum. Je rajoutai dans le projet une<br />
partie de chimie en incluant Martine Rodier dans<br />
cette expédition.<br />
La fondation accepta notre demande<br />
intégralement et les 5 équipes purent préparer<br />
activement cette expédition. J’ai pu rencontrer 2<br />
fois JL Etienne à Paris pour régler certains<br />
détails.<br />
LE VOYAGE JUSQU'A CLIPPERTON :<br />
Départ de Marseille à 6h30. Je retrouve Alain<br />
Couté en salle d’embarquement ainsi que 6<br />
« touristes » qui viendront séjourner pendant 2<br />
jours sur Clipperton. Le voyage dure 12h jusqu’à<br />
Mexico. Nous arrivons à Acapulco à 20h30 où<br />
nous sommes attendus par Alain de 7 ème<br />
Continent (entreprise de Jean-Louis Etienne). Il<br />
nous apprend que Martine Rodier ne pourra pas<br />
venir à cause des grèves à Nouméa.<br />
Nous découvrons le Rara Avis, une magnifique<br />
goélette de 3 mâts et 30 m de longueur. Nous<br />
embarquons et retrouvons Philippe Lebaron<br />
microbiologiste à la station biologique de<br />
Loïc Charpy, 7/04/05<br />
Banyuls et une étudiante israélienne, Hila<br />
Elifantz qui fait son PHD à l'Institut<br />
Océanographique de Lewes (Delaware, USA)<br />
Nous dînons à bord et c’est l’appareillage.<br />
Le lendemain, il fait très beau et tout au long de<br />
la journée, nous pouvons observer des tortues,<br />
des fous en vol et des fous posés sur des<br />
tortues. Nous faisons connaissances avec<br />
l’équipage et avec nos compagnons touristes<br />
qui ne passeront que 2 jours et une nuit sur<br />
Clipperton.<br />
Nous apprenons par la messagerie du bord que<br />
Martine Rodier rejoindra Clipperton à la<br />
prochaine rotation.<br />
Les voiles sont hissées et le voilier devient<br />
magnifique. En fin d’après midi, nous pêchons<br />
un beau voilier du Pacifique de 2,5 m et 23 kg.<br />
Que de voiliers !<br />
Les oiseaux marins sont de plus en plus<br />
nombreux et squattent les haubans du voilier.<br />
C’est le début d’une pluie de déjections<br />
blanches. Le temps est couvert et nous sommes<br />
entre 2 dépressions. A la radio, nous apprenons<br />
qu’il fait mauvais temps à Clipperton.<br />
1
Les 3 scientifiques présentent un diaporama aux<br />
« touristes » sur leurs activités prévues sur l’île.<br />
ARRIVEE SUR CLIPPERTON<br />
Le 7 février au matin, Clipperton est en vue. Le<br />
gros rocher volcanique apparaît en premier.<br />
Nous débarquons vers 11h en surfant sur les<br />
vagues. Tout se passe sans problème et nous<br />
passons 1h à décharger la lancha et les zodiacs.<br />
Le camp de base est à 1,5 km du lieu de<br />
débarquement et nous y allons à pied pendant<br />
que 2 quads tirant des remorques transportent<br />
le matériel. Des milliers de fous volent ou sont<br />
posés sur le sol. Des adultes, des juvéniles et<br />
des poussins.<br />
Le camp est très hétéroclite : Des grandes<br />
tentes blanches pour les dortoirs, un réfectoire<br />
en bois, les laboratoires sont des tentes mais il<br />
manque l’armature métallique, un oubli. Une<br />
tente est réservée aux communications et<br />
Internet, cela fonctionne parfaitement. Une tente<br />
sert d’atelier avec une personne, Gérard Guérin,<br />
qui sait tout faire.<br />
2
L’équipe de tournage de Gédéon est installée<br />
dans des tentes igloos.<br />
Jean-Louis et sa famille dans une petite maison<br />
en bois face à l’océan.<br />
Certaines personnes dorment sur des hamacs<br />
avec une simple bâche au dessus. D’autres se<br />
sont construits une cabane de bric et broc.<br />
Nous retrouvons des collègues de l’IRD : John<br />
Butcher, Thierry Corrège et son thésard,<br />
Timothée Ourbak, qui repartent demain. Nous<br />
faisons connaissance avec un spécialiste des<br />
reptiles Ivan Ineich du MNHN, l’équipe de 7 ème<br />
Continent ainsi que les cinéastes et preneurs de<br />
son de Gédéon.<br />
Nous commençons à déballer et préparer notre<br />
équipement.<br />
L’EXTERIEUR DE L’ATOLL<br />
Notre objectif est d’évaluer la diversité du<br />
phytoplancton et du phytobenthos avec un<br />
intérêt particulier pour les cyanobactéries et les<br />
dinoflagellés toxiques.<br />
Les plongées se font sous la direction de Jean<br />
Claude Brive. Le matériel de plongée et<br />
l’embarquement se font à port Jawen où se<br />
trouvent ancrées 2 Bombards Pro de 6 m,<br />
équipés de Yamaha 40 CV Enduro. Une barque<br />
de 7 m, ancrée à l’extérieur est aussi disponible.<br />
A chaque embarcation est affectée un pilote qui<br />
a l’expérience pour franchir les déferlantes. En<br />
pratique, nous ne pouvons réaliser qu’une seule<br />
plongée par jour.<br />
Alain Couté plongera en binôme avec moi.<br />
LE LAGON<br />
Nos objectifs sont :<br />
Caractériser les eaux du lagon<br />
Mesurer et caractériser la biomasse<br />
phytoplanctonique<br />
Mesurer les flux d’azote et de phosphore<br />
Mesurer la biomasse du zooplancton et<br />
celle des virus<br />
Caractérisation des eaux lagonaires<br />
Nous nous sommes particulièrement intéressés<br />
aux fosses lagonaires. Nous avons dû effectuer<br />
un certain nombre de relevés bathymétriques<br />
car les sondes portées sur les cartes<br />
disponibles se sont avérées souvent inexactes.<br />
Notamment concernant le fameux trou sans<br />
fond où nous n’avons jamais trouvé plus de 37<br />
m que ce soit à l’écho sondeur ou à la sonde<br />
manuelle.<br />
Le trou sans fond a un périmètre de 710 m<br />
(isobathe 2 m). Il présente une cuvette de 439 m<br />
de périmètre (isobathe 30 m) dont la profondeur<br />
va de 30 m à 37 m.<br />
Nous avons plongé trois fois dans le trou sans<br />
fond jusqu’à 37 m.<br />
Nous avons réalisé 54 profils de T°, salinité, O2<br />
dissous, pH et potentiel redox avec notre sonde<br />
YSI 600XM.<br />
3
Nous avons analysé les sels nutritifs, la matière<br />
organique dissoute et les teneurs des eaux en<br />
métaux (Fer, argent et or).<br />
Biomasse et production primaire<br />
Nous avons surtout étudié la couche oxygénée<br />
des 13 premiers mètres et P Lebaron et Hila<br />
Elifantz la couche plus profonde, royaume des<br />
bactéries sulfato réductrices.<br />
La biomasse planctonique prélevée à la<br />
bouteille Niskin ou par trait de filet était<br />
observée au microscope. Des mesures globales<br />
de biomasse phytoplanctonique étaient<br />
réalisées en mesurant la quantité de<br />
chlorophylle de différentes classes de taille.<br />
Des échantillons étaient fixés et congelés dans<br />
l’azote liquide pour des analyses en cytométrie<br />
en flux et génétique.<br />
Flux d’azote et de carbone<br />
Nous avons mesuré la production primaire et la<br />
fixation d’azote des organismes de la couche<br />
saumâtre en incubant de l’eau en présence de<br />
15<br />
N2 et de 13 C pendant 24 h.<br />
Zooplancton et virus<br />
Nous avons effectué des traits de filet à<br />
zooplancton (100 µm de taille de maille)<br />
horizontaux à différentes heures de la journée.<br />
Les échantillons pour le dénombrement des<br />
virus ont été fixés au formol 4%.<br />
CONCLUSIONS PRELIMINAIRES<br />
De nombreuses analyses sont en cours, mais<br />
nous pouvons déjà donner un certain nombre de<br />
conclusions préliminaires.<br />
L’extérieur de l’atoll<br />
L’extérieur de l’atoll est très pauvre en nombre<br />
d’espèce d’invertébrés et de poissons, mais<br />
celles qui sont présentes sont très abondantes.<br />
Les coraux sont florissants et ne présentent pas<br />
de signe de blanchissement.<br />
Sur l’ensemble de nos plongées, nous<br />
trouverons peu de mattes à cyanobactéries,<br />
nettement moins que dans les îles de l’océan<br />
indien ou les atolls de Polynésie.<br />
Par contre, nous avons récolté des dinoflagellés<br />
potentiellement toxiques.<br />
Le lagon<br />
Le lagon de Clipperton a subi une catastrophe<br />
écologique majeure lorsque sa communication<br />
avec l’océan a été fermée, probablement à<br />
cause d’un cyclone. On peut apercevoir le lieu<br />
de l’ancienne passe près du rocher.<br />
En effet, les eaux lagonaires qui devaient avoir<br />
une salinité proche de celle de l’océan (35 psu)<br />
se sont peu à peu dessalées à cause d’un bilan<br />
précipitation / évaporation >1. Cette dessalure a<br />
entraîné la mort des organismes marins<br />
notamment les coraux.<br />
Actuellement on observe une couche d’eau<br />
saumâtre (5psu) dans les 13 premiers mètres.<br />
Dans les fosses plus profondes, on trouve l’eau<br />
de mer résiduelle (35psu) qui ne se mélange<br />
pas avec l’eau de surface. Au fond, on observe<br />
une couche détritique de plus de 2 m<br />
d’épaisseur.<br />
La couche d’eau superficielle est très productive<br />
grâce au guano riche en azote et phosphore<br />
produit par les oiseaux marins qui s’alimentent<br />
dans l’océan et viennent nicher sur Clipperton.<br />
4
Cependant, les concentrations en azote et<br />
phosphore de l’eau ne sont pas très élevées car<br />
ces éléments sont assimilés activement par les<br />
producteurs primaires.<br />
Le phytoplancton est très abondant dominé par<br />
un dinoflagellé, Peridiniopsis cristatum,<br />
endémique du lagon de Clipperton, mais aussi<br />
par de longues cyanobactéries filamenteuses.<br />
Les plantes marines couvrent une bonne partie<br />
du lagon et enrichissent l’eau en oxygène.<br />
La production primaire planctonique est<br />
consommée par des ciliés et du zooplancton,<br />
mais le réseau trophique semble s’arrêter au<br />
zooplancton.<br />
En effet, on ne trouve pratiquement pas de<br />
poissons ni de macrofaune benthique.<br />
Dans les fosses, l’eau de mer ne contient plus<br />
d’oxygène et est saturée en hydrogène sulfuré<br />
(H2S).<br />
Depth (m)<br />
0<br />
10<br />
20<br />
30<br />
40<br />
50<br />
24 25<br />
T°<br />
26 27 28<br />
FO_16h<br />
T°<br />
Salinity<br />
0 10 20 30 40<br />
Salinity<br />
C’est dans ces fosses que se déroule la<br />
reminéralisation de la matière organique morte à<br />
la suite de la dessalure et de la matière<br />
organique produite dans la couche superficielle<br />
et qui n’est pas ingérée. Cette reminéralisation a<br />
consommé tout l’oxygène de l’eau et ce sont<br />
des bactéries sulfato réductrices qui continuent<br />
ce processus en produisant de l’H2S. Ces<br />
fosses sont des digesteurs microbiens dont<br />
l’activité est suffisamment importante pour<br />
augmenter de 1 à 2°C la température de l’eau.<br />
Le lagon de l’atoll de Niau en Polynésie<br />
ressemble beaucoup à celui Clipperton.<br />
Cependant, il a du être isolé de l’océan depuis<br />
beaucoup plus longtemps et des poissons se<br />
sont installés dans le lagon représentant une<br />
ressource appréciable pour les habitants.<br />
L’exemple de Clipperton montre ce qu’il<br />
adviendrait à un atoll ouvert vers l’océan qui se<br />
fermerait à la suite d’une catastrophe naturelle.<br />
Nous avons participé à la réalisation d’une carte<br />
haute définition de l’île de Clipperton.<br />
5